compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

 
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Discussion générale (suite)

Financement de la sécurité sociale pour 2006

Discussion d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Rappel au règlement

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 63, 73, 71).

Messieurs les ministres, mes chers collègues, comme vous le savez, la loi organique votée l'été dernier a enrichi le contenu de la loi de financement de la sécurité sociale, dans le sens d'un renforcement des pouvoirs du Parlement.

Trois projets de loi sont désormais réunis en un seul, qui comporte quatre parties : la première, qui est relative à l'année passée, représente la loi de règlement, la deuxième, qui porte sur l'année en cours, correspond au « collectif social », et les troisième et quatrième parties, qui sont consacrées aux recettes et aux dépenses de l'année à venir, constituent la loi de financement pour l'année à venir.

Chacune de ces parties fera l'objet d'un vote d'ensemble, puis, à l'issue de la discussion des articles, le Sénat statuera sur l'ensemble du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

En parfaite cohérence avec ce cadre rénové, la commission des affaires sociales nous a proposé d'organiser, outre la discussion générale, deux débats thématiques portant sur des sujets qui intéressent plus particulièrement le Sénat.

Au début de la troisième partie, soit demain matin, se tiendra le débat sur les fonds concourant au financement de la sécurité sociale, à savoir le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et celui qui est relatif à la protection sociale agricole, le FFIPSA.

C'est naturellement au début de l'examen de la quatrième partie qu'aura lieu le débat sur l'assurance maladie, point central du texte.

Cette organisation de nos travaux nous permettra de nous exprimer clairement sur les grands enjeux de la sécurité sociale.

Dans la discussion générale, la parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre de la santé et des solidarités. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 apporte la preuve que les textes majeurs qui vous ont mobilisés depuis 2002, qu'il s'agisse de la réforme des retraites ou de celle de l'assurance maladie, ont produit leurs premiers résultats. (M. Guy Fischer proteste.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Xavier Bertrand, ministre. L'action publique n'a d'ailleurs de sens que dans la continuité, et ce projet de loi de financement de la sécurité sociale témoigne de notre engagement non seulement pour maîtriser les dépenses, mais aussi, et surtout, pour pérenniser notre système de sécurité sociale. La réforme porte ses fruits.

J'évoquerai tout d'abord le déficit de la branche assurance maladie, qui s'élèvera en 2005 à 8,3 milliards d'euros, au lieu des 16 milliards d'euros que nous aurions connus sans la réforme. Pour la première fois depuis des années, et malgré le scepticisme de Cassandre professionnels, l'ONDAM 2005, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, sera respecté.

M. François Autain. C'est faux !

M. Xavier Bertrand, ministre. Malgré les bons résultats enregistrés par la branche assurance maladie, le déficit demeure de 11,9 milliards d'euros en 2005. Si la sécurité sociale va mieux, elle n'est pas encore totalement guérie, nous le savons tous.

M. François Autain. C'est vous qui le dites !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mais, pour analyser ce chiffre, il faut tenir compte de la moindre croissance de la masse salariale, qui n'a permis d'enregistrer que des recettes inférieures aux prévisions. Néanmoins, Philippe Bas et moi-même ne sommes pas ici pour vous annoncer de mauvaises nouvelles, car nous tenons les engagements que nous avons pris l'an dernier avec Philippe Douste-Blazy.

M. Guy Fischer. À quel prix !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il faut aussi considérer la mise en oeuvre de mesures de long terme, que ce soit pour la branche vieillesse ou la branche famille, qui produiront des effets positifs dans la durée. Au demeurant, la stabilisation des comptes au niveau de 2004 traduit déjà un réel progrès.

Quoi qu'il en soit, il est aujourd'hui nécessaire de poursuivre la mise en place de nos réformes et de franchir une nouvelle étape. Notre ambition est grande, en effet, puisque nous souhaitons réduire de 25 % en un an le déficit de l'ensemble de la sécurité sociale.

Cet objectif ambitieux se fonde sur une approche pragmatique des problèmes et sur des mesures concrètes. Il s'inscrit dans une démarche tournée vers toujours plus de solidarité et de qualité. Cela n'est possible que parce que nous avons choisi la voie de la maîtrise médicalisée des dépenses et non pas celle de la maîtrise comptable.

Cependant, pour atteindre de tels objectifs, tous les acteurs doivent consentir des efforts. Nous avons donc pensé, cette année, que l'industrie pharmaceutique et, dans une bien moindre mesure, les organismes complémentaires pouvaient nous aider à réussir la réforme.

Au reste, le fait de redresser les comptes de la sécurité sociale n'est pas une fin en soi : il s'agit non pas d'avoir le plaisir de voir diminuer les déficits, mais de pérenniser pour nous-mêmes et les générations à venir un système de sécurité sociale qui a fait ses preuves, mais qui doit être modernisé, mieux organisé et mieux géré. Cela revient, tout simplement, à conserver la « Sécu à la française », comme la nomment nos concitoyens.

Un tel redressement nous permettra également de dégager des marges de manoeuvre pour moderniser notre système et mieux répondre aux priorités de santé publique. C'est cela, le vrai sens de la solidarité et de l'équité !

Monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, les discussions en commission ont témoigné de l'importance que les sénateurs accordent à la sécurité sociale. La Haute Assemblée avait d'ailleurs pris une part importante dans la discussion du projet de loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Ça n'avait pas été une mince affaire !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le débat qui s'ouvre aujourd'hui témoignera de l'intérêt que vous portez, toutes et tous, à l'avenir de notre système de solidarité. Car, au-delà des chiffres et des mesures dont nous allons débattre, c'est bien de ce défi qu'il s'agit.

Le redressement des comptes de l'assurance maladie est donc au rendez-vous : c'est un redressement durable, qui se fonde avant tout sur la maîtrise médicalisée et la responsabilité de tous.

L'évolution des comportements, à laquelle nous avons cru et que nous pouvons aujourd'hui constater, préalable à une meilleure maîtrise des dépenses est, elle aussi au rendez-vous.

La preuve en est l'adhésion de tous, professionnels de santé et patients, au dispositif du médecin traitant. Avant la fin du mois de novembre 2005, 33 millions de Français auront déjà choisi leur médecin traitant. Nous sommes donc en avance par rapport aux objectifs que s'était fixés l'assurance maladie. Nous allons ainsi pouvoir montrer que le médecin traitant est, comme dans de nombreux pays européens, la pierre angulaire du système et un facteur de coordination des soins, gage de qualité.

Le parcours de soins entrera progressivement en vigueur. En juillet 2007 interviendra une étape importante, à savoir la mise en place du dossier médical personnel, le DMP. Ce dispositif permettra d'améliorer la qualité des soins et la sécurité du patient, en évitant notamment l'iatrogénie et les examens redondants.

A nos yeux, le DMP est donc une priorité. Son expérimentation débutera sous peu ; nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet au cours du débat.

J'ai encore en mémoire les propos de toutes celles et de tous ceux qui, lors de la réforme de l'assurance maladie, prédisaient que ces mesures ne marcheraient jamais...

M. Roland Muzeau. La preuve, ça ne marche pas !

M. François Autain. C'est une catastrophe !

M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd'hui, on peut constater que les résultats sont au rendez-vous. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) En effet, je le répète, 33 millions de Français ont choisi leur médecin traitant,...

M. François Autain. Ils n'ont pas le choix !

M. Roland Muzeau. Sinon, ils ne sont pas remboursés !

M. Xavier Bertrand, ministre. ... alors que les Cassandre annonçaient que le chiffre de 10 millions de personnes ne serait jamais atteint ! Les mêmes préfèrent maintenant ne pas avoir de mémoire ; ils sont gênés par leurs déclarations, qui remontent à un an à peine.

Il est donc légitime que tous les patients soient responsabilisés. Ainsi, dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, sont prévues non seulement des mesures de solidarité, comme l'augmentation de l'aide à l'acquisition d'une assurance complémentaire, mais aussi des mesures de responsabilité.

Je sais, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, d'après les discussions que vous avez eues en commission, que vous souhaitez tirer les conséquences de la loi du 13 août 2004, en généralisant le parcours de soins à l'ensemble des assurés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Même à ceux qui bénéficient de la CMU !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce qui est vrai pour le parcours de soins l'est également pour les médicaments, dont le service médical rendu, le SMR, est insuffisant, et pour les consultations qui se déroulent hors du parcours de soins.

Une telle volonté est parfaitement légitime. En effet, un système solidaire de santé doit favoriser l'accès de tous à une médecine de qualité, sans, toutefois, permettre les abus.

M. François Autain. Ce sont des mots !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous souhaitez également, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, apporter certains assouplissements concernant la mise en place des contrats responsables. A cet égard, je souhaite vous rappeler l'importance que revêtent ces contrats, qui reflètent l'esprit même de la réforme. J'ai d'ailleurs bien conscience que vous souhaitez tout simplement allier l'ambition affichée pour les contrats responsables à un nécessaire pragmatisme.

Bien évidemment, le contrat responsable, qui sera mis en place à compter du 1er janvier 2006, ne permettra pas la prise en charge des surcoûts entraînés par les consultations données hors du parcours de soins. Néanmoins, il créera les conditions d'une plus grande solidarité, grâce à un remboursement à 100 %, par l'assurance maladie et les complémentaires, des consultations du médecin traitant. Il mettra également ses titulaires à l'abri des augmentations de tarifs que nous avons connues par le passé.

La maîtrise médicalisée se poursuit, en ville comme à l'hôpital, ainsi qu'en témoignent les résultats pour la médecine de ville, qui sont particulièrement encourageants : la croissance des dépenses atteint 2,2 % pour les neuf premiers mois de l'année 2005. C'est du « jamais vu », mesdames, messieurs les sénateurs, puisque cette progression fut, je le rappelle, de 7 % à 8 % jusqu'en 2003. Cette inflexion est d'ailleurs particulièrement nette pour les honoraires médicaux.

Par ailleurs, s'agissant de l'article 26 quater, adopté par l'Assemblée nationale et relatif à la mission du conciliateur des caisses en cas d'abus de tarif, le Gouvernement souhaite que le débat au Sénat permette de clarifier ce qui est du domaine de ce conciliateur et ce qui relève plus naturellement des missions de l'ordre des médecins, en particulier la conciliation.

M. le député Pierre-Louis Fagniez, qui est intervenu à l'Assemblée nationale sur ce sujet, souhaitait prévenir une judiciarisation de notre système de santé, en évitant la multiplication des recours. Le Gouvernement, qui partageait une telle préoccupation, avait alors soutenu son amendement.

Or, à la suite de l'adoption ce matin, en conseil des ministres, d'un projet de loi de ratification d'une ordonnance en la matière, nous allons développer, notamment auprès du conseil de l'ordre des médecins, la voie de la conciliation. Par conséquent, l'article 26 quater du projet de loi de financement de la sécurité sociale semble moins adapté que ce nouveau dispositif.

La responsabilisation de tous s'accroît, comme le prouve également la baisse très sensible du montant des sommes versées au titre des indemnités journalières liées aux arrêts de travail. Sur les neuf premiers mois de l'année, celles-ci ont diminué de 2,2 %, après avoir connu une hausse de plus de 10 % en 2002 et de 6,6 % en 2003.

Le respect du principe de solidarité passe aussi par la lutte contre les abus et les fraudes. (Murmures sur les travées du groupe CRC.) Est-il possible que des gaspillages perdurent dans notre système de santé ? Est-il possible de continuer de lire, années après années, dans les rapports de la Cour des comptes, que 6 milliards à 8 milliards d'euros sont perdus de la sorte,...

M. Guy Fischer. Pas pour tout le monde !

M. Xavier Bertrand, ministre. ... au lieu d'être affectés au remboursement de nouvelles thérapies, à une meilleure prise en charge des personnes dépendantes ou aux nouvelles priorités en matière de santé publique ? Je ne le pense pas, comme personne, d'ailleurs, dans cet hémicycle ! Il est donc important de réduire ces dépenses inutiles afin de faire progresser la qualité des soins.

Déjà, en 2005, 800 000 opérations de contrôle auront été menées par l'assurance maladie sur les trois thèmes prioritaires qu'elle a définis : les arrêts maladie, la surconsommation médicale et les remboursements injustifiés. L'article 57 du projet de loi prévoit des moyens renforcés en la matière.

La carte Vitale II, avec photo, constitue un autre outil de responsabilisation. Particulièrement attendue par nos concitoyens, elle verra le jour à la fin de l'année 2006, comme cela a toujours été prévu.

M. François Autain. C'est marginal !

M. Roland Muzeau. Qu'en pensent les pharmaciens ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous demandons cette année un effort supplémentaire à certains acteurs.

Dans le domaine du médicament, face à une croissance des dépenses restée importante en 2005, nous avons pris un certain nombre de mesures qui sont guidées par un seul principe : la prise en charge du médicament au juste prix et en fonction de l'intérêt médical.

Conformément à l'avis de la Haute Autorité de santé, une liste de 221 médicaments ayant un service médical rendu insuffisant a été établie. Nous avons décidé d'agir avec pragmatisme. Ainsi, 156 médicaments ne seront plus remboursés à partir du mois de mars prochain. Par ailleurs, les veinotoniques ne seront plus remboursés à partir de 2008 et seront pris en charge à hauteur de 15 % dans cet intervalle.

Afin de poursuivre le développement du médicament générique, l'assurance maladie fondera davantage son remboursement sur le prix du médicament générique. Celui-ci sera aligné sur le prix européen, ce qui entraînera une baisse de prix de 15 % du répertoire du générique au 1er janvier prochain.

Ces mesures profiteront à tous : aux patients, à l'assurance maladie, aux organismes complémentaires. En matière de médicaments génériques, des progressions importantes nous attendent. Aujourd'hui, 60 % des médicaments « généricables » sont des génériques. Or 89 % des Français affirment être prêts à recourir à ce type de médicaments.

Nous demandons également un effort particulier à l'industrie pharmaceutique. En effet, cette année encore, le taux de croissance des médicaments est important - de l'ordre de  4 % à  5 % - et se révèle supérieur au taux de 1 % qui avait été convenu entre les pouvoirs publics et l'assurance maladie. Nous avions donc le choix entre baisser le prix de tous les médicaments - comme l'ont décidé certains pays - et augmenter la taxe sur le chiffre d'affaires des médicaments remboursables par l'assurance maladie. Nous avons retenu cette dernière solution, avec une taxe relevée à titre exceptionnel en 2006.

Une telle mesure est nécessaire si nous voulons continuer à privilégier l'innovation thérapeutique, donc l'avenir, et rembourser de nouveaux médicaments. Mesdames, messieurs les sénateurs, l'assurance maladie dépense, chaque année, un milliard d'euros pour prendre en charge de nouveaux médicaments. C'est tout l'honneur d'un système de santé solidaire comme le nôtre que de le faire. Ainsi, le montant des traitements anti-cancer s'élève à 1500 euros par mois ; les nouveaux traitements contre la polyarthrite rhumatoïde reviennent à 1375 euros par mois. Pour prendre en charge ces médicaments innovants, nous devons créer de nouvelles marges de manoeuvre. Seul l'intérêt médical guide nos décisions. La Haute Autorité de santé est l'expert scientifique qui doit nous y aider.

J'exposerai à présent les raisons qui motivent l'instauration d'une participation plafonnée à 18 euros sur les actes d'une valeur supérieure à 91 euros.

M. Guy Fischer. C'est un scandale !

M. Xavier Bertrand, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, contrairement à ce qui a pu être affirmé, ce ne sont pas les assurés sociaux qui paieront cette mesure, ni directement ni indirectement. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Mais voyons !...

M. Xavier Bertrand, ministre. Permettez-moi de vous exposer la situation sereinement.

Cette mesure ne concerne pas tous les actes. Elle existe d'ailleurs déjà aujourd'hui pour tous les actes d'une valeur inférieure à 91 euros. Nos concitoyens savent bien que c'est leur assurance complémentaire qui prend en charge cette dépense.

Cette mesure est forfaitaire. Quels que soient le montant de l'acte - 91 euros ou 9 200 euros ! -, le nombre de journées d'hospitalisation ou le nombre d'actes dont bénéficiera l'assuré social, ce forfait est limité à 18 euros, une fois pour toutes.

Cette mesure ne sera pas prise en charge par les assurés sociaux. Elle ne concerne d'ailleurs ni les personnes bénéficiant d'une exonération totale comme les femmes enceintes, les nouveaux-nés hospitalisés, les titulaires d'une rente pour accident du travail ou maladie professionnelle ou d'une pension d'invalidité, ni les 7 millions de personnes atteintes d'une affection de longue durée, ni les personnes les plus démunies. Pour les 92 % de Français qui en disposent, vous le savez, c'est l'assurance complémentaire santé qui fera face à cette dépense.

M. François Autain. Si elle le veut !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous sommes conscients que, pour les organismes complémentaires de santé, cette mesure représentera un surcoût de l'ordre de 100 millions d'euros, soit 0,53 % du montant de leurs dépenses. Toutefois, cette somme sera très largement compensée par les économies que ces organismes réaliseront, notamment grâce à notre politique du médicament de baisse des prix et de développement du générique. Je me suis d'ores et déjà entretenu à ce sujet avec l'Union nationale des organismes d'assurance maladie complémentaire, l'UNOC.

Une fois que la représentation nationale aura voté le projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous pourrons examiner les chiffes dans la plus grande transparence. Nous saurons alors si les mesures prévues dans ce texte conduiront les organismes complémentaires à majorer leurs cotisations.

Je suis persuadé qu'il n'en sera rien. Je ne suis d'ailleurs pas le seul à l'affirmer ! Dans un dernier avis, le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie a établi que les charges nouvelles imposées aux organismes complémentaires seraient effectivement compensées par les économies nouvelles que permettra de réaliser le projet de loi de financement de la sécurité sociale. En d'autres termes, rien ne justifierait l'augmentation des tarifs des organismes complémentaires en 2006. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. Les organismes complémentaires disent le contraire !

M. Alain Gournac. C'est pourtant la vérité !

M. Xavier Bertrand, ministre. Il suffira d'examiner les mesures votées et d'en tirer les conclusions qui s'imposent avec la plus grande sérénité.

M. Guy Fischer. On vous le rappellera, monsieur le ministre !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale poursuit la politique de redressement des comptes. Il vise également à donner de véritables marges de manoeuvre pour soigner mieux et mieux prendre en compte les priorités de santé publique.

Nous voulons dépenser mieux pour soigner mieux tous les Français. Je ne prendrai que quelques exemples.

J'ai déjà mentionné les dépenses nouvelles liées à la prise en charge des traitements innovants. Il faut également citer la prise en charge des nouveaux examens. Par exemple, l'ostéoporose est responsable de 130 000 fractures par an, dont 50 000 fractures du col du fémur. Si nous n'agissons pas, ces chiffres tripleront d'ici à 2050. C'est pourquoi la prise en charge de l'examen préventif que constitue l'ostéodensitométrie, qui n'a jamais été pris en charge, est un investissement utile pour l'assurance maladie et indispensable pour la santé des femmes concernées. Son coût est de l'ordre de 30 millions à 40 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées du groupe CRC.)

M. Roland Muzeau. A mon avis, cela cache quelque chose !

M. Xavier Bertrand, ministre. Lorsque le déficit annuel de l'assurance maladie s'élevait à 13 milliards d'euros, voire à 16 milliards d'euros, il n'était pas possible d'envisager de telles dispositions. Parce que nous revenons vers l'équilibre et que nous créons ces marges de manoeuvre, nous pourrons prendre en charge de nouveaux actes de prévention.

Une telle mesure est importante, comme sont essentielles nos priorités en matière de grands plans de santé publique. Les plans cancer, Alzheimer, sida, périnatalité, santé mentale, maladies rares, mais aussi les urgences disposeront de moyens accrus de l'assurance maladie, soutenant ainsi l'action de l'Etat.

Il est temps d'engager notre système de santé dans la voie de la prévention. Si celui-ci est considéré, sur le plan curatif, comme l'un des meilleurs au monde - sinon le meilleur ! -, selon l'Organisation mondiale de la santé, l'OMS, il nous faut le placer à la première place en matière de prévention.

Ainsi, non seulement les Français resteront en bonne santé le plus longtemps possible, mais nous maîtriserons mieux, médicalement, l'évolution des dépenses de notre système de santé.

Je terminerai en évoquant un autre effort de santé publique. Notre système ne serait rien si la santé n'était pas accessible à tous. Aussi l'aide à l'acquisition d'une complémentaire sera-t-elle renforcée. Le dispositif que vous avez voté lors de l'examen de la loi relative à l'assurance maladie sera substantiellement relevé dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Pour ceux dont les revenus se situent 15 % au-dessus du seuil de la couverture maladie universelle, la CMU, et qui, pendant longtemps, n'ont bénéficié d'aucune aide pour acquérir une assurance santé complémentaire, le montant de cette aide sera porté de 75 euros à 100 euros s'ils ont moins de 25 ans, de 150 euros à 200 euros s'ils ont entre 25 et 59 ans, et de 250 euros à 400 euros, soit une hausse de plus de 60 %, s'ils ont plus de 60 ans.

Deux millions de personnes doivent être visés par ce dispositif, et nous demanderons à tous les acteurs concernés d'en faire la promotion.

La modernisation de l'hôpital demeure l'une de nos priorités. Une meilleure gestion et une réorganisation doivent permettre d'améliorer la qualité des soins et la sécurité du patient. Ce faisant, nous avons à coeur de prendre sérieusement en compte les conditions de travail de l'ensemble des personnels.

L'investissement hospitalier se poursuit, dans le cadre du programme voulu par Jean-François Mattéi et tracé dans le plan « Hôpital 2007 ». Dix milliards d'euros sont prévus sur cinq ans, ce qui représente un important effort de modernisation dans chacune de nos régions. C'est un chantier dans lequel chacun doit s'impliquer.

Je n'ignore ni le défi considérable que constitue la mise en oeuvre de ce plan ni les questions qui ont été posées au cours de l'année 2005 sur les perspectives financières. Avec l'ONDAM hospitalier, qui est proposé à votre approbation, mesdames, messieurs les sénateurs, nous donnerons à l'hôpital les moyens de continuer à croire en l'avenir.

La tarification à l'activité est une mesure juste et équitable,...

M. Guy Fischer. Hum !...

M. Xavier Bertrand, ministre. ...qui permet une répartition des crédits en fonction des besoins réels des patients. Elle vise aussi à harmoniser la tarification entre le secteur public et le secteur privé, « dans la limite des écarts justifiés par les différences dans la nature des charges ».

Je préfère une convergence réussie à une convergence précipitée des tarifs. C'est pourquoi j'attends les conclusions d'une mission de l'Inspection générale des affaires sociales, l'IGAS, pour présenter à tous les parlementaires et à tous les acteurs la bonne voie pour y parvenir.

Je tiens également à souligner l'une des mesures rendue possible par le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elle concerne le problème de la démographie médicale et la meilleure répartition des professionnels de santé sur le territoire. Je sais, mesdames, messieurs les sénateurs, que vous vous êtes toujours intéressés à cette question.

Si nous n'agissons pas, certaines zones de notre territoire pourraient devenir des déserts médicaux. Avec ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous dégageons les moyens d'éviter une telle situation. Ainsi, à la suite du rapport de la commission de la démographie médicale, présidée par le professeur Yvon Berland, les articles 27, 29 et 39 du projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoient la mise en place d'aides à l'installation pour les remplaçants, l'instauration d'une aide à la constitution d'une clientèle pour les jeunes médecins, notamment grâce à l'exonération du ticket modérateur pour les patients qui les consulteraient pour la première fois, alors même qu'ils ne sont pas leur médecin traitant.

Nous voulons aller plus loin. C'est pourquoi nous vous soumettrons une disposition contenue dans un amendement voté à l'unanimité à l'Assemblée nationale et dont l'objet est d'accorder une rémunération forfaitaire à des professionnels de santé qui exercent dans des zones déficitaires, en favorisant l'exercice en groupe. Cette participation forfaitaire s'ajouterait au tarif de la consultation.

Je sais qu'une mesure similaire a été votée dans le cadre du projet de loi d'orientation agricole. Le dispositif que prévoit le projet de loi de financement de la sécurité sociale présente un double avantage. Pour le patient, le prix de la consultation et le taux de remboursement ne changeraient pas. Pour le praticien, cette participation forfaitaire s'ajouterait à la valeur intrinsèque du C.

Pour faciliter la permanence des soins, nous renforçons les moyens alloués au Fonds d'aide à la qualité des soins de ville.

M. Guy Fischer. Ah bon !...

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous savez également l'importance que nous accordons à la formation des professionnels de santé, avec l'évaluation des pratiques professionnelles et la formation médicale continue.

M. François Autain. Il n'y a pas d'argent ! Vous n'avez pas les crédits !

M. Xavier Bertrand, ministre. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 prend en effet en compte toutes nos priorités d'action : les personnes handicapées, les personnes âgées dépendantes et les familles.

Philippe Bas, qui poursuivra cette présentation, abordera ces grands défis de la solidarité qui sont posés à notre système de santé.

Mesdames, messieurs les sénateurs, lorsque Philippe Douste-Blazy (Exclamations ironiques sur les travées du groupe CRC.)...

M. Guy Fischer. On le regrette !

M. Roland Muzeau. Souvenir impérissable !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...et moi-même sommes venus vous présenter le projet de loi relatif à l'assurance maladie, adopté le 13 août 2004, nous avions dit que les résultats seraient au rendez-vous à la fin de l'année 2005 et à la fin de l'année 2006, que c'était à cette condition que nous parviendrions à sauver notre système de sécurité sociale. Je puis vous dire, fort de l'expérience de cette année, que nous sommes sur le chemin de la réussite. Les Français s'en rendent compte ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. François Autain. C'est la méthode Coué ! L'essentiel, c'est qu'il soit convaincu !

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué à la sécurité sociale, aux personnes âgées, aux personnes handicapées et à la famille. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, deux ans après la réforme des retraites, un an après la réforme de l'assurance maladie, le Sénat va donc examiner à partir d'aujourd'hui ce nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, que Xavier Bertrand et moi-même avons l'honneur de présenter. Ce texte s'inscrit dans la continuité d'une action qui témoigne de notre commun attachement à la sécurité sociale, au moment où nous célébrons son soixantième anniversaire.

C'est avant tout l'occasion pour nous tous de dire notre fierté devant les réalisations de notre système de sécurité sociale, auquel chacun, au fil du temps, a apporté sa pierre. C'est l'occasion aussi de souligner la réussite du pacte social conclu à la Libération, sous l'autorité du général de Gaulle, avec la participation de toutes les forces politiques. Ce pacte exprime la solidarité des Françaises et des Français face aux risques de la vie. Il leur apporte des garanties qui assurent notre cohésion sociale, notre confiance face à l'avenir, et donc aussi notre dynamisme économique. C'est pourquoi nous y sommes tous si profondément attachés.

Notre politique pour la sécurité sociale, c'est d'abord la réduction des déficits, mais ce n'est pas seulement cela. Il s'en faut de beaucoup. C'est aussi la reconnaissance des performances d'un système de solidarité qui compte parmi les plus efficaces au monde. Et c'est encore, comme l'a souligné à l'instant Xavier Bertrand, l'exigence constante de nouveaux progrès que seule la maîtrise des coûts rend possibles. Je reviendrai dans un instant sur ces progrès contenus dans le projet de loi qui vous est présenté, mais regardons d'abord les acquis de soixante ans, qu'il s'agit aujourd'hui de fortifier.

Je commencerai par la famille.

La natalité française est la plus élevée de l'Europe continentale. Elle n'est pas loin d'assurer le renouvellement des générations.

Tous les démographes expliquent cette grande différence par rapport à nos voisins, qu'ils soient allemands, anglais, espagnols ou italiens, par notre politique familiale et par les prestations familiales de la sécurité sociale. Le projet que nous vous présentons aujourd'hui vient encore renforcer cette politique en favorisant le choix le plus fréquent de nos compatriotes, celui d'avoir deux revenus dans le couple. C'est en effet le moyen d'élever ses enfants dans les meilleures conditions et c'est le choix de 80 % des Françaises qui exercent une activité professionnelle. Nous l'avons démontré depuis longtemps, en France le travail des femmes n'est pas l'ennemi de la natalité. Au contraire, il la favorise, à condition que nous sachions donner aux couples les moyens de concilier vie familiale et vie professionnelle.

M. Philippe Bas, ministre délégué. J'en viens aux retraites.

Nous avons pris nos responsabilités en faisant une réforme nécessaire et juste, trop longtemps différée. Grâce à elle, l'avenir de notre système de solidarité entre les générations est garanti. Souvenons-nous qu'au moment de la création de notre sécurité sociale plus de 50 % des Français âgés de 65 à 70 ans étaient encore obligés de travailler faute de retraites décentes. Aujourd'hui, grâce à la solidarité entre les générations, le revenu moyen des retraités atteint 90 % de celui des actifs. Cela aussi, c'est l'oeuvre de la sécurité sociale !

J'aborde enfin la santé.

L'OMS a salué les performances de la France en nous classant au premier rang mondial. Notre système n'est certes pas parfait. Il faut continuer à l'adapter. Mais il ne craint la comparaison avec aucun autre. Il est parmi les plus efficaces du point de vue de la qualité des soins. Et surtout, il est bien plus juste que tous ceux qui laissent de côté une part croissante de la population, y compris - on ne le dit pas assez - les classes moyennes elles-mêmes, au profit d'une protection sociale réservée à ceux-là seuls qui ont la chance de pouvoir y accéder. De récentes décisions annoncées par une grande entreprise automobile américaine montrent à quel point la précarité des systèmes privés de protection sociale peut affecter les couches de la population qui se croyaient les mieux protégées, tandis que, dans le même pays, 40 millions de personnes de toute condition se trouvent écartées d'une bonne couverture.

A l'inverse, le système français garantit l'accès de tous aux meilleurs soins. C'est le choix de la solidarité. Et c'est aussi celui de l'efficacité économique, car les dépenses de santé atteignent aux États-unis près de 14 % du produit intérieur brut contre à peine plus de 8 % en France.

