PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Premièrement, monsieur le ministre, je souhaite revenir sur le chiffre que vous avez donné tout à l'heure. Vous avez en effet déclaré qu'il y avait eu une réduction de 30 % des inégalités entre les collectivités. Je vous avais alors demandé d'où sortait ce chiffre et à quelle période il faisait référence.

Je vais vous donner la réponse, car tout doit être dit : ce chiffre, très connu, est extrait d'un rapport du Commissariat général du Plan, intitulé Effets redistributifs des dotations de l'Etat aux communes, dans lequel sont présentées des évolutions chiffrées pour la période 1994-1997. Une lecture attentive de ce rapport très intéressant nous apprend que la dotation forfaitaire de la DGF contribue à elle seule à 60 % de la réduction de 30 % des inégalités entre les collectivités.

Or, par définition, la dotation forfaitaire n'est pas péréquatrice puisqu'elle est forfaitaire. Quand bien même on voudrait la considérer comme péréquatrice, il faudrait lire avec attention ce qu'écrivent les auteurs de ce rapport, qui soulignent le caractère de plus en plus obsolète des éléments entrant dans le calcul de la dotation forfaitaire.

Les statistiques présentées dans ce rapport sont donc très connues et ont donné lieu à de nombreux débats avec leurs auteurs, MM. Guenguant et Gilbert. Toutefois, le rapport ne montre pas, malheureusement, que la question de la péréquation peut être écartée, au motif que ce chiffre de 30 % aurait une crédibilité s'agissant de l'ensemble des dotations de l'Etat aux collectivités locales.

Par conséquent, le pourcentage réel de réduction des inégalités entre les collectivités, quand la dotation forfaitaire est exclue du calcul pour les raisons que j'ai évoquées, est malheureusement bien inférieur.

Deuxièmement, monsieur le ministre, je ne suis pas d'accord avec vous lorsque vous dites que le passage de la dotation de développement rural, la DDR, à la DSR, constitue une amélioration. En effet, la DDR reposait sur l'intercommunalité et sur des projets portés par des communautés ayant un véritable impact sur le développement rural. Au contraire, malheureusement - je n'en fais d'ailleurs grief à personne, mais c'est la réalité -, la DSR se traduit, pour la majorité de son montant, par une dispersion de crédits très forte, puisque 32 000 à 33 000 communes perçoivent des sommes qui sont extrêmement modestes.

Troisièmement, monsieur le ministre, au moment même où vous inscriviez le mot « péréquation » dans la Constitution, celle-ci, comme M. Mercier le note dans son rapport sur la dernière loi de finances, diminuait effectivement entre 2003 et 2004. Nous pourrions d'ailleurs parfaitement en expliquer les raisons, mais ce n'est pas ici le lieu pour le faire. Par conséquent, il faut relativiser ce que vous avez bien voulu dire en réponse à nos propos.

Pour conclure, je crains que nous ne nous trouvions dans un phénomène perpétuel de fuite en avant. Lorsque nous avons demandé des précisions sur ces questions lors du débat sur le projet de loi constitutionnelle, vous nous avez répondu que cela ne relevait pas du niveau de la loi constitutionnelle. Nous allons examiner en deuxième lecture le projet de loi relatif aux responsabilités locales. Nous avons demandé des explications sur le financement au moment de la première lecture. Il nous a été dit que tel n'était pas le sujet et que ces questions seraient traitées dans un projet de loi organique.

Nous voici donc en train d'examiner ce texte aujourd'hui. A sa lecture, nous constatons que la part des ressources propres est déterminante « au sens de l'article 72-2 de la Constitution ». Or, quand nous nous rendons dans nos cantons, dans nos communes, dans nos départements, nous sommes bien en peine d'expliquer le contenu de la réforme : après la Constitution, après le présent projet de loi organique, après le projet de loi relatif aux responsabilités locales dont l'examen sera achevé avant ou après l'été, qu'aurons-nous donc ? Eh bien ! nous aurons un projet de loi sur la péréquation. Peut-être réussirons-nous un jour à discuter des finances locales, c'est-à-dire des moyens pour les collectivités en difficulté de faire face à leurs charges.

Pour l'heure, et depuis maintenant un certain temps, nous attendons... Nous sommes, certes, pleins de bonne volonté, mais nous serions tout de même satisfaits que des mesures concrètes nous soient présentées. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. François Marc, pour explication de vote.

M. François Marc. J'ai écouté avec attention les arguments avancés tant par M. le rapporteur que par M. le ministre, qui s'est dit tout à l'heure prêt à «  aller au feu ». J'ai pu observer que certains essayaient de « dresser des barricades », progressivement, pour essayer de limiter l'effet des amendements nos 51 et 59. En effet, ces amendements traversent incontestablement les esprits et font oeuvre de conviction dans cette assemblée.

La « barricade » concernant la loi constitutionnelle est déjà tombée. Michel Charasse, avec beaucoup de brio, a démontré à quel point l'argument ne tenait pas.

M. le ministre a essayé d'élever une autre barricade en soulignant la nécessité de procéder dans le bon ordre, d'abord le projet de loi constitutionnelle, puis le projet de loi sur les transferts de compétences, enfin, le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales.

Mes chers collègues, on nous dit qu'il faut respecter l'ordre prévisionnel de discussion des textes. Je tiens toutefois à souligner que c'est le Gouvernement qui a décidé de changer l'ordre initialement prévu en demandant au Parlement d'examiner le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales avant de discuter en deuxième lecture du projet de loi sur les transferts de compétences. Cela indique bien que la pression de l'opinion, des collectivités et des élus, leur totale incompréhension de ce que prépare le Gouvernement en matière de décentralisation, conduit à changer l'ordre lorsque c'est nécessaire.

Alors, pourquoi ne pas à nouveau modifier l'ordre dès lors que l'on considère que la péréquation constitue un levier essentiel et que, comme l'a indiqué M. Bernard Frimat, le principe de péréquation est constitutif de l'autonomie ?

Le Gouvernement, je l'ai dit hier, adopte cette position parce qu'il a une vision et une perception réductrices de ce qu'est l'autonomie. L'autonomie de gestion, qui est pour nous un élément essentiel, est secondaire à ses yeux.

Dans certains pays du Nord de l'Europe, notamment en Suède et au Danemark, mais aussi en Allemagne, bien que la péréquation soit très importante et l'autonomie fiscale, au sens strict, très étroite, l'autonomie de gestion reste très grande.

Je considère que la péréquation est une condition nécessaire à l'exercice d'une véritable autonomie dans les collectivités les plus modestes. Je souhaite que le Sénat admette le bien-fondé de ces amendements qui visent à intégrer dans la loi organique la reconnaissance du principe de la péréquation comme un élément constitutif de l'autonomie.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 59.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnel avant l'art. 2 ou avant l'art. 3
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Art. 2

Articles additionnels avant l'article 2

M. le président. L'amendement n° 52, présenté par MM. Peyronnet,  Frimat,  Sueur,  Marc,  Mauroy,  Moreigne,  Miquel,  Dreyfus-Schmidt,  Raoul,  Lagauche,  Godefroy,  Teston,  Dauge,  Courrière,  Bel et  Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La péréquation a pour objet de corriger les inégalités de ressources entre collectivités territoriales eu égard à leurs charges respectives.

Elle prend la forme à la fois de dotations de l'Etat visant à une action de solidarité au bénéfice des collectivités les moins favorisées, et de mécanismes de solidarité entre collectivités.

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Je présenterai en même temps les amendements nos 52 et 53, qui portent tous deux sur la péréquation.

Les explications que nous ont apportées MM. Frimat et Charasse sont particulièrement pertinentes.

Monsieur le ministre, je pense que vous faites un contresens lorsque vous déclarez que l'autonomie financière des collectivités ne comprend pas la péréquation. En effet, cela revient à limiter l'autonomie financière des collectivités aux seules ressources fiscales. Or il est de notoriété publique, de constat quotidien, que de nombreuses collectivités, des communes en particulier mais aussi des départements, ne pourraient pas vivre sans des dotations complémentaires versées par d'autres collectivités et surtout par l'Etat.

C'est grâce à ces dotations que la péréquation peut fonctionner. Autrement dit, la péréquation fait partie intégrante de l'autonomie des collectivités territoriales.

En fait, tout dépend de la définition même de l'autonomie. Des éléments précis ont été versés au débat. Monsieur le ministre, je considère, je le répète, que vous faites un contresens. L'amendement n° 52 peut vous être d'une grande utilité puisqu'il définit précisément ce qu'est la péréquation, laquelle ne se réduit pas, comme vous semblez le croire, à des dotations entre collectivités.

Dans cet amendement, il est fait référence à deux formes de péréquation : les dotations entre les collectivités, qui permettent de lisser un certain nombre de disparités entre les collectivités riches et les collectivités pauvres, et, surtout, les dotations versées par l'Etat, dotations pérennes que le Parlement peut moduler de façon diverse et variable dans le temps en fonction des besoins des collectivités. L'amendement n° 52 tend donc à définir l'objectif ultime de la péréquation.

