Art. 2
Dossier législatif : projet de loi relatif aux aéroports
Art. 5

Article 3

I. - La société Aéroports de Paris et l'Etat concluent une convention à l'effet de prévoir les conditions dans lesquelles, en cas de fermeture à la circulation aérienne de tout ou partie d'un aérodrome, Aéroports de Paris indemnise l'Etat en contrepartie de la valeur supplémentaire acquise par les immeubles qui lui ont été attribués en application des dispositions de l'article 2 de la présente loi.

La convention, conclue pour une durée de soixante-dix ans au moins, détermine les modalités de calcul et de versement de cette indemnité, qui ne peut être inférieure à 70 % de la différence existant entre la valeur de ces immeubles à la date de leur attribution à Aéroports de Paris, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires, et leur valeur vénale, établie à la date de la fermeture à la circulation aérienne de l'aérodrome occupant les terrains.

Les dispositions de l'article L. 225-40 du code de commerce ne sont pas applicables à la convention qui est soumise à la seule approbation du conseil d'administration d'Aéroports de Paris.

II. - L'indemnité versée par Aéroports de Paris est déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

III - Les dispositions du II de l'article 7 de la loi n° 86-793 du 2 juillet 1986 autorisant le gouvernement à prendre diverses mesures d'ordre économique et social ne peuvent être mises en oeuvre, le cas échéant, à l'égard de la société Aéroports de Paris, si la convention prévue au I du présent article n'a pas été conclue.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 16 est présenté par MM. Billout et  Coquelle, Mmes Demessine et  Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 40 est présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 16.

M. Michel Billout. Mon propos s'inscrit dans la continuité de l'argumentation que j'ai développée au sujet de l'article 2.

Les dispositions de ces articles sont très inquiétantes, à la fois quant à l'avenir de nos services aéroportuaires en Ile de France et quant à l'aménagement même de notre territoire.

Cet article 3, comme le souligne M. le rapporteur, tend à préserver les intérêts patrimoniaux de l'Etat. Il prévoit notamment que l'Etat soit indemnisé par ADP en cas de fermeture d'aérodrome et qu'il récupère 70% des éventuelles plus-values foncières.

On perçoit immédiatement les enjeux qui découlent directement de la valorisation patrimoniale des terrains qui verseront dans le domaine privé.

On comprend également quelle manne financière cela peut représenter pour l'Etat. Lorsque la société ADP sera privatisée, ce ne seront pas moins de 30% de cette plus-value foncière qu'elle pourra récupérer.

En matière d'aménagement du territoire, les enjeux sont également extrêmement importants. La gestion et la valorisation de certains terrains concernent nombre de communes riveraines des zones aéroportuaires. Cet élément est une source d'inquiétude pour les usagers et pour les élus de ces zones à la périphérie des aéroports.

Il ne faudrait pas que cela se traduise par une concurrence accrue sur le plan de l'attractivité du territoire ou par une mise en concurrence des villes qui cherchent à attirer des activités nouvelles.

La généralisation des zones franches, les exonérations de charges patronales qui se multiplient constituent autant d'éléments jouant sur la concurrence territoriale. Jusqu'où irons-nous dans cette dynamique qui vise à tout tirer vers le bas ?

A ce propos, j'ai été alerté par mon collègue et ami François Asensi sur des dispositions qui risquent de grever fortement les finances des collectivités locales des zones aéroportuaires.

Il semble en effet qu'une interprétation extensive d'une mesure d'abattement fiscal, prévue à l'article 1518 A du code général des impôts, fasse profiter des entreprises qui n'ont pas de lien direct avec les activités aéroportuaires - et qui pour cette raison ne devraient pas pouvoir en profiter - des abattements d'un tiers des valeurs locatives prévus à cet article 1518 A.

Cela constitue autant de pertes de ressources pour les collectivités locales, qui, dans le cadre de la décentralisation, ne cessent de voir leurs charges financières s'accroître. Il faut s'en inquiéter, monsieur le ministre.

L'Etat ne peut refuser de s'endetter et mener une politique d'orthodoxie budgétaire et de réduction du déficit d'une part, tout en réduisant d'autre part les ressources financières qui pourraient alimenter la croissance, en multipliant ce type de mesures d'exonération fiscale. Les collectivités locales ne peuvent voir leurs ressources fondre de cette manière.

Telles sont les raisons du dépôt de cet amendement, qui vise à la suppression de l'article 3.

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement no40.

M. Daniel Reiner. Il parait surprenant que cet article 3 fasse clairement référence à la suppression d'aéroports. Quels sont les aéroports qui pourraient être concernés en Ile de France par une telle fermeture ? Qui décidera de la fermeture d'un aéroport ?

Il y a indemnisation de l'Etat en cas de vente du patrimoine immobilier, mais cette indemnisation n'est pas totale. Que signifie cette expression : «  70% de la différence existant entre la valeur de ces immeubles, à la date de leur attribution, majorée de coûts liés à leur remise en état à la fermeture des installations, et leur valeur vénale à la date de fermeture de la circulation » ? Avons-nous la garantie que les intérêts financiers de l'Etat seront réellement préservés ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Défavorable, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Nous ne pouvons suivre les conclusions de M. Billout : l'article 3 étant indissociable du transfert de domanialité, nous ne saurions supprimer cet article.

Afin que les choses soient claires, je précise à M. Reiner qu'il n'y a aucun projet de fermeture d'aéroport. Si, un jour, la fermeture d'un aérodrome à la circulation aérienne publique était envisagée, cela relèverait, et cela relèvera toujours, de l'Etat.

M. Daniel Reiner. J'aime à vous l'entendre dire !

M. Gilles de Robien, ministre. En cas de fermeture, selon le dispositif prévu, s'il y avait vente des terrains, 70% du produit de la vente reviendrait à l'Etat et 30 % reviendrait à ADP. Or le capital d'ADP étant majoritairement détenu par l'Etat, l'Etat recevrait encore une partie de ce produit, qui serait proportionnelle à son capital.

Le gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces deux amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 16 et 40.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Article 4

Sous réserve des dispositions de l'article 2 de la présente loi, l'ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de l'établissement public Aéroports de Paris, en France et hors de France, sont attribués de plein droit et sans formalité à la société Aéroports de Paris sans qu'il en résulte de modification des contrats et des conventions en cours conclus par Aéroports de Paris, l'une de ses filiales ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. En particulier, les conventions temporaires d'occupation du domaine public restent soumises jusqu'à leur terme au régime précédemment applicable. La transformation en société anonyme n'affecte pas davantage les actes administratifs pris par Aéroports de Paris à l'égard des tiers.

 
 
 

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 17 est présenté par MM. Billout et  Coquelle, Mmes Demessine et  Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 41 est présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

 

La parole est à M. Michel Billout, pour défendre l'amendement n° 17.

M. Michel Billout. Cet article pose le principe de la continuité juridique de tous les contrats, droits et obligations de l'établissement public ADP avant sa transformation en société anonyme.

