PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour la pêche. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en cette fin d'année 2004, le monde de la pêche est dominé par l'incertitude et l'appréhension.

Ce climat d'inquiétude a, tout d'abord, des causes conjoncturelles. C'est ainsi que l'augmentation continue des cours du pétrole tout au long de l'année pèse lourdement sur les comptes d'exploitation des pêcheurs, que ce soit directement, avec la hausse du prix du gazole, ou indirectement, à travers l'augmentation du coût des matériels de synthèse dérivés du pétrole, tels que les emballages à base de polymères.

Par ailleurs, les indicateurs économiques sont loin d'être encourageants : stagnation de la demande intérieure en produits de la mer, recul des exportations, hausse des charges et, in fine, diminution du chiffre d'affaires des pêcheurs.

De plus, l'accumulation d'accidents en mer affectant des pêcheurs renforce le sentiment d'amertume et d'incompréhension au sein d'une profession souffrant d'un manque - tout du moins, c'est ainsi qu'elle le ressent - de considération.

A ces difficultés conjoncturelles viennent s'ajouter les handicaps structurels de la pêche française que sont la diminution progressive de notre flotte, le vieillissement des équipements ou encore la traditionnelle pénurie de main-d'oeuvre enregistrée par le secteur.

Face à toutes ces difficultés, le Gouvernement n'est pas resté inactif, loin s'en faut.

En vue d'aider les pêcheurs à surmonter cette crise pétrolière, de nombreuses concertations ont eu lieu avec les représentants du secteur. Elles ont abouti à l'annonce de trois séries de mesures dont la dernière en date, au début du mois d'octobre, s'est élevée à hauteur de plusieurs millions d'euros.

Au-delà de ces réponses à court terme, il est à présent indispensable de mener une réflexion plus approfondie en vue de renforcer l'attractivité d'un secteur aujourd'hui en crise.

La réforme de l'apprentissage et de la formation engagée par le Gouvernement constitue, de ce point de vue, une piste intéressante. Les aménagements en cours du régime fiscal des marins pêcheurs travaillant en dehors des eaux territoriales devraient également se révéler fort utiles. Peut-être, monsieur le ministre pourrez-vous nous apporter quelques précisions à ce sujet ?

Toutes ces actions visant à revaloriser le métier de pêcheur doivent naturellement s'inscrire dans le cadre de la réforme de la politique commune de la pêche engagée en 2002.

Certes, la France est parvenue à un compromis satisfaisant. Je tiens ici à rendre hommage au ministre sortant en charge de la pêche, M. Hervé Gaymard, dont les talents de négociateur ont été à cet égard essentiels. Mais je forme également des voeux de réussite pour son successeur, M. Dominique Bussereau, dont je ne doute pas qu'il réussira dans son action.

Nous avons ainsi conservé la possibilité de continuer à attribuer des aides à la construction de navires jusqu'au 31 décembre de cette année et à la modernisation de la flotte jusqu'au 31 décembre 2006.

Mais, comment, au-delà de cette échéance fatidique, envisager l'avenir d'un secteur en difficulté censé ne plus bénéficier de soutiens publics ? Là encore, sans doute pourrez-vous, monsieur le ministre, nous apporter quelques éléments de réponse.

S'agissant, enfin, plus spécifiquement, des crédits destinés à la pêche, je me limiterai à quelques remarques.

Prenant acte de la baisse formelle de ce projet de budget, je soulignerai qu'elle s'accompagne d'une hausse importante des dépenses en capital, qui constituent le support financier des investissements de demain.

Par ailleurs, je me félicite du fait que la priorité ait été accordée à la mise en place du plan de modernisation de la flotte de pêche, qui bénéficie d'une hausse de 54 % en crédits de paiement et de 22 % en autorisations de programme.

Enfin, je tiens à souligner l'augmentation substantielle des moyens de contrôle de la pêche, qui devrait permettre de mieux faire respecter la réglementation européenne relative aux quotas et de combattre la pratique croissante du black fish.

En conséquence, considérant, d'un point de vue global, que ce projet de budget est équilibré au regard des contraintes ayant présidé à son élaboration, la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à son adoption. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour le développement rural. Monsieur le ministre, en vous présentant mes félicitations pour les nouvelles fonctions que vous occupez, je tiens à attirer votre attention sur les conditions d'information du Parlement pour la discussion budgétaire, en particulier sur les réponses apportées aux questionnaires budgétaires des commissions.

Force est, hélas ! de constater que le ministère de l'agriculture se distingue de la plupart des autres ministères par le retard considérable avec lequel sont transmises les réponses aux questionnaires budgétaires.

Je suis convaincu, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous aurez à coeur de remédier à ce dysfonctionnement.

Je ne m'attarderai pas sur les éléments budgétaires que notre collègue Joël Bourdin a brillamment présentés.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je vous remercie !

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Tout au plus citerai-je quelques chiffres qui montrent une baisse significative des crédits affectés à des secteurs aussi décisifs que la forêt et le financement des contrats territoriaux d'exploitation, les CTE, devenus contrats d'agriculture durable, CAD.

Sur le plan législatif, l'année 2004 a été largement consacrée à l'examen en première lecture du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, que nous serons prochainement amenés à discuter en deuxième lecture.

L'achèvement de ce vaste chantier devrait être suivi rapidement par l'ouverture de celui du projet de loi de modernisation agricole, qui comprendra, lui aussi, de nombreux aspects relatifs au développement rural. Monsieur le ministre, nous souhaitons vivement avoir un éclairage du Gouvernement sur ce sujet. Peut-être pourrez-vous nous apporter des précisions.

Sur le plan budgétaire, le projet de loi de finances permet de commencer à évaluer le bouleversement complet de la nomenclature budgétaire qu'entraîne la mise en oeuvre de la loi organique relative aux lois de finances. Cette évolution rend, sur certains points, très difficile la comparaison des crédits d'un exercice sur l'autre.

Je reviendrai seulement sur le nouveau programme budgétaire « forêt ». Avec 325 millions d'euros, les actions regroupées dans ce programme sont en recul de 6,5 %. On constate moins 4,5 % pour la gestion du patrimoine forestier public, moins 11 % pour la forêt privée, alors même que les conséquences des tempêtes de 1999 ne sont pas encore effacées, moins 8 % pour le développement économique de la filière forêt-bois, ce qui est particulièrement dommageable, à mon sens, à un moment où la hausse du coût des matières premières redonne tout son attrait au bois matériau de construction et au bois-énergie.

Monsieur le ministre, nous avons eu un débat, en commission, sur le taux de TVA applicable au bois-énergie. Pouvez-vous nous dire quelles sont les perspectives de voir cette énergie renouvelable bénéficier d'une fiscalité qui ne la désavantage pas par rapport aux autres sources d'énergie ?

Enfin, on constate une baisse de 2 % pour la prévention des risques et pour la protection de la forêt.

J'aurais pu formuler les mêmes observations s'agissant du volume du budget affecté aux CTE, devenus CAD, dont les crédits baissent de 9 %.

J'en viens maintenant au volet thématique de mon rapport pour avis : les réseaux de découverte de l'espace rural. Je ne vous présenterai qu'un résumé, vous renvoyant à mon rapport pour les éléments factuels.

Nous assistons à un véritable renouvellement de l'utilisation collective de l'espace naturel comme espace récréatif et de loisir. Naturellement, et c'est un préalable, l'espace rural ne peut pas être dissocié de l'activité agricole, qui en reste le moteur de développement. Mais l'essor rapide des activités non productives est aujourd'hui une caractéristique de l'espace rural.

Je rappellerai deux chiffres.

D'abord, on compte 800 000 kilomètres de chemins et sentiers, dont 180 000 sont balisés.

Ensuite, la part de l'espace rural, en termes de consommation touristique, représente environ 20 milliards d'euros, c'est-à-dire environ 20 % de la consommation touristique en France.

Une partie du développement de ces activités repose bien évidemment sur les collectivités territoriales, notamment sur les communes rurales, en particulier celles de montagne.

La solidarité nationale envers les collectivités les moins favorisées doit donc jouer afin de leur permettre d'entretenir au mieux ce patrimoine naturel. A ce titre, la réforme de la DGF, portée par le présent projet de loi de finances, constitue une évolution positive, qu'il faut souligner ou plutôt un premier pas, parce qu'il faudra encore d'autres mesures de ce type pour que les communes rurales, notamment celles de montagne, voient financièrement reconnue leur contribution aux loisirs des urbains et à l'équilibre du territoire national.

Telles sont les réflexions rapides que je voulais faire. En dépit de la position que j'avais exprimée à titre personnel, la commission des affaires économiques s'est déclarée favorable à l'adoption des crédits du développement rural. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis.

M. Bernard Dussaut, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan, pour les industries agricoles et alimentaires. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, les résultats enregistrés en 2003 par les industries agroalimentaires, les IAA, font état d'une stagnation globale.

Ainsi, l'indice de production n'a que peu évolué, plus 0,2 %, tout comme le chiffre d'affaires plus 0,4 %, l'emploi salarié plus 0,2 %, les prix plus 0,9 %, la consommation des ménages moins 0,3 % ou encore le solde du commerce extérieur plus 0,6 %.

Certes, cette stagnation doit être replacée dans le contexte plus général d'une croissance économique limitée et d'une situation très difficile de l'industrie manufacturière en général, dont presque tous les indicateurs, précédemment évoqués, sont négatifs.

Mais, plus que cette conjoncture incertaine pour le secteur des industries agroalimentaires, ce sont les handicaps structurels continuant de l'affecter qui peuvent aujourd'hui inquiéter : recul des parts de marché à l'international, caractère à la fois très concentré et très dispersé du tissu industriel, difficultés de recrutement, conflit dans la répartition de la valeur ajoutée avec la grande distribution, faiblesse des efforts de recherche ou encore insuffisance du dispositif de promotion des produits.

Chacun sait quelles sont les contraintes budgétaires du Gouvernement. Mais le montant et la répartition des crédits destinés, dans le projet de loi de finances pour 2005, aux industries agroalimentaires ne semblent pas de nature à leur apporter le soutien qu'elles requièrent.

Certes, on ne peut que se réjouir de l'augmentation importante des dotations affectées à la recherche. Le secteur des industries agroalimentaires se caractérise, en effet, par la faiblesse des dépenses de recherche, car il comprend un très grand nombre de petites et moyennes entreprises.

On relèvera par ailleurs la quasi-reconduction des crédits destinés à la promotion des produits agricoles et alimentaires et à la politique de sécurité sanitaire, que l'on pourra juger satisfaisante ou insuffisante.

