Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Rappel au règlement

Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par Mme Le Texier, MM. Godefroy et Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale après déclaration d'urgence, habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi (n° 454, 2004-2005).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier, auteur de la motion.

Mme Raymonde Le Texier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec un chômage qui frappe plus de 10 % de sa population active, la France se classe au vingt et unième rang de l'Union européenne en matière d'emploi. Triste bilan pour un Président de la République qui avait fait de la réduction de la fracture sociale son slogan de campagne !

Depuis trois ans, de réforme en réforme, la situation ne cesse de se dégrader : croissance en berne, salaires en panne, précarité en hausse. La potion libérale, faite d'atteintes au droit du travail, d'allégement de charges pour les entreprises et de flexibilité pour les salariés, ne fait qu'empirer la situation.

Cela importe peu à un gouvernement qui préfère l'acharnement thérapeutique à la prise en compte réelle des difficultés du pays et du désespoir des Français.

Et ce n'est pas ce « plan emploi », qu'on leur assène à grands coups d'ordonnances, qui rendra aux Français foi en l'avenir et confiance en leurs dirigeants !

Sans envergure sociale, sans ambition économique, sans perspectives industrielles et sans portée politique, il s'appuie sur la peur du chômage pour saper les protections du salarié et faire de la précarité l'ultime mode de gestion des ressources humaines.

L'instauration de la période d'essai de deux ans en est l'illustration la plus caricaturale, la plus grinçante, à vrai dire la plus scandaleuse.

Mais, avant de se plonger dans l'examen de ces mesures, il est bon de s'attarder sur la méthode choisie.

Fort de sa toute nouvelle conscience des enjeux, le Gouvernement veut frapper vite et fort. Il n'a pas de vision d'avenir, pas de stratégie politique, pas de soutien dans la population. Qu'à cela ne tienne ! Son empressement lui tiendra lieu de détermination, sa vacuité, d'ouverture d'esprit, et son désordre, d'absence de préjugés. Tout cela peut éventuellement constituer un plan de communication. Quant à fonder une politique pour l'emploi, ce n'est vraiment pas sérieux !

C'est même plus que désinvolte à l'égard des Français : depuis trois ans, de désaveu en sanctions électorales, ils vous font part de leur malaise et de leur détresse, mais vous ne leur renvoyez que votre indifférence... Or, subitement, en l'espace de quelques semaines, vous proposez un plan pour l'emploi clefs en main, un plan dont vous êtes apparemment si sûr que vous choisissez de le passer en force, au mépris des organisations syndicales et des parlementaires.

Vos seuls arguments pour justifier une telle méthode : l'urgence et l'obligation de résultats. Vos moyens d'actions : la destruction du code du travail, la mise sous pression des salariés, la précarisation des contrats et la culpabilisation des chômeurs.

Pourtant, dans un pays où la croissance peine à atteindre 1,5 %, où 1,2 million de personnes sont au RMI, où 70 % des embauches se font en CDD, où la dette publique dépasse 65 % de la richesse nationale, où les mêmes disposent de tous les pouvoirs depuis trois ans, il nous semble qu'il conviendrait de s'interroger sur le bien-fondé des propositions qui nous sont faites avant de s'empresser de les mettre en oeuvre.

Dans la précipitation, monsieur le ministre, auriez-vous oublié que l'efficacité d'une réforme tient moins à la célérité de sa mise en oeuvre qu'à l'adhésion qu'elle rencontre, que la rapidité s'exerce au détriment de la confiance, qu'à trop mépriser le Parlement on porte atteinte à la démocratie représentative, et qu'à systématiquement contourner les syndicats c'est le dialogue social que l'on méprise, en instituant l'affrontement comme seul mode de communication ?

En faisant le choix de procéder par ordonnance et en refusant au Parlement et aux partenaires sociaux de jouer leur rôle, ce sont les citoyens que l'on ignore et les salariés que l'on exclut.

Sur un sujet comme l'emploi, préoccupation première des Français, la procédure des ordonnances n'est pas seulement maladroite, elle est contre-productive. On ne refonde pas un contrat social en disant aux citoyens : « Restez chez vous, je m'occupe de tout », surtout avec un tel bilan !

De quoi avez-vous donc peur pour procéder ainsi par ordonnances ? Si vos mesures sont crédibles, alors convaincre l'opinion de leur bien-fondé, c'est leur procurer cette adhésion populaire qui est le levier du changement, le gage de sa réussite et la garantie de sa pérennisation.

En revanche, si vos mesures sont discutables, si derrière les beaux discours se trament de basses manoeuvres, il s'agit moins de répondre à la problématique de l'emploi que de l'utiliser pour achever la déréglementation du marché et dépouiller les salariés de la plupart de leurs droits. Le passage en force est alors la solution.

C'est cette dernière que vous avez choisie, qui ne peut que jeter la suspicion sur vos intentions et le doute sur vos véritables objectifs.

L'échec du référendum vous a permis de prendre la mesure de la colère des Français, mais il ne semble pas que vous ayez perçu la réalité de leur demande. Vous vivez dans le même pays, mais manifestement pas dans le même monde.

Les difficultés qu'ils affrontent s'étendent bien au-delà du problème du chômage, elles concernent autant l'état de leur fiche de paie que leurs conditions de travail et les atteintes portées aux droits et au statut des salariés.

Vous choisissez de ne prendre en compte qu'un seul de ces éléments, le chômage. Certes, le problème est d'importance. Mais croyez-vous vraiment que, en proposant des contrats plus précaires, en décomptant des effectifs les salariés de moins de vingt-six ans, vous favoriserez l'augmentation de la consommation ?

En réalité, le marché du travail dépend davantage de l'état des carnets de commandes que de la mise en place d'un énième type de contrat de travail, d'un énième cadeau aux entreprises. Cela, les Français le savent parfaitement et, ce qui est plus grave, vous le savez parfaitement vous aussi !

Ce que nos concitoyens ont dit le 29 mai dernier est simple : « On n'en peut plus de vivre comme cela,... »

M. Roland Muzeau. C'est sûr !

Mme Raymonde Le Texier. « ... on n'en peut plus des fins de mois qui arrivent de plus en plus tôt, on n'en peut plus de répondre toujours non à nos enfants, on n'en peut plus de voir la pression du chômage récupérée pour aggraver nos conditions de travail et maintenir des salaires bas. »

Ce sont là des propos que je n'interprète pas : nous sommes nombreux à les entendre tous les jours.

Mais ce que prévoit le projet de loi vous habilitant à prendre par ordonnance des mesures urgentes en faveur de l'emploi est également très simple, voire simpliste : pour vous, ce qui freine l'embauche dans ce pays, ce n'est pas l'atonie de la demande, l'absence d'investissements des entreprises, une répartition des richesses qui privilégie massivement l'actionnaire au détriment des salariés et du développement même de l'industrie, mais ce sont uniquement les rigidités du code du travail.

Depuis le temps que l'on se sert de cette même rengaine pour justifier la précarisation du travail et alléger la participation des entreprises à la solidarité nationale, force est de constater qu'elle s'est davantage traduite par une augmentation des bénéfices des sociétés que par une croissance du nombre des embauches.

Mme Raymonde Le Texier. Pis, même si les entreprises savent réclamer des aides, elles peuvent facilement se dispenser de remplir leur part du contrat tant le Gouvernement répugne à leur appliquer des sanctions.

Finalement, pour cette majorité, les crises économiques ont au moins une vertu : elles permettent de porter atteinte aux règles qui régissent le travail tout en prétendant défendre un modèle de protection sociale, le tout au nom de l'intérêt général.

Les trois mesures phares de ce plan pour l'emploi illustrent cette loi du genre.

Ainsi, il est créé un contrat « nouvelles embauches » avec une période d'essai de deux ans, une sorte de CDI avec sursis. Tout en plaçant le salarié dans une situation fragile et inconfortable, cette innovation permet de ne pas verser à ce dernier une indemnité de précarité puisque son contrat ne comporte pas de terme fixé.

Dans l'état actuel du texte, durant la période d'essai, le licenciement peut avoir lieu sans qu'il soit motivé, et il n'ouvre droit à indemnité. Ce fait a été confirmé par le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes, lors des débats à l'Assemblée nationale : « Dans le cas d'un contrat "nouvelles embauches", comme c'est déjà le cas en période d'essai, il n'y aura pas obligation de motiver. »

Cela révèle à quel point l'objectif de cette prétendue période d'essai n'est plus d'évaluer les compétences professionnelles du salarié, mais bien de faciliter la rupture de tout contrat de travail.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non ! Il s'agit de faciliter l'embauche !

Mme Raymonde Le Texier. C'est le permis de licenciement sec, dont le MEDEF rêvait. C'est tellement énorme que vous envisagez de faire des propositions, notamment en matière d'indemnités !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Raymonde Le Texier. Mettre le salarié à la merci de l'employeur et faire fi de la protection juridique qu'est censée apporter l'existence d'un contrat de travail, tel est l'effet le plus évident de cette proposition. En revanche, son impact sur la relance de l'emploi est d'autant moins prouvé que, avec 70 % des embauches d'ores et déjà réalisées sous forme de CDD, il y a bien longtemps que les employeurs ont trouvé les moyens de contourner les contraintes liées au CDI.

Qui plus est, l'institution de ce contrat « nouvelles embauches » est une aberration politique.

Aux Français qui réclament plus de sécurité et de stabilité, on répond en accroissant leur fragilité et en rognant leurs garanties. Ils ont peur de devenir des « travailleurs pauvres » ? On crée des contrats de travail qui instituent cette dérive. Ils ressentent la pression du chômage comme la dégradation de leurs conditions de travail ? On les dépouille de leurs droits pendant deux ans.

Avec ce système, certains salariés risquent d'être à l'essai toute leur vie. On leur enlève ainsi le droit de se projeter dans l'avenir. Car, monsieur le ministre, si vous ne savez pas que, pour obtenir un logement ou un crédit, il faut avoir un emploi stable et présenter une garantie de revenu, c'est que vous n'avez probablement jamais eu besoin ni de logement ni de crédit.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mais si !