Tous les accords juridiques conclus avec des tiers sont donc garantis et transmis à la nouvelle société ADP.

Nous pouvons cependant avoir quelques doutes à ce sujet dans le cas d'une privatisation d'ADP. Je rappelle qu'un simple accord international, une fusion avec une autre entreprise suffiraient à diluer suffisamment le capital de la société pour que l'Etat devienne minoritaire.

Qu'en sera-t-il de cette continuité juridique lorsque de nouveaux intérêts privés seront entrés dans le capital d'ADP ? Une entreprise privée respectera-t-elle les engagements pris par une société publique ? La question mérite d'être posée.

Je continue de penser qu'une solution autre que celle qui consistait à ouvrir le capital de l'entreprise était possible.

Qu'une entreprise soit fortement endettée n'est finalement pas si choquant, surtout lorsque cet endettement correspond à de lourds investissements dans le cadre d'une stratégie industrielle fondée sur le long terme, ce qui fut le cas pour ADP. Cet établissement a su se doter d'infrastructures aéroportuaires qui ont permis l'aménagement de notre territoire et la mise en oeuvre de services de transports aériens de qualité.

Cet endettement est d'autant moins choquant que l'Etat lui-même refuse de participer, d'une manière directe ou indirecte, au financement des besoins d'aménagement de notre territoire.

La solution de la recapitalisation de l'établissement public étant écartée, le recours aux marchés financiers est-il l'ultime solution ? Je ne le crois pas.

Je reste convaincu que cette option pèsera sur les choix d'investissements futurs d'Aéroports de Paris. Elle fragilisera cet établissement plus qu'elle ne favorisera son développement.

Les marchés financiers sont particulièrement soumis au règne du court terme. On ne saurait négliger la contrainte qui en découle et qui impose aux investisseurs de se tourner vers une rentabilité immédiate.

En réponse aux besoins des populations, au développement des services publics de transport aérien, d'autres choix sont possibles.

Qu'est-ce qui nous interdit en effet de nous tourner vers nos propres institutions bancaires ? Créer un pôle public de crédit regroupant des banques, des institutions publiques ou semi-publiques qui, par le biais de taux d'intérêt non alignés sur les rendements actuellement exigés par les marchés financiers, permettrait sans doute de mieux répondre aux besoins des populations.

Un tel pôle public pourrait précisément permettre de réduire le taux d'endettement de l'établissement public ADP en lui apportant des capitaux nouveaux, avec des exigences moindres que s'il s'agissait de capitaux privés.

Telles sont les propositions que nous pouvons faire et qui éviteraient la privatisation d'un établissement qui, par le passé, a fait preuve de sa réussite.

Elles méritent en tout cas d'être débattues, plutôt que de considérer, de manière dogmatique et idéologique, qu'il n'y a pas d'autre solution que de changer le statut de nos entreprises publiques et de nos établissements publics pour ouvrir leur capital en vue de leur privatisation !

Il s'agit en réalité d'un choix politique en faveur d'un type de société qui réduit la place de nos services publics et les liens de solidarité qui en découlent.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour présenter l'amendement n° 41.

M. Jean Desessard. Par cet amendement de coordination, il s'agit de s'opposer au transfert des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature à la société de droit privé ADP. Le transfert le plus inacceptable est celui des biens, notamment les infrastructures liées directement à l'activité aérienne, qui constituent les outils permettant l'accomplissement des missions de service public, en particulier les pistes.

M. le ministre n'ayant pas apporté de démenti concernant mon intervention précédente, j'indique que la société Air France émet de grandes réserves sur le transfert des biens à la société ADP.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. Dans la deuxième phrase de cet article, supprimer les mots :

En particulier

II. Dans la dernière phrase de cet article, supprimer le mot :

davantage

et remplacer les mots :

Aéroports de Paris

par les mots :

l'établissement public

La parole est à M. le rapporteur, pour présenter l'amendement n° 1 et pour donner l'avis de la commission sur les amendements nos 17 et 41.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. L'amendement n° 1 est de nature rédactionnelle.

La commission a par ailleurs émis un avis défavorable sur les amendements identiques nos 17 et 41.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Le Gouvernement est défavorable aux amendements de suppression de l'article 4. Leur adoption aurait pour conséquence de rendre tous les emplois précaires puisque l'on a justement besoin de transférer les droits, les obligations, les contrats, les conventions et les autorisations de toute nature pour assurer la continuité du service public et le fonctionnement d'ADP. Je n'ose pas imaginer que c'est ce que les auteurs de l'amendement souhaitent !

M. Billout a, en outre, évoqué l'hypothèse d'une fusion qui pourrait rendre l'Etat minoritaire. Ce n'est pas possible puisque ce projet de loi prévoit que l'Etat doit rester majoritaire dans tous les cas. Cela signifie donc qu'une fusion, si elle devait se produire un jour, serait limitée par la loi, l'Etat devant rester majoritaire.

Le Gouvernement est par ailleurs favorable à l'amendement n° 1.

Mme Hélène Luc. Vous avez votre cohérence ; nous avons la nôtre !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. C'est une cohérence dans l'illogisme !

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 17 et 41.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4, modifié.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 3
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Art. 6

Article 5

I. - Les statuts de la société Aéroports de Paris sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ils sont modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes. Sauf stipulation contraire des statuts, la direction générale de la société est assurée par le président de son conseil d'administration.

II. - Le capital initial de la société est détenu intégralement par l'Etat. Les comptes du dernier exercice de l'établissement public Aéroports de Paris avant sa transformation résultant de l'article 1er de la présente loi sont approuvés dans les conditions de droit commun par l'assemblée générale de la société Aéroports de Paris.

III. - Nonobstant la transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, les administrateurs élus en application du 3° de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public restent en fonctions jusqu'au terme normal de leur mandat et dans les conditions prévues par ladite loi. Jusqu'à cette date, l'effectif du conseil d'administration de la société Aéroports de Paris reste fixé à vingt et un membres et le nombre des représentants de chacune des catégories définies aux 1°, 2° et 3° de l'article 5 de la loi du 26 juillet 1983 précitée reste fixé à sept.

IV. - Les dispositions de l'article L. 225-24 du code de commerce s'appliquent en cas de vacance de postes d'administrateurs désignés par l'assemblée générale.

La transformation d'Aéroports de Paris en société n'affecte pas le mandat de ses commissaires aux comptes en cours à la date de ladite transformation.

Le premier alinéa de l'article L. 228-39 du code de commerce ne s'applique pas à la société Aéroports de Paris durant les exercices 2005 et 2006.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 18 est présenté par MM. Billout et  Coquelle, Mmes Demessine et  Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 42 est présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Les dispositions de cet article visent à entériner la transformation juridique de la société ADP. Ainsi, les statuts de la nouvelle société seront fixés par décret en Conseil d'Etat et pourront être modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes.

Il s'agit bien d'un basculement vers le droit commun des sociétés qui, il faut le répéter, constitue une première étape vers la privatisation d'ADP. Et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, le fait que l'Etat récupère la totalité du capital d'ADP ne constitue aucune garantie contre la privatisation, bien au contraire, comme en témoignent plusieurs exemples.