Mais, comment ne pas s'alarmer de la baisse notable des crédits consacrés à la politique de qualité, moins 4,7 %, et à la politique industrielle, moins 10,5 % ? Dans un contexte de concurrence accrue au plan international, où les parts de marché de notre pays ne cessent de s'éroder - je pense en particulier au secteur de la viticulture -, il semble nécessaire de soutenir notre industrie agroalimentaire afin de la maintenir à la place qui doit lui revenir, c'est-à-dire rien moins que la première !

Par ailleurs, au-delà des seules évolutions budgétaires, je souhaite saisir l'occasion de cette discussion pour évoquer deux thèmes qui ont été approfondis lors des travaux préparatoires du présent rapport pour avis.

Le premier porte sur l'implication des industries agroalimentaires dans les questions liées à la nutrition et à l'équilibre alimentaire. Les thèmes de la « malbouffe » et de l'obésité, de plus en plus médiatisés, sont également de plus en plus souvent associés et les industries agroalimentaires sont soupçonnées d'avoir une grande part de responsabilité. Afin d'y remédier, le Gouvernement a lancé un vaste programme, le « plan national nutrition-santé », tandis que les industries agroalimentaires ont pris neuf engagements de « bonne conduite » envers tant les professionnels que les consommateurs.

Pouvez-vous donc nous préciser, monsieur le ministre, quel degré de responsabilité vous attribuez aux industries agroalimentaires en la matière et quelles seront, en 2005, les priorités de votre ministère pour les encourager à prévenir à la fois la surnutrition et la malnutrition ?

Le second thème que nous avons approfondi a trait aux biocarburants. S'ils ne représentent que 1 % environ de la consommation nationale de carburants, leurs indéniables atouts, en termes tant environnementaux qu'économiques, devraient favoriser leur développement. Notre commission se préoccupe tout particulièrement de leur évolution. Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles actions concrètes vous entendez mener à cet effet dans le cadre du plan national annoncé récemment par M. le Premier ministre ?

Je terminerai mon propos en vous souhaitant à mon tour, monsieur le ministre, au-delà des divergences politiques et des différences d'approche que vos nouvelles fonctions induisent, la bienvenue dans cet hémicycle. Le secteur des industries agroalimentaires est un élément vital tant pour notre économie et nos emplois que pour le rayonnement de notre pays à travers le monde. Aussi je souhaite très sincèrement que vous ayez à coeur de le défendre et d'en assurer la promotion. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis.

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, pour l'enseignement agricole. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, l'examen des crédits de l'enseignement agricole est l'occasion pour moi, dans le bref laps de temps dont je dispose, d'insister sur l'apport original et spécifique de cette filière à la réussite de notre système de formation.

Alors que le budget de l'agriculture recule de 1,8 %, les crédits inscrits au titre de l'enseignement technique, de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles, qui représentent près du quart de ce budget, font l'objet d'un effort notable, qui marque un signal encourageant.

Toutefois, les besoins de rattrapage restent importants. Aussi, me suis-je attachée, dans mon rapport, à pointer certains sujets d'inquiétude, tout en saluant le volontarisme mis en oeuvre par le Gouvernement pour insuffler une dynamique nouvelle à la hauteur de la qualité des formations dispensées.

Cette ambition se traduit par d'importantes avancées.

Tout d'abord, le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricole figure au rang des quatre priorités du budget de l'agriculture pour 2005. Les subventions d'investissement à la recherche progressent de près de 30 %. En outre, la concrétisation du projet de réorganisation de l'enseignement supérieur agricole en six « pôles régionaux de compétences », présenté le 17 mai dernier, répond de façon positive à la nécessité de faciliter la lisibilité et donc l'attractivité de l'enseignement supérieur agricole au plan national et international. Cela me semble primordial pour l'adapter au défi de la concurrence au sein de l'espace européen de l'enseignement supérieur.

Par ailleurs, je tiens à saluer les progrès réalisés pour améliorer la transparence du financement des établissements d'enseignement technique privés et pour repartir sur des bases assainies. En effet, la situation était devenue urgente face aux besoins importants de rattrapage et d'actualisation des subventions versées par l'État à ces établissements, conséquence de la non-application des « lois Rocard », de 1984.

Après la conclusion d'un accord, en 2003, avec les fédérations du « temps plein », un grand pas a été franchi, cette année encore, par la signature d'un protocole d'accord avec les fédérations « du rythme approprié », qui regroupent notamment les Maisons familiales rurales.

De fait, le projet de budget pour 2005 traduit la volonté du ministère de tenir les engagements pris, avec l'inscription de 14 millions d'euros supplémentaires destinés au financement des établissements techniques privés. En outre, comme cela avait été annoncé, 20 millions d'euros sont inscrits à ce titre au projet de loi de finances rectificative pour 2004.

Toutefois, ces avancées ne doivent pas nous détourner de préoccupations sur lesquelles je tiens, cette année encore, à insister.

Il s'agit tout d'abord des crédits d'aide sociale, qui font l'objet d'une mesure de réduction de 2 millions d'euros : cumulée à des reports de charge, elle compromet la capacité de l'Etat d'honorer le versement des bourses en fin d'année, au moment où les charges supportées par les familles sont le plus lourdes. En outre, les aides aux stages et à l'achat des manuels scolaires ne sont plus versées, et ce pour la deuxième année consécutive. Cela est d'autant plus préjudiciable que ce sont, bien entendu, les familles les plus modestes qui sont touchées.

Bien que réservée sur ce point, je partage votre souhait, monsieur le ministre, de voir, dans le cadre de la LOLF, l'inscription du programme « Enseignement technique agricole » au sein de la mission « Enseignement scolaire » permettre de tendre vers un alignement avec l'éducation nationale en la matière.

Par ailleurs, je m'inquiète de l'état très dégradé du patrimoine immobilier de l'enseignement supérieur agricole.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Eh oui !

Mme Françoise Férat, rapporteur pour avis. Je soutiens néanmoins les réponses que votre ministère tente d'apporter à ce problème en encourageant la cession des exploitations annexes ou l'installation dans des locaux neufs, moins coûteux à l'entretien.

Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous apporter des précisions sur l'application de ces mesures, alors que les besoins de mise aux normes de sécurité de certains bâtiments, tels ceux de l'INA de Paris-Grignon ou ceux de l'Ecole vétérinaire de Maisons-Alfort, sont urgents ? Je souligne également que 5 millions d'euros de crédits de paiement sont inscrits au collectif budgétaire pour 2004.

Enfin, je salue dans mon rapport la capacité d'adaptation dont sait faire preuve l'enseignement agricole quand il s'agit de suivre les mutations du monde agricole et de répondre à des enjeux nouveaux. A ce titre, le quatrième schéma prévisionnel national des formations, nouvelle « feuille de route » de l'enseignement agricole pour la période 2005-2009, incite à intégrer dans les programmes les thèmes liés à la nutrition et à la santé.

J'attirerai toutefois votre attention, monsieur le ministre, sur une nouvelle formation d'ingénieur dispensée depuis 2001 à l'Institut supérieur d'agriculture de Beauvais. Cette filière, baptisée « Agrosanté », répond à des attentes fortes en matière de sécurité sanitaire et de lien entre l'alimentation et la santé. Or, en raison de moyens insuffisants, elle ne peut toujours pas, cette année encore, bénéficier d'un financement public. Qu'en sera-t-il pour les années à venir ?

Telles sont les principales remarques que je souhaitais formuler à l'issue de l'examen des crédits de l'enseignement agricole pour 2005.

Monsieur le secrétaire d'Etat, j'aurais souhaité en cet instant reprendre mot pour mot les propos que vous avez tenus lors de votre visite dans le département de la Marne, le 2 septembre dernier. Le temps m'est compté, mais je sais votre sincérité et votre détermination. Vous l'avez dit, et nous vous croyons, « ensemble, nous allons gagner le pari de l'avenir  ». La commission des affaires culturelles a donc donné un avis favorable à l'adoption de ces crédits. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste, de l'UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires économiques.

M. Jean-Paul Emorine, président de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 2005 sera l'ultime année précédant la mise en oeuvre intégrale, le 1er janvier 2006, de la réforme de la politique agricole commune, actée l'année dernière à Luxembourg.

Cette réforme suscite, comme toujours lorsque l'on se dirige vers l'inconnu, de l'espoir chez certains, mais aussi une inquiétude, au demeurant légitime, chez d'autres.

Je souhaite donc rappeler combien notre pays doit à l'Europe dans le domaine agricole. Je voudrais également souligner que cette réforme peut être positive pour notre agriculture, à condition toutefois que nous sachions l'appliquer avec suffisamment de souplesse.

L'Union européenne, on ne le dit pas assez, est devenue aujourd'hui un élément vital de notre agriculture. Je rappellerai simplement que le budget agricole de l'Union, une cinquantaine de milliards d'euros, représente environ la moitié du budget communautaire global. Or, a-t-on bien conscience, lorsque l'on critique l'Union, que la France bénéficie de près du quart de son budget agricole, ce qui fait de notre pays le premier bénéficiaire ? Sait-on que ces aides communautaires augmentent cette année de 300 millions d'euros et nous permettent de soutenir nos marchés agricoles, au titre du premier pilier, et de favoriser notre développement rural, au titre du deuxième pilier ?

Si notre pays bénéficie aujourd'hui à ce point de transferts communautaires, l'action menée par Hervé Gaymard auprès des institutions européennes, en sa qualité de ministre de l'agriculture, y est pour beaucoup. Je tiens ici à lui rendre très solennellement hommage, tant son implication dans les négociations de Luxembourg, au côté du Président de la République, a été déterminante.

Grâce à sa fermeté, la France conserve des perspectives stables et certaines jusqu'à l'horizon 2013. Ainsi, l'enveloppe budgétaire qui lui est allouée restera inchangée, et ce malgré la récente adhésion de dix nouveaux Etats membres.

Par ailleurs, la politique agricole commune voit ses outils essentiels préservés : les instruments de régulation des marchés, qui sont vitaux dans un secteur aussi cyclique que l'agriculture, seront maintenus et, à la demande insistante du ministre sortant, des mécanismes essentiels pour notre agriculture, tels les quotas laitiers ou la prime à la vache allaitante, sont pérennisés.

Mais la nouvelle politique agricole commune ne doit pas seulement être perçue de façon défensive. Plutôt que d'énumérer les désagréments qu'elle nous épargne, il me paraît important d'insister sur toutes les perspectives que, in fine, elle ouvre.

Tout d'abord, le système de découplage des aides permet à l'Union européenne d'adopter une posture offensive dans les négociations internationales, comme cela a été le cas cet été à Genève. Ce type d'aides y relève en effet de la « boîte verte », catégorie de mesures autorisées dans le cadre de l'OMC.

Ensuite, le principe de conditionnalité des aides, dont la France assurera le respect dès l'année prochaine, garantira un plus grand respect de l'environnement. Cela ne pourra que contribuer à valoriser l'image du monde agricole auprès de l'opinion publique.