Notre système ignore également les exclusions, notamment en fonction de l'âge. Il ignore les files d'attente et les refus de prises en charge, qui sont le lot commun des systèmes étatisés, lesquels subsistent même parmi les pays les plus libéraux d'Europe, chacun le sait.

La confrontation entre systèmes montre à l'évidence combien notre assurance maladie mérite les efforts consentis par nos compatriotes pour la défendre.

Et, puisqu'une loi de financement de la sécurité sociale, ce sont des chiffres au service d'une politique, permettez-moi de vous dire en quelques chiffres ce qui traduit à mes yeux l'ambition de ce projet de loi.

Premier chiffre, 25 % : c'est le niveau de réduction des déficits de la sécurité sociale que nous avons l'ambition de réaliser grâce à l'application de l'ensemble des mesures figurant dans ce projet de loi. Le déficit du régime général passera ainsi de 11,9 milliards d'euros à la fin de l'année 2005 à 8,9 milliards d'euros à la fin de l'année 2006. Dans aucun autre secteur de l'action publique de tels efforts de réduction des déficits ne seront réalisés l'an prochain. Je redis ici, à la suite de Xavier Bertrand, que cet objectif va consolider et prolonger les résultats très importants déjà constatés pour l'assurance maladie depuis le vote de la loi du 13 août 2004 : un déficit de 8,3 milliards d'euros en 2005, certes beaucoup trop lourd encore, mais que l'on doit comparer aux 16 milliards d'euros prévus avant la réforme.

Deuxième chiffre, 196 : c'est le nombre de nouveaux médicaments admis au remboursement en 2004 et effectivement pris en charge en 2005. La force de notre assurance maladie depuis soixante ans, c'est d'avoir su rendre le progrès médical accessible à tous, et c'est notre exigence et notre honneur de continuer à le faire. Quand la Grande-Bretagne refuse la prise en charge d'un médicament contre le cancer parce qu'il est trop cher, nous le rendons au contraire accessible aussitôt à tous nos malades. Et, si nous déremboursons 156 autres médicaments ou si nous abaissons à 15 % le remboursement de 62 médicaments de la classe des veinotoniques, sur les recommandations scientifiques de la Haute autorité de santé, c'est aussi parce qu'il faut savoir faire des choix responsables en faveur des médicaments dont l'intérêt thérapeutique est le plus élevé. Il est normal que la liste des médicaments remboursables évolue au rythme des progrès de la médecine. Il est normal qu'il y ait des entrées et des sorties. Nous nous donnons ainsi les moyens de diffuser l'innovation médicale à tous les malades.

Troisième chiffre, 9 % : c'est l'augmentation des crédits de l'assurance maladie prévue par le projet de loi pour les maisons de retraite médicalisées et pour les services médico-sociaux destinés aux personnes âgées dépendantes, et ce taux atteint presque 14 % en comptant l'apport de la journée de solidarité. Cela représente, par rapport à 2005, un effort supplémentaire de 586 millions d'euros. Grâce à une très forte mobilisation en faveur des personnes âgées, le plan Vieillissement et solidarité 2004-2007 aura été financé en deux ans au lieu de quatre. Nous proposons aujourd'hui son doublement : 20 000 places supplémentaires en maisons médicalisées au lieu des 10 000 prévues sur la durée de ce plan ! Dès 2006, le projet de loi prévoit donc de créer 5 000 places en établissement d'hébergement pour personnes âgées dépendantes.

Mais la prise en charge de la dépendance, c'est aussi aider les personnes qui le souhaitent et qui le peuvent à rester dans leur foyer. L'an prochain, 4 250 nouvelles places en services de soins infirmiers à domicile seront financées. Par ailleurs, pour soulager les familles qui s'occupent quotidiennement de leurs proches, le projet de loi rend possible en 2006 la création de 2 125 places en accueil de jour et de 1 125 places en hébergement temporaire. C'est la meilleure façon d'aider l'entourage familial des personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer, qui est soumis, on le sait, à rude épreuve.

Nous avons voulu avoir également la possibilité d'aider les maisons de retraite à se rénover et à se moderniser. C'est une question de sécurité, de confort et aussi de dignité pour les personnes âgées qui y sont accueillies. Le projet de loi que nous vous présentons contient des dispositions en ce sens.

Quatrième chiffre, 500 millions d'euros : c'est en effet le montant des crédits qui seront consacrés l'an prochain à la rénovation des maisons de retraite médicalisées, des logements-foyers et des maisons d'accueil spécialisées pour personnes handicapées, c'est-à-dire en réalité dix fois plus qu'en 2005 et exactement le double de ce qui a été fait pour le total des cinq dernières années. Cela est rendu possible également par la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie grâce aux dispositions prévues par le présent projet de loi.

Cet effort gigantesque permettra d'améliorer la sécurité et le confort des établissements, ainsi que leur adaptation aux personnes très dépendantes : installation de douches accessibles, suppression de chambres partagées à plusieurs personnes, mise en place de rampes dans les couloirs, aménagement des ascenseurs. Tels sont les travaux de rénovation qui vont pouvoir être réalisés en 2006 grâce à cet effort sans précédent pour mettre fin à la vétusté des établissements.

Cinquième chiffre, 5 % : c'est l'augmentation des moyens consacrés aux dépenses médicosociales en faveur des personnes handicapées. Elle atteindra même 6,16 % en comptant l'apport de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie. L'augmentation sera de 400 millions d'euros l'année prochaine.

Dans le sens des priorités voulues par le Président de la République, la loi du 11 février dernier se traduira en 2006 par une forte augmentation des crédits de l'État au titre de l'allocation pour adultes handicapés et par une nouvelle augmentation de 2 500 places en centres d'aide par le travail.

Elle se traduira également par la mise en oeuvre au début de l'an prochain de la prestation de compensation du handicap. Grâce au travail des Français, les crédits que les départements consacraient jusqu'alors aux aides compensatrices vont ainsi pouvoir être plus que doublés.

Sixième chiffre, 7,5 % : c'est l'augmentation annuelle garantie par l'État pour les quatre prochaines années des fonds sociaux des caisses d'allocations familiales afin d'ouvrir de nouvelles places de crèche. En tout, ce sont 72 000 places de crèche qui seront ainsi créées entre 2002 et 2008, augmentant notre équipement national de 30 %. La somme totale de 2,4 milliards d'euros qui y sera consacrée en quatre ans représente un effort sans précédent en France.

Pour l'exercice 2006, le déficit de la branche famille sera stabilisé à 1,1 milliard d'euros. C'est un déficit conjoncturel et non structurel. Il décroîtra dans les années à venir. La branche reviendra à l'équilibre en 2009, tout en assurant la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, que vous avez créée le 1er janvier 2004. Cette prestation connaît aujourd'hui en effet un très grand succès : 250 000 familles supplémentaires vont en bénéficier au lieu des 200 000 initialement prévues.

Par ailleurs, conformément aux décisions prises par le Premier ministre lors de la Conférence de la famille, le projet de loi prévoit la création d'un congé d'un an, le complément optionnel de libre choix d'activité. Ce dispositif ne se substituera pas au congé actuel de trois ans, il le complétera. Il permettra aux parents qui le souhaitent de bénéficier à partir du troisième enfant d'un congé plus court, mais beaucoup mieux rémunéré : 750 euros par mois, soit près de 50 % de plus que l'indemnité mensuelle pour le congé de trois ans.

En élevant le niveau de la rémunération et en évitant un éloignement trop long de l'activité professionnelle, nous favorisons ainsi la prise du congé par les pères. Nous facilitons aussi le retour à l'emploi des bénéficiaires de ces congés.

La même ambition prévaut pour l'allocation de parent isolé, l'API. Nous allons vous proposer dans un autre texte, que le conseil des ministres a adopté la semaine dernière, de nouvelles possibilités d'accès aux modes de garde permettant aux bénéficiaires de cette allocation de recevoir une formation pour qu'ils puissent retrouver le chemin de l'emploi.

Par ailleurs, parce qu'il faut aussi soutenir les familles dans les épreuves de la vie, le projet de loi assouplit les règles du congé et de l'allocation de présence parentale, qui ont été créés pour permettre aux parents d'être au chevet d'un enfant hospitalisé. Les parents disposeront désormais d'un « compte crédit jours » de trois cent dix jours, à prendre sur une période de trois ans. Un complément de 100 euros mensuels leur sera versé lorsque la maladie de l'enfant exige des déplacements importants.

Dans le cadre de la discussion qui s'engage, le Gouvernement défendra des amendements visant à améliorer encore le dispositif : je pense au complément pour frais, qu'il convient d'améliorer, ainsi qu'aux conditions d'ouverture de ce droit, qui devra être adapté à toutes les situations.

Septième chiffre, 300 000 : c'est le nombre de personnes qui auront bénéficié, à la fin de l'année prochaine, d'un départ anticipé à la retraite parce qu'elles ont commencé à travailler très jeunes, dans des conditions souvent très dures.

Refusée pendant des années, cette mesure de justice a enfin été rendue possible par la réforme des retraites de 2003. Certes, ces départs anticipés pèsent fortement cette année sur le déficit de l'assurance vieillesse. Mais la hausse des cotisations salariales et patronales de 0,2 point, décidée dans le cadre de la réforme de 2003, permettra de ramener ce déficit de 2 milliards à 1,4 milliard d'euros en 2006.

La répartition de cette cotisation entre employeurs et salariés sera décidée dans un partage équitable, après concertation avec les partenaires sociaux.

M. Guy Fischer. Nous l'espérons !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le projet prévoit également d'aligner le régime du minimum vieillesse sur celui des autres minima sociaux et, à l'avenir, d'en réserver le bénéfice aux personnes, françaises ou étrangères, qui résident sur le territoire national. Il s'agit de mettre fin à l'exportation indue du minimum vieillesse.

M. Roland Muzeau. Le budget Sarkozy !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le service des minima sociaux est en effet lié à la résidence sur le territoire français, à la fois parce ces minima sont financés par la solidarité nationale et parce que leur montant est établi au vu du coût de la vie en France. Il ne serait pas acceptable de prolonger une situation d'aubaine issue des lacunes de notre législation, et qui permet à d'anciens travailleurs saisonniers venus temporairement en France de bénéficier à l'étranger d'une pension à vie après l'âge de 65 ans.

Circonstance aggravante, cette pension est d'autant plus importante aujourd'hui que la durée de séjour en France a été faible. Il était temps d'appliquer pour l'avenir à cette prestation les mêmes règles qu'aux autres minima sociaux.

L'actualisation en cours des projections financières du Conseil d'orientation des retraites, le COR, confirme l'évaluation faite en 2003 sur les perspectives financières des régimes de retraite, particulièrement sur les conséquences de la réforme introduite par la loi d'août 2003. Cette loi, que vous avez adoptée, permet de réduire significativement - de 19 milliards d'euros - le besoin de financement des régimes de retraite à l'horizon 2020. C'est donc une réforme fondamentale, trop longtemps différée, qui renforce la pérennité de notre régime de sécurité sociale.

Parallèlement, les études conduites par le Conseil d'orientation des retraites et par d'autres instances démontrent la nécessité de développer l'emploi des séniors : c'est en augmentant le niveau d'emploi des travailleurs, notamment de ceux qui sont âgés de plus de 55 ans, que nous pourrons financer les retraites de demain tout en préservent leur niveau. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

La réussite de cet objectif dépend de tous : des partenaires sociaux, des employeurs, de l'État, mais aussi des travailleurs eux-mêmes. Le Gouvernement, notamment le ministre du travail, Gérard Larcher, prépare un plan de développement de l'emploi des séniors. Nous aurons l'occasion d'en débattre au cours de la discussion de certains amendements de la commission des affaires sociales.

Enfin, il faut dire un mot de la branche des accidents du travail et des maladies professionnelles.

Je me réjouis que les négociations qui étaient demandées depuis plus d'un an aux partenaires sociaux pour réformer la branche soient désormais engagées. Je forme des voeux très vifs pour leur réussite. Dans cette attente, une hausse temporaire des cotisations de 0,1 % est prévue par le présent projet de loi.

Le dernier point que je veux aborder concerne le financement de la sécurité sociale.

Les recettes ont moins progressé que prévu en 2005, en raison d'une croissance ralentie de l'économie. La sécurité sociale a ainsi perdu 1 milliard d'euros par rapport aux prévisions initiales.

Aujourd'hui, lorsque le Gouvernement de Dominique de Villepin travaille pour une croissance sociale, lorsqu'il travaille pour l'emploi et pour le pouvoir d'achat, il travaille aussi pour la sécurité sociale en permettant la consolidation et la progression de ses ressources. C'est en effet d'abord en augmentant la masse salariale nationale que l'on dégagera les ressources nécessaires au financement de notre protection sociale.

A partir de 2006, le Gouvernement vous propose aussi d'affecter directement à la sécurité sociale des recettes fiscales pour financer les quelque 19 milliards d'euros d'allégements généraux de cotisations par des ressources permanentes, dynamiques et diversifiées, notamment grâce à l'attribution de 5 milliards d'euros de taxe sur la valeur ajoutée. Cette innovation rejoint, je le crois, la préoccupation de nombreux partenaires sociaux. Le Gouvernement est bien entendu disponible pour continuer à faire progresser la réflexion commune dans cette voie.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, la réussite de notre sécurité sociale est d'avoir apporté à tous les Français un haut niveau de prise en charge des dépenses de santé et l'accès de tous au progrès médical. Au même titre que l'école gratuite et obligatoire, qui assure l'égalité des chances, la sécurité sociale, qui garantit l'égalité des Français devant la santé et devant les risques de la vie, est l'un des principaux piliers de notre République.

Les discussions en commission ont prouvé, une fois encore, l'importance que la Haute Assemblée accorde à la sécurité sociale. Le débat qui s'ouvre vous donnera l'occasion, après l'Assemblée nationale, d'améliorer le projet de loi qui vous est présenté, nous permettant ainsi d'oeuvrer ensemble pour moderniser et pérenniser ce système de sécurité sociale auquel nous sommes tous si attachés.

Tout l'enjeu de cette adaptation de notre sécurité sociale est de préserver le haut niveau de protection sociale sans augmenter les prélèvements obligatoires, en maîtrisant les dépenses et en réduisant fortement les déficits.

C'est bien le sens de ce que nous avons entrepris, avec une méthode, le changement des comportements, avec un principe, la responsabilité, celle de toutes les Françaises et de tous les Français, celle des acteurs de notre système de soins sans oublier, bien entendu, la responsabilité propre du Parlement et du Gouvernement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Vasselle, rapporteur.

M. Alain Vasselle, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les équilibres financiers généraux et l'assurance maladie. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous prie par avance de bien vouloir m'excuser, car je ne pourrai éviter de répéter certains des propos qui ont été tenus par MM. Xavier Bertrand et Philippe Bas, mais mon devoir est de rapporter aussi fidèlement que possible les prises de position de la commission des affaires sociales du Sénat, tout du moins de la majorité de ses membres, puisque M. Fischer et ses collègues, comme les membres du groupe socialiste, ont choisi de s'opposer au projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Roland Muzeau. C'est curieux ! (Sourires.)

M. Guy Fischer. Utile précision.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela peut arriver !

M. Xavier Bertrand, ministre. Ils sont mal informés !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ils nous diront sans doute pourquoi tout à l'heure !

Mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 s'inscrit dans un cadre juridiquement rénové. Depuis le vote de la loi organique du 2 août dernier, la présentation des documents a quelque peu évolué.

Voilà déjà bien longtemps que nous demandions une telle loi. Mon prédécesseur, Charles Descours, avait déposé, au nom de la commission des affaires sociales, une proposition de loi sur ce sujet. Nous avons constaté que nos propositions, qui remontaient à 1996, ont été largement intégrées dans la loi organique et nous ne pouvons que nous en féliciter.

M. About entrera tout à l'heure dans le détail des enseignements que la commission des affaires sociales retire de cette première année d'application. Pour ma part, je considère que cette première mise en oeuvre de la loi nous permet de franchir une étape importante dans l'examen et dans le contrôle du budget social de la nation. Elle témoigne, en outre, de la justesse des analyses et propositions que nous formulions depuis 1999.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 se présente en quatre parties : la première porte sur l'exercice clos, c'est-à-dire sur celui de l'année 2004, la deuxième a trait à l'exercice en cours, c'est-à-dire à celui de l'année 2005 ; la troisième est consacrée aux recettes et à l'équilibre de l'année à venir et la quatrième aux dépenses de l'année à venir, 2006 en l'occurrence.

Autrement dit, le présent projet de loi couvre trois exercices et comprend, par comparaison avec les lois de finances, trois lois en une seule, à savoir une loi de règlement, un collectif de fin d'année et une loi de financement pour l'année à venir. Nous vous faisons donc gagner du temps, mes chers collègues. En effet, lors de la discussion du projet de loi de finances, ces trois exercices donnent lieu à trois séances publiques, donc à deux de plus !

La rupture entre les exercices apparaît clairement dans les quatre parties du texte. Je vous rappelle, d'ailleurs, qu'à l'issue de l'examen de chacune de ces parties, nous aurons à nous prononcer sur l'ensemble de la partie et que nous ne pourrons pas passer à l'examen de la partie suivante sans avoir voté la précédente.

En outre, lorsque nous aurons achevé la discussion de la troisième partie du texte - les recettes et l'équilibre pour l'année à venir - nous ne pourrons poursuivre l'examen du projet de loi, donc entamer la discussion de la quatrième partie, consacrée aux dépenses de l'année à venir, sans avoir au préalable adopté - et non pas seulement voté - la troisième partie. Je ne doute pas que vous vous plierez avec bonheur à ces trois rendez-vous !

Voilà pour ce qui est de la forme. J'en viens maintenant au fond, en abordant les comptes proprement dits.

La première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale concerne l'année 2004, qui a souvent été qualifiée comme une année de déficit record.

M. Guy Fischer. Abyssal !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non, mon cher collègue, je ne le considère pas comme abyssal au regard du déficit du budget de l'État.

Ce déficit est de 11,9 milliards d'euros, dont la quasi-totalité, soit 11,6 milliards d'euros, est due à l'assurance maladie.

Ces résultats sont essentiellement imputables à deux évolutions :...

M. François Autain. L'insuffisance des recettes.

M. Alain Vasselle, rapporteur. ...d'une part, au tassement des recettes, lesquelles sont, pour les deux tiers, relatives à des entrées de cotisations sociales inférieures aux prévisions, d'autre part, à un dérapage des dépenses de l'assurance maladie, avec 1,5 milliard d'euros de dépassement, et à une progression de l'Objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM, de 4,9 % au lieu des 4,2 % prévus.

Avec le présent projet de loi, le Gouvernement nous demande d'approuver l'arrêté des comptes et le traitement du solde. Cela signifie, pour l'essentiel, la reprise de la dette de l'assurance maladie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, conformément à la loi du 13 août.

En effet, les déficits des branches famille et accidents du travail, qui sont d'un faible montant, sont couverts par des emprunts de trésorerie, et l'excédent de la branche vieillesse, soit 300 millions d'euros, est affecté au Fonds de réserve des retraites, le F2R.

Seul le déficit du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, n'est pas traité, bien qu'il atteigne 600 millions d'euros en 2004. C'est pour le moins préoccupant,...

M. François Autain. Pour le moins, en effet !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ...et ce n'est pas la première fois que je le dis. Ce problème se pose également, avec une gravité accrue, pour les exercices 2005 et 2006. Mes chers collègues, il suffit de vous reporter aux annexes pour vous en rendre compte.

M. François Autain. Et que fait le Gouvernement ? Rien !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le fruit de l'héritage, monsieur Autain. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.) Vous avez votre part de responsabilité : ce sont les mesures que vous avez prises hier sur le FSV qui provoquent le déficit d'aujourd'hui ! Alors, un peu de retenue, s'il vous plaît !

Un débat sera organisé au sujet du FSV et du FFIPSA, vous me permettrez donc de ne pas m'attarder.

J'en viens à présent aux comptes de l'année 2005, année de la stabilisation du déficit. Nous estimons ce déficit à 11,9 milliards d'euros. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.) Ce n'est pas si mal : il pourrait être bien supérieur !

Ce solde global couvre toutefois des évolutions divergentes.

Le déficit de l'assurance maladie est ainsi réduit de 25 %, soit 3 milliards d'euros.

Les autres branches sont toutes déficitaires, notamment la branche vieillesse,...

M. Guy Fischer. Pour la première fois !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ...qui affiche un solde négatif de 2 milliards d'euros.

J'ose espérer que l'adossement d'un certain nombre de régimes spéciaux sur le régime général - Dominique Leclerc en parlera tout à l'heure - ne viendra pas accentuer le déficit de la branche vieillesse dans les années qui viennent. Cela suppose, bien évidemment, que nous soyons particulièrement rigoureux au moment où l'adossement de certains régimes sera mis en place.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Alain Vasselle, rapporteur. En 2005, le régime général bénéficie pourtant de recettes nouvelles et significatives, décidées dans le cadre de la réforme de l'assurance maladie, qui profitent principalement à la CNAM.

Il s'agit, je le rappelle de 2,2 milliards d'euros de plus provenant de la CSG, de 1 milliard d'euros de hausse des droits sur les tabacs, et de 800 millions d'euros au titre de la nouvelle contribution additionnelle à la C3S.

Le deuxième fait marquant de 2005 est donc que, après avoir été concentré sur l'assurance maladie pendant deux ans, le déficit du régime général se répartit désormais entre les quatre branches.

M. François Autain. Le mal se répand !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Un point positif contrebalance cette observation : pour la première fois depuis 1997, la progression de l'ONDAM sera respectée en valeur, en 2005.

M. Guy Fischer. A quel prix ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Au prix d'efforts !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Au sein de l'ONDAM, l'évolution la plus favorable est la nette décélération des soins de ville, qui ne progressent que de 2,7 % alors que cette progression était de 4,3 % en 2004 et se situait entre 6,5 % et 8 % par an sur la période 2000-2003.

Cette modération s'explique d'abord par la poursuite de la baisse des indemnités journalières amorcée en 2003, mais aussi par une inflexion des dépenses de médicaments et une évolution modérée des honoraires.

Je m'interroge cependant sur un point, monsieur le ministre, et j'aimerais que vous nous éclairiez lorsque vous répondrez aux orateurs dans la discussion générale.

Dans le cadre des engagements conventionnels, les professionnels de santé se sont engagés à contribuer à une baisse de 980 millions d'euros des dépenses de l'assurance maladie, en compensation d'une revalorisation de leurs honoraires.

Aujourd'hui, à en croire les chiffres qui nous ont été remis par la CNAM, cette baisse n'est que de 650 millions d'euros. (Exclamations sur les travées du groupe CRC.)

Si l'effort est maintenu, on peut espérer un résultat égal ou équivalent, en année pleine, au chiffre négocié dans le cadre du système conventionnel.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Si, en revanche, l'effort s'est relâché au cours du dernier trimestre, il n'est pas impossible que le chiffre obtenu ne soit pas conforme à celui que nous nous sommes fixé.

Monsieur le ministre, si vous disposez d'informations sur ce point, il serait heureux que vous nous les communiquiez et que vous nous fassiez part de votre sentiment. Quelle est la réalité des chiffres ?

Par ailleurs, la forte progression des versements aux établissements de santé est réellement préoccupante, malgré une croissance de l'activité. Il nous faut nous pencher sérieusement sur les dépenses engagées à l'hôpital. C'est l'une des motivations des amendements que nous vous proposerons dans le cadre de la discussion sur l'assurance maladie.

M. Guy Fischer. L'hôpital n'a qu'à bien se tenir !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Au total, en 2005, le déficit de l'assurance maladie sera abaissé à 8,3 milliards d'euros.

Comme l'ont rappelé tout à l'heure MM. les ministres Xavier Bertrand et Philippe Bas, si rien n'avait été fait en 2004, si la réforme de l'assurance maladie n'avait pas été engagée, nous aurions connu, à la fin de l'exercice 2005, un déficit de 16 milliards d'euros.

Dès lors, quand certains disent que rien n'a été fait, que les résultats ne sont pas bons, il convient de se rappeler des éléments de la réforme engagée et des résultats significatifs qui ont été obtenus : le déficit potentiel de la branche maladie a été divisé par deux. (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Qui paie ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Les usagers et les entreprises apportent une contribution, monsieur Fischer ; un changement de comportement des uns et des autres a aussi permis de parvenir à ce résultat.

Je laisse à mes collègues MM. Gérard Dériot, Dominique Leclerc et André Lardeux le soin de vous exposer dans le détail ce qu'ils ont constaté quant aux branches vieillesse, famille et accidents du travail.

Je m'intéresserai maintenant à l'année 2006.

Comme en 2005, la mise en oeuvre de la réforme de l'assurance maladie a un impact réel et positif sur les comptes. On devrait donc assister à un nouveau recul du déficit de près de 3 milliards d'euros, ce déficit s'établissant à 8,9 milliards d'euros pour le régime général, dont 6,1 milliards pour l'assurance maladie : tel est l'objectif que le Gouvernement se fixe et que nous nous fixons avec lui pour l'exercice 2006. Le déficit devrait donc diminuer à nouveau de 25 %.

Nombre de mesures de redressement figurent dans le projet de loi de financement.

La commission des comptes de la sécurité sociale, réunie en septembre dernier, a estimé que, si ces mesures n'étaient pas mises en oeuvre, le déficit du régime général pour 2006 serait de 11,5 milliards d'euros.

Les proportions sont semblables en 2005 et 2006 : le déficit est de 8,4 milliards en 2005, il aurait été de 16 milliards si rien n'avait été fait. Nous espérons un déficit de 6 milliards à la fin de l'exercice 2006, il serait de 11,5 milliards si la réforme de 2004 n'était pas prolongée.

Ces mesures de redressement comprennent à la fois des hausses de recettes, une limitation des dépenses et un renforcement de la lutte contre la fraude.

Les recettes attendues pour 2006 devraient être globalement en augmentation d'un peu plus de 4 % par rapport à 2005.

Cette évolution recouvre toutefois, cette année, des mouvements importants entre les différentes catégories.

Ainsi, les cotisations seront en baisse sensible, du fait de la diminution des cotisations prises en charge par l'État. En revanche, la catégorie « impôts et taxes affectées » sera en nette augmentation. En effet, en 2006, les allégements généraux de charges sociales sur les bas salaires seront financés non plus par crédits budgétaires, mais par un transfert de recettes fiscales.

Je vous renvoie à ce sujet à l'article 41 du projet de loi de finances, qui prévoit l'affectation d'un « panier » de neuf recettes fiscales à la sécurité sociale au titre du financement des allégements. Cela devrait représenter 18,9 milliards d'euros, ce qui diminue d'autant les crédits de la mission emploi, au grand dam de notre rapporteur spécial, Serge Dassault. J'ai tenté de lui expliquer pourquoi nous en étions là.

M. Guy Fischer. Il a obtenu l'apprentissage à quatorze ans !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous avons déjà évoqué cette question il y a deux semaines, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, en affirmant clairement ce qui est essentiel pour nous, membres de la commission des affaires sociales : la compensation à l'euro près de ces allégements de charges.

M. Guy Fischer. Ce n'est pas vrai !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Notre position est en effet constante : la sécurité sociale ne doit pas financer la politique de l'emploi décidée par l'État.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Or l'article 41 du projet de loi de finances est, à bien des égards, insuffisant.

Les neuf recettes transférées, dont le montant évalué correspond exactement, comme par miracle, à l'estimation du montant des allégements de charges pour 2006, risquent de ne pas être suffisantes.

Un mécanisme d'ajustement est certes prévu. Acceptons la prédiction selon laquelle cet ajustement permettra une véritable compensation des exonérations de charges qui seront constatées en 2006.

M. Bernard Cazeau. Ce ne sera pas le cas !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous y veillerons, mais je tenais aujourd'hui à souligner ce point devant vous tous, mes chers collègues.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais qu'en sera-t-il les années suivantes ?

La procédure du mécanisme de revoyure est lourde et complexe, et l'on peut douter qu'elle voie vraiment le jour : un rapport au Parlement serait nécessaire en cas de dépassement de plus de 2 %, puis l'intervention d'une commission présidée par un magistrat de la Cour des comptes.

J'aimerais, messieurs les ministres, que vous nous donniez votre sentiment sur la faisabilité et la fiabilité de ce dispositif.

Pour notre part, nous sommes extrêmement sceptiques. Nous craignons que le souci d'afficher un budget vertueux, par un dégonflement des masses et une moindre progression des dépenses en volume, ne conduise le Gouvernement, ou plus exactement le ministère des finances, à ne pas compenser à temps et dans leur intégralité ces exonérations de charges sur les bas salaires. Nous en avons malheureusement fait l'expérience à plusieurs reprises.

La dynamique des recettes transférées sera-t-elle suffisante par rapport à celle des allégements  et des dépenses de santé ? Rien n'est moins sûr.

Nous nous posons, s'agissant du budget de la sécurité sociale, la même question que celle que se posent aujourd'hui les collectivités locales quant au transfert des compétences et aux charges nouvelles dont elles ont hérité : le RMI, l'APA, la mise en oeuvre de la nouvelle loi sur le handicap.

Aussi la commission considère-t-elle avec beaucoup d'intérêt -  M. Jean-Jacques Jégou en parlera peut-être - la mesure proposée dans l'article 41 par la commission des finances en la personne de son rapporteur général, M. Marini, et qui consisterait à remplacer ce panier de neuf recettes fiscales par de la TVA, par un prélèvement sur recette.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Recette dynamique !

M. Guy Fischer. Ce sont toujours les plus pauvres qui paieront !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Cette idée avait été avancée, l'an dernier, par le président de la commission des finances, Jean Arthuis, lors du débat sur les prélèvements obligatoires, et elle avait été approuvée alors par le président de la commission des affaires sociales, Nicolas About. Il semblerait que le rapporteur général de l'Assemblée nationale ne soit pas aussi enthousiaste, à moins que M. Jégou, ancien député, ne soit parvenu à le convaincre du bien-fondé des propositions de M. Marini...