C'est précisément parce que le secteur des transports aériens pouvait être considéré comme essentiel pour l'aménagement de notre territoire qu'ADP a été créé sous la forme d'un établissement public.

Avec l'abandon d'un tel statut, une mise en faillite devient possible. A-t-on clairement envisagé les conséquences d'une telle décision ? En refusant de mettre en place de nouveaux moyens de financement autour d'un pôle public bancaire et financier - point sur lequel je regrette l'absence de débat -, vous placez cette entreprise sous la coupe des marchés financiers et de la rentabilité immédiate.

Avec le statut d'établissement public, le pays avait fait le choix de se doter d'outils industriels pour mettre en oeuvre la politique d'aménagement du territoire, de développement des missions de service public, tout en préservant de la faillite un secteur vital pour l'économie.

Comme nous l'avons déjà dénoncé au cours de la discussion, les arguments traditionnellement invoqués pour justifier l'ouverture du capital ne sont pas convaincants et relèvent du dogmatisme libéral.

Lorsque la société sera privatisée...

Mme Hélène Luc. Ce n'est pas encore fait !

M. Michel Billout. ...- j'espère que ce ne sera pas le cas, mais j'en doute - les investissements industriels nécessaires au développement du service public aéroportuaire seront-ils maintenus ? Nous avons de bonnes raisons d'en douter face à l'intensification de la concurrence sur les plans européen et mondial.

Autant de questions qui auraient mérité un réel débat public avec les usagers et l'ensemble des citoyens !

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 42.

M. Daniel Reiner. L'article 5 a pour vocation d'être rassurant. J'ai déjà dit en défendant la motion de renvoi à la commission ce que je pensais des statuts initiaux fixés en Conseil d'Etat sans que l'on ait pu en discuter plus avant. Il rassurera essentiellement le personnel puisqu'il y est prévu que le capital initial de la société sera intégralement détenu par l'Etat. Le fait d'évoquer un « capital initial » suppose une phase ultérieure, puis une phase finale... Cette assurance est de toute façon éphémère, et la rédaction permet évidemment l'entrée des capitaux privés.

Une série de questions se pose donc : quand, avec qui, pour quoi faire ? Quelle part l'Etat entend-il conserver à terme ? Initialement, l'Etat détient la totalité du capital ; par la suite, jusqu'où irait-il : 51 %, 60 %, 70 % comme pour EDF ?

Autorisera-t-il la création de minorités de blocage ? Ce n'est tout de même pas dans le décret que l'on va répondre à ces questions !

La recapitalisation par l'Etat, qui détiendra intégralement les capitaux, est-elle envisagée ? Dans l'affirmative, à quelle hauteur ? En 2005, par exemple, des investissements de 700 millions d'euros ont été évoqués. Le désendettement justifierait dès maintenant une recapitalisation : sera-t-elle engagée, à quelle échéance ?

Les statuts seront fixés, dit-on, par décret. Quel sera l'objet social d'ADP ? Quelles activités de diversification seront autorisées ? Certaines d'entre elles seront-elles expressément interdites ? Inscrira-t-on dans les statuts que la raison sociale d'ADP est avant tout la réalisation des activités liées à l'exploitation des plates-formes aéroportuaires ?

Avouez que ces questions rejoignent le débat que nous avons eu à l'occasion de la discussion des motions de procédure. Laisser à un décret le soin de fixer tous ces points, c'est priver le législateur de l'essentiel de son rôle !

Mme Hélène Luc. Bonne question !

M. le président. L'amendement n° 43, présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du II de cet article, supprimer le mot :

initial

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Il s'agit, chacun l'aura compris, d'un amendement de repli. En supprimant l'adjectif : « initial », nous assurons en quelque sorte la présence de l'Etat pour une période plus longue.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. La commission est évidemment défavorable aux amendements nos 18 et 42.

Il est tout de même curieux que la mention dans la loi que l'Etat sera majoritaire ne soit pas une garantie pour M. Billout et ses collègues du groupe communiste républicain et citoyen. Or la loi est l'expression de la représentation nationale et elle s'élabore ici !

Que vous n'ayez pas confiance en vous, je le comprends tout à fait - je suis même d'accord avec vous - mais faites confiance à la majorité !

La commission est également défavorable à l'amendement n° 43. Nous avons déjà eu l'occasion de débattre de ce point lors de l'examen des motions, comme l'a souligné M. Reiner. J'observerai cependant que l'adoption de cette disposition priverait ADP des capitaux des investisseurs privés qui pourraient contribuer à son développement. C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons que nous y opposer.

Mme Hélène Luc. Cela aidera-t-il au développement ?

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant des amendements nos 18 et 42, il convient de rappeler que la fixation des statuts initiaux d'ADP par décret en Conseil d'Etat traduit le contrôle par l'Etat sur le capital initial de la société et sa participation, au départ de 100 %. Vous n'allez tout de même pas nous le reprocher !

Monsieur Reiner, vous me demandez quelle part du capital l'Etat cédera après en avoir détenu 100 % par décret en Conseil d'Etat. Il n'en cédera certainement pas plus de 49 %, l'Etat devant rester majoritaire de façon qu'il n'y ait pas de privatisation, comme la loi l'y oblige.

Par conséquent, ayez confiance, sinon en vous-mêmes, comme dirait M. Le Grand, du moins dans la loi républicaine qui dispose qu'il n'y a pas de privatisation et que l'Etat sera toujours majoritaire dans le capital.

Mme Hélène Luc. Cela devait se passer comme cela aussi pour France Télécom !

M. Gilles de Robien, ministre. S'agissant de l'amendement n° 43, l'un des objectifs principaux du projet de loi est de permettre une ouverture minoritaire afin que l'Etat reste majoritaire dans le capital d'ADP. Si l'on supprime le mot « initial », l'Etat détiendra toujours 100 % du capital et ADP se privera de partenaires qui pourront l'aider à se développer, à créer des emplois et des richesses. Cela me semble intéressant pour la collectivité nationale. C'est le but recherché par ce changement de statut.

M. Daniel Reiner. Dans quels délais, monsieur le ministre ?

M. Gilles de Robien, ministre. Quand le marché le permettra !

Le Gouvernement est donc défavorable aux trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 18 et 42.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 43.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Art. 5
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Art. 7

Article 6

Les articles L. 251-1 à L. 251-3 du code de l'aviation civile sont remplacés par les dispositions suivantes :

« Art. L. 251-1.- La société Aéroports de Paris est régie par le présent code, par les dispositions du titre Ier de la loi n° ... du ... relative aux aéroports et par les dispositions législatives non contraires applicables aux sociétés commerciales.

« La majorité de son capital est détenue par l'Etat ».