Enfin, le volet « développement rural », dit du deuxième pilier, sera renforcé et apportera à terme 270 millions d'euros à la France pour renforcer l'équilibre et l'attractivité de ses campagnes.

Si les principes de la politique agricole commune réformée sont donc avantageux pour notre pays, encore faut-il que leurs modalités d'application soient satisfaisantes. Deux éléments seront ici déterminants.

Il faudra, en premier lieu, faire les bons choix dans les options de découplage, que ce soit dans le calendrier, dans le type de découplage ou dans le transfert des droits. Si l'on en croit les premières projections, les choix opérés par le Gouvernement permettront de préserver nos filières tout en tenant compte de leurs spécificités.

Il faudra, en second lieu, que l'administration fasse preuve d'une souplesse suffisante dans la mise en oeuvre de cette réglementation. J'y insiste, monsieur le ministre, car de très nombreuses voix, au sein de la commission des affaires économiques et du Plan, se sont fait l'écho du désarroi des agriculteurs devant le maquis législatif et réglementaire que constitue aujourd'hui la gestion des droits à paiement. A également été stigmatisée la rigueur excessive avec laquelle l'administration déconcentrée exerce le contrôle des exploitants. Ce phénomène complique l'activité de nos agriculteurs et peut même décourager certains de s'installer ou de continuer d'exploiter ; il a surtout le tort de les dresser contre les institutions et la réglementation européennes, qu'ils perçoivent comme la source de tous leurs maux.

Je soulignerai, pour conclure, que l'élaboration et l'examen du projet de loi de modernisation agricole, qui aura pour vocation d'adapter notre législation à la dernière réforme de la politique agricole commune, devront être l'occasion de débattre de la simplification du cadre réglementaire quotidien des agriculteurs. Beaucoup reste à faire en ce domaine, mais je ne doute pas, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, que tant les débats organisés en ce moment à l'échelon local que le travail que la commission des affaires économiques et du Plan du Sénat peut réaliser sur ce sujet pour vous aider permettent d'y contribuer de façon déterminante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je voudrais me réjouir de l'omniprésence de M. Dominique Bussereau dans cette discussion budgétaire. (Sourires.)

Nous avons gardé un excellent souvenir de l'examen des articles de la première partie du projet de loi de finances, et un souvenir ému de cette journée du lundi 29 novembre qui a vu la discussion commencer avec le secrétaire d'Etat au budget et se poursuivre avec le ministre de l'agriculture. Nous vous retrouvons donc aujourd'hui, monsieur le ministre, et je réitère les voeux que nous avions, dès l'annonce de votre nomination, formés pour vous.

Permettez-moi, monsieur le président, d'informer les membres de la commission des finances que celle-ci se réunira immédiatement après la suspension de nos travaux de ce matin.

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 101 minutes ;

Groupe socialiste, 61 minutes ;

Groupe de l'Union centriste, 27 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 22 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 18 minutes.

Mes chers collègues, je vous rappelle qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. « Budget en baisse », « budget globalement reconduit » ou, plus récemment, « budget équilibré et volontariste » : tels sont les commentaires que l'on a pu lire ou entendre sur le projet de budget que vous nous présentez aujourd'hui, monsieur le ministre.

Etant entendu que le budget lui-même ne retrace pas, et de loin, l'ensemble des aides publiques à l'agriculture, je n'insisterai pas davantage sur les chiffres.

Avec la réforme de la PAC et les négociations de l'OMC, Gérard César l'a rappelé, ce projet de budget s'inscrit dans un contexte difficile, tant national qu'international.

Grâce à la PAC, relevait récemment le Président de la République en déplacement dans le Cantal, « une grande partie de nos territoires ruraux ont échappé au dépérissement et parfois à la désertification ». Et le Président de poursuivre : « Les défis d'aujourd'hui, ce sont d'abord ceux du commerce mondial et de la réforme de la politique agricole commune. [...] Le temps nécessaire pour préparer l'avenir, nous nous le sommes donné. J'ai fait en sorte que le montant des crédits pour financer les aides de la PAC soit stabilisé jusqu'en 2013. Cela n'a pas été une bataille facile. » Certes !

Les responsables agricoles que j'ai pu entendre hier, à l'assemblée générale de la chambre d'agriculture, prennent acte de l'accord de Luxembourg. Leurs inquiétudes ne sont pas levées pour autant. L'une de leurs demandes porte sur les règlements d'éco-conditionnalité et leur contrôle, dont ils souhaitent une mise en place très progressive.

Il est bien d'autres craintes et appréhensions face à l'OMC et à l'évolution de la PAC. Mais je veux souligner les efforts que font sur le terrain les responsables du secteur agricole, efforts d'explication et même de dédramatisation.

« La réforme de la PAC ne saurait déboucher sur une remise en cause des ambitions agricoles de la France et de l'Europe », avait également souligné le Président de la République. Encore faudra-t-il veiller, me semble-t-il, à ce que la marge de manoeuvre dont dispose chaque pays pour l'application de la réforme ne conduise pas à des distorsions de concurrence entre producteurs.

Nous devons compter sur la détermination du Gouvernement « pour que le développement des échanges ne se fasse ni au détriment des garanties sanitaires, naturellement, ni au préjudice des pays les plus pauvres », poursuivait le Président de la République.

Nous comptons donc sur vous, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat !

Quant au projet de budget lui-même, il faut saluer les éléments positifs qu'il comporte : rénovation des bâtiments d'élevage, effort en faveur de l'enseignement, politique de qualité sanitaire et lancement de l'assurance récolte.

Sur ce dernier point, qui est important, j'ai enregistré des demandes d'amélioration du dispositif : subventions de l'Etat pour réduire les primes, couverture des risques sur les fourrages, etc. Mais j'ai bien entendu les propos du rapporteur spécial, Joël Bourdin, sur cette question.

Cependant, il y a aussi des ombres au tableau de ce projet de budget. Il en va ainsi de la réduction des crédits de gestion de crise, du fonds d'allégement des charges ou encore de l'aide aux agriculteurs en difficulté. Au cours de l'assemblée générale que j'ai évoquée à l'instant, des propos très virulents ont été tenus concernant l'allégement des charges, qui fait l'objet de vigoureuses réclamations.

On peut également citer la dotation aux jeunes agriculteurs, même s'il faut signaler la simplification qu'elle connaît, et la pénalisation dont souffrent les jeunes agriculteurs ainsi que les petites exploitations qui veulent s'agrandir, du fait du plafonnement à 110 % du montant de l'indemnité compensatoire des handicaps naturels versée l'année précédente.

Alors, peut-on rêver au déplafonnement ? En tout cas, il est souhaité.

Ne pourrait-on, dès la campagne 2005, faire bénéficier de l'indemnité compensatoire les éleveurs laitiers en zone de piémont ? Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est, là encore, une demande des agriculteurs de mon département, et même de toute une région, que je fais remonter jusqu'à vous !

Je veux également me faire l'écho d'une demande de la chambre d'agriculture : celle-ci voudrait que les crédits de l'Etat affectés à des missions d'intérêt général, telle l'identification pérenne généralisée, l'IPG, soient préalablement connus de manière à faciliter l'élaboration du budget.

J'en viens au volet social de la politique agricole.

Le fonds de financement des prestations sociales agricoles suscite de l'inquiétude. A mes yeux, l'essentiel est qu'il n'y ait aucune réduction des prestations. Du reste, il ne saurait y en avoir !

Je ne rappellerai pas les avancées qui ont été obtenues sur les retraites. Un problème demeure, et pas seulement dans notre département : celui de la préretraite des conjoints. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, satisfaction ayant été récemment donnée à une demande que mon collègue Bernard Murat et moi-même avions faite concernant les quotas, je garde espoir d'obtenir, pour 2005, une réponse aussi satisfaisante de votre part dans ce domaine.

En conclusion, le moins que l'on puisse dire est que l'agriculture est en phase de mutation. Les agriculteurs veulent y voir clair, à la fois pour leur avenir - ils nous l'ont dit et répété - et leur place dans la société. Tel est bien, me semble-t-il, le but du débat national « Agriculture, territoires et société », destiné à préparer le projet de loi de modernisation agricole.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, vous êtes en charge de toutes ces questions ; je sais que nous pouvons compter sur votre talent et tout autant - peut-être plus encore - sur votre détermination. Cette confiance se traduira, de la part de la majorité du groupe du RDSE, par l'adoption de votre budget. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, 4,89 milliards d'euros ne font pas de ce budget en baisse pour 2005 un document apte à répondre aux fortes inquiétudes des agriculteurs français. Il ne les prépare pas aux défis auxquels ils devront faire face dans le cadre de la nouvelle politique agricole commune.

Est-ce un budget de transition, en attendant la future loi de modernisation, censée donner une ligne directrice pour les vingt ans à venir ? Aujourd'hui, ce n'est pas clair.

Il est vrai que ce budget ne reflète pas les versements de l'Union européenne à la France en matière agricole, versements qui représentent environ 10,5 milliards d'euros en provenance du FEOGA-garantie.

Il est primordial, en tout cas, de ne pas se tromper dans nos choix fondamentaux. L'Union européenne a proposé deux objectifs : la multifonctionnalité et la compétitivité de l'agriculture, avec, en arrière-plan, la volonté de renforcer ses marges de manoeuvre dans la négociation au sein de l'OMC.

Le maintien des revenus agricoles a, jusqu'ici, été assuré au prix de l'augmentation de la productivité, de l'agrandissement des unités de production, de l'intensification et de la diversification. Peut-on encore longtemps aller dans ce sens ?

Comment adapter notre modèle d'agriculture face à la montée en puissance des dix nouveaux pays de l'Union ?

Chacun de mes collègues évoquera un aspect précis de ce que vous proposez aux agriculteurs : les anciens contrats territoriaux d'exploitation, CTE, et les nouveaux contrats d'agriculture durable, CAD, la politique de la montagne, l'élevage, la pêche, l'hydraulique, l'enseignement agricole, les retraites, etc. Tous ces thèmes seront abordés, sans oublier, bien sûr, la viticulture, qui se trouve dans une situation délicate.

Pour ma part, je constate que ce budget est cohérent avec le contexte général de morosité. Son niveau en baisse confirme que l'agriculture n'est plus une priorité d'Etat.

M. Dominique Bussereau, ministre. Ce n'est pas une question de crédits !

M. Jean-Marc Pastor. L'aménagement du territoire semble, petit à petit, laisser place à une politique marquée par une évolution dans laquelle compétitivité ne rime pas forcément avec maintien sur le territoire.

