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MODIFICATION DE L'ORDRE DU JOUR

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. Jean-François Copé, secrétaire d'Etat aux relations avec le Parlement, porte-parole du Gouvernement, la lettre suivante :

« Monsieur le Président,

« J'ai l'honneur de vous informer que, en application de l'article 48 de la Constitution et de l'article 29 du règlement du Sénat, le Gouvernement modifie comme suit l'ordre du jour du mercredi 8 octobre, l'après-midi et le soir :

« Suite du projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité ;

« Projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration et au séjour des étrangers en France ;

« Je vous prie d'agréer, monsieur le Président, l'expression de mes sentiments les meilleurs.

« Signé : Jean-François COPÉ »

Acte est donné de cette communication et l'ordre du jour du mercredi 8 octobre sera ainsi modifié.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt et une heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures quinze, est reprise à vingt et une heures trente, sous la présidence de M. Serge Vinçon.)

PRÉSIDENCE DE M. SERGE VINÇON

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

12

EVOLUTIONS DE LA CRIMINALITÉ

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l'article 29 A.

Section 3

Dispositions relatives aux personnes convoquées

recherchées ou gardées à vue au cours de l'enquête

Art. 28 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 29 B

Article 29 A

M. le président. « Art. 29 A. - Le troisième alinéa de l'article 63-1 du code de procédure pénale est complété par les mots : « , le cas échéant au moyen de formulaires écrits ». - (Adopté.)

Art. 29 A
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 29 C

Article 29 B

M. le président. « Art. 29 B. - L'article 75-2 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 75-2. -L'officier de police judiciaire qui, dans le cadre d'une enquête préliminaire concernant un crime ou un délit, identifie une personne à l'encontre de laquelle existent des indices laissant présumer qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction sur laquelle porte l'enquête, en avise le procureur de la République dans les meilleurs délais. »

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 119 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 340 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 119.

M. François Zocchetto, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. L'Assemblée nationale a souhaité, lorsqu'un suspect est identifié, que le procureur de la République soit prévenu « dans les meilleurs délais » et non plus « sans délai ». Cette dernière disposition n'avait pourtant pas suscité de difficultés d'application.

Il paraît préférable d'éviter de modifier ce type de formulation pour que la jurisprudence ne soit pas trop instable. Voilà pourquoi la commission souhaite que le procureur de la République soit prévenu « sans délai ».

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 340.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Monsieur le président, plusieurs amendements de ce type ont été déposés par la commission des lois. Nous nous en félicitons, car nous n'avons pas compris pourquoi celui qui est chargé de surveiller la garde en vue ne pourrait pas en être prévenu dès le début, à défaut de quoi, bien évidemment, il ne pourrait pas la surveiller !

Par conséquent, chaque fois que la commission proposera de maintenir des dispositions actuelles avec les mots « sans délai », plutôt que d'adopter la formule « dans les meilleurs délais », qui ne veut rien dire, nous la suivrons, et ce d'autant plus que, le plus souvent, nous avons déposé des amendements identiques.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux, ministre de la justice. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je note avec intérêt que M. le garde des sceaux s'en rapporte à la sagesse du Sénat. Mais fera-t-il la même chose à l'Assemblée nationale dans le cas où celle-ci maintiendrait son point de vue ? Nous aimerions le savoir, car nous voulons le convaincre de porter notre message devant l'Assemblée nationale et de tenter à son tour de convaincre les députés du fait que le point de vue du Sénat doit, en définitive, l'emporter.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je ne sais si le fait que le Gouvernement s'en remette à la sagesse du Sénat sera l'argument le plus efficace qui soit devant l'Assemblée nationale. En revanche, nous pouvons, au cours d'une discussion avec M. le rapporteur de l'Assemblée nationale, préparer le débat de façon que les choses se passent comme vous le souhaitez.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Merci, monsieur le ministre.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 119 et 340.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 29 B est supprimé.

Art. 29 B
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Art. 29

Article 29 C

M. le président. « Art. 29 C. - L'article 77-3 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 77-3. - Lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du procureur de la République du tribunal de grande instance dans le ressort duquel la garde à vue a été réalisée, celui-ci adresse dans les meilleurs délais la demande mentionnée à l'article 77-2 au procureur de la République qui dirige l'enquête. »

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 120 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 341 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 120.