« Art. L. 251-2. - La société Aéroports de Paris est chargée d'aménager, d'exploiter et de développer les aérodromes de Paris-Charles-de-Gaulle, Paris-Orly, Paris-Le Bourget, ainsi que les aérodromes civils situés dans la région Ile-de-France dont la liste est fixée par décret. Elle peut exercer toute autre activité, aéroportuaire ou non, dans les conditions prévues par ses statuts.

« Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe, notamment, les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés ci-dessus, assure, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, l'exécution de missions de police administrative, en particulier celles prévues par l'article L. 213-3 du présent code, et décide la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes qu'elle exploite et entre les aérogares d'un même aérodrome.

« Il fixe, le cas échéant, les modalités selon lesquelles la société apporte son concours à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat.

« Il détermine les modalités du contrôle par l'Etat du respect des obligations incombant à la société au titre de ses missions de service public et les conditions de l'accès des agents de l'Etat aux données comptables et financières de celle-ci.

«  Il fixe les conditions dans lesquelles l'Etat, ses établissements publics ainsi que les personnes agissant pour leur compte bénéficient d'un accès à l'ensemble du domaine aéroportuaire, pour l'exercice de leurs missions comme pour l'exercice de leur pouvoir de contrôle sur Aéroports de Paris.

« Il fixe les conditions dans lesquelles l'Etat exerce son contrôle sur les contrats par lesquels Aéroports de Paris confie à des tiers l'exécution de certaines des missions mentionnées au deuxième alinéa du présent article.

« Il détermine les sanctions administratives susceptibles d'être infligées à Aéroports de Paris en cas de manquement aux obligations qu'il édicte.

L'autorité administrative peut, en particulier, prononcer une sanction pécuniaire dont le montant est proportionné à la gravité du manquement, à l'ampleur du dommage et aux avantages qui en sont tirés, sans pouvoir excéder 0,1 % du chiffre d'affaires hors taxe du dernier exercice clos d'Aéroports de Paris, porté à 0,2 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. »

« Art. L. 251-3. - Lorsqu'un ouvrage ou terrain appartenant à Aéroports de Paris et situé dans le domaine aéroportuaire est nécessaire à la bonne exécution par la société de ses missions de service public ou au développement de celles-ci, l'Etat s'oppose à sa cession, à son apport, sous quelque forme que ce soit, à la création d'une sûreté sur cet ouvrage ou terrain, ou subordonne la cession, la réalisation de l'apport ou la création de la sûreté à la condition qu'elle ne soit pas susceptible de porter préjudice à l'accomplissement desdites missions.

« Le cahier des charges d'Aéroports de Paris fixe les modalités d'application du premier alinéa, notamment les catégories de biens en cause.

«  Est nul de plein droit tout acte de cession, apport ou création de sûreté réalisé sans que l'Etat ait été mis à même de s'y opposer, en violation de son opposition ou en méconnaissance des conditions fixées à la réalisation de l'opération.

«  En outre, les biens mentionnés au deuxième alinéa ne peuvent faire l'objet d'aucune saisie et le régime des baux commerciaux ne leur est pas applicable. »

M. le président. Je suis saisi de onze amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 19 est présenté par MM. Billout et  Coquelle, Mmes Demessine et  Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 44 est présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Je m'attacherai plus particulièrement à la disposition de l'article 6 selon laquelle la majorité du capital d'ADP est détenue par l'Etat, répondant en cela aux remarques formulées par le rapporteur.

On invoque sans cesse le fait qu'une telle disposition serait un gage de non-privatisation, qu'elle apporterait des garanties en termes de statut du personnel ou de respect des obligations de service public.

Ainsi, l'on devrait admettre que l'ouverture du capital ne serait pas une privatisation. L'Etat resterait majoritaire et conserverait ainsi le pouvoir de décision, la possibilité d'orienter les choix en fonction du long terme et des exigences de sécurité et de service public.

Dans les faits, on constate que l'ouverture du capital se traduit rapidement par des objectifs de rentabilité, au détriment de tout autre choix.

On a pu le constater avec Air France et avec France Télécom, l'ouverture du capital n'est que la première étape vers la privatisation.

Par ailleurs, tout intérêt privé peut obtenir une minorité de blocage...

Mme Hélène Luc. Bien sûr !

M. Michel Billout. ...et contraindre ainsi les options et les choix de l'Etat en tant qu'actionnaire majoritaire.

Enfin, certaines dispositions suggèrent que ce projet de loi est bien une étape vers la privatisation totale d'ADP. Il ouvre la voie à une diversification tous azimuts des activités d'ADP, avec le développement prévisible de la sous-traitance et de l'externalisation d'activités n'appartenant pas à proprement parler à son coeur de métier.

Par ailleurs, la fixation du cahier des charges par décret en Conseil d'Etat constitue un véritable chèque en blanc !

Quant au montant des sanctions pécuniaires en cas d'infraction à ces obligations, elles ne sont guère très contraignantes, vous l'avouerez.

Telles sont les principales raisons pour lesquelles nous souhaitons la suppression de cet article.

Mme Hélène Luc. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 44.

M. Daniel Reiner. L'article 6 du projet de loi est fondamental. En coordination avec ce que nous avons dit précédemment, il convient de le supprimer.

Cet article définit tout à la fois l'objet social d'ADP, les conditions de mise en oeuvre des missions de service public, par le biais de ce fameux cahier des charges, et les modalités de contrôle par l'Etat d'éventuelles cessions d'actif.

Il définit tout d'abord les missions d'Aéroports de Paris : l'exploitation et l'aménagement des aéroports parisiens font toujours partie de ses missions, mais paraissent banalisées. Il s'agit d'activités d'aéroport comme d'autres, puisqu'il est mis fin au principe de spécialité.

ADP devient une entreprise de services comme une autre. Malheureusement, on ne sait pas à quelles activités ADP sera autorisé à se livrer. C'est la question que j'ai posée au sujet des statuts et pour laquelle je n'ai pas obtenu de réponse.

Y aura-t-il une limite à la diversification ? Sera-t-elle accessoire ? Aura-t-elle un lien avec l'activité du transport aérien ou simplement profitera-t-elle des disponibilités immobilières ? Ne donnera-t-elle pas lieu à d'importants mouvements de filialisation ? Comment sera contrôlée cette diversification de l'activité ?

Chacun se pose ces questions, y compris le personnel d'ADP et parfois même celui des compagnies aériennes.

L'article 6 définit ensuite les conditions de mise oeuvre des missions de service public. Celles-ci seront renvoyées à un cahier des charges, ce qui est assez classique et tout à fait dans la logique du Gouvernement : c'est le choix qui avait été fait pour les télécommunications, l'énergie et qui bientôt, vraisemblablement, sera fait pour La Poste. Le Parlement est laissé à l'écart de la définition du contenu des missions, et les règles fixées par la loi deviennent d'un laconisme que je qualifierais d' « étourdissant » !

Les missions ne sont tout d'abord pas strictement énumérées, comme en témoigne le recours à l'adverbe « notamment ». Le pouvoir réglementaire a donc le loisir d'y mettre ce qu'il veut. C'est un véritable « chèque en blanc » qui lui est ainsi donné, et je ne suis pas sûr, monsieur le ministre, de vouloir placer mon argent dans pareille banque !

