compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures quarante-cinq.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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Dossier législatif : projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale
Motion d'ordre

Lois de financement de la sécurité sociale

Discussion d'un projet de loi organique

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. (Nos 208, 252, 256.)

Motion d'ordre

Discussion générale
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Discussion générale (début)

M. le président. Mes chers collègues, avant de donner la parole à M. le secrétaire d'Etat, je voudrais soumettre au Sénat une motion concernant les modalités de discussion de l'article 1er du projet de loi, relatif au contenu des lois de financement de la sécurité sociale, qui fait l'objet de cinquante amendements.

L'amendement de suppression n° 44, déposé par le groupe communiste républicain et citoyen, a pour effet mécanique de mettre en discussion commune l'ensemble des cinquante amendements portant sur cet article.

Afin de clarifier notre débat, je vous propose, avec l'accord de M. le président de la commission des affaires sociales, d'examiner séparément l'amendement de suppression n° 44, puis, le cas échéant, de discuter les autres amendements déposés sur cet article.

La discussion de l'article 1er y gagnera ainsi en lisibilité.

Pour les mêmes raisons, je vous propose de retenir le même procédé pour l'article 2 et le II de l'article 2, sur lequel les amendements de suppression nos 58 et 104 rectifié du groupe communiste républicain et citoyen mettent en discussion commune plus de vingt amendements.

Il n'y a pas d'opposition ? ...

Il en est ainsi décidé.

Discussion générale 

Motion d'ordre
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Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat à l'assurance maladie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, tout d'abord, d'excuser l'absence de M. Philippe Douste-Blazy, ministre des solidarités, de la santé et de la famille, retenu en Conseil des ministres.

Je suis très heureux de présenter ce matin une nouvelle réforme majeure concernant la sécurité sociale, la troisième du gouvernement de M. Jean-Pierre Raffarin, après celle des retraites intervenue en 2003 et celle de l'assurance maladie votée en 2004.

Ainsi, 2005 sera l'année qui verra adopter une nouvelle loi organique porteuse d'une nouvelle génération de lois de financement de la sécurité sociale et 2006 celle de sa première application.

Ces trois lois constituent un ensemble cohérent et complémentaire de réformes. Les lois relatives à la retraite et à l'assurance maladie ont modifié profondément les règles de fond et, pour l'assurance maladie, les règles de gouvernance qui touchent les deux branches majeures de la sécurité sociale.

Le projet de loi organique qui vous est soumis aujourd'hui s'attache à réformer et à renforcer sensiblement le pilotage de l'ensemble d'une politique publique essentielle, celle qui est menée en matière de sécurité sociale.

Ce projet de loi a été longuement mûri. Il est le fruit d'une réflexion conduite sur la base d'une analyse de près d'une décennie d'application de la loi organique voulue par M. Alain Juppé, alors Premier ministre, et qui date du 22 juillet 1996.

Je saluerai ici, à ce titre, l'apport des propositions de loi de votre ancien collègue M. Charles Descours et de celle d'un ancien député M. Jean-Pierre Delalande. Ils ont tous deux souligné, dès 2001, les apports et les faiblesses des lois de financement actuelles, ainsi que l'opportunité et les moyens de les améliorer. Je saluerai également la contribution beaucoup plus récente du député Yves Bur.

Je soulignerai aussi l'importance de l'apport des réflexions et critiques constructives émises par les praticiens de ces lois, qui sont chaque année les rapporteurs désignés par les commissions compétentes des deux assemblées.

Je mentionnerai évidemment le rôle joué au Sénat par le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. La réforme que je vous présente aujourd'hui est une réforme très importante en ce qu'elle exprime le souci profond de mieux fonder le débat démocratique et politique sur cette institution essentielle de notre société. Je veux parler de la sécurité sociale, institution dont nous célébrerons au mois d'octobre prochain le soixantième anniversaire.

Rappelons, d'abord, l'apport considérable de la réforme constitutionnelle de 1996, qui a introduit dans notre droit les lois de financement de la sécurité sociale.

Avant cette date, le rôle du Parlement était limité et fragmentaire. Les assemblées n'avaient pas le moyen de piloter ni même de connaître véritablement l'ensemble de la politique de sécurité sociale.

Depuis neuf ans, quelle que soit la majorité au pouvoir, le Parlement est appelé, tous les ans à l'automne, à jouer un rôle central en fixant le cadre de cette politique.

Cette discussion, mesdames, messieurs les sénateurs, vous permet de voter sur les priorités d'une politique dotée de plus de 350 milliards d'euros par an et qui met donc en jeu des masses financières bien supérieures au budget de l'Etat.

Elle le fait, en dépit des craintes d'étatisation émises en 1996, sans que la démocratie sociale ait été remise en cause de quelque façon que ce soit.

L'association des partenaires sociaux à la gestion de la sécurité sociale est une réalité bien vivante qui s'exprime de plusieurs manières.

Elle s'exprime notamment par la négociation de conventions pluriannuelles d'objectifs et de gestion, dont le contenu et la solidité des engagements réciproques ont crû avec les années.

La réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale se situe également dans le contexte de l'intervention en 2001 d'une nouvelle loi organique relative aux lois de finances.

Le présent projet de loi a été conçu en s'inspirant autant que possible des nouveautés introduites par cette réforme.

Cependant, ce rapprochement a des limites. Les lois de financement de la sécurité sociale ne constituent pas, en effet, des lois budgétaires. L'essentiel des dépenses de la sécurité sociale, celles des prestations, ne sont pas et ne sauraient, par nature, être considérées comme des dépenses susceptibles d'être encadrées dans des crédits limitatifs. Nous parlons toujours d'objectifs ; nous ne parlons pas d'enveloppe limitative.

Le rapprochement avec les nouvelles lois de finances est donc à rechercher ailleurs.

Il consiste essentiellement en l'introduction d'une démarche adaptée d'« objectifs-résultats » propre à permettre de rendre compte de l'efficacité de la politique publique menée en matière de sécurité sociale et surtout à l'évaluer dans sa diversité. J'y reviendrai tout à l'heure.

Neuf exercices ont permis de mettre en lumière les apports majeurs de la création des lois de financement en 1996.

Au premier rang de ces apports figure donc l'attribution de nouveaux pouvoirs au Parlement, sans remise en cause, pour autant, du rôle des partenaires sociaux.

Symétriquement, pour le Gouvernement, la loi de financement est devenue l'instrument essentiel de sa politique en matière de sécurité sociale.

Néanmoins, malgré ses réussites, force est de reconnaître que le dispositif actuel rencontre des limites, mises en lumière aussi bien par le débat parlementaire que par la jurisprudence du Conseil constitutionnel.

Ces limites affaiblissent la portée du vote du Parlement en rendant le texte insuffisamment lisible, voire incomplet.

Les lois de financement sont peu lisibles, tout d'abord, en raison des modalités actuelles de présentation.

Aujourd'hui, le Parlement vote, d'un côté, les recettes par catégorie et, de l'autre, les objectifs de dépenses par branche, sans rapprochement possible entre les deux et donc sans que vous puissiez vous prononcer sur des soldes.

Elles sont peu lisibles, ensuite, en raison de l'enfermement du Parlement dans un cadre annuel trop contraignant.

Or la nature spécifique des recettes et des dépenses de sécurité sociale, fortement liées à la conjoncture, milite fortement pour une double évolution : d'une part, pour une appréciation de l'équilibre sur l'ensemble du cycle économique, et donc de manière pluriannuelle ; d'autre part, pour l'adoption de mesures de recettes et de dépenses que les experts appellent à effet différé, c'est-à-dire qui ne s'appliquent pas nécessairement dès l'exercice directement concerné par la loi.

Les lois de financement actuelles sont peu lisibles, enfin, en raison du vote global de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, peu significatif dans la mesure où cet ensemble recouvre plusieurs sous-catégories - soins de ville, hôpital, secteur médico-social - dont les dynamiques et les facteurs d'évolution sont très différents.

La loi de financement est aujourd'hui également incomplète, notamment parce que certains sujets, pourtant étroitement liés à l'équilibre financier de la sécurité sociale, sont partiellement, voire totalement, exclus de son champ actuel.

Je pense, en particulier, aux dispositions relatives aux différents fonds concourant au financement des régimes obligatoires ou gérant une partie des dépenses de sécurité sociale. Je pense encore aux dispositions relatives à l'amortissement de la dette ou à la mise en réserve de recettes au profit des régimes.

C'est à toutes ces limites qu'entend répondre le projet de loi organique que je vous présente aujourd'hui, mesdames, messieurs les sénateurs.

Ce texte a pour ambition de donner plus de portée, de crédibilité et de sens aux lois de financement de la sécurité sociale.

Il vise, tout d'abord, à leur donner plus de portée.

En premier lieu, il permettra un vrai débat sur l'équilibre de chacune des branches de la sécurité sociale : maladie, vieillesse, retraite, famille.

Le vote des recettes par branche, et non plus par catégorie, permettra au Parlement de se prononcer sur le solde des régimes obligatoires de base.

Cela sera possible au travers du vote de tableaux d'équilibre par branche de l'ensemble des régimes obligatoires et, de manière spécifique, dans un tableau d'équilibre par branche du régime général.

En second lieu, il atteindra l'objectif visé en instituant un vote du Parlement sur les différentes composantes de l'ONDAM.

Ainsi, grâce à cette loi organique, vous aurez la possibilité, mesdames, messieurs les sénateurs, d'avoir un débat beaucoup plus clair et beaucoup plus au fond. Cela nous permettra de savoir, précisément, quels sont les moyens affectés à la médecine de ville, à l'hôpital ou au secteur médico-social.

S'agissant de la détermination de l'ONDAM, je voudrais souligner très clairement qu'elle sera faite, conformément aux orientations dégagées par la réforme de l'assurance maladie de l'été dernier, à partir d'une analyse des besoins de santé et en tenant compte des propositions des trois principales caisses nationales d'assurance maladie dont l'article 39 de la loi du 13 août 2004 a introduit le principe.

Les lois de financement ne sont pas et ne seront pas des lois strictement financières. C'est bel est bien toujours la maîtrise médicalisée qui guide notre action et notre réflexion.

M. Michel Mercier. Très bien !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. La portée des lois de financement est également élargie : le périmètre de ces lois intégrera les fonds qui participent au financement de la sécurité sociale.

C'est, par exemple, le cas du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.

Là encore, je sais que ces mesures vont dans le sens d'une plus grande transparence, que vous réclamiez à juste titre depuis bien longtemps.

Le projet de loi organique vise, ensuite, à donner plus de crédibilité aux lois de financement de la sécurité sociale en présentant au Parlement un cadrage pluriannuel des prévisions financières.

Chaque loi de financement fixera les perspectives de recettes et de dépenses de la sécurité sociale pour les quatre années à venir, permettant ainsi de renforcer le pilotage financier de la sécurité sociale et de répondre à une attente forte de l'ensemble des acteurs de la sécurité sociale.

Cette pluriannualité était déjà présente dans la loi réformant l'assurance maladie et le Conseil constitutionnel nous y avait encouragés dans sa décision d'août 2004. Elle correspond en effet à la logique de « maîtrise médicalisée » des dépenses commencée avec la réforme de l'assurance maladie.