Quant à l'amendement n° 53, il vise à contraindre le Gouvernement, lorsqu'il crée, étend ou transfère une compétence, à prévoir systématiquement un mécanisme de péréquation.

Un tel mécanisme aurait été particulièrement utile lorsqu'on a réalisé les transferts que vous savez. Vous allez sans doute me parler de l'allocation personnalisée d'autonomie, l'APA. Mais c'est la même chose pour le RMI-RMA - j'anticipe, monsieur le ministre.

Tout transfert de ce type devrait donc être précédé par une étude d'impact approfondie visant à déterminer les capacités contributives et de financement des différentes collectivités et à établir un mécanisme de péréquation afin que les collectivités puissent assumer les charges qui leur sont ainsi transférées.

Tel est l'objet de ces deux amendements que je demande bien entendu au Sénat d'adopter.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. J'ai indiqué tout à l'heure, dans un argumentaire que je crois assez complet, la position de la commission sur tous les amendements relatifs à la péréquation.

Sur la forme, les modalités d'application de la péréquation qui nous sont proposées ne sont manifestement pas conformes à la Constitution.

Cela ne veut pas dire que nous érigeons quelque barrière ou barricade que ce soit devant un débat sur la péréquation. Comme je l'ai rappelé tout à l'heure, le Sénat prépare de nouvelles modalités de péréquation applicables aux collectivités territoriales.

L'autonomie financière est au coeur de notre débat. La discussion sur les modalités de la péréquation viendra en son temps.

Je rappelle aussi qu'il est plus facile de pratiquer la péréquation dans une période de haute conjoncture que dans une période de conjoncture économique et budgétaire difficile. En effet, les dotations supplémentaires versées à certaines collectivités doivent alors être prélevées sur le budget d'autres collectivités.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. C'est là que la péréquation cesse d'être un concept populaire.

M. François Marc. C'est pour cela que l'on baisse l'impôt sur le revenu !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur le président, mon avis est, au mot près, identique à celui de M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur. Quelle cohérence !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Une telle coïncidence est suffisamment rare pour être soulignée.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 52.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 33 rectifié, présenté par MM. Foucaud et  Loridant, Mmes Beaudeau et  Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La péréquation, telle que définie par l'article 72-2 de la Constitution, permet de donner à chaque collectivité territoriale des capacités financières équivalentes à celles des collectivités territoriales de sa catégorie et de sa strate.

Aussi, les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales compensent les inégalités en matière de bases d'impôts locaux existant entre les collectivités territoriales.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. Cet amendement porte lui aussi sur la péréquation des ressources entre les collectivités locales.

Comme nous l'avons indiqué, les ressources propres des collectivités territoriales sont parfois si faibles au regard des charges qui leur incombent qu'il convient de procéder à quelques menues corrections.

Dans ce domaine, les outils sont peu nombreux. Il s'agit, pour l'essentiel, de dispositions marginales du code général des impôts ou de la répartition de la dotation d'aménagement, de plus en plus souvent captée par la dotation d'intercommunalité.

On peut, certes, assigner à la loi l'objectif de favoriser le rééquilibrage des ressources des collectivités territoriales. Le tout est de savoir comment.

Si nous pouvons nous étonner que le présent projet de loi organique ne porte aucune modification de la situation des collectivités locales en matière de péréquation des ressources -je rappelle que tel est pourtant l'objectif du dernier alinéa de l'article 72-2 de la Constitution -, nous pouvons aussi nous demander comment parvenir à mettre en oeuvre cette péréquation.

La réalité commande de dire que les différents outils de péréquation dont nous disposons n'ont le plus souvent été conçus qu'au travers d'une forme de discrimination positive conduisant à répartir autrement le volume des dotations budgétaires attribuées par l'Etat ou des produits fiscaux votés par les collectivités locales.

Avec tout le respect que je vous dois, monsieur Hoeffel, j'ai un point de vue différent. N'est-ce pas vous qui, à l'automne 1993, avez soutenu une réforme de la dotation globale de fonctionnement visant à geler en francs courants la dotation forfaitaire et à limiter au seul bénéfice de la dotation d'aménagement les faibles crédits alloués par l'Etat aux collectivités au titre de la dotation complémentaire ?

N'est-ce pas vous, aussi, qui avez défendu le principe d'une variation de l'enveloppe globale de la DGF, favorisant ainsi la croissance de la dotation d'aménagement au détriment de la dotation forfaitaire dont le pouvoir d'achat n'a, vous le savez, cessé de se dégrader depuis cette date ?

La même analyse pourrait d'ailleurs s'appliquer à d'autres outils de péréquation. Chaque fois, la péréquation est un jeu à somme nulle avec des petits plus pour certains et quelques moins pour les autres.

Au-delà des objectifs assignés à la péréquation - mission nécessaire de régulation de l'Etat -, il convient de déterminer aujourd'hui des mécanismes de financement performants afin de l'alimenter durablement et de permettre ainsi aux collectivités locales de répondre aux besoins des populations.

Dans cette optique, notre proposition essentielle est d'instituer une taxation des actifs financiers des entreprises au titre de la taxe professionnelle, taxation qui permettrait de dégager les moyens objectifs d'une véritable péréquation.

Selon nos estimations, c'est l'équivalent du tiers de l'actuelle DGF, et donc bien plus que la seule dotation d'aménagement, qui serait ainsi mobilisable au titre de la péréquation des ressources. Chaque élu local peut d'ailleurs faire lui-même le calcul.

Imaginez ce que pourrait représenter, dans la vie concrète et quotidienne des habitantes et des habitants d'une commune, d'un EPCI ou d'un département, un accroissement de ressources équivalent au tiers de l'actuelle DGF ? C'est bien sûr dans cet esprit que nous vous invitons à adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Cet amendement, lui aussi relatif à la péréquation, fait l'objet d'un avis identique à celui que j'ai exprimé tout à l'heure sur des amendements ayant le même objet.

M. Foucaud a mis l'accent sur certaines difficultés que soulève la mise en oeuvre d'un système de péréquation. Il a rappelé la loi de 1993. La loi de finances pour 2004 a franchi une étape supplémentaire.

Pas à pas, étape après étape, et compte tenu des moyens budgétaires, cette péréquation prend forme. Il était bon que le sujet soit évoqué mais, du point de vue du texte, elle n'a pas, sous la forme des amendements présentés, sa place dans le présent projet de loi organique.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même avis.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Avec ces réponses réitérées, nous sommes en plein irréalisme. En effet, à la suite des grandes difficultés que suscitait le texte relatif aux responsabilités locales - il fallait revoir, rediscuter certains points -, pour rassurer les élus, pour leur apporter des réponses, votre gouvernement a proposé que le présent projet de loi organique soit discuté avant la deuxième lecture du projet de loi relatif aux responsabilités locales.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. C'est bien le cas !

M. Jean-Pierre Sueur. Je crois que, sur ce point, nous pouvons être clairs. Cela voulait dire que vous alliez donner quelques garanties aux élus locaux avec le présent texte. Or je ne prendrai qu'un exemple. Dans le texte relatif aux responsabilités locales, il est prévu de donner aux régions des compétences en matière hospitalière. Ainsi, en Provence-Alpes-Côte d'Azur, le président de cette région, M. Vauzelle, se verra proposé de payer pour les hôpitaux, comme les présidents des régions Limousin, Nord-Pas-de-Calais ou Alsace.

M. Josselin de Rohan. Il pourra le faire ou ne pas le faire !

M. Jean-Pierre Sueur. Certes. Mais la question que vont se poser ces présidents de région est la suivante : comment va-t-on assurer le financement ?

M. Josselin de Rohan. Il ne fallait pas promettre !

M. Jean-Pierre Sueur. Si les amendements des commissions sont adoptés, ces élus vont apprendre que le taux d'autonomie fiscale de leur collectivité est au minimum de 33 %. Eh bien, quand vous aurez mis cela dans leur besace, cette garantie remarquable selon laquelle ils auront droit, dans les temps futurs, à au moins 33 % d'autonomie fiscale, alors qu'ils ont actuellement 35 %,...

M. Charles Gautier. Quel progrès !

M. Josselin de Rohan. Avant vous, c'était 60 % !

M. Jean-Pierre Sueur. ...croyez-vous vraiment qu'ils seront rassurés et pourront faire face aux dépenses hospitalières, à toutes les nouvelles compétences, notamment les personnels TOS ?

Vous le constatez, en limitant ainsi le débat, en refusant de voir le problème dans son ampleur, on n'apporte aucune réponse. Et ce faisant, on reviendra - je ne sais pas si ce sera avant l'été, après l'été, à l'automne, cet hiver ou au printemps - au texte relatif aux responsabilités locales sans avoir avancé d'un pas sur les garanties financières.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Pour traiter de tous ces points, qui sont importants - je ne suis pas, bien sûr, en situation de tout vous dire dans le détail -, je vous propose d'aborder l'article 2, car nous allons alors parler d'autonomie financière. C'est donc à l'occasion de l'examen de cet article, et non pas dans des digressions certes passionnantes mais avant ledit article, que l'on va en débattre. Il va de soi que je répondrai sur les points sur lesquels je suis en mesure de le faire. Mais avançons !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32 rectifié, présenté par MM. Foucaud et Loridant, Mmes Beaudeau et Borvo, M. Bret, Mme Mathon et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

La péréquation, au sens de l'article 72-2 de la Constitution, profite notamment aux collectivités territoriales dont le potentiel fiscal est faible et dont la proportion de logements sociaux est particulièrement importante.