Dans quelles conditions ces missions seront-elles assurées ? On ne le sait pas. On ne retrouve pas la déclinaison des principes du service public : continuité, adaptabilité, universalité, neutralité, prix raisonnables.

On ne sait pas comment sera contrôlée l'exécution des missions confiées à ADP, selon quelle périodicité, ni quelles seront les sanctions qui pourraient être envisagées en cas de non-respect.

Quant à ces missions, je note des choses surprenantes. ADP est invité à participer au fonctionnement des services de navigation aérienne alors que ceux-ci relèvent de la responsabilité de l'Etat et sont déjà financés par la redevance de route et la redevance pour services terminaux, acquittées par les transporteurs aériens.

Est-ce à dire qu'il s'agit de mettre en place un double financement pour le fonctionnement des services de navigation aérienne ou que l'Etat externaliserait cette mission ?

Je note également qu'ADP décidera de la répartition des transporteurs aériens entre les aérodromes et les aérogares. L'Etat aura-t-il encore son mot à dire ? Le hub d'Air France pourra-t-il un jour être remis en cause, ce qui, naturellement, serait grave ? Comme cela ne va évidemment pas dans le sens de l'intérêt d'ADP, on peut supposer que ce ne sera pas sa première initiative.

Je note enfin une possible extension des compétences d'ADP en matière de police administrative, ce qui paraît pour le moins surprenant.

Permettez-moi de noter enfin, mes chers collègues, que les rapporteurs des deux commissions ont émis nombre de réserves dans leurs commentaires sur cet article, notamment au sujet de la procédure d'opposition au profit de l'Etat sur la vente de biens nécessaires au fonctionnement de service public.

La rédaction de l'article 6 laisse dans l'ombre de nombreux points qui sont, de facto, renvoyés au cahier des charges, comme je l'ai déjà dit en défendant la motion tendant au renvoi à la commission de ce projet de loi.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous demandons la suppression de cet article, qui nous paraît dangereux pour le bon accomplissement des missions de service public.

M. le président. L'amendement n° 45, présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2511 du code de l'aviation civile :

« La totalité de son capital est détenue par l'Etat ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Par cet amendement, il est proposé de s'opposer à l'ouverture du capital de la nouvelle société.

L'expérience montre, en effet, que toute ouverture de capital conduit, à plus ou moins long terme, à une privatisation.

Cet amendement tend à éviter que les intérêts privés ne décident du devenir des biens nécessaires à l'activité aéroportuaire. Il se justifie par le fait qu'ADP est un service public national et que sont en jeu la sécurité, la sûreté du territoire, la continuité territoriale, la libre circulation des personnes et des marchandises, le développement économique et l'aménagement du territoire.

Je ferai quelques remarques sur les précisions apportées par M. le ministre.

Monsieur le ministre, si vous aviez voulu privatiser ADP, l'auriez-vous fait directement ou auriez-vous proposé de passer, comme aujourd'hui, par une phase qui, sans être encore une privatisation puisque l'Etat est majoritaire, constitue le premier pas vers elle ? Je ne vois pas comment vous auriez pu nous dire, alors qu'ADP fonctionne bien : on privatise et on vend à 100 %.

M. Gilles de Robien, ministre. Mais si, je l'aurais dit !

M. Jean Desessard. Vous êtes donc bien obligé d'en passer par la phase dans laquelle nous sommes !

Il est de plus évident que, pour une question d'ordre technique, une évaluation de l'actif était nécessaire : pour faire un appel de capitaux, il faut bien évaluer le coût des terrains, des installations, le prévisionnel de développement. Il faut donc également, pour cette raison, en passer par une étape transitoire.

Tout à l'heure, on nous a dit : faites-nous confiance. Bien, mais M. Le Grand a affirmé à l'instant qu'ADP n'appartenait pas à l'Etat et que ses terrains appartenaient non pas à l'Etat mais à l'établissement. Voilà une information intéressante, alors qu'on nous a reproché tout à l'heure de vouloir priver ADP de son travail ! Qu'en sera-t-il demain lorsque ADP sera partiellement privatisé ?

Jusqu'à présent, nous pouvions avoir confiance, mais là, véritablement, monsieur le ministre, nous commençons à nous inquiéter !

Mme Hélène Luc. Oui, monsieur le ministre, vous avez aggravé votre cas !

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Billout et  Coquelle, Mmes Demessine et  Didier, M. Le Cam et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le second alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2511 du code de l'aviation civile :

« L'Etat détient plus de 70% de son capital. »

 

La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Cet amendement de repli vise à faire en sorte que l'Etat maintienne sa participation au capital d'ADP à hauteur de 70 %.

La propriété du capital d'une entreprise ayant des missions de service public doit demeurer publique, que ce caractère public soit le fait de l'Etat ou non.

ADP est un établissement chargé de l'aménagement du territoire national ; qu'en sera-t-il si des intérêts privés internationaux peuvent se constituer en minorité de blocage ?

Une telle question mérite d'être posée dans le contexte actuel de la déréglementation européenne et de l'accord général sur le commerce des services, qui remettent en cause l'ensemble des services publics.

Encore une fois, il n'y a aucune fatalité à ouvrir le capital à des intérêts privés, autrement dit à permettre la privatisation !

Même sur le plan européen, des accords avec d'autres entreprises de service public pourraient être trouvés pour répondre aux énormes besoins en matière d'infrastructures !

Cette question mérite d'être soulevée. Tel est le sens de cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 46, présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile :

Elle peut exercer toute autre activité dans les conditions prévues par ses statuts,   sous réserve que cette activité ne soit pas de nature à compromettre ou à entraver l'accomplissement actuel ou futur de ses missions de service public et l'utilisation des installations aéroportuaires par les transporteurs aériens et leurs passagers.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement a pour objet d'encadrer l'objet social de la société ADP. Il n'apparaît pas souhaitable de faire d'ADP une société comme une autre, en faisant totalement disparaître le principe de spécialité.

Le développement économique d'Aéroports de Paris et celui de l'ensemble de la zone trouvent leur origine dans le trafic aérien. Il ne faudrait pas que l'activité liée à l'exploitation aéroportuaire devienne secondaire et que d'autres activités prennent le pas sur les missions premières d'ADP, au risque de remettre en cause le bon fonctionnement de ce service public.

Dans son rapport public de 2002, la Cour des comptes avait été très critique à l'égard de la politique de diversification menée par ADP. Cette critique était certes fondée sur le statut d'établissement public et sur une lecture très stricte, bien plus stricte que celle qui est faite par le Conseil d'Etat, du principe de spécialité.

Cette critique était aussi fondée sur les risques financiers encourus par ADP.

