Art. 2
Dossier législatif : projet de loi relatif aux aéroports
Art. 4

Article 3

I. - La société Aéroports de Paris et l'Etat concluent une convention qui prévoit les conditions dans lesquelles, à la fermeture à la circulation aérienne publique de tout ou partie d'un aérodrome qu'elle exploite, Aéroports de Paris verse à l'Etat au moins 70 % de la différence existant entre, d'une part, la valeur vénale à cette date des immeubles situés dans l'enceinte de cet aérodrome qui ne sont plus affectés au service public aéroportuaire et, d'autre part, la valeur de ces immeubles à la date où ils lui ont été attribués en application de l'article 2, majorée des coûts liés à leur remise en état et à la fermeture des installations aéroportuaires. Cette convention, qui détermine les modalités de calcul et de versement de cette somme, est conclue pour une durée d'au moins soixante-dix ans.

II. - La somme versée en application du I par Aéroports de Paris est déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés.

III. - L'Etat conserve l'intégralité du capital social de la société Aéroports de Paris tant que la convention prévue au I n'a pas été conclue.

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 9 est présenté par MM. Reiner,  Desessard,  Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 30 est présenté par MM. Billout et  Le Cam, Mmes Demessine et  Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 9.

M. Daniel Reiner. Il s'agit d'un amendement de conséquence, visant à supprimer l'article 3.

Je voudrais profiter de cette occasion pour interroger le Gouvernement sur un certain nombre de points que nous avons déjà évoqués sans avoir obtenu, jusqu'à présent, toutes les réponses souhaitées.

Tout d'abord, on sait que le domaine d'ADP ne se limite pas à Roissy, au Bourget et à Orly, mais comprend dix autres aérodromes situés en région parisienne - Coulommiers, Pontoise et Toussus-le-Noble, d'une part, tous trois destinés à l'aviation de voyage ; Chavenay, Chelles, Etampes, Lognes, Meaux, Persan-Beaumont et Saint-Cyr-l'Ecole, d'autre part, voués à la formation aéronautique, au tourisme, aux sports aériens et à certains services à courte distance -, l'héliport d'Issy-les-Moulineaux, ainsi qu'un certain nombre d'installations extérieures pour l'aide à la navigation aérienne, des stations de mesure du bruit, quelques logements, etc. Le Gouvernement envisage-t-il d'ores et déjà la fermeture de certains de ces sites ?

Par ailleurs - et c'est là une question fondamentale -, on a vu que 70 % du montant des éventuelles plus-values réalisées reviendraient à l'Etat, le solde étant attribué à ADP qui, jusqu'à présent, était intégralement contrôlé par la puissance publique. Cela signifie que l'Etat jouera un rôle déterminant. Or, actuellement, le Gouvernement recense, avec raison, l'ensemble des biens publics disponibles situés en région parisienne et qui pourraient être utilement affectés à la construction de logements. Avez-vous déjà décidé, monsieur le secrétaire d'Etat, de donner cette destination à certains des terrains du domaine d'ADP, plutôt que de les vendre pour réaliser des plus-values ?

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc, pour présenter l'amendement n° 30.

Mme Hélène Luc. Monsieur le secrétaire d'Etat, en inscrivant dans l'un des tout premiers articles du texte la possibilité de fermer des installations aéroportuaires, vous anticipez les futures préoccupations de la société anonyme ADP, qui seront non plus d'assurer des missions de service public, mais bien de valoriser son patrimoine foncier.

Dans la région d'Ile-de-France, où l'actuel établissement public gère douze aérodromes, ce ne sont pas moins de 1 300 hectares, en dehors des sites de Roissy, d'Orly et du Bourget, qui, via le changement de statut, pourront être livrés au secteur privé. S'agissant d'espaces très convoités, situés le plus souvent à la périphérie des villes, comment le terme « valorisation » pourrait-il signifier autre chose que « spéculation immobilière » ? En toute impunité, ADP pourra décider du jour au lendemain de fermer tel ou tel aéroport, avec pour seule obligation de reverser à l'Etat une partie de la plus-value réalisée.

