Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi relatif aux concessions d'aménagement
Art. 2

Article 1er

L'article L. 300-4 du code de l'urbanisme est ainsi rédigé :

« Art. L. 300-4. - L'Etat et les collectivités territoriales, ainsi que leurs établissements publics, peuvent concéder la réalisation des opérations d'aménagement prévues par le présent livre à toute personne y ayant vocation.

« L'attribution des concessions d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes, dans des conditions prévues par décret en Conseil d'Etat.

« Le concessionnaire assure la maîtrise d'ouvrage des travaux et équipements concourant à l'opération prévus dans la concession, ainsi que la réalisation des études et de toutes missions nécessaires à leur exécution. Il peut être chargé par le concédant d'acquérir des biens nécessaires à la réalisation de l'opération, y compris, le cas échéant, par la voie d'expropriation ou de préemption. Il procède à la vente, à la location ou à la concession des biens immobiliers situés à l'intérieur du périmètre de la concession. »

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Sueur, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme par neuf alinéas ainsi rédigés :

« L'attribution d'une concession d'aménagement est soumise par le concédant à une procédure de publicité permettant la présentation de plusieurs offres concurrentes.

« Cette procédure est déterminée par le concédant si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement est inférieur à 150 000 euros hors taxes.

« Si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement est supérieur ou égal à 150 000 euros hors taxes, le concédant publie un avis d'appel public à la concurrence dans une publication habilitée à recevoir des annonces légales, dans une publication spécialisée dans les domaines des travaux publics, de l'urbanisme ou de l'architecture, ainsi qu'au Journal officiel de l'Union européenne.

« Cet avis précise la date limite de présentation des candidatures, qui doit être fixée un mois au moins après la date de la dernière publication, et mentionne les caractéristiques essentielles de l'opération d'aménagement.

« Lorsque le concédant est une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, la liste des candidats admis à présenter une offre est établie par une commission dont les membres sont désignés par l'organe délibérant de la collectivité ou du groupement, en son sein, à la représentation proportionnelle au plus fort reste.

« Le concédant adresse à chacun des candidats admis à présenter une offre un document définissant les caractéristiques qualitatives et quantitatives des prestations attendues.

« Les offres présentées sont librement négociées par le concédant qui, au terme de ces négociations, choisit le titulaire de la concession d'aménagement.

« Dès qu'il a fait son choix sur les candidatures ou sur les offres, le concédant avise tous les candidats non retenus du rejet de leur candidature ou de leur offre. Un délai d'au moins dix jours doit être respecté entre la date à laquelle la décision est notifiée aux candidats dont l'offre n'a pas été retenue et la date de signature du traité de concession.

« Un avis d'attribution est publié dans les publications qui ont assuré la publicité de l'avis d'appel public à la concurrence. »

II. En conséquence, supprimer le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 300-4 du code de l'urbanisme.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Comme je l'ai exposé tout à l'heure, cet amendement vise à inscrire dans la loi le contenu même de la procédure de publicité et de mise en concurrence.

Nous considérons qu'il serait juste que cette procédure soit déterminée par le concédant si le montant prévisionnel de sa participation au coût de l'opération d'aménagement est inférieur à 150 000 euros hors taxes, et qu'un formalisme de publicité soit clairement défini dans les textes pour les cas où il est supérieur ou égal à cette somme.

Nous pensons en outre qu'il faut que la collectivité territoriale puisse désigner à la représentation proportionnelle une commission chargée d'établir la liste des candidats retenus.

Nous pensons enfin qu'il faut que toutes garanties soient écrites s'agissant de l'impartialité, de l'équité et de l'objectivité avec lesquelles il sera procédé à la mise en concurrence.

Nous souhaitons donc connaître, monsieur le ministre, vos intentions à cet égard.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Lors de son examen du présent projet de loi, le Conseil d'Etat a établi le principe de la mise en concurrence, le décret devant en préciser les modalités concrètes. Le Conseil d'Etat ayant validé la rédaction présentée par le Gouvernement, je pense que celle-ci respecte la Constitution.

Je vais maintenant donner au Sénat les grandes lignes dudit décret, et répondre ainsi à votre question, monsieur le rapporteur, qui a d'ailleurs été posée par de nombreux orateurs.