Mme Raymonde Le Texier. Ce plan pour l'emploi constitue un pas supplémentaire dans le processus de démantèlement du droit du travail. Les lois Fillon, la loi de modernisation sociale, les mesures d'aménagement du temps de travail ont déjà largement taillé dans les garanties collectives liées au paritarisme et mis à mal les garanties individuelles liées au contrat de travail. Les ordonnances poursuivent cette offensive.

J'aborderai maintenant le cas des secteurs qui connaissent des difficultés de recrutement. Il illustre parfaitement les incohérences de ce système et l'inadaptation du plan pour l'emploi à la réalité.

Le secteur de la restauration-hôtellerie en est l'exemple parfait. Voilà une branche où, comme c'est le cas du BTP, un nombre significatif d'offres d'emploi ne trouve pas preneur. Or, quand un pays compte plus de 10 % de sa population active au chômage, la situation paraît pour le moins paradoxale.

Mais, lorsque l'on se penche de plus près sur les rémunérations et les conditions de travail, on s'étonne plutôt que les difficultés de recrutement ne soient pas plus accentuées encore.

Selon le syndicaliste Rémy Jouan, dans ces secteurs, « même les cadres ont les premiers échelons de salaire au-dessous du SMIC ! Et les patrons viennent pleurer parce qu'ils ne trouvent pas de jeunes à embaucher ».

Au lieu d'affronter les causes mêmes de ces difficultés et de rendre ainsi ces métiers plus respectueux des salariés et plus attractifs, vous vous bornez, monsieur le ministre, à proposer aux jeunes un crédit d'impôt.

Or, comme les exonérations sociales patronales sous plafond de salaire, le crédit d'impôt accordé aux salariés sous-payés constitue une prime aux bas salaires, une subvention aux employeurs, dont l'effet essentiel est de les inciter à continuer de pratiquer des rémunérations faibles. Cela revient à faire subventionner le maintien des bas salaires par la collectivité. Bref, c'est une mesure qui induit plus d'effets pervers qu'elle n'apporte de réponses.

Enfin, à travers la politique d'allégement de cotisations sociales comme de versement d'aides directes, on demande à la collectivité de prendre en charge ce qui relève de la responsabilité de l'entrepreneur.

Outre les effets pervers déjà dénoncés - trappe à bas salaire, manque à gagner pour la sécurité sociale et le budget de l'Etat, effets d'aubaine -, l'absence de contreparties dans certains secteurs d'activité rend la pilule difficile à avaler pour l'ensemble des Français. Ces allégements s'élèvent à 18 milliards d'euros dans le budget de 2005 ! Au vu des résultats obtenus sur le marché de l'emploi, on pourrait remettre en cause cette vache sacrée du patronat, au nom de l'absence de rentabilité de la mesure.

A titre d'exemple, le secteur de la restauration a obtenu du Gouvernement des avantages substantiels en attendant que l'Union européenne accepte que l'on applique un taux de TVA réduit à 5,5 %.

Alors que cette branche a touché des aides à l'emploi à hauteur de 1,5 milliard d'euros, ses engagements, qu'ils soient en matière d'embauche ou d'amélioration des salaires, n'ont pas été tenus. Vous vous en êtes d'ailleurs officiellement indigné, monsieur le ministre, en affirmant : « les hôtels-cafés-restaurants ont bénéficié d'un soutien exceptionnel de l'Etat ; il n'est pas acceptable que ces efforts soient préemptés par les entreprises sans contrepartie pour les salariés ».

Quant à moi, je n'en suis pas vraiment étonnée : lors de la discussion du projet de loi de programmation pour la cohésion sociale, j'avais, à cette même tribune, indiqué que cela finirait exactement de cette façon. M. Borloo s'était alors indigné de mon esprit soupçonneux et de mon attitude négative...

Alors, que va faire l'Etat ? Rien ! Le conditionnement des aides publiques au respect des engagements en matière d'emploi et de salaire est évoqué à chaque fois que le scénario se reproduit ; mais, à force d'entendre des paroles qui ne sont pas suivies d'effets, on peut penser que, pour certains, exhiber une indignation exonère de prendre une réelle décision.

Un autre symbole choquant est le fait de ne pas prendre en compte certaines catégories de personnels dans le décompte des effectifs.

Dans le cas des jeunes âgés de moins de vingt-six ans, le message sous-jacent est explicite : « Tu ne comptes pas ! » Belle déclaration à une jeunesse qui doute !

La question se pose alors : après vingt-six ans, quand ils deviennent comptabilisables, est-il intéressant pour l'entreprise de les garder ? Nous connaissons déjà tous la réponse, et vous la connaissez aussi bien que nous, monsieur le ministre ! Non, ils ne seront pas gardés puisque l'un des intérêts de cette mesure est de dispenser les employeurs de respecter la législation en matière de représentation du personnel.

Décidément, à défaut de répondre aux aspirations des citoyens, ce gouvernement ne sait plus que faire pour combler le MEDEF.

Quand on rapproche cette question de celle des seniors que l'on renvoie chez eux passé cinquante-cinq ans, on se demande qui, dans cette société, est considéré comme un travailleur à part entière.

Que le travail soit une valeur, on vient à en douter tant l'évolution de la législation en fait un produit jetable à consommation immédiate et à faible valeur ajoutée.

Même des personnes aussi peu soupçonnables de gauchisme que MM. Camdessus, Cahuc et Kramarz ont compris qu'on ne pouvait réclamer la flexibilité de l'emploi sans proposer, en échange, le renforcement de certaines garanties sociales.

Nous n'avons sans doute pas la même définition de ce que devrait être une sécurité sociale professionnelle, mais au moins le concept leur est connu.

Dans le plan d'urgence du Gouvernement, si la flexibilité se taille la part du lion, la référence au concept de sécurité a complètement disparu. Ainsi, non seulement les mesures annoncées apparaissent inadaptées face aux enjeux, mais surtout les réponses apportées ne sont que dogmatiques : c'est la bible de l'ultralibéralisme qui les sous-tend.

C'est pourquoi ces propositions suscitent plus l'angoisse qu'elles n'y répondent. Or, sans confiance populaire, toute réforme échoue et tout projet s'enlise.

De plus, en précarisant encore les classes moyennes, monsieur le ministre, vous porterez la responsabilité de l'éclatement de la société salariale dans la crise de régime à laquelle vous êtes confronté.

Pour notre part, la seule question qui se pose vraiment aujourd'hui est la suivante : comment arrêter de fabriquer de la pauvreté ? Mais, pour vous, le seul enjeu qui vaille se résume à gommer encore la frontière entre travail et exploitation. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission a émis un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

Mme Raymonde Le Texier a longuement parlé de la procédure des ordonnances ; je ne reviendrai pas sur cette question, car nous en avons largement débattu ce matin et chacun a pu s'exprimer.

La commission estime que le projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre par ordonnance des mesures d'urgence en matière d'emploi apporte des réponses concrètes et pragmatiques au problème du chômage et souhaite donc que le débat s'engage sur tarder.

Comme je l'ai déjà dit - mais je le répète -, notre droit du travail a besoin d'être rénové. C'est pourquoi nous accueillerons favorablement la mesure phare du plan pour l'emploi, à savoir le contrat « nouvelles embauches », ainsi que les autres dispositions du texte.

M. Alain Gournac, rapporteur. Enfin, ma chère collègue, j'ai le sentiment que l'opposition considère que la seule cause du chômage réside dans un problème de demande, et qu'il suffirait de relancer la demande pour baisser le chômage. La réalité, c'est que le chômage se maintient à un niveau élevé depuis vingt ans quelle que soit la conjoncture. Il existe donc des causes structurelles, auxquelles ce projet de loi entend s'attaquer.

C'est pourquoi, je le confirme, la commission émet un avis défavorable sur la motion tendant à opposer la question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 1, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Rappel au règlement

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Art. 1er (début)

M. le président. La parole est à M. Roland Muzeau, pour un rappel au règlement.

M. Roland Muzeau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon rappel au règlement concerne l'exercice des droits du Parlement et la poursuite de nos travaux.

Mon amie Nicole Borvo et moi-même avons souligné le mépris indécent du Gouvernement à l'égard des assemblées parlementaires. Le recours à la procédure des ordonnances pousse à son paroxysme une attitude du pouvoir exécutif à l'égard d'un pouvoir législatif ravalé au rang de chambre d'enregistrement. L'avalanche législative qui rend obsolète toute velléité de débat approfondi, la multiplication du nombre de sessions extraordinaires opportunes pour imposer au Parlement et au peuple des mesures ultralibérales et conservatrices pendant l'été et, plus généralement, l'utilisation des armes de la Ve République qui brident la démocratie, tout cela a privé petit à petit le Parlement de sa puissance originelle due à la représentation populaire.

Cette dérive apparaît aujourd'hui inacceptable après le vote historique des Françaises et des Français le 29 mai dernier, et les débats que nous avons eus ce matin montrent le décalage gigantesque qui existe entre le peuple et la majorité parlementaire.

Outre le fait d'avoir rejeté un modèle libéral, déshumanisé, de l'Europe, les Français ont exprimé une soif de démocratie. A trois reprises, en 2002, en 2004, puis lors du référendum, ils ont porté l'exigence d'une autre politique, d'une autre manière de faire de la politique. Nos compatriotes veulent décider, ils veulent prendre leur destin en main pour changer la vie, pour changer leur vie, pour changer le monde.

Comment répondez-vous à ces préoccupations, monsieur le ministre, mesdames, messieurs de la majorité parlementaire ? En décrétant une parodie de débat pour imposer, une nouvelle fois, toujours et encore, des mesures qui ne sont pas au service des plus défavorisés, mais au service du patronat.

Il faut rompre avec une telle tartufferie. Ne laissons pas croire que le Parlement s'inscrit dans une telle dérive, qui élargit chaque jour le fossé entre les représentants et les représentés.