Quoi qu'il en soit, la commission des affaires sociales du Sénat verrait cette initiative d'un bon oeil. Il me semble que MM. les ministres pourraient soutenir cette proposition et dire au ministre des finances tout le bien que nous en pensons.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est sûr !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous aurons l'occasion d'y revenir très prochainement, lors de l'examen de la loi de finances.

Quelles sont les recettes qui sont prévues dans le cadre du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ?

Elles sont au nombre de quatre.

La première, qui devrait rapporter 700 millions d'euros, consiste à prélever par anticipation des contributions sociales sur les intérêts des plans d'épargne logement.

M. François Autain. Voilà qui est facile !

M. Alain Vasselle, rapporteur. La deuxième, qui devrait rapporter 300 millions d'euros, consiste à augmenter la taxe sur le chiffre d'affaires des industries pharmaceutiques. C'est le fameux taux de 1,96 % que l'Assemblée nationale a ramené à 1,5 % et que nous n'envisageons pas de modifier.

La troisième, moins généreuse mais qui devrait rapporter environ 70 millions d'euros, est l'extension du champ d'assujettissement de la C3S.

La dernière recette est liée à la réduction du plafond des indemnités de rupture de contrat de travail et pourrait rapporter entre 50 millions et 100 millions d'euros.

D'autres mesures doivent, par ailleurs, contribuer à augmenter les recettes en 2006.

L'augmentation de 0,2 % du taux des cotisations vieillesse, prévue par la loi sur les retraites dont a parlé Philippe Bas il y a quelques instants,...

M. Guy Fischer. Les retraités paieront !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ...devrait à elle seule rapporter environ 740 millions d'euros.

Quant à l'accroissement de 0,1 % du taux des cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles, dont parlera Gérard Dériot, il représenterait une recette supplémentaire de 400 millions d'euros.

Les résultats prévus pour 2006 découleront également d'une limitation des dépenses de santé. Pour atteindre 6,1 milliards de déficit en 2006 en effet, il faut non seulement obtenir de nouvelles recettes, mais aussi et surtout agir sur le niveau des dépenses.

M. Guy Fischer. Il va falloir ramer !

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'en parlerai plus longuement lors du débat que nous aurons sur l'assurance maladie.

Je peux toutefois vous indiquer d'ores et déjà que les économies que nous attendons en matière d'assurance maladie s'élèvent à environ 4,7 milliards d'euros,...

M. Guy Fischer. Eh bien !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ...dont 2,1 milliards sur le médicament, 1,1 milliard voire davantage au titre des établissements de santé et 890 millions liés à la maîtrise médicalisée.

Nous comptons donc sur les professionnels de santé et les usagers pour poursuivre l'effort constaté au cours de l'exercice 2005.

L'ONDAM est fixé, pour l'année 2006, à 140,7 milliards d'euros. Il est en augmentation de 2,5 % par rapport à 2005. C'est un objectif que je qualifierai de volontariste, puisque celui de l'année dernière était de 2,3 %. Vous le voyez, nous poursuivons l'effort, dans la ligne de ce que nous avions décidé en 2004.

La troisième priorité du projet de loi de financement est le renforcement de la lutte contre la fraude.

C'est un aspect très important car, s'il s'agit de demander à tous des efforts accrus, encore faut-il s'assurer que ces efforts soient régulièrement et équitablement partagés.

Il faudra aussi persévérer dans la seule voie qui permettra de réduire durablement les déficits : il s'agit, je l'ai déjà mentionné, du changement de comportement des assurés et des professionnels de santé, en ville comme à l'hôpital, ainsi que des gestionnaires des caisses de l'ensemble du réseau.

Nous ne devons pas baisser les bras. Il faut maintenir une pression constante dans ce domaine.

Avant de vous présenter les propositions de la commission des affaires sociales sur le volet « recettes et équilibres généraux » du projet de loi de financement, je dirai pour mémoire que deux de ces propositions concerneront la situation extrêmement inquiétante du FSV et du FFIPSA, fonds dont les déficits s'accumulent sans qu'aucune mesure de l'État ne vienne y apporter une solution.

Je n'entrerai pas dans le détail : un débat se tiendra sur l'un et l'autre fonds dans les jours qui viennent et j'aurai donc l'occasion d'y revenir.

Les amendements que je vous proposerai, au nom de la commission des affaires sociales, s'ordonnent autour de quelques idées.

La première, à laquelle se rattachent plusieurs d'entre eux, est un renforcement de la coordination entre l'assurance maladie et les organismes d'assurance complémentaire, notamment dans le cas des procédures de recours contre tiers ou encore lorsque l'assurance maladie engage une procédure de sanction financière à l'encontre d'un assuré.

Cela me paraît relever du bon sens et témoigner d'un souci de cohérence, surtout au moment où l'on décide de renforcer la lutte contre la fraude.

A l'article 15, sur la taxe pharmaceutique, nous proposons de maintenir le taux de 1,5 % voté à l'Assemblée nationale, taux en retrait par rapport à celui de 1,96 %, qui figurait dans le texte initial du Gouvernement, mais en augmentation sensible par rapport au taux actuel de 0,6 %.

M. Guy Fischer. On défend ses enfants chéris !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Toutefois, nous suggérons de préciser les modalités d'application du dispositif pour la première année et d'exclure totalement les médicaments orphelins de l'assiette de la taxe, quelle que soit la date d'autorisation de mise sur le marché.

A l'article 13 ter, nous proposerons de préciser dans la loi que le bonus de 1 000 euros est modulable, comme l'avait d'ailleurs prévu le Premier ministre, mais uniquement selon des critères objectifs. Nous n'innovons donc pas, nous suggérons seulement une disposition législative pour en permettre l'application. Enfin, comme pour l'intéressement, nous proposons qu'il soit exonéré d'impôt sur le revenu lorsque la somme est bloquée dans un plan d'épargne entreprise.

Nous souhaitons aussi que le calcul de la compensation due par l'État au titre de l'exonération de cotisations et contributions sociales dans le cadre des distributions gratuites d'actions aux salariés et aux mandataires sociaux puisse se faire dans les meilleures conditions, conformément à notre position de principe. C'est pourquoi nous proposons que les employeurs informent chaque année l'organisme de recouvrement -  l'ACOSS, par le biais des URSSAF - de la valeur totale des actions gratuites attribuées définitivement à chacun des salariés et mandataires sociaux. Cela nous permettra de veiller à la compensation, à l'euro près, de ces exonérations de charges.

Voilà, rapidement esquissés, les amendements de la commission des affaires sociales sur les premières parties du texte. Ils ne sont pas fondamentaux. L'essentiel est, en effet, à nos yeux, de poursuivre la mise en place des réformes votées en 2003 sur les retraites et en 2004 sur l'assurance maladie.

Il est impératif de réduire les déficits sociaux - les ministres s'y emploient et nous avec eux - car, même s'ils sont d'une ampleur nettement moindre que ceux du budget de l'État - respectivement 12 milliards d'euros pour 380 milliards de dépenses au lieu de 46 milliards d'euros pour 280 milliards de dépenses -, ils restent encore trop élevés.

Nous ne pouvons pas continuer - chacun en convient et cela était au coeur des débats sur la réforme de l'assurance maladie en 2004, tant à l'Assemblée nationale qu'au Sénat - à reporter sur les générations futures notre incapacité actuelle à équilibrer les comptes de la sécurité sociale. Le Conseil constitutionnel nous a d'ailleurs vivement encouragés à être plus rigoureux. Dans sa décision de cet été sur la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, il a explicitement confirmé la valeur organique du principe d'interdiction de transfert de toute nouvelle dette à la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, sans augmentation des ressources correspondantes. C'est un verrou important.

L'année 2006 est capitale, car elle devra voir se confirmer et s'accentuer les premiers résultats positifs de la réforme constatés à la fin de 2004 et en 2005. Chaque catégorie d'acteurs partie prenante au système devra prendre sa part, et toute sa part, à cette difficile entreprise. L'enjeu est immense, car il y va de la survie de nos systèmes sociaux.

Nous ne devons pas relâcher l'effort. M. le ministre Xavier Bertrand, qui est un pédagogue né, ...

M. Guy Fischer. Un prédateur ! (Sourires.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... devra, avec nous, continuer à faire preuve de pédagogie auprès de tous les acteurs et les sensibiliser pour que les résultats de 2006 soient au même niveau, voire meilleurs, que ceux qui sont constatés pour l'année 2005. Monsieur le ministre, nous avons confiance en vous ainsi que dans les Françaises et les Français, qui, j'en suis sûr, ont le même sens de la responsabilité que les membres du Gouvernement et les parlementaires. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, rapporteur.

M. Dominique Leclerc, rapporteur de la commission des affaires sociales pour l'assurance vieillesse. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 pourrait sembler, à première vue, n'être qu'un texte de transition pour l'assurance vieillesse : il ne consacre, en effet, que quatre articles aux retraites. Mais cette impression est trompeuse, car deux mesures importantes et symboliques y figurent.

La première vise à achever l'intégration financière de la Caisse des cultes dans le régime général.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est important !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cette mesure, qui serait très chère à notre ancien collègue Jean Chérioux, est une véritable mesure de justice sociale, car les ministres du culte présentent la double particularité de percevoir les pensions les plus faibles et de ne prendre leur retraite qu'à soixante-cinq ans.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dieu y pourvoira !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La seconde mesure importante concerne les régimes additionnels de retraite dénommés ASV - avantage social vieillesse - des professions médicales et paramédicales conventionnées, qui se trouvent aujourd'hui en situation de « banqueroute virtuelle ».

Trois décennies d'inaction et de dilution des responsabilités entre les pouvoirs publics, les caisses de retraite concernées et les partenaires conventionnels ont en effet placé ces cinq régimes au bord de la cessation de paiement. Il était donc urgent d'agir. Cet avantage, peu ou mal connu des médecins conventionnés en activité, est davantage apprécié par les médecins conventionnés à la retraite.

L'examen du projet de loi de financement nous permettra aussi d'aborder d'autres thèmes étroitement liés au contexte dans lequel il s'inscrit. Je pense notamment à la préparation de la première « clause de rendez-vous », prévue pour 2008 par la réforme des retraites de 2003, mais aussi à l'emploi des seniors et, plus encore, à la perspective, souvent évoquée, de nouveaux adossements de régimes spéciaux, sur le modèle de l'adossement du régime de retraite des industries électriques et gazières, les IEG, à commencer par celui de la RATP. En effet, il faut d'ores et déjà engager dans de bonnes conditions la réflexion sur la prochaine étape de la réforme des retraites.

L'urgence porte, à mon sens, sur la sauvegarde du Fonds de solidarité vieillesse ; nous aurons l'occasion d'en reparler à l'occasion du débat que nous aurons demain sur ce sujet.

A court terme, préparer l'échéance de 2008 suppose aussi de renforcer la transparence et la diffusion de l'information sur notre système de retraite. On observe une réelle méconnaissance du niveau des engagements de retraite des différents régimes et un retard préoccupant dans la mise en oeuvre du « droit à l'information » des assurés sociaux sur leur situation personnelle au regard de la retraite.

Notre système d'assurance vieillesse manque de transparence - et c'est un euphémisme ! Je vous proposerai donc un amendement prévoyant qu'à partir de 2008 les principales caisses de retraite publieront une estimation de leurs engagements futurs de retraite et en rendront compte aux deux assemblées.

Dans le même ordre d'idée, permettez-moi de dire un mot sur un thème qui me tient particulièrement à coeur : la variable déterminante à prendre en compte pour la clause de rendez-vous de 2008 sera l'évolution du taux de remplacement, c'est-à-dire la proportion que représentera la retraite des assurés sociaux par rapport au dernier salaire d'activité. Nous aurons déjà du recul.

L'examen de ce texte nous offre aussi l'opportunité d'évoquer le taux d'emploi des seniors et de tirer à ce sujet le signal d'alarme.

Avec 37 % seulement, la France affiche le plus faible taux d'activité en Europe pour les personnes âgées de plus de cinquante-cinq ans. Atteindre le seuil de 50 % en 2010, conformément aux objectifs européens de Lisbonne, semble aujourd'hui difficilement réalisable sans un rapide sursaut, d'autant que les dernières statistiques font plutôt craindre une nouvelle baisse du taux d'activité des seniors.

Le consensus national implicite sur la cessation précoce d'activité demeure en effet très solide en France.

Si la réforme de 2003 a rendu les règles plus sévères, les possibilités de contourner le report de l'âge de la retraite restent très nombreuses : préretraites publiques, préretraites d'entreprise, préretraites UNEDIC et dispenses de recherche d'emploi des chômeurs âgés conjuguent ici leurs effets défavorables.

L'emploi des seniors appelle donc une politique publique plus volontariste encore. D'autres pays, comme la Finlande, ont su la mettre en oeuvre. Outre l'État, les partenaires sociaux doivent aussi contribuer au même objectif par trois moyens : l'amélioration de la santé au travail, la mise en oeuvre de la formation professionnelle tout au long de la vie et la nécessité d'une modification radicale de l'approche de la gestion des âges dans les entreprises pour les salariés âgés de plus de quarante-cinq ans.

L'enjeu est capital, car nous savons que la faiblesse du taux d'emploi des seniors constitue le talon d'Achille de la réforme de 2003. La situation doit s'améliorer si l'on souhaite mener à son terme le sauvetage de l'assurance vieillesse : l'opinion publique ne comprendrait pas la nécessité d'autres efforts si l'âge moyen de cessation d'activité dans le secteur privé continuait à ne pas dépasser cinquante-sept ans.

Mes chers collègues, je vous propose de nous inscrire dans ce débat grâce à trois amendements que la commission des affaires sociales a déposés pour favoriser l'emploi des seniors.

Le premier vise à libéraliser les conditions du cumul emploi - retraite pour les salariés du secteur privé sur le modèle applicable aux trois fonctions publiques.

Le deuxième tend à conforter le principe suivant lequel c'est à partir de soixante-cinq ans qu'un salarié peut être mis d'office à la retraite par son employeur. Ce point mérite un petit rappel : la loi portant réforme des retraites a admis que cet âge puisse être ramené à soixante ans si l'entreprise propose, parallèlement, des créations d'emplois, dans des conditions d'ailleurs bien confuses. Or, à la date du 1er octobre 2005, soixante-treize branches professionnelles s'étaient déjà engagées dans cette brèche. Je crois nécessaire de réduire les effets pervers de cette disposition.

Le troisième amendement propose d'assujettir l'ensemble des préretraites d'entreprise à la contribution créée en 2003 en faveur du FSV. Ce mode transactionnel de cessation précoce d'activité est en effet contradictoire avec l'objectif de remontée du taux d'emploi des seniors. Il n'est pas légitime qu'il bénéficie d'un traitement privilégié sur le plan social.

Enfin, je m'arrêterai un peu plus longuement sur la question des « adossements » des régimes spéciaux sur les régimes de droit commun du secteur privé, et notamment sur le dernier, imminent semble-t-il , de la RATP.

Nous en avons souvent parlé, les nouvelles normes comptables internationales IAS 19 obligent les grandes entreprises publiques à provisionner la totalité des engagements de retraite des régimes d'entreprise. L'année dernière, EDF et GDF ont ouvert la voie et leur régime de retraite a été adossé au régime général.

Ces opérations d'adossement demandent à être conduites avec beaucoup de précautions. La commission des affaires sociales vous présentera deux amendements visant à renforcer les garanties qui les entourent. Si j'en juge par l'attitude du conseil d'administration de la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés, la CNAVTS, ces amendements sont utiles. En effet, sa présidente a fait part publiquement de sa préoccupation au sujet du dossier de la RATP et des autres dossiers susceptibles de suivre. Elle s'est élevée contre la perspective de se trouver in fine placée devant le fait accompli et de se voir imposer, par voie réglementaire, sans débat parlementaire, une opération d'adossement dans des conditions qui lui apparaîtraient éventuellement peu favorables.

M. Guy Fischer. Pour la RATP, oui !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. La commission des affaires sociales souhaite répondre à cette demande de transparence en prévoyant explicitement, dans le code de la sécurité sociale, les modalités d'une information préalable des commissions parlementaires et, éventuellement, de leur contrôle sur les futurs adossements des régimes spéciaux, comme ceux de la RATP ou de la SNCF, par exemple, ou d'entreprises publiques, telle La Poste.

Le Parlement doit pouvoir apprécier par lui-même la neutralité de l'opération pour les assurés sociaux du secteur privé. Cette précaution est essentielle dans la mesure où ces régimes spéciaux versent des prestations d'un montant supérieur à celui des régimes de droit commun, avec des ratios démographiques généralement moins favorables, tandis que le niveau des prestations servies demeure inchangé, y compris pour les nouveaux entrants.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas normal !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. L'opération d'adossement est complexe, ne serait-ce que pour le calcul de la soulte, laquelle doit prendre en compte les engagements futurs en matière de retraite, qui se chiffrent en milliards d'euros, avec des hypothèses de projection à vingt-cinq ans minimum.

La commission considère que le Parlement doit être informé des modalités de ces opérations, même lorsqu'elles sont réalisées par voie réglementaire, non pas a posteriori, au hasard d'un tableau présenté dans un projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais au préalable, afin de nourrir, le cas échéant, le débat au sein de la représentation nationale.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Avec le même souci, un second amendement inspiré lui aussi du modèle des industries électriques et gazières vise à inscrire dans le code de la sécurité sociale les conditions générales d'adossement des régimes spéciaux sur les régimes de droit commun.

Tout en soutenant le Gouvernement lorsqu'il exprime de nouveau, à l'occasion de l'examen du dossier de la RATP, sa volonté de préserver les droits des assurés sociaux du secteur privé, la commission des affaires sociales souhaite, par cet amendement, tout d'abord réaffirmer solennellement, pour tous les adossements à venir, le respect du principe de neutralité ; ensuite, faire en sorte que les informations relatives aux prochains adossements de régimes spéciaux ou de régimes de retraite d'entreprises publiques fassent l'objet d'un suivi dans le temps, soient disponibles et publiées suivant une périodicité annuelle ; enfin, donner au Parlement les informations lui permettant de suivre la mise en oeuvre du principe de neutralité de ces adossements.

A ce stade de mon propos, j'espère vous avoir convaincu, monsieur le ministre, de la nécessité de commencer à réfléchir à la nouvelle étape de la réforme des retraites, en prévision du rendez-vous fixé en 2008.

Nous ne vous le cachons pas, la perspective de généraliser ces adossements nous préoccupe en raison de l'ampleur de certains engagements, au titre de la retraite, que nous devons connaître : aux 89 milliards d'euros des industries électriques et gazières, il convient d'ajouter les 21 milliards d'euros de la RATP, les 60 milliards d'euros de La Poste et les 103 milliards d'euros de la SNCF. Et je ne parle pas des 2 milliards d'euros de la Chambre de commerce et d'industrie de Paris ! Comment la Caisse nationale d'assurance vieillesse pourra-t-elle y faire face sans dommage ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est improbable !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Telle est la question que nous nous posons aujourd'hui.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Très bonne question !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Nous devons prendre en compte ces inquiétudes, d'autant que l'ensemble des régimes spéciaux ne survit aujourd'hui que grâce à la solidarité nationale, alors même que le maintien de leurs spécificités contredit largement l'esprit de la réforme des retraites. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux, rapporteur.

M. André Lardeux, rapporteur de la commission des affaires sociales pour la famille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en 2006, pour la troisième année consécutive, les comptes de la branche famille seront en déficit.

Estimé à 1,2 milliard d'euros, ce déficit est sensiblement égal à celui qui est prévu pour cette année ; le retour à l'équilibre n'est plus envisagé avant 2009. Il s'agit cependant d'un déficit essentiellement conjoncturel, qui est dû à la poursuite de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, la PAJE, laquelle a coûté, en 2005, 500 millions d'euros de plus qu'en 2004, alors que 86 millions d'euros avaient été budgétés. L'année prochaine, ces dépenses vont encore augmenter de 425 millions d'euros, ce qui témoigne du succès rencontré par cette nouvelle prestation.

Le déficit de la branche s'explique également par le poids du transfert, pour la CNAF, du financement des majorations de pension pour enfants, qui représente plus de 2 milliards d'euros. La commission des affaires sociales continue de contester le principe même de ce transfert et regrette le jeu de vases communicants qui en résulte avec le Fonds de solidarité vieillesse, puisque le déficit de l'une vient réduire celui de l'autre. Elle comprend néanmoins les circonstances financières actuelles et prend acte du taux de prise en charge de ces majorations par la Caisse nationale d'allocations familiales, qui a été définitivement fixé à 60 %. Le risque d'un glissement progressif allant jusqu'au financement intégral se trouve désormais écarté, ce qui est une bonne chose.

Au total, le déficit de la branche famille paraît moins inquiétant que celui des autres branches : ses dépenses sont indexées sur l'inflation, alors que ses recettes suivent l'évolution, toujours plus dynamique, de la masse salariale.

Ce déficit ne doit cependant pas être banalisé, car il a des conséquences sensibles sur la situation nette de la branche. En effet, les réserves ont fondu de plus de 15 % en deux ans et elles vont continuer de diminuer puisque l'on s'attend à des déficits jusqu'en 2009. Or ce sont ces réserves qui donnaient à cette branche des marges de manoeuvre pour financer des mesures nouvelles.

Les recettes de la branche famille devraient s'élever, en 2006, à 52,2 milliards d'euros, soit une progression de 3,6 % par rapport à l'année précédente.

En ce qui concerne les cotisations sociales, notons que la CNAF devrait bénéficier, mais avec un an de retard, et ce au détriment de sa trésorerie, de l'augmentation du taux de cotisation de l'État employeur, prévue en contrepartie du transfert de la gestion des prestations familiales des fonctionnaires.

S'agissant des recettes fiscales, la branche famille bénéficiera, comme les autres, de la taxe perçue sur les plans d'épargne logement détenus depuis plus de dix ans et d'une partie du produit du « panier de taxes » qui est transférée par l'État en contrepartie du remboursement des allégements de charges sociales.

Enfin, en matière de remboursement des charges liées aux allocations aux adultes handicapés et aux allocations de parent isolé, on constate d'ores et déjà un décalage entre les prévisions de dépenses - 6,3 milliards d'euros - et la dotation de 6,1 milliards d'euros ouverte dans le projet de loi de finances pour l'année prochaine.

Cette année encore, l'État restera débiteur à l'égard de la CNAF. Monsieur le ministre, selon nos calculs, si nous n'apurons pas les comptes dans le collectif budgétaire, la dette de l'État s'élèvera, au 31 décembre 2005, au titre de ces deux allocations, à 337 millions d'euros. Cette situation vous paraît-elle justifiable, d'autant que les hypothèses retenues pour l'évolution du nombre de bénéficiaires de ces deux minima sociaux paraissent très optimistes ?

J'en viens maintenant aux charges de la branche, qui devraient s'élever à 53,3 milliards d'euros en 2006.

Ces dépenses correspondent, pour 70 % d'entre elles, à des dépenses de prestations légales. Celles-ci connaissent des évolutions très contrastées.

En effet, les prestations d'entretien traditionnelles, que sont les allocations familiales et le complément familial, reculent en volume, en raison principalement de la réduction de la taille des familles. En outre, ces prestations croissent en fonction de l'évolution de la base mensuelle des allocations familiales, qui se limite de façon regrettable, depuis des années, à compenser uniquement l'inflation.

À l'inverse, les prestations versées en faveur de la petite enfance progressent très rapidement, avec une augmentation de plus d'un quart en trois ans. Les dépenses d'allocation de base pour les enfants de moins de trois ans augmentent beaucoup plus vite que prévu, car elles sont accessibles à un plus grand nombre de familles ; les prestations d'aide à la garde ont augmenté, en trois ans, de 40 %, en raison de la revalorisation du montant des aides et du recours accru des parents aux modes de garde payants.

On constate enfin un rythme de croissance élevé des prestations en faveur des personnes handicapées, notamment de l'allocation d'éducation spéciale.

À cet égard, la commission des affaires sociales rappelle que la loi pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées du 11 février 2005 prévoit d'harmoniser les modalités de compensation du handicap entre enfants et adultes handicapés d'ici à cinq ans. Nous aurons donc à débattre prochainement des périmètres d'intervention respectifs de la branche famille et de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA.

Avec un budget de 3,5 milliards d'euros, l'action sociale constitue le deuxième poste de dépenses de la branche famille. Son attachement à ce champ d'intervention s'est traduit dans la nouvelle convention d'objectifs et de gestion 2005-2008 par une progression des moyens de l'action sociale de 7,5 % par an sur ladite période.

La branche famille intervient, enfin, dans le domaine des aides au logement.

À ce titre, les dépenses devraient s'élever, en 2006, à 7,2 milliards d'euros. Les familles les plus modestes, pour lesquelles les allocations logement constituent une ressource essentielle, voient leur pouvoir d'achat se dégrader du fait de la progression sans précédent des loyers.

C'est la raison pour laquelle la commission des affaires sociales se félicite de la décision qui a été prise de modifier l'indice de référence de l'évolution des loyers, afin que ce dernier retrace plus fidèlement la charge liée au logement.

Dans ce contexte financier, la priorité de la politique familiale demeure l'accueil du jeune enfant.

En France, le fort taux d'activité des femmes pénalise moins qu'ailleurs la natalité, dont le taux reste cependant insuffisant -même légèrement, pour le moment -, pour renouveler les générations. Il est donc toujours nécessaire de créer un environnement plus favorable à la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, afin d'accompagner les familles dans leur désir d'avoir un enfant.

La création du nouveau complément optionnel de libre choix d'activité, le COLCA, va dans le bon sens. Ayant une durée plus courte, on devrait ainsi éviter que les personnes, souvent peu qualifiées, qui cessent de travailler pour élever leurs enfants, ne tombent dans le piège du chômage en s'éloignant trop longtemps du marché du travail. Une meilleure rémunération offre également aux parents qui disposent de revenus moyens un véritable libre choix.

J'approuve également l'amélioration apportée au régime relatif à l'allocation de présence parentale, qui remplace le congé incompressible de quatre mois renouvelable par un compte crédit de 310 jours que les parentes peuvent prendre librement pendant trois ans, en fonction des contraintes liées au traitement de l'enfant.

Cette réforme devrait enfin permettre d'aider, dans la vie quotidienne, les 13 000 familles qui connaissent chaque année la situation douloureuse d'accompagner un enfant gravement malade.

La commission des affaires sociales a eu le même souci pour prendre en compte la situation particulière des mères d'enfants prématurés.

Vous vous en souvenez sans doute, mes chers collègues, nous avons prévu cette prise en charge, dans la loi du 11 février 2005, mais nous avons omis d'indiquer expressément que ce congé était indemnisé. Faute d'une telle précision, qui nous semblait aller de soi, les jeunes mères sont aujourd'hui contraintes de prendre des congés sans solde.

L'été dernier, à l'occasion de l'examen du projet de loi relatif à l'égalité salariale entre les femmes et les hommes, nous avons réparé notre oubli. Mais nous ne savons toujours pas, monsieur le ministre, quand la navette reprendra sur ce texte, et l'attente devient insoutenable pour les familles. C'est la raison pour laquelle nous proposons d'ores et déjà de prévoir, dans le présent projet de loi, l'indemnisation de ce congé prolongé, quitte ensuite à supprimer les dispositions redondantes dans le texte relatif à l'égalité salariale lorsqu'il viendra en deuxième lecture.

La priorité accordée à l'accueil du jeune enfant se traduit également par la poursuite d'une politique volontariste en matière d'offre de garde.

Ainsi, conformément à la déclaration de politique générale du Premier ministre en juin dernier, 165 millions d'euros sont affectés à la mise en oeuvre d'un quatrième « plan crèche » de 15 000 places.

Par ailleurs, l'application généralisée de la prestation de service unique devrait enfin permettre une optimisation du taux d'occupation des places existantes. La commission des affaires sociales se félicite du pragmatisme dont fait preuve la CNAF pour mettre en oeuvre ce dispositif : les structures en difficulté vont en effet pouvoir bénéficier d'un accompagnement financier personnalisé.

L'année 2006 sera également l'année de l'entrée en vigueur de la réforme du statut des assistants maternels. La commission des affaires sociales a d'ailleurs noté avec satisfaction, monsieur le ministre, que le Gouvernement améliore encore la solvabilité du recours à ce mode de garde, grâce à un doublement du crédit d'impôt pour frais de garde.

Je présenterai maintenant les nouveaux défis qui attendent la branche famille.

Le premier défi est celui de la lutte contre la pauvreté des familles. Un rapport du Conseil de l'emploi, des revenus et de la cohésion sociale, le CERC, avançait, en 2004, que deux millions d'enfants vivaient au-dessous du seuil de pauvreté, notamment dans les familles monoparentales et les familles nombreuses. Pour ces familles, les prestations familiales représentent presque le quart des transferts sociaux qu'elles reçoivent.

Notre commission estime que, s'agissant de la CNAF, plusieurs pistes mériteraient d'être explorées pour atteindre l'objectif fixé par le Premier ministre de 250 000 enfants pauvres de moins d'ici à 2007. Il conviendrait ainsi de réfléchir aux modalités d'une participation des CAF à un parcours d'insertion pour les bénéficiaires de l'API ou à la mise en place d'une priorité d'accès aux places de crèches pour les bénéficiaires de minima sociaux.

Il est cependant indispensable de veiller à la cohérence des mesures qui pourraient être prises dans ce domaine. A cet effet, nous pouvons compter sur la vigilance du groupe de travail sur les minima sociaux, constitué au sein de notre commission.

Nous devons également faire face à un défi propre au développement de notre société de l'information : celui de la protection des enfants contre les dangers d'Internet.

Le Gouvernement, à la suite des conclusions de la conférence de la famille, a retenu plusieurs axes de travail : la mise en place d'outils de contrôle parental ou la création d'un label « famille » pour recenser les sites respectueux des règles de protection de l'enfant.