La parole est à M. Robert Bret.

M. Robert Bret. Comme nous, vous pouvez observer, à l'occasion de la discussion de cette loi organique, l'absence de toute considération sur la péréquation des ressources entre collectivités locales. La question mérite pourtant d'être analysée dans le cadre du présent projet de loi puisqu'elle figure en toutes lettres dans l'article 72-2 de la Constitution.

Or, dans la présente loi organique, présentée comme un impératif institutionnel par le rapporteur M. Daniel Hoeffel, qu'en est-il des dispositifs de péréquation ? Il n'en est rien, et aucune disposition tendant à améliorer ce principe pourtant constitutionnalisé ne figure dans le texte qui nous est soumis. Pourtant, rien ne nous l'interdit, comme l'a rappelé justement notre collègue M. Michel Charasse.

Cela étant dit, on ne peut manquer de faire une analyse, même succincte, des dispositifs existants, dont la portée est particulièrement limitée. En effet, comme l'a rappelé mon ami et collègue Thierry Foucaud, le principal outil de péréquation dont nous disposons est la dotation globale de fonctionnement, et que l'on nous comprenne bien, telle qu'elle ressortissait de l'économie de la réforme de 1993.

Parce que la DGF comprend une dotation forfaitaire et une dotation d'aménagement chapeautant la dotation d'intercommunalité et les dotations de solidarité urbaine et rurale, elle est l'outil essentiel - elle l'était en tout cas - de la péréquation des ressources des collectivités locales. L'équilibre fragile qui résultait de cette architecture a d'ailleurs été rompu par l'intégration de la compensation pour la suppression de la part « salaires » de la taxe professionnelle, qui a cristallisé les disparités de ressources entre collectivités. On pourrait d'ailleurs s'interroger aujourd'hui sur la réalité des différences de DGF attribuée aux divers échelons de collectivités territoriales. Mais c'est un autre débat.

S'agissant de la péréquation opérée sur le produit de la taxe professionnelle notamment, force est de constater qu'elle a quasiment disparu avec la réforme de la taxe et qu'elle ne représente plus aujourd'hui qu'une portion congrue des produits fiscaux, monsieur le ministre.

Cela dit, il y a péréquation et péréquation. Tout ce que nous connaissons aujourd'hui est, de manière générale, fondé sur une sorte de mutualisation de la même recette ou de la même dotation. C'est un peu comme si la péréquation était un gâteau dont on ne ferait que couper les parts autrement, sans prendre le temps de le rendre plus appétissant. La véritable question est bel et bien de faire en sorte que nous disposions d'outils de péréquation efficients, dont la portée et l'importance seront suffisantes pour tenir l'objectif d'égalité de ressources inscrit dans le marbre du texte constitutionnel.

Quant à la question des critères, qui est posée à travers le présent amendement, chacun aura compris qu'elle découle naturellement de l'analyse que nous venons de produire.

Sous le bénéfice de ces observations, nous vous invitons à adopter le présent amendement, mes chers collègues.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. S'agissant toujours de la péréquation et pour les raisons qui ont été exposées tout à l'heure, tout en ayant écouté attentivement le plaidoyer de notre collègue M. Bret, je ne puis qu'émettre un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 53, présenté par MM. Peyronnet, Frimat, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Toute création, extension ou transfert de compétences au profit des collectivités territoriales s'accompagne de la mise en place de mécanismes de péréquation permettant d'assurer l'exercice de ces compétences sur l'ensemble du territoire dans des conditions conformes au principe d'égalité.

Cet amendement a déjà été défendu.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Même argumentation, même réponse.

M. Claude Estier. Et même vote ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 53.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Frimat, Peyronnet, Sueur, Marc, Mauroy, Moreigne, Miquel, Dreyfus-Schmidt, Raoul, Lagauche, Godefroy, Teston, Dauge, Courrière, Bel et Lise, Mme Blandin et les membres du groupe Socialiste, est ainsi libellé :

Avant l'article 2, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Les recettes fiscales, dont les collectivités territoriales et leurs groupements fixent librement le montant, ne peuvent être remplacées ni par des dotations globales d'Etat, ni par des produits d'imposition dont ils ne peuvent voter le taux ou moduler l'assiette.

La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Je salue l'harmonie entre le ministre et le rapporteur. Cet amendement devrait la magnifier.

La semaine dernière, la commission des finances, qui attendait d'écouter le rapport de M. Hoeffel, a commencé ses travaux avec dix minutes de retard, ce qui est tout à fait rarissime. Nous avons alors eu l'intuition qu'il n'y avait pas une totale adéquation entre la position du rapporteur et la position du groupe politique auquel il appartient.

M. le président. Cela peut arriver !

M. Bernard Frimat. Eh oui, c'est la vie ! Les difficultés semblaient tenir au fait qu'ils devaient s'accorder - et nous allons y venir, monsieur le ministre, dans l'article suivant - sur la notion de ressources propres. Vous savez comme nous sommes serviables ! (Sourires.) D'où cet amendement n° 54 pour essayer de les sortir de ce mauvais pas. (M. Josselin de Rohan rit.)

En effet, on a entendu de multiples fois que le niveau auquel nous étions arrivés - je fais allusion à la discussion sur la révision constitutionnelle - en matière d'autonomie fiscale était désormais suffisant et qu'il ne fallait pas descendre plus bas ; à l'époque, nous avions proposé de le geler, ce que vous aviez refusé, mais vous y venez aujourd'hui.

Avant d'aborder le difficile problème des ressources propres, essayons de nous mettre d'accord sur des principes simples, qui, puisqu'ils ne touchent pas à la notion de ressources propres, ne sont pas au coeur du conflit, énonçons ce principe tout à fait important dans la vision de l'autonomie. Les recettes fiscales ont une existence aujourd'hui ; eh bien, rassurons les élus locaux sans bloquer la réforme fiscale sur laquelle votre imagination est en train de fonctionner ; donnons simplement à l'ensemble des élus locaux l'assurance que leurs recettes fiscales d'aujourd'hui sur lesquelles ils ont une maîtrise ne pourront demain être remplacées ni par des dotations globales d'Etat ni par des produits d'imposition dont ils ne peuvent moduler le taux ou l'assiette.

Cet amendement ne fait que reprendre ce qui avait été évoqué antérieurement. Si nous le votons, cela revient simplement à dire que nous décidons de garantir le niveau actuel de recettes fiscales libres correspondant au pouvoir fiscal des collectivités. Nous ne décidons pas de garantir les impôts locaux tels qu'ils existent : ils peuvent être modifiés. Mais si, demain, ils doivent être modifiés, il faudra les remplacer par quelque chose qui préserve le pouvoir fiscal des collectivités territoriales.

L'adoption de cet amendement nous permettra d'aborder beaucoup plus sereinement l'article 2, et le débat sur les ressources propres pourra être relativisé. En l'occurrence, nous n'entrons plus dans des querelles pour savoir ce que sont les impositions de toutes natures. Aujourd'hui, il existe un pouvoir fiscal ; certains regrettent qu'il n'ait pas été maintenu à un plus haut niveau pour tout le monde ; dont acte. Eh bien, puisque ce pouvoir fiscal existe, faisons en sorte de le respecter. Tel est l'objet de cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Au cours du débat sur la révision constitutionnelle de 2003, la commission des lois du Sénat avait proposé un amendement sensiblement identique à celui qui vient d'être présenté. La commission avait alors retiré son amendement, pour deux motifs : d'une part, parce que la disposition proposée aurait introduit une trop grande rigidité, qui compliquerait la réforme de la fiscalité locale ; d'autre part, parce que le principe d'une part déterminante des ressources propres dans l'ensemble des ressources nous paraissait donner une garantie suffisante pour l'étape suivante.

Nous retenons aujourd'hui la même argumentation. C'est la raison pour laquelle, à ce stade, je ne puis donner qu'un avis défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je rejoins l'avis défavorable du rapporteur. Mais il y a une question que l'on doit évoquer dès maintenant. Il est vrai que nous avons déjà abordé beaucoup de sujets avant d'examiner l'article 2.

Pour ma part, je pense qu'il ne faut pas insulter l'avenir. Le partage d'impôts nationaux est une solution que nul ne peut négliger. Aujourd'hui, l'essentiel est programmé. Demain, si nos successeurs veulent avancer dans la décentralisation tout en respectant le principe d'autonomie financière et qu'il n'y a plus d'impôts disponibles dont on puisse voter le taux, on sera amené à proposer pour les collectivités locales un partage d'impôts nationaux, le tout sous le contrôle du Parlement qui est souverain en la matière.