Pour notre part, nous avons décidé d'affirmer clairement, sans ambiguïté, notre désaccord fondamental avec une telle procédure, que rien ne justifie. Votre gouvernement est disqualifié pour nous parler d'urgence, alors que le chômage sévit depuis trente ans.

Mme Hélène Luc. Absolument !

M. Roland Muzeau. Plus globalement, votre conception dangereuse des institutions porte en elle la colère, la désillusion, le fatalisme. Ne nous parlez pas d'urgence quand, depuis trois ans, votre politique a délibérément cassé l'emploi et l'économie !

En clair, nous ne mangeons pas de ce pain-là !

Le groupe communiste républicain et citoyen, qui a toujours mené un combat actif et rude contre les projets de loi conservateurs, qui affiche toujours, comme aujourd'hui, une présence forte, constructive et reconnue dans l'hémicycle, a décidé de ne pas déposer d'amendement sur un texte qui vise à confier les pleins pouvoirs au Gouvernement et, en toute logique, il a pris la décision de se retirer de ce simulacre de débat.

Nous vous laissons donc continuer sans nous, monsieur le ministre, mes chers collègues, cette parodie de débat et cette discussion vaine, dont l'objet essentiel est de retirer au Parlement sa compétence, pour mieux enfoncer le clou libéral.

En agissant ainsi, nous portons la voix des travailleurs, ceux de Nestlé, de Sediver, de ST Microélectronique, de la Française de Mécanique, de La Samaritaine et de tant d'autres encore. Leur combat est le nôtre ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

(Les membres du groupe CRC se lèvent et quittent l'hémicycle.)

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Art. 1er (interruption de la discussion)

Article 1er

Dans les conditions prévues par l'article 38 de la Constitution, le Gouvernement est autorisé à prendre par ordonnance toute mesure visant à :

1° Favoriser l'embauche dans les entreprises et organismes mentionnés au premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail et n'employant aucun salarié ou n'employant qu'un petit nombre de salariés, par l'institution d'un contrat de travail sans limitation de durée comportant pendant une période déterminée des règles de rupture et un régime indemnitaire spécifiques ;

2° Prévoir, pour les salariés dont le contrat mentionné au 1° a été rompu, un revenu de remplacement adapté à leur situation ;

3° Alléger, pour les employeurs occupant moins de vingt salariés ou atteignant ou dépassant cet effectif, les effets financiers résultant de l'application des articles L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales, L. 313-1 du code de la construction et de l'habitation, L. 834-1 du code de la sécurité sociale, L. 951-1 du code du travail et 235 ter EA du code général des impôts, moyennant une compensation par l'Etat de la diminution éventuelle des ressources pour les bénéficiaires des versements et contributions institués par les articles susmentionnés ;

4° Aménager les règles de décompte des effectifs utilisées pour la mise en oeuvre de dispositions relatives au droit du travail ou d'obligations financières imposées par d'autres législations, pour favoriser, à compter du 22 juin 2005, l'embauche par les entreprises de salariés âgés de moins de vingt-six ans ;

5° Mettre en place dans les institutions de la défense, par aménagement des textes législatifs appropriés, notamment le code de la défense, le code du service national, la loi n° 2005-270 du 24 mars 2005 portant statut général des militaires et la loi n° 99-894 du 22 octobre 1999 portant organisation de la réserve militaire et du service de défense, et en s'inspirant du modèle relatif à la formation professionnelle des volontaires stagiaires du service militaire adapté en vigueur outre-mer, un dispositif d'accompagnement et d'insertion sociale et professionnelle des jeunes en difficulté leur permettant l'obtention de diplômes ou titres professionnels et assorti d'un statut adapté aux exigences particulières de cette formation ;

6° Permettre aux très petites entreprises d'utiliser un dispositif simplifié pour leurs déclarations d'embauche ainsi que pour leurs déclarations relatives au paiement des cotisations et contributions sociales de leurs salariés, et pouvant, le cas échéant, servir de titre de paiement ;

7° Supprimer les limites d'âge applicables au recrutement dans la fonction publique de l'Etat, la fonction publique territoriale et la fonction publique hospitalière, y instituer une nouvelle modalité de recrutement pour l'accès des jeunes de moins de vingt-six ans aux corps et cadres d'emploi de catégorie C par la voie d'une formation en alternance conduisant à la titularisation après vérification des aptitudes professionnelles, et prévoir une exonération de cotisations sociales pour les personnes recrutées par cette procédure ;

8° Instituer une mesure fiscale :

a) En faveur des personnes inscrites comme demandeurs d'emploi depuis plus d'un an et titulaires de certains avantages sociaux non contributifs accordés sous condition de ressources, qui créent ou reprennent une entreprise, ou qui sont recrutées pour occuper un emploi dans une entreprise ;

b) Encourageant les jeunes de moins de vingt-six ans à occuper un emploi dans certains secteurs professionnels connaissant des difficultés de recrutement ;

9° Adapter les ordonnances prises en application des 5°, 6° et 8° aux départements d'outre-mer et à Saint-Pierre-et-Miquelon ; rendre applicables à Mayotte, en les adaptant, les ordonnances prises en application des 1° à 7° appropriées à l'organisation particulière de cette collectivité.

M. le président. Je suis saisi de vingt-huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 2, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Les six ordonnances qui seront prises en application de cet article 1er constituent le plan d'action du Gouvernement pour l'emploi. Elles sont censées être la première étape « du retour à la confiance et à la croissance », pour reprendre les termes mêmes du Premier ministre.

Si nous ne pouvons que rendre hommage à cette volonté - certainement réelle chez M. de Villepin -, notre rôle de parlementaires est d'examiner les moyens de la politique qui nous est proposée et de déterminer s'il y a bien adéquation entre les intentions affichées et les moyens.

D'emblée, deux problèmes se posent.

D'une part, la procédure des ordonnances nous dessaisit sur le fond, alors que ces questions méritent un débat approfondi. C'est un regret qui s'exprime à plus ou moins haute voix sur toutes les travées : la politique économique et la politique de l'emploi - si toutefois cette dernière existe ! - ne doivent pas être traitées dans des arrière-cuisines, elles doivent faire l'objet d'un débat public, en termes clairs, dans lequel la représentation nationale doit prendre toute sa place et grâce auquel les Français peuvent se faire une opinion. En effet, nous ne devons jamais perdre de vue que ces questions concernent au premier chef tous nos concitoyens.

D'autre part, depuis ce malencontreux référendum sur le projet de Constitution européenne, chacun connaît le prix du déficit démocratique. Il serait infiniment regrettable que, au niveau national, nous prenions le même chemin. Telle est pourtant la crainte qui commence à s'exprimer aujourd'hui avec de plus en plus de force. Et les résultats des dernières consultations électorales ne peuvent d'ailleurs que renforcer cette inquiétude ! Voilà qui rend assez dangereuse la procédure des ordonnances, que le Gouvernement utilise de manière excessive en matière économique et sociale.

En outre - et ce sont des questions d'importance -, y a-t-il adéquation entre les intentions et les moyens ? Les moyens traduisent-ils les intentions réelles ?

Que prévoit l'article 1er, sinon un nouveau contrat de travail censé mettre un terme aux appréhensions des employeurs dans les petites entreprises mais qui se traduit, de fait, par des dérogations nouvelles aux seuils d'effectifs, par des allégements - ou des exonérations : à dire vrai, nous n'en savons rien ! - de contributions des entreprises aux dispositifs d'aide au logement, au transport et à la formation professionnelle, par la généralisation du chèque-emploi service aux entreprises et par des primes pour les chômeurs de longue durée et pour les jeunes qui acceptent un emploi dans une branche déficitaire dans ce domaine ?

Voilà les mesures que vous proposez réellement !

Deux autres dispositions - l'insertion des jeunes en difficulté dans les institutions de défense et le recul de la limite d'âge pour entrer dans la fonction publique d'Etat - étaient déjà en préparation et ne relèvent pas de l'initiative du Premier ministre. Nous y reviendrons.

S'agissant de vos propositions, peut-on considérer qu'il s'agit d'une politique de l'emploi, ou même de mesures pour l'emploi ? Absolument pas !

Peut-on même dire qu'il s'agit d'une politique pour les entreprises ? Ce n'est même pas certain !

Personnellement, j'ai été très étonné, lors de l'audition par la commission des affaires sociales du représentant de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, de voir celui-ci manifester aussi peu d'enthousiasme. Je m'attendais de sa part à une chaleureuse approbation de votre dispositif. Sans parler à sa place, je me bornerai à dire que ce ne fut pas exactement le cas... Les petits entrepreneurs me semblent plus préoccupés par le prix des matières premières, le dumping international et les charges fiscales et sociales - que l'on soit d'accord ou pas avec eux sur ce dernier point -, que par de nouveaux dispositifs qui leur apparaissent comme de nouvelles trouvailles technocratiques.

Ce que nous voyons, en réalité, dans le texte qui nous est soumis, c'est un assemblage traditionnel de mesures contre le droit du travail, réclamées depuis des années par le MEDEF et mises en musique par des idéologues et experts dont la compétence première est la soumission absolue à l'ultralibéralisme.

Aucune de ces mesures n'est de nature à créer les emplois qualifiés dont notre pays a besoin. Aucune de ces mesures n'est de nature à favoriser le développement de la formation, de la recherche, de l'investissement productif ou à créer un environnement propice à la création d'entreprises. Vous vous bornez à gérer au fil de l'eau et à bricoler des systèmes non financés pour alléger les statistiques du chômage.

Votre politique de l'emploi se résume à attendre que les enfants du baby-boom parviennent à l'âge de la retraite et à vous soumettre aux injonctions de quelques institutions internationales supposées nous ramener la croissance.

Nous avons examiné le texte de programmation pour la cohésion sociale, qui feint de recréer dans la précipitation les centaines de milliers d'emplois aidés que vous avez détruits, puis le texte relatif au développement des services à la personne et à diverses mesures en faveur de la cohésion sociale, qui précarise tout ce secteur.