Nous devrons sans doute, à l'avenir, faire preuve de la plus grande fermeté vis-à-vis des différents acteurs d'Internet. Il est également nécessaire de poursuivre dans la voie de la coopération internationale, afin de mettre fin à des situations d'impunité intolérables. Cependant, l'État ne pourra jamais substituer sa vigilance à celle des parents. C'est la raison pour laquelle nous suivrons avec grand intérêt les résultats de la campagne de sensibilisation « grand public » envisagée par le Gouvernement pour encourager un usage raisonné d'Internet par les enfants.

Pour répondre à ces nouveaux enjeux, il sera sans doute nécessaire de mobiliser de nouveaux moyens. Ce constat souligne, s'il en était besoin, la nécessité d'un retour à l'équilibre rapide de la branche famille.

En attendant, dans le cadre du PLFSS pour 2006, votre commission vous propose d'approuver le budget de la branche famille, sous réserve de quelques amendements de précision qui n'en modifient pas les équilibres financiers généraux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Dériot, rapporteur.

M. Gérard Dériot, rapporteur de la commission des affaires sociales pour les accidents du travail et les maladies professionnelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la branche AT-MP, qu'il me revient maintenant de vous présenter, est de dimension relativement modeste puisque ses dépenses, en 2006, devraient représenter environ 11,1 milliards d'euros à l'intérieur du nouveau périmètre des lois de financement de la sécurité sociale.

Le présent projet de loi de financement ne contient pas de mesures nouvelles en la matière. Cette situation s'explique, selon nous, par la volonté du Gouvernement de laisser le champ libre à la négociation qui doit s'ouvrir dans les prochaines semaines, en vue de réformer cette branche, entre les partenaires sociaux. Le Gouvernement a cependant annoncé qu'il allait augmenter par décret de 0,1 point le taux de cotisation, afin de réduire son déficit.

Je ne m'attarderai pas sur l'analyse de l'évolution des risques professionnels dans notre pays, dans la mesure où les statistiques les plus récentes ne font que confirmer les évolutions observées depuis plusieurs années.

Le nombre d'accidents du travail continue de diminuer, confirmant ainsi une tendance amorcée il y a une trentaine d'années. Cette diminution s'explique par les progrès réalisés en matière de santé au travail, mais aussi par des transformations plus structurelles de notre économie, caractérisée par le recul de l'industrie au profit des services.

En revanche, le nombre de personnes reconnues atteintes de maladies professionnelles a enregistré une progression très marquée ces dernières années, puisqu'il a augmenté de 45 % en quatre ans. Cette hausse s'explique par l'augmentation du nombre de maladies périarticulaires qui sont la conséquence de gestes ou de postures de travail nocives pour la santé, et surtout par la progression des maladies causées par l'amiante.

Je rappelle cependant que les statistiques relatives aux accidents du travail et aux maladies professionnelles doivent être interprétées avec prudence. En effet, elles ne recensent que les accidents et maladies qui ont été déclarés puis reconnus d'origine professionnelle par une caisse de sécurité sociale. Or différents éléments attestent qu'une part significative des AT-MP ne sont pas déclarés ou reconnus.

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. Cela justifie que la branche AT-MP reverse chaque année une somme à la branche maladie pour compenser les charges que celle-ci supporte indûment du fait de cette sous-déclaration et de cette sous-reconnaissance.

Tous les trois ans, une commission, présidée par un magistrat de la Cour des comptes, remet un rapport évaluant ces charges indues. Il s'agit là d'un travail difficile, car les données épidémiologiques ou celles qui sont relatives au coût des pathologies sont partielles. Le dernier rapport, remis en juin par la commission Diricq, évalue néanmoins ces charges entre 356 millions et 749 millions d'euros. La fourchette est large, démontrant la difficulté de toute évaluation.

J'en viens maintenant à la présentation des principales données financières concernant la branche.

Sa situation financière s'est nettement dégradée entre 2004 et 2005, puisque le déficit est passé de 184 millions à 534 millions d'euros. La croissance des dépenses de la branche a été plus rapide que celle des recettes : celles-ci progressent en raison des transferts effectués au profit des fonds de l'amiante, lesquels augmentent de 200 millions d'euros. De plus, les recettes ont été peu dynamiques en raison de performances économiques relativement décevantes.

En 2006, le déficit de la branche devrait être ramené à 152 millions d'euros. Autant les dépenses liées aux prestations ne devraient connaître qu'une progression modérée, de l'ordre de 2 %, autant les dépenses liées aux transferts vers les fonds de l'amiante devraient encore croître de 215 millions d'euros. L'élément nouveau est l'augmentation de 0,1 point du taux de cotisation, qui est actuellement, en moyenne, de 2,185 points. Cette mesure devrait rapporter environ 415 millions d'euros. En l'absence de cette hausse de cotisation, la commission des comptes de la sécurité sociale estime que le déficit se serait encore légèrement creusé, pour atteindre 566 millions d'euros.

Une incertitude demeure cependant sur le rendement précis de la contribution, créée l'an dernier, mise à la charge des entreprises pour alimenter le Fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA. Il pourrait se révéler inférieur aux prévisions. Aussi, il serait utile que le Gouvernement nous donne quelques informations sur ce point.

Le versement à la branche maladie, au titre de la sous-déclaration, reste stable, à 330 millions d'euros, en dépit des conclusions de la commission Diricq, que j'évoquais précédemment. Ce choix, qui permet de ne pas compromettre l'amélioration attendue des comptes de la branche, nous paraît raisonnable dans le contexte actuel.

M. Guy Fischer. Ah non !

M. Gérard Dériot, rapporteur pour avis. La priorité aujourd'hui est d'assainir la situation financière de la branche AT-MP et d'alléger les charges de transfert mises à sa charge. Je vous proposerai d'ailleurs un amendement en ce sens.

Comme je l'indiquais en introduction, nous sommes à la veille d'une importante négociation entre les partenaires sociaux pour réformer la branche AT-MP. Elle devrait permettre de compléter et de prolonger les avancées qui ont été obtenues sur l'initiative des pouvoirs publics, dans la période récente.

Au titre de ces avancées, je voudrais rappeler que sera signée, entre l'État et la branche, une convention d'objectifs et de gestion, une COG.

Son premier objectif est, d'ici à 2007, l'amélioration de la prévention des risques professionnels, notamment grâce à une meilleure association de la branche aux grandes orientations de la politique gouvernementale, comme la sécurité routière ou le plan cancer. La COG entend également améliorer le suivi médical et l'accompagnement des victimes en vue de leur réinsertion professionnelle. Elle prévoit aussi de lutter contre la sous-déclaration des accidents du travail et des maladies professionnelles par un renforcement du partenariat avec les médecins du travail et les services hospitaliers. Enfin, la branche s'engage à améliorer son appareil statistique et son système d'information de manière à mieux connaître les risques et à mieux piloter son réseau.

Par ailleurs, le Gouvernement a rendu public, en février 2005, le plan « santé au travail », organisé autour de quatre objectifs structurants, qui recoupent parfois les axes de travail retenus dans la COG.

Le premier objectif est l'amélioration de la connaissance des dangers, des risques et des expositions nocives en milieu professionnel, avec notamment la création de l'Agence française de sécurité sanitaire de l'environnement et du travail, l'AFSSET, l'augmentation des moyens de l'Institut de veille sanitaire, l'InVS, et la création de pôles de recherche pluridisciplinaires.

Le deuxième objectif est le renforcement de l'efficacité des contrôles, par la création de cellules d'appui, où les inspecteurs du travail pourront trouver les compétences techniques qui leur permettront d'être plus efficaces, et par la définition de plans d'action territoriaux afin de mieux cibler les contrôles.

Le troisième objectif est le décloisonnement des administrations et la réforme du Conseil supérieur de la prévention des risques professionnels, pour moderniser le pilotage de la politique publique dans ce domaine.

Enfin, pour encourager les entreprises à devenir acteurs de la santé au travail, le Gouvernement a annoncé qu'il entendait engager une réflexion sur la réforme de la tarification des cotisations AT-MP et sur la notion d'aptitude au poste de travail.

Je rappelle que la négociation qui va s'ouvrir entre les partenaires sociaux avait été demandée par le Parlement lors du vote de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Trois questions seront vraisemblablement au centre des discussions.

D'une part, celle de la gouvernance de la branche : il ne serait pas illégitime de créer un véritable conseil d'administration pour cette branche, qui est aujourd'hui dirigée par une simple commission au sein de la CNAM.

D'autre part, la réforme de la tarification : le niveau des cotisations AT-MP est en principe corrélé avec le nombre d'accidents et de maladies déclarés dans chaque entreprise, afin d'encourager lesdites entreprises à mener des politiques de prévention ambitieuses. Mais les règles sont devenues trop complexes au fil du temps et ne remplissent plus suffisamment cette fonction d'incitation à la prévention.

Enfin, les conditions de réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles : les victimes perçoivent aujourd'hui une réparation forfaitaire qui ne couvre pas toujours l'intégralité du préjudice subi. Or le passage à une réparation intégrale coûterait plus de 3 milliards d'euros pour le seul régime général. Les montants financiers en jeu vont certainement rendre difficile un accord sur ce point entre organisations patronales et syndicales.

Nous souhaitons également qu'intervienne, en 2006, une réforme des fonds de l'amiante. La réflexion sur cette question est déjà bien engagée, puisque Jean-Pierre Godefroy et moi-même avons formulé des propositions dans le cadre de la mission commune d'information sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante, dont nous avons été les rapporteurs. La réflexion se poursuit sur le même sujet à l'Assemblée nationale. De plus, le Gouvernement a demandé à l'inspection générale des affaires sociales de travailler à la réforme du FCAATA.

Compte tenu du bref délai qui s'est écoulé depuis la présentation des conclusions de la mission, il ne nous était pas possible de traduire sous forme d'amendements l'ensemble de ses préconisations. Néanmoins, je vous présenterai un amendement relatif au financement du Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, et j'ai l'intention de travailler à la rédaction d'une proposition de loi, en concertation avec les sénateurs intéressés, afin de mettre en oeuvre les autres propositions de notre mission d'information.

Dans cette attente, bien sûr après avoir discuté l'amendement que nous avons déposé, nous voterons le budget de la branche AT-MP. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le PLFSS pour 2006 est le premier projet à être élaboré dans le cadre de la nouvelle LOLFSS du 2 août 2005.

Les principales modifications introduites par celle-ci visent à renforcer la sincérité et la transparence des équilibres financiers de la sécurité sociale, à affirmer le principe de son autonomie financière, à introduire une dimension pluriannuelle dans la présentation des prévisions de recettes et des objectifs de dépenses, et, enfin, à définir des programmes de qualité et d'efficience qui devraient permettre, à terme, de mesurer l'efficacité de la dépense publique dans le domaine des finances sociales.

Toutefois, je tiens à souligner que cette loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale est en retrait par rapport à la LOLF, s'agissant notamment de l'appréciation de la performance et de la justification des dépenses de la sécurité sociale.

Le contexte du présent projet de loi a quelque peu évolué par rapport à celui de l'an dernier. En effet, même si l'ensemble des branches devraient être déficitaires en 2006, on note une nette amélioration du compte de la branche maladie.

Le déficit du régime général est estimé à 11,9 milliards d'euros en 2005, soit un niveau identique à celui de 2004, mais celui de l'ensemble de la sécurité sociale atteindrait, cette année, un niveau historique de 15,2 milliards d'euros, en raison d'une multiplication des foyers de déficit. En effet, celui-ci concerne à présent l'ensemble des branches ainsi que le Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, que nous aurons l'occasion d'évoquer de nouveau.

S'agissant de la situation de ces deux fonds, le débat spécifique qui leur sera consacré demain au sein de notre assemblée permettra, je l'espère, d'entériner les solutions proposés par le Gouvernement.

Pour ce qui est du financement du déficit du régime général, je note que le plafond d'avances de trésorerie du régime général sera relevé de 5,5 milliards d'euros pour s'établir à 18,5 milliards d'euros.

Je voudrais, par ailleurs, rappeler que le déficit de l'assurance maladie pour 2005 a été en grande partie transféré à la CADES, puisque celle-ci a repris 6,61 milliards d'euros le 7 octobre dernier.

Pour en venir au coeur du sujet, je remarque que le PLFSS pour 2006 s'inscrit dans la continuité du précédent et qu'il ne contient pas de réelles mesures structurelles.

M. François Autain. Il en rajoute un peu !...

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. S'agissant des mesures de recettes contenues dans ce projet de loi, je voudrais retenir quelques éléments.

Il est proposé d'anticiper la perception des prélèvements sociaux sur les intérêts des plans d'épargne logement de dix ans ou plus, ce qui devrait rapporter 868 millions d'euros en 2006.

M. Guy Fischer. C'est tout de même une belle arnaque !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il est également proposé de supprimer l'abattement applicable aux cotisations patronales dues au titre des contrats de travail à temps partiel conclus avant la mise en place des 35 heures, ce qui devrait rapporter 100 millions d'euros.

Le PLFSS prévoit d'assujettir à la C3S les organismes publics qui exercent leur activité de façon concurrentielle, ce qui devrait rapporter 70 millions d'euros. A ce titre, monsieur le ministre, toutes nos associations, y compris paramunicipales, seront touchées, ce qui n'améliorera pas la situation des collectivités territoriales. Je rappelle, en effet, que nombre d'associations dans nos communes exploitent des lieux de spectacle ou organisent des séances de cinéma. Leur assujettissement à la C3S constituera, me semble-t-il, une difficulté supplémentaire pour elles.

Par ailleurs, les taxes pesant sur les entreprises pharmaceutiques seraient accrues, ce qui devrait rapporter 300 millions d'euros.

Quant aux objectifs de dépenses fixés dans le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale, ils s'établissent à 373,7 milliards d'euros, en augmentation de 3,2 % par rapport aux objectifs révisés pour 2005. A cet égard, je souhaite formuler deux remarques.

L'erreur de près de 11 % dans la fixation de l'objectif de dépenses de la branche famille par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005 témoigne de la sous-estimation par le Gouvernement du coût de la montée en charge de la PAJE, en raison d'une sous-évaluation des bénéficiaires potentiels de cette nouvelle prestation.

L'évolution de près de 2,5 % de l'objectif de dépenses de la branche maladie fixé par le présent projet de loi de financement, par rapport à la prévision rectifiée de l'objectif pour 2005, apparaît volontariste même si l'on note, en cette année, une nette décélération des dépenses de soins de ville, comme vous l'avez souligné, messieurs les ministres. Toutefois, une grande incertitude pèse toujours sur le rendement des mesures de maîtrise médicalisée contenues dans la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Je voudrais maintenant vous présenter rapidement la situation de chacune des branches de la sécurité sociale.

S'agissant de la branche maladie, un débat spécifique y sera consacré par notre assemblée. J'en profiterai pour vous présenter les principales conclusions de mon contrôle sur l'informatisation dans le secteur de la santé. C'est pourquoi je souhaite dire maintenant quelques mots de la situation générale de la branche maladie en 2005 et des prévisions pour 2006.

D'après les estimations de la commission des comptes de la sécurité sociale, la branche maladie devrait être déficitaire, en 2005, de 8,3 milliards d'euros, soit une amélioration du solde de 3,3 milliards d'euros par rapport à 2004. Le déficit de la branche s'améliorerait encore en 2006, pour atteindre 6,1 milliards d'euros, en tenant compte des mesures contenues dans le présent projet de loi de financement.

Au niveau de la branche maladie, il semble donc qu'il existe des raisons d'espérer, puisque, selon les estimations actuelles, l'ONDAM 2005 serait respecté en valeur pour la première fois depuis 1998.

M. François Autain. C'est faux !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. En effet, excepté en 1997, seule année où il a été respecté, l'ONDAM voté par le Parlement au moment de la discussion du PLFSS a systématiquement été dépassé. Le dépassement s'est même accéléré en 2002, essentiellement sous l'effet d'une croissance des dépenses de soins de ville très supérieure aux objectifs fixés et de mesures conjoncturelles touchant aussi bien les dépenses ambulatoires, telles les revalorisations d'honoraires, que les établissements de santé, avec la mise en oeuvre de la réduction du temps de travail, la RTT, dans les hôpitaux. Ces mesures conjoncturelles ont toutefois commencé à épuiser leurs effets à compter de cette année.

En 2005, je tiens à souligner une évolution particulièrement favorable, à savoir la nette décélération des soins de ville, même si l'on peut s'interroger, comme l'a fait la commission des comptes de la sécurité sociale, sur le caractère durable de certaines de ses composantes. En outre, cette amélioration ne doit pas occulter les zones d'ombre qui demeurent, parmi lesquelles le dépassement de l'ONDAM hospitalier ainsi que les résultats en deçà des attentes pour l'inflexion de la consommation de médicaments et la mise en oeuvre des engagements conventionnels pris par les professionnels de santé.

Dans le PLFSS pour 2006, le Gouvernement a choisi de fixer la progression de l'ONDAM à 2,5 % par rapport à l'ONDAM pour 2005. Cette prévision me paraît volontariste, voire optimiste.

Je me dois en effet de souligner qu'une incertitude pèse toujours sur le rendement des mesures de maîtrise médicalisée mises en oeuvre par la loi du 13 août 2004, dont la réussite suppose des efforts importants de tous les acteurs et un changement des comportements, dont les effets devraient s'apprécier sur le long terme.

M. François Autain. Ils tardent à venir !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Les mesures nouvelles contenues dans le présent PLFSS s'agissant de la branche maladie sont d'ampleur limitée. Elles visent notamment à aménager les conditions de mise en oeuvre de la réforme portant tarification à l'activité dans tous les établissements de santé.

La tarification à l'activité est un mode de financement des établissements de santé, publics et privés, visant à fonder l'allocation de leurs ressources sur la nature et le volume de leur activité réalisée, mesurée pour l'essentiel sur la base des données du programme de médicalisation des systèmes d'information.

L'instauration de ce nouveau mode de financement représente un véritable facteur de modernisation décisif des établissements.

Le présent projet de loi de financement prévoit des mesures d'aménagement technique. Je tiens à souligner qu'il est important de progresser le plus rapidement possible vers une convergence des tarifs entre le secteur public et le secteur privé. Je m'étonne également du temps qui a été laissé à l'hôpital public pour mettre en oeuvre la T2A - huit ans -, alors que les cliniques privées sont passées à la tarification à l'activité depuis le ler mars 2005. (M. le ministre de la santé et des solidarités s'exclame.) Monsieur le ministre, je ne dis pas que vous êtes le seul responsable !

Je ne peux, en outre, m'empêcher d'évoquer ici - vous trouverez ces éléments dans mon prochain rapport, qui paraîtra dans quelques jours  - les lacunes du système d'information hospitalier, notamment dans le secteur public, qui constitue un véritable frein à la mise en oeuvre rapide de la tarification à l'activité. Pour avoir auditionné nombre de professionnels au sujet de la situation de l'AP-HP, je crois connaître les raisons qui expliquent ce retard. Je rappelle que la mise en oeuvre de la T2A ne devrait intervenir qu'en 2012.

Par ailleurs, le PLFSS contient une mesure de coordination avec la mesure d'ordre réglementaire visant à étendre la participation des assurés aux actes égaux ou supérieurs à 91 euros. Cette participation serait fixée de manière forfaitaire à 18 euros par acte et devrait permettre de réaliser une économie de 84 millions d'euros pour le seul régime général et de 100 millions d'euros pour l'ensemble des régimes.

Monsieur le ministre, vous avez dit que le forfait de 18 euros n'entraînerait aucune dépense supplémentaire. Or on ne peut pas dire que cette mesure ne coûtera rien aux contribuables, qui paient l'ensemble des cotisations, qu'ils soient soumis au régime général ou aux régimes complémentaires. Philippe Bas a commis un abus de langage tout à l'heure. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) C'est bien de cotisations qu'il s'agit et non de largesses gouvernementales, quel que soit le gouvernement !

Au total, j'estime que ce projet de loi de financement fixe des objectifs optimistes pour le volet maladie, sans donner vraiment les moyens de les atteindre.

En ce qui concerne la branche accidents du travail et maladies professionnelles - M. Dériot vient d'en parler -, je voudrais simplement souligner que son déficit devrait s'établir à 400 millions d'euros en 2005 et qu'il devrait être ramené à 152 millions d'euros en 2006, notamment grâce à l'augmentation, par voie réglementaire, des cotisations patronales d'accidents du travail.

La contribution de la branche aux fonds amiante - le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, et le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, le FCAATA - devrait s'alourdir encore de 215 millions d'euros pour dépasser un milliard d'euros en 2006. Je crois que nous devons tous considérer que le problème de l'amiante ne cessera de s'amplifier au fil des années. Monsieur le ministre, il faudra en tenir compte pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

S'agissant de la branche famille, il convient d'indiquer que, contrairement aux attentes du Gouvernement lors de la présentation du projet de loi de financement pour 2005, ses comptes se sont dégradés pour passer d'un déficit de l'ordre de 400 millions d'euros pour le régime général en 2004 à un déficit de 1,1 milliard d'euros en 2005. Ce creusement du déficit résulte d'une montée en puissance très rapide de la prestation d'accueil du jeune enfant, créée par la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004, et d'une sous-évaluation par le Gouvernement des bénéficiaires potentiels de cette prestation.

Le déficit de la branche vieillesse s'établit à 2 milliards d'euros en 2005, comme l'a dit excellemment M. Leclerc, et devrait être ramené à 1,4 milliard d'euros en 2006, en particulier grâce à l'augmentation de 0,2 point des cotisations vieillesse. La montée en puissance des retraites anticipées dans le régime général a finalement conduit à anticiper le déficit de la branche d'environ deux années.

Je voudrais insister sur la situation difficile du fonds de solidarité vieillesse, qui connaîtra un déficit de près de 1,5 milliard d'euros en 2006, après 2 milliards d'euros en 2005. L'amélioration résulte en partie des recettes liées à l'anticipation de la taxation des intérêts des PEL. Le déficit cumulé de ce fonds devrait atteindre près de 5,25 milliards d'euros en 2006, ce qui est très préoccupant et pose un problème à la fois de flux et de stock.

Quant au fonds de réserve pour les retraites, le FRR, ses réserves devraient s'élever à 20,86 milliards d'euros à la fin de 2005 et à 22,42 milliards d'euros à la fin de 2006. Cela paraît largement insuffisant pour que le fonds puisse remplir réellement la mission de lissage des besoins qui lui avait été initialement assignée. Le Conseil d'orientation des retraites a ainsi estimé qu'il faudrait un abondement annuel moyen de 5 milliards d'euros pour que le FRR parvienne à accumuler 161 milliards d'euros d'ici à 2020. Cela conduit à se poser la question du rôle que l'on entend lui faire jouer. Mais nous y reviendrons lors de l'examen des amendements.

Enfin, je voudrais dire quelques mots de la Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie, la CNSA. Alors que celle-ci était, en 2005, un organisme concourant au financement des régimes de base de la sécurité sociale, elle deviendra, en 2006, un organisme recevant une partie de l'ONDAM. Ses ressources devraient atteindre 14 milliards d'euros en 2006, face à des charges de 13,82 milliards d'euros. Son solde serait ainsi positif de 188,3 millions d'euros en 2006, après les 504,5 millions d'euros de 2005.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, sous réserve de l'adoption par le Sénat des amendements qu'elle a décidé de déposer, la commission des finances a émis un avis globalement favorable sur le présent projet de loi de financement. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Discussion générale

M. Bernard Cazeau. Je demande la parole pour un rappel au règlement.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, l'organisation de la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 change au fil des heures.

Ainsi, la suite du débat aura lieu dès demain matin, alors qu'elle était prévue à partir de seize heures. Par ailleurs, nous ne savons rien de l'ordre du jour de la journée de mercredi, sinon que, parmi les projets de loi qui se bousculent, nous devons examiner le texte prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence.

Certains de mes collègues devant intervenir sur différents points du projet de loi de financement de la sécurité sociale, il serait souhaitable que nous connaissions le calendrier précis de nos travaux, en particulier les moments où se dérouleront les différents débats dans le cadre de ce texte.

M. le président. Monsieur Cazeau, je prends acte de votre rappel au règlement.

Comme vous le savez, une conférence des présidents aura lieu demain. Toutefois, monsieur le président de la commission des affaires sociales, peut-être pouvez-vous nous donner des informations dès maintenant sur l'organisation de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Vous avez la parole.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, puisque vous m'y invitez, je vous indique les éléments dont je dispose pour l'instant.

Nous nous réunirons en séance publique pour la suite de la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale, avec mon accord, dès demain matin, à dix heures - ce qui n'était pas prévu -, afin de ne pas trop retarder l'examen de ce texte.

A onze heures, la conférence des présidents fixera l'ordre du jour des travaux de mercredi et des jours suivants.

On peut d'ores et déjà penser que, en raison du débat annoncé sur le projet de loi relatif à l'état d'urgence, nous ne reprendrons nos travaux que mercredi soir.

Dans ces conditions, la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale aura lieu demain mardi, toute la journée, et devrait se poursuivre mercredi soir. Le débat sur les fonds aura lieu demain matin et celui sur l'assurance maladie, demain soir vraisemblablement.

Rappel au règlement
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Exception d'irrecevabilité

M. François Autain. Cela peut changer !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Effectivement, mon cher collègue, cela peut changer ! Tout dépend de la bonne volonté des uns et des autres, et je rappelle que certains d'entre nous doivent même participer à des congrès.

J'espère donc que nous ne prendrons pas de retard, de façon que tous nos collègues puissent être présents dans l'hémicycle jusqu'à la fin de la semaine.

M. Roland Muzeau. Nous sommes très nombreux !

M. le président. Il est donc bien clair que toute la journée de demain, mardi, sera consacrée au projet de loi de financement de la sécurité sociale, et que nous reprendrons la suite de la discussion de ce texte, mercredi, après le débat sur le projet de loi prorogeant l'application de la loi du 3 avril 1955 instituant un état d'urgence. Nous poursuivrons le débat jeudi.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et, éventuellement, vendredi, matin et après-midi.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, après les excellentes interventions de nos rapporteurs, je voudrais concentrer mon intervention sur le nouveau cadre organique dans lequel s'inscrit, cette année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La loi du 2 août 2005 a, en effet, dessiné de nouveaux contours pour la préparation, le contenu et les modalités d'examen du budget social de la nation.

Je veux d'abord souligner la performance réalisée par le Gouvernement qui, en deux mois à peine, a mis en oeuvre cette nouvelle loi organique, alors que, pour la loi de finances - nous nous en souvenons -, il a fallu quatre ans.

M. François Autain. Superman ! (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas loin, mon cher collègue !

Cette première application confirme la justesse des analyses et propositions de notre commission, car - vous vous en souvenez - nous avons toujours souhaité améliorer la présentation du PLFSS, étendre son champ d'intervention, clarifier les relations entre l'État et la sécurité sociale, renforcer l'autonomie de cette dernière, améliorer la qualité des annexes et, enfin, renforcer nos moyens de contrôle sur l'application des lois de financement.

M. François Autain. Les travaux d'Hercule !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est à peu près cela, mon cher collègue !

Or, c'est précisément ce que fait désormais la loi de financement, monsieur Autain !

M. Roland Muzeau. C'est vrai !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout d'abord, elle a une dimension pluriannuelle. Comme cela a été dit, elle couvre trois exercices.

Sa présentation en quatre parties - la première pour l'exercice clos, la deuxième pour l'exercice en cours, la troisième pour les recettes et les équilibres de l'année à venir et, la quatrième, pour les dépenses de l'année à venir - permet de bien clarifier les comptes et les évolutions.

M. François Autain. C'est vrai !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La loi de financement inclut aussi un cadrage pluriannuel prospectif sur quatre ans. Ce dernier est indispensable pour un pilotage pertinent des équilibres généraux de la sécurité sociale et pour une appréhension complète des différentes réformes menées, celles-ci s'inscrivant toujours dans la durée. C'est évidemment le cas de la réforme des retraites votée en 2003, mais c'est également vrai pour la réforme de l'assurance maladie d'août 2004.

Deuxième aspect important : la nouvelle présentation de la loi de financement permet enfin de rapprocher les recettes et les dépenses par branches et, surtout, d'obtenir des soldes. Vous vous souvenez que, jusqu'à présent, on nous présentait les recettes par catégories et les dépenses par branches, ce qui rendait impossible l'analyse détaillée et, surtout, le vote de l'équilibre financier de chacune de ces branches. Nous pouvons enfin faire ces rapprochements et établir des comparaisons d'une année à l'autre.

De plus, pour permettre une plus grande clarté dans la détermination des composantes de l'ONDAM, la loi organique rend obligatoire sa déclinaison en au moins cinq sous-objectifs.

En outre, le champ de la loi de financement est étendu non seulement aux organismes concourant au financement des régimes de la sécurité sociale - le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et le fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA - mais également à la CADES, pour laquelle nous devrons voter un objectif annuel d'amortissement de la dette, et au fonds de réserve pour les retraites, dont nous devrons approuver le montant prévisionnel de l'abondement.

L'autonomie financière de la sécurité sociale est renforcée. Ainsi, il ne peut plus être dérogé à la règle de la compensation des exonérations de charges sociales en dehors de la loi de financement. Un article de cette loi doit soumettre à notre approbation le montant total de la compensation, en parfaite harmonie avec ce qui est prévu dans la loi de finances.

Ces dispositions sont essentielles, compte tenu des montants en jeu et de leur poids dans les recettes de la sécurité sociale. Nous nous sommes d'ailleurs fortement mobilisés pour qu'elles figurent, ne serait-ce que dans ces termes-là, dans la loi organique.

Enfin, le principe de la sincérité, de la régularité et de la fidélité des comptes est clairement affirmé. La Cour des comptes sera chargée du contrôle. Elle devra certifier les comptes du régime général à compter de l'année 2006.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale qui nous est présenté met en oeuvre ce nouveau cadre pour la première fois.

L'examen détaillé du texte et de ses annexes auquel notre commission a procédé fait apparaître un certain nombre d'insuffisances.

Ces dernières sont bien naturelles pour une première application, mais il me paraît important de les recenser, car des améliorations pourront et devront être apportées dans les prochaines lois de financement, afin notamment que l'intention du législateur organique soit pleinement respectée.