L'Etat transfère à titre non onéreux son domaine public au nom de la continuité des services aéroportuaires, mais ne prévoit aucun dispositif de récupération ou de préemption en cas de perte de la vocation aéroportuaire. On peut difficilement mieux traiter les investisseurs privés ! Ce gouvernement tend à oublier que le rôle du législateur est de défendre non pas le marché, mais l'intérêt général.

En effet, cette règle de l'attribution à l'Etat de 70 % des éventuelles plus-values foncières pourrait donner à penser que les intérêts patrimoniaux de l'Etat seront préservés, mais s'est-on interrogé sur la manne financière que représenteront pour ADP les 30 % restants ? Personne aujourd'hui ne prend la peine d'estimer la valeur du patrimoine foncier légué par l'Etat à la société anonyme ADP.

Il est vrai que, dans un premier temps, l'Etat récupérera une partie des plus-values, en tant qu'actionnaire majoritaire d'ADP. Cependant, que se passera-t-il demain, lorsque l'Etat ne sera plus qu'un actionnaire parmi d'autres ? En effet, rien ne nous dit que les fermetures d'installations aéroportuaires interviendront dans les prochains mois. Quant aux engagements pris sur le maintien de l'Etat comme actionnaire majoritaire, ils ne nous convainquent pas, au regard du destin qu'ont connu les autres entreprises publiques dont le capital a été ouvert.

Par ailleurs, l'Etat entend tenir compte, pour le calcul de la plus-value, du coût de la remise en état des installations, consistant essentiellement en travaux de dépollution, effectuée par ADP. Sous quel prétexte de tels travaux devraient-ils être pris en compte ? Si la société anonyme ADP décide de fermer un aérodrome, non pour assurer au mieux des missions de service public, mais pour valoriser son patrimoine foncier, pourquoi l'Etat devrait-il participer indirectement au financement de la remise en état du site ? Le rapporteur pour avis de la commission des finances va d'ailleurs encore plus loin, puisqu'il considère que l'ensemble des plus-values réalisées à l'occasion de la cession de biens devront être « la propriété des actionnaires ».

Cette spoliation de l'Etat, quelle que soit son ampleur, est d'autant moins acceptable que le Gouvernement a mis en avant l'argument des contraintes liées à la situation des finances publiques pour écarter tout apport d'une dotation publique à l'entreprise aéroportuaire. D'un côté, le Gouvernement fait régresser les politiques publiques au nom des contraintes budgétaires, mais, de l'autre, il contribue à la fragilisation toujours plus grande des finances publiques par ses cadeaux aux marchés financiers.

Quoi qu'il en soit, en matière d'aménagement du territoire, les enjeux sont extrêmement importants. La gestion et la valorisation de certains terrains concernent nombre de communes riveraines des zones aéroportuaires. Cet élément est une source d'inquiétude pour les usagers et pour les élus.

Pourtant, il n'est fait nulle part mention des communautés aéroportuaires dans ce texte, alors que la loi portant création des communautés aéroportuaires comportait un principe intéressant de gouvernance des sites aéroportuaires, visant à ce que soient traitées simultanément toutes les questions relatives aux nuisances, aux transports, à l'emploi et à la formation, à l'aménagement du territoire et aux financements.

Pour toutes ces raisons, nous demandons la suppression de l'article 3.

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par MM. Billout et  Le Cam, Mmes Demessine et  Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Tout projet de fermeture par la société Aéroports de Paris de tout ou partie d'un aérodrome est soumis pour avis au conseil d'administration de la communauté aéroportuaire instituée par la loi n° 2004-172 du 23 février 2004 portant création des communautés aéroportuaires.

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Il s'agit, par cet amendement qui n'est pas de suppression, monsieur le rapporteur, d'insister une nouvelle fois sur la nécessaire entrée en application de la loi du 23 février 2004 portant création des communautés aéroportuaires. Les indispensables décrets d'application n'ont toujours pas été pris : pour quelles raisons ? Certaines lois ont connu une application beaucoup plus rapide.

Quelques méchantes langues prétendent, monsieur le secrétaire d'Etat, que les résultats des dernières élections régionales ont nettement réfréné la volonté du Gouvernement de donner plus de poids aux régions en matière de politique aéroportuaire...