Nous voici devant un projet de précarisation généralisée, de limitation des droits sociaux et de poursuite de la baisse des revenus salariaux. Il est le reflet d'une absence de projet collectif pour notre pays. C'est également le dernier avatar d'un projet de société fondé sur l'inégalité des statuts et des conditions de travail.

Pour toutes les raisons que je viens d'indiquer, nous sommes en totale opposition avec ce projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi, et nous demanderons un scrutin public sur cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 3, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le deuxième alinéa (1°) de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez pu constater que j'ai défendu le précédent amendement rapidement, afin de ne pas dépasser le temps de parole qui m'était imparti.

Avec votre accord, monsieur le président, et de façon très exceptionnelle, je présenterai plus longuement cet amendement n° 3, car il sera pour moi l'occasion de poser sept questions à M. le ministre. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Mais, par la suite, rassurez-vous, je serai beaucoup plus raisonnable !

M. le président. Nous vous faisons confiance, mon cher collègue !

M. Jean-Pierre Godefroy. Le deuxième alinéa de l'article 1er est la mesure emblématique, la plus attendue et la plus commentée, de votre projet de loi d'habilitation et porte création du contrat « nouvelles embauches », le CNE. II faut reconnaître que vous donnez matière à critique, monsieur le ministre !

Demeurées opaques dans un premier temps, les modalités de ce contrat « nouvelles embauches » apparaissent, à l'issue du débat à l'Assemblée nationale, de façon beaucoup plus nette. II s'agit d'une nouvelle étape dans la réalisation de votre objectif réel, la précarisation du salariat, que nous combattons depuis 2002.

Ne disposant d'aucun texte précis, nous avons dû nous résoudre, monsieur le ministre, à nous pencher avec une attention particulière sur les réponses que vous avez faites à nos collègues députés, notamment à Mme Martine Billard, à M. Gaëtan Gorce et à M. Alain Vidalies. Je tiens à rendre hommage à leur opiniâtreté, qui vous a obligé à dévoiler le contenu, et donc la nature véritable de ce projet. Mais je tiens aussi à répéter que ces procédés ne sont pas convenables de la part du Gouvernement : il s'agit d'un manque de respect manifeste à l'égard de la représentation nationale, contraire au fonctionnement normal d'une démocratie adulte.

Monsieur le ministre, vous avez été parlementaire dans cette assemblée et, s'il m'est permis de le dire, vous y avez été un sénateur actif et ouvert au dialogue. Vous ne pouvez donc pas ne pas être sensible à notre position.

Il est vrai que, quand on étudie attentivement le texte du Gouvernement et toutes ses implications, on comprend que vous ayez préféré éviter la consultation des partenaires sociaux et le débat parlementaire !

Le contrat « nouvelles embauches » n'est donc en rien un contrat à durée déterminée, puisqu'un CDD est assorti de garanties, il comporte un début et une fin, il se conclut par une indemnité de précarité. De plus, le licenciement du salarié en CDD ne peut intervenir pendant la durée du contrat, sauf faute lourde, ce qui implique, de fait, que le licenciement soit motivé.

Sur le plan strictement formel, le CNE sera un CDI. Mais, comme l'a indiqué le Premier ministre et malgré certaines semi-dénégations embarrassées de sa part, ce sera bien un CDI comprenant une période d'essai de deux ans, ouvert à toutes les entreprises du secteur privé ou, plus exactement, si je me réfère au premier alinéa de l'article L. 131-2 du code du travail, à tous les organismes non publics, aux associations, ainsi qu'aux particuliers, puisque les employés de maison sont mentionnés.

Monsieur le ministre, qu'en est-il exactement ? C'est ma première question.

Qu'il s'agisse d'une entreprise ou d'un particulier, le CNE ouvrira droit à toutes les exonérations de cotisations sociales patronales existantes, et le salarié pourra être payé par chèque-emploi-service universel.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous confirmer ce point ? C'est ma deuxième question.

Pour le moment, ce contrat, qui ne devait au préalable être accessible qu'aux employeurs de moins de onze salariés, sera ouvert aux employeurs de moins de vingt salariés. M. Dutreil a déjà annoncé qu'il ne voyait pas pourquoi ce seuil ne serait pas porté à cinquante salariés. Quant à la nouvelle présidente du MEDEF, Mme Parisot, dont nous saluons par courtoisie l'élection, elle a déclaré souhaiter que le CNE prenne une nouvelle ampleur. Autant considérer tout de suite que la messe est dite, si vous me permettez l'expression !

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire si vous envisagez de généraliser le CNE à toutes les entreprises ou seulement à celles dont l'effectif atteint cinquante salariés ? C'est ma troisième question.

Mais ce qui définit le mieux le CNE, ce qui est sa véritable raison d'être, c'est, paradoxalement, le licenciement, plus particulièrement sa procédure. Monsieur le ministre, vous avez indiqué que « les règles spécifiques à la cessation anticipée du CNE seront des procédures allégées, et qu'il ne devrait pas y avoir d'entretien automatique préalable ».

La procédure de licenciement est aujourd'hui définie par les articles L. 122-4 et suivants du code du travail. Avons-nous bien compris que ces articles ne s'appliqueront pas au CNE pendant une période de deux ans ?

Monsieur le ministre, ce licenciement pourrait-il donc avoir lieu sans procédure ? C'est ma quatrième question.

Toujours sur ce sujet, vous avez déclaré, monsieur le ministre, que le CNE serait obligatoirement passé par écrit. C'est la seule trace de formalité qui soit parvenue jusqu'à nous.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire - c'est ma cinquième question - si le licenciement sera signifié par écrit, au moins par une lettre, éventuellement envoyée en recommandé avec avis de réception si son coût ne constitue pas une charge insupportable pour l'entreprise ? J'espère en la matière un parallélisme des formes. En outre, si votre intention de prévoir un préavis est maintenue, il faudra bien fixer une date de début !

J'en viens à la motivation du licenciement. Après avoir tergiversé et évoqué des motifs de rupture spécifiques sans indiquer lesquels - et pour cause ! -, vous avez affirmé : « On ne rompt pas un contrat sans motif, mais l'enjeu ici, c'est l'obligation ou non de motiver la rupture. Dans le cadre d'un CNE, comme c'est déjà le cas dans la période d'essai, il n'y aura pas obligation de motiver. En cas de litige, le juge appréciera s'il y a abus de droit. » Vous avez même ajouté : « De telles clauses sont d'ailleurs admises couramment en droit civil. »

Monsieur le ministre, vous connaissez trop bien le droit du travail, notamment ses articles L. 122-4 et suivants, pour ne pas mesurer avec exactitude la portée de cette réforme. Mais peut-on encore parler en l'occurrence d'une « simple » réforme ?

Monsieur le ministre, devons-nous considérer, comme tout porte à le croire, que, dans le cadre du CNE, la cause réelle et sérieuse du licenciement est devenue caduque ? Et que vous n'opérez plus la distinction entre le licenciement économique, qui est assorti de garanties en matière d'indemnité et de reclassement, et le licenciement pour une autre cause ? C'est ma sixième question.

Enfin, si le licenciement n'est pas motivé et qu'un salarié se hasarde à introduire un recours, sur quelle base se fondera le contrôle du juge ? L'abus de droit est bien connu en droit civil, dites-vous. Mais, en droit civil, les protections spécifiques au droit du travail, notamment en ce qui concerne la charge de la preuve, ne s'appliquent pas. Le salarié devra donc prouver qu'il a été victime d'un préjudice. Chacun voit bien le rapport de forces qui s'établira et la difficulté à laquelle sera confronté le salarié !

En mettant en place ce contrat, monsieur le ministre, vous jetez à bas trente années de législation et de jurisprudence. Vous revenez à la situation antérieure, lorsque le licenciement n'avait pas à être motivé par une cause réelle et sérieuse.

Si nous poursuivons ce raisonnement, un licenciement ne sera abusif que s'il est prononcé en violation d'un texte l'interdisant expressément, par exemple s'il s'agit d'une femme enceinte, ou encore si l'intention de nuire est avérée ou si des formes brutales ou vexatoires sont manifestes. Dans ce cas, la victime présumée pourra demander réparation et, éventuellement, obtenir des dommages et intérêts.

Monsieur le ministre, avons-nous compris correctement les implications du CNE en ce qu'il sortira le licenciement du droit du travail et renverra tout le contentieux au droit civil ? C'est ma septième et dernière question.

En clair, il n'y a plus vraiment licenciement, mais seulement rupture, abusive ou non, d'un simple contrat entre deux parties juridiquement égales, même si nous savons tous que cette égalité est une pure fiction dans le cadre des rapports professionnels.

Si nous avons bien compris, monsieur le ministre, vous avez fini, dans le cadre du CNE, par résoudre le conflit emblématique en droit du travail entre la loi et le contrat.

En 2004, votre prédécesseur a porté un coup décisif aux accords de branche en supprimant presque totalement le principe de faveur. Pour protéger les salariés, seule la loi demeurait. Il ne restait donc plus qu'à changer la loi, non pas à la marge, mais simplement en rendant inapplicable tout un pan de la législation, en créant un dispositif pour lequel elle ne s'applique expressément pas.

On a beaucoup glosé ces derniers mois sur la simplification du code du travail. Devait-elle se faire ou non à droit constant ? Il faut reconnaître que la question est ici résolue. On ne touche pas au code du travail : on se contente d'y glisser, tel le ver dans la pomme, un nouveau contrat supposé soutenir la création d'emploi et simplifier les formalités des employeurs.

Sans doute est-ce une coïncidence si le CNE correspond aux préconisations de l'OCDE et à celles du rapport Camdessus ! Mais que l'on ne vienne pas nous dire que le CNE a pour objectif des créations d'emplois ! La précarisation et le licenciement ne créent pas l'emploi : dans le meilleur des cas, ils le font tourner. Ce texte, dans le droit-fil de ceux qui ont précédé, est l'application du dogme libéral au profit d'une petite minorité et au détriment de la grande majorité.