Ainsi, monsieur le ministre, il conviendra de renforcer le cadrage pluriannuel en étayant l'annexe B, de façon à justifier plus solidement les évolutions prévues et en y développant, par exemple, plusieurs scénarii à l'image de ce qui existe dans le rapport économique, social et financier annexé au projet de loi de finances.

M. François Autain. C'est une bonne idée !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Dans le document de cette année, le Gouvernement nous dit que la masse salariale progressera de 4,45 % en moyenne par an jusqu'en 2009 et que l'augmentation annuelle de l'ONDAM sera contenue à 2,2 %.

M. Guy Fischer. On voudrait bien que la masse salariale augmente !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Aucune explication développée n'est donnée sur le moyen de parvenir à ces chiffres.

MM. François Autain, Guy Fischer et Roland Muzeau. Et pour cause !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De même, il conviendra de fournir, dans l'exposé des motifs du projet de loi, les raisons des diverses évolutions envisagées, notamment pour les prévisions de dépenses, de recettes et d'équilibre. Dans le texte de cette année, aucun des tableaux d'équilibre des prévisions de recettes ou de dépenses n'est justifié.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il serait souhaitable, par ailleurs, que les montants inscrits dans le projet de loi soient présentés en millions d'euros, et non pas en milliards arrondis à la centaine de millions d'euros près. Cette excessive simplification va, à l'évidence, à l'encontre de la recherche de sincérité ou, tout au moins, de précision des comptes.

M. Roland Muzeau. Il y a du boulot !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, mon cher collègue, il y a toujours du travail !

Enfin, il serait utile de disposer d'un chiffrage précis des différentes mesures nouvelles proposées, en recettes comme en dépenses, ainsi que cela existe, je le répète, pour le projet de loi de finances.

Par ailleurs, en ce qui concerne l'ONDAM, l'annexe de cette année, trop succincte, ne permet pas de prendre l'exacte mesure des ambitions du Gouvernement. Le découpage proposé en six sous-objectifs ne nous donne pas non plus entièrement satisfaction, que ce soit en termes de lisibilité, de clarté ou de précision.

Vous le voyez, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, des marges de progrès existent. (M. François Autain s'exclame.)

Nous resterons vigilants sur leur mise en oeuvre, car il en va de la crédibilité du Parlement et de la valeur de notre vote sur le budget social de la nation.

Grâce au soutien du Sénat tout entier et de son président, en créant très prochainement en son sein une mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, ou MECSS, notre commission a décidé de se doter des moyens nécessaires pour proposer des améliorations dans la gestion des finances sociales et rendre à nos concitoyens les comptes qu'ils attendent de nous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 75 minutes ;

Groupe socialiste, 49 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 20 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 16 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 12 minutes ;

Réunion administrative des sénateurs ne figurant sur la liste d'aucun groupe, 8 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Marie-Thérèse Hermange.

Mme Marie-Thérèse Hermange. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale présenté par le Gouvernement depuis la loi organique adoptée l'été dernier. Plus lisible et, surtout, plus exhaustif, il nous permet de bénéficier d'une meilleure information - comme vient de le dire M. le président de la commission - pour nous permettre de mieux nous prononcer sur les comptes de notre système de protection sociale.

Nous disposons ainsi de tableaux d'équilibre de nos différents régimes, de projections pour les quatre prochains exercices, d'une plus grande clarté par la présence de sous-objectifs de l'ONDAM et d'une procédure de certification des comptes qui devrait intervenir dès 2006.

Tout concourt donc à une meilleure information du Parlement et, par conséquent, de nos concitoyens.

Je souhaite, d'abord, rappeler l'attachement du groupe UMP à ce système de protection sociale solidaire, qui a maintenant plus de soixante ans, et notre sincère volonté de le sauvegarder. En effet, la sécurité sociale nous rassemble tous autour d'une idée, celle de la solidarité. Aucune autre instance n'incarne mieux cette image. Comme toutes les institutions, elle connaît des difficultés et doit faire face à de nouveaux défis.

Telle est la voie dans laquelle vous vous engagez, monsieur le ministre, grâce aux réformes que vous avez conduites. La réforme des retraites menée par François Fillon, comme celle de l'assurance maladie, permettent un meilleur emploi des fonds consacrés par nos concitoyens à leur protection sociale.

N'en déplaisent aux esprits chagrins, alors que la commission des comptes de la sécurité sociale nous annonçait avant l'été un déficit abyssal de plus de 16 milliards d'euros, grâce à votre ténacité et à votre volonté, le déficit devrait s'établir à 8,9 milliards d'euros. Ces résultats ont été obtenus, ne l'oublions pas, en dépit du ralentissement de la croissance et de la masse salariale en 2005.

M. Roland Muzeau. La faute à qui ?

Mme Marie-Thérèse Hermange. Évidemment, les comptes de la sécurité sociale demeurent fortement déficitaires, mais le mouvement engagé est vertueux, et l'effort doit être poursuivi.

Ce redressement est dû, pour moitié, à de nouvelles recettes et, pour le reste, à des efforts répartis entre tous les acteurs du système.

M. Alain Vasselle, rapporteur pour les équilibres financiers et généraux et l'assurance maladie, a exposé ces différentes recettes ; je n'y reviendrai donc pas.

Monsieur le ministre, s'agissant du ticket modérateur de 18 euros pour les actes de plus de 80 euros, il importe de rappeler que ce ne sont pas les assurés qui paieront ce forfait, mais qu'il reviendra aux mutuelles de le prendre en charge, que les personnes fragilisées en seront exonérées et que son montant ne variera pas quels que soient la durée d'hospitalisation et le nombre d'actes réalisés.

En ce qui concerne l'assurance maladie, alors que le déficit a été réduit de près de 25 % en 2005, les projections financières pour 2006 confirment bel et bien une rupture avec le phénomène de creusement du déficit qui affectait la branche maladie jusqu'en 2004.

Les effets d'une réforme sont souvent lents et progressifs, et il est toujours facile de les nier. Pour autant, les chiffres sont là. J'en veux pour preuve une illustration tout à fait concrète : la maîtrise des indemnités journalières de maladie, qui étaient particulièrement inflationnistes, et qui désormais connaissent une diminution de 3 % alors que, les années précédentes, la hausse était de 5 % en moyenne.

L'ONDAM 2006 est à la fois rigoureux et réaliste.

S'agissant des dépenses de soins de ville, alors que celles-ci progressaient jusqu'en 2003 sur des rythmes de 6 % à 7 %, leur croissance n'est que de 1,9 %. Cette tendance favorable devrait être encore renforcée par la mise en place du dossier médical partagé et de la carte vitale individualisée.

La mise en oeuvre, à compter du 1er janvier 2006, des contrats responsables entre les organismes complémentaires et les patients ainsi que la majoration de participation pour les patients ne passant pas par le médecin traitant inciteront fortement ces derniers au respect du parcours de soins.

S'agissant des médicaments, vous l'avez dit, monsieur le ministre, nous en consommons encore trop. Les efforts pour la maîtrise de la consommation des antibiotiques, des anxiolytiques, des antidépresseurs, des calmants doivent être poursuivis. Il s'agit tant d'une économie que d'un vrai problème de santé publique.

Le développement des génériques doit être, lui aussi, poursuivi. À cette occasion, je voudrais souligner les efforts que nous demandons aux médecins, mais aussi aux pharmaciens, qui, dans la plupart des régions, jouent le jeu.

Sur la fin de la prise en charge des médicaments à service médical rendu insuffisant et les inquiétudes qu'elle suscitait, vous avez fait valoir, monsieur le ministre, que l'assurance maladie ne pouvait plus tout rembourser en matière de médicaments. Mais vous avez parallèlement, pour des traitements onéreux, admis 196 nouveaux médicaments au remboursement. Nous pensons que vous avez fait le bon choix, même si celui-ci n'était pas facile.

S'agissant de l'hôpital, l'ONDAM est fixé à 3,44 %. Certains collègues de notre groupe, dont notre ami Francis Giraud, ont estimé que la mise en oeuvre de la réforme en matière hospitalière était trop lente et que l'on demandait peut-être trop à la médecine de ville par rapport à la médecine hospitalière.

M. Guy Fischer. Les mandarins...

Mme Marie-Thérèse Hermange. Avec le plan « Hôpital 2007 » et la nouvelle tarification à l'activité, le monde hospitalier est engagé dans une mutation de grande ampleur et, comme dans toutes les réformes, les efforts d'adaptation peuvent être douloureux. Nous devons être présents à ses côtés et faire des efforts d'explication. Les 2 milliards d'euros supplémentaires débloqués en 2006 pour le fonctionnement et l'investissement démontrent le soutien du Gouvernement en la matière.

En ce qui concerne les accidents du travail et les maladies professionnelles, la négociation de la réforme de la branche est désormais engagée avec les partenaires sociaux ; le groupe UMP s'en réjouit. Désormais déficitaire - 152 millions d'euros manqueront en 2006 -, les besoins de financement de cette branche devraient croître fortement dans les prochaines années.

Le dossier de l'amiante est sans doute l'un des plus préoccupants. Notre collègue Gérard Dériot a formulé, dans le cadre d'une mission d'information, plusieurs réflexions en la matière. Nous souhaiterions qu'elles soient appliquées rapidement au cas de l'amiante, mais aussi à la prévention d'autres pathologies, afin que nos enfants et nos petits-enfants ne connaissent pas ultérieurement un drame similaire à celui que nous vivons avec l'amiante pour d'autres produits chimiques.

Quant à la branche vieillesse, elle accuse pour la première fois un déficit, imputable pour une grande part à la montée en charge du dispositif de retraite anticipée avant soixante ans pour les salariés du régime général et des régimes alignés ayant commencé à travailler jeunes, dans des conditions difficiles. Ce n'est pas alarmant puisque le dispositif, dont nous nous félicitons, devrait s'éteindre progressivement.

Cette mesure de justice sociale, qui avait toujours été refusée par les gouvernements de gauche, vient répondre à l'attente de milliers de salariés qui ont souvent exercé des métiers physiquement pénibles et qui aspirent légitimement à partir plus tôt à la retraite.

En 2006, les effets de la réforme des retraites et l'augmentation de 0,2 point du taux de DR cotisation vieillesse, décidée en accord avec les partenaires sociaux en 2003, devraient ramener le déficit de la branche du régime général à 1,4 milliard d'euros dès l'année prochaine.

Nous sommes, nous l'espérons, sur la bonne voie, car la réforme est indispensable. Je me joins aux réflexions de notre rapporteur sur l'avenir du FSV : la dette cumulée atteint 5 milliards d'euros et, pour le moment, aucune solution n'est proposée alors que les prévisions ne sont guère optimistes.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Eh oui, c'est vrai !

Mme Marie-Thérèse Hermange. La branche famille, après de longues années d'excédents, est en déficit depuis trois ans.

M. Guy Fischer. Nous n'y sommes pour rien !

Mme Marie-Thérèse Hermange. La politique de la famille a hélas ! été malmenée par des gouvernements qui n'y croyaient pas véritablement pour financer d'autres politiques au lieu de constituer des réserves.

M. Roland Muzeau. Demandez à M. Juppé !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Les gouvernements successifs de Jean-Pierre Raffarin et de Dominique de Villepin ont effectivement développé une politique familiale ambitieuse, moderne, dans le respect des principes auxquels nous sommes profondément attachés : l'intérêt de l'enfant, l'universalité des prestations et l'égalité entre les sexes.

Le meilleur exemple en est la PAJE, la nouvelle prestation d'accueil du jeune enfant créée en 2003, même si, monsieur le ministre, parmi les seize hypothèses que j'avais proposées à l'époque à Christian Jacob, nous aurions pu en choisir de plus lisibles et de plus simples. Cette nouvelle prestation, néanmoins, s'adresse à tous, selon leur situation, et permet de mieux concilier vie familiale et vie professionnelle. Elle offre la liberté à chacun de choisir son mode de garde et permet aussi aux parents de travailler ou de s'arrêter pour élever leurs enfants.

Je citerai également l'exemple du développement sans précédent, depuis 2002, des modes de garde des jeunes enfants, classiques ou innovants. Au total, 72 000 nouvelles places publiques ou privées auront été ou seront créées entre 2002 et 2008. Les crédits du fonds d'action sociale de la Caisse nationale des allocations familiales augmenteront de un milliard d'euros entre 2005 et 2008, après avoir augmenté de 850 millions d'euros seulement entre 2001 et 2004.

Nous devons d'ailleurs rendre hommage à la mobilisation du Sénat, et notamment à Adeline Gousseau qui vous avait interrogé, monsieur le ministre, voilà trois ou quatre mois, sur la mobilisation des crédits du fonds d'action sociale.

Encore faut-il se poser une question en ce qui concerne les crèches : convient-il de créer, dans notre pays, autant de places de crèche qu'il y a d'enfants de moins de trois ans ?

Aujourd'hui, vous proposez, par ailleurs, monsieur le ministre, de mettre en place, pour les familles de trois enfants, un nouveau congé parental plus court - d'une durée d'un an - et mieux rémunéré - 750 euros par mois - qui s'ajoutera au congé parental existant de trois ans. Cette nouvelle alternative permettra d'éviter un trop long éloignement du monde professionnel qui rend ensuite la reprise du travail plus complexe.

L'intérêt de l'enfant est évidemment à l'origine et au coeur de l'action du Gouvernement, notamment avec l'assouplissement de l'allocation de présence parentale prévue par le texte. Une disposition avait été prise au niveau national, par Mme Royal, copiée dans son objectif mais non dans ses modalités sur une prestation facultative créée à Paris. Les modalités de la prestation telle qu'elle avait été envisagée étaient relativement restreintes. La refonte était attendue et va permettre aux parents de demeurer plus longtemps au chevet de leur enfant en souffrance ; l'on connaît l'importance de cette présence dans le processus de guérison d'un enfant.

Concernant ce nouveau dispositif, j'ai déposé un amendement pour offrir une plus grande souplesse encore à la procédure d'octroi de la prestation en retirant la mention explicite au recours à la convention entre le salarié et l'employeur.

De même, en dépit de la prise en charge de la pathologie au titre de l'assurance maladie, vous le savez, monsieur le ministre, de nombreux frais incombent encore aux familles qui ont en charge un enfant en souffrance.

M. Xavier Bertrand, ministre. Oui !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Le projet de loi prévoit une compensation forfaitaire des frais de déplacement du parent se rendant au chevet de son enfant malade, mais ignore d'autres frais -  l'hébergement, l'aide à domicile, les médicaments ou les dispositifs médicaux non remboursés - qui grèvent le budget des familles.

Il m'a donc semblé important d'élargir le champ des dépenses éligibles au complément pour frais. Les parents se verraient ainsi verser un complément de 100 euros dès lors qu'ils assument des dépenses supérieures à cette somme. Ce complément serait servi sur le fondement d'une déclaration sur l'honneur du parent, qui serait tenu de conserver tous les justificatifs nécessaires en vue d'un éventuel contrôle a posteriori. Ces amendements recueilleront, je l'espère, un vote favorable de notre Haute Assemblée.

Je voudrais enfin, monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, vous faire part de quelques réflexions sur les principes qui doivent guider, à l'avenir, notre action pour la famille.

Premièrement, nous devrions avoir une politique toujours plus lisible en matière de prestations. Deuxièmement, cette politique devrait avoir nécessairement une dimension démographique. Troisièmement, cette politique devrait s'inscrire dans le continuum de la vie de l'enfant, de la petite enfance à l'adolescence, et ce quel que soit le choix du mode de vie des parents. Enfin, cette politique devrait également constituer une politique de prévention dès le stade de la naissance. Il me semble nécessaire d'élaborer, en quelque sorte, une politique familiale de périnatalité, importante pour le développement de l'enfant, afin d'éviter ultérieurement les violences et un certain nombre de pathologies.

Messieurs les ministres, si vous confortez les familles par une belle politique, n'en doutons pas, n'en doutez pas, vous ferez faire des économies à l'assurance maladie ! Les familles iront mieux et, en conséquence, elles sauront prendre en charge les plus vulnérables et ne les confieront plus systématiquement à la collectivité.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Bien sûr !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Ainsi, en confortant la dimension familiale de votre politique de sécurité sociale, vous créerez un environnement matériel, social, mais aussi affectif favorable à l'épanouissement des familles dans notre société. Vous accompagnerez par une dimension qualitative la dimension quantitative de votre réforme de la sécurité sociale. Sur cette route, le groupe UMP sera à vos côtés ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jacques Pelletier.

M. Jacques Pelletier. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, en commençant cet exposé, il me revient en mémoire les préceptes de Léon Bourgeois, l'un de nos très anciens collègues qui, au début du XXe siècle, s'intéressait déjà beaucoup à la question sociale. Son but, toujours ancré dans l'actualité, était de construire une société de progrès et d'épanouissement.

Je ne peux aujourd'hui m'empêcher de penser à l'état de notre modèle social. Débordé par l'ampleur de l'exclusion, l'État ne remplit plus suffisamment son rôle de protection des plus faibles et les graves événements qui se déroulent en ce moment viennent nous le rappeler.

Un individualisme exacerbé conjugué à un relativisme érigé en règle absolue ont abouti à bouleverser les fondements qui garantissaient la cohésion de notre société.

Le 4 octobre dernier, la sécurité sociale fêtait son soixantième anniversaire. Née d'une volonté de créer un système unique qui protège l'ensemble des populations contre tous les risques sociaux, elle affichait en 2004 un déficit record de 13,2 milliards d'euros. Ces graves difficultés financières nous conduisent à nous mobiliser toujours plus pour sauver notre modèle social, et l'adapter aux contraintes et aux nouvelles caractéristiques de notre société.

Ce modèle français de protection sociale s'était d'abord construit hors de l'État, parce que celui-ci l'ignorait volontairement. Je pense aux sociétés mutuelles d'entraide ou aux coopératives de mineurs au xixe siècle.

Aujourd'hui, la protection sociale, sans cesse en mutation, se reconstruit même au-delà de l'État. Ce dernier, débordé par la déshérence sociale de nombre de nos compatriotes, n'arrive plus à assumer complètement sa mission de protection des plus faibles.

La réhabilitation du pacte social, qui passe par un assainissement drastique de nos finances, implique un retour à un idéal républicain débarrassé de toutes scories discriminantes.

Cette même réhabilitation induit que chaque individu existe aux yeux de l'État, en tant que tel, avant toute appartenance particulière. On ne peut céder à une vision pessimiste de notre pacte social.

La consolidation de ce dernier doit être fondée sur une ambition de rigueur, que vous incarnez, monsieur le ministre, et sur l'esprit de responsabilité, de civisme et de partage de tous ceux qui en bénéficient ou qui prétendent en bénéficier.

Bien des choses ayant été dites, j'insisterai seulement sur quelques aspects de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

La situation reflète le redressement initié par les réformes engagées - celles des retraites, puis de l'assurance maladie. De la maîtrise des dépenses, dans un environnement certes difficile, dépend la pérennité de notre système.

La diminution du déficit de l'assurance maladie permet d'envisager une prévision plus optimiste encore en 2006. Sans réforme engagée, ce déficit aurait atteint plus de 16 milliards d'euros ! Ces résultats ont été obtenus en dépit du ralentissement de la croissance de la masse salariale en 2005.

Le rythme de progression incontrôlé des dépenses et le phénomène de creusement du déficit qui affectaient la branche maladie diminuent, notamment pour les soins de ville. Encore une fois, responsabilité, mise en cause des comportements, contrôles, solidarité, sont les vecteurs du redressement. De ce dernier, dépendent la modernisation et la pérennité d'un système auquel nous sommes profondément attachés.

Les réformes portent leurs fruits. Pour la première fois depuis des années, l'ONDAM 2005 sera respecté.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. Jacques Pelletier. Tentons ensemble d'inscrire ces efforts dans la durée par un soutien indéfectible à la croissance et un réel infléchissement des comportements.

C'est encore le déficit de l'ensemble de notre sécurité sociale qu'il convient de réduire. Vous souhaitez, monsieur le ministre, parvenir à atteindre l'objectif de 25 % de réduction, sans porter atteinte à la qualité des soins ni à l'impératif de solidarité.

Ce redressement déjà engagé, et plus ambitieux encore, doit être durable. Il se fonde - tous l'ont dit - sur la maîtrise médicalisée et la responsabilité des acteurs.

S'agissant des soins en ville, le rythme de croissance a chuté. Les honoraires médicaux, les indemnités journalières liées aux arrêts de travail ont, eux aussi, diminué.

Dans le domaine du médicament, la croissance des dépenses demeure très forte : vous souhaitez contrôler la prise en charge du médicament au juste prix et dans le respect du seul intérêt médical.

Le recours aux génériques doit être encouragé plus encore : tous les acteurs de l'industrie pharmaceutique, les professionnels de santé et les patients doivent, ensemble, considérer l'intérêt médical et thérapeutique, l'innovation et la pérennité de l'assurance maladie.

Pour ce qui concerne l'hôpital, l'objectif du renforcement de la qualité des soins est lui aussi un facteur d'économie : la tarification à l'activité, l'harmonisation des tarifs entre le secteur public et le secteur privé, la rationalisation et la centralisation des achats sont autant de perspectives dont on doit se féliciter.

Tout ce qui concourt à la qualité des soins, à la pérennité des structures, doit être encouragé. À ce titre, la lutte contre les abus et les fraudes manifestes doit être renforcée.

Permettez-moi quelques réflexions, certes éparses, mais qui méritent peut-être qu'on y prête attention.

Le problème de l'évolution de la démographie médicale, notamment en zone rurale, nous conduit à beaucoup espérer du plan que vous entendez nous soumettre.

L'incidence des mesures contenues dans les réformes et leurs conséquences sur l'activité économique doivent être prises en compte : le poids des transferts sociaux et des déficits accumulés grève toujours plus la compétitivité de notre économie. Gardons à l'esprit que les réformes ne doivent pas aboutir dans un climat économique dégradé.

La prescription des médicaments doit être analysée. En France, neuf consultations sur dix donnent lieu à prescription, contre une sur deux aux Pays-Bas.

La pression des patients sur les médecins paraît excessive. Comment, dès lors, concilier les impératifs du marché, les besoins réels des patients et la volonté des médecins de satisfaire leur clientèle ?

L'évolution des comportements, dans le respect des équilibres recherchés, se situe sans doute parmi vos préoccupations, messieurs les ministres. Pourriez-vous éclairer sur ce point ?

Enfin, lors de la mission d'information sur la canicule, nous avions estimé indispensable le développement des structures d'accueil des personnes âgées, pour tirer les conclusions du vieillissement de la population.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui !

M. Jacques Pelletier. Le nombre des personnes âgées de plus de quatre-vingt-cinq ans devrait quadrupler en cinquante ans. Aujourd'hui, 700 000 personnes sont atteintes de la maladie d'Alzheimer ; combien seront-elles dans cinquante ans ? Sûrement plus du double si aucune parade n'a été trouvée d'ici-là !

Pour faire face à de nouveaux défis, nous avions souhaité favoriser une diversification des prises en charge grâce à une offre plus importante, à un ratio plus ambitieux de personnel auprès de la personne âgée, à un coût d'hébergement moins élevé.

Le plan « vieillissement et solidarité » fut une première réponse aux questions posées. Il a consacré un droit à la compensation du handicap et la solidarité envers les personnes âgées. Il s'agissait, notamment, de privilégier le maintien à domicile pour vaincre l'isolement, de moderniser les maisons de retraite en renforçant leur médicalisation, de créer, en quatre ans, 10 000 places en maison de retraite, et, enfin, d'améliorer les soins gériatriques. Sur quatre ans, 9 milliards d'euros devaient être engagés pour venir combler une part des insuffisances de notre système.

Monsieur le ministre, vous nous proposez aujourd'hui de doubler les ambitions de ce plan « vieillesse et solidarité » et d'augmenter de 9 % les crédits de l'assurance maladie prévus par votre projet pour les maisons de retraite. Je ne peux que me féliciter de cette démarche.

De nouveaux défis doivent être considérés : les risques sanitaires diversifiés et jusqu'alors inconnus, les impératifs de la recherche, la préservation de l'emploi. Tout montre, à l'évidence, que les données du plus important des problèmes français ne cessent de se cumuler et d'en aggraver l'acuité.

La pérennité du système que nous défendons appellera, sans doute, d'importantes et nouvelles mesures. Quelles pistes souhaitez-vous explorer en 2006, messieurs les ministres ? Quelle place donner à la famille ? Comment adapter nos légitimes politiques d'assistance à l'amplification des flux migratoires ? Comment faciliter le renouvellement des générations et dynamiser ainsi notre croissance ?

Bien des questions mériteraient de larges débats. Je sais, messieurs les ministres, quelles sont votre volonté de bien faire, votre détermination et votre ouverture d'esprit.

Nous pouvons être fiers du chemin parcouru. Le temps n'est certainement pas au triomphalisme. Vos sincérités et vos ambitions conditionnent mon soutien et celui de la plupart de mes collègues : nous n'hésiterons pas à vous suivre sur ces chemins très inhospitaliers des réformes et de l'équilibre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Sylvie Desmarescaux.

Mme Sylvie Desmarescaux. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, le texte que nous examinons aujourd'hui est présenté, pour la première fois, sous la forme issue de la loi organique du 2 août 2005 relative aux lois de financement de la sécurité sociale.

Au risque d'être redondante, je précise également qu'il marque une étape importante vers une meilleure information des parlementaires, et donc vers une collaboration accrue entre le pouvoir réglementaire et les assemblées.

Je salue le Gouvernement pour la rapidité avec laquelle il a mis en oeuvre les dispositions de la toi organique, rapidité qui contraste avec la lente mise en application de la LOLF.

Messieurs les ministres, j'ai écouté avec attention vos interventions. Il est vrai que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 comporte des points particulièrement intéressants.

En ce qui concerne la branche maladie, maternité, invalidité, décès, le projet de loi s'inscrit dans la continuité de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie.

Ainsi en est-il du crédit d'impôt instauré au titre des contrats individuels d'assurance complémentaire de santé, permettant aux personnes disposant de ressources supérieures de moins de 15% au plafond de la couverture maladie universelle complémentaire, la CMU-C, de bénéficier d'une déduction sur leur prime ou leur cotisation d'assurance complémentaire.

Je vous félicite d'avoir pris l'initiative de revaloriser les sommes accordées au titre de cette déduction. Ainsi, ces montants passent de 150 euros à 200 euros par personne couverte de 25 ans à 59 ans, de 75 euros à 100 euros par personne couverte de moins de 25 ans, et de 250 euros à 400 euros par personne couverte de plus de 60 ans.

Je vous félicite également de votre décision de permettre aux détenus libérés et aux chômeurs reprenant une activité de conserver leurs droits à prestations en espèces - indemnités journalières, pension d'invalidité, capital décès.

Ces dispositions vont dans le sens d'une plus grande équité et répondent à la nécessité, pour ces personnes, de réintégrer le marché de l'emploi.

Je salue également l'augmentation des crédits d'assurance maladie prévus pour les maisons de retraite et pour les services médicosociaux destinés aux personnes âgées dépendantes à domicile, ainsi que l'augmentation de 5 % des moyens consacrés aux dépenses médicosociales en faveur des personnes handicapées.

Je suis profondément satisfaite de ces mesures, car je suis très attentive aux dossiers concernant les personnes dépendantes.

Régulièrement, mon attention est attirée sur le manque de crédits alloués, notamment à la construction et à la rénovation des établissements pour personnes âgées ou personnes handicapées. Dans le département du Nord, la liste des projets est longue. Ils sont, pour la très large majorité d'entre eux, acceptés par le comité régional de l'organisation sociale et médicosociale, le CROSMS, mais leur réalisation est impossible, faute de moyens étatiques.

Or - beaucoup de mes collègues l'ont déjà précisé - les besoins sont importants, notamment dans le Nord où de nombreuses familles - je le dis et je le répète - sont contraintes de faire appel aux services d'établissements belges ! La personne âgée ou handicapée est donc éloignée de son environnement habituel et de sa famille.

Je pense sincèrement que les petites structures en milieu rural doivent se développer. Une personne âgée qui a toujours vécu à la campagne se sent perdue lorsqu'elle est accueillie dans une grande structure, qui plus est en ville !

Enfin, je félicite le Gouvernement d'avoir repris l'amendement de Mme Clergeau, députée et rapporteure de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour la branche famille, afin de permettre aux deux parents de se partager le droit au « complément optionnel de libre choix d'activité », qui se caractérise par une majoration de 750 euros par mois de l'indemnisation et par une diminution de un an de la durée du congé.

M. François Autain. C'est une socialiste !

Mme Sylvie Desmarescaux. Il est bon de permettre aux papas de participer activement à l'éducation des enfants. Cette mesure répondra à la demande d'un certain nombre d'entre eux.

En ce qui concerne l'actuel dispositif d'allocation de présence parentale, il méritait d'être revu. En effet, il souffre d'une trop grande rigidité qui contraint les parents à cesser de manière totale ou partielle leur activité professionnelle pour une période de quatre mois au minimum, renouvelable par tranche de quatre mois dans la limite de douze mois.

Le dispositif proposé offre désormais aux parents une plus grande souplesse : l'allocation de présence parentale devient journalière. Les parents peuvent prétendre à un congé sous forme de journées d'absence, dont le nombre s'élève à trois cent dix jours ouvrés sur une période maximale de trois ans.

Cette mesure était attendue des familles d'enfants gravement malades ou handicapées. Je vous félicite de nous l'avoir proposée.

Malheureusement, je dois vous avouer, messieurs les ministres, que certains points de ce projet de loi suscitent en moi des interrogations.

Mme Sylvie Desmarescaux. L'article 54 prévoit d'abroger certaines des dispositions que nous avions votées lors de la discussion de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 et qui instauraient la PAJE, ou prestation d'accueil du jeune enfant.

Il était prévu que seuls les enfants nés à compter du 1er janvier 2004 bénéficieraient de la nouvelle prestation, mais que l'ensemble des familles pourraient y prétendre à partir du 1er janvier 2007.