Tout cela mérite d'être médité. Mais je vous invite à entrer rapidement dans le vif du sujet avec l'article 2.

M. le président. La parole est à M. Michel Dreyfus-Schmidt, pour explication de vote.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Je souhaite juste formuler une remarque afin de permettre à M. le rapporteur, s'il le souhaite, de modifier son amendement à l'article 2.

Dans l'amendement n° 54, nous indiquons que les recettes ne peuvent être remplacées par des dotations globales d'Etat. En effet, ce ne sont pas des ressources propres.

En revanche, les dotations qui ne sont pas globales et qui viennent remplacer, euro pour euro, des impôts propres doivent être comprises dans les ressources propres.

Or l'amendement proposé par la commission n'en fait pas mention, d'où un vide juridique que nous vous invitons, monsieur le rapporteur, à combler.

M. Michel Mercier, rapporteur pour avis. Cela reste des dotations.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. J'ai écouté avec un grand intérêt la discussion, mais j'ai entendu beaucoup de contrevérités, d'inexactitudes.

MM. Michel Dreyfus-Schmidt et Jean-Pierre Sueur. Nous aussi !

M. Jean-Pierre Fourcade. Permettez-moi de sourire devant cet amendement émanant d'un groupe qui a soutenu depuis cinq ans toute une série de suppressions de recettes fiscales remplacées par des dotations d'Etat.

Il est toujours un temps pour se convertir. Je vous en félicite. Mais il ne faut pas prendre les élus locaux pour des demeurés. Ils ont supporté pendant cinq ans la réduction de leur capacité à disposer de ressources propres.

A mon avis, cet amendement est une provocation. Par conséquent, je crois qu'il faut vraiment le repousser. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 2
Dossier législatif : projet de loi organique pris en application de l'article 72-2 de la Constitution relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales
Rappel au règlement

Article 2

Au sens de l'article 72-2 de la Constitution, les ressources propres des collectivités territoriales, autres que le produit des impositions de toutes natures que ces collectivités territoriales reçoivent en application du deuxième alinéa de cet article, sont constituées des redevances pour services rendus, des produits du domaine, des participations d'urbanisme, des produits financiers et des dons et legs.

Pour la catégorie des communes, les ressources propres sont augmentées du montant de celles qui, mentionnées au premier alinéa, bénéficient aux établissements publics de coopération intercommunale.

M. le président. La parole est à M. Paul Loridant, sur l'article.

M. Paul Loridant. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec cet article 2 du présent projet de loi organique, nous entrons enfin dans le vif du sujet puisqu'il s'agit de déterminer ce que sont les ressources propres des collectivités territoriales, socle de leur autonomie financière.

Plusieurs observations s'imposent.

Tout d'abord, il nous faut a priori rejeter l'idée que la faculté de lever l'impôt l'emporte sur toute autre considération pour déterminer l'autonomie financière. Nous y reviendrons, mais il s'agit d'un point important.

Comment, par exemple, ne pas rappeler que nombre de collectivités territoriales, communes ou départements, sont confrontées à des charges de caractère obligatoire qui consomment une part croissante de leur si précieuse autonomie financière au point que la possibilité de percevoir un produit fiscal ne sert, bien souvent, qu'à compenser cette montée en charge ?

Les exemples fourmillent en la matière, qu'il s'agisse des dépenses sociales ou d'autres dépenses et illustrent de manière éclairante cette situation.

Un département rural confronté au vieillissement de sa population est, aujourd'hui, fortement sollicité pour répondre au financement de l'autonomie des personnes âgées, et ce dans des proportions mettant fortement en cause sa capacité d'intervention dans d'autres domaines.

M. Michel Charasse. Sans parler des pompiers !

M. Paul Loridant. Nous connaissons de nombreux exemples en la matière et avons tous à l'esprit les cris d'alarme des présidents des conseils généraux de notre pays.

Revenons sur la question du périmètre des ressources propres et notamment la notion d'impositions de toutes natures. Le débat sur ce sujet est crucial. En effet, si l'on s'arrêtait à la définition du texte, on engloberait dans cet ensemble à la fois les produits fiscaux votés par les collectivités locales, qu'il s'agisse du produit des quatre principales taxes ou de celui des autres taxes de portée plus locale, et le produit fiscal perçu par l'Etat et transféré en tant que de besoin aux collectivités territoriales.

Rappelons que les lois de décentralisation de 1982 avaient déjà procédé au transfert d'une bonne partie du produit de l'enregistrement aux collectivités locales.

Ainsi, la vignette automobile était devenue un produit fiscal voté par les départements tandis que l'essentiel des droits de mutation portant sur la propriété immobilière avaient été transférés à différents échelons de collectivités.

Depuis, nombre de décisions apparemment en contradiction avec les objectifs affichés de la décentralisation sont venues empiéter sur le transfert de ces produits fiscaux, comme sur le niveau de perception des produits fiscaux dévolus auparavant aux collectivités territoriales. Je pense en particulier à la taxe professionnelle.

On peut d'ailleurs se demander si la notion d'impositions de toutes natures recouvre également de manière effective les compensations budgétaires diverses et variées incluses aujourd'hui dans les lois de finances pour prendre en compte tel ou tel allégement de charge fiscale des contribuables.

La compensation de la suppression de la part salariale de l'assiette de la taxe professionnelle est-elle assimilable à une de ces impositions de toutes natures ou est-elle une simple dotation d'Etat, sachant qu'elle évolue désormais comme la principale des dotations, c'est-à-dire la DGF ?

La réalité commande donc de dire que cette notion d'impositions de toutes natures a une définition suffisamment lâche, floue et souple pour être l'objet de multiples interprétations potentiellement contradictoires les unes avec les autres.

Demain, si l'on s'arrête à la définition prévue, la dévolution d'une part plus ou moins importante de la TIPP aux départements et/ou aux régions sera une ressource propre des collectivités territoriales, permettant le respect de la norme fixée par la loi organique.

Nous pensons que ce n'est pas le bon choix. Nous tenions à le dire dans le cadre de la présentation de cet article. C'est dans ce sens que le groupe CRC présentera des amendements.

M. le président. La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. J'ai longuement étudié l'article 2 et l'amendement de M. le rapporteur ...

M. Jean-Pierre Sueur. Vous l'avez voté !

M. Patrice Gélard. ... et j'ai beaucoup réfléchi depuis la dernière réunion de la commission des lois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

La première chose qu'il faut avoir à l'esprit, c'est que notre rapporteur est un ardent défenseur des collectivités territoriales.

M. Jean-Pierre Sueur. C'est vrai !

M. Patrice Gélard. Il a été animé dans ses amendements à l'article 2 ainsi qu'à l'article 3 par le souci de défendre les collectivités territoriales et leur autonomie financière. Il faut l'en féliciter.

En revanche, les solutions qu'il nous propose ne sont pas les bonnes, et ce pour plusieurs raisons.

Tout d'abord, on part d'un système qui existait jusqu'à maintenant, dans lequel figuraient d'un côté les ressources propres et de l'autre les dotations. Il a été un peu modifié par le transfert de telle ou telle taxe aux régions ou aux départements.

La réforme constitutionnelle a apporté une grande innovation avec l'alinéa 2 de l'article 72-2 de la Constitution, prévoyant qu'il y aurait désormais deux sortes d'attributions fiscales aux collectivités territoriales : les transferts d'impôts d'Etat et les impôts traditionnels de nos collectivités locales.

C'est une nouveauté pour nous alors que cela se pratique dans de nombreux pays étrangers depuis très longtemps. Il faut savoir que la plupart de nos voisins n'ont pas d'impôts locaux. Les impôts d'Etat sont reversés aux collectivités locales avec plus ou moins de péréquation. Nous n'allons pas reprendre le débat sur la péréquation qui relève non de la loi organique, mais de la loi ordinaire.

Le problème est posé par l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution, qui additionne un certain nombre de recettes constituant la part déterminante que nous devons fixer. Les recettes fiscales et les autres ressources propres des collectivités territoriales représentent pour chaque catégorie de collectivité une part déterminante.

Par conséquent, ce que l'on ne peut pas faire, c'est séparer les recettes fiscales et les autres ressources propres par rapport à l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution.

En revanche, on pourrait dire que les ressources fiscales et les ressources propres des collectivités territoriales représentent 50 % de leurs recettes. C'était lors de la révision constitutionnelle la proposition du président Christian Poncelet, qui n'a pas abouti, mais je la rappelle pour mémoire.

On pourrait également établir à l'intérieur de cet ensemble de recettes des sous-ensembles. La part constituant les impositions sur lesquelles on ne peut fixer ni le taux ni l'assiette représenterait un certain pourcentage de la part déterminante, la part des ressources fiscales propres sur lesquelles les collectivités territoriales ont la maîtrise des taux et de l'assiette représenterait un autre pourcentage, et le reste des ressources propres représenterait un troisième pourcentage. Cette solution était conforme à la Constitution.

Mais le fait de séparer les impositions sur lesquelles il n'y a pas de contrôle des collectivités locales des autres impositions et des ressources propres n'est conforme ni au texte ni à l'esprit de l'alinéa 3 de l'article 72-2 de la Constitution.