Les conclusions étaient sans appel : « Les activités exercées au-delà du périmètre statutaire, notamment à l'étranger, réduisent ainsi les ressources dans l'immédiat, avec des perspectives aléatoires de bénéfices futurs et dans des conditions juridiquement discutables »

La Cour des comptes écrivait par ailleurs : « Le bilan de ces interventions extérieures est sujet à caution de plusieurs points de vue. Financièrement, l'établissement public a engagé dans ces activités plus de 120 millions d'euros, en incluant les pertes subies, sans qu'aucune date puisse être avancée pour la récupération des sommes qui ne sont pas d'ores et déjà perdues [...] Ces prises de participations sont porteuses de risques financiers et mobilisatrices de capitaux ».

On ne peut pas être plus clair. Qu'ADP soit un établissement public ou une société anonyme ne change rien au fond : la diversification est source de risque.

Nous proposons donc de prévoir des garde-fous, car il ne faut pas fragiliser l'activité liée au transport aérien. Si ADP devient une société anonyme qui se diversifie et qu'elle rencontre des problèmes dans certains secteurs, c'est tout le transport aérien qui en pâtira, au détriment des missions de service public.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième à sixième alinéas du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile par neuf alinéas rédigés comme suit :

 

« La société Aéroports de Paris fournit, à des standards de qualité, de régularité et de continuité appropriés, un service aéroportuaire adapté aux besoins des transporteurs aériens, des autres exploitants d'aéronefs, des passagers et du public. Elle assure de manière transparente et non discriminatoire l'accès des aéronefs, ainsi que des entreprises dont la présence est nécessaire aux activités de transport aérien, à ses installations aéroportuaires. Elle assure, sur chaque aérodrome qu'elle exploite, une coordination de l'action des différents intervenants, quelle qu'en soit la nature, de manière à garantir le meilleur fonctionnement du service. 

"Un cahier des charges approuvé par décret en Conseil d'Etat fixe les conditions dans lesquelles la société Aéroports de Paris assure les services publics liés à l'exploitation des aérodromes mentionnés au premier alinéa et exécute, sous l'autorité des titulaires du pouvoir de police, les missions de police administrative qui lui incombent.

" Ce cahier des charges définit également les modalités :

"- de la répartition des transporteurs aériens entre les différents aérodromes et entre les aérogares d'un même aérodrome, conformément au deuxième alinéa du présent article ;

"- du concours d'Aéroports de Paris à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat ;

"- du contrôle par l'Etat du respect des obligations incombant à Aéroports de Paris au titre du deuxième alinéa du présent article ;

"- de l'accès des agents de l'Etat aux données comptables et financières d'Aéroports de Paris ;

"- de l'accès de l'Etat, de ses établissements publics et des personnes agissant pour leur compte à l'ensemble du domaine aéroportuaire pour l'exercice de leurs missions et de leur pouvoir de contrôle sur Aéroports de Paris ;

"- du contrôle de l'Etat sur les contrats par lesquels Aéroports de Paris confie à des tiers l'exécution de certaines des missions mentionnées au troisième alinéa du présent article. "

 

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous nous trouvons au coeur de l'un des deux problèmes majeurs que pose le projet de loi.

Je vous ai dit, mes chers collègues, dans la discussion générale, qu'il était souhaitable de pouvoir « rapatrier » les principes qu'il avait été dans un premier temps envisagé d'inscrire dans un cahier des charges.

Le premier alinéa de l'amendement n° 2 tend à préciser les principes auxquels l'activité d'ADP doit répondre, en insistant sur la transparence, le caractère non discriminatoire de l'accès des usagers aux installations aéroportuaires, etc.

Les alinéas suivants reprennent le cahier des charges prévu dans la rédaction initiale du projet de loi en y apportant des précisions rédactionnelles.

Je ne répéterai pas ce que j'ai déjà dit ce matin, ce serait quelque peu fastidieux. Je dirai simplement, mes chers collègues, que c'est bien là une de nos missions législatives : réécrire le texte en précisant dans la loi ce qui doit l'être.

J'ai déjà expliqué que cela n'avait pu être fait dans un premier temps dans la mesure où le cahier des charges lui-même était en cours d'élaboration.

Ainsi, Gouvernement, majorité et commission avons ensemble réécrit ce texte ; nous avons tous à y gagner.

M. le président. Le sous-amendement n° 62 rectifié, présenté par M. Soulage, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du premier alinéa du texte proposé par l'amendement n° 2, pour remplacer les deuxième à sixième alinéas de l'article L. 2512 du code de l'aviation civile, après les mots :

de manière transparente et non discriminatoire

insérer les mots :

par des décisions constituant des actes administratifs

La parole est à M. Daniel Soulage.

M. Daniel Soulage. Les décisions de répartition aéroportuaire des transporteurs aériens sont prises par la société ADP.

Ce sous-amendement tend à faire en sorte que ces décisions, compte tenu de leur importance, soient prisent sous le contrôle de l'Etat et qu'elles constituent des actes administratifs.

M. le président. Le sous-amendement n° 49, présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. - Compléter in fine le texte proposé par l'amendement n°2 pour remplacer les deuxième à sixième alinéas de l'article L. 2512 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :

« Les coûts de l'exécution de missions de police administrative et du concours à l'exercice des services de navigation aérienne supportés par la société Aéroports de Paris lui sont remboursés par l'Etat. »

II. - Pour compenser la perte de recettes pour l'Etat résultant du I ci-dessus, compléter cet amendement par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

... - Compléter cet article par un paragraphe additionnel ainsi rédigé :

... - Les pertes de recettes résultant pour l'Etat du remboursement du coût des décisions de police administrative et du concours à l'exercice des services de navigation aérienne sont compensées à due concurrence par la création d'une taxe additionnelle aux droits visés aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Je me pose un certain nombre de questions sur cet amendement intéressant de la commission, en particulier sur sa première phrase.

Que recouvre l'expression : « à des standards de qualité, de régularité et de continuité appropriés » ? S'agit-il d'une formule nouvelle ? Si elle ne l'est pas, à quoi fait-elle référence ?

Ce sous-amendement complète l'amendement n° 2 en prévoyant que les coûts de l'exécution des missions de police administrative et du concours à l'exercice des services de navigation aérienne qui pourraient être fournis par la société Aéroports de Paris sont remboursés par l'Etat, ce qui n'est pas précisé.

En effet, il serait logique que, si l'Etat souhaite que la société ADP apporte son concours à l'exercice de ces missions, le coût de cette contribution soit remboursé à ADP.

Telle est la solution qui avait été retenue dans le domaine des télécommunications, que ce soit pour les interceptions téléphoniques effectuées par les opérateurs ou pour l'entretien par France Télécom des réseaux et services nécessaires aux communications gouvernementales.

Nous voterions l'amendement n° 2 si cette hypothèque était levée.

M. le président. L'amendement n° 47, présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile, supprimer les mots :

, en particulier celles

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Cet amendement vise à supprimer les mots : «, en particulier celles » et a pour objet de limiter les missions de police administrative pouvant être assurées par ADP.