La sincérité des lois de financement sera aussi confortée par l'introduction d'un dispositif de certification des comptes du régime général par la Cour des comptes, qui se prononcera également sur la cohérence des tableaux d'équilibre des régimes du dernier exercice clos.

Le projet de loi organique a également pour ambition de donner plus de sens aux lois de financement en introduisant une démarche « objectifs-résultats », dont j'ai déjà évoqué les motivations.

Une annexe de la loi présentera ainsi les « programmes de qualité et d'efficience » de la politique de sécurité sociale dans chacune de ses branches pour les exercices à venir.

Ces programmes s'appuieront sur un diagnostic de situation, par exemple l'état de santé de la population pour la branche maladie ou le niveau de vie des retraités pour la branche vieillesse. A partir de cet état des lieux, ces programmes assigneront des objectifs d'efficience aux branches qui seront évalués au moyen d'indicateurs chiffrés.

A titre d'exemple, je citerai l'évolution des capacités d'accueil des jeunes enfants dans le cadre de la politique familiale ou, pour la branche maladie, le nombre de médecins engagés dans une procédure d'évaluation de la qualité de leur pratique. Ces programmes permettront aussi d'identifier les moyens mis en oeuvre pour atteindre ces objectifs et, surtout, de bien vérifier que les résultats sont réellement obtenus.

La sécurité sociale s'est déjà engagée dans cette voie depuis 1996 à travers des conventions d'objectifs et de gestion liant l'Etat et les caisses nationales de sécurité sociale. Les programmes par branche qui accompagneront la loi de financement renforceront cette démarche, sans remettre en cause la démarche partenariale entre l'Etat et les caisses.

Ainsi, mesdames, messieurs les sénateurs, la réforme de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale nous permettra de répondre clairement à trois questions que se posent nos concitoyens en matière de sécurité sociale : A quoi servent les 350 milliards d'euros consacrés à la sécurité sociale ? Quels sont les objectifs que nous fixons aux politiques de sécurité sociale ? Les résultats obtenus sont-ils à la hauteur des objectifs fixés ?

Cette loi organique représente une évolution en profondeur des lois de financement de la sécurité sociale. Elle n'impose pas une révolution de leur contenu. Elle en préserve les spécificités et nous permettra de répondre avec clarté et transparence aux questions de nos concitoyens.

Vous savez que le Gouvernement avait à coeur de présenter ce texte en premier devant la Haute Assemblée. Nous l'avions annoncé cet été. Nous sommes fidèles à l'engagement qui a été pris. Je sais pouvoir compter sur la volonté du Sénat et du Parlement dans son ensemble de faire aboutir cette réforme majeure. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, vous me permettrez de faire deux remarques préliminaires.

En premier lieu, je me félicite que le Gouvernement ait respecté ses engagements à l'égard du Sénat. Le Premier ministre, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'assurance maladie, avait confirmé l'annonce solennelle faite par Xavier Bertrand que l'examen en première lecture du présent projet de loi organique aurait d'abord lieu à la Haute Assemblée.

Nous ne pouvons que nous en féliciter et nous en réjouir. Je souhaite vivement que nous puissions tirer bénéfice de cette priorité donnée au Sénat, au profit de la loi organique, au profit de la loi de financement et au profit de la sécurité sociale et que nos propositions aient l'oreille attentive du Gouvernement.

En second lieu, j'observe que, parfois, certains de nos collègues sont tentés de personnaliser l'intervention du rapporteur et de considérer que ses propos sont tenus en son nom personnel. J'interviens bien ici au nom de la commission des affaires sociales. Le rapport que je présente est celui qui a été approuvé par ladite commission.

M. Guy Fischer. Par sa majorité !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Par sa majorité, certes, mais l'opposition en a pris acte ! Elle ne s'est pas opposée de manière formelle à ce rapport.

Je tenais à faire cette remarque préliminaire pour lever d'éventuelles ambiguïtés ou quiproquos et pour couper court à d'éventuels procès d'intention.

M. Paul Blanc. Voilà !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Dès l'origine, le rôle du Parlement a consisté à autoriser le prélèvement de l'impôt et à examiner le contenu de la dépense publique, mission fondamentale consacrée par l'article xiv de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, en vertu duquel « tous les citoyens ont le droit de constater, par eux-mêmes ou par leurs représentants, la nécessité de la contribution publique. »

Or, face à la place croissante accordée au fil du temps à la protection sociale, le contrôle exercé par le Parlement sur des masses financières désormais considérables s'est révélé minimal, insuffisant et donc imparfait.

Cette constatation a conduit le Parlement à se doter d'un nouvel instrument, à savoir les lois de financement de la sécurité sociale, lors de la révision constitutionnelle du 22 février 1996. Ainsi, l'ordonnance organique du 22 juillet 1996, que nous révisons aujourd'hui, en a élaboré les modalités de mise en oeuvre.

Acquis essentiel, la loi de financement l'est d'abord parce qu'elle organise la légitime intervention du Parlement : elle subordonne à son autorisation l'utilisation de masses financières d'un volume supérieur à celui du budget de l'Etat et permet, de ce fait, la tenue d'un débat annuel sur la nécessité du meilleur usage possible des fonds publics.

Convenons qu'elle n'alimente plus les craintes d'une étatisation de la sécurité sociale, formulées à son encontre lors de son institution.

M. Guy Fischer. C'est vous qui le dites !

M. Michel Mercier. Il faut savoir ce qu'on veut, monsieur Fischer !

M. Alain Vasselle, rapporteur. En fait, monsieur Fischer, le rôle des partenaires sociaux a été renforcé par le nouveau pilotage de la protection sociale instauré en 1996.

M. François Autain. Comment peut-on dire de pareilles choses ? Vous n'êtes pas crédible !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le Parlement se prononce sur les grandes enveloppes, mais la « démocratie sociale » est, pour sa part, confortée par l'introduction des conventions d'objectifs et de gestion, les COG, qui ont consacré le passage d'une gestion sous tutelle à une gestion partenariale sur laquelle tout le monde s'accorde désormais.

Mais ce bilan élogieux du principe des lois de financement et de l'usage que nous avons fait de cet outil n'enlève rien au constat selon lequel leur cadre doit être réformé. C'est ce à quoi nous nous employons aujourd'hui.

Le projet de loi qui nous est soumis par le Gouvernement ouvre quelques grandes perspectives. C'est bien évidemment une satisfaction pour la commission des affaires sociales que d'y retrouver l'essentiel des demandes qu'elle a formulées depuis 1999. M. le secrétaire d'Etat a eu l'amabilité de faire référence à la proposition de loi déposée par mon prédécesseur, Charles Descours.

Les avancées proposées par la réforme du cadre organique des lois de financement tiennent, d'abord, à l'universalité du champ dévolu à ces lois et, par conséquent, au vote d'un solde par branche de la sécurité sociale, qu'elle permet désormais.

Pour bien percevoir la portée de cette mesure, il faut opérer un retour vers 1996 et rappeler à quel compromis technique avait abouti l'institution de la loi de financement. Le législateur constituant avait alors in extremis prévu le principe du vote des recettes de la sécurité sociale en lois de financement, pour ne pas construire un instrument borgne. Mais l'état de la comptabilité des régimes, d'une part, et l'innovation majeure que constituait la loi de financement dans la gestion de sécurité sociale, d'autre part, ne nous permettaient pas d'être trop exigeants. Nous avons donc, pendant neuf exercices, et, admettons-le, avec un peu de confusion, examiné les dépenses des branches, les recettes de la sécurité sociale dans leur ensemble et les comptes du régime général dans leurs particularités.

Le présent projet de loi gomme en totalité ces péchés originels : la suppression de la limitation du champ de la loi de financement aux seuls régimes comprenant les vingt mille titulaires de droits propres, le vote des recettes par branche et l'institution de tableaux d'équilibre introduisent pour l'avenir des éléments de rigueur que, à l'usage, nous avons tous appelés de nos voeux.

Le deuxième des axes sur lesquels le Gouvernement propose au Parlement de progresser est celui de la mise en perspective pluriannuelle et qualitative des lois de financement.

La mise en perspective pluriannuelle des lois de financement revêt plusieurs dimensions essentielles. Il s'agit, tout d'abord, de l'examen des exercices passés - année en cours et année précédente -, qui permettra de placer l'examen du budget prévisionnel dans un cadre bien mieux défini.

Il s'agit, ensuite, de mettre en perspective la recherche de l'équilibre de la sécurité sociale en phase avec le cycle économique dans lequel elle évolue. En effet, il n'est pas illogique que certains déficits soient davantage acceptables en période de récession qu'au cours d'une phase économique plus propice aux efforts. Nous connaissons tout cela. En matière de recettes budgétaires, le même constat peut être fait par la commission des finances avec la loi de finances.

Par ailleurs, l'introduction d'une démarche « objectifs-résultats » dans la loi de financement doit un peu, convenons-en, à la loi organique relative aux lois de finances de 2001, la LOLF, qui s'appuie sur ce concept. M. le secrétaire d'Etat a bien voulu le rappeler dans son propos.

J'ai d'abord été moi-même réticent à l'idée d'introduire une démarche de ce type en loi de financement, car je considérais que nous devions viser, pour la réforme de la loi organique, à améliorer le contenu des agrégats que nous examinons.

A la réflexion, l'introduction d'un document informatif, annexé au projet de loi, qui présentera les programmes de qualité et d'efficience de la politique de sécurité sociale pour chacune des branches permettra effectivement de compléter notre information en fournissant un diagnostic de situation. Je pense, par exemple, à une analyse de l'état sanitaire et des besoins de santé publique en matière d'assurance maladie, ainsi qu'à des éléments de réponse à travers les moyens mis en oeuvre pour que ces besoins soient satisfaits. C'est une des raisons qui, mes chers collègues, a motivé votre rapporteur et la commission à prendre en considération quelques amendements présentés ce matin par nos collègues de l'opposition, qu'ils viennent du groupe communiste ou du groupe socialiste.

Ainsi - et pour peu que toute confusion avec les dispositions des conventions d'objectifs et de gestion soit écartée - l'introduction de cette démarche permettra de redonner chair à nos débats sur la sécurité sociale.

J'en viens à présent à formuler quelques considérations sur l'ONDAM, de la maîtrise duquel dépend largement, selon la commission, le succès futur de la réforme que nous examinons.

Au total, les lois de financement de la sécurité sociale ont permis d'assurer sans difficulté le financement de trois des quatre branches de la sécurité sociale : la famille, l'assurance vieillesse et les accidents du travail. Avant 1996, la débâcle des comptes sociaux était générale : les déficits atteignaient 110 milliards de francs en 1993, 50 milliards en 1994, 65 milliards en 1995, toutes branches confondues. Aujourd'hui, l'ensemble des branches, à l'exception de l'assurance maladie, oscillent autour de l'équilibre. Quant à l'avenir, nous aurons sans doute l'occasion d'en reparler. Cela ne signifie pas que nous n'aurons pas à affronter des difficultés structurelles : la réforme des retraites qui est intervenue ne constitue qu'une étape, mais on ne règle pas des difficultés d'ordre structurel d'un trait de plume budgétaire.

En revanche, la logique de l'assurance maladie et les déterminants des dépenses de santé diffèrent profondément des données des autres branches, pour lesquelles les pouvoirs publics, parce qu'ils connaissent peu ou prou les évolutions démographiques, savent évaluer avec une relative précision les charges présentes et futures.