M. François Zocchetto, rapporteur. L'article 29 C tend à prévoir que, en cas d'interrogation du procureur sur les suites données à une enquête après une garde à vue, lorsque l'enquête n'a pas été menée sous la direction du procureur du tribunal dans le ressort duquel la garde à vue a été réalisée, celui-ci adresse sa demande « dans les meilleurs délais » au procureur qui dirige l'enquête. Là encore, la commission préfère en rester à la formulation « sans délai ».

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter l'amendement n° 341.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je n'ai rien à ajouter aux propos de M. le rapporteur.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 120 et 341.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 29 C est supprimé.

Art. 29 C
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Art. 29 bis

Article 29

M. le président. « Art. 29. - I. - La deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est ainsi rédigée :

« L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique les personnes visées à l'article 61. Il peut également contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation. »

« II. - Supprimé.

« III. - La deuxième phrase du premier alinéa de l'article 78 du même code est ainsi rédigée :

« L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation. »

L'amendement n° 342, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Au début de la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article 62 du code de procédure pénale, supprimer le mot : "également". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le texte proposé par l'article 29 pour la deuxième phrase du deuxième alinéa de l'article 62 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« L'officier de police judiciaire peut contraindre à comparaître par la force publique les personnes visées à l'article 61. Il peut également contraindre à comparaître par la force publique, avec l'autorisation préalable du procureur de la République, les personnes qui n'ont pas répondu à une convocation à comparaître ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation. »

Il y a lieu, selon nous, de supprimer l'adverbe « également », qui ne se justifie pas dans la mesure où les deux phrases ne visent pas la même chose. Il s'agit là d'une question de forme.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission a bien saisi qu'il s'agissait d'un amendement rédactionnel. Il lui paraît plus clair de maintenir l'adverbe « également » dans l'énumération des cas. Elle émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 342.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Il émet également un avis défavorable.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je retire l'amendement n° 342.

M. le président. L'amendement n° 342 est retiré.

M. le président. L'amendement n° 343, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« A la fin de la seconde phrase du texte proposé par le I de cet article pour modifier l'article 62 du code de procédure pénale, supprimer les mots : "ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation". »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il serait parfaitement subjectif de préjuger la mauvaise volonté de la personne que l'on veut entendre et que l'on convoque à comparaître. Voilà pourquoi nous demandons la suppression des mots : « ou dont on peut craindre qu'elles ne répondent pas à une telle convocation ».

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission émet un avis défavorable sur cet amendement, qui tend à réduire la portée des dispositions permettant aux officiers de police judiciaire de contraindre certaines personnes à comparaître.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Par la force publique !

M. François Zocchetto, rapporteur. Il nous paraît au contraire nécessaire de prévoir la possibilité de faire comparaître les personnes qui risqueraient de ne pas répondre à une convocation.

Je rappelle, s'il en était besoin, que cette procédure est placée sous le contrôle du procureur de la République.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Comment saura-t-on que telle ou telle personne pourrait ne pas répondre à une convocation ? Cette disposition pourrait être appliquée à tout le monde dans la mesure où elle ne repose sur aucun critère objectif !

Je ne suis vraiment pas convaincu - c'est le moins qu'on puisse dire - par les explications qui viennent d'être données. Il s'agit là de l'emploi de la force publique, ce qui est tout de même à éviter lorsque l'on veut entendre des gens qui sont non pas arrêtés, mais simplement convoqués.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 343.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 29.

(L'article 29 est adopté.)

Art. 29
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Art. additionnels après l'art. 29 bis

Article 29 bis

M. le président. « Art. 29 bis. - La dernière phrase du premier alinéa de l'article 63 et la deuxième phrase du premier alinéa de l'article 77 du code de procédure pénale sont ainsi rédigées :

« Sauf en cas de circonstance insurmontable, il en informe dans les meilleurs délais le procureur de la République. »

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 121 est présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 344 est présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 121.

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons déjà évoqué, plus ou moins directement, cet amendement. En effet, il s'agit de savoir si le procureur de la République, lors des gardes à vue, est informé dans les meilleurs délais sauf en cas de circonstances insurmontables, comme le souhaite l'Assemblée nationale, ou dès le début, comme le précise la rédaction actuelle à laquelle se rallie la commission des lois.

Je ferai quelques remarques sur ce point important.

En dix ans, la rédaction de ce texte a déjà changé trois fois. Il n'est donc pas souhaitable de prévoir une nouvelle formule.