Le « jaune » retraçant les crédits affectés à l'aménagement du territoire fait d'ailleurs apparaître une baisse significative, de 67 millions d'euros, de la contribution du ministère de l'agriculture, notamment en termes d'amélioration des structures agricoles, d'aménagement de l'espace. Autant dire que ceux qui croient encore en des exploitations à taille humaine sur des territoires défavorisés difficiles à exploiter risquent de perdre leurs dernières illusions !

Ce n'est pas notre conception ; celle-ci, nous l'avions exprimée à l'occasion du débat sur la loi d'orientation agricole, qui avait défini des objectifs de multifonctionnalité, de qualité d'installation, de manière qu'il y ait autant d'agriculteurs que possible sur tous les terroirs.

Or, dans votre budget, monsieur le ministre, même si ce n'est pas vous qui l'avez préparé, les installations ne semblent pas être un objectif prioritaire, comme si, par delà les paroles lénifiantes, le Gouvernement s'était fait une raison. Il ne faut pas faiblir un seul instant sur cette politique volontariste !

Les indemnités compensatoires de handicaps naturels, quant à elles, n'ont pas fait l'objet de la revalorisation attendue. Y aura-t-il augmentation de 50 % au moins en loi de finances rectificative ? Il appartient à votre prédécesseur, à son nouveau poste, de tenir l'engagement qu'il avait pris voilà un an ici même. Pouvez-vous, monsieur le ministre, le lui rappeler ?

Jusqu'à présent, la politique agricole trouvait son équilibre dans une ventilation complémentaire entre un soutien au produit et un soutien au producteur, à l'homme. C'était le cadre de notre agriculture, essentiellement familiale. Malheureusement, les orientations que semble donner votre budget sont, à nouveau, en rupture avec cet équilibre et vont certainement faire disparaître encore de nouveaux agriculteurs.

Une fois de plus, les CAD, ex-CTE, mobilisent peu d'efforts de la part du Gouvernement, alors qu'ils correspondent à des outils pleinement en phase avec la PAC en ce qui concerne la multifonctionnalité et la conciliation de la valorisation économique et écologique. La baisse de la dotation de 10 %, en contradiction avec les paroles prononcées, est éloquente !

Le manque d'intérêt vis-à-vis de la mesure est, à mon sens préjudiciable, à terme, à notre agriculture, qui est certainement en train de perdre la chance qui lui était donnée. Ce lien nécessaire, cet engagement, ce contrat entre la société et l'agriculture, est maintenant négligé. C'était le seul rempart pour protéger le monde agricole face à un marché déstabilisé par l'abus de position dominante de quelques grands distributeurs que vous semblez protéger. Que comptez-vous faire pour maîtriser la pression exercée par la grande distribution ?

Les crédits Agridif et ceux du fonds d'allégement des charges, le FAC, marquent un très net décrochement par rapport aux années précédentes : pour le FAC, 2,4 millions d'euros, contre près de 22 millions d'euros en 2004 - c'est une quasi-suppression ! -  et 5 millions d'euros, soit deux fois moins qu'en 2004, pour la ligne Agridif.

Les moyens des sociétés d'aménagement foncier et d'établissement rural, les SAFER, sont en « chute libre », selon les propres termes du président de l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture, l'APCA. Quid des installations qu'elles favorisent en permettant l'accès au foncier ?

Je veux également mentionner un recul de l'hydraulique, dont l'enveloppe ne permettra certainement pas à l'Etat de respecter les contrats de plan Etat-région ; elle rendra même impossible l'entretien des réseaux existants. Cette baisse serait-elle le pendant du lancement de l'assurance récolte ?

Monsieur le ministre, nous prenons acte des mesures relatives aux bâtiments d'élevage que contient ce budget. Le fonds unique est a priori une bonne chose. Sera-t-il suffisant, compte tenu de la conditionnalité de certaines aides PAC intégrant la mise aux normes ? Les filières, la forêt, etc. ont également des crédits en baisse, et cela nous inquiète.

Enfin, nous avons tous noté le remplacement du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, par le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, fonds qui est déjà en déficit. Un de mes collègues y reviendra.

Oui, monsieur le ministre, vous venez d'ouvrir la porte d'un ministère difficile, en proie aujourd'hui à une certaine tristesse. Un sentiment de morosité plane sur tout le monde agricole.

Dans ce contexte déprimé, votre projet de budget, mais aussi le niveau de réaction de la profession sur le plan national, finalement soucieuse de canaliser les préoccupations et d'éviter les débordements, sont complètement déconnectés des réactions que nous retrouvons localement.

Quel dessein et quel espoir ambitionnez-vous de donner aux agriculteurs, monsieur le ministre ?

Cette question, évoquée surtout dans les zones d'élevage, va au delà du problème du revenu : c'est clairement la notion de qualité de vie qui est aujourd'hui en jeu pour l'éleveur et sa famille.

Alors qu'ils ont tant d'attentes à cet égard, les agriculteurs ont le sentiment qu'on ne leur propose rien, du vide, voire que l'essentiel des missions dévolues à l'administration et aux représentants déconcentrés de l'Etat est consacré au contrôle, parfois même au « flicage », pour reprendre un terme que j'ai déjà entendu.

Monsieur le ministre, donnez un autre sens à votre administration locale ! Pour une administration plus positive, plus dynamique, tournée vers l'accompagnement et le soutien.

Je dirai, en conclusion, qu'il découle du découplage, même partiel, que les marchés devront rétribuer l'acte agricole et que les soutiens publics seront de plus en plus destinés à rémunérer les services non marchands que l'agriculture rend à notre société.

Avec ce budget, vous nous proposez, en fait, une baisse des aides économiques correspondant au premier pilier, mais sans soutien suffisant du volet aménagement et multifonctionnalité. En cela, ce budget n'est pas cohérent et sa légitimité est discutable. C'est pourquoi notre groupe ne le votera pas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le ministre, je vais peut-être vous étonner, mais je ne vous parlerai pas d'argent ! (Sourires.)

M. Dominique Bussereau, ministre. Cela va me changer ! (Nouveaux sourires.)

M. Dominique Mortemousque. C'est pour une raison simple : Gérard César a fait, ce matin, un tour d'horizon assez complet de la situation de l'agriculture et des perspectives d'avenir. Je partage pleinement son analyse et, suivant ses conclusions, la commission des affaires économiques a donné un avis favorable à ce budget, que, naturellement, je voterai.

De plus, le président de la commission, Jean-Paul Emorine, a complété ce tour d'horizon en précisant bien ce qui nous interpelle pour l'avenir.

J'ai écouté ce que vient de dire mon collègue Jean-Marc Pastor sur la politique d'installation des jeunes agriculteurs. Pour moi, la meilleure politique dans ce domaine consiste à permettre à ceux qui exercent le métier d'agriculteur - je parle en connaissance de cause puisque je suis moi-même un paysan - de le faire dans la quiétude et la sérénité.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, nous sommes aujourd'hui devant une situation quelque peu paradoxale. Votre prédécesseur, monsieur le ministre, a travaillé très durement, avec Nicolas Forissier, au niveau européen pour permettre à la France d'obtenir une ligne budgétaire garantie sur plus de dix ans.

Mais il convient aujourd'hui de rétablir la confiance chez les agriculteurs.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Dominique Mortemousque. C'est, dans l'immédiat, le problème qui se pose à vous, qui avez désormais la charge de ce ministère.

Je vous propose trois ordres d'actions pour tenter de remédier à une situation pour le moins gênante au sein du monde agricole.

Premièrement, la « conditionnalité » des aides - pour employer le jargon actuel - reposant sur l'obligation de mise aux normes des exploitations, il convient d'accorder des délais suffisamment souples aux agriculteurs pour permettre à ceux qui le souhaitent d'adapter les bâtiments d'élevage, sans que « s'essoufflent » ceux qui, par prudence, ne veulent pas trop s'endetter, ce que je comprends.

Il convient également de penser à ceux qui sont proches de l'âge de la retraite et qui aimeraient terminer leur parcours sans remettre tout en question.

Je sais que ces problèmes ont été évoqués à Bruxelles, à l'occasion des nombreux va-et-vient, mais nous avons besoin de réponses claires et pratiques en la matière.

Ma deuxième proposition porte sur les dossiers. Il convient de les simplifier, afin de rendre la procédure la plus limpide possible. Je sais qu'il est plus aisé de le dire que de le faire, mais il est important de faciliter l'élaboration de ces dossiers, sans lesquels les agriculteurs ne peuvent obtenir les aides indispensables. Si nous n'aidons pas les ayants droit à remplir ces dossiers, nous aurons des catastrophes, car ils ont besoin de cette trésorerie.

Pour ma troisième et dernière proposition, je me ferai l'écho de mes collègues agriculteurs. Ils constatent que, plus le temps passe, moins ils sont nombreux, mais plus les structures techniques se multiplient à leurs côtés.

M. Charles Revet. C'est vrai !

M. Dominique Mortemousque. Ne pourrait-on pas identifier précisément ces différentes structures qui se sont accumulées autour des exploitants et les unifier, afin qu'elles apportent aux agriculteurs l'aide qui leur est nécessaire pour exercer ce métier noble qui est celui de producteur et de paysan. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Voilà, messieurs les ministres, les propositions que je souhaitais faire.

Je ne clôturerai pas mon propos sans dire un mot des retraités agricoles. Ils ne me le pardonneraient pas, d'autant que, vous le savez, leur président, M. Drapeyrou, est de mon département !

En son nom et au nom de tous les agriculteurs, je tiens à rendre hommage au Gouvernement pour tout le chemin qui a été parcouru : le financement des retraites est maintenant assuré et la mensualisation est mise en oeuvre. Les agriculteurs n'attendent plus désormais, sur ce sujet, qu'un calendrier précis soit établi, de façon que les dossiers des retraités qui ont été, pour l'instant, oubliés soient traités avant la fin de la législature. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, mon collègue Dominique Mortemousque a déjà introduit le sujet que je souhaite évoquer aujourd'hui puisque, une fois n'est pas coutume, je n'aborderai pas la question des biocarburants, même si le sujet me tient particulièrement à coeur. A cet égard, je forme simplement des voeux pour que la commission mixte paritaire puisse améliorer la rédaction des articles 16 bis et 16 ter telle qu'elle est ressortie de nos discussions.

J'évoquerai donc la question des retraites agricoles.

Les ressources tirées de la TVA et de la contribution sociale de solidarité, qui abondaient le BAPSA les années précédentes, ayant disparu, la seule recette perçue par l'Etat et affectée au financement des retraites agricoles reste une partie de la taxe sur les tabacs. Or, nous le savons, cette taxe connaît une forte diminution de son rendement. Il faut sans aucun doute s'en féliciter sur le plan de la santé publique, mais cette situation pose des problèmes, notamment au regard du financement des retraites agricoles. Aujourd'hui, le FFIPSA, qui a remplacé le BAPSA, affiche donc déjà un déficit de 1,5 milliard d'euros !