Le texte que le Gouvernement va élaborer s'inspirera des mécanismes prévus par la loi « Sapin », en les adaptant aux particularités des opérations d'aménagement. Il est envisagé de fixer des règles différentes en fonction du montant de la participation financière de la collectivité à l'opération d'aménagement. Lorsque celui-ci sera inférieur à un seuil de l'ordre de 150 000 euros, la commune sera tenue à une simple information. Lorsque le montant de la participation sera supérieur à ce seuil, la collectivité devra faire une publicité, adresser un dossier aux candidats et désigner une commission spéciale élue à la représentation proportionnelle, qui désignera le candidat à retenir.

Dans le domaine de l'aménagement urbain, il paraît évident que les critères de qualité seront plus importants que les critères financiers. Le dispositif d'ensemble sera très comparable à celui qui est présenté par la commission au travers de son amendement, mais, comme je l'ai dit, la définition de ses modalités précises relève du décret en Conseil d'Etat. C'est pourquoi je souhaiterais que la commission accepte de retirer son amendement. A défaut, le Gouvernement ne pourrait émettre qu'un avis défavorable.

Tels sont les quelques éléments de réponse que je pouvais vous apporter, monsieur le rapporteur. Par ailleurs, je voudrais indiquer à M. Biwer que les agents territoriaux ne seront naturellement pas oubliés dans la composition des commissions.

M. le président. Monsieur le rapporteur, l'amendement est-il maintenu ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Je remercie M. le ministre de ces précisions, qui reprennent, pour l'essentiel, le dispositif que nous avons présenté. Le Gouvernement s'étant ainsi engagé, la commission accepte de retirer son amendement, même si elle aurait préféré que la procédure de publicité et de mise en concurrence fût précisée dans la loi. Nous souhaitons simplement que le décret paraisse aussi rapidement que possible.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Tout à fait !

M. le président. L'amendement n° 1 est retiré.

Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
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Art. 3

Article 2

L'article L. 300-5 du même code est ainsi modifié :

1° Le premier alinéa est remplacé par quatre alinéas ainsi rédigés :

« I. - Le traité de concession d'aménagement précise les obligations de chacune des parties, notamment :

« 1° L'objet du contrat, sa durée et les conditions dans lesquelles il peut éventuellement être prorogé, ou modifié ;

« 2° Les conditions de rachat, de résiliation ou de déchéance par le concédant, ainsi que, éventuellement, les conditions et les modalités d'indemnisation du concessionnaire.

« II. - Lorsque le concédant décide de participer au coût de l'opération, sous forme d'apport financier ou d'apport en terrains, le traité de concession précise en outre, à peine de nullité : » ;

2° Au premier alinéa du 3°, les mots : « la collectivité ou le groupement contractant ; à cet effet, la société » sont remplacés par les mots : « le concédant ; à cet effet, le concessionnaire » ;

3° Au a du même 3°, les mots : « la convention » sont remplacés par les mots : « la concession » ;

4° Le huitième alinéa est ainsi rédigé :

« L'ensemble de ces documents est soumis à l'examen de l'organe délibérant du concédant ou à l'autorité administrative lorsque le concédant est l'Etat. Le concédant a le droit de contrôler les renseignements fournis, ses agents accrédités pouvant se faire présenter toutes pièces de comptabilité nécessaires à leur vérification. Si le concédant est une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités territoriales, dès la communication de ces documents et, le cas échéant, après les résultats du contrôle diligenté par le concédant, ces documents sont soumis, dans un délai de trois mois, à l'examen de l'organe délibérant, qui se prononce par un vote. » ;

5° Le neuvième alinéa est ainsi rédigé :

« L'apport financier mentionné aux trois premiers alinéas du II du présent article est approuvé par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative lorsque celui-ci est l'Etat. Toute révision de cet apport doit faire l'objet d'un avenant au traité de concession, approuvé par l'organe délibérant du concédant ou par l'autorité administrative lorsque celui-ci est l'Etat. » ;

6° Le dernier alinéa est remplacé par un III ainsi rédigé :

« III. - L'opération d'aménagement peut bénéficier, avec l'accord préalable du concédant, de subventions versées par l'Etat, des collectivités territoriales et leurs groupements ou des établissements publics. Dans ce cas, le traité de concession est soumis aux dispositions du II, même si le concédant ne participe pas au financement de l'opération. Le concessionnaire doit également rendre compte de l'utilisation des subventions reçues aux personnes publiques qui les ont allouées. » - (Adopté.)