M. Charles Revet. Ce sont vraiment de méchantes langues ! (Sourires.)

M. Michel Billout. Il serait vraiment dommage que le contexte politique du moment entrave la mise en oeuvre d'une loi structurante qui tend à démocratiser la gestion des aéroports. J'ai bien noté, monsieur le secrétaire d'Etat, que les décrets d'application étaient en préparation au Conseil d'Etat ; j'espère qu'ils n'y resteront pas trop longtemps.

La nouvelle structure des communautés aéroportuaires, qui associent les élus à la gestion des aéroports, devrait avoir toute sa place dans le projet de loi. Or il n'en est pas fait mention une seule fois ! Les sénateurs du groupe CRC souhaitent que les communautés aéroportuaires soient consultées et puissent formuler un avis sur tout projet de fermeture de tout ou partie d'aérodrome qui aurait de profondes incidences en termes d'aménagement du territoire.

Cet amendement me paraît de nature à renforcer la cohérence de votre texte, monsieur le secrétaire d'Etat.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Hélène Luc. M. Le Grand va être d'accord avec nous !

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. N'allez pas trop vite, madame Luc ! Je risque de vous décevoir, une fois de plus !

En ce qui concerne l'amendement n° 9, je voudrais dire à nos collègues du groupe socialiste que les cas de figure envisagés par M. Reiner ont été étudiés par la commission.

Que pourrait-il se passer en cas de dérapage, de sortie du cadre de l'épure dans lequel devra évoluer ADP ?

Je répondrai à nouveau, comme devant la commission, qu'un cahier des charges est prévu, ainsi qu'un contrôle de l'affectation des espaces gérés par ADP. Enfin, en cas de dérapage ou de sortie du cadre de l'épure que j'évoquais à l'instant, le Gouvernement aurait toujours la possibilité de retirer à ADP l'exploitation des aéroports.

Vous le voyez, monsieur Reiner, il existe quand même un certain nombre de garanties. Mais je reconnais que vous avez eu raison d'évoquer ce sujet, car cela me permet de vous apporter une réponse.

Des dérives auraient pu se produire, comme j'ai pu personnellement en constater aux Etats-Unis. Là-bas, quelqu'un m'a expliqué doctement qu'un aéroport était une grande surface commerciale avec une piste au milieu. Grâce à ce texte, ce type de dérive sera évité.

En ce qui concerne l'amendement n° 30, madame Luc, en réponse aux arguments que vous avancez, notamment sur la dévolution des affectations patrimoniales et plus exactement des plus-values, je vous rappelle que l'Etat reste propriétaire pour 70 %. Il est donc normal que 70 % des plus-values lui reviennent.

Quant aux 30 % restants, le calcul est simple à faire : l'Etat percevra 10 % au titre de l'impôt sur les sociétés et partagera pour moitié les 20 % restants avec ADP au titre des bénéfices. Au total, l'Etat percevra donc 90 % du montant des éventuelles plus-values. Je pense que cette précision est susceptible de calmer votre inquiétude en la matière.

Quant à vos autres remarques, j'estime qu'on peut aussi avoir confiance en l'avenir.

Je n'aurai donc pas la malice et encore moins la méchanceté - j'ai trop d'affection pour vous - de penser que vous avez des doutes sur la capacité de gestion d'une majorité différente de la nôtre... Mais le mieux est encore de faire confiance à l'actuelle majorité et de la renouveler ! (Sourires.)

S'agissant de l'amendement n° 31, monsieur Billout, je vais vous répondre sur les dispositions techniques de la loi portant création des communautés aéroportuaires. Sont visés simplement les aéroports qui enregistrent au moins 20 000 mouvements pour des avions de plus de vingt tonnes. Par conséquent, un certain nombre de plates-formes aéroportuaires ne sont d'ores et déjà pas concernées. Vous pouvez donc être rassuré.