D'une tout autre manière, chacun d'entre nous est, pour sa part, un ordonnateur de la dépense de santé, et s'y ajoutent les milliers de professionnels de santé hospitaliers et libéraux qui prennent en charge notre santé et notre bien-être. L'exercice consistant à établir des prévisions budgétaires en est d'autant plus difficile à conduire. C'est ce qui donne une spécificité à la loi de financement de la sécurité sociale au regard de la loi de finances.

Je rappellerai rapidement, à ce titre, quelques concepts auxquels nous tenons et qui me paraissent susceptibles d'éclairer notre débat.

Le premier de ces concepts porte sur la maîtrise médicalisée : il s'agit, pour l'assurance maladie, de disposer des fonds nécessaires au financement du « juste soin », c'est-à-dire à la prise en charge des conséquences du vieillissement de la population et du coût de l'amélioration des techniques médicales ; ce sont également les dépenses qui garantissent l'accès de tous à une médecine de qualité. C'est en quelque sorte sur cette base que nous avons engagé la réforme de l'assurance maladie.

Nous trouvons d'abord, au rang des détracteurs de ce concept, ceux qui refusent l'idée même de « maîtrise ». Je vous renvoie, mes chers collègues, au rapport d'exécution de l'ONDAM réalisé par l'assurance maladie qui démontre que des progrès dans la gestion et la distribution des prestations, ou la suppression d'actes redondants dégageraient les économies nécessaires au financement pérenne de notre protection sociale. J'espère que nous serons amenés à le constater à la fin de l'exercice 2005.

Nous trouvons également, parmi les détracteurs de la maîtrise médicalisée, ceux qui refusent l'approche médicale comme seul critère d'appréciation des dépenses de santé et qui souhaiteraient, sous une forme ou sous une autre, lui substituer une approche « comptable ».

M. Guy Fischer. C'est ce que vous faites !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, ce n'est pas ce que nous faisons.

M. Guy Fischer. M. Bertrand est le spécialiste en la matière !

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Vous vous trompez !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il faudra que vous apportiez la démonstration de ce que vous affirmez, monsieur Fischer, car, pour l'instant, vous n'avez pas réussi à nous démontrer que c'était le cas !

Or la gestion de la sécurité sociale ne peut être confondue avec le budget d'un ministère, qui comporterait des « services votés » et des « mesures nouvelles » sur lesquels on pourrait imaginer d'imputer un éventuel dérapage. On sait bien comment cela se passe !

Aucune de ces logiques n'est en conformité avec la démarche dans laquelle nous nous inscrivons pour la gestion de la sécurité sociale. Cette démarche récuse, pour sa part, tout à la fois les gaspillages inutiles qui hypothèquent l'avenir de nos acquis sociaux et le contingentement des soins, qui en nie les fondements philosophiques les plus essentiels.

Que prévoit le texte pour l'ONDAM ?

Il n'y est pas proposé d'outils de régulation, de « stabilisateurs automatiques ». Nous ne sommes pas invités par le Gouvernement - et c'est heureux - à refaire aujourd'hui l'examen de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Nous avions alors débattu et tranché cette question : la régulation de l'assurance maladie reste partenariale entre les caisses, d'une part, et les professionnels de santé, d'autre part, et elle sera mise en oeuvre par voie conventionnelle.

Par le texte que nous examinons aujourd'hui, le Gouvernement exauce le souhait du Parlement d'y voir clair dans l'ONDAM. Pour mémoire, je rappellerai que nous votons pour l'instant un objectif global de près de 120 milliards d'euros sur les 350 milliards d'euros que représente le budget de la sécurité sociale et dont a parlé Xavier Bertrand. Nous ne savons guère, malgré nos efforts, à quoi ces 120 milliards d'euros sont consacrés, hormis le fait qu'ils sont dépensés au bénéfice de la santé de nos concitoyens.

Par ce projet de loi, le Gouvernement place donc le Parlement devant ses responsabilités, puisqu'il soumettra à son vote, une fois la loi organique adoptée, le détail des enveloppes de l'ONDAM et qu'il accepte, dans le respect de l'article 40 de la Constitution, que les élus de la nation arbitrent entre les différents postes, puisque nous voterons des sous-objectifs.

Au-delà de cet exercice politique majeur - privilégier, par exemple, l'hôpital plutôt que la médecine de ville, ou l'inverse - nous serons invités à effectuer un travail minutieux d'examen budgétaire ; notre commission des finances parlerait sans doute d'« un travail de nomenclature ».

Cet exercice n'est pas ingrat, bien au contraire. Nous pourrons ainsi observer, à l'intérieur de l'ONDAM, l'évolution des différents postes, réclamer, en cours d'année, des explications pour les décalages éventuels que nous constaterions et, enfin, formuler des diagnostics visant à opérer une distinction entre l'insuffisance structurelle des besoins d'un secteur et les dérapages sans justification médicale d'un autre. C'est là, mes chers collègues, une petite révolution au regard de ce que nous avons connu jusqu'à aujourd'hui.

La seconde question nécessairement posée à l'occasion de l'examen du présent projet de loi est celle du rebasage de l'ONDAM. C'est une question qui est régulièrement posée par les membres du Sénat, ainsi que par les journalistes qui les interrogent sur ce point.

Je me demande s'il ne serait pas plus pertinent, ou moins péjoratif, d'aborder cette question sous la terminologie de la « rectification ». Je ne crois pas, pour ma part, que le Parlement puisse souhaiter tout à la fois plus de clarté et de rigueur dans le contrôle de l'exécution, aller jusqu'à réclamer l'examen de lois de financement rectificatives et récuser le principe de la rectification de l'objectif central que constitue l'ONDAM. La sincérité budgétaire exige de construire un budget nouveau à partir des dépenses réellement exécutées au cours de l'année précédente et non sur un budget prévisionnel qui aurait dérivé.

Le souci de la commission et de son rapporteur est bien de parvenir à une construction partenariale de l'ONDAM. Entendons-nous bien, il ne s'agit pas de nier l'acte politique gouvernemental essentiel que constitue la proposition au Parlement d'un objectif de dépenses de santé pour l'année suivante. Mais il m'apparaît nécessaire - et la commission partage ce point de vue - qu'en amont les partenaires de l'assurance maladie - partenaires sociaux et professionnels de santé - soient invités autour d'une table pour débattre et proposer au Gouvernement le chiffre représentatif d'une évolution raisonnable de ces dépenses. Des amendements ont d'ailleurs été déposés en ce sens et l'un d'entre eux a retenu l'attention de la commission.

Cette démarche des partenaires du monde de la santé, quasi contractuelle en ce qu'elle les engage à faire preuve de sens de la responsabilité, se trouve, selon moi, en germe dans les dispositions de l'article L. 111-11 du code de la sécurité sociale, en vertu desquelles chaque caisse nationale d'assurance maladie transmet tous les ans, au printemps, des propositions relatives à l'évolution de ses charges et de ses produits.

Je souhaite vivement, monsieur le secrétaire d'Etat, que cette procédure constitue un embryon de concertation sur lequel le Gouvernement puisse faire progresser la construction de l'ONDAM. Je me rappelle d'ailleurs qu'en commission vous m'aviez confirmé que telle était la volonté du Gouvernement et que vous prendriez cet avis en compte avant de fixer l'ONDAM. (M. le secrétaire d'Etat acquiesce.)

Seul un objectif doté d'un contenu de santé publique et admis comme tel par l'ensemble des coactionnaires de l'assurance-maladie offrira, à terme, des garanties sérieuses de respect.

J'en viens à présent aux propositions d'amendements de votre commission des affaires sociales.

En accord avec l'intégralité du texte qui lui est proposé, il ne restait à la commission - je l'admets volontiers - qu'à prévoir quelques précisions et ajouts qui lui semblaient absolument nécessaires.

Je vous présenterai ses propositions selon qu'elles touchent à la forme des lois de financement ou qu'elles s'intéressent à son contenu. Je ne retiens cette distinction que pour les besoins de la présentation, étant parfaitement conscient des limites d'une telle opposition dans le cadre d'une loi organique.

Sur la forme, la préoccupation de la commission a été de repenser l'architecture de la loi de financement afin de lui assurer un caractère véritablement opérationnel.

La commission propose donc de lui assigner un rythme ternaire, pour commencer l'examen du projet de loi de financement par un volet rectificatif consacré aux derniers exercices clos et à l'exercice en cours.

Ce débat permettra au Parlement de voter une sorte de loi de règlement et un collectif en préambule au vote du budget de l'année. Il est à cet égard préférable, pour la lisibilité de la loi de financement, que les dispositions des années antérieures ne soient pas mélangées avec les mesures dont l'incidence financière est à venir.

Sur le fond, la commission a oeuvré pour conforter l'autonomie et l'intégrité des lois de financement de la sécurité sociale.

Son souci a été, vous vous en doutez - c'est en effet une préoccupation récurrente - de chercher le meilleur moyen d'assurer le respect de la compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales.

M. Guy Fischer. Parlons-en !

M. Alain Vasselle, rapporteur. L'élévation au niveau organique de ce principe fut - sans doute vous en souvenez-vous mes chers collègues, du moins pour ceux d'entre vous qui ont pris soin de suivre les débats sur le texte relatif à l'assurance maladie - un engagement solennel du Gouvernement lors de la réforme de l'assurance maladie. Il demeurait à s'assurer de la faisabilité de l'opération.

Il nous a semblé que la Constitution, en posant le principe de l'équilibre financier de la sécurité sociale, autorise le législateur organique à améliorer l'effectivité des dispositions de l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale en contraignant, ce faisant, le législateur ordinaire au respect de cette disposition.

La proposition que vous présentera la commission des affaires sociales s'agissant de la compensation a donc bien été rédigée dans le respect de l'esprit du constituant. Elle ne fait d'ailleurs que reprendre l'engagement qui a été pris par le Gouvernement, en présence du Premier ministre, lors de la lecture définitive du texte concernant cette compensation.

La commission a pensé qu'il était légitime d'affirmer, dans la loi organique relative aux lois de finances, l'impossibilité de débudgétiser le financement de la compensation, et le Gouvernement ne s'est pas privé de présenter une disposition en ce sens. Si nous votons une débudgétisation de la compensation, nous ne pourrons plus jamais donner naissance à de nouveaux FOREC. Nous avons, en effet, fait disparaître le FOREC, le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, notamment avec cet objectif. D'ailleurs, revenir à des dispositions antérieures ne serait pas cohérent et risquerait de mettre en cause la crédibilité du Parlement.

Dans le même temps, l'Etat devra inscrire à son budget la totalité des sommes donnant lieu à une compensation au bénéfice des organismes de sécurité sociale.

Enfin, un autre axe de réflexion de la commission a porté sur les moyens d'assurer la cohérence de la loi de financement et de l'ordonnancement juridique existant, qu'il s'agisse de la loi de finances ou des lois ordinaires. Mais nous y reviendrons lors de l'examen des articles.

Tel est, mes chers collègues, l'essentiel des dispositions que je souhaitais vous présenter au nom de la commission des affaires sociales. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, en 1996, l'intégration dans la Constitution de la notion de loi de financement de la sécurité sociale et la définition d'un cadre organique relatif à ces lois de financement ont constitué une étape majeure s'agissant de l'appréhension par le Parlement des enjeux financiers de la sécurité sociale.