Monsieur le ministre, il y a moins d'un mois, votre prédécesseur déclarait devant l'Assemblée nationale : « Le budget social agricole doit avoir un financement pérenne. » Je partage bien évidemment cet avis, mais je constate que, malheureusement, tout n'a pas été fait, jusqu'à présent, pour aller dans ce sens.

Par conséquent, je vous pose la question : quelles pistes envisagez-vous pour assurer ce financement pérenne ? Le prochain projet de loi de modernisation et d'orientation agricole actuellement en préparation ne pourrait-t-il pas être l'occasion de régler durablement ce problème ?

En ce qui concerne la retraite des non-salariés agricoles, l'adoption de la loi du 4 mars 2002, qui crée un régime complémentaire obligatoire, a constitué sans aucun doute une avancée majeure, notamment en ce qu'elle instaure un minimum de retraite à hauteur de 75 % du SMIC. Je rappelle au passage que, en juillet 2003, lors de l'examen de la réforme du régime général des retraites, nous avons voté une disposition élevant le montant minimum des pensions, pour tous les salariés, à hauteur de 85 % du SMIC.

Quoi qu'il en soit, les diverses mesures mises en oeuvre ces dernières années pour améliorer le sort des quelque 2 millions de retraités agricoles non-salariés n'ont, en réalité, bénéficié qu'à la moitié d'entre eux. En effet, le plancher de 75 % ne concernant que les exploitants ayant fait une carrière complète, nombreux sont les laissés-pour-compte, en particulier parce que de nombreux exploitants agricoles ont commencé par être aides familiaux sans être déclarés.

La baisse démographique de ce régime de retraite, qui enregistre environ 90 000 décès pour 40 000 nouveaux entrants chaque année, ne pourrait-elle pas fournir l'occasion d'une accélération du règlement de ce dossier, par exemple en réaffectant les sommes dégagées du fait de l'évolution démographique, soit environ 270 millions d'euros, à une augmentation des pensions de ces laissés-pour-compte ?

M. Gérard Le Cam. Très bien !

M. Yves Détraigne. Telles sont, monsieur le ministre, les questions que je souhaitais vous poser. (Applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le ministre, le ministère dont vous venez de prendre la charge est l'un des plus importants de notre pays, par tout ce qu'il représente dans notre société : l'emploi agricole, para-agricole et agroalimentaire ; l'alimentation humaine et animale ; l'énergie, les paysages, le cadre de vie, l'environnement. En un mot, il est le « coeur » de la ruralité, au sens large du terme.

Je vous adresse donc mes voeux de plein succès dans l'exaltante tâche qui vous attend.

M. Dominique Bussereau, ministre de l'agriculture, de l'alimentation, de la pêche et de la ruralité. Merci.

M. Gérard Le Cam. Pour en venir à votre projet de budget pour 2005, l'Assemblée permanente des chambres d'agriculture a dénoncé son extrême rigueur.

Or cette extrême rigueur, qui fait suite à la rigueur des années précédentes, ajoute au malaise d'une profession qui a besoin d'une vision claire pour l'avenir, de motivations, de perspectives, bref, qui a besoin d'être assurée de pouvoir vivre dignement de son travail et d'être reconnue.

En baisse de 1,8 %, s'établissant à 4,88 milliards d'euros, ce budget ne convainc personne et l'on sent bien que c'est uniquement par solidarité avec le Gouvernement que les membres de la majorité sénatoriale s'apprêtent à le voter. (Murmures sur les travées de l'UMP.)

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Non !

M. Gérard Le Cam. Malgré tout, certains aménagements internes à ce budget permettent de dégager quatre priorités, qui sont naturellement financées par des économies réalisées dans d'autres domaines. Ces économies portent sur les crédits d'orientation des offices, les CAD, les bonifications, l'installation, le fonds d'allégement des charges et le dispositif de soutien aux agriculteurs en difficulté.

Les quatre priorités gouvernementales sont le lancement de l'assurance récolte, pour 10 millions d'euros, la création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage, pour 55 millions d'euros, l'engagement d'une politique phytosanitaire, pour 15 millions d'euros, et le renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche, pour 228 millions d'euros.

Ces priorités, toutes fort louables, sont attendues par la profession, mais les économies faites sur les secteurs que je viens de citer risquent fort de réduire sensiblement leur portée au regard du bénéfice global espéré par les agriculteurs.

L'assurance récolte peut être un excellent outil au service du monde agricole, tant les aléas climatiques pèsent lourd, notamment pour les viticulteurs et les producteurs de fruits et légumes. Encore faudra-t-il que l'Etat l'abonde suffisamment, que la contribution des agriculteurs soit mutualisée et que les remboursements soient plafonnés ; sinon, l'assurance récolte peut rapidement devenir un nouvel outil de sélection et de course à la concentration.

Par ailleurs, certaines calamités agricoles ne sont pas prises en compte par cette assurance, notamment, bien sûr, les crises sanitaires.

Cependant, monsieur le ministre, la pire des calamités agricoles, celle des prix et des relations avec la grande distribution, a besoin, non pas d'assurance, mais de décisions politiques et législatives courageuses ; j'y reviendrai tout à l'heure.

La création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage s'inscrit dans la stratégie du guichet unique, en lieu et place du CNASEA, le Centre national pour l'aménagement des structures des exploitations agricoles, des services de l'Etat et des offices d'intervention. Une telle création peut être considérée comme une simplification d'accès aux aides, mais quel est, exactement, le « plus » financier qu'apporte le budget en comparaison du système précédent ?

Pourriez-vous également, monsieur le ministre, nous préciser les critères qui présideront à l'attribution de ces aides ? Seront-ils comparables à ceux du PMPOA, le programme de maîtrise des pollutions d'origine agricole, au titre duquel les aides sont attribuées en priorité aux exploitations les plus importantes, en attendant que les plus petites aient disparu ?

Parmi les quatre priorités du projet de budget, on ne peut que saluer la mise en place d'une politique phytosanitaire. Quant aux crédits de l'enseignement supérieur et de la recherche, ma collègue Annie David les évoquera tout à l'heure.

Je voudrais, à présent, évoquer la gestion des crises.

Votre prédécesseur, M. Gaymard, a déclaré il y a quelques jours, devant la commission des affaires économiques et du Plan, qu'il s'agissait du « plus important combat à mener à Bruxelles dans les mois qui viennent ».

L'actuelle crise du chou-fleur en Bretagne est évocatrice : les pertes s'élèvent à 100 millions d'euros, ce qui représente une baisse de 30 % du chiffre d'affaires. Si la crise est, certes, liée à des conditions climatiques trop favorables, elle est amplifiée par l'importation de choux-fleurs de Pologne.

Au demeurant, cette crise n'est qu'un aperçu de ce qui nous attend demain, dans le cadre d'une Europe où la concurrence est libre et non faussée, où la circulation des biens, des capitaux, des services et des hommes se fait sans entrave ni régulation, dans le cadre d'une Europe qui, aux termes de l'article III-232 du projet de Constitution européenne, prévoit de taxer à l'exportation des produits aidés au sein de leur filière, afin de ne pas affecter la sacro-sainte libre concurrence !

En réalité, à lire le volet agricole du projet de Constitution européenne, l'objectif est de favoriser des importations à bas coût, pour faire pression sur les prix agricoles et les rémunérations, en libérant la concurrence intracommunautaire et extracommunautaire. A cet égard, l'unicité des prix des produits agricoles à l'intérieur de l'Union laisse la place à une « politique commune éventuelle des prix ».

A aucun moment, la Constitution européenne n'évoque le racket sur les producteurs organisé par les grandes et moyennes surfaces, les GMS, et son objectif louable d'« assurer des prix raisonnables dans les livraisons aux consommateurs » risque de s'appliquer uniquement au détriment des producteurs.

La politique agricole commune et l'instauration du découplage partiel ou total vont accentuer la désorganisation des filières et de la maîtrise des productions. Par conséquent, de nouveaux facteurs de crise apparaîtront, dans la mesure où de très nombreux agriculteurs français et communautaires vont se mettre à produire autre chose que ce sur quoi est assise leur rente de référence, les fameux droits à paiement unique.

La gestion des crises nécessite de s'attaquer, d'abord, aux causes plutôt qu'aux conséquences. Si nous ne sommes pas maîtres des aléas climatiques, nous devrions pouvoir maîtriser les productions et encourager des échanges mutuellement avantageux.

C'est pourtant le contraire qui se déroule sous nos yeux, avec l'OMC, qui joue au « Monopoly international » en cherchant à supprimer toutes les protections douanières et en incitant les Etats à troquer, pour des milliards de dollars, des services, des produits manufacturés, le tout souvent au détriment des productions agricoles.

Chaque crise fait disparaître les exploitations les plus fragiles, et le savoir-faire de milliers d'agriculteurs. Le présent projet de budget, qui prévoit de consacrer 68 millions d'euros à l'installation et 91 millions d'euros au départ et à la réinsertion professionnelle, témoigne d'une volonté inavouée de concentrer encore davantage l'agriculture.

Il serait nettement préférable d'utiliser de telles aides au maintien des exploitants qui souhaitent rester dans l'agriculture. En effet, l'expérience montre que, même s'ils sont beaucoup moins nombreux, les agriculteurs ne vivent pas mieux qu'avant. Il est donc urgent de rompre avec cette logique qui vide nos campagnes et fait grossir les rangs du chômage et de la précarité.

Quant aux mécanismes traditionnels utilisés en cas de crise, à savoir les reports de charges ou de cotisations sociales et les aides au stockage, ils retardent parfois la chute, mais s'avèrent très peu efficaces à long terme.

La crise laitière qui a affecté notre pays se solde également par une baisse du revenu des producteurs laitiers, au profit des transformateurs, qui accaparent la majeure partie de l'aide laitière instituée par la PAC, et au profit de la grande distribution.

Au-delà des conséquences traditionnelles des crises, ce sont les espaces herbagers et montagnards les plus écologiques qui risquent de disparaître, au profit de cultures industrielles ou de jachères.

L'agriculture, qui semble se rapprocher des « taquets » de la productivité, les a même souvent dépassés dans le cadre d'une agriculture durable. Aussi, se pose en grand, aujourd'hui, la question de la revalorisation des prix agricoles à la production.

A ce propos, monsieur le ministre, qu'est devenue la conférence sur les prix promise par le Gouvernement ?

Ces quarante dernières années, les prix alimentaires ont augmenté de 600 %, alors que les prix payés au producteur n'ont augmenté que de 200 %.