Si je puis me permettre une petite coquetterie d'auteur, je rappelle que la proposition de loi portant création des communautés aéroportuaires, que j'ai déposée au Sénat en décembre 2003, a été votée conforme à l'Assemblée nationale en février 2004. Or je me souviens que, sur ce texte, le groupe communiste républicain et citoyen avait présenté deux motions de procédure. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Aujourd'hui, je constate qu'il s'abrite derrière cette loi et qu'il y fait référence. Je me réjouis de le voir enfin retrouver la voie de la raison !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement n'a pas, pour l'instant, l'intention de fermer les plates-formes d'ADP. Au demeurant, je le répète, cette décision relève bien de l'Etat.

S'il advenait qu'un aéroport ou un aérodrome d'importance secondaire de la région d'Ile-de-France devenait inutile, il y aurait lieu que l'Etat et ADP se rapprochent des collectivités locales afin de mener une concertation touchant à l'usage de ces terrains. Dans une région où les logements sociaux ne sont pas si nombreux, j'imagine que l'on pourrait fort opportunément consacrer une partie du foncier ainsi libéré à la construction de tels logements. Cette question, bien qu'importante, n'est cependant pas d'actualité immédiate.

En ce qui concerne l'excellente loi portant création des communautés aéroportuaires, monsieur Reiner, lorsqu'un décret en est au stade de l'examen par le Conseil d'Etat, cela signifie que sa parution est très proche. Ensuite, il ne restera plus qu'à le soumettre aux signatures. Le travail de préparation du texte d'application de la loi portant création des communautés aéroportuaires peut donc être considéré comme pratiquement terminé.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces trois amendements.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 9 et 30.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

Sous réserve des dispositions de l'article 2, l'ensemble des biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations de toute nature de l'établissement public Aéroports de Paris, en France et hors de France, sont attribués de plein droit et sans formalité à la société Aéroports de Paris. Cette attribution n'a aucune incidence sur ces biens, droits, obligations, contrats, conventions et autorisations et n'entraîne, en particulier, pas de modification des contrats et des conventions en cours conclus par Aéroports de Paris ou les sociétés qui lui sont liées au sens des articles L. 233-1 à L. 233-4 du code de commerce, ni leur résiliation, ni, le cas échéant, le remboursement anticipé des dettes qui en sont l'objet. Les conventions d'occupation temporaire du domaine public restent soumises jusqu'à leur terme au régime applicable précédemment au déclassement des biens concernés. La transformation en société anonyme n'affecte pas les actes administratifs pris par l'établissement public à l'égard des tiers.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 10 est présenté par MM. Reiner,  Desessard,  Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 32 est présenté par MM. Billout et  Le Cam, Mmes Demessine et  Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Daniel Reiner, pour présenter l'amendement n° 10.

M. Daniel Reiner. Nous sommes cohérents avec nous-mêmes. Dans la mesure où nous étions opposés à la transformation d'ADP en société anonyme, nous sommes contre la dévolution des biens de l'établissement public à cette société commerciale.

M. le président. La parole est à M. Michel Billout, pour présenter l'amendement n° 32.

M. Michel Billout. Il s'agit d'un amendement de conséquence. L'article 4 pose en effet le principe de la continuité juridique de tous les contrats, droits et obligations de l'établissement public ADP avant sa transformation en société anonyme. Tous les accords juridiques conclus avec des tiers sont donc garantis et transmis à la nouvelle société ADP.

Dans les conventions d'occupation domaniale signées à ce jour, certaines clauses sont particulièrement avantageuses pour l'établissement public en raison, principalement, de l'appartenance au domaine public des immeubles ou terrains concernés, à laquelle ce projet de loi met un terme.

Devenu société anonyme, ADP se voit non seulement attribuer un patrimoine foncier imposant, mais il conserve également des prérogatives de puissance publique, dont il a pu user lorsqu'il était établissement public et que les contrats portaient occupation du domaine public.

De plus, monsieur le secrétaire d'Etat, qu'en sera t-il de la sécurité juridique des actes dont vous parlez pour justifier cet article lorsque de nouveaux intérêts privés seront entrés dans le capital d'ADP ? J'ai bien compris que ce point ne vous préoccupait pas vraiment.

Une entreprise privée - ou en voie de privatisation, si vous préférez cette formule - respectera-t-elle les engagements pris par un établissement public ? La question mérite d'être posée, et la réponse est loin d'être évidente.