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, après les mots :

du code du travail

insérer les mots :

, à l'exception des assistantes maternelles,

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Nous venons de l'indiquer, monsieur le ministre, l'article L. 131-2 du code du travail, auquel il est fait référence pour l'application du contrat « nouvelles embauches », s'applique « aux entreprises industrielles et commerciales, aux exploitations agricoles [...], aux professions libérales, aux offices publics et ministériels, aux employés de maison, aux concierges et gardiens d'immeubles à usage ou non d'habitation ou à usage mixte, aux travailleurs à domicile, aux assistants maternels, aux assistants familiaux, au personnel des sociétés civiles, des syndicats professionnels, des sociétés mutualistes... »

Nous pourrions examiner ces professions une à une et, pour chacune d'entre elles, chercher à savoir en quoi le contrat « nouvelles embauches » sera décisif. Par exemple, la création du CNE conduira-t-elle un syndic de copropriété à embaucher un concierge ?

C'est justement parce que nous estimons que ce texte ne témoigne pas d'une volonté réelle de créer des emplois de qualité, c'est-à-dire durables et payés décemment, que nous jugeons que cette question est vaine.

Nous aimerions malgré tout nous pencher sur le cas des assistants maternels, car la lecture du compte rendu des débats de l'Assemblée nationale nous a inquiétés. Interrogé sur cette profession, vous avez répondu, monsieur le ministre, que les assistants maternels « sont d'ores et déjà soumis à un régime spécifique de contrat de travail qui correspond à des conditions particulières d'emploi. Ce régime leur assure une protection tout en garantissant la souplesse propre aux nécessités de leur service, notamment au bénéfice des parents. Il n'y a donc pas lieu de le préciser dans la loi d'habilitation ».

Permettez-nous d'insister sur ce point, monsieur le ministre. Mentionner, comme vous le faites, l'article L. 131-2 du code du travail dans le projet de loi d'habilitation signifie que l'ordonnance prise en application pourra concerner l'ensemble des professions citées dans cet article, y compris, par conséquent, les assistants maternels.

Je ne doute pas de votre bonne foi en la matière, mais nous sommes là en présence d'un fait incontestable. Or, vous le savez, le Parlement a adopté définitivement, le 16 juin dernier, une loi relative aux assistants maternels et aux assistants familiaux, donnant enfin un statut à cette profession.

Même si tout n'y est pas parfait, un certain nombre de points fondamentaux ont été fixés : la procédure d'agrément, la formation, la durée du travail, les congés payés, et je tiens également à saluer l'existence d'un vrai contrat de travail - ce dernier était demandé depuis très longtemps - assorti d'une procédure en cas de rupture du contrat, qui relève de la compétence du conseil de prud'hommes et non plus de celle du tribunal d'instance : en un mot, c'est là un dispositif à rebours de celui du CNE.

Les assistants maternels ont, eux aussi, une convention collective, et ils y sont attachés. Tout ayant été excellemment dit sur la position du groupe socialiste à cet égard par mes collègues Mmes Gisèle Printz et Claire-Lise Campion, je n'y reviens donc pas en détail.

Ce que nous craignons, maintenant, c'est que le CNE, dont les assistants maternels ne sont pas expressément exclus, ne soit utilisé pour contourner leur nouveau statut et le vote du Parlement, ce d'autant plus que la loi d'habilitation et les ordonnances seront postérieures à la loi sur le statut des assistants maternels.

Nous demandons donc que les assistants maternels soient expressément exclus dès à présent d'une éventuelle application du CNE, afin de lever cette incertitude.

Selon moi, c'est un amendement que le Gouvernement pourrait très facilement accepter.

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, remplacer les mots :

n'employant qu'un petit nombre de salariés

par les mots :

employant moins de dix salariés

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Pour compenser la longueur de l'intervention de M. Godefroy, je serai très brève. (Sourires.)

Cet amendement vise à préciser la volonté gouvernementale. En effet, il me semble nécessaire de ne pas rester dans le flou, surtout lorsque le Gouvernement demande à agir par ordonnance.

Il est également nécessaire, voire indispensable, d'encadrer cette procédure en limitant aux très petites entreprises les mesures prévues. C'est la raison pour laquelle nous souhaitons préciser qu'elles s'appliqueront à celles qui emploient « moins de dix salariés ».

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, après les mots :

période déterminée

insérer les mots :

de 90 jours maximum

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. De la même manière, cet amendement vise à préciser la volonté gouvernementale, afin que nous ne restions pas dans le flou et que l'action du Gouvernement soit, elle aussi, encadrée.

Nous vous proposons de limiter la période d'essai à quatre-vingt-dix jours, car il est inconcevable de maintenir plus longtemps dans la précarité des personnes titulaires de ce contrat de travail et de les empêcher, par exemple, de louer un logement, de conclure un prêt, voire, tout simplement, de vivre.

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) de cet article, après les mots :

des règles de rupture

insérer le mot :

motivée

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Par cet amendement, nous proposons d'insérer, dans le 1° de l'article 1er, l'adjectif « motivée » pour qualifier la rupture du CNE.

Nous sommes en effet, si l'on entre dans le raisonnement du Gouvernement, en présence d'un licenciement motivé. Vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre délégué : « on ne licencie pas sans motif », mais ce motif ne sera pas porté à la connaissance du salarié, ce qui suffit à lui ôter tout moyen de recours.

Le droit au recours existe, mais il risque d'être sans portée, sauf à démontrer l'abus de droit par les moyens de preuve ordinaires, ce qui n'ira pas sans difficulté.

La perte de confiance invoquée par l'employeur, qui n'était pas, jusqu'à présent, une cause de licenciement, va le devenir sans contestation possible si elle n'est pas accompagnée, par exemple, d'agissements injurieux ou vexatoires. Encore faudra-t-il trouver des témoins !

L'étendue de la réforme nous semble vaste. Un salarié pourra-t-il encore contester une modification de son contrat de travail ou un changement de ses conditions de travail ?

La question de savoir ce qui justifie un licenciement économique, par exemple la sauvegarde de l'entreprise, ne se posera plus, puisqu'un licenciement de salarié en CNE n'aura plus à être motivé.

Il faut reconnaître que les débats qui ont animé les parlementaires et les juristes trouvent ici une solution radicale.

La conséquence de cette réforme est que le salarié sera totalement à la merci de l'employeur. II pourra être embauché puis licencié à tout moment sans explication ni formalité, et ce pendant deux ans, délai prévu pour le moment avant qu'un allongement de cette période accompagne la « nouvelle ampleur » donnée bientôt au CNE.

Nous n'avons pas plus d'illusions sur la portée du dispositif, en termes de créations d'emplois, que sur la fortune qui lui est promise dans le contexte politique actuel.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par les mots :

et dans le cadre duquel les salariés à temps partiel ne pourront se voir imposer des plages de travail décalées

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet d'éviter que, dans le contrat « nouvelles embauches », le statut du salarié à temps partiel ne donne lieu à l'imposition par l'employeur d'emplois du temps non souhaités mais subis, et donc d'interdire que le salarié se voie imposer des plages de travail décalées.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa (1°) de cet article par un membre de phrase ainsi rédigé :

Les conditions d'indemnisation sont destinées à compenser la précarité de la situation du salarié dans des conditions au moins identiques à celles prévues à l'issue d'un contrat à durée déterminée ;

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Par cet amendement, nous proposons de préciser que les conditions d'indemnisation seront au moins identiques à celles qui sont prévues à l'issue d'un contrat à durée déterminée.

En effet, à l'issue d'un CDD, la loi prévoit que l'employeur doit verser au salarié une indemnité de 10 % de son salaire antérieur. Rien n'est ici précisé. Considérant l'absence de motivation et de procédure qui va constituer la règle spécifique à la rupture du CNE, nous craignons qu'une même absence ne caractérise, au final, l'indemnisation du salarié.

Cette question se pose avec d'autant plus d'acuité que le montant de l'indemnisation sera à la charge de l'employeur, comme M. le ministre délégué l'a indiqué au cours du débat à l'Assemblée nationale. II faut donc encore négocier ce point avec les représentants du patronat.

Monsieur le ministre, où en êtes-vous de cette négociation ? Quel taux indemnitaire les représentants des employeurs acceptent-ils de verser ? Ce taux évoluera-t-il avec l'ancienneté ? Par exemple, peut-on concevoir qu'un salarié qui serait licencié au bout de vingt-trois mois, durée supérieure à la durée maximale, renouvellement compris, d'un CDD de droit commun, perçoive une indemnité supérieure aux 10 % prévus ?

Nous vous posons cette question parce que le licenciement sans procédure ni motivation au bout de vingt-deux ou de vingt-trois mois ne nous paraît pas une hypothèse rare, surtout pour des emplois peu qualifiés.

Devons-nous considérer, au contraire, que la convention collective de branche s'appliquera et que ce sont les taux fixés par celle-ci qui serviront à fixer le montant de l'indemnité ?

Cette question me paraît se poser si nous sommes en présence d'un CDI. Il conviendrait, en effet, que le salarié en CNE ne soit pas victime d'une nouvelle discrimination sur ce point si l'indemnité prévue par l'accord de branche est supérieure à un taux de 10 %.

Pouvez-vous nous indiquer si ce point a été envisagé, et quelles sont vos intentions à cet égard ?

M. le président. L'amendement n° 14, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le deuxième alinéa (1°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Evaluer le dispositif prévu au 1° du présent article ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet de prévoir une évaluation du contrat « nouvelles embauches ».

Il y a là une innovation intéressante, surtout si elle est encadrée par les dispositions prévues par l'amendement n° 15, que je défendrai dans un instant.

Nous avançons un peu en terre inconnue et il est donc nécessaire, si nous voulons réellement modifier le cadre du travail de manière consensuelle - tout consensus exige qu'à un moment donné les dispositifs soient évaluées -, que nous puissions déterminer quels points doivent éventuellement être modifiés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est nécessaire et indispensable !