Par ailleurs, j'ai dit et redit que, selon nous, c'était le procureur qui devait diriger l'enquête, diriger la police judiciaire. Il est donc normal, si l'on veut qu'il ait la responsabilité de l'enquête, qu'il soit informé dès le début de la garde à vue de cette mesure prise par l'officier de police judiciaire.

J'ajoute que l'information peut être faite par tout moyen ; ainsi, actuellement, la télécopie est le moyen le plus couramment employé, mais je crois qu'un appel téléphonique serait aussi valable. En effet, la Cour de cassation a interprété avec souplesse le texte actuel, en tenant compte des circonstances qui peuvent s'opposer à une information immédiate ; il n'y a donc vraiment pas lieu de changer la rédaction.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour défendre l'amendement n° 344.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Cet amendement est identique au précédent, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement s'en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques n°s 121 et 344.

(Les amendements sont adoptés.)

M. le président. En conséquence, l'article 29 bis est supprimé.

Articles additionnels après l'article 29 bis

Art. 29 bis
Dossier législatif : projet de loi portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité
Art. 29 ter

M. le président. Je suis saisi de deux amendements qui peuvent faire l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 346, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale sont supprimées. »

L'amendement n° 345, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« Le deuxième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale est ainsi modifié :

« I. - La deuxième phrase est complétée in fine par les mots : "après que la personne gardée à vue lui a été présentée ou a été présentée au juge d'instruction".

« II. - La troisième phrase est supprimée. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. L'amendement n° 346 vise à la suppression des deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale, en vue de limiter la durée de la garde à vue à vingt-quatre heures ; nous nous sommes suffisamment expliqué sur ce point, je crois.

J'en viens à l'amendement n° 345. Le deuxième alinéa de l'article 63 du code de procédure pénale dispose que le magistrat dont il s'agit, c'est-à-dire le procureur ou sans doute le juge d'instruction, peut subordonner l'autorisation de prolongation de la garde à vue à la présentation préalable de la personne gardée à vue.

Or, nous voulons, au contraire, en cas de prolongation de la garde à vue, que la personne gardée à vue soit obligatoirement présentée au procureur ou au juge d'instruction. Il est inadmissible que cela devienne une formalité sous prétexte que nous disposons des moyens insuffisants - c'est ce qui nous a été dit - pour amener l'intéressé au procureur ou au juge d'instruction ! On dit qu'il s'agit là d'une exception, alors que, en vérité, on compte bien en faire une règle. Cette hypocrisie est tout à fait inadmissible ! Voilà pourquoi nous avons déposé cet amendement !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Si j'ai bien compris, par l'amendement n° 346 M. Dreyfus-Schmidt voudrait limiter à vingt-quatre heures la durée de la garde à vue.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Oui !

M. François Zocchetto, rapporteur. Quant à l'amendement n° 345, j'ai compris également qu'il tendait à prévoir une présentation obligatoire à un magistrat de toute personne gardée à vue avant toute prolongation.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Tout à fait !

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous avons eu un très long débat la semaine dernière sur les gardes à vue - cela était justifié d'ailleurs -, je ne vais donc pas recommencer. Mais vous comprendrez aisément les raisons pour lesquelles la commission a émis un avis défavorable sur ces deux amendements.

Sans vouloir faire de polémique d'ailleurs, j'observe que, dans les années passées, sous un autre gouvernement, il n'y a jamais eu de proposition de ce type.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Mais si !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Le Gouvernement est défavorable à ces amendements.

Le texte que M. Dreyfus-Schmidt souhaite modifier aujourd'hui est, me semble-t-il, la loi de juin 2000,...

M. Jean-Jacques Hyest. Tout à fait !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. ... qui a été adoptée par vous, entre autres, monsieur Dreyfus-Schmidt ! C'est un fait avéré, comme l'on dit...

J'ajoute que si ces amendements étaient adoptés, ils seraient totalement en contradiction avec les dispositions adoptées jeudi dernier par le Sénat.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Le second argument est bien meilleur que le premier ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il n'est néanmoins pas bon, parce que, vous le savez, errare humanum est, perseverare diabolicum. J'espérais que vous ne continueriez pas dans l'erreur !

S'agissant de votre premier argument, vous m'obligez à répéter ce que j'ai dit et redit...

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Est-ce nécessaire ?