Je m'interroge sur le pourcentage de 33 % qui apparaît dans l'amendement n° 10. Cette part est inférieure à la réalité actuelle.

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Patrice Gélard. Je me demande dans quelle mesure on va rendre service aux collectivités territoriales en ayant la possibilité d'abaisser considérablement cette part. D'après les chiffres donnés par notre excellent rapporteur, la part de ressources propres des régions est à l'heure actuelle de 38 %, celle des départements est de 58 % et celle des communes de 56 %. On ne va pas descendre à 33 % !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est clair !

M. Patrice Gélard. Bien sûr, il ne faut pas oublier que les impôts d'Etat redistribués ne sont pas pris en compte dans ce calcul, compte tenu de l'amendement n° 5, mais il me semble que la version retenue par l'Assemblée nationale et qui consiste à ramener le taux à celui de 2003 est plus simple que celle qui fixe le taux à 33 % et qui ouvre la possibilité de manoeuvres importantes pour l'avenir.

Mais, surtout, distinguer les ressources fiscales sur lesquelles les collectivités territoriales n'ont pas le contrôle et les ressources fiscales traditionnelles sur lesquelles elles fixent le taux ou l'assiette - et là je ne suis pas du tout d'accord avec l'amendement plus compliqué de M. Paul Girod, selon lequel seules seront considérées comme ressources propres les impositions dont la collectivité locale fixe le taux et l'assiette, alors que cela pourrait être l'assiette ou le taux - ,c'est risquer pour se faire plaisir ou pour défendre les collectivités territoriales d'aller à l'encontre de la Constitution. Notre travail consiste, s'agissant d'un projet de loi organique, à veiller à la mise en oeuvre du décret d'application, en quelque sorte, du texte constitutionnel.

Si nous persévérons dans cette voie - mais pourquoi pas, après tout, car je comprends les motivations de M. le rapporteur - nous courons deux risques.

En premier lieu, nous risquons d'être totalement désavoués par l'Assemblée nationale et, en second lieu, même si l'Assemblée nationale, pour nous faire plaisir, accepte de nous suivre, il y a de fortes chances que le Conseil constitutionnel nous censure.

M. Michel Charasse. Exactement !

M. Patrice Gélard. Or, si nous sommes censurés par le Conseil constitutionnel sur cette disposition, nous ne pourrons plus remplir notre rôle de défenseur des collectivités territoriales.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Très bien !

M. Patrice Gélard. C'est la raison pour laquelle je demande à notre rapporteur de réfléchir à ce que je viens de dire. Je crois, pour ma part, qu'une certaine sagesse commande que l'on débatte de ces questions, comme on a discuté de la péréquation, afin d'en revenir à une solution plus simple et plus sage. C'est donc à notre rapporteur que je fais appel, à son intelligence que tout le monde connaît, et je lui fais confiance. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes effectivement au coeur du sujet, même si nous anticipons sur les amendements qui ont été déposés sur l'article 2, mais cela est compréhensible.

La question qui est posée est de savoir quel est le degré de liberté des collectivités pour fixer l'impôt et si, dans cette perspective, cela leur donne ou non une plus grande autonomie. Tel est le fond de la question.

Lorsque nous avons débattu de la réforme constitutionnelle, il ne pouvait s'agir dans l'esprit de chacun que d'impôts, même nationaux, ou de dotations, même nationales, modulables. Je veux dire par là que l'autonomie des collectivités est liée à leur capacité de voter le taux ou l'assiette et donc de définir elles-mêmes une part déterminante, prépondérante - on a beaucoup insisté sur l'adjectif approprié - de leurs ressources.

Or je pense, comme je l'ai dit lors de la discussion générale, qu'il y a eu mystification, voire pour certains tromperie. En effet, en parlant d'impositions de toutes natures, il n'était pas dans l'esprit de la plupart des constituants de penser qu'il s'agissait d'impôts d'Etat qui devenaient de fait, puisqu'ils étaient non modulables, de simples dotations. Pour eux, il s'agissait de fiscalité modulable. C'est là, selon moi, un élément majeur pour comprendre l'enjeu du débat.

Cela étant, pourquoi une dotation d'Etat ne serait-elle pas modulable ? Pourquoi faut-il absolument que la fiscalité transférée ne soit pas modulable ? On pourrait concevoir - et ce n'est pas forcément une réforme fiscale que j'ébauche ici - que 10 % - le chiffre est arbitraire - du produit de l'impôt sur le revenu soient transférés aux collectivités locales et que, sur ces 10 %, 5 % ou plus, cela reste à définir, soient modulables, en tout cas fixés par la loi selon les différentes collectivités. Cela est tout à fait réalisable, comme le montre l'exemple de certains Etats voisins, notamment l'Allemagne.

Je ne vois donc pas pourquoi il ne serait pas possible de moduler des dotations d'Etat lorsqu'elles sont localisées, ce qui est le cas en particulier de l'impôt sur le revenu.

C'est la raison pour laquelle nous défendons cette autonomie des collectivités à travers leur capacité de voter le taux et l'assiette, car il nous semble que c'est le seul moyen de garantir leur véritable autonomie et leur liberté de gestion.

M. Gélard a raison quand il affirme que sa thèse est conforme à la lettre de la Constitution. En revanche, il a tort eu égard à l'esprit des débats et c'est la raison pour laquelle nous défendons, quant à nous, une position tout à fait différente sur ce point.

Quant à nous, nous approuvons l'amendement de M. Hoeffel relatif à l'obligation de mettre en place une modulation sur les finances locales, qui est d'ailleurs similaire au nôtre. Toutefois, nous considérons que ces amendements positifs seront complètement vidés de leur sens et de leur portée si le taux plancher est fixé à 33 %. En effet, dans ce cas, nous assisterons à une limitation drastique des capacités des collectivités et nous ne comprenons pas très bien comment une réduction de 55 % à 33 % de la part d'une collectivité permettrait d'accroître son autonomie ! Nous pensons que c'est exactement le contraire qui se passera.

Nous serons très attentifs, car il existe des divergences au sein de la majorité sur ce point. Le moment venu, nous prendrons nos responsabilités en votant pour une fixation libre du montant des ressources propres des collectivités territoriales. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. Je ne suis pas juriste, mais je sais par expérience qu'il existe dans les ressources des collectivités locales tout un continuum entre, à une extrémité, la dotation d'Etat pure et, à l'autre extrémité, l'impôt local pur dont les collectivités locales contrôlent et l'assiette et le taux.

Tout le problème est de savoir où placer la frontière entre l'une et l'autre, où établir la séparation entre les impositions de toutes natures qui peuvent être considérées comme des ressources fiscales propres et celles qui sont des dotations. Telle est la question posée, et je comprends très bien la solution proposée par nos deux commissions consistant à dire que le coeur de l'autonomie financière est constitué par les impôts dont on contrôle et le taux et l'assiette, c'est-à-dire le produit.

Je me suis procuré le rapport sur les prélèvements obligatoires qui est mis à notre disposition depuis cette année afin de vérifier si cette définition concordait avec le sens commun. Effectivement, elle concordait partiellement, et je suis heureux de constater que, au moins sur ce point, le droit et le bon sens ne sont pas en opposition concernant ce que nous appelons les contributions directes locales, qui représentent 50 milliards à 55 milliards d'euros.

Mais là où j'ai ressenti une gêne par rapport à la position prise par nos commissions, c'est quand je me suis aperçu que des impôts, tels que les droits de mutation à titre onéreux, les DMTO, c'est-à-dire la principale recette propre des départements, étaient des impositions à taux fixe et étaient écartés de la définition, puisque désormais le taux est non plus variable, mais fixe à 3,60 %.

Quand j'ai constaté qu'un impôt comme le versement transport de la région parisienne dont l'Etat fixe le taux - taux qui est variable selon le département - ne serait plus considéré comme une ressource propre, j'ai pensé qu'il y avait tout de même une contradiction entre la position dure de juriste, que je comprends parfaitement, et ce que les élus locaux appellent « ressources propres ».

Je crois donc qu'il nous faut, en complément de la définition proposée à juste titre par la commission des lois et approuvée par la commission des finances, pouvoir classer ce qui manifestement représente d'autres ressources propres dans les impositions de toutes natures qui font partie de la catégorie « ressources propres ».

Ce critère consiste à dire que, lorsqu'il y a un élément de localisation fort qui permet par collectivité de rattacher un impôt à une collectivité, soit parce qu'on en localise le taux - et je prends là encore l'exemple du versement transport de la région parisienne dont les taux sont variables département par département - , soit parce qu'on en localise l'assiette - je cite à nouveau les droits de mutation à titre onéreux - , nous sommes manifestement là en présence de ressources qui doivent être considérées comme propres et qui sont des impositions de toutes natures. Cela permet d'établir une frontière claire avec les dotations.

Hier, il a été question à plusieurs reprises de la situation de la dotation globale de fonctionnement d'après 1979 qui était définie comme une part d'un impôt d'Etat, à savoir 16,5 % du produit net de la TVA.