Ces enjeux, comme l'a déjà rappelé M. le rapporteur, dépassent ceux du budget de l'Etat puisqu'ils représentent, en dépenses, près de 350 milliards d'euros en 2005 contre quelque 300 milliards d'euros pour les dépenses de l'Etat.

Si la réforme de 1996 a eu le mérite de placer le pilotage financier de la sécurité sociale au coeur du débat parlementaire et de permettre une rationalisation de la prise de décision politique dans le domaine sanitaire et social, force est de constater que le cadre organique défini il y a neuf ans a atteint ses limites.

Celles-ci sont à la fois de forme et de fond, ce sont des limites de procédure et de contenu.

Sur la forme, trois observations peuvent être formulées.

Tout d'abord, les débats parlementaires relatifs au projet de loi de financement de la sécurité sociale restent encore trop convenus s'agissant des orientations de politique sanitaire et sociale ; ces débats apparaissent soit trop pointus soit trop généraux.

Par ailleurs, les annexes jointes au projet de loi de financement destinées à améliorer l'information du Parlement sont trop nombreuses et souvent peu pertinentes.

Enfin, l'articulation formelle entre la loi de financement de la sécurité sociale et la loi de finances reste problématique.

Au total, les lois de financement de la sécurité sociale manquent aujourd'hui de lisibilité.

Sur le fond, la limite principale des lois de financement de la sécurité sociale réside dans l'absence de contrainte juridique forte s'agissant du respect des objectifs de dépenses fixés chaque année par le Parlement, notamment de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM. En effet, sauf en 1997, première année d'application du cadre organique défini en 1996, 1'ONDAM n'a jamais été respecté.

Mais il y a pire encore : chaque année, la technique dite du « rebasage » fausse l'appréciation du Parlement s'agissant de l'évolution des dépenses d'assurance maladie d'une année sur l'autre.

Toutefois, depuis la loi de financement pour 2002, il faut noter la volonté d'améliorer la sincérité des lois de financement en y intégrant des dispositions rectifiant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses de l'année précédente.

Toujours est-il que les mécanismes de pilotage financier de la sécurité sociale n'ont jamais réellement fonctionné, d'où l'affaiblissement, au fil des ans, de la portée du vote du Parlement dans le domaine des finances sociales.

Une autre limite de fond concerne l'étroitesse du champ des lois de financement de la sécurité sociale. Ainsi, certains des fonds concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale ne sont, à l'heure actuelle, pas inclus dans le champ de compétences des lois de financement. Dès lors, aucun débat parlementaire n'est possible s'agissant de leur équilibre financier.

Enfin, il faut noter une limite liée à l'absence de dimension pluriannuelle des lois de financement de la sécurité sociale alors même que, dans le domaine de la sécurité sociale, certaines des mesures mises en oeuvre peuvent affecter l'équilibre financier non seulement pour l'année à venir, mais aussi pour les exercices ultérieurs. Cette limite peut s'assimiler à un manque de transparence sur les enjeux financiers réels des lois de financement de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi organique part du constat que les lois de financement de la sécurité sociale sont un instrument perfectible, ainsi que le rappelait notre ancien collègue Charles Descours dans un rapport d'information publié en 2001 et qui a fait date, comme le rappelait M. le secrétaire d'Etat. Après la naissance, en 1996, des lois de financement, il s'agit d'une deuxième étape destinée à donner plus de poids au vote du Parlement.

Il propose une rénovation du cadre organique relatif aux lois de financement dans le sens, notamment, d'une accentuation du degré de contrainte politique pesant sur l'ensemble des acteurs de la sécurité sociale.

Tout d'abord, le présent projet de loi organique contient des éléments structurels d'amélioration du cadre organique actuel. Ces améliorations concernent à la fois le contenu des lois de financement et les annexes.

On peut, dans un premier temps, se féliciter du rapprochement opéré entre le traitement des recettes et celui des dépenses, qui permettra en particulier au Parlement de se prononcer sur un solde. Cet élément est essentiel, dans la mesure où il nous aidera à disposer enfin d'une vision d'ensemble de la sécurité sociale et à mettre en évidence les équilibres financiers, ce qui n'est pas suffisamment le cas aujourd'hui.

La structuration de la loi de financement de la sécurité sociale en deux parties, sur le modèle des lois de finances, est également un facteur de transparence et de clarté du débat.

Permettez-moi toutefois, monsieur le secrétaire d'Etat, de souligner la nature hybride de la première partie de la loi de financement de la sécurité sociale, telle qu'elle ressort du présent projet de loi organique. Elle contiendra en effet obligatoirement des dispositions rectificatives, en recettes comme en dépenses.

La loi de financement de la sécurité sociale sera ainsi à la fois une loi de financement rectificative pour l'année en cours et une loi de financement pour l'année suivante. Ces dispositions risquent de perpétuer la tendance actuellement observée à ne jamais déposer de loi de financement rectificative.

Compte tenu de la nature particulière des dépenses de sécurité sociale, l'introduction d'une perspective pluriannuelle des lois de financement est également un élément très positif, qui devrait permettre de renforcer la crédibilité des lois de financement de la sécurité sociale.

En effet, le projet de loi de financement de la sécurité sociale de l'année sera désormais accompagné d'un rapport décrivant les prévisions de recettes et les objectifs de dépenses par branche des régimes obligatoires de base et du régime général, ainsi que l'ONDAM pour les quatre années à venir.

La loi de financement de la sécurité sociale pourra également contenir des dispositions affectant l'équilibre financier de la sécurité sociale non seulement pour l'exercice à venir, mais aussi pour les exercices ultérieurs.

En outre, le champ des lois de financement est étendu de manière opportune aux dispositions relatives à l'amortissement de la dette des régimes de sécurité sociale et à celles qui sont relatives à la mise en réserve de recettes à leur profit, ainsi qu'aux dispositions relatives à la gestion des risques par les régimes de sécurité sociale ou à celles qui modifient substantiellement leur gestion interne.

Je m'interroge, en revanche, sur le champ exact des organismes concourant au financement des régimes de sécurité sociale.

L'exposé des motifs du présent projet de loi organique laisse entendre que la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA, serait incluse dans cette catégorie et entrerait partiellement dans le champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Or, selon d'autres analyses, la CNSA ne serait pas incluse dans cette catégorie, mais dans celle des organismes gérant des dépenses relevant de l'ONDAM, à laquelle une annexe fait référence. Dès lors, elle ne relèverait pas du tout du champ des lois de financement de la sécurité sociale.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le cas !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. La commission des finances a longuement débattu du positionnement de la CNSA et estime que le Gouvernement doit absolument clarifier celui-ci. On rappellera que la nature de cette caisse est en effet très ambiguë. Elle est souvent qualifiée, même au plus haut niveau, de « cinquième branche de la protection sociale » (Exclamations sur les travées du groupe CRC) et l'avant-projet annuel de performance relatif à la mission « solidarité et intégration » fait référence à la couverture du « risque dépendance ».

Dans le même temps, la commission des finances a estimé que cette caisse s'apparentait davantage à un organisme versant des dotations aux collectivités territoriales, ce qui plaiderait alors pour que la discussion de l'équilibre financier de cette caisse soit rattachée au débat sur les collectivités territoriales en loi de finances.

M. Guy Fischer. Ah, l'autonomie financière des collectivités !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il est donc nécessaire que le Gouvernement clarifie ses orientations.

Enfin, le présent projet de loi organique confie à la Cour des comptes une mission de certification de la régularité, de la sincérité et de la fidélité des comptes des caisses nationales et des comptes combinés du régime général.

S'agissant des autres régimes, le président de la sixième chambre de la Cour des comptes a indiqué qu'il serait fait appel à des réviseurs extérieurs à l'Etat, mais cette information ne m'a jamais été confirmée par la suite. Je souhaite donc, monsieur le secrétaire d'Etat, que vous nous éclairiez sur ce point.

La Cour des comptes sera également chargée d'émettre un avis sur la cohérence des tableaux d'équilibre par branche de l'ensemble des régimes obligatoires de base, qui seront annexés au projet de loi de financement de la sécurité sociale. Ces dispositions sont de nature à renforcer la transparence et la sincérité des comptes.

A mes yeux, et selon la commission des finances, l'élément central de cette réforme du cadre organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale est de permettre enfin aux lois de financement d'être un véritable outil au service du Parlement. La représentation nationale doit donc se réapproprier le débat public sur le pilotage financier de la sécurité sociale.

A cet effet, le présent projet de loi organique prévoit, d'une part, d'améliorer substantiellement l'information à la disposition du Parlement dans le cadre de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et, d'autre part, de renforcer les pouvoirs de contrôle du Parlement sur l'application des lois de financement de la sécurité sociale, ainsi que sa capacité d'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale.

L'amélioration de l'information dont dispose le Parlement dans le cadre de l'examen des finances sociales est un facteur de transparence, indispensable à l'amélioration du débat parlementaire.

La transparence est tout d'abord accrue par la décomposition de l'ONDAM en sous-objectifs, ce qui permettra, en lien avec les dispositions qui assouplissent les conditions de recevabilité financière des amendements, sur le modèle prévu par la loi organique relative aux lois de finances, un débat approfondi sur la structure même de l'ONDAM.

En outre, l'extension du champ des lois de financement de la sécurité sociale constitue également un progrès notable s'agissant de l'information à disposition de la représentation nationale. Désormais, les parlementaires pourront prendre connaissance des tableaux d'équilibre de l'ensemble des organismes concourant au financement de la sécurité sociale.

Enfin, la révision, par le présent projet de loi organique, de la liste des annexes jointes au projet de loi de financement de la sécurité sociale permettra également d'améliorer l'information transmise au Parlement et de rendre plus efficace le contrôle du Parlement dans le domaine des finances sociales.

Parmi les annexes les plus novatrices, je citerai celle qui présente pour les années à venir les programmes de qualité et d'efficience relatifs aux dépenses et aux recettes de chaque branche de la sécurité sociale. Ces programmes comporteront un diagnostic de situation, des objectifs retracés au moyen d'indicateurs précis dont le choix est justifié, une présentation des moyens mis en oeuvre pour réaliser ces objectifs et l'exposé des résultats atteints.

Cette démarche, directement inspirée de celle de la loi organique relative aux lois de finances, devrait permettre de mesurer, même dans le domaine des finances sociales, l'efficacité de la dépense publique, à laquelle nous sommes particulièrement attachés. Dans le domaine de l'assurance maladie, par exemple, trois types d'indicateurs pourront être définis : accessibilité des soins, qualité des soins et « soutenabilité » du système de soins.

Une autre de ces annexes est relative aux mesures de réduction et d'exonération de cotisations ou de contributions de sécurité sociale, ainsi qu'aux modalités et au montant de la compensation financière à laquelle ces mesures donnent lieu. La création de cette annexe devrait constituer un réel outil de transparence au service du Parlement et améliorer la qualité de l'information de celui-ci sur un sujet aussi central et sensible que la compensation des réductions et exonérations de cotisations sociales par l'Etat en faveur de la sécurité sociale.