Le rapporteur de la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale a d'ailleurs, une nouvelle fois, fustigé les partisans d'un établissement public ADP. Selon son rapport, cela ne pourrait se faire qu'« au prix d'invraisemblables acrobaties juridiques ». Pourtant, quelques pages plus loin, il semble s'amuser du fait que, à la suite du déclassement, « il en résulte une situation juridique originale avec le maintien de conventions dont le régime juridique est spécifiquement lié à une caractéristique des biens qu'elles concernent, leur appartenance au domaine public, caractéristique qui a justement été perdue par ces biens. »

Le Gouvernement nous propose finalement un projet de loi avec un nouveau statut pour ADP, qui, en l'état actuel des choses, crée plus de problèmes qu'il n'en résout. C'est l'une des raisons de notre amendement de suppression.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Nous nous sommes déjà largement exprimés sur le fond. C'est la raison pour laquelle la commission se contente d'émettre un avis défavorable sur ces deux amendements plutôt que de prononcer un long discours. (Sourires.)

M. le président. Je pressentais votre avis défavorable, monsieur le rapporteur. (Nouveaux sourires.)

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Quelle vista !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Monsieur le président, je suis sûr que votre prescience vous aura également conduit à deviner l'avis défavorable du Gouvernement. (Sourires.)

Monsieur Billout, ADP ne peut pas être considéré comme une société en voie de privatisation, puisque le projet de loi prévoit explicitement le contraire. Quant à l'article 4, il assure tout simplement la stabilité juridique des actes. Il est donc particulièrement nécessaire.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 10 et 32.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 4.

(L'article 4 est adopté.)

Art. 4
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Art. 6

Article 5

I. - Les statuts de la société Aéroports de Paris et les modalités transitoires de sa gestion jusqu'à l'installation des différents organes prévus par les statuts sont fixés par décret en Conseil d'Etat. Ils sont modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes. Sauf stipulation contraire des statuts, la direction générale de la société est assurée par le président de son conseil d'administration.

II. - Le capital initial de la société est détenu intégralement par l'Etat. Les comptes du dernier exercice de l'établissement public Aéroports de Paris avant sa transformation résultant de l'article 1er sont approuvés dans les conditions de droit commun par l'assemblée générale de la société Aéroports de Paris. Le bilan au 31 décembre 2005 de la société Aéroports de Paris est constitué à partir du bilan au 31 décembre 2004 de l'établissement public Aéroports de Paris et du compte de résultat de l'exercice 2005.

III. - Nonobstant la transformation d'Aéroports de Paris en société anonyme, les administrateurs élus en application du 3° de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public restent en fonction jusqu'au terme normal de leur mandat et dans les conditions prévues par ladite loi. Jusqu'à cette date, l'effectif du conseil d'administration de la société Aéroports de Paris reste fixé à vingt et un membres et le nombre des représentants de chacune des catégories définies aux 1°, 2° et 3° de l'article 5 de la loi n° 83-675 du 26 juillet 1983 précitée reste fixé à sept.

IV. - Non modifié...................................................

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 33, présenté par MM. Billout et  Le Cam, Mmes Demessine et  Didier, M. Coquelle et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Yves Coquelle.

M. Yves Coquelle. L'article 5 vise à entériner la transformation juridique de la société ADP. Ainsi, les statuts de la nouvelle société seront fixés par décret en Conseil d'Etat et ils pourront être modifiés selon les règles applicables aux sociétés anonymes.

Il s'agit bien là d'un basculement vers le droit commun des sociétés, qui, il faut le répéter, constitue une première étape vers la privatisation d'ADP, même si, monsieur le secrétaire d'Etat, vous ne cessez de dire que cette entreprise ne sera pas privatisée. C'est vrai pour aujourd'hui, mais qu'en sera-t-il dans quelques années, voire dans quelques mois ?

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Par une autre majorité peut-être ?

M. Yves Coquelle. Je ne le pense pas !

Pour notre part, nous tenons au statut public, non par dogmatisme ou par manque de confiance en l'avenir, comme vous le prétendez, mais par pragmatisme. Car nous avons fait le constat que le marché est incapable de penser autrement qu'en termes de rentabilité et de profit maximum, laissant de côté toutes considérations d'intérêt général. En l'espèce, ces considérations sont fondamentales pour l'ensemble de la nation, car il s'agit d'aménagement du territoire, de préservation de l'environnement et de sûreté nationale.