Or vous nous demandez d'abroger cette mesure. Je le regrette, car la PAJE, comme vous l'avez dit, monsieur le ministre, est un succès ; elle aide beaucoup les parents, notamment ceux qui travaillent et qui doivent confier leur enfant à un assistant maternel agréé ou à une assistante maternelle agréée ou le faire garder à domicile.

L'article 37, dont je pense que chacun ici connaît le texte par coeur, instaure une participation forfaitaire de 18 euros sur les actes dont la valeur dépasse 91 euros. Or je m'interroge, comme beaucoup de mes collègues, sur les répercussions de cette mesure. Vous avez promis, monsieur le ministre, que cette participation forfaitaire serait prise en charge par les organismes complémentaires sans augmentation de leurs tarifs.

M. Xavier Bertrand, ministre. Tout à fait !

Mme Sylvie Desmarescaux. Mais n'y a-t-il pas un risque de diminution des remboursements dans d'autres domaines ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Non !

Mme Sylvie Desmarescaux. Enfin, je m'interroge sur la place des établissements de santé dans la grande réforme engagée depuis 2004.

La loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie avait pour but de responsabiliser les patients, mais aussi les médecins. On a demandé aux premiers de respecter un parcours de soins coordonné, de choisir un médecin traitant et de recourir aux médicaments génériques. Quant aux seconds, les médecins, on a sollicité de leur part des efforts dans leurs prescriptions de médicaments et d'arrêt de travail. Cette année, les efforts sont demandés à l'industrie pharmaceutique et aux organismes complémentaires. Quels sont les efforts requis des établissements de santé concernant les dépenses de sécurité sociale ?

Je regrette pour ma part qu'il n'y ait pas une meilleure coordination entre médecine de ville et hôpital ou clinique. J'ai pu constater, à l'occasion d'une hospitalisation -  je pense d'ailleurs que beaucoup d'entre vous ont fait la même expérience -, que tous les examens médicaux réalisés la veille en ville étaient recommencés à l'hôpital. Ces « doublons » ne sont pas admissibles !

Pour conclure, je formerai le voeu que la sécurité sociale que nous connaissons aujourd'hui et qui fête d'ailleurs ses soixante ans cette année conserve ses objectifs. Pour cela, il faut anticiper, car, demain, la prise en charge des personnes âgées dépendantes entraînera des dépenses beaucoup plus importantes qu'à l'heure actuelle. Pour autant, la sécurité sociale a vocation à prendre en charge les risques de l'ensemble de la population, quels que soient l'âge ou la situation sociale de la personne concernée. C'est donc dès aujourd'hui que nous devons penser à demain, et même à après-demain ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. François Autain. On va un peu changer de ton !

M. Guy Fischer. Monsieur le président, messieurs les ministres, mes chers collègues, les assurés sociaux paieront donc encore...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ça y est !

M. Guy Fischer. ...et toujours plus !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ça commence !

M. Guy Fischer. Nous examinons cette semaine le premier projet de loi de financement de la sécurité sociale issu de la loi organique de l'été dernier, alors que nous venons de célébrer le soixantième anniversaire de l'instauration de la sécurité sociale, en 1945.

M. Xavier Bertrand, ministre. Jusqu'ici, nous sommes d'accord !

M. Guy Fischer. Je tiens à rappeler que le général de Gaulle signa l'ordonnance du 4 octobre 1945 créant la sécurité sociale et que le ministre communiste du travail et de la sécurité sociale, Ambroise Croizat, prit une part décisive dans cette politique.

La justice sociale était alors au coeur des préoccupations. Soixante ans après, les injustices sont au coeur de l'actualité. L'insécurité sociale est omniprésente.

Ne dit-on pas de la sécurité sociale qu'elle fut « la fille de la Résistance » ? Néanmoins, messieurs les ministres, les grands principes d'économie libérale qui guident l'action du gouvernement auquel vous appartenez sont plus que jamais présents dans ce PLFSS : la réduction drastique des dépenses sociales et la poursuite à marche forcée du démantèlement de notre système de solidarité nationale, issu du programme du Conseil national de la Résistance nous conduisent inéluctablement vers un fonctionnement à l'anglo-saxonne.

Sans surprise, mais avec colère, nous déplorons et dénonçons l'accélération d'une maîtrise purement comptable des dépenses de santé.

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est tout le contraire !

M. Guy Fischer. Dans la droite ligne de la loi organique relative aux projets de loi de financement de la sécurité sociale, ce projet de loi accentue le contrôle étatique sur le fonctionnement de la sécurité sociale, au détriment de la gestion paritaire.

M. Xavier Bertrand, ministre. Eh non !

M. Guy Fischer. Il ne fait qu'intégrer les principes définis par les directives européennes et concrétise la mise en place des nouveaux outils de restrictions issus de la réforme de l'assurance maladie votée l'été dernier. (Mme Marie-Thérèse Hermange s'exclame.)

C'est une savante combinaison d'étatisation et de privatisation.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous ne parlons pas du même projet de loi de financement de la sécurité sociale !

M. Guy Fischer. Le Gouvernement opère des coupes claires dans les interventions de la sécurité sociale pour parvenir à imposer, à terme, le panier de soins a minima, tandis qu'il ménage une large ouverture au marché concurrentiel privé pour la prise en charge des risques sociaux. Et c'est bien sous l'angle de cette volonté de privatisation, de démantèlement du modèle de solidarité nationale qu'il faut interpréter un déficit multiplié par quatre depuis l'arrivée de votre majorité au pouvoir, messieurs les ministres.

Pour vos réformes, en effet, quelle meilleure justification qu'un déficit de 11,9 milliards d'euros cette année, dont 8,3 milliards d'euros pour la branche maladie, 0,5 milliard d'euros pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles, 2 milliards d'euros pour la branche vieillesse et 1,1 milliard d'euros pour la branche famille ?

Pour la première fois, les quatre branches du régime général sont dans le rouge, et ce projet de loi de financement est vide de toute mesure de progrès social.

Permettez-moi de revenir sur chacune des quatre branches.

Monsieur le ministre, votre attitude sur la branche accidents du travail-maladies professionnelles n'est pas acceptable. Comment pouvez-vous couvrir la sous-déclaration des maladies professionnelles, alors que le rapport de la mission commune d'information sénatoriale sur l'amiante est venu attester fort à propos, et sans surprise, l'ampleur de cette pratique inadmissible des entreprises et confirmer que la déclaration est le préalable à toute gestion efficace de prévention et de réparation ? Encore faudrait-il que les médecins du travail - à supposer qu'ils soient en nombre suffisant, ce qui n'est pas le cas - puissent remplir sereinement et leur mission et la mener librement.

Pour la cinquième année consécutive, vous laisserez délibérément en déficit cette branche importante de notre système de protection sociale, qui doit fonctionner sur le principe d'équilibre posé par la loi, inscrit dans le code de la sécurité sociale. Ce principe devrait, aujourd'hui plus que jamais, être respecté pour garantir la réparation due aux victimes de l'amiante et pour faire face à l'accroissement des maladies professionnelles reconnues.

Quant à la branche famille, elle sert de plus en plus de variable d'ajustement, si l'on en juge aux prévisions, qui établissent son déficit à 1,1 milliard d'euros cette année. C'est la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, qui supporte indûment le coût financier de la montée en charge de la prestation d'accueil du jeune enfant, et encore ne tenez-vous pas votre promesse d'étendre le bénéfice de la PAJE aux enfants nés avant le 1er  janvier  2004 !

La branche vieillesse accuse, elle, un déficit record et vous n'avez trouvé, dès 2003 d'ailleurs, d'autre solution provisoire que d'augmenter de 0,2 point la cotisation vieillesse pour les retraites. En l'état de notre information, l'essentiel doit être supporté par les salariés à hauteur de 0,15 %, contre 0,05 % seulement pour les entreprises.

Allez-vous revenir à plus de justice, monsieur le ministre, et répartirez-vous l'effort un peu plus équitablement entre les salariés et les entreprises ? Vous avez, semble-t-il, amorcé un mouvement en ce sens, mais nous souhaiterions vous entendre le confirmer.

Les régimes complémentaires ne vont pas mieux : l'ARRCO, l'Association des régimes de retraites complémentaires, affichera un déficit de 3,1 milliards d'euros cette année et de 2,3 milliards d'euros en 2006.

L'AGIRC, l'Association générale des institutions de retraites des cadres présente, elle, une ardoise de 450 millions d'euros cette année, qui pourrait augmenter de 200 millions d'euros l'année prochaine.

Quant à l'assurance maladie, j'aurai l'occasion, dans le débat qui va suivre, donc demain soir, de revenir plus longuement sur sa situation, catastrophique tant pour les soins de ville que pour l'hôpital.

Or, ne nous y trompons pas, c'est bel et bien la politique économique du Gouvernement qui est à l'origine de la crise de financement sans précédent de la sécurité sociale et de son déficit abyssal, puisqu'il a été multiplié par quatre depuis 2002.

M. Roland Muzeau. Tout à fait !

M. Guy Fischer. Et vous osez, monsieur le ministre, arguer de votre volonté de limiter pour 2006 le déficit de l'assurance maladie à 6,1 milliards d'euros ? Encore une diminution de 25 % ? Vous l'avez vous-même reconnu, c'est la première fois depuis que l'on mène une politique de résorption des déficits que l'assurance maladie doit réaliser une économie à ce niveau pendant deux années consécutives, 2005 et 2006 !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cela vous épate, non ?

M. Guy Fischer. Pas du tout ! Nous dénonçons au contraire les déremboursements, les diminutions de remboursement et les prélèvements supplémentaires, qui seront supportés par les assurés sociaux, comme je le disais en commençant.

M. Roland Muzeau. Même l'UDF le dit !

M. Guy Fischer. Et l'équilibre, que vous nous aviez promis pour 2007 ? On en est presque soulagé de lire dans le rapport pour avis relatif à l'assurance maladie qu'il nous faudra attendre 2009 pour constater un retour à l'équilibre. Mais tout cela est grave !

Force est de le constater, vos promesses n'ont été qu'un feu de paille. Certes, le tout était joliment habillé et, lorsque la réforme de l'assurance maladie avait été votée, on nous avait annoncé que nous pourrions en voir les premiers résultats en 2005. Et nous les avons vus, en effet, les effets de votre politique. Monsieur le ministre, 25 % de moins, oui, mais à quel prix ? Les salariés et les classes moyennes sont touchés frontalement par la dégradation du pouvoir d'achat et de l'emploi.

Certes, vous nous direz que le chômage baisse depuis quelques mois, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. C'est vrai !

M. Guy Fischer....mais c'est au prix d'une explosion sans précédent de la précarité. On voit en effet, depuis quelques années, apparaître de nouveaux exclus, des salariés tellement pauvres qu'ils sont les nouveaux sans domicile, les nouveaux bénéficiaires des associations caritatives. Et ces dernières ne cessent de tirer la sonnette d'alarme ! Je ferai toucher du doigt ces situations dramatiques par les membres de notre groupe d'étude sur les minima sociaux, qui doit faire un déplacement à Lyon, le 7 décembre prochain. Je leur ferai rencontrer les bénévoles et les personnes accueillies par des structures qui sont leur dernier recours avant la rue et la perte d'identité et de dignité.

En dépit de cette situation, monsieur le ministre, vos choix budgétaires sont limpides : pour les assurés sociaux, actifs ou retraités, augmentation de la contribution financière par des prélèvements sociaux accrus et réduction du taux de couverture par le régime de base. On a vu comment vous avez procédé pour les médicaments : l'information est tombée au lendemain de votre conférence de presse, monsieur le ministre, et vous n'en aviez rien dit ! Je prends le pari que, de la même manière, d'autres mesures interviendront dans le courant de l'année 2006 qui ne figurent pas dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Xavier Bertrand, ministre. Pour celles qui sont réglementaires, oui !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Et ce n'est que très normal !

M. Guy Fischer. Comme quoi, avec des mesures réglementaires, on peut mener toute une politique, une politique rétrograde, en plus !

Vous avez donc fait le choix d'une fiscalisation accrue, avec une nouvelle hausse de la CSG, la contribution d'un euro, l'augmentation des honoraires et le transfert des remboursements vers les assurances complémentaires, sans parler de l'augmentation du forfait hospitalier, qui aura donc quintuplé en vingt ans. Mais il faut ajouter à cela la franchise de 18 euros sur les soins lourds et coûteux, qui représente une rupture fondamentale avec le principe de prise en charge par le régime obligatoire. Belle trouvaille, en effet, qu'une mesure qui rompt avec les principes de la solidarité nationale ! Comment ne pas mettre en parallèle cette mesure scélérate (M. Alain Vasselle, rapporteur, s'esclaffe) avec le cadeau de 250 millions d'euros que vous faites aux ménages assujettis à l'impôt de solidarité sur la fortune ?

M. Roland Muzeau. C'est sûr !

M. Guy Fischer. Enfin, dernière nouveauté parmi d'autres, il me faut citer le paiement anticipé des prélèvements sociaux sur les plans épargne logement, une formule pourtant réservée aux foyers modestes, qui économisent sou après sou pour se constituer une épargne. En tout, cela fait 1,6 milliard d'euros de dépenses nouvelles à la charge des assurés !

En revanche, pour les entreprises, la charge sera moins lourde, vous l'avez compris, et ce sur le long terme.

M. François Autain. C'est qu'il faut les ménager, pour qu'elles créent beaucoup d'emplois !

M. Guy Fischer. Le Gouvernement profite de ce texte pour unifier les régimes d'exonération de charges, meilleur moyen de les pérenniser. C'est ainsi que vous envisagez 2 milliards d'euros supplémentaires d'exonérations de cotisations patronales.

Le Gouvernement « s'arrange » aussi avec les entreprises pharmaceutiques, pour ne pas écorner leurs bénéfices. Ainsi, par exemple, la taxe exceptionnelle sur les laboratoires pharmaceutiques est ramenée par la majorité de 1,96 % à 1,50 %.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est l'Assemblée nationale qui a voté ce taux !

M. Guy Fischer. Oui, et nous nous apprêtons à faire de même, à moins que la commission ne nous propose de revenir à 1,96 %...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous maintenons le taux à 1,50 % !

M. Roland Muzeau. Rien n'est trop beau pour les labos !

M. François Autain. C'est vrai qu'ils ont des difficultés !

M. Guy Fischer. Je citerai d'autres exemples : les procédures de contournement au respect des tarifs des médicaments, sans oublier bien sûr le maintien sur le marché de médicaments que l'assurance maladie ne prend plus en charge, malgré un service médical rendu insuffisant.

Les Françaises et les Français, les assurés sociaux comme certains professionnels de santé tels les médecins, les pharmaciens, ...

M. François Autain. Les pharmaciens ne sont en effet pas contents !

M. Guy Fischer. ... les organisations syndicales, les conseils d'administration de la CNAM, de la CNAV, de l'ACOSS, les mutuelles, s'opposent à votre budget. Certes, cette opposition porte sur des points particuliers, comme la compensation intégrale, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui, il faut le dire !

M. Guy Fischer. ... mais le mécontentement est général. Ce budget fait l'unanimité contre lui ! Tous le jugent irréalisable d'un point de vue comptable, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous en rajoutez !

M. Guy Fischer. ... et la contraction des dépenses est tout simplement considérée comme irréaliste.

Diminuer de 25 % les dépenses de l'assurance maladie apparaît une nouvelle fois comme une gageure. C'est digne de la méthode Coué !

Je n'irai pas jusqu'à dire que vous maniez fort bien le bâton, messieurs les ministres, mais une baisse de 25 % des dépenses de l'assurance maladie pour la deuxième fois en deux ans risque de vous faire apparaître ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Comme un homme efficace !

M. Guy Fischer. ... comme celui qui aura fait plier les assurés sociaux.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Comme celui qui aura fait baisser le déficit de la sécu !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut diminuer les dépenses, c'est évident !

M. Guy Fischer. Chacun s'accorde également à considérer ce budget comme dangereux en termes de santé publique à court et à long terme. Le parcours de soins imposé avec le médecin traitant aboutira en effet à sélectionner les patients par l'argent.

M. Xavier Bertrand, ministre. Non !

M. Guy Fischer. Des médecins que j'ai rencontrés appellent ce dispositif la « chambre de tri ». Pour ma part, je le qualifie de « médecine à deux vitesses ».

Si les patients ne respectent pas ce circuit, ils se verront appliquer, à partir du 1er janvier 2006, les dépassements autorisés d'honoraires. Une consultation chez un généraliste autre que le médecin traitant sera moins bien remboursée. Or le médecin généraliste est désormais le passage obligé pour se rendre chez un spécialiste.

Mais si le patient prend sur lui de consulter un spécialiste, il pourra se voir appliquer un tarif allant jusqu'à 32 euros. Ainsi, ceux qui auront les moyens de consulter directement un spécialiste seront pris en charge plus tôt ; ceux qui ne le pourront pas attendront souvent pour obtenir un rendez-vous. Telle est la réalité !

M. Xavier Bertrand, ministre. Pas du tout !

M. Guy Fischer. Messieurs les ministres, vous organisez les files d'attente !

On applique à la médecine de ville le travers de l'hôpital, où l'on est reçu plus vite en visite privée qu'en consultation publique. Il est faux de dire que ce « parcours vertueux » fera faire des économies à la sécurité sociale : après avoir remboursé le médecin généraliste, celle-ci devra rembourser le spécialiste !

Vous prétendez faciliter l'accès aux assurances complémentaires, mais vous oubliez de dire que ce serait inutile si vous ne réduisiez pas les dépenses prises en charges par le régime obligatoire.

De la même façon, le crédit d'impôt que vous instituez est un « attrape-nigaud » : 200 euros ne représentent que le tiers ou le quart de la dépense que constitue la souscription à une assurance complémentaire, ...

M. Xavier Bertrand, ministre. Et 400 euros ?

M. Guy Fischer. ... d'autant que vous acculez toutes les mutuelles à augmenter leurs tarifs en réduisant les dépenses remboursables.

Enfin, je vous rappelle que deux millions de Français n'ont toujours pas de mutuelle.

Je ne m'attarderai pas ici sur l'hôpital public, car j'y reviendrai demain soir, lors du débat sur l'assurance maladie. Je tiens tout de même à dire que la situation est catastrophique : 75 % des établissements sont aujourd'hui endettés. La dette cumulée s'élève à 1,2 milliard d'euros.

Voilà la conséquence de votre politique, qui consiste à étrangler le secteur public au profit du secteur privé, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oh !

M. Guy Fischer. ... alors que les missions mêmes du premier démontrent qu'il est indispensable de préserver et de renforcer son rôle irremplaçable.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Le public a aussi le droit d'être bien géré !

M. Guy Fischer. Le secteur public réalise plus de 80 % de la médecine, la plus grosse partie de la chirurgie lourde, voire très lourde, et l'essentiel de l'obstétrique. En outre, l'hôpital public accueille les patients vingt-quatre heures sur vingt-quatre, assure l'égalité d'accès de tous les citoyens, met en oeuvre des programmes d'action pour les plus démunis et participe quasi exclusivement à la formation des personnels paramédicaux.

Les établissements privés commerciaux, quant à eux, choisissent les risques qu'ils traitent, et ils les choisissent de préférence lucratifs. D'ailleurs, le groupe Générale de santé est florissant, lui qui verse à ses actionnaires des dividendes essentiellement assurés par le budget de la sécurité sociale.

Toute comparaison entre public et privé est donc impossible, que ce soit en termes de service rendu ou en matière de moyens.

N'assistons-nous pas à une mise à mort de l'hôpital public ? La convergence tarifaire ne fera qu'accentuer cette tendance.

Quant à la prévention, beaucoup reste à faire. Nous rechignons à mettre en oeuvre cette action indispensable, porteuse d'emplois et d'économies. Nos médecins scolaires et universitaires sont dépourvus de moyens, orphelins d'une réelle volonté politique.

Soixante ans après la création du système solidaire de la sécurité sociale, dans lequel chacun devait payer selon ses moyens et recevoir selon ses besoins, nous faisons aujourd'hui un bien triste constat.

Ainsi, vous oeuvrez depuis trois ans pour la réduction de la prise en charge obligatoire de base. À ce propos, M. le directeur général de l'UNCAM a déclaré vouloir recentrer l'assurance maladie sur son coeur de métier, à savoir les maladies lourdes.

Vous êtes en train de construire une société dans laquelle la solidarité nationale s'efface devant l'assurance individuelle. Les individus et les familles les plus fragiles, ceux pour lesquels a été créée l'assurance sociale en 1945, sont les victimes de choix que je ne crains pas de qualifier de choix de classe.

Vous confortez une médecine à deux vitesses alors que, pour préserver et pour développer notre système de protection sociale, il faudrait en démocratiser la gestion en rétablissant l'élection des représentants des salariés aux conseils d'administration et d'orientation des caisses, et ouvrir ceux-ci aux associations de malades.

Vous le savez, notre position n'a pas varié en matière de financement de la protection sociale. J'y reviendrai d'ailleurs au cours du débat.

Je tiens cependant à rappeler que 100 000 chômeurs supplémentaires, ce sont 500 millions d'euros de recettes en moins pour l'assurance maladie, tandis qu'un point de masse salariale en plus représente environ 1 milliard d'euros de recettes supplémentaires.

M. Guy Fischer. Au cours de l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale, nous ferons des propositions argumentées. Si l'on y ajoute nos propositions concernant l'emploi et les salaires, il y aurait de quoi disposer d'une protection sociale de haute qualité.

Pour toutes ces raisons, messieurs les ministres, nous nous prononcerons contre votre projet de loi, qui tourne le dos à toute amélioration de la couverture sociale solidaire de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Xavier Bertrand, ministre. Quel a priori !

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, les projets de loi de financement de la sécurité sociale se succèdent et se ressemblent.

Plus d'un an après l'adoption de la grande réforme de la branche maladie dans le cadre de la loi du 13 août 2004, les premiers bilans de l'application des mesures emblématiques de cette dernière ne nous permettent pas d'envisager l'avenir de la sécurité sociale de manière sereine.

Ainsi, le médecin traitant sera sans doute plus une source de dépenses que d'économies. Même les effets potentiellement vertueux du parcours de soins sont vidés de leur substance par les dérogations importantes qui subsistent.

Par exemple, les bénéficiaires de la couverture maladie universelle complémentaire peuvent librement y déroger. En effet, dans l'état actuel de la législation, leurs contrats ne sont pas inclus dans la liste des contrats dits « responsables » pour lesquels les assurances complémentaires ne remboursent pas la majoration de participation en cas d'entorse à la primo-consultation du médecin traitant.

Le présent PLFSS entame déjà le « détricotage » de cette mesure en y apportant de nouvelles dérogations. La seule dérogation qui nous paraisse positive est celle qui est prise au profit des médecins nouvellement installés. Elle est la bienvenue pour favoriser une meilleure répartition de l'offre médicale sur tout le territoire national.

Le dossier médical partagé, seule innovation très positive pour améliorer la qualité des soins, n'est certainement pas source d'économies à court terme. En outre, il ne sera probablement pas prêt dans les délais initialement prévus.

Notre sentiment face à la réforme de 2004 a été, hélas ! confirmé par les résultats de l'étude sans précédent que l'UDF a récemment menée auprès de tous les médecins de France. Ceux que l'on a souvent désignés comme les privilégiés de la réforme ont exprimé, à près de 80 %, leurs fortes réserves à son endroit.

Plus grave encore, le principal objet de la loi de 2004 était d'assurer un retour à l'équilibre du régime général à l'horizon de 2007. Au moment de l'examen de ce texte, nous avions signalé que de telles déclarations n'étaient pas sincères. Avec le présent PLFSS, le Gouvernement le reconnaît implicitement.

Dans votre projet de loi, les chiffres sont heureusement rendus beaucoup plus lisibles par la réforme de la loi organique encadrant les lois de financement de la sécurité sociale. Ces chiffres sont sans surprise, puisqu'ils avaient été annoncés plus tôt par la commission des comptes de la sécurité sociale et par la Cour des comptes, cette dernière allant même jusqu'à dire que « la protection sociale n'est plus financée ».

En 2005, le déficit de l'ensemble des régimes de base devrait atteindre les 16,6 milliards d'euros, contre 12,1 milliards d'euros en 2004. Certes, le déficit de la branche maladie passera de 11,9 milliards d'euros à 8,3 milliards d'euros, mais il n'en demeure pas moins le deuxième plus important que la branche connaîtra depuis son origine.

Compte tenu de ces chiffres, l'hypothèse d'un retour à l'équilibre de cette branche d'ici à trois ans ne peut pas être crédible. La dynamique du déficit n'est pas enrayée, loin s'en faut ! Elle concerne maintenant toutes les branches. Pour la première fois, même la branche famille est dans le rouge.

Cette situation est bien sûr due à la montée en puissance du dispositif PAJE, mais aussi à la participation, à notre avis indue, de cette branche aux prestations gérées par le fonds de solidarité vieillesse.

Les organismes concourant au financement de la sécurité sociale, le fonds de solidarité vieillesse et le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles sont, eux aussi, devenus des foyers de déficit.

Fait sans précédent, ce budget a reçu un avis négatif des conseils d'administration des quatre caisses.

Le déficit de la sécurité sociale est principalement dû à l'ampleur des dépenses d'assurance maladie. Or ces dépenses évoluent en fonction de facteurs structurels bien connus. La santé est un bien dit « supérieur ».

La demande de biens de santé augmente plus vite que le produit intérieur brut. L'ONDAM est systématiquement sous-évalué en loi de financement de la sécurité sociale, ce qui impose un « rebasage » annuel entachant la sincérité de ces documents législatifs.

Face à ces évolutions structurelles, aucune réforme d'envergure ni aucune réforme de fond n'ont été mises en place.

Quand nous parlons de réforme structurelle, nous désignons un ensemble de mesures qui concrétiseraient une vision d'ensemble du système, une restructuration de toute la filière de l'offre de soins et de l'architecture de la gouvernance de cette branche.

La réforme de 2004 traitait à peine de la politique du médicament et faisait l'impasse sur tout le secteur hospitalier, pourtant responsable de 55 % des dépenses. Dans ces conditions, le déficit annoncé dans le PLFSS pour 2006 n'a rien d'étonnant. Vous nous annoncez 3 milliards d'euros de réduction de déficit alors que, dans le même temps, vous dégagez 4,6 milliards d'euros de recettes. Si c'est cela la réduction du déficit, tout le monde sait le faire !

Sans réforme d'envergure pour obtenir des résultats et faire face à une crise majeure, la seule solution que vous proposez est l'accumulation de mesures strictement comptables, un saupoudrage sans grande cohérence d'augmentations de recettes et de baisses de dépenses.

Côté recettes, vous relevez de 0,1 point la cotisation accidents du travail et maladies professionnelles. à l'heure où les cotisations sociales plombent la croissance française, vous en ajoutez de nouvelles !

Pour trouvez 900 millions d'euros, vous anticipez les recettes de paiement des cotisations assises sur les plans d'épargne logement de plus de dix ans. Il fallait y penser !

Dans le même ordre d'idée, la mesure la plus emblématique de ce PLFSS est sans doute l'établissement de la franchise de 18 euros sur les actes médicaux d'un montant supérieur à 91 euros. Cette mesure rapportera peu, mais elle marquera beaucoup les esprits !

Pourquoi mettre en place une telle franchise ? S'agit-il de responsabiliser l'assuré ? La responsabilisation n'est possible que lorsque ce dernier a un choix. Or, face à une grosse opération ou un examen approfondi, quel choix a-t-il ?

Nous pensions que le débat sur les gros risques était clos. Cela ne semble pas être le cas.

Notre inquiétude va plus loin. Que deviendra cette franchise ? Lorsqu'il a été créé en 1983, le forfait hospitalier s'élevait à 2 euros ; il est aujourd'hui de 15 euros. Si cette franchise connaît une évolution similaire, à combien se montera-t-elle d'ici à quelques années ?

Nous demanderons donc la suppression de l'article 37 du PLFSS qui organise l'imputation sur le forfait hospitalier de cette franchise, dont la création nous paraît insupportable.

En tout état de cause, le maintien de cet article sera un moyen indirect d'augmenter les primes des organismes complémentaires. Vous le savez, monsieur le ministre délégué, leurs réserves financières exploitables sont chimériques.

Les seules réserves que possèdent ces organismes sont d'ordre prudentiel. Ils ne peuvent y toucher sous peine de contrevenir à la législation communautaire. C'est la raison pour laquelle ils envisagent une augmentation de 5 % à 6 % de leurs cotisations.

Le Gouvernement restreint en catimini le socle de l'assurance maladie de base et fait porter l'effort supplémentaire sur le privé.

In fine, ce sont toujours les assurés - du moins ceux qui le peuvent - qui paient. C'est un système de soins à deux vitesses qui se profile.

Au rythme où vont les choses, de plus en plus de citoyens seront dans l'incapacité de financer une assurance complémentaire, sans toutefois que leurs revenus ne leur permettent de bénéficier de la couverture maladie universelle complémentaire.

Côté dépenses, des sacrifices sont demandés aux hôpitaux, dont les crédits augmenteront de 3,44 %, alors que, selon la Fédération hospitalière de France, une revalorisation de 4,32 % est le taux minimum nécessaire au maintien des prestations actuelles.

On le voit, toutes ces mesures sont motivées par des considérations strictement comptables.

Nous l'avons dit et nous le répétons, l'heure est à la mise en place d'une réforme d'envergure.

La réforme que nous appelons de nos voeux devra assurer une meilleure répartition de l'offre de soins sur le territoire. Nous déposerons un amendement en ce sens.

Cette réforme passera aussi, et je dirais même d'abord, par une refonte du système de financement de la protection sociale. Nous présenterons donc des amendements tendant à amorcer cette évolution.

À cette fin, nous proposerons la mise en place d'une TVA sociale et l'extension de la contribution pour le remboursement de la dette sociale.

De telles mesures devraient financer les allégements de charges patronales à hauteur de 18,9 milliards d'euros et permettre une augmentation sensible des salaires nets, donc du pouvoir d'achat.