Il est urgent d'organiser une conférence nationale des prix agricoles, qui rassemble tous les acteurs, du producteur au consommateur, en passant par les syndicats, les transformateurs, la grande distribution et les commerçants.

Les textes en vigueur demeurent globalement inefficaces face aux GMS et aux centrales d'achat, qui font la pluie et le beau temps. Ni la loi Galland ni la loi relative aux nouvelles régulations économiques ne suffisent à stopper les pratiques scandaleuses des marges arrière et les marges bénéficiaires exorbitantes.

Monsieur le ministre, j'avais proposé, lors de l'examen du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux, d'instaurer annuellement, pour chaque produit agricole, un prix minimum au-dessous duquel la situation de crise serait reconnue, et un prix de référence permettant aux agriculteurs de vivre décemment, d'investir, afin de moderniser et de rendre pérenne leur outil de travail, à savoir la terre qu'ils transmettront, demain, à leurs enfants.

Ces deux prix pourraient servir de référence permanente à l'ensemble des acteurs, du producteur au consommateur, et faire grandir l'idée selon laquelle il est possible de mieux rémunérer le producteur sans pénaliser le consommateur.

Au demeurant, une réelle politique des prix et non des primes est-elle encore possible et imaginable dans une France, une Europe et une Organisation mondiale du commerce toutes libérales ?

Le récent refus de l'Assemblée nationale de constituer une commission d'enquête sur le niveau, la formation et les conséquences de l'évolution des prix ne laisse rien espérer de positif en ce domaine.

La voie des prix rémunérateurs, d'une agriculture diversifiée à dimension humaine, de la souveraineté alimentaire des pays, des échanges équilibrés et de la solidarité internationale, appelle une tout autre politique. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yvon Collin.

M. Yvon Collin. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, parce qu'elle structure la plupart de nos paysages et parce qu'elle occupe encore près de 900 000 actifs, l'agriculture, à l'évidence, est un secteur majeur dans notre pays.

Régulièrement confrontée à des crises, tantôt structurelles, tantôt conjoncturelles, l'agriculture connaît souvent de graves difficultés, qui plongent de nombreux exploitants dans l'incertitude économique et la détresse sociale.

Force est de constater que le présent budget ne répondra pas, monsieur le ministre, aux attentes du monde agricole.

Le report de 90 millions d'euros du budget de 2004 permet d'afficher une reconduction des crédits pour l'année prochaine. Si l'on soustrait ce report, le budget pour 2005 diminue en réalité de 1,8 %. Avec 4,88 milliards d'euros, l'agriculture est, visiblement, loin de constituer une priorité.

Certes, monsieur le ministre, votre budget ne représente qu'une partie des concours publics à ce secteur puisque les dépenses communautaires apportent actuellement environ 10 milliards d'euros supplémentaires.

Si les marges de manoeuvre demeurent faibles sur le plan intérieur, il n'en demeure pas moins que les agriculteurs souhaitent une politique nationale d'orientation volontariste, ouvrant des perspectives pour l'avenir.

Dans le cadre du projet de loi de finances pour 2005, vous avez choisi, monsieur le ministre, de financer quatre priorités : le lancement de l'assurance récolte, la création d'un fonds unique de modernisation des bâtiments d'élevage, l'engagement d'une politique active dans le domaine phytosanitaire et le renforcement des crédits destinés à l'enseignement supérieur et à la recherche.

S'agissant de l'assurance récolte, on peut regretter, à l'heure actuelle, la timidité du dispositif, puisque seule une dotation de 10 millions d'euros est prévue pour 2005. Comme vous le savez, 240 millions d'euros seront nécessaires pour garantir sa montée en puissance. C'est d'ailleurs, grosso modo, ce que l'Espagne consacre à sa propre assurance récolte.

Les modalités de l'assurance multirisques et multicultures ne sont pas complètement définies aujourd'hui. Vous pourrez peut-être, monsieur le ministre, nous livrer des éléments issus des discussions que vous menez actuellement sur ce thème avec tous les acteurs concernés.

Quoi qu'il en soit, vous le savez, le monde agricole s'inquiète des propositions actuelles en ce qui concerne les taux de franchise, qui sont jugés particulièrement élevés, l'insuffisance de la subvention publique et le cantonnement du dispositif aux cultures de vente. A mon avis, l'assurance récolte ne devra constituer ni une aubaine pour les assureurs ni un mobile justifiant le désengagement de l'Etat. Ce produit devra être à la fois viable, équitable et accessible à l'ensemble des exploitants.

Parmi les priorités du budget de l'agriculture pour 2005 figure la politique phytosanitaire, qui reçoit un coup de pouce significatif. En effet, grâce à une dotation de 15,1 millions d'euros, les crédits destinés à prévenir les risques sanitaires et phytosanitaires augmentent de 8 % par rapport à ceux qui étaient inscrits dans la loi de finances pour 2004. Au regard des crises passées, il est effectivement impératif de multiplier les moyens destinés à protéger la santé des consommateurs et l'environnement.

Je voudrais toutefois souligner combien les décisions en la matière doivent être prises avec toute la mesure qui s'impose sur des questions déchaînant bien souvent les passions. J'espère d'ailleurs que les efforts financiers que vous consentez également en direction de la recherche contribueront à la réalisation d'études sincères pour évaluer les risques.

A ce titre, souvenons-nous de l'étude réalisée en 1999 et concluant à un taux de mortalité inhabituel du papillon monarque : incriminé, le maïs transgénique avait alors immédiatement été qualifié de « plante Frankenstein » !

Le débat plus récent sur l'utilisation du Régent et Gaucho appelle quelques remarques. A la suite de plusieurs décisions du Conseil d'Etat, votre prédécesseur, monsieur le ministre, a décidé de suspendre, pour la culture du maïs, l'usage de cet insecticide, soupçonné de décimer les abeilles. Depuis lors, une étude nationale des services vétérinaires semblerait démontrer que le lien entre ces produits et la mort inexpliquée des abeilles n'est pas du tout évident.

Pendant ce temps, la suspension des produits Régent et Gaucho entraîne des conséquences économiques graves pour les entreprises de traitement des semences. Afin de répondre aux nouvelles normes et réglementations, certaines d'entre elles se sont adaptées, au prix de forts investissements, tandis que d'autres ont dû arrêter brutalement une grosse partie de leur activité. A à ce jour, ces entreprises s'adressent aux élus pour leur demander ce qu'elles peuvent faire de leur stock de semences enrobées, sachant que d'autres pays, où de telles semences sont autorisées, en attendent l'importation.

Enfin, pour terminer, monsieur le ministre, je souhaite évoquer un sujet qui, comme à beaucoup d'autres de mes collègues, me tient à coeur et qui, en raison de la disparition du BAPSA, ne donnera plus lieu à un débat spécifique : je veux en effet revenir sur la question des retraites agricoles, qui a fait l'objet de nombreuses avancées sous la précédente législature et qui est, actuellement, au point mort.

La richesse de notre agriculture doit beaucoup aux actifs agricoles d'hier et, à ce titre, la solidarité nationale doit s'exercer de façon équitable envers eux. Il faudra bien, un jour, ouvrir le dossier du « décret Vasseur », qui minore la retraite des agriculteurs ayant cotisé moins de 37,5 années, et celui de l'uniformisation de la bonification de pension pour les personnes ayant élevé trois enfants. Il nous faudra aussi nous pencher très vite sur la question de l'accès à la retraite complémentaire des conjoints et aides familiaux, ainsi que sur celle, plus générale, d'une retraite de base pour tous, égale à 75 % du SMIC.

Mes chers collègues, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, derrière la qualité et la diversité de notre agriculture, il y a des milliers d'hommes et de femmes qui travaillent pour des revenus soumis à de nombreux aléas et dont le montant n'est pas toujours à la hauteur de leurs efforts. Aux agriculteurs d'hier et à ceux d'aujourd'hui, nous devons une politique agricole volontaire et porteuse d'espoir en l'avenir.

A mon tour, monsieur le ministre, je vous adresse tous mes voeux de succès dans l'exaltante et difficile mission qui est la vôtre ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. André Lejeune.

M. André Lejeune. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, j'ai écouté avec beaucoup d'attention mon collègue Jean-Marc Pastor, et je souscris pleinement, ce qui ne vous étonnera pas, à ses propos.

En effet, non seulement le budget de l'agriculture pour 2005 que vous nous présentez, monsieur le ministre, est en baisse pour la troisième année consécutive, mais surtout il ne répond ni aux attentes des exploitants agricoles ni à celles du monde rural dans son ensemble.

A un moment où l'inquiétude est grande dans les campagnes, qui voient, les unes après les autres, disparaître leurs services publics - je suis bien placé pour en parler ! -, où les dotations aux collectivités ne permettent pas de faire face aux nouvelles charges que leur impose la décentralisation, les orientations que vous proposez vont davantage encore fragiliser les zones rurales.

Ce budget est un mauvais budget, et je ne suis pas le seul à l'affirmer puisque les professionnels du monde agricole sont unanimes à le reconnaître.

Pour la FNSEA, ce budget montre « une nouvelle fois que l'agriculture n'est pas une priorité pour notre pays » ; pour les Jeunes agriculteurs, il « manque définitivement d'ambition pour faire face aux difficultés que connaît l'agriculture française » ; pour la Coordination rurale, « c'est un budget pour nourrir la machinerie administrative » ; pour la Confédération paysanne, son adoption « mettrait en danger l'avenir des campagnes françaises » ; enfin, pour le MODEF, il « n'anticipe pas la nécessaire réorientation de l'agriculture face à l'application dévastatrice de la réforme de la PAC décidée en 2003 ».

Compte tenu des nombreuses questions que se posent aujourd'hui les agriculteurs sur leur avenir, pensez-vous sincèrement, monsieur le ministre, que ce budget soit de nature à les rassurer et à les encourager ?

La population agricole vieillit et les installations sont de moins en moins nombreuses. Comment envisagez-vous de résoudre ce problème crucial pour nos départements ruraux, où les agriculteurs représentent une part importante de la population active ? Est-ce en réduisant, comme vous nous le proposez, la dotation aux jeunes agriculteurs de 5 millions d'euros et en amputant de 2 millions d'euros les crédits accordés aux SAFER, ce qui limiterait leur capacité d'intervention sur le marché foncier ?

En 2002, vous vous êtes empressé de supprimer les CTE, qui connaissaient un succès certain, pour les remplacer par les CAD, vers lesquels les agriculteurs ne se précipitent pas, qui ont été longs à mettre en place, et dont le nombre, aujourd'hui, stagne.

A la lumière de cette expérience, ne pensez-vous pas qu'il aurait mieux valu faire preuve d'un esprit moins partisan en conservant les CTE, quitte à en améliorer le dispositif ?