La modernité, ce n'est pas le marché ! La modernité, c'est la construction de réponses adaptées aux nouveaux besoins des populations, parmi lesquels figurent plus de solidarité humaine et territoriale, plus de démocratie ...

En ce sens, en passant au statut de société anonyme, le fonctionnement d'ADP, notamment sa direction, perd de son caractère démocratique et citoyen. En effet, jusqu'alors, prévalait la loi du 26 juillet 1983 relative à la démocratisation du secteur public, qui prévoyait que sa direction était composée de sept représentants de l'Etat, de sept personnalités qualifiées et de sept représentants des salariés.

Je note que le projet de loi prend bien soin de maintenir le nombre de membres du conseil d'administration à vingt et un jusqu'au terme du mandat des représentants du personnel, qui ont été élus au printemps 2004. Ensuite, le conseil d'administration sera soumis au droit commun et composé de dix-huit membres. Si la loi de 1983 s'appliquait à ADP dès le changement de statut, les salariés - avec sept représentants sur dix-huit - seraient, à vos yeux, surreprésentés, ce que vous ne pouvez, bien évidemment, pas tolérer.

Aujourd'hui, le Gouvernement transfère un outil de la puissance publique des mains des citoyens à celles des actionnaires et, par voie de conséquence, le soumet à la logique du marché. Une telle loi est en contradiction avec les discours du Gouvernement en matière de décentralisation visant à rapprocher le pouvoir des citoyens.

En faisant d'ADP une société anonyme, c'est la démocratie qui recule ! Pour toutes ces raisons, nous vous demandons, mes chers collègues, de voter notre amendement de suppression de l'article 5.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par MM. Reiner,  Desessard,  Angels et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du II de cet article, supprimer le mot :

initial

La parole est à M. Daniel Reiner.

M. Daniel Reiner. Notre amendement pourrait être considéré comme un amendement de repli par rapport à celui de nos collègues du groupe CRC.

Monsieur le secrétaire d'Etat, vous l'aurez certainement remarqué, nous ne demandons pas la suppression de l'article 5. C'est d'ailleurs le premier article du projet de loi que nous ne souhaitons pas supprimer. En revanche, nous voudrions enlever un tout petit mot, je veux parler du terme « initial ».

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Ce n'est pas grand-chose ! (Sourires.)

M. Daniel Reiner. Si vous en étiez d'accord, nous obtiendrions ainsi une petite satisfaction dans ce débat.

Par ailleurs, j'aimerais savoir qui, selon vous, peut devenir actionnaire d'ADP.

Des interrogations se sont faites jour. On a même entendu des rumeurs. Air France s'est exprimée sur le sujet, mais la compagnie a déclaré qu'elle n'était pas véritablement intéressée. Pour autant, peut-on en déduire qu'aucune compagnie aérienne n'est intéressée ?

Imaginons qu'une compagnie aérienne, qui n'appartiendrait pas à l'alliance d'Air France, veuille devenir actionnaire d'un aéroport. Après tout, cette idée n'est pas totalement absurde. Ne se trouverait-on pas alors face à un conflit d'intérêt ?

Nous savons qu'Aéroports de Paris va, en quelque sorte, réguler les terminaux en fonction de ses possibilités. Si une compagnie aérienne était présente, le conflit d'intérêt serait évident. Pourtant, rien n'exclut que ce soit le cas !

Naturellement, vous êtes tous conscients que Roissy est le hub d'Air France ; il serait par conséquent désolant que ce texte puisse porter atteinte à la qualité du hub de notre compagnie qui, si elle n'est plus nationale, est tout de même un champion national et européen du transport aérien.

Qui peut être actionnaire d'ADP ? Une compagnie aérienne peut-elle le devenir ? Je sais que la question n'est pas immédiatement d'actualité, le ministre des finances s'étant exprimé sur le sujet en indiquant qu'il n'y avait pas d'urgence particulière à ouvrir le capital d'ADP - il est vrai que les circonstances ne seraient guère favorables...