M. le président. L'amendement n° 48, présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile.

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Cet amendement a pour objet de limiter l'extension du champ d'intervention d'ADP dans le domaine de la navigation aérienne. On peut appliquer le même raisonnement aux missions de police administrative

A l'heure actuelle, l'établissement public est chargé, notamment en vertu de la rédaction en vigueur de l'article L. 251-2 du code de l'aviation civile, « de guider la navigation ». Par ailleurs, en vertu de l'article R. 252-19 du même code, le directeur général de l'établissement, agissant en tant qu'agent du pouvoir central, assure dans la zone de l'aéroport la direction des services de sécurité de la navigation aérienne.

L'article 6 du projet de loi ne prévoit plus que la société est chargée de guider la navigation aérienne. Il s'agit là en effet d'une mission régalienne. Puisque l'on sépare le rôle de l'Etat de celui de la société, l'Etat devra assurer cette mission sous sa responsabilité directe.

Toutefois, le troisième alinéa du nouvel article L. 251-2 du code de l'aviation civile prévoit que le cahier des charges de la société Aéroports de Paris pourra fixer les modalités selon lesquelles la société apporte son concours à l'exercice des services de navigation aérienne assurés par l'Etat.

Cette dernière disposition, si elle était adoptée, serait une source de confusion juridique et budgétaire. Il serait anormal que la société Aéroports de Paris puisse être obligée de participer au fonctionnement des services de navigation aérienne, alors que ceux-ci ne relèvent pas de sa propre responsabilité.

M. le président. L'amendement n° 50, présenté par MM. Reiner,  Desessard et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter in fine le texte proposé par cet article pour l'article L. 2512 du code de l'aviation civile par un alinéa ainsi rédigé :

« En cas de manquement grave de la société Aéroports de Paris à ses obligations ou pour un motif d'intérêt général, il peut être mis fin à ses missions de service public par un décret en Conseil d'Etat qui détermine notamment le montant de l'indemnisation éventuellement due à la société. »

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Le projet de loi n'envisage pas le cas de manquement grave de la société Aéroports de Paris à ses obligations. Cet amendement tend à préciser que, dans cette hypothèse, il pourrait être mis fin aux missions de service public de la société par un décret en Conseil d'Etat, lequel déterminerait le montant de l'indemnisation éventuellement due à cette société.

Le Conseil constitutionnel considère que « le législateur, lorsqu'il modifie les dispositions relatives au domaine public, ne doit pas priver de garanties légales les exigences constitutionnelles qui résultent de l'existence et de la continuité des services publics auxquels il est affecté ». On peut donc douter sérieusement de la constitutionnalité d'un projet de loi qui ne prévoirait pas que l'Etat, au cas où l'exploitant manquerait gravement à ses obligations, peut reprendre la propriété d'ouvrages qui sont des infrastructures essentielles et indispensables à la fourniture du service public.

L'omission dans le projet de loi d'une telle disposition serait d'autant plus surprenante que ses rédacteurs, apparemment conscients de cette exigence constitutionnelle, ont pris soin d'instituer des mécanismes de contrôle par l'Etat pour les actes courants de cession des biens de la société, mais n'ont rien prévu dans l'hypothèse, beaucoup plus lourde de conséquences, où l'Etat, pour assurer la continuité du service public, devrait reprendre la totale propriété des infrastructures.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Le Grand, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Au début du dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 251-3 du code de l'aviation civile, supprimer les mots :

En outre

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de coordination, monsieur le président.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je ne comprends pas l'acharnement des membres du groupe CRC à vouloir supprimer les articles. En l'occurrence, pourquoi voulez-vous, mes chers collègues, supprimer cet article alors que vous obtenez satisfaction.

En effet, les membres du groupe CRC souhaitaient qu'un certain nombre de précisions ne soient pas laissées au seul cahier des charges. La commission a déposé un amendement n° 2 visant à fixer les principes dans la loi, et ils continuent néanmoins à vouloir supprimer l'article !

La commission est bien entendu défavorable aux amendements nos 19 et 44.

L'amendement n° 45 vise à interdire l'ouverture du capital d'ADP. Vous voulez donc, mes chers collègues, empêcher ADP de disposer des moyens nouveaux indispensables à son développement. Les besoins en capitaux se font sentir. Tout le monde connaît la situation d'ADP.

L'Etat et ADP constituent déjà deux personnes juridiques distinctes. La loi ne change rien à cette situation. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 45.

Quant à l'amendement n° 20, il concerne le problème de la constitution d'une minorité de blocage qui ne correspond à rien puisque l'Etat est majoritaire, ainsi que M. le ministre l'a expliqué tout à l'heure de façon parfaitement claire. La commission partage son avis ; c'est pourquoi elle est défavorable à cet amendement.

Monsieur Le Cam, vous avez rappelé l'avis de la Cour des comptes auquel j'ai fait moi-même allusion ce matin, selon lequel ADP ne devait pas se disperser dans d'autres activités que celles qui sont inhérentes à sa situation d'établissement public. Là non plus, je ne comprends pas votre position : ce statut d'établissement public empêchait ADP de diversifier ses activités, et maintenant vous ne voulez pas que ce soit possible. La commission est donc défavorable à l'amendement n° 46.

Le sous-amendement n° 62 rectifié de M. Soulage poursuit l'effort entrepris par la commission afin de définir précisément les conditions d'action d'ADP. En conséquence, la commission émet un avis favorable.

Le sous-amendement n° 49, auquel la commission est défavorable, tend à prévoir le remboursement par l'Etat des coûts de l'exécution des missions de police administrative par ADP et des services de navigation aérienne. Cela relève de l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile.

M. Gérard César. Bien connu ! (Sourires.)

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Cet article, qui n'avait paru choquant à personne, a été l'oeuvre du Gouvernement en fonction en 1998. A l'époque vous l'aviez accepté, aujourd'hui vous le contestez. Je vous laisse méditer ce fait.

L'amendement n° 47 vise à préciser le champ des missions de police administrative ; il est satisfait par l'amendement n° 2 de la commission.

Enfin, la commission est défavorable à l'amendement n° 48 ainsi qu'à l'amendement n° 50. En cas de faillite totale du système, ce ne sera pas au Gouvernement de se prononcer, ce sera au Parlement.

M. Jacques Blanc. Très bien dit !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gilles de Robien, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, si vous avez confiance dans la loi républicaine, votez cette loi, ce sera la meilleure façon de préserver le caractère majoritaire de l'Etat. Vous serez certains qu'ADP ne sera pas privatisé.

Vous avez pris l'exemple d'Air France ; c'est un bon exemple. Je vous rappelle que c'est une loi de 1986 qui a prévu la privatisation d'une dizaine ou d'une quinzaine d'entreprises en France. Or vous avez été au pouvoir entre 1988 et 1993, si je ne me trompe, et vous n'avez pas modifié cette loi. De 1997 à 2002, vous ne l'avez pas modifiée davantage.

Aujourd'hui, nous proposons une loi de non-privatisation et vous ne voulez pas la voter ! Il faudrait quand même faire preuve d'une certaine logique !