Art. 2
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Art. 4

Article 3

Après l'article L. 300-5 du même code, sont insérés deux articles L. 300-5-1 et L. 300-5-2 ainsi rédigés :

« Art. L. 300-5-1. - Lorsque le concessionnaire n'est pas soumis au code des marchés publics ou aux dispositions de l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, les contrats d'études, de maîtrise d'oeuvre et de travaux conclus par lui pour l'exécution de la concession sont soumis à une procédure de publicité et de mise en concurrence définie par décret en Conseil d'Etat.

« Art. L. 300-5-2. - Les dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 300-4 ne sont pas applicables aux concessions d'aménagement conclues entre le concédant et un aménageur sur lequel il exerce un contrôle analogue à celui qu'il exerce sur ses propres services et qui réalise l'essentiel de ses activités avec lui ou, le cas échéant, les autres personnes publiques qui le contrôlent. »

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par Mmes Assassi,  Mathon,  Borvo Cohen-Seat et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le texte proposé par cet article pour l'article L. 300-5-1 du code de l'urbanisme :

« Art. L. 300-5-1. - Les contrats de travaux, d'études et de maîtrise d'oeuvre conclus par l'aménageur pour l'exécution de la concession sont soumis aux principes de publicité et de mise en concurrence prévus par l'ordonnance n° 2005-649 du 6 juin 2005 relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics.

La parole est à Mme Eliane Assassi.

Mme Eliane Assassi. Cet amendement a déjà été défendu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Madame Assassi, votre amendement a le mérite de poser la question des modalités de la mise en concurrence effectuée par le concessionnaire.

Toutefois, la commission a considéré qu'il fallait distinguer les cas dans lesquels un apport financier est opéré par la collectivité. Il apparaît alors juste que les dispositions de l'ordonnance du 6 juin 2005 soient mises en oeuvre.

En revanche, il semble délicat d'imposer un tel dispositif à des opérateurs privés qui mettraient en oeuvre des opérations privées sans bénéficier d'aucun concours public.

En conséquence, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement, monsieur le président.

Je profite de cette intervention pour répondre à M. le rapporteur.

Le Gouvernement comprend vos préoccupations, monsieur Sueur, et tient à y apporter des réponses précises et claires.

En ce qui concerne l'application de l'ordonnance du 6 juin 2005 aux aménageurs privés, la loi doit tenir compte de la diversité des situations. Il n'est pas possible d'imposer des obligations identiques aux aménageurs dont l'opération est financée par la collectivité et à ceux qui assurent un risque économique.

Le décret d'application fera dans ce domaine, comme dans celui des modalités de la publicité préalable au choix de l'aménageur, une distinction claire entre les opérations qui bénéficient d'un financement public et celles qui sont entièrement financées par l'aménageur.

Dans le premier cas, les modalités de passation des marchés seront alignées sur celles qui sont prévues par l'ordonnance du 6 juin 2005.

Dans le second cas, une procédure de publicité et de transparence beaucoup plus souple sera définie.

Enfin, je souhaite répondre aux questions soulevées par M. Jean-Pierre Sueur dans la discussion générale, concernant la non-ratification de l'ordonnance.

Vous avez noté, monsieur le rapporteur, que le projet de loi comporte une référence à l'ordonnance du 6 juin 2005, relative aux marchés passés par certaines personnes publiques ou privées non soumises au code des marchés publics, alors que cette ordonnance n'a pas encore été ratifiée par le Parlement.

Il était nécessaire, dans le présent projet de loi, de ne plus se référer au texte que cette ordonnance vient de remplacer. Bien évidemment, monsieur le rapporteur, la mention qui en est faite ne vaut pas ratification.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Merci, c'est une précision importante !

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Enfin, monsieur Sueur, vous avez évoqué le régime de la TVA.

La principale question qui se pose sur l'harmonisation des régimes fiscaux est celle de la limitation dans le temps du régime de la TVA pour les cessions de terrains effectuées par des aménageurs privés.