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery, Demontes, Printz et Tasca, MM. Domeizel, Courteau, Ries, Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le troisième alinéa (2°) de cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Le 2o de cet article 1er est particulièrement sibyllin, ce qui est inquiétant s'agissant du revenu de remplacement des salariés précaires qui auront été licenciés du jour au lendemain de leur contrat « nouvelles embauches ».

L'UNEDIC devant accuser, à la fin de cette année, un déficit de plus de 13 milliards d'euros, le Gouvernement a décidé que ce n'est pas elle qui financerait le revenu de remplacement,... qui ne s'appellera donc pas « allocation de chômage ».

L'ex-salarié en CNE relèvera donc non pas du régime assurantiel, mais de la solidarité nationale, sauf erreur de notre part. Pour quel montant ? Pour combien de temps ? Quand basculera-t-il sur le RMI à la charge des départements ?

Pour un contrat qui semble promis à un bel avenir, on peut craindre que les sommes en jeu ne soient rapidement fort importantes. Certes, c'est un moyen pour que l'UNEDIC cesse, au moins partiellement, de financer la précarité - qui, par, les sorties de CDD et d'intérim, charge son budget -, mais ce n'est qu'un système de vases communicants.

C'est encore un nouveau démantèlement dissimulé du système social, le financement de l'indemnisation du chômage étant discrètement et de plus en plus transféré à la charge de la collectivité nationale et des collectivités territoriales pour être de moins en moins assumé par les employeurs, qui ont érigé la précarité en système de gestion du personnel.

Se pose ensuite la question de l'accompagnement et du reclassement. Nous sommes ici dans le strict cadre de la promesse verbale, ce texte ne contenant rigoureusement rien sur ce point. Nous vous faisons néanmoins crédit de vos intentions positives personnelles sur ce point, monsieur le ministre, mais vous ne serez pas seul à décider et, surtout, à financer si un tel dispositif doit, finalement, voir le jour.

Nous en sommes réduits aux conjectures. Vous avez dit, à l'Assemblée nationale : « Ces mesures font partie de la sécurisation des parcours professionnels. Cela passe par le droit individuel à la formation. Il faudra sans doute aller plus loin que les vingt heures annuelles de formation. Je pense notamment au doublement du DIF dans le cadre de la convention de reclassement personnalisé. Nous comptons, en accord avec les partenaires sociaux nous inspirer de la dynamique de la CRP. »

On ne saurait mieux dire que l'on ne sait pas où l'on va ! Si votre texte et vos propos sont parfaitement clairs en ce qui concerne l'absence totale de garanties et de protections du salarié en CNE, ils sont, en revanche, totalement obscurs pour ce qui est d'un dispositif d'accompagnement et de reclassement : je note que vous n'avez pas clairement employé le terme de « formation », ce qui est bien normal puisque cela impliquerait une participation financière des employeurs, alors que le financement de l'accompagnement et du reclassement est beaucoup plus partagé.

Si l'on tente, néanmoins, une exégèse de vos propos, il en ressort de nouvelles interrogations.

Le droit individuel à la formation, le DIF, est un dispositif ouvert aux salariés, qui doivent, sous certaines conditions, les suivre en cas de licenciement. Les salariés en CDD, qui ont rarement un an d'ancienneté leur permettant d'avoir capitalisé les vingt heures annuelles de droit à la formation, bénéficient de leurs premiers droits au bout de quatre mois, prorata temporis. En dessous de quatre mois, il n'y a donc rien. Les salariés doivent se former hors du temps de travail, sauf accord de branche, et peuvent percevoir 50 % de leur salaire pendant cette période, mais cela à condition qu'ils soient encore dans une entreprise. Or, par définition, les salariés en CNE ont été licenciés. Vous appelez donc à la rescousse le dispositif flambant neuf de la convention de reclassement personnalisée, la CRP, qui n'est pas encore en vigueur.

Ce dispositif est prévu pour offrir une aide au reclassement aux salariés licenciés dans des entreprises de moins de 1 000 salariés. II comporte un bilan de compétences, une validation des acquis, un suivi individuel dans le cadre du renforcement du contrôle des chômeurs, et même une éventuelle formation.

Les chômeurs devraient recevoir 80 % de leur salaire précédent pendant quatre-vingt-onze jours, puis 70 % pendant sept mois. Cela fait peu par rapport à des minima conventionnels inférieurs au SMIC, surtout si les salariés étaient à temps partiel !

Cependant, il se trouve que le dispositif négocié par les partenaires sociaux et adopté par le Parlement prévoit que, si les salariés ont moins de deux ans d'ancienneté, ils ne percevront qu'une allocation égale à l'allocation de chômage à laquelle ils peuvent prétendre, et cela pendant une durée correspondant à leurs droits acquis.

De même, l'employeur doit contribuer au financement de la CRP par le versement d'une somme correspondant à deux mois de préavis, sauf si les salariés ont moins de deux ans d'ancienneté, auquel cas l'allocation est réduite au niveau de l'allocation chômage.

On a peine à croire qu'il s'agit là de simples coïncidences !

Ma question, monsieur le ministre, est simple : où en êtes-vous de vos consultations avec les partenaires sociaux ? Qu'envisagez-vous exactement de faire ? Et j'ai envie de vous demander également quelles sont vos espérances et ce que vous pensez pouvoir tirer de ce patronat dont vous passez déjà toutes les volontés...

M. le président. L'amendement n° 15, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après les mots :

un revenu de remplacement

rédiger comme suit la fin du troisième alinéa (2°) de cet article :

garanti spécifique et supérieur au droit commun dont le versement sera conditionné au suivi d'un parcours de réinsertion personnalisé défini par les services de l'emploi qui veilleront à offrir de larges possibilités de formation ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement est, pour moi, essentiel pour parvenir au dispositif que nous souhaitons.

Je ne vais pas rappeler ici que nous sommes contre les ordonnances. Toutefois, comme elles vont, malgré tout, être autorisées par le Parlement, nous tenons absolument à ce que l'exercice qu'en fera le pouvoir exécutif soit clairement encadré.

Le contrat « nouvelles embauches » repose sur une idée simple : il faut plus de flexibilité pour fluidifier le marché du travail.

Nous sommes prêts à adhérer à cette idée, à la condition que cette flexibilité soit contrebalancée par des garanties sociales accrues.

Ces garanties sociales accrues, pour nous, sont simples : le travailleur dont le contrat « nouvelles embauches » a été rompu sur l'initiative de l'employeur doit bénéficier d'un régime globalement meilleur que celui auquel il aurait été soumis s'il avait été embauché avec un contrat à durée indéterminée.

Cela signifie qu'il doit avoir droit à un revenu de remplacement plus tôt que si les conventions collectives, qui prévoient cent quatre-vingts jours, avaient été appliquées - sans toutefois en arriver à un jour, bien évidemment, mais nous faisons confiance au Gouvernement pour qu'il fixe une durée minimale dans de bonnes conditions.

Nous voulons que l'indemnité de chômage soit supérieure à celle qui est actuellement prévue par l'article L. 122-9 du code du travail.

De surcroît, nous voulons que les services de l'emploi assurent un suivi personnalisé de ces travailleurs qui ont vu leur contrat « nouvelles embauches » rompu. Bien entendu, ce régime indemnitaire particulier repose sur le suivi d'un parcours de réinsertion, dont le contrôle sera assuré par les services de l'emploi.

Il est pour nous fondamental qu'une plus grande flexibilité pour l'entreprise soit assortie de garanties sociales accrues pour le travailleur qui bénéficierait de ce contrat « nouvelles embauches ». Il n'y a là rien de très original ; c'est ce qui se fait déjà dans plusieurs Etats européens. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. L'amendement n° 25, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa (2°) de cet article par les mots :

financé notamment par une taxation sociale sur l'emploi précaire à la charge des employeurs ;

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement vise à financer l'allocation due aux titulaires d'un contrat « nouvelles embauches » rompu sur l'initiative de l'employeur et ne justifiant pas de la durée nécessaire pour accéder aux ASSEDIC, par une taxation sociale sur l'emploi précaire à la charge des employeurs.

Il est juste d'exiger une contrepartie sociale des employeurs recourant de manière parfois excessive aux formes d'embauche les plus précaires.

Quant à l'allocation elle-même, nous en ignorons toujours les caractéristiques précises. Il faut espérer qu'il ne sera pas nécessaire de la verser dès cette année, car les financements afférents n'ont pas encore été mis en place.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa (2°) de cet article par les mots :

, et une aide au logement spécifique, prise en charge par la caisse du 1 % patronal, pour ceux qui sont locataires de leur logement ;

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet amendement tend à prévoir une aide au logement pour les personnes titulaires d'un contrat « nouvelles embauches » qui auraient été licenciées.

Cette aide au logement devra être financée par la caisse du 1 % logement, caisse alimentée par les cotisations salariales et patronales, mais, cette fois, nous souhaitons qu'elle soit à la seule charge des employeurs.

II est en effet juste d'exiger une contrepartie sociale des employeurs recourant de manière excessive aux formes d'embauche les plus précaires.

M. le président. L'amendement n° 30, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Compléter le troisième alinéa (2°) de cet article par les mots :

et un accompagnement renforcé en vue de leur retour à l'emploi financé le cas échéant par une contribution spécifique à la charge de leur employeur ;

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Par rapport à la souplesse nécessaire, nous avons évoqué la sécurité renforcée.

Je rappelle que les salariés dont le contrat a été rompu bénéficieront d'un accompagnement par le service public de l'emploi. Cet accompagnement doit être financé par une contribution spécifique de l'employeur, au moins pour partie. Il convient donc de préciser le champ de l'habilitation sur ce point.

A l'Assemblée nationale, nous avions débattu de ce sujet. Le présent amendement vise à nous autoriser, par la voie de l'habilitation, à demander la contribution de l'employeur à cet accompagnement renforcé.