Or, selon moi, il ne s'agit pas d'une imposition de toutes natures pouvant être classée dans les ressources propres parce que cette enveloppe globale, une fois déterminée, était non pas répartie par collectivité, mais accordée globalement à l'ensemble des collectivités. La loi ne déterminait pas - je rependrai ce terme dans mon amendement - la part de chaque département ou de chaque commune. En outre, la loi ne fixait ni le taux ni l'assiette pour chaque collectivité, mais définissait un mécanisme de péréquation de telle sorte que cette part d'imposition de toutes natures n'était manifestement pas une ressource propre pour les collectivités locales, mais était tout simplement une dotation.

En conclusion, il me semble que l'on pourrait élargir aux impôts localisés la définition tout à fait pertinente que proposent nos deux commissions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Frimat.

M. Bernard Frimat. Comme notre collègue M. Gélard, j'ai beaucoup réfléchi, depuis la réunion de la commission des lois de la semaine dernière, à cet article 2.

J'ai notamment relu - ce fut un exercice intéressant - les débats relatifs à la révision constitutionnelle qui ont engendré l'article que M. le ministre nous oppose aujourd'hui comme le carcan auquel il ne peut échapper.

Notre collègue Patrice Gélard nous dit que la position du Gouvernement est la seule constitutionnellement acceptable. Mais elle n'est pas la seule.

En effet, tous les travaux qui ont été menés sont d'une très grande clarté. Quand nous avons discuté de l'article 6 du projet de loi constitutionnelle, il n'a jamais été question que les ressources propres puissent être constituées - et je vous rejoins sur ce point, monsieur Fréville, puisque j'utilise bien le terme de « ressources propres » et non pas celui de « ressources fiscales » - d'autres éléments que ceux sur lesquels les collectivités ont un pouvoir.

Certes, on peut discuter ensuite de savoir si ce pouvoir doit s'exercer sur le taux, sur l'assiette ou sur le montant. Mais, dans notre perception commune, dans l'esprit qui nourrissait la rédaction constitutionnelle, les collectivités territoriales avaient un pouvoir sur leurs ressources propres. Sinon, ce ne sont plus des ressources propres.

Monsieur le ministre, il est curieux de constater que vous défendez une position qui est en désaccord avec celle de la totalité des associations de collectivités territoriales.

M. Bernard Frimat. Hier, vous avez fait un exercice intellectuellement satisfaisant de droit comparé. Si l'on considère la position du Congrès des pouvoirs régionaux et locaux de l'Europe et la charte européenne des libertés communales, avec laquelle un certain nombre de sénateurs de la majorité ont exprimé leur complet accord, la définition des ressources propres qui est proposée ne correspond pas à ce que vous voulez que nous adoptions aujourd'hui, monsieur le ministre.

Les acceptions communément reçues et celles qui ont présidé aux débats dans cet hémicycle, à l'Assemblée nationale ou au Congrès, vont dans le sens de la définition des ressources propres évoquée et retenue par l'Association des maires de France. En prétextant un prétendu carcan juridique, vous voulez y substituer une autre définition, tout simplement parce que cela vous arrange. Car vous êtes dans une nasse !

De nos travées, nous pouvons apprécier à sa juste valeur le ballet qui se tient depuis un moment. Comme cela s'était produit pour l'amendement n° 248 sur le projet de loi constitutionnelle issu, à l'époque, de tractations et qui nous avait été présenté au retour d'un week-end comme la panacée de l'autonomie financière des collectivités locales, nous assistons aujourd'hui à certains mouvements dans l'hémicycle. Peut-être une suspension de séance permettrait-elle au ministre de régler dans la sérénité ce problème, ce qui nous permettrait ensuite d'avancer sur des bases plus claires ?

M. le président. La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. Je n'aurais pas pris la parole si je n'avais pas été interpellé il y a un instant par M. Gélard au sujet du sous-amendement n° 41 que j'ai déposé et qui rejoint une partie des préoccupations de notre ami Yves Fréville.

Notre collègue expliquait en effet que, dans l'esprit des élus locaux, la ressource à leur disposition est, en définitive, celle dont ils fixent le produit. Je comprends bien que l'amendement n° 7 de la commission témoigne d'une recherche dans cette direction, ce qui écarte évidemment une réflexion plus globale incorporant dans les ressources propres des collectivités locales les transferts d'impôts d'Etat, sur lesquels par définition elles n'ont aucune prise, sauf si l'on revient à un système de centime additionnel qui, après tout, n'est pas forcément stupide, et si l'on fait voter les collectivités locales sur le taux des centimes additionnels.

J'ai déposé le sous-amendement n° 41, car, si l'on considère comme ressource propre l'impôt dont la collectivité peut voter « l'assiette, le taux ou le tarif », je crains qu'il ne suffise que la collectivité ait une prise sur l'assiette de cet impôt pour qu'il devienne un impôt d'appropriation local.

Or, à l'expérience, nous savons que la capacité des collectivités à influer sur l'assiette va toujours dans le même sens, et en sens unique, celui de la diminution. Alors, si l'on explique aux collectivités territoriales qu'elles auront entre leurs mains un système fiscal dans lequel elles ne peuvent influer que sur l'assiette et à la baisse, je crains que l'on ne crée quelques désillusions.

Je retirerai très certainement mon sous-amendement le moment venu. Mais je souhaite entendre les explications de M. le ministre et de M. le rapporteur sur le fait que l'assiette n'ouvre pas une seule voie de diminution de la ressource locale par décision du conseil délibératif compétent et que les collectivités auront une capacité de toucher à l'assiette dans un autre sens.

Sinon, très honnêtement, je crains que les collectivités locales ne se souviennent avec amertume d'un système qui leur donne plus de liberté, en leur permettant simplement de s'estropier elles-mêmes !

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini.

M. Philippe Marini. A ce stade de la discussion, nous avons trois problèmes à résoudre : un problème juridique, un problème financier et un problème politique.

Le problème juridique est celui de la conformité à la Constitution. M. le ministre et M. Gélard se sont exprimés très clairement à ce sujet. L'article 72-2 de la Constitution comporte le mot « peuvent », ce qui induit, en ce qui concerne la notion de ressources propres, une situation de fait que nous devons prendre en compte.

En ce qui concerne le problème financier, la proposition de loi constitutionnelle de M. le président Poncelet, en 2000, s'inscrivait, je souhaitais le rappeler, dans un contexte différent de celui qui prévaut aujourd'hui. En effet, il s'agissait des compétences détenues à cette époque par les collectivités. Cette proposition n'anticipait pas sur d'éventuels transferts de compétences de nature à modifier la structure des dépenses comme la structure des ressources.

Mes chers collègues, si vous avez des idées précises et concrètes sur des impôts d'Etat modulables dans le respect du droit communautaire et susceptibles d'être transférés à nos collectivités territoriales, faites-nous, de grâce, des propositions !

Vous savez ce qu'il en est du débat sur la TIPP et vous savez que le Gouvernement a vraisemblablement obtenu, après avoir beaucoup argumenté, la capacité de moduler le taux au niveau régional pour les seules utilisations non professionnelles du carburant.

C'est le maximum que l'on puisse faire dans le respect du droit communautaire, et encore avec une interprétation que l'on peut, à certains égards et par rapport à certains précédents, considérer comme bienveillante.

M. Michel Charasse. On est fragile face à la cour !

M. Philippe Marini. Mes chers collègues, nous pouvons nous interroger sur la marge de manoeuvre dont peuvent bénéficier les gestionnaires de budgets locaux. Personne ne souhaite mettre en oeuvre une gestion standardisée qui soit la même partout. Il faut que des choix s'expriment dans les budgets locaux, et c'est bien sur la part déterminante que l'on doit pouvoir appliquer des politiques différentes.

En même temps, nous avons tous voulu inscrire dans la Constitution le principe quelque peu antinomique de péréquation. Il faut être conséquent avec ce que nous avons voté et avec ce que nous avons, les uns et les autres, proclamé.

J'en viens maintenant au problème politique. Nous le savons tous, mes chers collègues, les maires, les présidents d'intercommunalité, les conseillers généraux, les présidents de départements, les conseillers régionaux, les présidents de conseils régionaux expriment de vives inquiétudes.

Naturellement, lors de la négociation sur les transferts de compétences et les ressources correspondantes, il faudra trouver un juste équilibre.

Mes chers collègues, je pense qu'avec les contributions qui sont versées au débat et de la bonne volonté nous arriverons à concilier tout à la fois les approches justifiées de nos commissions et la réalité constitutionnelle. J'ai l'espoir qu'avec un peu de dialogue nous parviendrons, monsieur le ministre, à une rédaction de ce texte qui intègre les préoccupations des élus locaux.

Ici, au Sénat, nous ne pouvons pas ne pas les porter, à l'instar du rapporteur Daniel Hoeffel et du rapporteur pour avis Michel Mercier. Bien entendu, si nous votions, pour nous faire plaisir, une disposition sans lendemain, je crois que nous décrédibiliserions cette institution. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Puisque tout le monde s'exprime avant l'examen des amendements sur l'article 2, je souhaite apporter quelques observations qui viennent de mon expérience.