Quant à l'opportunité d'inscrire ce principe de compensation dans le droit organique, un possible risque d'inconstitutionnalité doit être soulevé. En effet, donner une valeur supra-législative à ce principe nécessiterait une révision de la Constitution, comme ce fut le cas pour les collectivités territoriales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est déjà dans la Constitution !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. S'agissant du renforcement des pouvoirs de contrôle du Parlement dans le domaine des lois de financement de la sécurité sociale, le présent projet de loi prévoit d'élever au niveau organique le pouvoir de contrôle des commissions de l'Assemblée nationale et du Sénat saisies à titre principal du projet de loi de financement de la sécurité sociale, et de préciser que ces commissions suivent, contrôlent l'exécution de ces lois et effectuent l'évaluation de toute question relative aux finances de la sécurité sociale. A cet effet, elles procèdent à toutes auditions jugées utiles et à toutes investigations sur pièces et sur place.

Bien que fortement inspirées de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances, les dispositions de l'article LO. 111-9, prévues par l'article 5 de ce projet de loi, n'en constituent pas forcément la transposition exacte. Elles ne font notamment pas référence à l'obligation pour les personnes dont l'audition est jugée nécessaire de s'y soumettre et ne prévoient pas que soit confié aux commissions chargées des affaires sociales un « pouvoir de coercition » similaire à celui des commissions chargées des finances.

Je tiens d'ailleurs à souligner que cette nouvelle faculté organique de contrôle confiée aux commissions saisies à titre principal du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne fait bien évidemment pas obstacle à l'exercice par la commission des finances de son pouvoir général de contrôle s'agissant de toute question relative aux finances publiques, en application de l'article 57 de la loi organique relative aux lois de finances et, par conséquent, de toute question relative aux finances sociales.

Je souhaite donc qu'une collaboration fructueuse entre nos deux commissions permette le renforcement de la capacité globale de contrôle du Parlement, en l'occurrence dans le domaine des finances sociales.

M. Paul Blanc. Ah bon ?

M. Jean-Jacques Jégou. En conclusion, je ne peux m'empêcher de me demander si cette nouvelle réforme organique constitue une simple étape intermédiaire vers un rapprochement de plus en plus poussé entre la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale, deux instruments juridiques d'une portée aujourd'hui très différente, ou si la construction même des lois de financement et la nature intrinsèque des dépenses sociales ne condamnent pas ces deux instruments à demeurer sans commune mesure l'un avec l'autre.

Sous réserve de ces remarques et des amendements qu'elle vous propose, la commission des finances a émis un avis favorable sur le présent projet de loi organique. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

Groupe socialiste, 31 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratiqueet social européen, 9 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le débat sur la révision de l'ordonnance du 22 juillet 1996 est une double occasion offerte au Parlement.

Il permet, d'une part, une réflexion large et utile sur la nature et les moyens donnés au législateur pour mieux apprécier le financement de notre système de sécurité sociale.

Il autorise, d'autre part, le Parlement à dresser le bilan de l'action du Gouvernement en matière de politique sociale et de financement des régimes de la sécurité sociale.

Si l'on peut estimer bienvenu un texte qui tend par plusieurs moyens à faciliter la compréhension et l'intervention du Parlement, il nous paraît ressortir de la même logique d'en apprécier l'utilité dans le contexte de la politique de protection sociale qu'il a l'ambition d'améliorer.

La réforme nécessaire que vous nous soumettez rappelle l'insuffisance de votre politique et le sérieux déséquilibre qui frappe aujourd'hui nos régimes sociaux.

Vous m'objecterez qu'il est dans la vocation de la loi organique de résoudre les problèmes financiers, mais sa raison d'être n'est pas d'occulter votre responsabilité politique sur ce sujet.

Cela étant, examinons les choses les unes après les autres.

Que peut-on retenir de positif ?

Vous connaissez l'attachement du groupe socialiste à une approche des comptes sociaux fondée sur la complémentarité du rôle du Parlement et du jeu de la démocratie sociale. Nous considérons, dans cette perspective, que certaines dispositions du texte qui nous est présenté vont dans le sens d'un contrôle plus efficace.

Il en est ainsi de l'analyse financière des lois de financement de la sécurité sociale dans un cadre pluriannuel. Cela devrait permettre de mieux juger, dans la durée, les politiques conduites et leurs effets. L'intégration de variables relatives au cycle économique dans les projections financières de la sécurité sociale devrait, en outre, favoriser une approche plus objective de la réalité des comptes et des perspectives d'évolution les concernant. Nous déplorons suffisamment l'attitude parfois légère du Gouvernement s'agissant de ces estimations macroéconomiques pour ne pas apprécier ce progrès à sa juste valeur.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous n'avez pas fait mieux !

M. Bernard Cazeau. Chaque année, depuis l'origine, le vote d'un ONDAM constamment contesté, dépassé, recadré, « rebasé » et révisé...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Un peu moins, maintenant !

M. Bernard Cazeau. ... confine à la caricature, ce qui plaide évidemment en faveur d'une refonte de nos mécanismes comptables.

Parmi les apports positifs du texte, nous relèverons aussi l'application élargie du principe « objectifs-résultats-performances ». Elle donne corps à une authentique démarche d'évaluation, jusque dans la gestion administrative des organismes de sécurité sociale. Il n'échappera à personne que cette disposition se situe, comme l'a souligné M. le rapporteur, dans le droit fil de la réforme engagée au travers de la loi organique de 2001 relative aux lois de finances. Son application raisonnée donnera lieu à une plus grande implication du Parlement dans la gestion des politiques publiques de sécurité sociale. Les outils d'évaluation seront, de plus, notablement renforcés par la certification, par la Cour des comptes, des dispositions des lois de financement de la sécurité sociale.

Nous avons le sentiment de quitter ainsi un certain formalisme législatif pour entrer dans le concret. Encore faut-il que cet effort de réorganisation soit mené à son terme, en apportant un certain nombre de compléments au texte actuel.

Tout d'abord, il est à déplorer que l'élargissement du champ d'application de la loi de financement de la sécurité sociale demeure inabouti.

Ainsi, il est incohérent que la CADES, la caisse d'amortissement de la dette sociale, ne figure pas explicitement dans le périmètre des futures lois de financement de la sécurité sociale, alors même que l'endettement figure en bonne place parmi les sources de financement des régimes obligatoires et qu'un prélèvement social spécifique est affecté à la CADES.

De la même manière, les régimes complémentaires obligatoires, les politiques de solidarité, souvent territoriales, sont parties prenantes dans nos dépenses sociales.

Une occasion d'étendre le contrôle politique sur les politiques sociales et de remettre complètement à plat nos instruments collectifs de gestion de ces dernières s'offrait avec l'élaboration du présent projet de loi organique. Nous aurions pu mettre un terme à la parcellisation arbitraire des financements sociaux et des dépenses de solidarité.

Sans revenir sur l'autonomie des partenaires sociaux ou la libre administration des collectivités territoriales, il eût été souhaitable que le texte prévoie une analyse annuelle de l'ensemble des systèmes publics d'assurance sociale et de solidarité. Le Gouvernement n'a, pour l'heure, franchi qu'un petit pas dans cette direction, en permettant au Parlement de voter les comptes de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, reconnaissant ainsi le rôle de celle-ci dans le financement de certains régimes sociaux.

Puisqu'il est question d'élargissement des prérogatives du Parlement, il est à souhaiter que le Gouvernement ne s'approprie pas le monopole de la définition des sous-objectifs de l'ONDAM, qui doivent être clairement inscrits dans la loi pour faciliter leur suivi pluriannuel et améliorer la transparence de leur gestion, et ainsi le dialogue social.

En matière de gestion, nous avons relevé avec intérêt que M. le rapporteur est soucieux du respect de la compensation par l'Etat des exonérations de cotisations sociales. Dont acte, nous suivons M. le rapporteur sur ce point !

Acceptons, en conséquence, que le principe de la compensation des exonérations de cotisations sociales soit inscrit dans la loi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Venant de la gauche, c'est un comble !

M. Bernard Cazeau. Ainsi cessera, par exemple, la polémique sur le non-remboursement par l'Etat des exonérations consenties au titre des contrats d'avenir prévus dans le plan de cohésion sociale.

M. Guy Fischer. Il n'en est pas question !

M. Paul Blanc. Et les emplois-jeunes ?

M. Jean-Pierre Godefroy. Ah ! On y revient toujours, aux emplois-jeunes...

M. Bernard Cazeau. Notons, au passage, qu'il n'est point besoin de remonter jusqu'au fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, comme l'a fait M. le rapporteur, qui a une prédilection pour ce fonds (Sourires.), ...

M. François Autain. Ah ! le FOREC...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le FOREC est le meilleur exemple, le plus flagrant !

M. Bernard Cazeau. ... pour retrouver la trace de tels agissements.

A nos yeux, le texte mérite donc d'être enrichi et clarifié sur plusieurs points.

Ainsi, le nouveau cadre de la loi de financement de la sécurité sociale concerne peu les orientations de la politique de santé. Du fait de son caractère essentiellement comptable, il néglige la portée politique des lois de financement de la sécurité sociale, le paroxysme de la tentation régulatrice purement comptable étant atteint avec le vote des soldes des différents régimes.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Nous n'avons pas la même lecture du texte !

M. Bernard Cazeau. Cette innovation, qui va dans le sens d'un renforcement, peut-être souhaitable, de l'intervention du Parlement, comporte, en effet, un risque réel en matière d'assurance maladie, au regard des nouvelles dispositions de la loi du 13 août 2004.

Les prérogatives élargies, et même très élargies, à mon goût, du nouveau directeur de l'UNCAM, l'Union nationale des caisses d'assurance maladie, autorisent celui-ci à procéder à des ajustements comptables en cours d'exercice, sous forme de déremboursements de soins. (M. le secrétaire d'Etat proteste.) Ce n'est pas indiqué en toutes lettres, mais c'est bien ce que cela signifie, monsieur le secrétaire d'Etat ! Il ne fait aucun doute que le directeur de l'UNCAM utilisera les moyens à sa disposition en cas d'alerte, au détriment, bien sûr, des assurés sociaux. Sur ce point, votre texte consacre une logique politique que nous ne saurions cautionner.

Venons-en maintenant au fond du sujet.

Ce texte ne permettra manifestement pas de répondre aux préoccupations concrètes de nos concitoyens. Permet-il d'envisager le rétablissement des comptes de la sécurité sociale ? Manifestement non, car on ne traite pas une question d'ordre politique par des aménagements purement techniques. M. le rapporteur l'admet d'ailleurs lui-même lorsqu'il écrit -  j'ai de bonnes lectures -que « la réforme de la loi organique ne peut permettre à elle seule de maîtriser les dépenses ». Ces quelques mots résonnent comme un renoncement, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non !

M. Bernard Cazeau. ... à l'heure où les nuages s'accumulent au-dessus de votre politique financière pour la sécurité sociale.

M. Josselin de Rohan. C'est vraiment l'hôpital qui se moque de la charité !

M. Bernard Cazeau. Une seule question vaut donc d'être posée pour tester la pertinence de votre politique : sommes-nous sur la voie de la réduction du déficit de la sécurité sociale ?