Le Gouvernement est donc défavorable aux amendements nos 19 et 44.

Monsieur Reiner, vous avez demandé quelles activités pourrait pratiquer ADP. En ayant mis fin au principe de spécialité, nous permettrons à ADP de mettre en oeuvre toutes les initiatives qui pourront se développer. Grâce à ce développement, par le biais de la caisse unique, les redevances exigées des compagnies aériennes pourront être limitées et ADP pourra exporter son savoir-faire.

A chaque fois que je fais des déplacements, comme dernièrement en Chine ou dans les émirats, je me rends compte qu'ADP est une référence : il lui est proposé d'exploiter tel ou tel aéroport, celui d'Alger par exemple.

En contrepartie, ADP aura comme obligation d'aménager, d'exploiter, de développer les aérodromes, ce qui est son métier de base.

Monsieur Le Cam, vous proposez que l'Etat détienne 70 % du capital d'ADP. Si votre amendement n° 20 était adopté, la capacité d'ADP à procéder à une augmentation de capital d'un niveau adéquat pour financer son développement et pour exécuter ses missions de service public dans de bonnes conditions s'en trouverait limitée. Cet amendement va donc à l'encontre des objectifs que vise le Gouvernement.

L'amendement n° 46 tend à limiter les activités pouvant être exercées par la société. Mais, monsieur le sénateur, il ne faut pas les limiter, il faut les étendre et qu'ADP, grâce aux participations extérieures qui entreront dans son capital, acquiert un savoir-faire supplémentaire, éprouve un besoin d'entreprendre encore plus fort. La garantie, c'est la présence majoritaire de l'Etat au capital ainsi que le cahier des charges auquel sera soumise la société. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

En revanche, le Gouvernement est favorable au sous-amendement n° 62 rectifié de M. Soulage. En effet, il entendait insérer ces précisions au niveau réglementaire, mais il ne voit aucune objection à ce qu'elles figurent dans la loi.

Je suis également favorable à l'amendement n° 2, qui vise à inscrire dans la loi des dispositions que le Gouvernement comptait insérer par voie réglementaire. Ces précisions apportent de la clarté à la fois à la discussion et au texte législatif lui-même.

Je suis défavorable au sous-amendement n° 49, parce que, s'agissant des modalités de financement du concours à l'exercice des services de navigation aérienne, un dispositif de financement existe déjà pour ces missions puisque le produit de la taxe d'aéroport est et restera affecté à ADP.

Je suis également défavorable à l'amendement n° 47, monsieur Reiner. En effet, compte tenu de la nature de sa mission de base, il est normal qu'ADP continue à participer à des missions de police administrative allant au-delà de celles qui sont prévues par l'article L. 213-3 du code de l'aviation civile ; cela restera le cas en matière de sécurité générale, par exemple.

Sur l'amendement n° 48, qui prévoit la suppression de la mention du concours qu'apportera ADP à l'exercice des services de navigation aérienne, l'avis du Gouvernement est également défavorable. Parallèlement à la promulgation de la loi, il sera procédé au retour à l'Etat de l'activité de navigation aérienne.

Je réponds par là à Mme Luc, qui m'interrogeait tout à l'heure sur le personnel. Compte tenu de la situation de départ, il est indispensable, dans l'intérêt commun de l'Etat et de la future société, de maintenir à titre transitoire une participation d'ADP à ces missions. Ce concours qui sera réalisé à titre onéreux n'aura donc aucun impact financier pour les transports aériens. Il sera procédé au retour à l'Etat de l'activité de navigation aérienne, ce qui veut dire que les agents de la DGAC, qui sont actuellement à la disposition d'ADP, reviendront naturellement à la DGAC.

L'amendement n° 50 traite de la possibilité d'un retrait de l'autorisation légale d'exploitation de la société ADP par voie réglementaire. L'Etat est majoritaire, il le restera. Cet amendement me paraît donc sans objet.

En tout cas, je précise que le cahier des charges d'ADP offrira aux pouvoirs publics la possibilité de prendre des mesures conservatoires en cas de manquement. On ne va pas donner la possibilité d'un retrait de l'autorisation légale d'exploitation de la société ADP par voie réglementaire. L'Etat restera majoritaire et exercera pleinement son autorité de sociétaire majoritaire.

Enfin, monsieur Le Grand, le Gouvernement est tout à fait favorable à l'amendement n° 3, qui est de nature rédactionnelle.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 44.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote sur l'amendement n° 45.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, nous vous avons posé un certain nombre de questions et vos réponses, loin d'apaiser toutes nos inquiétudes, les ont au contraire accentuées.

Vous nous dites qu'il faut être dynamique, qu'il faut donner de nouveaux moyens à ADP. Pourtant, depuis le début de cette discussion, tout le monde s'accorde à dire qu'ADP est un modèle formidable, que son développement, tant en termes d'excédent commercial que de trafic de voyageurs, est bon, que le personnel est satisfait. Tout va bien, mais l'on nous dit qu'il faut tout changer parce que cela pourrait aller mal.

Quels sont les moyens dont vous avez besoin ? Des moyens en capitaux, certes, vous l'avez dit. Mais pourquoi l'Etat ne serait-il pas capable d'investir ? Si ADP peut être rentable pour certains, pourquoi ne le serait-il pas pour l'Etat ?

On entend dire qu'il faut « décorseter ». Cette rigidité s'applique-t-elle au statut du personnel ? Mais vous nous dites que vous ne voulez pas le changer. Concerne-t-elle les modalités des appels d'offres publiques ? Qu'est-ce qui est vraiment si rigide ?

On comprend qu'il soit nécessaire de légiférer pour insuffler un certain dynamisme, pour diversifier dans le même secteur ou à l'étranger, en proposant un savoir-faire et des compétences. Mais la diversification n'aurait-elle pas pour objet de permettre dans tout autre domaine que l'aéroportuaire des opérations hasardeuses dont les pertes seraient couvertes par l'activité aéroportuaire d'Aéroports de Paris, qui est rentable ?

Il y aura donc une augmentation des coûts et une dégradation des conditions de travail. Nous serons dès lors obligés d'intervenir, parce que nous aurons misé sur une activité autre que l'activité première et qui se sera révélée déficitaire.

Mme Hélène Luc. Exactement !

M. Jean Desessard. Voilà ce que l'on reproche à la diversification. Ce n'est pas le fait que l'on puisse utiliser les compétences techniques des cadres d'Aéroports de Paris ; c'est le risque que cette diversification n'entraîne des déficits dans d'autres secteurs non contrôlés, déficits qu'ADP sera obligé de financer au détriment de sa mission de service public.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 45.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 46.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 62 rectifié.

(Le sous-amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 49.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2, modifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Monsieur Reiner, l'amendement n° 47 est-il maintenu ?

M. Daniel Reiner. Je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 47 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 48.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 50 n'a plus d'objet.

Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6, modifié.

(L'article 6 est adopté.)

TITRE II

DISPOSITIONS RELATIVES AUX GRANDS AÉROPORTS RÉGIONAUX