M. Michel Dreyfus-Schmidt. ... car, apparemment, cela n'a pas été retenu ! Vous affirmez que nous avons accepté cette mesure sous un gouvernement que nous soutenions, alors que j'ai, citations à l'appui, démontré que c'était faux ! J'ai même fait appel aux souvenirs de nos collègues qui avaient bien voulu nous soutenir. C'est parce que Mme Guigou s'est rendu compte que l'ensemble du Sénat était favorable à ce qu'il y ait une présentation obligatoire à un magistrat avant toute prolongation qu'elle nous a opposé l'article 40.

Alors, ne nous dites pas que nous avons accepté une telle mesure ! Nous avons au moins eu le mérite, même lorsque notre gouvernement refusait de nous entendre, dans un discours dont le moins que l'on puisse dire c'est qu'il est sensé et raisonnable, de lui résister. Nous aurions aimé que nos collègues qui nous avaient soutenus ce soir-là continuent de le faire aujourd'hui.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 346.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 345.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 347, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Après l'article 29 bis, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

« L'article 63-4 du code de procédure pénale est ainsi rédigé :

« Art. 63-4. - La personne qui fait l'objet d'une garde à vue peut, dès le début, demander à être accompagnée d'un avocat tout au long de cette dernière.

« Si elle n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Ce dernier est informé de cette demande, par tout moyen et sans délai.

« L'avocat désigné peut, par ailleurs, communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature de l'infraction recherchée.

« A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder 30 minutes, l'avocat présente, le cas échéant, des observations écrites qui sont jointes à la procédure.

« L'avocat ne peut faire état de son entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

« Cet entretien ne peut avoir lieu :

« - qu'après la vingtième heure lorsque l'enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs prévue par l'article 450-1 du code pénal, les infractions de proxénétisme ou d'extorsion de fonds aggravés prévues par les articles 225-7, 225-9, 312-2 à 312-5 et 312-7 du code pénal ou une infraction commise en bande organisée prévue par les articles 224-3, 225-8, 311-9, 312-6, 322-8 du code pénal. Le procureur de la République est dans les meilleurs délais informé par officier de police judiciaire qu'il est fait application des dispositions de l'alinéa précédent ;

« - qu'après la vingt-cinquième heure lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Il ne s'agit pas d'un article seulement subsidiaire.

Au premier alinéa, nous proposons que la personne qui fait l'objet d'une garde à vue puisse, dès le début, demander à être accompagnée d'un avocat tout au long de cette dernière.

La garde à vue répondant, vous le savez bien, à la religion de l'aveu, si le procureur n'a pas le temps de se déplacer pour venir surveiller ni de faire amener à lui celui dont il a accepté que la garde à vue soit éventuellement prolongée, il faut qu'il y ait un témoin. Celui-ci peut être l'avocat.

Il y a l'entretien, c'est une chose ; à telle et telle heure, c'est une autre chose. Mais j'aimerais que l'avocat puisse venir à tout moment, même sans pouvoir ouvrir la bouche, pour voir comment les choses se déroulent et quel est l'état, ne fût-ce que physique, de celui qui est son client.

L'amendement tend également à prévoir que si la personne qui fait l'objet d'une garde à vue « n'est pas en mesure d'en désigner un ou si l'avocat choisi ne peut être contacté, elle peut demander qu'il lui en soit commis un d'office par le bâtonnier. Ce dernier est informé de cette demande, par tout moyen et sans délai.

« L'avocat désigné peut, par ailleurs, communiquer avec la personne gardée à vue dans des conditions qui garantissent la confidentialité de l'entretien. » Contrairement aux craintes que beaucoup avaient, cela se fait parfaitement dans nos commissariats, je tiens à en témoigner.

« Il est informé par l'officier de police judiciaire ou, sous le contrôle de celui-ci, par un agent de police judiciaire de la nature de l'infraction recherchée.

« A l'issue de l'entretien dont la durée ne peut excéder trente minutes »... « L'avocat ne peut faire état de son entretien auprès de quiconque pendant la durée de la garde à vue.

« Cet entretien ne peut avoir lieu :

« - qu'après la vingtième heure, lorsque l'enquête a pour objet la participation à une association de malfaiteurs ». C'est un délai normal pour voir ce qui se passe alors que la garde à vue dure déjà depuis vingt heures !