Je saisirai mon collègue en charge du budget ; il est d'accord sur le principe d'une solution, cette dernière pouvant trouver un support dans une prochaine loi de finances.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

L'article L. 311-5 du même code est ainsi modifié :

1° Le mot : « confiés » est remplacé par le mot : « concédés » et les mots : « à un établissement public y ayant vocation, à une société d'économie mixte ou à une personne publique ou privée » sont supprimés ;

2° Il est ajouté un alinéa ainsi rédigé :

« Lorsque le concédant ou le concessionnaire conclut avec des propriétaires de terrains situés à l'intérieur de la zone une convention définissant les conditions dans lesquelles ces propriétaires participent à l'aménagement, cette convention est distincte de la convention de participation financière prévue par le dernier alinéa de l'article L. 311-4. »  - (Adopté.)

Art. 4
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Art. 6

Article 5

I. - Dans le premier alinéa de l'article L. 212-2 du même code, les mots : « soit à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une convention publique d'aménagement » sont remplacés par les mots : « soit au concessionnaire d'une opération d'aménagement ».

II. - Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 213-3 du même code, les mots : « ou à une société d'économie mixte répondant aux conditions définies au deuxième alinéa de l'article L. 300-4 et bénéficiant d'une concession d'aménagement » sont remplacés par les mots : « ou au concessionnaire d'une opération d'aménagement ».  - (Adopté.)

Art. 5
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Art. additionnel après l'art. 6

Article 6

I. - L'article L. 1523-2 du code général des collectivités territoriales est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, les mots : « convention publique d'aménagement » sont remplacés par les mots : « concession d'aménagement » ;

2° Dans le troisième alinéa (2°), les mots : « la collectivité, le groupement ou la personne publique contractant » sont remplacés par les mots : « le concédant », et les mots : « de la société » par les mots : « du concessionnaire » ;

3° Dans le quatrième alinéa (3°), les mots : « de la collectivité territoriale, du groupement ou de la personne publique » sont remplacés par les mots : « du concédant », et les mots : « la personne contractante » par les mots : « le concédant » ;

4° Dans le cinquième alinéa (4°), les mots : « la personne publique contractante » sont remplacés par les mots : « le concédant », les mots : « l'organe délibérant de la personne publique contractante » par les mots : « l'organe délibérant du concédant », et les mots : « l'assemblée délibérante » par les mots : « l'organe délibérant du concédant » ;

5° Dans le septième alinéa (6°), les mots : « du contrat » sont remplacés par les mots : « du traité de concession » ;

6° Dans la première phrase du huitième alinéa, les mots : « La convention » sont remplacés par les mots : « Le traité de concession » et la dernière phrase est ainsi rédigée :

« Un accord spécifique est conclu entre le concédant et la collectivité qui accorde la subvention ».

II. - A l'article L. 1523-3 du même code, les mots : « convention publique d'aménagement prévue au deuxième alinéa de » sont remplacés par les mots : « concession d'aménagement prévue à » et les mots : « la convention est établie conformément aux dispositions de l'article L. 300-5 du même code » sont remplacés par les mots : « le traité de concession est établi conformément aux dispositions des articles L. 300-4 à L. 300-5-2 du même code ».

III. - L'article L. 1523-4 du même code est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa, le mot : « conventions » est remplacé par le mot : « concessions » ;

2° Dans la première phrase du dernier alinéa, le mot : « convention » est remplacé par le mot : « concession ».  - (Adopté.)

Art. 6
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Art. 7

Article additionnel après l'article 6

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Vézinhet, Mme Bricq, M. Madec et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 6, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'article L. 1522-1 du code général des collectivités territoriales est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« ... ° Par dérogation aux articles L. 2253-1, L. 3231-6, L. 4211-1 et L. 5111-4, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent, avec d'autres personnes publiques, prendre des participations dans des sociétés publiques locales dont elles détiennent ensemble ou séparément entièrement le capital. Ces sociétés, dédiées à l'aménagement et à l'équipement des territoires, prennent la forme de sociétés anonymes composées de un ou plusieurs actionnaires et sont soumises aux dispositions du titre II du livre cinquième à l'exception du 2° du présent article et de l'article L. 1522-2. »

La parole est à M. André Vézinhet.

M. André Vézinhet. La France se trouve dans la singulière situation d'être le seul pays de l'Union européenne à ne pas admettre des sociétés d'aménagement dont le capital serait détenu à 100 % par la puissance publique.