Tout d'abord, nous voulons éviter qu'on ne continue à démanteler la fiscalité locale en remplaçant des impôts par des dotations budgétaires.

M. Roger Karoutchi. La politique socialiste !

M. Jean-Pierre Sueur. La politique des quinze dernières années !

M. Jean-Pierre Fourcade. C'est ce qui a été fait pendant cinq ans. C'est ce qui a servi de base à la modification de la Constitution,

Comme l'a rappelé très justement M. Gélard, l'article 72-2 précise, premièrement, que les collectivités territoriales « peuvent recevoir tout ou partie du produit des impositions de toutes natures » et, deuxièmement, que « la loi peut les autoriser à en fixer l'assiette et le taux dans les limites qu'elle détermine ».

Il faut tenir compte de ces deux phrases, car la loi organique doit appliquer la Constitution de la manière la plus précise possible.

Quel est donc le risque que nous courons ? Je m'étonne d'ailleurs qu'aucun des orateurs précédents n'ait parlé de la suppression de la taxe professionnelle et de son remplacement par un autre impôt, dont on a défini toutes les caractéristiques et qui s'apparente beaucoup plus à la quadrature du cercle qu'à un élément fiscal possible.

Siégeant à la commission de réforme avec certains de nos collègues, notamment avec M. Marini, nous voyons bien que nous ne nous approchons pas rapidement d'une solution acceptée par tous. Nous avons déjà beaucoup d'impôts, le niveau des prélèvements est déjà très élevé et nous sommes engagés dans une concurrence internationale de plus en plus difficile qui pèse directement sur l'emploi. Par conséquent, il ne faut pas que le texte que nous allons adopter fasse courir aux collectivités un risque du fait du remplacement de la taxe professionnelle.

C'est la raison pour laquelle, contrairement à nos excellents rapports de nos collègues Daniel Hoeffel et Michel Mercier, je suis opposé au pourcentage de 33 %, car je crois que, dans la conjoncture actuelle, compte tenu du remplacement de la taxe professionnelle, il constitue un danger pour l'ensemble de nos collectivités territoriales.

Pour ma part, je me rallie au texte qui nous vient de l'Assemblée nationale. Il prévoit que le Gouvernement établira un rapport précisant le taux réel de l'ensemble des ressources locales en 2003. C'est à partir de cette base que nous pourrons fixer le cliquet qui nous permettra d'engager dans de bonnes conditions l'avenir, je parle d'un avenir lointain, car une constitution ne se modifie pas sans cesse.

En troisième lieu, la solution de sagesse apparaît être celle qu'a indiqué notre excellent collègue M. Fréville ; il faut partir des ressources qui sont directement à la main des collectivités territoriales : assiette et taux, ou assiette ou taux ; pour ma part, j'adopterais plutôt la formulation de M. Hoeffel et de M. Mercier : « assiette, taux ou tarif », car cela me paraît préférable.

Il faut aussi ajouter les éléments de fiscalité sur lesquels nous n'avons pas directement un droit en matière de taux ou d'assiette, mais qui sont des ressources locales. Des droits d'enregistrement sont devenus, dans nos budgets, des ressources propres. (Oui ! sur les travées de l'UMP.) C'est parfaitement clair.

Il faut par conséquent partir des amendements de la commission et intégrer les éléments qu'a ajoutés M. Fréville ; il me semble que, dans ces conditions, nous pouvons supprimer les 33 %, être en conformité avec le texte de la Constitution et arriver à quelque chose de satisfaisant qui nous permettra d'apporter des améliorations.

En effet, le problème de fond est le calcul de la part déterminante, au sujet de laquelle le Conseil constitutionnel s'est clairement prononcé dans sa décision sur l'affaire du RMI-RMA : il veut avoir un point de départ. Le point de départ est la situation de 2003 et, comme l'article 72-2 la Constitution fait référence aux catégories de collectivités territoriales, il faut que nous ayons trois points de départ :...

M. Philippe Marini. C'est plus protecteur !

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Jean-Pierre Fourcade. ...un pour les communes, un pour les départements et un pour les régions.

Voilà les quelques éléments que je voulais verser au dossier ; il faut que nous soyons tout à fait en conformité avec le texte de la Constitution. Nous pouvons partir des amendements de la commission en ajoutant ce qu'a proposé M. Fréville, et il faut laisser au Gouvernement le soin de fixer de manière précise, dans une prochaine loi de finances, le cliquet de départ pour chaque catégorie de collectivités territoriales. Il me semble que, dans ces conditions, nous arriverons à réaliser l'objectif que nous poursuivons sans trop bouleverser l'ensemble des choses et en ayant un résultat assez consensuel. Puisque le groupe socialiste nous a proposé un amendement qui allait bien au-delà de tout cela, il aura la capacité de se rallier à cette position consensuelle et transactionnelle.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Renvoi en commission !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. René Garrec, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. J'ai écouté tous mes collègues qui se sont exprimés et je commence à ne plus voir le fil directeur.

M. Gérard Delfau. Vous n'êtes pas le seul !

M. René Garrec, président de la commission des lois. Monsieur le président, je souhaite que nous entrions directement dans le débat et je demande donc l'examen par priorité de l'amendement n° 7, des sous-amendements nos 41 et 37 qui lui sont rattachés ainsi que de l'amendement n° 16, identique à l'amendement n° 7.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur cette demande de priorité ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis favorable.

M. le président. La priorité est ordonnée.

Nous allons donc examiner par priorité l'amendement n° 7, les sous-amendements n os41 et 37 et l'amendement n° 16

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 7 est présenté par M. Hoeffel, au nom de la commission des lois.

L'amendement n° 16 est présenté par M. Mercier, au nom de la commission des finances.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le premier alinéa de cet article, remplacer les mots :

, autres que le produit des impositions de toutes natures que ces collectivités territoriales reçoivent en application du deuxième alinéa de cet article, sont constituées

par les mots :

sont constituées du produit des impositions de toutes natures dont la loi les autorise à fixer l'assiette, le taux ou le tarif,

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 7.

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. A ce point du débat, présenter l'amendement n° 7 doit être, je l'espère, une contribution à la recherche d'une solution la plus consensuelle possible.

J'ai écouté avec beaucoup d'attention les interventions des uns et des autres, de ceux qui mettent davantage l'accent sur le plan juridique, d'autres qui le mettent sur le plan financier et d'autres encore sur le plan politique. Je remercie les uns et les autres d'avoir, avec beaucoup de franchise, et d'une manière très directe, exposé leurs convictions et leur point de vue, car c'est ainsi que, sur un texte relativement complexe, nous pouvons arriver à dégager une solution.

Beaucoup d'entre vous ont mis l'accent sur les attentes et les inquiétudes des élus locaux. Ce n'est pas l'apanage de l'un ou l'autre d'entre nous, le Sénat est tout à fait dans son rôle en plaçant au coeur d'un débat comme celui sur l'autonomie financière des collectivités locales le problème des finances et des moyens de nos différents niveaux de collectivités territoriales, et j'espère que la solution qui se dégagera permettra à la fois pour l'essentiel de respecter les fondements constitutionnels, de respecter, sur le plan financier, ce qui est compatible avec une situation financière qui n'est pas facile mais aussi d'y inclure les aspects politiques de nos collectivités locales, car c'est cela qu'attendent de nous les élus qui nous ont envoyés au Sénat, Haut conseil des collectivités territoriales de France.

Evidemment, toute solution comporte, sur ce plan, quelques risques : c'est tantôt ce que va dire l'Europe, c'est tantôt ce que pourra dire ou risque de dire le Conseil constitutionnel, ou tantôt encore ce que peut penser l'Assemblée nationale, car, après tout, dans la suite de ce débat, il faudra bien qu'à un moment donné députés et sénateurs puissent, ensemble, dégager une solution.

Je voudrais également, avant de présenter l'amendement proprement dit, m'exprimer à propos des 33 %.

Bien que ces 33 % soient au coeur de l'article 3 que nous verrons tout à l'heure - mais, nous l'avons bien compris, on ne peut dissocier le seuil plancher du reste du débat -, je dirai d'emblée, ayant entendu ce qui se disait à droite, au centre et à gauche, que je n'ai trouvé que peu de partisans effrénés du maintien d'un seuil plancher de 33 %. (M. Jean-Pierre Sueur s'exclame.)

Ce n'est pas la commission des lois, et je ne préjuge pas, en l'occurrence, de ce que pourra dire la commission des finances, qui fera obstacle à une solution plus réaliste et moins porteuse de rumeurs et d'inquiétudes que ce seuil de 33 %.

Par conséquent, si accord il doit y avoir, il doit porter non seulement sur l'article 2, concernant la définition des ressources propres, mais aussi sur l'article 3, concernant la notion de plancher, particulièrement de 33 %.

Ce décor étant campé, je dois maintenant présenter l'amendement n° 7 de la commission des lois avec le souci que cet amendement puisse être examiné en même temps que certains sous-amendements qui suivent, car c'est peut-être de là que pourra jaillir la lumière et l'issue favorable.