« Le procureur de la République est informé dans les meilleurs délais par l'officier de police qu'il est fait application des dispositions de l'alinéa précédent. »

L'entretien ne peut avoir lieu qu'après « la vingt-cinquième heure lorsque la garde à vue est soumise à des règles particulières de prolongation », c'est-à-dire dans des délais tout de même décents et non inhumains, comme les soixante-douze heures que vous allez soutenir ou voter tout à l'heure !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement. Nous avons rappelé, la semaine dernière, le dispositif de la garde à vue tel que nous l'entendions et l'équilibre qui, selon nous, en résultait en termes de droits de la défense et de pouvoir des enquêteurs.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 347.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels après l'art. 29 bis
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Art. 29 quater

Article 29 ter

M. le président. « Art. 29 ter. - L'avant-dernier alinéa de l'article 63 et le troisième alinéa de l'article 77 du code de procédure pénale sont complétés par les mots et une phrase ainsi rédigée : "dans un délai qui ne peut excéder vingt heures. Pendant ce délai, elles ont le droit de faire prévenir un proche, d'être examinées par un médecin et de s'entretenir avec un avocat, dans les conditions prévues aux articles 63-2, 63-3 et 63-4". »

L'amendement n° 122, présenté par M. Zocchetto, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :

« Rédiger comme suit cet article :

« Il est inséré après l'article 803-1 du code de procédure pénale deux articles 803-2 et 803-3 ainsi rédigés :

« Art. 803-2. - Toute personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue à la demande du procureur de la République comparaît le jour même devant ce magistrat, ou, en cas d'ouverture d'une information, devant le juge d'instruction saisi de la procédure. Il en est de même si la personne est déférée devant le juge d'instruction à l'issue d'une garde à vue au cours d'une commission rogatoire, ou si la personne est conduite devant un magistrat en exécution d'un mandat d'amener ou d'arrêt.

« Art. 803-3. - En cas de nécessité et par dérogation aux dispositions de l'article 803-2, la personne peut comparaître le jour suivant et peut être retenue à cette fin dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés, à la condition que cette comparution intervienne au plus tard dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée, à défaut de quoi l'intéressé est immédiatement remis en liberté.

« Lorsqu'il est fait application des dispositions du présent article, la personne doit avoir la possibilité de s'alimenter et, à sa demande, de faire prévenir par téléphone une des personnes visées à l'article 63-2, d'être examinée par un médecin désigné conformément aux dispositions de l'article 63-3 et de s'entretenir, à tout moment, avec un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande, selon les modalités prévues par l'article 63-4.

« L'identité des personnes retenues en application des dispositions du premier alinéa, leurs heures d'arrivée et de conduite devant le magistrat ainsi que l'application des dispositions du deuxième alinéa font l'objet d'une mention dans un registre spécial tenu à cet effet dans le local où ces personnes sont retenues et qui est surveillé, sous le contrôle du procureur de la République, par des fonctionnaires de la police nationale ou des militaires de la gendarmerie nationale.

« Les dispositions du présent article ne sont pas applicables lorsque la personne a fait l'objet, en application des dispositions de l'article 706-88, d'une garde à vue ayant duré plus de soixante-douze heures. »

Le sous-amendement n° 478, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Au début du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 122 pour l'article 803-3 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "en cas de nécessité" par les mots : "en cas de circonstances insurmontables". »

Le sous-amendement n° 479, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 122 pour l'article 803-3 du code de procédure pénale, remplacer les mots : "dans un délai de vingt heures" par les mots : "dans un délai de dix heures". »

Le sous-amendement n° 480, présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, est ainsi libellé :

« Dans le deuxième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 122 pour l'article 803-3 du code de procédure pénale, après les mots : "avec un avocat désigné par elle ou commis d'office à sa demande", insérer les mots : "et ayant un accès au dossier". »

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 122.

M. François Zocchetto, rapporteur. Nous abordons ce que l'on appelle communément « le dépôt », qui existe au tribunal de grande instance de Paris et dans deux ou trois autres juridictions plus modestes.

L'Assemblée nationale a proposé de légaliser et de réglementer le temps qui s'écoule entre la fin d'une garde à vue et la présentation de la personne à un magistrat. Il n'est pas rare - malheureusement ! -, dans quelques juridictions que je viens de citer, que des personnes passent une nuit au dépôt avant leur présentation au procureur de la République.