M. Gérard Delfau. Ça, c'est vrai !

M. André Lejeune. Etes-vous sincèrement convaincu du bien-fondé des CAD et avez-vous réellement confiance en leur avenir, puisque vous diminuez leurs crédits de 10 % ?

Comme l'avait justement reconnu la loi d'orientation agricole du 10 juillet 1999, la multifonctionnalité était un excellent moyen de relancer notre agriculture, en conciliant valorisation économique et respect de l'environnement.

Or, aujourd'hui, alors que les préoccupations environnementales sont de plus en plus importantes, vous ne considérez plus la multifonctionnalité comme une priorité !

Par ailleurs, en vertu d'économies budgétaires, vous diminuez de 6 % la dotation aux offices d'intervention agricole. Ne serait-il pas préférable de leur donner des moyens pour organiser la maîtrise et la répartition des productions, afin de permettre à toutes les régions, et en particulier aux régions défavorisées dont l'avenir en dépend, le développement de productions de qualité ?

Vous diminuez également les crédits relatifs à la valorisation de la production. Or celle-ci n'est-elle pas indispensable pour faire face à la concurrence mondiale ?

Par ailleurs, envisagez-vous de rétablir la ligne « restructuration des abattoirs publics » ?

Les catastrophes climatiques affectent l'agriculture de manière récurrente. Pourquoi, dès lors, faites-vous disparaître le principal outil de gestion des catastrophes, le fonds national des calamités agricoles, qui était un dispositif public financé par l'Etat et fortement redistributif ?

Vous le remplacez par l'assurance récolte, un dispositif privé subventionné, individualisé pour chaque exploitation et par culture, en fonction de l'exposition au risque. Bien que vous en fassiez l'une de vos priorités, les crédits que vous y affectez ne permettront d'accompagner que 5 % environ des productions assurables.

Ce nouveau dispositif s'annonce très coûteux. Pouvez-vous nous confirmer que son lancement sera effectif au 1er janvier 2005 et nous préciser quel sera son coût annuel lorsque son fonctionnement aura atteint son rythme de croisière ?

Une autre de vos priorités est le financement des bâtiments d'élevage. Toutefois, les exigences de mise aux normes sont les mêmes pour tous les bâtiments d'élevage, alors que les conséquences sur l'environnement sont très différentes selon les systèmes d'élevage et que certains investissements sont prohibitifs pour les petits ateliers. Aucune mesure spécifique n'est prévue pour les petites fermes, qui se voient exclues de toutes formes d'aide compte tenu de l'obligation qui leur est faite de prouver leur viabilité économique pour y accéder. D'un côté, pour les petits et moyens agriculteurs, les aides publiques au revenu sont conditionnées par le respect de normes environnementales ; de l'autre, pour bénéficier du soutien public à la mise aux normes, il faut justifier d'un revenu minimum élevé. Comment envisagez-vous de sortir de ce paradoxe ?

Les moyens consacrés aux agriculteurs en difficulté sont remis en cause. S'agit-il, d'après vous, de la réponse urgente qu'ils attendent pour leur permettre de maintenir leur activité ?

Quant aux retraités agricoles, dont mon collègue Gérard Le Cam a parlé, ils sont une nouvelle fois oubliés. En effet, aucune mesure d'extension de la retraite complémentaire obligatoire n'est envisagée et, pour la troisième année consécutive, aucune revalorisation des retraites n'est programmée.

Quel avenir réservez-vous au tissu associatif, indispensable au monde rural ? Comme moi, mes chers collègues, vous avez dû être sollicités par les associations qui, depuis de nombreuses années, interviennent, grâce à l'action de 50 000 personnes, dans les domaines du développement local, des activités économiques, du sport, des loisirs, de la culture et de l'aide à la personne.

Alors que ces associations contribuent au développement des territoires, rôle que consacre l'article 66 du projet de loi sur le développement des territoires ruraux, elles n'ont encore reçu aucun financement pour l'année 2004. Cette situation est inadmissible. Envisagez-vous de prendre en compte les demandes des associations et de continuer à leur apporter un soutien à hauteur de celui qu'elles ont reçu en 2003 ?

Enfin, pouvez-vous me préciser à quelle date auront lieu cette année les derniers versements de la PMTVA, c'est-à-dire la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, de la prime à l'abattage et de la prime spéciale aux bovins mâles, qui auraient déjà dus être effectués et que de nombreux éleveurs creusois attendent avec impatience ?

Au moment où de nombreuses incertitudes pèsent sur l'agriculture à la suite de la réforme de la PAC, ce budget n'apporte, à mon avis, aucune réponse satisfaisante aux difficultés que connaît ce secteur.

Ce projet de budget confirme la dérive libérale de la gestion de l'agriculture française, au détriment des exploitations familiales. Il condamne les plus faibles et traduit le mépris du Gouvernement pour les territoires ruraux.

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat à l'agriculture, à l'alimentation, à la pêche et aux affaires rurales. Oh !

M. André Lejeune. Mais si !

Le mauvais coup supplémentaire qui est porté aux agriculteurs ne peut qu'accroître le sentiment de malaise qui règne dans nos campagnes. C'est la raison pour laquelle le groupe socialiste votera contre votre projet de budget, monsieur le ministre. Ce qui ne nous empêche pas de vous souhaiter tout de même bon courage ! (Sourires. - Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Doublet.

M. Michel Doublet. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le projet de budget de l'agriculture pour 2005 s'inscrit dans un contexte difficile : crise sur le marché des fruits et légumes ; difficultés dans le secteur de la viticulture, avec une baisse des ventes ; débat sur le partage des marges et sur les relations entre producteurs, entreprises et grande distribution ; envolée des prix du pétrole.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le ministre, je me réjouis des quatre priorités affichées par votre ministère : lancement de l'assurance récolte, création d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage, engagement politique volontariste dans le domaine phytosanitaire et renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche agricoles.

S'agissant plus particulièrement de l'assurance récolte, le Parlement devra être très vigilant sur les besoins supplémentaires qui devront être pris en compte lors de l'examen de la loi de finances rectificative. Il faudra également garantir la diffusion la plus large possible de ce nouvel outil et veiller à sensibiliser les différents acteurs à son financement.

Par ailleurs, je m'interroge sur le calendrier de mise en place de ce mécanisme. Pouvez-vous, monsieur le ministre, nous donner quelques éclaircissements sur ce sujet ?

Autre priorité de ce projet de budget, la création d'un fonds unique consacré à la rénovation des bâtiments d'élevage est bien venue, car beaucoup d'éleveurs rencontrent des difficultés pour financer l'investissement nécessaire à l'adaptation de leurs bâtiments. Améliorer les bâtiments d'élevage, c'est améliorer l'outil de travail de nos agriculteurs et leur permettre d'être plus compétitifs.

Monsieur le ministre, quelle sera la date d'entrée en vigueur de cette nouvelle mesure ? Comment les collectivités territoriales pourront-elles travailler de concert avec l'Etat sur ce dossier ? Vous le savez, la Charente-maritime a déjà lancé un programme d'aide aux bâtiments d'élevage. J'aimerais donc savoir comment les initiatives volontaristes des départements ou des régions pourront s'articuler avec cette politique de l'Etat.

Votre projet de budget est tourné vers l'avenir. Il doit en effet préparer la mutation de notre agriculture pour qu'elle puisse répondre aux défis du monde à venir. Cela passe par le renouvellement des générations. Or on assiste à une baisse du nombre des installations aidées : 6 000 de moins par an. Il faut donc mettre en place une politique rénovée de l'installation, adaptée aux besoins de nos agriculteurs et s'accompagnant d'une simplification des procédures.

C'est pourquoi je ne peux que me réjouir de la décision qui a été prise de verser en une seule fois la DJA, la dotation aux jeunes agriculteurs ; cette disposition, très attendue, a été saluée par nos agriculteurs.

Une autre mesure budgétaire importante concerne la protection sociale agricole. Le FFIPSA, qui remplace le BAPSA, risque, dès cette année, d'être confronté à un manque de financement en raison de la diminution des recettes de la taxe sur le tabac. Il nous faut donc trouver de nouvelles ressources pérennes. Pouvez-vous, monsieur le ministre, informer la représentation parlementaire sur les différentes pistes étudiées par vos services ?

Cette problématique ne doit pas affecter le remboursement des prestations ni le versement des retraites. Sur ce dernier point, la mensualisation et le financement de la retraite complémentaire sont des mesures qui vont dans le bon sens. Cependant, des améliorations méritent encore d'être apportées : relèvement des retraites les plus faibles, prise en compte de la situation des polypensionnés, relèvement de la retraite de base du conjoint, accès pour ce dernier à la retraite complémentaire, résolution du problème des effets de seuil pour les conjoints et les veuves.

Je souhaiterais, monsieur le ministre, que vous nous fassiez part des options qui pourraient être retenues par le groupe de travail sur les retraites.

Autre mesure phare destinée à appuyer la transformation de notre agriculture : la relance de la production de biocarburants d'origine agricole, qui a été annoncée dernièrement par le Premier ministre, avec un triplement de la production à l'horizon 2007 et le lancement d'un appel d'offres pour la construction de quatre nouvelles usines de production de biocarburants ; vous savez que la Charente-maritime s'est portée candidate pour accueillir une telle usine.

Il faudra veiller à garantir l'équilibre entre le diester et l'éthanol, s'assurer que les pétroliers incorporent bien des biocarburants français, et non pas étrangers, comme c'est le cas actuellement.

Par ailleurs, le problème de l'investissement doit être étudié, car le coût de production est encore deux à quatre fois plus élevé que celui des carburants fossiles.

De plus, il serait logique que ces produits, qui ne sont pas pétroliers, soient exonérés de la TIPP.

Enfin, reste à mettre en place un cadre réglementaire pour permettre l'application de la directive européenne sur l'incorporation obligatoire de biocarburants dans les carburants classiques.

Monsieur le ministre, j'aimerais attirer plus particulièrement votre attention sur les huiles pures végétales, qui présentent de nombreux avantages tant sur le plan écologique - sans additif, ininflammables, non évaporables, non toxiques, biodégradables - que sur le plan énergétique - bilan supérieur aux biocarburants actuels. Seront-elles inscrites sur la liste française des carburants autorisés ?

Je profite de la tribune qui m'est offerte pour vous dire combien est préoccupante la situation du mouvement des foyers ruraux, ...

M. Michel Doublet. ... en raison de la non-reconduction de la convention pluriannuelle qui vous liait.

Ce mouvement, qui représente quelque 3 000 associations, contribue à l'animation et au développement économique, culturel et social du monde rural grâce essentiellement au service à la personne. Certaines de ces associations sont très affaiblies sur le plan financier. Pouvez-vous me garantir que celles qui connaissent des difficultés de trésorerie bénéficieront bien, à la fin de l'année 2004, d'une subvention exceptionnelle ?