M. le président. L'amendement n° 16, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Après le troisième alinéa (2°) de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

... ° Coordonner les services de l'Agence nationale pour l'emploi et de l'Association pour l'emploi dans l'industrie et le commerce au niveau de chaque bassin d'emploi ;

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. L'un des problèmes de notre pays, que pointent souvent les ministres, c'est à la fois le nombre élevé des demandeurs d'emploi et celui des offres d'emploi non satisfaites. Cela veut donc dire que, d'une certaine manière, les choses ne fonctionnent pas bien.

Puisque le Gouvernement veut agir par voie d'ordonnance, avec rapidité et efficacité, nous lui proposons d'aller au-delà de ce qu'il a prévu et de faire mieux fonctionner l'ensemble des services de l'emploi. En effet, on pourra prendre toutes les mesures que l'on veut, si l'on ne rend pas plus efficaces les services de l'emploi, le système ne fonctionnera pas.

Nous proposons donc d'opérer, au niveau de chaque bassin d'emploi, un rapprochement entre les services des ASSEDIC et ceux de l'ANPE, de manière que ces services travaillent ensemble, aient des fichiers communs. Ainsi, ils pourront regrouper les demandes d'emplois, mettre en place des formations adaptées par petits groupes. Il ne s'agit pas de former 500 000 personnes dans tel secteur alors que seuls douze emplois y sont proposés, mais peut-être est-il nécessaire de former une équipe de quinze personnes qui auront un emploi.

M. le président. L'amendement n° 8 rectifié, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel,  Collomb et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le quatrième alinéa (3°) de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Le 3° de l'article 1er du projet de loi soulève une série de problèmes. Il y est proposé un allégement des contributions financières des employeurs occupant moins de vingt salariés en matière de versement transport, de financement de la formation professionnelle et d'obligation de participation à l'effort de construction et au fonds national d'aide au logement.

Il est très douteux que ces contributions aient un effet décisif sur la décision des employeurs de ne pas investir et de ne pas embaucher. Mais même si l'on admet un tel effet, on peut se demander pourquoi le seuil d'allégement est fixé à vingt salariés, et non à un autre niveau, comme cela est déjà envisagé pour le contrat « nouvelles embauches ». Les entreprises de vingt et un salariés ne vont pas tarder à faire savoir que la décision d'embaucher le vingt-deuxième ou le vingt-troisième salarié dépend d'une extension de cette mesure d'allégement, et le tour sera vite joué.

Il est bien évident que nous sommes devant un mouvement général d'exonération des employeurs de toute obligation à caractère collectif. Les entreprises sont supposées avoir un rôle moteur dans l'économie, et leur prospérité être indispensable à toute redistribution sociale postérieure. Il faudra expliquer aux Français pourquoi cela commence par un désengagement en matière de formation et de logement.

II faudra aussi expliquer la cohérence de votre démarche qui consiste, dans un projet de loi, à augmenter les taux puis, dans un autre projet de loi, six mois après, à baisser les seuils.

La formation est en effet, elle aussi, à la source des compétences et des qualifications des salariés. Mais en disant cela, on voit bien qu'il y a antinomie entre le démontage du statut salarié et l'engagement des entreprises à les former.

Déjà, les salariés doivent se former en partie ou totalement hors de leur temps de travail. Qu'en sera-t-il demain de salariés totalement précarisés, sans aucune attache durable avec une entreprise ? Qu'en sera-t-il des prestataires de services individuels ? II est dans la logique patronale que les entreprises, après s'être attaquées au statut salarié et avoir réduit leur participation au financement de la protection sociale, abordent maintenant l'étape de leur désengagement de la formation professionnelle, du financement du logement et des transports collectifs.

Les questions techniques posées par votre texte ne sont pas réglées. Le projet de loi prévoit un allégement. S'agit-il d'un allégement partiel ou d'un recul pur et simple du seuil de contribution ?

Qu'allez-vous compenser exactement et quel sera le poids de ce nouvel allégement sur les finances publiques ? On nous parle de 450 millions d'euros pour les transports. Est-ce votre estimation ? Est-ce supportable pour nos finances publiques ?

Par ailleurs, certaines contributions ne sont pas à proprement parler des prélèvements, mais des obligations de dépenses. Voulez-vous dire que l'Etat va se substituer à l'entreprise et financer à sa place telle action ou tel organisme ?

Cela est évidemment exclu, et ce que nous voyons se profiler est plutôt une diminution des financements.

En tant qu'élus territoriaux, c'est une expérience que nous avons souvent faite.

Cela m'amène à évoquer plus particulièrement la question du versement transport. Je rappelle que ce versement permet de financer aujourd'hui les réseaux de transport urbain à hauteur de 45 %, contre 20 % pour les recettes issues des usagers.

La mesure que vous proposez reviendra-t-elle à supprimer le versement transport payé par tous les employeurs qui emploient moins de vingt personnes, c'est-à-dire par ceux qui constituent majoritairement le maillage de notre économie ?

En outre, si l'on ne précise pas que l'éventuelle compensation de l'Etat sera affectée au financement des transports en commun, la tendance sera de l'intégrer à la dotation globale de décentralisation, ressource versée de manière non affectée.

Nous risquons donc d'aller vers une véritable catastrophe en matière de financement des réseaux de transport en commun urbains. Et nous n'avons aujourd'hui aucun engagement clair du Gouvernement sur la compensation. On nous parle de compensation à l'euro près, mais la compensation telle que la vivent les élus territoriaux dans le cadre des lois de décentralisation les laisse très perplexes.

On peut seulement espérer qu'il n'en ira pas comme avec les contrats de plan, pour lesquels vos retards de participation sont si importants qu'ils vous ont conduits à prolonger les contrats en cours.

Pour toutes ces raisons, nous demandons le retrait de cette disposition.

M. le président. L'amendement n° 17, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Dans le quatrième alinéa (3°) de cet article, supprimer les mots :

L. 2333-64 et L. 2531-2 du code général des collectivités territoriales,

La parole est à M. Michel Mercier.

M. Michel Mercier. Cet amendement a pour objet de rendre un grand service au Gouvernement ! (Sourires.)

Certaines mesures très coûteuses doivent faire l'objet d'une compensation. Parmi les dispositions prévues par ce projet de loi d'habilitation, celle qui est relative à la suppression du versement prévu par le code général des collectivités territoriales en faveur des autorités organisatrices de transport en commun est extrêmement difficile à gérer pour le Gouvernement. Ne pas compenser cette suppression, qui représente entre 450 millions et 500 millions d'euros, c'est mettre en difficulté toutes les autorités organisatrices de transport en commun.

Ainsi, en ce qui concerne le département du Rhône, que je connais bien, le manque à gagner pour l'autorité organisatrice de transport en commun représenterait 50 millions d'euros, que le département devrait malheureusement compenser en partie.

Par ailleurs, les situations sur le terrain sont extrêmement hétérogènes. Dans certains endroits, il n'existe pas de versement transport. D'un territoire à l'autre, les taux diffèrent. Les autorités organisatrices sont très naturellement amenées à faire évoluer le taux du versement transport en fonction de leurs investissements, de l'agrandissement du réseau, etc. Ne pas compenser ces évolutions créerait un différentiel entre certaines entreprises, et ce serait très difficile à gérer, pour ne pas dire ingérable.

Le Gouvernement peut autoriser les autorités organisatrices, si elles le veulent, à exonérer certaines entreprises du versement transport. Mais l'Etat devant déjà plus de 500 millions d'euros aux départements au titre du RMI, il ne serait pas sain d'alourdir encore les finances publiques. Je crois donc qu'il faut très raisonnablement supprimer la possibilité d'exonérer du versement transport les entreprises qui ont entre dix et vingt salariés.

M. le président. L'amendement n° 9, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le cinquième alinéa (4°) de cet article.

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. La disposition prévue au 4° de l'article 1er constitue une atteinte supplémentaire aux droits des salariés à la représentation, aux droits dont la progressivité dépend des seuils d'effectifs, comme par exemple les plans sociaux, et au dialogue social en général, malgré vos déclarations de principe sur ce sujet.

Aujourd'hui, je le rappelle, les apprentis, les jeunes en contrat de professionnalisation et les titulaires de contrats aidés destinés aux chômeurs de longue durée ne sont pas pris en compte dans les seuils d'effectifs. Les salariés à temps partiel ne sont pris en compte qu'au prorata de leur temps de travail. Les salariés en CDD et en contrat de travail temporaire sont pris en compte au prorata de leur temps de présence dans l'entreprise au cours des douze mois précédents. En cas de remplacement d'un salarié absent, il n'y a pas de prise en compte.

On voit, par ces quelques exemples, qu'il existe déjà de nombreuses exceptions aux règles de décompte des effectifs, et qu'au fil des années vous avez suivi fidèlement les revendications des représentants du MEDEF et de la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, pour leur éviter ces fâcheuses contraintes.

En ce qui concerne les jeunes, vous simplifiez radicalement la question, puisque les jeunes de moins de vingt-six ans qui seront désormais embauchés ne seront plus décomptés dans les effectifs. Et il faut bien noter que cette mesure ne concerne pas seulement les entreprises de moins de vingt salariés. II n'y a aucune précision de cet ordre dans votre texte. En l'état actuel, la mesure concerne tous les jeunes de moins de vingt-six ans, dans toutes les entreprises.

Comme toutes les mesures de ce type, on peut craindre qu'elle provoque une accélération de la rotation des emplois, surtout peu qualifiés, certains employeurs préférant, grâce à votre contrat « nouvelles embauches », se débarrasser d'un salarié qui fait atteindre le seuil fatidique plutôt que de passer le seuil de vingt salariés, par exemple.

II y a, dans les mesures que vous proposez, que ce soit en termes de contrats, de seuil d'effectifs, de contributions financières, une véritable méthode pour mettre à bas les droits des salariés. Cela provoquerait presque notre admiration à l'égard des techniciens du MEDEF, eux-mêmes simples salariés, qui ont fabriqué cette mécanique extraordinaire.