Plutôt que de laisser perdurer, de façon assez hypocrite, une telle pratique, il paraît utile de la réglementer. Toutefois, le texte proposé par l'Assemblée nationale est insuffisamment précis. C'est pourquoi le présent amendement prévoit cinq dispositions.

En principe, la personne ayant fait l'objet d'un défèrement à l'issue de sa garde à vue doit être présentée au procureur de la République le jour même ; il paraît utile de le rappeler.

En cas de nécessité, cette présentation peut avoir lieu le lendemain. La personne est alors retenue dans les locaux de la juridiction adaptés à cette fin pour une durée qui ne peut excéder vingt heures. Pourquoi vingt heures ? Parce que la Cour de cassation a eu à se prononcer et a jugé que vingt heures pouvait être le délai maximal admissible.

La personne doit avoir le droit de s'alimenter, d'être examinée par un médecin, de faire prévenir un proche et de s'entretenir avec un avocat.

L'identité des personnes concernées, les heures d'arrivée et de départ, la mise en oeuvre de leurs droits doivent être mentionnées dans un registre spécial.

Enfin, ce point est important compte tenu des objections que vous aviez soulevées voilà quelques jours - le délai de vingt heures n'est pas applicable lorsque la garde à vue a duré plus de soixante-douze heures. Je vous avais annoncé cette mesure, qui fait l'objet de notre amendement.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est un progrès !

M. François Zocchetto, rapporteur. Il s'agit d'encadrer cette pratique du dépôt, de façon à éviter des dérives dans son utilisation et une pseudo-prolongation de la garde à vue, car la période de présentation, de défèrement, n'a rien à voir avec une garde à vue. La personne présumée auteur des faits est sous la responsabilité du magistrat et n'est plus sous celle de l'officier de police judiciaire.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour présenter les sous-amendements n°s 478, 479 et 480.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je m'étonne que ces sous-amendements soient appelés en discussion car nous avions demandé leur retrait.

En revanche, nous avions déposé un amendement n° 348, qui tendait à supprimer l'article 29 ter et qui n'est plus sur le dérouleur !

M. le président. Il a été retiré avant la séance.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Non ! Ce sont les sous-amendements qui devaient être retirés, et non l'amendement de suppression.

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est une erreur matérielle. Personne n'est parfait !

M. le président. La demande de retrait de l'amendement était pourtant signée par votre groupe !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. C'est une erreur. Je vous demande de nous en donner acte.

M. René Garrec, président de la commission des lois. C'est un péché véniel !

M. le président. Si nous en sommes tous d'accord, je considère les amendements n°s 478, 479 et 480 sont retirés et j'appelle donc en discussion l'amendement n° 348.

Présenté par MM. Badinter, Dreyfus-Schmidt, C. Gautier, Sueur et les membres du groupe Socialiste, apparenté et rattachée, il est ainsi libellé :

« Supprimer cet article. »

La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous avions retiré les sous-amendements précisément parce qu'ils étaient fondés sur le principe d'une période de défèrement pouvant s'ajouter à la garde à vue. Or il n'y a aucune justification à ce principe. Les durées de garde de vue, calculées de manière différente suivant les matières, sont déjà suffisamment longues pour que l'on ne rajoute pas de période supplémentaire de défèrement et pour que, dans le délai de la garde à vue, les personnes soient déférées devant un juge.

Il nous a été dit que cette mesure concernait uniquement le dépôt de Paris. Il n'y a pas de raison pour que ce dépôt continue à être une exception par rapport au reste de la France. Vous auriez au moins pu ajouter dans votre amendement les mots : « à Paris en cas de nécessité et par dérogation ».

En tout cas, il n'y a pas de raison pour que cette mesure s'applique au reste de la France. C'est pourquoi nous demandons fermement la suppression de cet article.

Par ailleurs, j'attire votre attention sur le fait que trente-six heures plus vingt heures, cela fait cinquante-six et non soixante-douze heures.

Enfin, dans quelles conditions, dans quel endroit, les personnes concernées seront-elles être gardées pendant ce délai de défèrement ? On n'en sait strictement rien !

Il est précisé qu'elles doivent avoir la possibilité de s'alimenter et qu'elles sont retenues dans des locaux spécialement aménagés de la juridiction. Je n'en connais pas beaucoup dans les juridictions françaises, et pourtant j'ai vu pas mal de tribunaux ! C'est vraiment inadmissible !