M. François Autain. Non, en effet !

M. Bernard Cazeau. Rien n'est moins sûr !

Rappelons, en effet, que le Gouvernement a fait le pari de ramener le déficit du régime général de la sécurité sociale à 10,8 milliards d'euros en 2005, contre 14,1 milliards d'euros en 2004. Pour y parvenir, il a placé tous ses espoirs dans la réduction du déficit de la branche maladie, dont le solde négatif passerait de 13,2 milliards d'euros en 2004 à 7,9 milliards d'euros en 2005, si mes souvenirs sont bons,...

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Ils le sont, et nos prévisions également !

M. Bernard Cazeau. ... alors que, dans le même temps, les branches vieillesse et accidents du travail - maladies professionnelles verraient leurs déficits se pérenniser. Mais c'est un autre problème !

Cependant, la réalité semble démentir les prévisions, même si, monsieur le secrétaire d'Etat, vous semblez presque faire fond sur les deux premiers mois de l'année 2005 pour affirmer que la politique de maîtrise des dépenses de santé est une réussite.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. C'est la réalité des chiffres !

M. Bernard Cazeau. L'année compte dix autres mois, monsieur le secrétaire d'Etat, il faut attendre pour établir le bilan !

En tout état de cause, cancre de l'Europe en matière de chômage, la France est en proie à une léthargie économique profonde et tenace. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a avoué récemment que la prévision d'un taux de croissance de 2,5 % du PIB pour 2005 relevait davantage d'un objectif que d'une assurance. Il faut sûrement voir dans cette déclaration un effort de transparence, mais aussi la preuve de la péremption financière des recettes du régime général votées voilà quelques mois. Ces recettes, à l'heure où, pour la première fois depuis cinq ans, le taux de chômage a atteint le seuil fatidique de 10 % de la population active, devront être examinées avec soin, monsieur le secrétaire d'Etat, mais en fin d'année, et non pas au mois de février.

L'élévation tendancielle du taux de chômage n'est pas sans conséquence, d'ailleurs, sur les comptes de l'assurance chômage. L'UNEDIC, au-delà de son scepticisme affiché devant les perspectives de diminution du chômage annoncées par le Premier ministre pour 2005, se prépare à clore son exercice budgétaire 2005 avec un minimum de 12,7 milliards d'euros de déficit, contre 12,4 milliards d'euros prévus à la fin de l'année dernière.

De la même manière, le FSV devrait présenter un déficit historique de 1,2 milliard d'euros en 2005, avec un solde de pertes cumulées estimé à 2,65 milliards d'euros. Telle est la réalité ! Ne vous en déplaise, monsieur le secrétaire d'Etat, le système prend l'eau !

M. Roland Muzeau. Le Gouvernement aussi !

M. Bernard Cazeau. Tous les termes de l'équation de la sécurité sociale sont aujourd'hui inquiétants. Le renflouement des comptes sociaux n'est pas à l'ordre du jour, tandis que les besoins augmentent, comme l'a très justement rappelé M. Douste-Blazy voilà quelques jours, qui est allé jusqu'à évoquer la suppression d'un jour férié supplémentaire, à la surprise de ses propres amis politiques. Après le lundi de Pentecôte, ce sera peut-être le jeudi de l'Ascension ! (Sourires.)

Venons-en plus précisément aux ambitieuses promesses de réduction du déficit de l'assurance maladie, qui conditionne l'abaissement du niveau des déficits.

Il semble que ces promesses n'aient pas convaincu les responsables de l'hôpital public, qui vous ont demandé, voilà peu, monsieur le secrétaire d'Etat, par la voix de la FHF, la Fédération hospitalière de France, un peu d'oxygène pour faire face aux vraisemblables hausses des salaires des agents publics. Souvenez-vous que, voilà quelques mois encore, les hôpitaux publics réclamaient un taux d'augmentation de l'ONDAM hospitalier de 5 %, pour que puisse être assurée la simple reconduction des moyens existants. Selon la FHF, le dilemme est simple : soit 15 000 emplois sont supprimés cette année, soit les hôpitaux engendrent du déficit, ce qui n'est pas leur vocation. Les fameuses économies espérées dans le secteur hospitalier n'apparaîtront donc pas en 2005 !

Qu'en est-il de la très attendue maîtrise médicalisée, pierre d'angle de la loi du 13 août 2004 ?

Les clés de voûte du nouveau système, fondé sur une réforme du parcours de soins et sur l'instauration du dispositif du médecin traitant, sont visiblement difficiles à mettre en place.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Pas cet argument-là, monsieur Cazeau !

M. Bernard Cazeau. Laissez-moi finir, monsieur le secrétaire d'Etat ! Je vais démontrer ce que j'avance.

Plusieurs éléments concourent à cette situation. Sans unanimité de la profession médicale, une réforme des pratiques est vouée à l'échec. (M. le secrétaire d'Etat s'exclame.) C'est du moins ce que je pense, et j'ai de l'expérience dans ce domaine.

M. Josselin de Rohan. L'unanimité, vous l'avez faite contre vous !

M. Bernard Cazeau. Avec trois organisations syndicales signataires sur cinq,...

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Elles sont majoritaires !

M. Bernard Cazeau. ... la portée de la nouvelle convention médicale instaurant le dispositif du médecin traitant est déjà fortement limitée.

De façon plus explicite, des sondages indiquent qu'une majorité de médecins généralistes sont sceptiques quant à l'efficacité de la réforme, estimant que celle-ci ne changera rien.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. C'est un diagnostic erroné !

M. Bernard Cazeau. Si vous ne vous contentez pas des sondages, je vous invite à vous adresser aux organisations syndicales de médecins. Vous verrez !

Le milliard d'euros d'économies attendu de la mise en place du dispositif du médecin traitant paraît de fait un objectif bien surévalué, d'autant plus que l'engouement des patients pour le dispositif semble fort mesuré : aujourd'hui, à mi-parcours, 12 % des assurés sociaux ont renvoyé le formulaire de déclaration du contrat les unissant à leur médecin traitant.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Ces chiffres sont erronés !

M. Bernard Cazeau. Je ne fais pas de procès d'intention, nous jugerons au fil des mois !

Le système du médecin traitant ne fait donc pas l'unanimité, le dossier médical partagé est encore en gestation, les cartes Vitale ne comportent pas encore de photographie du titulaire, sauf la vôtre, monsieur le secrétaire d'Etat, puisque vous nous l'avez montrée.

M. Roland Muzeau. On peut la revoir ? (Sourires.)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Je suis un précurseur !

M. Bernard Cazeau. En somme, ne vous en déplaise, le parcours de soins fléché, rationnel et économe n'est pas encore pour aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'Etat !

Dans le même temps, avant que les économies prévues n'émergent, les tarifs de plusieurs consultations de médecine libérale ont été revus à la hausse.

M. Guy Fischer. Et quelle hausse !

M. Josselin de Rohan. Ce n'est pas le sujet !

M. Bernard Cazeau. Cela coûtera, en année pleine, 500 millions d'euros de plus à l'assurance maladie. On ne va pas vers la décroissance des dépenses !

Nous sommes donc fondés à douter des prévisions de limitation du déficit votées lors de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2004.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas le débat !

M. Bernard Cazeau. Si, là est la vraie question, par-delà les améliorations des modalités de l'examen législatif, dont nous avons parlé tout à l'heure.

M. Henri de Raincourt. Vous êtes hors sujet depuis le début !

M. Bernard Cazeau. Monsieur le secrétaire d'Etat, en présentant ce projet de loi organique, vous souhaitez faire comprendre, selon vos propres mots, qu'une « loi de financement de la sécurité sociale se respecte ».

C'est une intention louable, pour ne pas dire une autocritique, tant il est évident que 2005 ne validera pas les orientations affichées en 2004.

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. Prenons rendez-vous !

M. Bernard Cazeau. Nous constatons que le texte qui nous est soumis n' y suffira pas.

Tel n'est pas son objet, nous direz-vous, mais nous pensons tout de même que le toilettage de la cabine de pilotage ne dispense pas de s'interroger, au-delà de la qualité du pilote, sur la direction qui est la sienne !

Sur votre politique, notre avis ne varie pas : vous faites fausse route. (Exclamations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Xavier Bertrand, secrétaire d'Etat. C'est sans doute l'expérience qui parle !

M. Josselin de Rohan. Vous n'avez rien fait, vous, alors...

M. Bernard Cazeau. Oui, vous faites fausse route, vous nous emmenez dans le mur, (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)...

M. Philippe Nogrix. Cela fait des années que vous dites la même chose !

M. Henri de Raincourt. .La gauche n'a rien fait !

M. Bernard Cazeau. ...tout le monde le sait, tout le monde en est convaincu, vous l'êtes vous-même, peut-être ! (Vives exclamations sur les mêmes travées.)

Rassurez-vous, mes chers collègues, je termine. Mais il est bon de se détendre de temps en temps, ...

M. Philippe Nogrix. On reconnaît bien là le praticien ! (Sourires.)

M. Bernard Cazeau. L'irréalisme des prévisions, les lacunes des outils de régulation, les surenchères des professionnels, le délestage des déséquilibres sur les assurés sociaux, la surdité aux attentes des acteurs de la santé publique, la caricature du dialogue social conduit, tout cela laisse augurer, monsieur le secrétaire d'Etat, de nombreuses turbulences pour demain et bien des désillusions pour après-demain ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, je m'en tiendrai au projet de loi et ne m'engagerai pas dans des polémiques sur le déficit de la sécurité sociale.

M. Guy Fischer. C'est préférable, en effet !

M. François Autain. Il vaut mieux !

M. Roland Muzeau. Oui, il vaut mieux !

M. Paul Blanc. Cette polémique est, du reste, ancienne. Depuis que je siège dans cet hémicycle, c'est-à-dire depuis 1992, j'entends toujours les mêmes propos.

Pendant longtemps, le Parlement n'a eu la possibilité ni d'examiner les comptes de la sécurité sociale ni de se prononcer sur ceux-ci, alors même que les sommes en jeu ont assez vite dépassé en volume celles qui sont consacrées au budget de l'Etat.

Vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'avez rappelé, monsieur le rapporteur, mais il me semble que nos concitoyens n'en sont pas toujours conscients. Il fait donc redire que le budget de la sécurité sociale est plus important que celui de l'Etat. Aussi l'équilibre de ses comptes a-t-il pu se dégrader année après année sans que le législateur puisse intervenir.

En 1996, sur l'initiative du gouvernement d'Alain Juppé, le Parlement s'est enfin doté d'un nouvel instrument : les lois de financement de la sécurité sociale. Elles avaient pour finalité de permettre au législateur de se prononcer en toute connaissance de cause sur l'état des finances sociales. Il s'agissait là d'un changement majeur.

Les lois de financement de la sécurité sociale qui se sont succédé depuis 1997 sont aujourd'hui un acquis essentiel et font, désormais, l'objet d'un large consensus ; je ne crois pas qu'elles aient été remises en cause. Toutefois, si nous reconnaissons leurs grandes qualités et les avancées qu'elles ont permises, nous en percevons aujourd'hui les défauts, en ce qui concerne tant la forme que le fond.

Sur la présentation, d'abord, les conditions d'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale ne sont pas satisfaisantes.

Il s'agit en en effet d'un texte dont les implications financières sont imposantes et qui, trop souvent, est synonyme de complexité et de technicité. La matière est trop souvent mal présentée, réduisant le débat à des échanges entre quelques experts.