L'année dernière, l'ancien ministre de l'économie, des finances et de l'industrie s'était engagé à ouvrir rapidement le chantier de la TVA sociale. À ce jour, rien n'a encore été fait.

Monsieur le ministre délégué, quand allons-nous enfin cesser d'augmenter les prélèvements obligatoires et envisager de réelles économies ? Tous nos concitoyens nous le disent : « Arrêtez de nous ponctionner, nous n'en pouvons plus ! ». Or nous continuons de proposer de simples mesures d'ajustement, sans aborder le fond des difficultés.

Devant cette incapacité à prendre les problèmes à bras le corps, le groupe UC-UDF ne peut qu'exprimer sa très vive inquiétude. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, de tous les pays développés, en particulier parmi les nations européennes, la France est le seul à connaître, depuis maintenant trois ans, la coexistence particulièrement perverse de trois mouvements puissants : une dérive des dépenses de santé incontrôlée, des taux de remboursement des actes, des biens et des soins médicaux en baisse constante, et des cotisations sociales pour leur part en hausse.

Concrètement, depuis votre arrivée au pouvoir en 2002, les Français paient de plus en plus pour être de moins en moins bien remboursés.

Pour couronner le tout, les premiers résultats des réformes engagées par vos prédécesseurs en matière de santé publique sont soit dangereux - je pense notamment à l'anarchie hospitalière qui règne actuellement du fait de l'application de la tarification à l'activité, la T2A -, soit simplement médiocres, comme en témoignent les promesses décevantes d'économies sur les médicaments faites par M. Philippe Douste-Blazy.

Toutefois, au-delà des problèmes de financement et de gestion et des interrogations sur l'efficacité de notre système de protection sociale, ce sont les principes fondateurs de la solidarité et l'existence même des droits sociaux qui, soixante ans après leur création par le gouvernement de la Libération, se trouvent remis en cause par votre action.

Soyons en effet lucides : ce projet de loi de financement de la sécurité sociale prouve bien que l'heure de la santé pour tous est révolue et que le chacun pour soi est sur le point de triompher dans ce domaine.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais non !

M. Bernard Cazeau. Si, monsieur le ministre délégué ! Les faits l'attestent.

« Notre protection sociale en France est aujourd'hui menée vers la banqueroute. » Ce triste constat émane non pas de moi, mais d'une personnalité que nul ne peut suspecter - surtout pas vous ! - d'une quelconque complaisance à l'égard de l'opposition : il s'agit de M. Philippe Séguin. Ce dernier, Premier président de la Cour des comptes, a émis ce jugement lors de son audition par la commission des affaires sociales du Sénat, le mardi 11 octobre.

Le rapport de la Cour des comptes confirme bien les propos que je tenais voilà un an sur le caractère chimérique des mesures de redressement des comptes de la sécurité sociale contenues dans le PLFSS pour 2005.

Rappelons en effet que le Gouvernement avait fait le pari de ramener le déficit du régime général de la sécurité sociale à 10,8 milliards d'euros en 2005, contre 14,1 milliards d'euros en 2004. Vous nous dites que ce déficit est aujourd'hui de 11,9 milliards d'euros. Or le rapport de la Cour des comptes l'évalue à 13,2 milliards d'euros, ce qui prouve que l'on peut compter différemment. (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

Aussi, que ce soit en 2003, en 2004 ou en 2005, vous vous êtes à chaque reprise trompés - vous-même ou vos prédécesseurs, monsieur le ministre délégué - et vous nous avez trompés sur les prévisions annuelles du déficit du régime général de la sécurité sociale.

Dans ces conditions, vous comprendrez aisément notre défiance face à votre engagement de ramener à 8,9 milliards d'euros le déficit du régime général en 2006, engagement d'ailleurs déjà critiqué, par presse interposée, par certains membres de votre propre majorité. Mme Dini vient de nous en fournir une nouvelle illustration. En somme, les années se suivent et se ressemblent, du moins pour ce qui nous concerne.

Par ailleurs, votre projet de loi de financement comporte deux nouveautés qui confortent notre propos.

D'abord, pour la première fois, l'ensemble des caisses sont en situation de déficit. Mes collègues évoqueront tout à l'heure plus en détail le déficit de la branche vieillesse - 1,4 milliard d'euros - et celui de la branche famille - 1,2 milliard d'euros - pour 2006.

Ensuite, fait sans précédent, le PLFSS pour 2006 fait l'unanimité contre lui parmi les acteurs de l'assurance maladie et du système de santé, à l'exception bien sûr du patronat. Et encore, en ce moment, celui-ci rase les murs, afin de ne pas être associé à la débâcle du Gouvernement !

Sans revenir sur l'appréciation des différents conseils d'administration des caisses, des syndicats et des associations d'usagers, je tiens à souligner la prise de position de la Mutualité française, qui a solennellement demandé aux parlementaires de « ne pas prendre la responsabilité d'amorcer ce désengagement profond de l'assurance maladie ».

À cet égard, on peut se demander si les propositions contenues dans ce PLFSS ne relèvent pas d'une stratégie délibérée, que le Gouvernement s'emploie à mettre en oeuvre depuis 2002. En effet, chacun le sent confusément, le temps est venu pour le Gouvernement d'une rupture radicale dans l'approche de la protection sociale.

Les analyses et les remèdes classiques ne sont plus à la hauteur des enjeux. Ouvrons les yeux !

Si rien ne change, nous assisterons à une révolte sociale, déjà concevable du fait des 37 milliards d'euros de dettes cumulées que les générations futures devront rembourser ! Si rien ne change, la désagrégation de la sécurité sociale et la croissance de l'exclusion médico-sociale s'enchaîneront implacablement !

Les slogans de pure communication, du type « nous allons sauver la sécurité sociale », « une assurance maladie de qualité pour tous » ou « l'équilibre des comptes est pour demain » dissimulent en fait l'indifférence dans laquelle le paquebot de l'assurance maladie sombre progressivement dans l'océan privatisé des secteurs assurantiels.

Par ailleurs, plusieurs mesures du présent projet de loi de financement pérennisent le choix d'une politique discrète et discrétionnaire, entamée depuis trois ans, en faveur d'un avenir libéral pour notre système de protection sociale.

L'instauration d'une participation de 18 euros pour les actes médicaux d'un montant supérieur à 91 euros en est une première illustration. Du reste, lorsque les membres de la commission des comptes de la sécurité sociale l'ont reçu en septembre dernier, M. le ministre de la santé et des solidarités n'a pas eu le courage de leur présenter le contenu de l'article 37.

Monsieur le ministre délégué, une personne malade ne décide pas de l'être et n'est pas coupable de devoir subir un traitement et de bénéficier des soins et des actes nécessaires. Un acte lourd ne relève pas d'une médecine de luxe et sa prescription ne résulte pas d'une envie personnelle des patients. Pourtant, vous faites le choix de punir ces derniers.

L'effort individuel réclamé à chacun pour se soigner s'intensifie toujours dans la même direction ; M. Fischer le faisait d'ailleurs observer tout à l'heure.

S'agit-il de combler le déficit, comme M. Xavier Bertrand l'a prétendu lors de la présentation du PLFSS pour 2006 au conseil des ministres ? Permettez-moi d'en douter, puisque seuls 100 millions d'euros sont attendus de cette mesure, soit à peine 0,089 % du déficit ! Avec cela, le Gouvernement ne risque pas de combler grand-chose, monsieur le ministre délégué !

Il s'agit en réalité d'une tartuferie. Comment cette participation sera-t-elle prise en charge par les mutuelles sans que, comme M. le rapporteur pour avis de la commission des finances l'a très bien dit, les assurés sociaux en fassent les frais ? Comment imaginer que ces mêmes mutuelles resteront inactives face aux déremboursements ? Et que se passera-t-il pour les Français qui n'ont pas de mutuelle ? Au final, ce sont bien les citoyens qui paieront indirectement.

Hier, le prix de la consultation chez les médecins généralistes était porté à 20 euros, sans contreparties significatives de la part de ceux-ci. Aujourd'hui encore, face à la pression des firmes pharmaceutiques, le Gouvernement recule sur la taxation des laboratoires.

Nous abordons là un aspect essentiel non seulement du présent projet de loi de financement, mais également de la politique de santé du Gouvernement. En effet, la mesure proposée dans l'article 15 du PLFSS pour 2006 était motivée par des raisons financières, l'objectif étant de combler le déficit.

Vous proposiez que la diminution du déficit de l'assurance maladie, telle que prévue pour l'année prochaine, soit essentiellement liée à une mesure exceptionnelle de taxation du chiffre d'affaires des laboratoires pharmaceutiques. Cette hausse s'est d'ailleurs faite, je vous le signale, de façon uniforme sur tous les produits et sans concertation avec l'ensemble des acteurs de ce secteur.

Cette fois, monsieur le ministre délégué, vous n'avez vraiment pas de chance : ce sont les députés de votre propre majorité qui ont pris soin de revoir à la baisse la hausse temporaire de la taxe : elle ne sera finalement que de 1,5 %, au lieu de 1,96 %.

M. Guy Fischer. On n'est jamais aussi bien trahi que par les siens !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils n'ont pas revu cette taxe à la baisse ; ils l'ont revue à la hausse, mais dans des proportions moindres que ce le Gouvernement souhaitait !

M. Bernard Cazeau. Je parlais de la hausse proposée par le Gouvernement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Avouez que de 0,6 % à 1,5 %, il y a tout de même une marge !

M. Bernard Cazeau. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, pour une fois que j'exprime ma satisfaction s'agissant d'une prescription du Gouvernement, vous la remettez en cause ! (M. le président de la commission des affaires sociales sourit.)

Or, cette hausse n'est pas suffisante,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah !

M. Bernard Cazeau. ...et je vais vous démontrer pourquoi !

Ainsi, dans son très intéressant rapport, la Cour des comptes observe que la dépense en médicaments par habitant en France est «  de 50 % à 80 % supérieure à celle de l'Allemagne et du Royaume-Uni ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Bernard Cazeau. Pis, selon ce même rapport, 15 % de l'ensemble des prescriptions, représentant la modique somme de 6 à 8 milliards d'euros - ce n'est pas rien ! -, ne seraient pas justifiées. (M. Alain Vasselle, rapporteur, et M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, font un signe d'approbation.) Ce n'est pas moi qui le dis !

Mon propos est donc simple : monsieur le président de la commission des affaires sociales, peut-on aujourd'hui se permettre d'être généreux avec ces entreprises, alors que, au même moment, on demande à leurs « clients » et aux officines pharmaceutiques d'être responsables ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est comme les indemnités journalières !

M. Bernard Cazeau. Enfin, dans ce contexte, comment ne pas évoquer le sort des hôpitaux publics, dont les deux tiers connaissent d'importants déficits ? Vous fixez l'ONDAM national à 3,44 % quand un taux minimum de 4,32 % serait nécessaire simplement pour reconduire l'activité sans moyens supplémentaires. Ce taux ne prend pas en compte le report de charges de 2005 à 2006, alors que celui-ci est estimé à 1,2 milliard d'euros. Les malades en seront encore une fois les premières victimes.

S'agissant de la tarification à l'activité, je ne peux qu'être satisfait, monsieur le ministre délégué, de votre décision de réfléchir à nouveau à la convergence des tarifs entre les secteurs public et privé. Vos prédécesseurs l'avaient refusée l'année dernière, mais M. Xavier Bertrand et vous-même l'avez accordée, cette année, à l'Assemblée nationale. M. le ministre de la santé et des solidarités en a même reconnu la nocivité. C'est un progrès. Comme vous le voyez, nous ne formulons pas que des critiques !

La raison a fini par l'emporter : vous reconnaissez enfin qu'il existe des différences fondamentales en termes de coût entre l'hôpital privé et l'hôpital public. Les actes les plus coûteux sont prioritairement effectués dans les hôpitaux publics. De plus, ces derniers prennent en charge les patients les plus en difficulté et les personnes les plus âgées, dont les durées de séjour à l'hôpital sont les plus longues.

Nous nous félicitons donc de la décision prise, monsieur le ministre délégué. Nous nous permettrons d'ailleurs, monsieur le président de la commission des affaires sociales, de compléter le dispositif concerné.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Bernard Cazeau. Nous avons en effet déposé un amendement visant à supprimer la fongibilité systématique des enveloppes. J'espère que vous nous suivrez dans cette affaire.

Tous ces exemples montrent clairement l'écart entre le discours et la réalité, à savoir les conséquences du projet de loi. Ce dernier, en outre, est révélateur de l'appauvrissement de plus en plus affirmé de notre système de protection sociale.

Dans ce contexte, j'aimerais, monsieur le ministre délégué, vous inciter à regarder ailleurs. En effet, l'expérience réussie des quelques pays européens qui, par une politique volontariste, sont parvenus à diminuer drastiquement leur déficit, tout en améliorant la qualité de leurs offres de soins et en responsabilisant l'ensemble des acteurs concernés - usagers, médecins et fournisseurs -, nous rappelle que, pas plus que la diminution des services de soins, le déficit de la sécurité sociale n'est une fatalité naturelle et intouchable : il relève de préférences culturelles et de décisions politiques.

Le succès du gouvernement de Lionel Jospin en la matière a démontré qu'on ne saurait, pas plus aujourd'hui qu'hier, séparer politique de l'emploi et politique de santé sans s'interdire de comprendre l'une et l'autre et les rapports entre elles.

Pour conclure, le Gouvernement, avec l'aide des députés de la majorité, a clairement opté pour une médecine à deux vitesses - excusez-moi, c'est un leitmotiv, ...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Bernard Cazeau. ... mais c'est si vrai qu'il faut le dire -, en plus de l'insécurité salariale et sociale généralisée. Il faut en effet désormais compter avec l'insécurité dans ce domaine également ! Il faudrait au contraire s'attaquer dès maintenant de manière plus draconienne aux dérives des dépenses et prévoir de façon volontariste des ressources pérennes, tenant compte de la variabilité de la croissance.

Ce n'est pas la voie que, cette année encore, le Gouvernement semble avoir choisie. Aussi ne vous suivrons-nous pas, monsieur le ministre délégué. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je le déplore !

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, je tenterai d'être brève en ne revenant pas sur les sujets que vient d'évoquer mon collègue Bernard Cazeau.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est bien ! Bonne idée !

Mme Christiane Demontès. Le projet de loi de financement de la sécurité sociale intéresse tous les Français, car il a des conséquences sur leur existence quotidienne.

Cette année, le projet de loi de financement de la sécurité sociale est particulier à plus d'un titre.

D'abord, ce texte intervient alors que nous célébrons - cela devrait d'ailleurs être une fête ! - le soixantième anniversaire de la création de la sécurité sociale. À cet égard, je souhaite saluer nos prédécesseurs, qui ont bâti ce système mutualisé et solidaire.

Ensuite, le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 est la première illustration de l'application de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, qui doit permettre une plus grande efficience dans l'usage des fonds publics, une réelle sincérité et plus de transparence.

Par ailleurs, ce projet de loi, qui prévoit des dépenses d'un montant de 373 milliards d'euros pour 2006, constitue le premier bilan de la réforme de l'assurance maladie résultant de la loi du 13 août 2004. Il aurait dû préfigurer un retour à l'équilibre pour 2007 et tracer des perspectives pour notre système de protection sociale.

Ce texte se devait d'être sincère. L'est-il vraiment ? Permettez-nous d'en douter ! Ainsi, comment croire que la croissance atteindra 2,25 % en 2006, alors que tous les experts annoncent au plus 1,5 % pour cette année et 1,8 % pour l'année prochaine ?

Un récent rapport de la Banque mondiale, dans lequel est mesuré le climat d'investissement dans 155 pays, ne classe-t-il pas la France à la 44e place ?

La croissance du premier semestre a été limitée sur le fondement de 1 % l'an. N'est-ce pas le plus mauvais résultat enregistré depuis le premier semestre 2003 ? Ne sommes-nous pas à la traîne des pays de l'OCDE alors que nous étions à leur tête voilà trois ans ? Et vous voudriez que nous accordions notre crédit à cette hypothèse de croissance ?

Les Français ne s'y trompent pas : 73 % d'entre eux affichent leur pessimisme quant à la situation économique pour les six mois à venir et au-delà.

Je vous rappelle qu'il faut remonter à 1996 pour retrouver un tel niveau d'inquiétude. Une même politique entraîne les mêmes effets. Le climat actuel est très directement lié à la faillite et au gâchis résultant de votre politique économique et de l'emploi,...

Mme Marie-Thérèse Hermange. Je crois que vous exagérez !

Mme Christiane Demontès. ... que nombre d'analystes considèrent comme une entreprise de démantèlement social. S'il est vertueux de faire preuve de volontarisme, il est en revanche irresponsable d'afficher un tel optimisme lorsqu'il est totalement infondé.

Ce texte, je l'ai dit, marque le premier bilan, même partiel, de la réforme de l'assurance maladie. M. Douste-Blazy avait déclaré que celle-ci était fondée sur « l'ambition, la qualité des soins et l'équité ». Par ailleurs, il n'hésitait pas à qualifier le texte sur l'assurance maladie d'« historique » et d'« ambitieux ». Historique, au regard des déficits enregistrés, sans aucun doute ! Ambitieux, mais pour qui ? Pour le MEDEF, pour l'industrie pharmaceutique, pour certains médecins spécialistes, bien sûr, mais certainement pas pour la majorité de nos concitoyens !

Mme Christiane Demontès. Je ne reviendrai pas sur l'analyse cruelle qu'a faite de la situation le Premier président de la Cour des comptes, M. Philippe Séguin, car d'autres l'ont évoquée avant moi.

En fait, nous assistons à un triple échec.

Le premier échec est de nature financière. Le régime général de la sécurité sociale a enregistré un déficit de 13,2 milliards d'euros en 2004 contre 11,5 milliards en 2003. De plus, ce déficit est minoré, en particulier par la non-intégration des passifs du fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du fonds de financement des prestations sociales agricoles, le FFIPSA, sans lesquels nous aurions atteint 14,2 milliards d'euros de déficit. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce sujet demain, lors du débat sur les fonds.

Entre 2003 et 2006, la politique du gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le ministre délégué, se sera soldée par un déficit global de plus de 40 milliards d'euros ! Mais que l'on se garde de tout catastrophisme !

Je ne veux pas être méchante avec M. Vasselle, mais je rappellerai tout de même ses propos : les années 2003-2006 ont été successivement celles du « déficit record », puis de la « stabilisation du déficit ». Vous nous dites désormais, monsieur le rapporteur, que s'ouvre devant nous la période du « redressement » !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

Mme Christiane Demontès. Le déficit est historique, l'ensemble des branches est dans le rouge, mais le mouvement est un redressement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. De l'assurance maladie !

Mme Christiane Demontès. Et le déficit du régime général devrait s'élever à 8,9 milliards d'euros en 2006, tandis que la branche maladie serait excédentaire en 2009 ! Cela s'appelle la méthode Coué !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, non !

Mme Christiane Demontès. Cette méthode est effectivement nécessaire lorsque s'annonce un naufrage.

Dans les faits, votre politique, monsieur le ministre délégué, organise sciemment la fragilisation des finances de notre système de sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous ne contestez pas les chiffres, c'est donc que nous avons raison !

Mme Christiane Demontès. Comme par hasard, nous ne parlons pas cette année des mesures d'exonération non compensées. Or nous vous avions soutenu l'an passé, monsieur le rapporteur, lorsque vous aviez demandé le remboursement de l'intégralité de ces exonérations par l'État. Le montant prévisionnel de ces exonérations atteindra plus de 22 milliards d'euros pour 2005. Quoi que vous en disiez, monsieur le ministre délégué, malgré les rappels de l'opposition, mais aussi de M. le rapporteur, vous n'avez pas réglé ce problème.

M. Guy Fischer. Vous fermez les yeux !

Mme Christiane Demontès. En lieu et place, vous avez procédé à une manipulation budgétaire permettant de substituer une ressource globale à diverses ressources affectées. Par là même, le financement de ces exonérations devient structurellement déficitaire. Il suffit de considérer le dynamisme des ressources et des exonérations pour s'en convaincre. Cela est d'autant plus choquant que la contribution des entreprises pour 2006 s'élèvera à 900 millions d'euros alors que celle des cotisants et des assurés sociaux sera supérieure à 3 milliards d'euros, soit un rapport de un à trois !

M. Guy Fischer. C'est vrai !

Mme Christiane Demontès. Le deuxième échec est social. Vous ne cessez en effet de multiplier les déremboursements, de porter atteinte aux principes constitutionnels, de mettre à contribution nos concitoyens et les assurances complémentaires tout en excluant des soins de plus en plus de personnes. Faut-il rappeler les circulaires publiées au plus fort de l'été sur l'accès à l'aide médicale d'État, dénoncées par l'ensemble des acteurs de terrain, comme le Secours populaire français ou le Secours catholique-Caritas France ?

Le Gouvernement, non content de s'en prendre aux plus faibles, avec l'article 38 et l'intégration des aides aux logements dans les ressources prises en compte pour l'accès à la couverture médicale d'urgence, exclut plus de 60 000 personnes de ce dispositif, alors qu'il faudrait au contraire renforcer ce dernier.

Le troisième échec est politique. Les acteurs qui, voilà un an, vous accordaient encore du crédit ne le font plus. Seul le MEDEF - même s'il rase un peu les murs, comme le disait Bernard Cazeau ! - et sa doctrine libérale vous accompagnent dans cette entreprise de destruction de notre modèle de protection sociale. Le vote négatif de l'ensemble des caisses avant même la présentation de ce texte en témoigne expressément.

Permettez-moi d'insister sur quelques traductions très concrètes de l'échec de votre politique. L'année dernière, lors de l'instauration de la participation forfaitaire d'un euro par consultation, vous nous aviez juré que jamais cette contribution injuste n'augmenterait. Cette année, vous imposez, sans aucune concertation avec les organismes complémentaires et en oubliant même de l'annoncer lors de la conférence de presse de présentation du présent PLFSS, une nouvelle « recette de 18 euros pour l'ensemble des actes médicaux de plus de 91 euros ».

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n'est pas de même nature !

Mme Christiane Demontès. Or les actes concernés ne résultent presque jamais du choix du patient. Ils sont souvent prescrits en urgence. En la matière, il ne saurait être question d'un prolongement de la logique du ticket modérateur.

Mme Christiane Demontès. Avec cette mesure, vous mettez fin à l'un des principes fondateurs de notre protection sociale : celui de la solidarité qui unit bien-portants et malades, puisque ces actes dits lourds ont toujours été pris en charge par la sécurité sociale. Vous vous obstinez dans cette politique qui consiste à culpabiliser les assurés sociaux et à les pénaliser.

En fait, vous adressez un message clair : « Faites appel aux assurances privées ; ne comptez plus sur les principes édictés voilà soixante ans. » Ce n'est qu'une énième étape dans votre entreprise de privatisation. Vous mettez à contribution les complémentaires dans la gestion des gros risques et vous les intégrez de fait au régime de base.

Pourtant, il est bien dans le rôle de l'État de protéger les populations qui, à cause de la maladie ou de la précarité économique, sont les plus fragilisées, en leur donnant accès aux droits élémentaires de se loger, de se nourrir et de recevoir des soins de qualité.

Votre politique précarise toujours un peu plus le quotidien de ces centaines de milliers de femmes, d'hommes et d'enfants qui, n'ayant pas de mutuelle, risquent de devoir renoncer à des soins indispensables.

Les assurances complémentaires vont augmenter leurs cotisations.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

Mme Christiane Demontès. Mesurez-vous bien que notre pays risque de compter plus de deux millions de personnes dépourvues de couverture complémentaire ? Je ne le pense pas, et votre aide à la mutualisation apparaît bien désuète face à l'ampleur de ce transfert de charge. Qu'en sera-t-il si, par exemple - je n'ose l'imaginer ! -, au mois de juin prochain, devant l'ampleur des déficits, vous faites appel au comité d'alerte et que ce dernier prescrit de nouveaux déremboursements ou transferts de charges vers les assurés sociaux ?

De surcroît, votre politique a instauré une réelle inégalité d'accès aux soins. Les plus aisés, notamment ceux qui profiteront de votre réforme de l'ISF, peuvent aller consulter directement un spécialiste alors que les autres, sous peine de moindre remboursement, sont obligés de consulter le médecin traitant qu'il leur a bien fallu prendre. Il s'agit, ni plus ni moins, d'une médecine à deux vitesses.

Quant aux professionnels de santé, vous ne les appréhendez qu'au travers du prisme financier et clientéliste. J'en veux pour preuve la hausse à 20 euros de la consultation chez les généralistes, qui a coûté la bagatelle de près de 400 millions d'euros et dégagé des économies évaluées au mieux à 70 millions d'euros. En fait, les contreparties demandées aux médecins n'auront servi que d'alibi aux revalorisations tarifaires.

Avec le parcours de soins administratif et à vocation strictement comptable, vous avez donné naissance à une jungle tarifaire catastrophique. Vous avez poussé les spécialistes à s'affranchir du conventionnement médical. Leurs honoraires ont cru de près de 6 % cette année, alors qu'aucune contrepartie en matière d'organisation ou de qualité des soins ne leur a été demandée. Tout porte à croire que vous êtes sourd aux attentes de ces généralistes, notamment des plus jeunes.

Les médecins généralistes souhaitent une réelle reconnaissance de leur profession, la réorganisation de leur formation initiale, l'instauration d'une formation continue indépendante de l'industrie pharmaceutique, la prise en compte des réalités de terrain, la venue de remplaçants, la mise en oeuvre d'aides pour le développement des réseaux de soins, le regroupement des professionnels et un soulagement des tâches administratives.

De même, votre logique comptable a fait réagir les pharmaciens. Ces derniers, compte tenu de vos mesures d'économies menaçant de 5 000 à 20 000 officines, ont appelé au boycott des médicaments génériques, ce qui est un comble pour ceux qui doivent en être les promoteurs !

Si la santé n'a pas de prix, les soins ont un coût. Nos concitoyens ne veulent pas d'un système à l'américaine, comme cela a déjà été dit.

Permettez-moi de formuler un certain nombre de propositions qui, au lieu de tuer notre système de sécurité sociale, peuvent au contraire l'améliorer.

Il apparaît d'abord indispensable de revoir l'assiette des cotisations patronales. Nous proposons de substituer aux cotisations perçues sur les salaires une cotisation assise sur la richesse produite, modulée en fonction de l'engagement des entreprises pour l'emploi. À ce titre, doubler la contribution sociale sur les bénéfices et l'affecter totalement à l'assurance maladie serait tout à fait possible.

De même, au regard des inégalités existantes en matière d'accès aux soins, pourquoi ne pas inscrire comme objectif prioritaire l'installation de médecins dans les zones médicalement dépeuplées ? Vous aviez refusé de le faire dans le projet de loi relatif à la politique de santé publique. Pourquoi y renoncer alors que la situation s'aggrave et qu'il est nécessaire d'enclencher une démarche de solidarité en matière d'accès à la santé ? N'est-il pas temps de mettre en oeuvre un réel soutien à une médecine coordonnant l'ensemble des acteurs de santé et favorisant leur mise en réseau ?

À titre d'exemple, cette logique a été mise en oeuvre dans les zones rurales, notamment au travers des réseaux de gérontologie. Les résultats collectés en matière de réponses aux besoins de la population sont appréciables et appréciés. (Mme Marie-Thérèse Hermange s'exclame.) C'est dans cette voie qu'il faudrait avancer et non pas, comme on l'a constaté récemment dans mon département, le Rhône, en réduisant les plages d'ouverture des maisons médicales de garde, ce qui a pour conséquence d'engorger les hôpitaux.

Décloisonner les professions, l'hôpital et la médecine de ville, les mettre en réseau me semblent constituer les axes de la politique qu'il faut mettre en oeuvre.

Par ailleurs, et parce que la formation continue participe de la qualité des soins, n'est-il pas urgent de mettre en oeuvre une formation continue impartiale et non pas assujettie aux industries pharmaceutiques ? Face à l'assaut publicitaire que nous subissons quotidiennement, face aux problèmes que posent et poseront l'obésité et le surpoids, n'est-il pas essentiel de favoriser une réelle éducation à la santé ainsi qu'une véritable politique de prévention, plutôt que de donner toujours raison aux lobbies, sans égard pour les conséquences sanitaires ?

Désormais, le bilan s'affiche en chiffres rouges !

Nous nous opposons à cette stratégie, qui condamne notre système de protection sociale et la solidarité nationale qui le fonde tout en reportant scandaleusement, comme l'a déjà souligné mon collègue Bernard Cazeau, le passif de votre politique sur les générations à venir. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Claude Domeizel.

M. Claude Domeizel. Monsieur le président, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la sécurité sociale vient d'avoir soixante ans ; or le Gouvernement, avec ce projet de loi de financement qui met un peu plus à mal ses fondements humanistes et égalitaires, ne lui fait pas un beau cadeau !

Cette année n'est pas seulement une « année anniversaire », c'est aussi celle où, pour la première fois, tous les comptes sont dans le rouge, y compris ceux de la branche vieillesse et de la branche famille, précédemment excédentaires.

Il faut que les Français sachent que le cumul de ces déficits, auxquels s'ajoutent ceux du FSV, du FFIPSA et de la CADES, avoisine tout de même 100 milliards d'euros. Si je me trompe, vous me corrigerez, monsieur le ministre délégué !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est l'héritage !

M. Claude Domeizel. L'héritage a bon dos !

J'aurais aimé m'attarder sur votre mesure phare, le forfait à 18 euros, sortie par magie de votre chapeau, mais mes collègues Christiane Demontès et Bernard Cazeau - et sans doute Claire-Lise Campion fera-t-elle de même tout à l'heure -, au nom du groupe socialiste, se sont déjà brillamment élevés contre votre tour d'illusionniste.

Je m'exprimerai plus particulièrement sur la partie « vieillesse » de ce texte.

Les retraités, qui voient leur pouvoir d'achat baisser chaque année, sont les premiers à subir de plein fouet la réforme de l'assurance maladie.