Monsieur le garde des sceaux, je vous pose la question sérieusement : dans quelle juridiction existe-t-il des locaux spécialement aménagés pour permettre aux personnes de dormir et de manger ? Il n'y en a pas !

M. Pierre Fauchon. On peut toujours dormir dans une salle d'audience. Cela s'est déjà vu !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Les fauteuils de notre hémicycle sont sûrement plus confortables que le banc réservé au prévenu.

Mes chers collègues, votre plaisanterie confirme mon propos.

La garde à vue, c'est la garde à vue, mais après la garde à vue, ce n'est plus la garde à vue !

M. Jean-Jacques Hyest. C'est vrai !

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Nous demandons la suppression pure et simple de l'article 29 ter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. François Zocchetto, rapporteur. Personne n'est favorable, me semble-t-il, à la pratique du dépôt.

Je crois savoir que, dans certains lieux - Paris, Nanterre, Bobigny et Créteil, mais M. le garde des sceaux pourra sans doute nous le confirmer - il existe des locaux spécialement adaptés pour retenir la personne pendant la période de défèrement. (M. le président de la commission des lois approuve.)

Monsieur Michel Dreyfus-Schmidt, comme vous je suis prêt à demander à M. le garde des sceaux de nous confirmer qu'il ne s'agit pas de généraliser cette pratique. Je ne doute pas qu'il le fera volontiers.

Simplement, comme sur d'autres points, nous devons ici regarder la réalité et constater que, pour des raisons matérielles de transport, pour retenir le flux de personnes concernées, un local est nécessaire les personnes pendant quelque temps.

Le minimum est bien sûr le mieux. Vingt heures, c'est ce qu'a admis la Cour de cassation qui avait été saisie sur le sujet. Eh bien ! Confirmons-le strictement par la loi et faisons en sorte que cette pratique ne connaisse pas de dérives.

M. René Garrec, président de la commission des lois. Très bien !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Je suis défavorable à l'amendement n° 348 pour les mêmes raisons que celles qui ont été présentées par M. le rapporteur. S'agissant de la situation actuelle, des locaux adaptés existent à Paris, Créteil et Bobigny.

En revanche, j'émets un avis favorable sur l'amendement de la commission.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Au moins, écrivez-le !

M. le président. La parole est à M. Robert Badinter, pour explication de vote sur l'amendement n° 122.

M. Robert Badinter. J'ai rappelé, à maintes reprises, que la garde à vue relève de textes fondamentaux : il s'agit là notamment de l'Habeas Corpus. C'est le texte le plus important de toutes les démocraties. Cela figure dans la Convention européenne des droits de l'homme et c'est présent dans notre héritage à tous : celui qui est interpellé doit être conduit devant un magistrat dans les meilleurs délais, à savoir vingt-quatre heures. Progressivement, avec les circonstances exceptionnelles, on est passé à quarante-huit heures. Et puis, cela deviendra le droit commun, et on arrivera à soixante-douze heures. Il s'agit d'une dérive absolue.

Dans le cas présent, la décision est prise au regard non plus déroulement de l'enquête - elle est finie - mais de convenances purement matérielles de ceux qui conduisent l'enquête, autrement dit pour une question de commodité.

Or il s'agit de quelqu'un qui n'a pas encore comparu devant un magistrat, donc qui est toujours présumé innocent. On est dans la présomption d'innocence au premier degré : il n'y a pas eu de mise en examen ou de citation à comparaître. C'est le citoyen qui est arrêté et dont la garde à vue est terminée, j'y insiste. L'article 803-2 est déjà le maximum de ce que l'on peut concevoir.

Que signifie l'expression « en cas de nécessité » ? S'agit-il de l'absence de locaux ou bien est-ce dû au fait que les magistrats n'ont pas la possibilité d'être présents ? Il s'agit, encore une fois, d'un citoyen dont la garde à vue est terminée. Il est dans une espèce de zone de non-droit : il n'est plus en garde à vue ; il n'est pas encore devant le magistrat. Certains amis me disaient que l'on pourrait au moins invoquer des circonstances insurmontables : la force majeure, une tempête de neige, des éléments déchaînés.

Je demande instamment que, en tout état de cause, on n'aille pas au-delà de l'article 803-2. Bien entendu, nous nous opposons à l'introduction de ces mesures. D'ailleurs, je me demande pourquoi elles figurent après l'article 803-1.