La nécessaire harmonisation européenne conduit donc à l'introduction en droit français d'un nouvel outil, la société publique locale.

Nous continuons à affirmer - j'ai bien entendu les différents intervenants, notamment Paul Blanc, membre du groupe UMP -, que la société publique locale serait une bonne réponse pour nous couler dans le moule européen qui vaut pour tous les autres pays.

En outre, la société publique locale présente des avantages dans les domaines de la transparence, de la maîtrise, de la sécurité et de l'efficacité qui ne se retrouvent dans aucune autre forme juridique. Le problème demeure donc.

Un groupe de travail a été annoncé à l'Assemblée nationale. Mais le Sénat, dans sa diversité, doit aussi pouvoir faire connaître son point de vue sur la création de telles sociétés. J'attends les remarques de M. le ministre sur ce sujet.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. La commission est très sensible à l'intérêt que présenterait une telle structure, et nous savons, monsieur Vezhinet, la part que vous avez prise pour faire avancer les idées qui ont abouti à la discussion de ce projet de loi aujourd'hui.

Toutefois, comme je l'ai indiqué dans une précédente intervention, la commission est également sensible aux difficultés juridiques existantes et au fait que toutes les précautions soient prises pour qu'il n'y ait pas de démembrement des collectivités locales.

C'est pourquoi la commission a estimé judicieux de constituer un groupe de travail à condition que ce dernier soit élargi - M. le ministre l'aura certainement compris - aux membres du Sénat.

En conséquence, tout en marquant l'intérêt que présente votre proposition, monsieur Vezhinet, la commission émet un avis défavorable sur votre amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué. La création de sociétés à capitaux exclusivement publics, à l'instar de ce qui existe dans de nombreux pays européens, a été longuement débattue à l'Assemblée nationale.

Le Gouvernement est attentif à la possibilité, pour les collectivités, de se doter de structures adaptées pour mener à bien les opérations d'aménagement. Pour autant, il faut permettre une expertise préalable des mécanismes proposés.

C'est pourquoi le Gouvernement n'a pas souhaité l'adoption d'un amendement analogue à celui que vous présentez.

Il a pris l'engagement de constituer un groupe de travail et de préparer très rapidement un texte qui permettra de répondre en toute sécurité aux préoccupations exprimées par le Parlement.

Comme convenu lors de l'examen à l'Assemblée nationale, un groupe de travail a été mis en place pour étudier la question des sociétés publiques locales. Une première réunion a eu lieu le 5 juillet dernier. A cette occasion, le principe du soutien du Gouvernement à cette initiative parlementaire a été réaffirmé. Cette réunion a permis de recenser une première liste de points juridiques à expertiser.

Compte tenu de la situation d'urgence dans laquelle a été constitué ce groupe, cette première réunion s'est malheureusement tenue uniquement avec des députés ; mais il est normal que les sénateurs soient directement associés aux travaux de ce groupe de travail.

M. Jean-Pierre Sueur, rapporteur. Vous vous y engagez ?

M. Léon Bertrand, ministre délégué. Je m'y engage, monsieur le rapporteur, d'autant plus que les sénateurs sont les représentants des collectivités locales ; ils ont donc toute leur place dans ce groupe de travail. Vous serez donc conviés à la prochaine réunion qui se tiendra à la fin du mois de septembre sous l'égide du ministre délégué aux collectivités locales, Brice Hortefeux. Nous voulons que les travaux de ce groupe de travail aboutissent d'ici à la fin de l'année au plus tard.

Ce groupe de travail permettra de répondre aux attentes légitimes que vous avez exprimées, mais aussi aux difficultés que vous avez tous soulignées.

En conséquence, monsieur Vézinhet, je vous demande de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. L'amendement est-il maintenu, monsieur Vézhinet ?

M. André Vézinhet. J'ai pris acte des propos de M. le ministre ; j'apprécie que, à la suite des observations exprimées sur les différentes travées de cette enceinte, le Sénat - j'espère dans sa diversité - soit bientôt associé aux travaux du groupe de travail.

J'ai également entendu ce que les uns et les autres ont dit, notamment M. le rapporteur, exprimant l'opinion de la commission des lois, ou Mme Assassi, et je ne voudrais pas que ce qui, aujourd'hui, apparaît comme un doute devienne une impossibilité de faire, comme j'ai pu, en seize ans de mandat parlementaire, le voir en d'autres circonstances.