S'agissant de l'amendement n° 7, mes chers collègues, je vous prie d'emblée de bien vouloir m'excuser de redire ce que j'ai déjà eu l'occasion d'indiquer hier dans la discussion générale. Mais comme nous sommes là au coeur du sujet, mieux vaut peut-être dire deux fois la même chose que de laisser dans l'ombre certains aspects.

L'amendement n° 7 a pour objet de préciser que, parmi les impositions de toutes natures, seules constituent des ressources propres les recettes fiscales dont les collectivités sont autorisées, par la loi, « à fixer l'assiette, le taux ou le tarif ».

La commission propose cet amendement pour plusieurs raisons.

Le premier argument - je sais que lorsque des juristes discutent, il n'y a pas forcément unanimité au départ, et c'est d'ailleurs le charme des débats juridiques - est que cet amendement me paraît conforme à la Constitution.

En effet, le deuxième alinéa de l'article 72-2 prévoit que les collectivités peuvent disposer de recettes fiscales modulables et de recettes fiscales non modulables.

Le troisième alinéa dispose clairement que seules les recettes fiscales propres doivent représenter, avec les autres ressources propres, « une part déterminante de l'ensemble des ressources ».

M. Jean-Pierre Sueur. C'est l'essentiel !

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. Il revient donc à la loi organique - nous sommes cette fois-ci au coeur de la loi organique, et je pense que personne, ici, ne le contestera - de définir ce que sont les recettes fiscales propres.

Or, que sont les recettes fiscales propres sinon des recettes dont les collectivités ont la maîtrise ? C'est au contraire la définition extensive des ressources propres retenue dans le texte qui nous revient qui me paraît fragile, même si j'en comprends parfaitement les motivations profondes.

M. Daniel Hoeffel. Le deuxième argument qui justifie cet amendement est que ce dernier est, je le crois, parfaitement conforme à l'esprit de la révision constitutionnelle et aux interprétations qui en ont été données au cours des débats, particulièrement au Sénat, en 2003.

Je citerai quelques témoignages venant étayer cette position.

Dans son rapport sur la loi constitutionnelle relative à l'organisation décentralisée, le président de la commission des lois de l'Assemblée nationale, Pascal Clément, définissait les ressources propres comme « les ressources libres d'emplois, définitivement acquises et dont l'initiative quant au principe et au montant relève d'une décision de la collectivité territoriale. »

J'en viens au deuxième témoignage : cette définition reprend celle que le Gouvernement avait alors communiquée à votre commission des lois en réponse à notre président René Garrec, alors rapporteur de ce projet de loi constitutionnelle. Lors des débats au Sénat, le garde des sceaux, M. Dominique Perben, avait souligné l'importance de l'idée de responsabilité fiscale corollaire de la responsabilité démocratique.

Troisième témoignage : je rappelle que la proposition de loi constitutionnelle votée par le Sénat en octobre 2000 -certes, en d'autres temps, mais sur un thème qui n'est pas totalement déconnecté de celui dont nous traitons aujourd'hui -,...

M. Jean-Pierre Sueur. C'est le même !

M. Daniel Hoeffel, rapporteur. ... a directement inspiré la rédaction de l'article 72-2 de la Constitution, puisqu'elle contenait le texte suivant :

« La libre administration des collectivités territoriales est garantie par la perception de recettes fiscales dont elles votent les taux dans les conditions prévues par la loi.

« Les ressources hors emprunt de chacune des catégories de collectivités territoriales sont constituées pour la moitié au moins de recettes fiscales et autres ressources propres.

« Les collectivités territoriales peuvent recevoir le produit des impositions de toute nature. »

Ainsi, la proposition de loi établissait une distinction claire entre les ressources fiscales propres et le produit des impositions de toute nature, distinction qui figure également dans la Charte de l'autonomie locale, dont l'article 9 précise : « Une partie au moins des ressources financières des collectivités locales doit provenir de redevances et d'impôts locaux dont elles ont le pouvoir de fixer le taux, dans les limites de la loi. »

Telles sont, monsieur le président, mes chers collègues, les raisons qui ont conduit vos commissions à déposer cet amendement.

Je le répète, nous sommes prêts, sans renoncer à l'essentiel, à trouver à la lumière des sous-amendements la solution réaliste qui répondra à l'aspect juridique, à l'aspect financier et à l'aspect politique. En effet n'oublions jamais que nous sommes le Grand Conseil des collectivités territoriales de France !

C'est dans cet esprit que je me permets de vous présenter cet amendement, avec autant de conviction que possible, en espérant que nous pourrons dégager une solution satisfaisante pour les uns comme pour les autres - ce qui, évidemment, n'est pas aisé sur un texte complexe comme celui-là. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste. - M. Gérard Delfau applaudit également.)

M. le président. Le sous-amendement n° 41, présenté par M. Girod, est ainsi libellé :

Dans le texte proposé par l'amendement n° 7, remplacer les mots :

l'assiette, le taux

par les mots :

l'assiette et le taux

La parole est à M. Paul Girod.

M. Paul Girod. J'ai déjà indiqué tout à l'heure que ce sous-amendement recouvre une question précise : quelle sera la possibilité pour une collectivité territoriale d'influer sur l'assiette - ce qui fait basculer l'impôt dans ses ressources propres - sans être enfermée dans une simple logique de diminution ?

M. le président. Le sous-amendement n° 37 rectifié, présenté par MM. Fréville et du Luart, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par l'amendement n° 7 par les mots :

ou dont la loi détermine, par collectivité, la localisation de l'assiette ou du taux,

La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. Ce sous-amendement s'inscrit dans la droite ligne des réflexions que vient de nous livrer M. Hoeffel.

Je suis parfaitement d'accord avec lui sur l'équilibre que nous devons trouver entre la définition des ressources propres, d'un côté, et la part déterminante, de l'autre côté : si nous élargissons la notion de ressources propres, nous devrons naturellement en tenir compte pour calculer plus tard la part déterminante !

Cependant, mon point de départ est en quelque sorte inverse. Alors que la commission des lois a commencé par définir, parmi les impositions de toutes natures, le noyau dur auquel on pouvait reconnaître le caractère de ressources propres, j'aurais personnellement tendance à prendre pour base la position qui était initialement celle du Gouvernement et de l'Assemblée nationale : en principe, sont éliminées des ressources propres les dotations de l'Etat.

Je me suis donc demandé quelles étaient, parmi ces dotations de l'Etat, celles qui pouvaient, à tort, apparaître comme des « impositions de toutes natures » et être classées parmi les ressources propres. Je le disais tout à l'heure, on trouvera certainement des impôts partagés qui ont le caractère de dotations, et ce sont ceux-là que nous devons absolument éliminer de façon précise.

J'ai pensé, et c'est ce qui m'a poussé à déposer ce sous-amendement, que la localisation d'un impôt partagé suffisait à caractériser une ressource propre.

Cela a pour conséquence a contrario qu'une ressource dont la loi ne détermine pas la part attribuée à chaque collectivité est une dotation : il est certain qu'une ressource affectée globalement à l'ensemble des collectivités locales, même si elle provient d'une imposition de toutes natures, ne peut pas être considérée comme une imposition propre à chaque collectivité locale, voire à chaque catégorie de collectivité locale.

Voilà donc un premier critère.

Prenons des exemples concrets, parce qu'il ne faut pas tourner autour du pot : si nous répartissons entre les départements la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, il faudra en affecter une part à chaque département, nommément désigné ; il faudra procéder de même à l'échelon régional et attribuer une fraction de la TIPP à chaque région, nommément désignée.

M. Michel Dreyfus-Schmidt. Et les communes ?

M. Yves Fréville. Soyons clairs : ce sera effectivement difficile à réaliser pour les communes.

Le deuxième critère est à chercher dans la localisation de l'assiette, lorsqu'elle est possible.

Dans la répartition que la loi détermine collectivité par collectivité, en effet, le premier principe à respecter est que le partage soit opéré en fonction d'une localisation de l'assiette, dès lors qu'elle est possible. Ainsi, lorsque l'on voudra partager la TIPP entre les régions, il faudra bien évidemment définir les critères de localisation de l'assiette, si l'on tient compte des quantités consommées ou livrées - je ne sais pas quel est le terme le plus approprié - dans chacune. De la même façon, sont ici visés tous les impôts à taux fixe dont l'assiette est localisée, en particulier les droits de mutation à titre onéreux.

Toutefois, il arrivera que nous ne soyons pas en mesure de localiser l'assiette, et l'exemple de la répartition de la TIPP entre les départements semble illustrer ce cas de figure. Il faudra alors localiser le taux ! Je le rappelais tout à l'heure, ce n'est nullement une nouveauté dans notre droit, puisque nous avons voté le versement transport pour la région d'Ile-de-France en différenciant le taux par département.

Bien entendu, les deux aspects peuvent se combiner.

Tel est le sens de ce sous-amendement, qui vise à définir avec précision les ressources propres des collectivités et, a contrario, les dotations.

(M. Christian Poncelet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)