Pour quelle raison allons-nous insérer dans notre droit une disposition précisant qu'à l'issue de la garde à vue - ce n'est même plus le jour même ! - la personne peut être retenue dans des locaux de la juridiction spécialement aménagés » - lesquels ? - dans un délai de vingt heures à compter de l'heure à laquelle la garde à vue a été levée ?

M. Dreyfus-Schmidt avait raison ! Si vous rajoutez vingt heures aux trente-six heures de garde à vue, vous imaginez ce que cela veut dire pour la personne concernée : elle repart pour vingt heures ! Pourquoi ? Nul ne le sait, sinon par nécessité, appréciée au regard de qui, au nom de quoi, selon quelles garanties légales ? Est-ce l'état de droit que vous nous proposez ? Non, je ne peux pas croire que l'on maintienne cet article.

M. le président. La parole est à M. le garde des sceaux.

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Monsieur le sénateur, je ne peux pas vous laisser dire cela ! Ce sont les faits ! Ce que je propose, c'est que l'on réglemente une situation qui est inadmissible. Tel est l'objet de mon propos et de mon projet, et je ne vous permets pas de dire ce que vous avez dit. Le dépôt n'existait pas quand vous étiez garde des sceaux, monsieur Badinter ?

M. Robert Badinter. Je demande la parole.

M. le président. Vous avez épuisé votre temps de parole, monsieur Badinter !

M. Robert Badinter. Monsieur le garde des sceaux, vous ne pouvez pas dire : je ne vous permets pas. Vous n'êtes pas là pour me donner des leçons !

M. Dominique Perben, garde des sceaux. Vous non plus !

M. Robert Badinter. Je ne vous ai pas mis en cause personnellement. J'ai fait mention d'un état de droit. Et je le dis encore une fois : que vous reteniez l'article 803-2, je pourrais le concevoir.

M. le président. Monsieur Badinter, vous vous êtes déjà exprimé pour explication de vote. (Les propos de l'orateur ne sont plus audibles.)

La parole est à M. le rapporteur.

M. François Zocchetto, rapporteur. Cette disposition vise simplement à empêcher la dérive d'une pratique qui est aujourd'hui institutionnalisée. Il n'y a là rien de nouveau. Si les problèmes matériels étaient si faciles à résoudre, je ne doute pas que les gouvernements qui se sont succédé, quelle que soit leur tendance politique, auraient mis un terme à cette pratique. Si cela n'a pas été fait, c'est que ce n'était pas possible.

Pour notre part, nous préférons fixer des limites plutôt que d'assister, mois après mois, année après année, à une dérive dans l'utilisation de la période de rétention.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Si la situation était intenable, monsieur le garde des sceaux, à votre arrivée au ministère, votre devoir - puisque vous nous donnez des leçons, nous allons vous en donner aussi - était de faire en sorte que cela cesse. Et le moyen de mettre fin à cette situation, c'était non pas de régulariser la pratique, mais de donner des instructions pour que l'arbitraire cesse.

Vous répétez à satiété que des locaux spécialement adaptés n'existent qu'à Paris, Bobigny et Nanterre. Vous pourriez au moins le mentionner, de manière que tous les juristes de France et de Navarre qui consulteront le code de procédure pénale sachent que, en tout état de cause, ces mesures ne s'appliqueront pas ailleurs. Vous ne le dites pas ! Franchement, il n'y a aucune raison de voter ces dispositions. Il n'y a pas à se vanter de légaliser l'arbitraire ! En revanche, vous pourrez vous vanter d'avoir mis fin à l'arbitraire.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo, pour explication du vote.

Mme Nicole Borvo. Mon intervention sera brève, car je pense que l'essentiel a été dit. Je regrette de ne pas avoir déposé un amendement de suppression de cet article.

Monsieur le ministre, vous nous expliquez que vous voulez simplement réglementer ce qui existe. Je crois sincèrement que ce genre de légalisation aboutit, de fait, à généraliser des pratiques qui devraient, au contraire, cesser. On s'honorerait donc, comme on sait le faire quelquefois, à ne pas introduire cet article et à tenter de mettre fin à ce genre de pratiques.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 348.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu).

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes).


M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 5 :

Nombre de votants297
Nombre de suffrages exprimés297
Majorité absolue des suffrages149
Contre191

Je mets au voix l'amendement n° 122.

(L'amendement est adopté).

M. le président. En conséquence, l'article 29 ter est ainsi rédigé.