Je souhaite donc préciser quelques points.

Tout d'abord, les sociétés d'économie mixte ont été jusqu'à présent l'expression de la volonté politique des collectivités territoriales. Compte tenu des impossibilités devant lesquelles nous nous trouvons de poursuivre dans ce sens, le modèle juridique adopté par les autres pays de l'Union européenne nous ouvre des perspectives.

Il faut non pas créer des difficultés aux solutions, mais rechercher des solutions aux difficultés devant lesquelles nous nous trouvons placés.

J'entends bien qu'il existe la loi d'orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er août 2003, mais vous conviendrez avec moi qu'il ne s'agit pas seulement de la ville et de la rénovation urbaine, monsieur le ministre.

Aujourd'hui, en raison de la fracture numérique, des ségrégations sociale et spatiale qu'il faut faire cesser, l'aménagement concerne de larges territoires, à l'échelle du département, de la région et de l'intercommunalité, et la disposition de la loi Borloo concernant la rénovation urbaine est insuffisante.

Enfin, après avoir entendu M. le rapporteur exprimer les réserves de la commission, je tiens à affirmer que cette société publique locale n'est aucunement conçue pour démembrer les services des collectivités locales. Le champ d'intervention est strictement circonscrit par la loi relative à l'aménagement et à l'équipement du territoire, et il ne saurait être question de déborder de cette conception.

C'est la raison pour laquelle, monsieur le président, je maintiens l'amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Je me permets de rappeler à M. Vézinhet que la libre administration des collectivités locales s'effectue toujours dans les conditions prévues par la loi. Il ne s'agit pas d'une liberté totale.

A partir du moment où une loi vous interdit de dépasser les missions d'une société d'économie mixte, il n'y a qu'à la respecter pour ne pas se retrouver en difficulté.

Monsieur Vézinhet, si l'on veut comparer, il faut faire du droit comparé jusqu'au bout : à l'étranger, nombre de structures correspondent exactement aux EPIC ou aux régies. C'est notamment le cas en Allemagne, le droit allemand ayant dû s'adapter, compte tenu des problèmes de concurrence.

Je le rappelle, les SEM sont des sociétés anonymes. Or, jusqu'à voilà huit jours, on ne pouvait pas constituer une société anonyme avec une seule personne. J'espère que, demain, cette règle vaudra encore ... Un contrat de société, c'est en effet un contrat entre plusieurs associés, éventuellement entre plusieurs collectivités publiques !

Vous l'avez dit, il faut circonscrire le champ d'intervention des sociétés publiques locales. Dans plusieurs pays, celui-ci est en effet très étendu, et les sociétés publiques locales peuvent pratiquement exercer toutes les compétences. Il nous faut donc être attentifs !

Vous l'avez également souligné, il existe quand même des possibilités de gérer directement un service public sans faire appel à des structures extérieures. Ainsi, je pense aux récents établissements publics locaux d'aménagement. Et, que je sache, les régies existent encore !

Cet amendement, qui n'est d'ailleurs pas porté par vous seul, monsieur Vézinhet, nécessite une expertise, car il soulève des problèmes juridiques sérieux. Je comprends que vous vouliez le maintenir, mais la commission - et ce n'est pas un refus de sa part - le considère comme un peu prématuré. Elle n'a pas eu le temps d'évaluer toutes les implications de ce dispositif, et des compléments d'information sont donc nécessaires.

C'est la raison pour laquelle, monsieur Vézinhet, la commission des lois vous avait demandé de retirer cet amendement. Mais puisque vous persistez à le maintenir, elle se voit dans l'obligation d'émettre un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. André Vézinhet, pour explication de vote.

M. André Vézinhet. Monsieur le président de la commission, votre intervention est très éclairante, et j'entends bien vos arguments. Mais, vous le savez, ce sujet fait resurgir un grand débat : soit les collectivités sont obligées d'avoir recours à la régie, ce qui fait perdre la souplesse de la société anonyme, soit elles se retrouvent en délicatesse avec le contrôle de légalité, ...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. C'est vrai !

M. André Vézinhet. ...ou avec le recours du tiers.

La situation devient donc vraiment grave pour l'aménagement du territoire français.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement n'est pas adopté.)