Cette loi doit être plus vivante et sa présentation clarifiée. Ses contours doivent être redessinés afin d'être plus clairs et plus précis. Ses annexes, dont on peut d'ailleurs regretter qu'elles aient été aussi strictement définies dans la loi organique, ne sont pas toujours à la hauteur de ce que l'on pouvait espérer.

Je me félicite donc que le Gouvernement ait choisi de les simplifier et de les enrichir, notamment en ce qui concerne les compensations par l'Etat des mesures d'exonération de cotisations qu'il décide. Nous avons effectivement besoin de plus de transparence sur ce sujet.

Par ailleurs, Alain Vasselle, notre excellent rapporteur, ajoute deux annexes, dont l'une devrait permettre d'éviter que ne se renouvellent des épisodes tels que ceux que l'on a connus avec le FOREC, et qui est consacrée à la mise en oeuvre du principe de neutralité des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

S'agissant du contenu du rapport annexé, il s'est révélé relativement décevant. Sans conséquences sur le plan juridique, il ne présente qu'un intérêt relatif, car il se contente d'annoncer les réformes de projets de loi, avec ou sans calendrier, ou encore la mise en place d'une réflexion sur tel ou tel sujet. En bref, ce rapport annexé fait, me semble-t-il, double emploi avec ce que l'on est censé trouver dans l'exposé des motifs du projet de loi.

Dans le corps même du texte, il demeure quelques difficultés. En effet, le projet de loi est ainsi construit que les articles concernant les recettes et les dépenses des branches de la sécurité sociale sont noyés au sein de mesures de fond, souvent techniques, parfois très importantes.

En outre, aucun équilibre n'apparaît dans le texte, alors même que la comparaison entre les recettes et des dépenses dans un article récapitulatif offrirait une bien meilleure visibilité.

En effet, les objectifs de dépenses sont prévus par branche et pour les seuls régimes de plus de 20 000 cotisants, les prévisions de recettes sont définies par catégorie sans correspondre aux objectifs de dépenses. Or nous sommes bien en présence d'un texte censé concerner les conditions générales de l'équilibre financier et dont on attend qu'il fixe, compte tenu des prévisions de recettes, des objectifs de dépenses.

Avec le présent projet de loi, on nous propose aujourd'hui de remédier à cette insuffisance en prévoyant un article d'équilibre sur lequel nous nous prononcerons. Nous gagnerons ainsi en clarté.

Sur le fond, maintenant, il était absolument indispensable, tout d'abord, d'améliorer l'articulation entre les lois de financement et, pour reprendre les termes de la loi organique, « les orientations de la politique de santé et de sécurité sociale ».

Désormais, grâce au vote, en 2004, d'une grande loi de santé publique, cette articulation est mieux assurée ; elle demeure cependant perfectible.

Pour ce qui concerne les questions relatives aux dépenses et aux recettes intégralement affectées à la sécurité sociale, se pose le problème de l'existence de transferts entre régimes liés, notamment, à l'affectation des recettes, aux dispositifs de compensation, ou à des transferts entre branches. Cela nuit à la lisibilité des comptes de la sécurité sociale. La possibilité, qui existe, de diminuer les recettes d'une branche et de mettre à sa charge de nouvelles dépenses au profit d'autres entités aboutit à des situations absurdes et inéquitables sur le plan des principes.

De même, malgré la loi Veil de 1994, trop de décisions d'exonération de cotisations sociales demeurent non compensées par l'Etat.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est exact.

M. Paul Blanc. L'ensemble de ces mécanismes, s'ils sont utilisés, peuvent fausser la situation réelle des régimes de sécurité sociale.

Une loi de financement plus transparente contribuerait à protéger les branches pour l'avenir.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Paul Blanc. Se pose également le problème des frontières entre lois de finances et lois de financement.

Les finances sociales sont clairement distinguées des finances de l'Etat.

Sous la précédente majorité, nous avons dénoncé les manoeuvres entreprises qui consistaient à détourner des recettes dynamiques de la sécurité sociale vers l'Etat dans le but de financer le trop fameux, et heureusement défunt, FOREC. Cela ne doit pas se renouveler.

A cet égard, je me félicite que soit désormais établi dans une cinquième annexe un bilan des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale, mais également entre l'Etat et les autres collectivités publiques. En effet, l'opacité nuit à l'évolution des budgets sociaux. En complément, notre collègue Alain Vasselle propose judicieusement que soit institué un bilan qui fera apparaître la neutralité de leurs relations financières.

En outre, un certain nombre des mesures adoptées dans un des deux textes trouvent leur pendant, leur « mesure miroir », dans l'autre texte. En raison du calendrier, le projet de loi de financement de la sécurité sociale étant examiné par le Sénat avant la première partie de la loi de finances, des dispositions adoptées dans le projet de loi de financement peuvent avoir un impact sur la loi de finances et la lier.

L'existence d'une recette commune au budget général de l'Etat et à la sécurité sociale, les droits de consommation sur les tabacs, par exemple, pose de multiples problèmes.

Toute augmentation du produit des droits de consommation sur les tabacs au profit de la sécurité sociale suit une procédure complexe : le produit supplémentaire est évalué et voté dans un article du projet de loi de financement relatif aux prévisions de recettes, mais cette évaluation est suspendue à la décision d'affectation, qui est votée en loi de finances.

En matière de droits sur les tabacs, il serait donc plus intelligible de séparer les financements, entre, d'une part, ceux qui sont affectés à l'Etat et, d'autre part, ceux qui sont affectés à la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Paul Blanc. Des efforts ont été faits par notre majorité, notamment dans la loi de 2004 portant réforme de l'assurance maladie ; ils doivent être poursuivis, au nom de la clarté des lois de financement de la sécurité sociale.

Quelle que soit la solution adoptée, elle doit évidemment être progressive et compensée, compte tenu des masses financières en jeu.

En attendant, une solution a été proposée par Alain Vasselle dont nous discuterons au moment de l'examen des articles.

Ensuite, se pose la question de la portée de ce qui est voté en loi de financement, notamment l'ONDAM.

Il est important de rappeler que la loi du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, avec le principe de séparation des branches, a affirmé l'objectif d'équilibre de chaque branche du seul régime général.

La loi de financement de la sécurité sociale donne ainsi au Parlement le pouvoir de voter le montant de l'ONDAM avec beaucoup de précision.

En outre, la fixation d'un taux de progression de l'ONDAM repose, semble-t-il, davantage sur la reconduction de moyens, calculée de façon plus ou moins rigoureuse, que sur une analyse des besoins de notre société que la collectivité est prête à satisfaire dans le domaine de la santé publique.

Depuis la première loi de financement de la sécurité sociale, certains parlementaires souhaitent que le Parlement se prononce sur la répartition des enveloppes, par exemple entre les soins ambulatoires et l'hospitalisation. Je me réjouis donc que le Gouvernement ait pris l'initiative d'introduire dans l'ONDAM des sous objectifs - ville, hôpital -, pour répondre à cette demande.

Par ailleurs, aucune conséquence n'est réellement tirée des dépassements successifs. Il est pourtant possible de recourir à des lois de financement en cours d'année, mais aucun gouvernement n'a souhaité se plier à l'exercice.

Toutefois, la réforme de l'assurance maladie votée cet été a prévu, afin que l'ONDAM adopté par le Parlement ait une réelle portée, qu'un dispositif de suivi des dépenses serait mis en place. Dans ce but, un comité d'alerte a été créé, qui devra prévenir les caisses d'assurance maladie et l'Etat lorsque le risque d'un dépassement significatif de l'ONDAM sera avéré. Dans ce cas, les caisses nationales d'assurance maladie devront proposer des mesures susceptibles de rétablir l'équilibre prévu par la loi de financement.

La question du respect des objectifs demeure, en revanche, pour toutes les autres branches et organismes concourant au financement de notre protection sociale.

A ce titre, je tiens à signaler la nécessité de suivre au plus près l'évolution des comptes du Fonds de solidarité vieillesse, qui se trouve en cours d'année dans une situation financière délicate - son déficit cumulé este de plus de 5,6 milliards d'euros -, et dont les perspectives sont encore plus sombres.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est encore exact.

M. Paul Blanc. De manière générale, la lisibilité des comptes devrait progresser grâce aux dispositions du projet de loi qui tendent, d'une part, à introduire une dimension pluriannuelle qui offrira une meilleure lisibilité de l'évolution des comptes sociaux, d'autre part, à créer une démarche « d'objectifs-résultats », innovation assez spectaculaire pour être saluée, qui reposera sur la politique de qualité régnant au sein de chaque branche.

Reste la question du champ des lois de financement de la sécurité sociale.

Contrairement à ce qui était voulu au départ par le législateur, l'examen des lois de financement s'est rapidement centré sur le seul régime général de la sécurité sociale, alors que les prévisions et les objectifs votés par les parlementaires recouvraient l'ensemble des régimes.

En effet, les articles présentant des mesures de fond concernent exclusivement le régime général. Aussi le débat n'aborde-t-il que très rarement les autres régimes, à moins que ceux-ci ne soient concernés par une mesure spécifique contenue dans le projet de loi. En conséquence, les difficultés des autres régimes sont insuffisamment abordées et aucune disposition correctrice en faveur de leur équilibre n'est adoptée.

En incluant l'ensemble des régimes obligatoires de base, quel que soit leur effectif, ce projet de loi offre une vision plus globale de l'équilibre des différents régimes existants.

Une autre difficulté réside dans le fait que certains organismes échappent à tout contrôle, alors même qu'ils contribuent au financement de notre protection sociale.

Cela concerne le FFIPSA - le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, l'ancien budget annexe des prestations sociales agricoles - et la CNSA, la caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. Ainsi le Gouvernement a-t-il choisi de rattacher au moins partiellement aux lois de financement l'examen des 2 milliards d'euros de crédits qui concerne cette dernière.

Enfin, s'agissant du contrôle de l'application des lois de financement, les rapporteurs des projets de loi de financement disposent de prérogatives importantes. Ils peuvent ainsi adresser au Gouvernement un questionnaire, tant sur l'exécution de la loi de financement que sur le projet de loi de financement de l'année suivante. De même, ils ont la possibilité d'exercer des contrôles sur pièces et sur place auprès des caisses et de toutes les administrations compétentes. Cela a permis au Sénat, notamment, d'élaborer des documents très utiles pour éclairer ses travaux.

Cette prérogative est aujourd'hui directement contenue dans la loi organique avec l'article 5 du projet de loi. Nous nous en félicitons, monsieur le secrétaire d'Etat.

En conclusion, je souhaite réaffirmer que ce texte, tant sur la forme que sur le fond, va dans le bon sens. Il permet au Parlement de travailler dans les meilleures conditions sur des comptes sociaux sincères et transparents. Il n'en demeure pas moins qu'il doit évoluer sur un certain nombre de points ; nos débats y contribueront certainement. Nous aurons également besoin, sans aucun doute, de revoir régulièrement l'organisation de l'examen des lois de financement par le Parlement afin de l'adapter aux besoins et aux réalités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. Monsieur le secrétaire d'Etat, comme vous l'avez souligné, ce projet de loi organique n'est pas une révolution. En revanche, il apporte une amélioration.