M. Nicolas Forissier, secrétaire d'Etat. Oui !

M. Michel Doublet. De plus, le nouveau conventionnement préparé par vos services pour 2005 permettra-t-il d'assurer la pérennité des actions engagées ? Je vous remercie de bien vouloir me répondre sur ces deux points.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Michel Doublet. Avant de conclure, permettez-moi d'aborder brièvement quelques sujets qui ont trait plus spécifiquement à mon département, qui est également le vôtre, monsieur le ministre, et qui concernent le dossier de la viticulture et celui de l'eau.

S'agissant de la viticulture, je ne peux que m'insurger contre la campagne de diabolisation du vin suscitée par l'assouplissement législatif qui a été adopté dans le cadre du projet de loi relatif au développement des territoires ruraux. Il faut tout de même savoir raison garder !

M. Jean Bizet. Très juste !

M. Michel Doublet. Plus précisément, j'aimerais aborder la question des plantations illicites - 100 000 hectares - qui ont été réalisées par les Italiens, les Espagnols et les Grecs. Bien sûr, je me réjouis de la mobilisation de la France face à la position initiale de la Commission, qui voulait régler ce problème isolément. La question sera tranchée dans le cadre indispensable de la réforme de l'OCM vitivinicole.

Pourriez-vous, monsieur le ministre, m'indiquer le contenu des nouvelles propositions de la Commission européenne sur ce sujet ?

Dernier point concernant la viticulture, le problème du respect des QNV, les quantités normalement vinifiables. Les vins issus de cépages à double fin, c'est-à-dire de cépages classés à la fois comme variété à raisin de cuve et comme variété destinée à l'élaboration d'eaux-de-vie à appellation d'origine contrôlée, font l'objet d'une réglementation particulière. Or certains producteurs de cognac ne la respectent pas toujours, ce qui crée des tensions et fragilise la filière. Il faut donc que, face au non-respect des QNV, votre administration fasse preuve de la plus grande fermeté et applique systématiquement des sanctions, et ce dès la campagne en cours.

M. Dominique Bussereau, ministre. Tout à fait d'accord !

M. Michel Doublet. Enfin, j'aimerais soulever un problème qui me tient particulièrement à coeur et qui concerne le dossier de l'eau.

Aujourd'hui, le FNDAE, le fonds national pour le développement des adductions d'eau, n'existe plus, la redevance ayant été remplacée par une surtaxe nationale destinée à alimenter le budget de l'Etat. Or ce fonds a permis d'équiper, pendant plus de trente ans, les communes rurales en réseau de distribution d'eau potable grâce à une solidarité financière avec les communes urbaines.

Afin de respecter l'esprit des lois de décentralisation et le grand principe de solidarité entre le monde rural et le monde urbain, je propose que le produit de cette surtaxe recouvrée auprès de tous les abonnés soit reversé aux départements, et non aux agences de l'eau. Les départements assureraient ainsi l'affectation des fonds aux travaux neufs engagés par les communes rurales pour renforcer, développer et mettre aux normes les réseaux d'eau potable et d'assainissement

Tels sont les quelques éléments que je souhaitais soumettre à votre réflexion et qui me conduisent à soutenir la politique agricole menée par le Gouvernement et, par conséquent, à voter en faveur des crédits que vous nous présentez.

En conclusion, monsieur le ministre, permettez-moi de vous souhaiter, à titre personnel, plein succès au ministère de l'agriculture, mais je ne suis pas très inquiet, car je connais votre énergie et votre compétence. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'Union centriste.)

M. le président. La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d'Etat, chers amis, le temps nous est compté dans ce débat. Je veux néanmoins saluer avec plaisir votre arrivée rue de Varenne, monsieur le ministre, constater le départ d'Hervé Gaymard et souligner la grande énergie qu'il a déployée dans ce poste où, chacun le sait, il n'y a pas de tâche facile.

J'exprimerai mon point de vue sur le budget du ministère de l'agriculture et je formulerai quelques considérations.

Ce budget est en baisse de 1,8 % dans un ensemble de budgets civils qui augmente pourtant de 1,8 %. Il est globalement reconduit grâce au report de 90 millions d'euros de 2004 pour financer les bâtiments d'élevage et le PMPOA.

Bien sûr, ce budget n'est qu'une petite partie - moins de 20 % - des concours publics dont bénéficie l'agriculture, mais il représente moins de 1,7 % des dépenses du budget de l'Etat.

Permettez-moi une considération sur les aides communautaires à l'agriculture française. Je ne dispose que des chiffres de 2003, mais on y voit déjà se dessiner une orientation. Les crédits du second pilier, c'est-à-dire tout ce qui n'est pas aides directes aux agriculteurs et régulation des marchés, représentent presque 10 % du premier pilier. Cette orientation, que nous avions souhaitée, va s'amplifier en 2004 et encore plus en 2005. Sont ainsi cofinancées, notamment, les aides à l'installation, les modernisations, les ICHN, les CAD et la forêt.

Ce budget pour 2005 affirme quatre priorités auxquelles je souscris : assurance récolte, fonds unique de bâtiments d'élevage, politique phytosanitaire, renforcement de l'enseignement supérieur et de la recherche. Mais elles ne font pas à elles seules une politique agricole.

Ces priorités sont financées soit mécaniquement par des économies, soit par redéploiement. On devine, dans la structure de ce budget, les contraintes. Finalement, au-delà de ces augmentations et diminutions, ce budget manque de marges de manoeuvre et l'on n'y découvre pas les moyens que l'on souhaiterait pour conduire une politique agricole dynamique, pourtant nécessaire, afin de s'adapter au nouveau contexte issu de la réforme de la politique agricole commune du 26 juin 2004.

II aurait été pour le moins utile de redéployer les économies constatées sur certaines lignes - bonification, PMTVA - pour amplifier les actions indispensables.

C'est pour le budget 2006 que vous aurez des problèmes, monsieur le ministre. Le budget 2005 est une sorte d'impasse, qui apparaîtra réellement lorsque vous serez obligé d'assurer le financement des autorisations de programme annoncées. Je pense au plan « bâtiments d'élevage », par exemple, où l'on est passé de 68 millions à 133 millions d'euros en autorisations de programme, alors que les crédits de paiement pour 2005 n'atteignent que 14,6 millions d'euros.

M. Marcel Deneux. Ce projet de loi de finances ne comporte aucune disposition nouvelle significative sur la fiscalité agricole. On n'y trouve pas non plus d'orientation marquant la volonté de prendre en compte l'émergence d'un nouvel environnement, tant sur le plan des marchés que sur celui de l'adaptation des pratiques agricoles, avec une mise en place de la conditionnalité annoncée dès 2005.

A ce sujet, je regrette que l'on ne profite pas de l'annonce dans ce projet de budget de la baisse de 10 % des crédits relatifs aux CAD, et parallèlement de la reconduction - sans plus - des mesures agri-environnementales pour proposer de nouveaux engagements à des agriculteurs qui voudraient contractualiser, ou pour permettre à ceux qui ont déjà signé des contrats de renouveler leur engagement, notamment sur les surfaces en herbe.

Cela me paraîtrait une voie intelligente pour garantir à la fois le respect des règles liées à la conditionnalité qui s'annonce et la prise en compte affirmée de l'environnement.

Voilà, monsieur le ministre, les quelques remarques générales que je souhaitais formuler.

J'évoquerai maintenant trois points particuliers.

Pour une grande partie de la production agricole française, un niveau correct de revenu passe par l'existence d'industries agricoles et alimentaires fortes. Nous avons entendu, au cours de l'été dernier, des affirmations très intéressantes à ce sujet, notamment sur les perspectives d'évolution. Or ce budget confirme le désengagement de I'Etat en ce qui concerne l'agro-alimentaire et la promotion. Il y a quelque part une incohérence, que l'action de Nicolas Forissier, dont je salue la volonté et le dynamisme, ne suffira peut-être pas à effacer.

M. Dominique Bussereau, ministre, et M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Mais si ! (Sourires.)

M. Marcel Deneux. La politique de la France quant aux farines animales doit être profondément reconsidérée dans les plus brefs délais, ainsi que tout ce qui touche à notre politique de l'équarrissage, afin que l'« exception française » en la matière ne contribue plus à la ruine de la rentabilité de certaines filières de production animale.

De multiples réflexions sont en cours. De nombreux groupes se sont réunis, à différents niveaux. Le moment de l'action est arrivé, monsieur le ministre : les éleveurs attendent votre décision.

Ma troisième et dernière remarque portera sur les biocarburants. Je vous en parle,...

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. En expert !

M. Marcel Deneux. ... car il semble que votre ministère soit en première ligne.

En vérité, les biocarburants constituent non une filière agricole, mais plutôt une filière énergétique et environnementale. C'est, appliquée à la France, une déclinaison du protocole de Kyoto.

Vous avez pris connaissance de ce dossier dans le cadre de fonctions antérieures encore récentes, et je vous en sais gré.

Au-delà des modalités pratiques qu'il faudra mettre en place quand la loi de finances dont nous discutons sera votée, modalités auxquelles il sera nécessaire que les pouvoirs publics accordent encore une attention toute particulière, les opérateurs publics et privés devront tous être convaincus de l'importance du développement de cette filière industrielle.

Il leur faudra comprendre que ce développement s'inscrit dans un contexte de concurrence, à un niveau européen, mais surtout international, que cette filière doit encore gagner en productivité et qu'il ne faut pas relâcher l'effort sur les travaux de recherche.

Enfin, il faut dire clairement que l'objectif premier de cette politique n'est pas d'en faire un outil privilégié de l'aménagement du territoire.

J'aurais aimé vous donner mon avis sur bien des sujets encore, mais le temps me manque et je me contenterai de dire quelques mots sur un dernier point.

Un projet de loi dite « de modernisation agricole » est en préparation pour 2005. Des groupes de travail sont déjà en place. Dans cette période d'incertitude, les agriculteurs ont besoin d'espérance. Le terme de « modernisation », dans ce titre déjà consacré par l'usage, n'est pas approprié. L'agriculture française est moderne : ce n'est donc pas d'une modernisation qu'elle a besoin. Ce terme nous donne une impression d'archaïsme qui ne rend pas compte de la réalité.

Il y a une symbolique des mots, monsieur le ministre : vous arrivez dans ce ministère, faites entendre votre message. Je vous suggère un terme différent : « adaptation ». Mais la langue française est riche, et je vous fais confiance pour trouver le mot juste ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'Union centriste et de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, le président de la commission des finances ayant souhaité que celle-ci se réunisse, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures quarante-cinq, est reprise à quinze heures cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

Agriculture, alimentation, pêche et affaires rurales (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2005
Discussion générale