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Hélas !

M. Daniel Reiner. Mais, dès lors que vous ne supprimeriez pas l'adjectif « initial », il serait possible que des entreprises privées souhaitent y mettre quelques capitaux ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 33, je veux tout d'abord saluer la persévérance de nos collègues dans leur logique ; dans le droit-fil de la logique de la commission, je suis pour ma part conduit à émettre un avis défavorable.

Vous faites de nouveau allusion à la sécurité et au statut du personnel. J'ai déjà eu l'occasion de vous répondre : dès lors que nous entrerions dans un système de concession, au terme de celle-ci, nous aurions les plus grandes incertitudes sur le devenir des personnels. Par conséquent, je ne reviens pas sur les argumentations qui ont été développées.

En ce qui concerne l'amendement n° 11, je tiens à dire à notre collègue Daniel Reiner combien j'admire - ici comme au sein du Conseil supérieur de l'aviation marchande aux destinées duquel j'ai l'honneur de présider - la subtilité et la qualité de sa connaissance de la langue française.

Un seul être vous manque et tout est dépeuplé, ou plutôt un seul mot viendrait à manquer dans le projet de loi et il serait vidé de son sens ! Si nous supprimions le mot « initial » - « juste un petit mot, ce n'est pas grand-chose », dites-vous - c'est bien l'ensemble du dispositif dont nous discutons qui s'écroulerait. Je me permets d'insister sur ce point !

M. Daniel Reiner. Ah bon, je ne l'avais pas remarqué ! (Sourires.)

M. Jean-François Le Grand, rapporteur. Je veux souligner la grande courtoisie qui a régné tout au long de nos débats ; c'est donc avec regret que je ne peux donner satisfaction à M. Reiner. En effet, l'amendement qu'il présente vise à supprimer l'un des dispositifs essentiels du projet de loi. La commission y est, par conséquent, défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. François Goulard, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement est également défavorable aux deux amendements. M. Reiner n'espérait pas sérieusement tromper notre vigilance avec son amendement supprimant le mot « initial » !

S'agissant de la composition du capital et de son ouverture future, il n'y a pas de disposition particulière, au demeurant assez difficile à formuler, dans ce texte. Il convient naturellement d'éviter les conflits d'intérêt. Le principe de non-discrimination figurant dans notre droit exclut les situations que vous semblez redouter. En effet, ADP se doit d'adopter un comportement parfaitement non discriminatoire à l'égard des compagnies aériennes. C'est un principe que nous pouvons, les uns et les autres, réaffirmer.

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli, pour explication de vote sur l'amendement n° 33.

M. Hugues Portelli. Je voudrais m'exprimer très modestement, en tant que sénateur d'un département - le même que M. Angels - dans le ciel duquel des avions passent toutes les dix secondes, de jour comme de nuit ! (M. Yves Pozzo di Borgo s'exclame.)

Puisque l'on parle de conflits d'intérêt, je veux évoquer un problème. Je raisonne non pas en termes marxistes...

M. Daniel Reiner. Nous non plus !

M. Hugues Portelli. ...de capital, mais plutôt en termes de sociologie américaine, de groupes de pression. Or, nous qui habitons sous les lignes aériennes d'Air France, nous sommes confrontés au lobby qui contrôle la direction générale de l'aviation civile, Aéroports de Paris et Air France.

M. Daniel Reiner. Quel lobby ?

M. Hugues Portelli. Leurs dirigeants sont en effet passés par les mêmes grandes écoles et sont solidaires. Voilà le vrai conflit d'intérêt auquel nous nous heurtons quand nous demandons la construction d'un troisième aéroport, la fermeture des aéroports la nuit ou l'arrêt des transports de fret sur Roissy ! Voilà le problème !

Alors, personnellement, je suis favorable au projet de loi dans la mesure où l'ouverture du capital permettra peut-être de mettre fin à ce lobby en intégrant d'autres personnes. Cela ne peut être pire que la situation que nous connaissons aujourd'hui !

M. Hugues Portelli. C'est pour cette unique raison que je soutiens le projet de loi. (M. Yves Pozzo di Borgo applaudit.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)