La situation des jeunes qui entrent dans le monde du travail est donc particulièrement difficile.

Si l'on ajoute au texte que vous nous présentez aujourd'hui les mesures que vous avez déjà décidées, notamment celles autorisant le travail des apprentis mineurs le dimanche et les jours fériés, voire la nuit dans certaines branches, on voit se dessiner votre conception du salarié de demain, précarisé et corvéable à merci dès l'âge de seize ans.

Je profite de l'occasion qui m'est offerte pour vous faire part d'une autre de nos inquiétudes, concernant cette fois les « séniors » : c'est en effet le nom que l'on donne à ces salariés de plus de cinquante ans, qui ne peuvent plus être mis en préretraite parce que le robinet du financement est fermé et qui sont supposés être moins pugnaces et efficaces. Il faut néanmoins les garder dans le monde du travail, à la fois pour financer les régimes de retraite, même si la précarité empêchera le plus grand nombre de toucher une retraite à taux plein, et parce qu'ils constituent malgré tout une main-d'oeuvre expérimentée.

Une négociation est aujourd'hui en cours : elle est supposée être encore l'objet de deux réunions des partenaires sociaux et aboutir à l'automne, faute de quoi, comme d'habitude, le Gouvernement, selon l'expression consacrée, « prendra ses responsabilités ».

L'expérience des trois dernières années nous incite à penser que le Gouvernement fera siennes les propositions des représentants du patronat et nous les présentera sous forme d'un projet de loi.

Monsieur le ministre, votre collègue Thierry Breton a déjà présenté la suppression de la contribution Delalande et l'extension du cumul emploi-retraite comme des nécessités. Vous avez dû à nouveau recoller les morceaux. Vous n'avez décidément pas de chance avec les ministres qui s'expriment à votre place dans votre domaine de compétence. A moins qu'il ne s'agisse d'un habile partage des tâches.

En revanche, rien pour les départs anticipés de ceux qui exercent des métiers pénibles. Tout sera renvoyé à une hypothétique négociation de branche. C'est bien normal, puisque cette formule s'apparente à un système de préretraite, que le patronat devrait financer, au moins en partie.

Mais le patronat vous demande l'instauration d'un « contrat vieux » - c'est très élégant ! - qui comporterait une mesure analogue à celle que vous nous présentez : les salariés de plus de cinquante-cinq ans ne seraient plus décomptés dans le calcul des effectifs. On croit rêver !

Les moins de vingt-six ans et ceux de plus de cinquante-cinq ans ne seront donc plus des salariés à part entière.

Quant à ceux qui seront âgés de vingt-six à cinquante-cinq ans et qui ne seront pas devenus prestataires de services, ils bénéficieront du contrat « nouvelles embauches » généralisé. Ils percevront un salaire inférieur à 1,6 SMIC, afin que l'employeur ne paie pas de cotisations sociales, et bénéficieront de l'intéressement, ce qui permet de flexibiliser la rémunération. Leur durée de travail annualisée sera calculée au forfait jours, ce qui dispensera l'employeur du paiement des heures supplémentaires. Enfin, la retraite par capitalisation complétera leurs droits acquis, insuffisants pour survivre. Tel est le monde du travail que l'on nous prépare !

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous dire où en est exactement cette négociation ? Est-il exact que ce « contrat vieux » est en préparation ? Sera-t-il assorti de nouvelles exonérations de cotisations au-delà de 1,6 SMIC ? S'agira-t-il d'un contrat précaire apparenté au contrat de mission, ou bien vous en remettrez-vous au contrat « nouvelles embauches » ?

Telles sont quelques-unes des questions qui, aujourd'hui, inquiètent sérieusement et à juste titre le monde du travail.

M. le président. L'amendement n° 27, présenté par Mmes Boumediene-Thiery et  Blandin, M. Desessard et Mme Voynet, est ainsi libellé :

Supprimer le sixième alinéa (5°) de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il ne nous semble pas opportun que l'institution militaire assure la formation des personnes, alors même qu'il existe des dispositifs de formation initiale et professionnelle dont on ne peut remettre en cause la qualité. Il serait donc dommage de se passer de ces compétences.

M. le président. L'amendement n° 10, présenté par M. Godefroy, Mme Le Texier, M. Sueur, Mmes Boumediene-Thiery,  Demontes,  Printz et  Tasca, MM. Domeizel,  Courteau,  Ries,  Bel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Supprimer le septième alinéa (6°) de cet article.

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Cet amendement tend à supprimer le 6° de l'article 1er, qui prévoit la possibilité, dans les très petites entreprises, de ne plus établir de déclaration unique d'embauche, de fiche de paie, de déclaration de cotisations sociales et, selon les termes d'un amendement attendu de M. le rapporteur, de contrat de travail.

Nous assistons ici à la perversion d'un dispositif, créé à l'origine pour faciliter la création d'emplois familiaux chez les particuliers, mais aussi pour transformer un nombre important d'emplois d'aides ménagères au noir en emplois déclarés.

Le succès de ce dispositif a été réel à l'époque, puisque 500 000 emplois ont été créés. Il a été ensuite envisagé de l'étendre d'abord aux exploitations agricoles dans certains départements, puis pour l'embauche d'un premier salarié.

Ces mesures peuvent se comprendre. En effet, l'embauche d'un premier salarié est une étape objective, et pas seulement psychologique. Les représentants de la CGPME nous l'ont dit : il s'agit selon eux du seul point intéressant de ce dispositif.

Nous abordons aujourd'hui une étape décisive : la généralisation de ce dispositif aux très petites entreprises. Monsieur le ministre, comment définissez-vous une très petite entreprise ? A partir de quel seuil ne peut-on plus parler de TPE ? S'agit-il de dix, vingt, cinquante salariés, ou plus ? Ce seuil est-il prévu en droit français ou en droit européen ?

La réponse à cette question est essentielle pour pouvoir déterminer combien de millions de salariés sont potentiellement concernés par votre texte.

Après avoir étendu le chèque-emploi au secteur des services à la personne, vous le généralisez maintenant aux entreprises privées, ce qui signifie en clair que les salariés ne disposeront plus ni de contrat de travail ni de bulletin de paie. Ils ne pourront donc connaître ni leurs horaires de travail, ni le montant de leur salaire, ni le décompte des heures supplémentaires avec leur majoration. Ils seront dépourvus de tout document permettant d'établir un préjudice à leur encontre.

On nous a expliqué que cette extrême simplification était le corollaire du contrat « nouvelles embauches ». Nous sommes donc dans le vrai lorsque nous disons que le salarié sera totalement à la merci de l'employeur et privé de moyens de se défendre. C'est ce que j'appelais ce matin l'opting out à la française.

Vous supprimez également la base du contrôle administratif en faisant disparaître la déclaration unique d'embauche. Celle-ci avait été créée sur l'initiative de Martine Aubry dans un but de simplification par rapport à la législation sur le registre du personnel et le registre de paie. Maintiendrez-vous cependant une déclaration à l'URSSAF ?

M. Borloo a déclaré à l'Assemblée nationale : nous travaillons actuellement sur ce sujet avec l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale, l'ACOSS. Qu'est-ce que cela signifie exactement ? Nous aurions apprécié, si on nous en avait laissé le temps, d'entendre les représentants des organismes sociaux à ce propos.

Sur toutes ces questions pratiques, nous ne disposons même pas d'un début de réponse.

Nous aurions également aimé auditionner les représentants de l'administration du travail ; je ne parle pas des inspecteurs du travail afin de n'effrayer personne.

Ce qui est manifestement le plus à craindre, compte tenu de la précipitation avec laquelle toutes ces mesures sont mises en place, c'est le développement exponentiel du travail illégal. Je fais allusion non pas aux ateliers clandestins remplis de travailleurs immigrés sans papiers, mais aux heures non déclarées, car le chèque-emploi permet ce détournement de la loi.

Là aussi, il y a une incohérence entre les annonces de renforcement de la lutte contre le travail illégal contenues dans le projet de loi en faveur des PME et la mise en place du chèque-emploi.

La seule constante de votre politique, c'est que vous n'augmentez pas le nombre d'inspecteurs du travail sur le terrain et que vos efforts portent exclusivement sur la lutte contre les réseaux de trafic de main-d'oeuvre étrangère. C'est un problème important, auquel vous avez tout à fait raison de vous attaquer, mais pas à l'exclusion de tout le reste !

Nous avons le sentiment étrange que le travail illégal effectué sous la responsabilité d'employeurs français, tant qu'il ne dépasse pas les heures supplémentaires non déclarées ou l'emploi de saisonniers invisibles, ne constitue pas un délit de la même gravité. En toute hypothèse, il est certain que le nouveau dispositif facilitera le développement de ces pratiques, ce qui n'est pas le moindre des paradoxes quand on songe aux motifs qui ont présidé à la création du chèque-emploi-service.

M. le président. L'amendement n° 21, présenté par M. Gournac, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le septième alinéa (6°) de cet article, après les mots :

et pouvant, le cas échéant,

insérer les mots :

tenir lieu de contrat de travail et bulletin de paie et

La parole est à M. le rapporteur.

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à préciser le champ de l'habilitation en détaillant les fonctions du chèque-emploi.

M. le président. La parole est à M. Mercier.

M. Michel Mercier. Monsieur le président, je demande une suspension de séance de quelques minutes, afin de parfaire la rédaction de deux amendements.

C'est le problème des ordonnances : avec un texte de loi, nous aurions été plus performants ! (Sourires.)

M. le président. Le Sénat va, bien sûr, accéder à votre demande, monsieur Mercier.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures cinquante-cinq, est reprise à dix-sept heures dix.)

M. le président. La séance est reprise.

Art. 1er (début)
Dossier législatif : projet de loi habilitant le Gouvernement à prendre, par ordonnance, des mesures d'urgence pour l'emploi
Discussion générale