Ce n'est pas une révolution, car il ne modifie pas - il ne pouvait d'ailleurs pas le faire - la portée normative des lois de financement, à savoir une évaluation volontariste des dépenses soumise à un objectif, que vous avez qualifié de « réfutable » - j'ai apprécié ce terme -, une prévision de recettes autorisée par le Parlement et un tableau en principe financièrement équilibré. Néanmoins, nous le savons, le Parlement peut fixer des limites au recours à des ressources de trésorerie, tout en sachant très bien que, en cas d'urgence, le Gouvernement peut relever ces plafonds par décret.

Dans le même temps, le projet de loi organique améliore fortement le contrôle, car il introduit plus de transparence et de lisibilité. M. le rapporteur a d'ailleurs parfaitement montré l'élargissement du contrôle à des organismes concourant au financement des régimes de la sécurité sociale et à l'ensemble des régimes obligatoires.

Tous ces aspects ayant été parfaitement analysés par notre collègue Paul Blanc, je me contenterai de trois observations en forme de questions.

D'abord, le projet de loi organique permet-il de contrôler plus efficacement nos finances sociales dans un cadre pluriannuel ? Ensuite, permet-il de mieux contrôler les fonds qui redistribuent les recettes affectées aux organismes de sécurité sociale, fonds que l'on essaie en permanence de supprimer, mais qui, telles les têtes de l'Hydre de Lerne, repoussent sans arrêt ? Enfin, s'intègre-t-il de façon satisfaisante dans une politique globale des finances publiques ?

Premièrement, en ce qui concerne le contrôle de l'évolution pluriannuelle de l'équilibre financier - vous avez d'ailleurs cité le nom de Jean-Pierre Delalande -, je me rappelle des débats de 1996, durant lesquels nous nous demandions s'il fallait définir un équilibre financier strict dans un cadre annuel. Nous savons ce qu'il est advenu !

A ce propos, j'ai fait un rapide calcul. En gros, près de 100 milliards d'euros de déficit cumulé de la sécurité sociale ont été cantonnés, en quinze ans, dans des organismes divers : l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations, puis, bien entendu, la CADES.

Même si cette dérive est enrayée - et j'espère que la dérive structurelle sera freinée par les mesures qui ont été prises cet été -, il reste nécessaire de pouvoir vérifier dans la loi de financement qu'un certain contrôle pluriannuel, dans le cadre du cycle, est possible.

Nous savons tous que les recettes des collectivités locales ont un caractère procyclique, c'est-à-dire que, lorsque la conjoncture est favorable, elles augmentent fortement, tandis que les dépenses restent relativement neutres. Mais mon expérience personnelle d'enseignant m'a appris qu'il est difficile de prévoir le moment où la conjoncture se retournera.

Lorsque la croissance est continue, on l'espère infinie et l'on ne prend pas les mesures qu'il faudrait. Or j'observe que l'exposé des motifs énonce clairement que, lorsque la conjoncture sera bonne et que nous nous situerons au-dessus du trend de croissance moyen, il faudra accumuler des recettes ou diminuer l'endettement.

Ce résultat sera difficile à obtenir et il vous faudra beaucoup de courage. Mais les dispositions qui prévoient que le Gouvernement présentera des prévisions de recettes pour les quatre années à venir, rapprochées du projet de la commission des affaires sociales d'avoir un regard rétrospectif sur les deux années passées, nous permettront de disposer d'une perspective à six ans. Il faudra que nous analysions avec clarté les évolutions durant ce laps de temps.

Deuxièmement, le projet de loi organique permet-il un meilleur contrôle des organismes « concourant au financement des régimes de la sécurité sociale » ?

Ces organismes entrent désormais dans le champ de la prévision des recettes et de l'équilibre financier. C'est apparemment un progrès indéniable. Nous connaissons tous ces organismes, sans toujours très bien savoir ce que leur sigle signifie. Je pense au FRR, à la CADES, au FSV, au FOREC, pour ne citer que les plus connus. Mais, après avoir lu le rapport pour avis de M. Jégou, à la page 49, je pourrais ajouter à cette liste le FIVA, le FCAATA, l'ONIAM, et le FAQSV ! (Sourires.)

Si ces organismes ont été créés, c'est parce qu'ils correspondaient à un besoin : transformer des recettes non affectées du budget, disons, des prélèvements obligatoires, pour ne choquer personne, en recettes affectées. Ce sont ces sortes d' « usines à gaz » qui procéderont à cette transformation.

Ces organismes, qui sont des établissements publics, sont la plaie de notre système financier, parce qu'ils échappent à tout contrôle ; ils n'entrent, en effet, ni dans le champ de la loi de financement de la sécurité sociale ni dans celui de la loi de finances.

Je vous ai dit tout le bien que je pensais de la mesure que vous avez prise, monsieur le secrétaire d'Etat ; toutefois, je me permettrai quelques remarques.

Tout d'abord, l'élargissement du champ des organismes concourant au financement de la sécurité sociale, qui est parfois incomplet, pourrait aller plus loin. Des organismes comme le fonds de réserve des retraites, le F2R, et la caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, ne sont pas intégrés dans le calcul de l'équilibre financier de la sécurité sociale ; ils n'apparaissent pas dans les premiers articles de la loi ; leurs comptes sont retracés en annexe. La raison en est que ces organismes de cantonnement n'ont pas d'incidences sur les flux annuels. Cependant, quand on demande l'autonomie des finances sociales - je m'adresse là également à notre rapporteur - il me paraît impossible, par souci de cohérence et de transparence, que le coût de la dette ne soit pas intégré dans l'examen de l'équilibre financier de la sécurité sociale.

M. Michel Sergent. Bien sûr !

M. Yves Fréville. Cela ne changerait rien à l'équilibre - il y a des recettes, il y a des dépenses, et on ne les accroît pas -, mais nous dirions la vérité, ...

M. Yves Fréville.... c'est-à-dire que nous avons accumulé une centaine de milliards de déficits qu'il faudra bien payer un jour.

M. Yves Fréville. Le deuxième cas, plus complexe évidemment, est celui de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA ; elle ressemble par certains aspects à la chauve-souris de la fable : « Je suis Oiseau : voyez mes ailes ; je suis Souris : vivent les Rats ». (Sourires.) En effet, elle dépend, d'une part, des collectivités locales, puisqu'elle finance les départements et, d'autre part, des finances sociales. Par conséquent, le problème se pose de savoir jusqu'à quel point il faut la rattacher aux finances sociales.

Nous trouverons toujours des solutions techniques. Mais ce que je souhaite, monsieur le secrétaire d'Etat, c'est que l'on n'en arrive pas à une situation où, lorsque le Sénat, représentant des collectivités locales, organise, sur l'initiative de son président, un débat sur les collectivités locales, on ne puisse pas analyser la totalité des dotations, quelle que soit leur source, de l'Etat ou de la CNSA, vers les collectivités locales.

Monsieur le rapporteur, il faut que nous trouvions une solution à ce problème.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Absolument !

M. Yves Fréville. Enfin, troisièmement, je souhaite évoquer la question de la frontière entre les finances et les finances sociales. Nous pouvons le faire peut-être en élevant le débat, car il ne s'agit pas d'un conflit de compétence entre deux commissions de notre assemblée.

L'ensemble fortement contraint que constituent les finances sociales doit s'intégrer dans une vision d'ensemble des finances publiques. On peut critiquer les critères de Maastricht et les valeurs qui les sous-tendent, mais ils posent la question au bon niveau : unicité des fonds des prélèvements obligatoires, unicité du déficit budgétaire, unicité de la dette publique.

J'ai toujours regretté que la rédaction de l'article 34 de la Constitution ne permette ni d'engager un débat d'ensemble sur les prélèvements obligatoires ni, surtout, d'envisager une décision financière globale sur les prélèvements obligatoires. En 1979, M. Raymond Barre avait organisé le débat de telle façon qu'il y avait des prélèvements en faveur des collectivités locales sur les impositions de toutes natures, un prélèvement en faveur de l'Europe, et, pendant une année, en 1979, donc, un prélèvement en faveur de la sécurité sociale.

Je suis sûr que, si nous pouvions, un jour, inscrire dans la Constitution que, dans le cadre de la loi de finances, on nous présente une vision globale de l'ensemble des impositions de toutes natures avec une répartition entre l'Etat, les collectivités locales et la sécurité sociale, nous aurions sérieusement progressé.

En attendant, je pense qu'il faudra que nous profitions du débat sur les prélèvements obligatoires pour envisager toutes les questions de conflits de compétence qui, aujourd'hui, peuvent se poser.

Mais nous ne pouvons pas cantonner certains impôts dans la loi de financement de la sécurité sociale, et d'autres dans la loi de finances parce que la Constitution est ainsi faite que les impôts peuvent être inscrits dans l'une ou l'autre ou dans toute autre loi. D'ailleurs, si les mesures d'agencement secondaires peuvent être inscrites dans les lois de finances et de financement de la sécurité sociale, il serait bon que, lorsque nous adoptons de grandes réformes du financement de notre système fiscal, nous puissions disposer d'un projet de loi qui nous permette d'examiner à la fois la réforme de l'impôt sur le revenu et la réforme de la CSG ; si, à l'avenir, nous posons le principe d'une TVA sociale ou si nous développons la CSG pour, en contrepartie, réduire les cotisations, il faudra également que cela puisse être fait dans le cadre d'une loi spécifique. Je ne pense pas qu'il soit possible de le faire dans le cadre étriqué du délai qui nous est imparti pour la discussion des lois de financement de la sécurité sociale ou des lois de finances.

Pour conclure, je dirai que, en matière d'exonération et en cela, monsieur le rapporteur de la commission des affaires sociales, permettez-moi de ne pas être complètement d'accord avec vous, il n'est pas possible que nous prenions des décisions spécifiques pour le système de financement social dans la mesure où il est financé par des impositions de toutes natures.

Nous avons besoin d'une politique d'ensemble des finances publiques. Cela peut parfois exiger que des mesures soient prises à l'encontre aussi bien de l'Etat que des finances sociales ; je suis personnellement persuadé que, si nous adoptions un principe général de compensation pour la sécurité sociale aussi, à l'image de celui qui existe déjà pour les collectivités locales - je n'en étais d'ailleurs pas le plus ferme partisan -, nous transformerions le simple budget de l'Etat en variable d'ajustement de l'ensemble ; cela ne me paraît pas souhaitable.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Aujourd'hui, c'est l'inverse ! C'est la sécurité sociale qui joue le rôle de variable d'ajustement !

M. Yves Fréville. Je n'ai pas dit qu'il fallait le faire, mais simplement qu'il faut que nous ayons une vision globale de l'ensemble des finances publiques pour ce genre de problème, et que nous ne devons pas constitutionnaliser des solutions qui se révèlent parfois souhaitables.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais faire. Je pense qu'un débat devra s'engager sur ces points. Une loi organique a pour fonction d'expliciter une disposition constitutionnelle ; elle n'a pas pour vocation de compléter la Constitution.

Toutefois, il est heureux que, dans cette limite stricte, le contrôle que ce projet de loi organise pour une plus grande efficience de la gestion de notre système de sécurité sociale, complète heureusement l'effort de redressement et de réforme des retraites et de l'assurance maladie qu'a entrepris notre majorité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq, est reprise à quinze heures cinq, sous la présidence de M. Christian Poncelet.)