La revalorisation de 1,8 % prévue au 1er janvier 2006 fait une totale abstraction de diverses augmentations : celle des loyers, celle de la fiscalité locale que la loi de la décentralisation a engendrée, l'augmentation des assurances complémentaires de santé, des carburants et du fioul domestique, en un mot, les dépenses de la vie courante.

L'ensemble des unions syndicales des retraités dénoncent la paupérisation de 600 000 retraités, dont nombre d'entre eux ne peuvent plus se payer une mutuelle.

Pour les actifs, monsieur le ministre délégué, où en est-on de la hausse de 0,2 % des cotisations vieillesse ? Le décret tarde et la polémique enfle. Allez-vous imputer 0,15 % sur la part salariale et 0,5 % sur la part patronale ? La présidente de la CNAV, Mme Danièle Karniewicz, a dénoncé à juste titre cette répartition, qui fait reposer l'effort à 75 % sur les salariés.

Vous vous appuyez sur le fait que les employeurs subissaient déjà une hausse de 0,1 % de la cotisation accident du travail-maladies professionnelles. Avouez que c'est un mauvais prétexte, car il s'agit de branches différentes.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale a reçu un avis défavorable de tous les conseils d'administration des organismes sociaux.

J'ai noté que Mme la présidente de la CNAV a fait voter à l'unanimité par son conseil deux voeux que je me permets de soutenir.

Le premier concerne l'adossement du régime de retraite de la RATP au régime général.

La Caisse nationale d'assurance vieillesse demande, à juste titre, que cette opération soit faite dans une totale neutralité et par la voie parlementaire.

Quand vous-même, monsieur le ministre délégué, ou vos collègues du Gouvernement déclarez à tout bout de champ, avec une certaine audace, que la réforme des retraites de 2003 a réglé tous les problèmes, vous vous moquez de nous !

Je retiens de la loi du 21 août 2003 qu'elle a été guidée par trois idées force.

La première, c'est d'aller vers un regroupement des différents régimes. C'est ce qui est inscrit, subrepticement, dans la notion de durée d'assurance et, ce qui est par ailleurs une bonne chose, dans la création d'un GIP pour le droit à l'information.

La deuxième idée consiste à remanier profondément la retraite des fonctionnaires. Et là, vous avez mis la dose ! Les femmes fonctionnaires en savent quelque chose ! (Exclamations sur plusieurs travées de l'UMP.)

M. Dominique Leclerc, rapporteur. C'est faux !

M. Bernard Cazeau. Abondement pour enfant !

M. Claude Domeizel. La troisième idée, enfin, c'est de montrer - et tout est mis en oeuvre dans la loi à cette fin - que le système par répartition ne marche pas !

Lors des débats de l'été 2003, mes collègues du groupe socialiste et moi-même vous avons maintes fois fait remarquer que la loi Raffarin-Fillon laissait de côté certaines questions de fond.

Vous n'ignorez pas l'imbrication des différents régimes de retraites, qu'ils soient général, spéciaux, particuliers ou complémentaires. Le système complexe des compensations est là pour le prouver. Toute décision pour l'un des régimes a des implications sur les autres. Par voie de conséquence, toute modification se répercute sur les fonds divers - FSV, FFIPSA et autres - déjà dangereusement déficitaires.

Vous abordez les questions d'adossement ou d'intégration avec une légèreté déconcertante.

Ainsi - permettez-moi une image pour illustrer mon propos -, lorsque vous adossez ou intégrez par la loi le régime des industries électriques et gazières ou des cultes, vous prenez un virage négociable, comme sur une autoroute. Mais, lorsque vous envisagez d'adosser ou d'intégrer le régime de la RATP, et peut-être, demain, d'autres régimes spéciaux ou particuliers, vous vous engagez sur les routes des Cévennes ou de la Corse, qui sont beaucoup plus dangereuses.

De plus, vous entrez dans un processus délicat avec légèreté, par décret, semble-t-il.

Non seulement vous êtes des apprentis sorciers, mais vous avez l'intention de réformer tout seuls. Or un sujet aussi délicat qui engage l'avenir doit relever de la loi. Nous déposerons d'ailleurs un amendement allant dans ce sens.

Oui, monsieur le ministre délégué, mes chers collègues, la réforme des retraites est un sujet difficile.

Elle nécessite du temps. Je rappelle que la Suède, par exemple, a mis plus de vingt ans à la mener à bien.

Elle nécessite des réflexions sérieuses et de la concertation. C'est le rôle du Conseil d'orientation des retraites, créé par le gouvernement de Lionel Jospin.

Enfin, elle nécessite des provisions pour le long terme. C'est le rôle du fonds de réserve des retraites créé aussi par le gouvernement de Lionel Jospin.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Il ne sert à rien !

M. Claude Domeizel. Arrêtez de tromper les Français en leur disant en permanence que la loi Raffarin-Fillon de 2003 est la loi du siècle et la panacée !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il fallait quand même le faire !

M. Claude Domeizel. Il reste encore beaucoup de travail, mais avez-vous la capacité d'aller jusqu'au bout ?

Quand vous quitterez le pouvoir, vous laisserez une situation calamiteuse, en rejetant l'ardoise sur les générations futures.

Mme Raymonde Le Texier. Ça, c'est sûr !

M. Claude Domeizel. Permettez-moi de faire part de notre indignation concernant l'article 47, qui traite des régimes d'avantage social vieillesse des professions de santé. Pour l'heure, notre groupe s'élève contre la méthode, celle que vous affectionnez, l'absence de concertation et la précipitation. Nous demandons que la copie soit revue avec les partenaires concernés.

Le second voeu de la CNAV, et cela me donnera l'occasion d'évoquer les fonds sociaux, concerne le fonds de réserve des retraites.

La règle prévoit le versement des excédents de la CNAV au fonds de réserve des retraites. Or le PLFSS que nous examinons aujourd'hui précise que, de façon dérogatoire, les excédents 2004 seront versés au fonds de solidarité vieillesse afin - ce serait cocasse s'il ne s'agissait d'un sujet aussi sérieux - que celui-ci puisse honorer une partie de sa dette à la CNAV.

On ferme les vannes de l'avenir pour faire face aux besoins quotidiens ! On brûle les meubles pour se chauffer ! Certes, la situation du FSV est de plus en plus préoccupante. J'y reviendrai quand nous en arriverons à l'examen de cette question.

Le FSV, le FFIPSA, la CNAV, tous les régimes se voient contraints d'emprunter, soit pour alimenter la trésorerie, soit, plus grave encore, pour renvoyer à plus tard la résolution des problèmes, en laissant aux générations futures, je le répète, le soin de régler l'ardoise.

Pour en revenir au fonds de réserve des retraites, l'article 23 de la loi le sacrifie : rien n'y est prévu pour l'abonder, ce qui sera d'autant plus nécessaire si l'une de ses recettes réglementaires vient à lui « passer sous le nez »...

Pour l'année 2006, il est prévu d'affecter à ce fonds 1,4 milliard d'euros de recettes, provenant uniquement du prélèvement social de 2 %. N'oublions pas que le fonds de réserve des retraites a une fonction au regard de la prévision à long terme et du lissage du paiement des retraites à l'horizon des années 2020. À ce jour, avec une recette prévisionnelle fixée à 1,4 milliard d'euros seulement pour 2006, on peut douter que ce fonds puisse remplir une telle fonction. Pour compromettre l'avenir de la retraite par répartition, on ne peut pas mieux s'y prendre !

J'aurais bien voulu achever mon propos sur une note positive. Hélas ! Le 10 octobre dernier, le Conseil d'orientation des retraites a examiné les nouvelles projections financières des régimes de retraite à l'horizon de 2050. Or il s'avère que, à partir de 2020, le déficit des régimes de retraite ne cessera de se creuser, jusqu'en 2050.

Dans ces conditions, monsieur le ministre délégué, rien dans ce projet de loi ne peut nous inciter, mes collègues socialistes et moi-même, à vous accompagner dans votre démarche. Cela serait irréaliste et irresponsable. La branche vieillesse de la sécurité sociale, la sécurité sociale et les Français méritent mieux. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Claire-Lise Campion.

Mme Claire-Lise Campion. Monsieur le ministre délégué, l'optimisme que vous affichez en présentant ce projet de loi de financement de la sécurité sociale me paraît bien excessif et porte atteinte à la crédibilité de celui-ci.

Notre système de soins compte parmi les meilleurs au monde, mais il risque de disparaître si vous persévérez à vous cantonner à une maîtrise comptable des dépenses, à laquelle vous ne parvenez d'ailleurs pas, et si vous refusez de dégager de nouveaux financements dynamiques et pérennes.

Le déficit de la sécurité sociale était en effet de 11,9 milliards d'euros en 2003, de 12,2 milliards d'euros en 2004 et de plus de 15 milliards d'euros en 2005. (M. le président de la commission des affaires sociales s'étonne.)

Pour la première fois depuis longtemps, toutes les branches, y compris la branche famille et la branche vieillesse, sont en déficit. Vous espérez ramener le déficit général à 1,8 milliard d'euros en 2009. Cependant, ce projet ambitieux ne se fonde que sur une croissance du PIB de 2,25 % en 2006, puis de 2,6 % par an, prévision contestée par l'ensemble des experts économiques, et non sur une réforme structurelle de la sécurité sociale.

Ce constat traduit, je le regrette, un triple échec, celui de votre politique économique et sociale, celui de la réforme des retraites mise en oeuvre par M. Fillon et, naturellement, celui du dispositif mis en place par votre prédécesseur et vous-même, concernant la réforme de l'assurance maladie adoptée à l'été de 2004.

Bien sûr, me rétorquerez-vous, vous avez eu le courage politique d'engager une réforme dans ces différents domaines. En termes d'affichage et de communication, M. Bertrand et vous-même avez effectivement réussi à faire croire cela à bon nombre de Français. À y regarder de plus près et en termes de résultats, la situation n'a jamais été pire.

Il ne s'agit aucunement de polémiquer ; je vous parle en tant qu'élue, socialiste, citoyenne, femme et mère. Ce que vous omettez de dire, c'est que la politique à court terme du gouvernement auquel vous appartenez, votre saupoudrage de « mesurettes » ont pour conséquence un accroissement inexorable de l'endettement de la France, que seront contraints de supporter nos enfants et petits-enfants. C'est inacceptable ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

À l'heure où des choix politiques européens sont à faire dans le domaine de la santé et du social, nous devons afficher une politique claire et saine sur le long terme pour notre système de solidarité, afin de pouvoir le défendre auprès de nos partenaires européens.

Or, à la lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale que vous nous soumettez aujourd'hui, il apparaît que l'assainissement des comptes repose, une fois encore, sur de nouveaux efforts imposés aux Français, sans qu'aucune réforme structurelle ne soit engagée sur le long terme : nouvelle hausse de 1 euro du forfait hospitalier, contribution forfaitaire de 18 euros pour les actes d'un montant supérieur à 91 euros, hausse de 0,2 point du taux des cotisations vieillesse plafonnées, diminution de 1,9 % du taux des indemnités journalières pour les arrêts maladie de plus de six mois, anticipation du prélèvement social sur les plans d'épargne-logement de plus de dix ans, augmentation des primes des organismes complémentaires de santé.

Vous espérez faire une économie de 5 milliards d'euros de cette façon ; que proposez-vous pour les 8 milliards d'euros restants ? Une fois de plus, aucune perspective politique sur le long terme ne nous est proposée, et vous vous contentez de gérer au mieux, au jour le jour.

Il eût fallu sans doute définir des objectifs clairs et des priorités en matière de prévention et d'éducation pour la santé, mieux organiser et coordonner l'offre de soins, mettre en place des incitations fortes à l'installation des professionnels de santé dans les zones désertées, prévoir le dépassement du seul mode de paiement à l'acte, qui ne favorise ni la prévention ni la maîtrise des dépenses, instaurer des modes de contrôle et des formations adaptées et indépendantes, instituer des modes de financement répondant aux besoins du système actuel.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale nous fournit aussi, malheureusement, l'occasion de constater une nouvelle fois qu'il est fait peu de cas de la parole donnée de l'État et que manque l'ambition de mettre en place une véritable politique familiale.

À cet égard, deux exemples illustreront mon propos.

En premier lieu, vous avez signé, en juillet dernier, la convention d'objectifs et de gestion avec la CNAF, mais l'augmentation de 17,6 % en 2004 du budget de cette dernière n'a pas été prise en compte, puisque l'accroissement prévu n'est que de 7,5 % par an jusqu'en 2008. Ainsi, nous savons déjà que les projets prévus ne pourront être tous financés.

Je profite de l'occasion qui m'est donnée pour vous demander, monsieur le ministre délégué, des précisions quant au nombre de places en crèche qui ont été ou seront effectivement créées, différents chiffres circulant actuellement.

En second lieu, la promesse faite en 2004 par le Premier ministre d'alors, M. Raffarin, d'accorder à 300 000 enfants supplémentaires le bénéfice de la CMU est tout simplement abandonnée, et 60 000 familles se verront privées de CMU en 2006. Une fois encore, ce sont les enfants des familles en difficulté qui pâtiront le plus de ces choix politiques.

Pourtant, les événements tragiques que nous connaissons ces derniers jours dans nos banlieues montrent à quel point il est important de mettre en place une politique cohérente et d'envergure en faveur des familles. Or vous nous montrez un État qui revient sur ses engagements et sur les préoccupations qu'il mettait en avant.

En ce qui concerne tout d'abord les préoccupations, je soulignerai que, en avril 2005, le thème initialement prévu pour la conférence de la famille était : « familles fragiles et pauvres ». Dans ce contexte, un rapport de Martin Hirsch intitulé Famille, vulnérabilité, pauvreté a été remis au Gouvernement.

Or, en septembre 2005, la conférence de la famille n'a débouché sur aucune mesure relative au thème initialement fixé, alors que, en France, plus d'un million d'enfants - deux millions si l'on retient les critères de l'Union européenne - vivent dans des familles pauvres.

M. Claude Domeizel. Ils n'écoutent pas !

Mme Marie-Thérèse Hermange. Ces chiffres étaient les mêmes du temps de Mme Royal !

Mme Claire-Lise Campion. En ce qui concerne maintenant les engagements, je relèverai que l'article 54 du présent projet de loi remet en cause une mesure inscrite dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004. Les parents des enfants nés avant le 1er janvier 2004 seront donc privés de la PAJE, dont ils auraient dû bénéficier à compter de 2007.

Cette disposition permettra une économie substantielle de 430 millions d'euros sur trois ans, qui viendra indirectement financer le complément optionnel de libre choix d'activité et les aménagements de l'allocation de présence parentale présentés dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

Certes, les familles concernées continueront de percevoir l'AFEAMA, l'aide à la famille pour l'emploi d'une assistante maternelle agréée, et l'AGED, l'allocation de garde d'enfant à domicile, mais le principe est pour le moins choquant. Est-ce ainsi que vous entendez redonner aux Français confiance en leurs responsables politiques ?

À la lecture des cinq articles consacrés à la politique familiale, j'ai vraiment eu le sentiment, monsieur le ministre délégué, que l'on déshabillait Pierre pour habiller Paul.

Alors que les familles attendent des avancées en matière de modes de garde hors du domicile familial, vous annoncez un plan « crèches » limité à 15 000 places et lancez un complément optionnel du libre choix d'activité, d'une durée d'un an, pour les familles accueillant leur troisième enfant.

Si ce complément s'adresse tant au père qu'à la mère, amélioration que nous devons à l'initiative de notre collègue députée Marie-Françoise Clergeau, que je salue ici, il ne répond pas, pour autant, aux attentes des familles qui sont à la recherche d'un emploi.

En effet, ces dernières ne peuvent accéder aux modes de garde collectifs, ce qui relance le débat sur la nécessité d'instituer un service public d'accueil des jeunes enfants. L'indemnisation est forfaitaire, et d'un montant relativement faible, à savoir 750 euros, alors que, en contrepartie de la limitation à un an de la durée de versement, le rapport d'Hubert Brin préconisait de porter ce montant à 70 % du dernier salaire, avec un plancher fixé à 700 euros et un plafond à 1 000 euros.

Ce congé optionnel ne sera pas non plus à l'origine d'un bond de la natalité dans les familles qui s'interrogent sur l'opportunité de la venue d'un troisième enfant. Pour assurer le renouvellement des générations, il eût fallu prendre des mesures quelque peu plus attrayantes et en phase avec la vie quotidienne des familles.

En effet, avec un taux de fécondité de 1,9 enfant par femme, notre pays, s'il veut inciter les foyers à accueillir un enfant supplémentaire, notamment un troisième, doit nécessairement remettre à plat l'ensemble des mesures concernant les familles, le niveau de vie de ces dernières étant inversement corrélé au nombre d'enfants. Les foyers sont de plus confrontés à une augmentation des loyers, du prix du chauffage et des dépenses de santé. On ne peut donc se borner à instaurer une disposition unique, totalement insuffisante car d'application limitée à la seule première année du troisième enfant.

Dans le domaine du logement, vous entendez imposer à la branche famille, déjà en déficit, une augmentation de 270 millions d'euros des charges qu'elle supporte. Par ailleurs, les familles seront pénalisées par le faible relèvement, à hauteur de 1,8 %, des aides au logement, qui n'ont pas été revalorisées depuis 2003.

J'en viens maintenant à la seconde mesure phare du projet de loi de financement de la sécurité sociale concernant la famille : la réforme du congé et de l'allocation de présence parentale.

Ce congé a été créé en 2001 sur la proposition de Ségolène Royal, alors ministre de la famille, afin de répondre aux situations dramatiques rencontrées par les parents d'enfants gravement malades ou victimes d'un accident grave. Cette mesure fut accompagnée de l'institution d'une allocation de présence parentale, accordée par la CAF.

Ce nouveau dispositif a permis de combler un vide juridique, en régularisant la situation des parents concernés, qui conservent ainsi leurs droits de salariés de leur entreprise d'origine et bénéficient d'une protection sociale.

Le montant de l'allocation a été fortement revalorisé depuis ; il est actuellement de 840 euros. Cependant, malgré les améliorations apportées, seules 4 000 familles ont demandé à bénéficier de cette mesure, alors que 13 000 familles étaient potentiellement concernées.

Il nous est proposé, au travers du PLFSS, de modifier le dispositif en prévoyant le remplacement des périodes de quatre mois par un compte-crédit de 310 jours ouvrés à prendre sur une période de trois ans, ainsi que la création d'un complément mensuel de 100 euros pour la prise en charge des frais occasionnés par une hospitalisation loin du domicile. Nous présenterons, pour notre part, des amendements tendant à améliorer encore ces dispositions.

Certes, le complément mensuel était attendu par les familles d'enfants gravement malades. Toutefois, vous avez tenu à distance les associations regroupant les parents de ces enfants et cela vous a empêché de prendre en compte un certain nombre d'éléments, ce qui aurait pourtant contribué à une nette amélioration de leur situation.

En conclusion, monsieur le ministre délégué, je pense qu'il est nécessaire d'ouvrir un débat national sur les questions concernant la famille, et de donner enfin une vision globale et cohérente de la politique familiale. Le congé de paternité, les allocations familiales, les modes de garde et d'accueil, la pauvreté, la maltraitance sont autant de sujets à inscrire dans le champ d'une discussion large, menée à l'échelon national. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires sociales, messieurs les rapporteurs, mesdames et messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier le rapporteur de la commission des affaires sociales, M. Alain Vasselle, qui, s'exprimant le premier, a salué la rapidité de la mise en oeuvre de la nouvelle loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale. Cela correspond à un engagement pris devant vous par le Gouvernement, lequel - Xavier Bertrand et moi-même sommes heureux de vous le démontrer  - tient sur ce point aussi ses promesses.

Comme vous, monsieur le rapporteur, j'attache une grande importance au respect des objectifs de la maîtrise médicalisée, inscrits dans la convention médicale. Je vous rappellerai quelques données essentielles : les arrêts de travail qui, jusqu'alors augmentaient de 5 % à 7 % par an, baissent pour la première fois, cette année, de 2,2 % par rapport à 2004 ; les antidépresseurs sont en recul dans les prescriptions de 3,5 % ; globalement, l'évolution des soins de ville augmente de façon extrêmement modérée : 2,2 % par rapport à 2004.

C'est donc là une évolution tout à fait positive qui explique pourquoi le déficit de l'assurance maladie est en forte baisse au cours de cette année 2005. Il faut naturellement poursuivre l'effort. Tel est le sens des dispositions proposées à la représentation nationale dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Vous avez également exposé, monsieur Vasselle, votre position sur les compensations d'exonération de charges. Vous connaissez la mienne, puisque j'ai eu l'occasion de l'expliquer devant la Haute Assemblée, voilà une quinzaine de jours, au cours du débat sur les prélèvements obligatoires. Je n'y reviens pas, d'autant que nous aurons l'occasion d'en rediscuter au cours de nos travaux.

Vous avez déploré - mais nous aurons l'occasion d'en reparler dès demain - qu'aucune mesure ne soit prise pour remédier au déficit croissant du fonds de solidarité vieillesse et du fonds des prestations sociales agricoles.

Je tiens d'emblée à vous dire, s'agissant du fonds de solidarité vieillesse, que nous avons augmenté ses recettes, d'une part, en élargissant l'assiette de la contribution communément appelée « C3S », ce qui se traduira par un surcroît de recettes de 50 millions d'euros, et, d'autre part, en affectant à ce fonds une partie de la recette fiscale des plans d'épargne logement, à hauteur de 150 millions d'euros.

En outre, les dispositions qui vous sont proposées en ce qui concerne l'exportation du minimum vieillesse, doivent diminuer les dépenses du fonds de solidarité vieillesse.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui, mais cela ne fait pas le compte pour atteindre l'équilibre !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais nous aurons bien sûr l'occasion d'y revenir plus en détail.

S'agissant du FFIPSA, je tiens aussi à vous rassurer, monsieur le rapporteur, ainsi que les nombreux sénateurs attachés aux prestations sociales agricoles : sa situation financière, effectivement préoccupante, n'aura aucun impact sur les assurés sociaux, dont les prestations seront servies. Cela ne nous dispense cependant pas de mettre en oeuvre rapidement les moyens nécessaires pour atteindre une certaine stabilité dans les financements de ce fonds.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Un de ces jours...

M. Alain Vasselle, rapporteur. On verra demain...

M. Guy Fischer. Nous voilà rassurés !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous voulons des propositions rassurantes !

M. Philippe Bas, ministre délégué. L'article 25 du projet de loi relève ainsi le plafond d'emprunts du fonds à 7,1 milliards d'euros.

S'agissant de l'assurance vieillesse, je voudrais répondre à M. le rapporteur Dominique Leclerc que le Gouvernement partage son analyse et ses préoccupations. L'information du citoyen est évidemment essentielle. La création du conseil d'orientation des retraites permet d'avoir un centre commun d'évaluation, ce qui est très important...

M. Claude Domeizel. Vous étiez contre !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ... mais ne saurait nous faire oublier la mise en oeuvre du droit à l'information, pour que chaque assuré dispose de ses éléments de carrière, à partir de 55 ans. Les assurés sociaux auront ainsi accès à une évaluation du montant de leur retraite. C'est un projet auquel nous travaillons activement. Il convient en effet de poursuivre l'amélioration de l'information sur les engagements de chaque régime de retraite : c'est évidemment essentiel, et vous avez eu raison de le souligner.

Monsieur le rapporteur, l'analyse que vous avez présentée sur le rendez-vous de 2008 me paraît également tout à fait pertinente. La capacité à conserver le niveau de retraite que nous avons à moyen terme dépendra pour une bonne part de l'amélioration substantielle du taux d'emploi des seniors. Comme j'ai eu l'occasion de vous l'indiquer, le Gouvernement y travaille aussi.

Je tiens à remercier M. le rapporteur André Lardeux de son analyse, qui met clairement en évidence l'importance tant de l'effort consenti en faveur de la politique familiale que des innovations introduites en la matière depuis 2002 pour renforcer la conciliation entre vie familiale et vie professionnelle, dont nous avons fait notre priorité.

Vous m'interrogez notamment, monsieur le sénateur, sur la dette de l'État à la branche famille, sur les dépenses de l'allocation aux adultes handicapés, l'AAH, et de l'allocation de parent isolé, l'API : cette question relevant non pas de la loi de financement de la sécurité sociale, mais d'une loi de finances rectificative, c'est dans ce cadre qu'elle devra être à la fois posée et résolue.

Pour l'avenir, la situation est appelée à évoluer fortement car, comme vous le savez, le Gouvernement a engagé une réforme des minima sociaux qui devrait permettre une meilleure insertion de leurs bénéficiaires : c'est notamment le cas pour l'allocation de parent isolé qui doit devenir une véritable allocation d'insertion, alors qu'elle a été conçue à l'origine pour que les jeunes mères se retirent du marché du travail pour se consacrer totalement à leur enfant. Cette approche n'est plus d'actualité, et notre souci est de permettre à ces jeunes femmes de retrouver le chemin du marché du travail.

Je voudrais remercier également M. le rapporteur Gérard Dériot d'avoir souligné que le redressement des comptes de la branche accidents du travail et maladies professionnelles va devenir possible à partir de l'année prochaine grâce aux efforts proposés dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

M. Roland Muzeau. C'est fictif !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Vous avez également, monsieur le rapporteur, mis l'accent sur l'accroissement de la dotation de la branche accidents du travail et maladies professionnelles au fonds amiante. Face à ce drame de l'amiante, il est tout à fait indispensable que la solidarité nationale s'exerce.

Vous avez également souligné l'importance de la négociation qui s'ouvre entre les partenaires sociaux sur la réforme de ce régime. Cette négociation était demandée aux partenaires sociaux depuis la loi du 13 août 2004. Je me réjouis, moi aussi, qu'elle soit enfin ouverte, et j'espère qu'elle aboutira à des conclusions de nature à améliorer l'équilibre de cette branche.

Monsieur le rapporteur pour avis, vous avez, vous aussi, salué l'amélioration apportée aux lois de financement de la sécurité sociale par le nouveau cadre issu de la loi organique, ce dont je vous remercie.

Vous avez cependant estimé que la loi organique relative aux lois de financement était en retrait par rapport aux lois de finances de l'État, s'agissant de l'appréciation de la performance de la dépense. Je ne suis pas d'accord avec vous, et je voudrais vous en expliquer la raison.

La loi organique sur les lois de financement de la sécurité sociale a consacré une démarche objectifs/résultats, dans laquelle la sécurité sociale, en réalité, a été pionnière par rapport à l'État. Ce sont en effet les conventions d'objectifs et de gestion, prévues par l'une des trois grandes ordonnances de 1996, qui ont introduit, à compter de cette date, une contractualisation entre l'État et les caisses nationales de sécurité sociale, autour d'objectifs retracés par des indicateurs de suivi, aussi bien en termes de moyens que de résultats. Par conséquent, de ce point de vue, la sécurité sociale a largement devancé l'État.

La loi organique parachève cette démarche en créant une nouvelle annexe obligatoire présentant ce que nous avons appelé les « programmes de qualité et d'efficience », expression un peu abstraite, pour ne pas dire technocratique. Il deviendra ainsi possible, à partir d'un diagnostic de situation, de définir des objectifs articulés autour d'indicateurs précis permettant d'apprécier la réalisation des résultats. Nous pourrons nous donner rendez-vous dans la mise en oeuvre de cette loi de financement de la sécurité sociale pour l'application de ces fameux programmes de qualité et d'efficience.

J'espère que nous pourrons alors démontrer ensemble que ces programmes sont des instruments de performance comparables, voire - pourquoi pas ? - meilleurs que ceux établis dans le cadre de la loi organique sur les lois de finances.

Enfin, monsieur le rapporteur pour avis, je voudrais calmer vos inquiétudes quant aux conséquences que pourrait avoir l'élargissement de la C3S sur les associations municipales et paramunicipales : ces dernières ne seront pas touchées. La mesure visera seulement les grosses entreprises publiques ayant un chiffre d'affaires supérieur à 750 000 euros, comme la SNCF, la RATP, les ports autonomes, la Poste ; Réseau ferré de France, Voies navigables de France,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tous ceux qui n'ont pas de sous !

M. Alain Vasselle, rapporteur.... et qui n'ont pas de problèmes pour financer les retraites !

M. Philippe Bas, ministre délégué....mais elle ne touchera ni les associations ni les établissements publics des petites communes.

Monsieur le président About, je vous remercie, vous aussi, d'avoir souligné les efforts du Gouvernement pour mettre en oeuvre dès ce projet de loi de financement les avancées notables que permet l'adoption de la loi organique, tels le vote en tableaux d'équilibre et la déclinaison de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie en six objectifs permettant d'accroître la transparence.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Philippe Bas, ministre délégué. S'agissant des améliorations qui sont encore possibles, je vous donne entièrement raison et je partage votre souci : je prends l'engagement devant vous de produire l'année prochaine plus d'explications pour améliorer la transparence de l'information des annexes du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, notamment de l'annexe présentant le cadrage quadriennal des finances sociales.

Je remercie également Mme la sénatrice Marie-Thérèse Hermange pour son appréciation sur la politique familiale à laquelle elle a, plus que beaucoup d'autres, contribué et qu'elle continue à soutenir et à inspirer sur de nombreux points.

Je vous sais gré, madame, d'avoir souligné l'effort du Gouvernement en faveur de la prestation d'accueil du jeune enfant. C'est une prestation qui vous doit beaucoup et qui rencontre un très grand succès puisque, par rapport aux prestations antérieures, elle profitera à 250 000 familles supplémentaires.

Vous posez la question de savoir si les crèches doivent être désormais le mode de garde, sinon exclusif, du moins privilégié. Bien sûr que non ! Il y a beaucoup de chemin à faire avant d'en arriver là. D'ici à 2008, nous allons ajouter 72 000 places de crèche aux 240 000 dont nous disposons actuellement, pour en proposer plus de 300 000 ; mais, sur les deux millions d'enfants en bas âge qui sont gardés, beaucoup le sont par des assistantes maternelles ou grâce à des formules familiales. S'il n'est naturellement pas question de pénaliser ces dernières formules, il est en revanche question de développer l'offre en crèche qui, notamment en milieu urbain, s'avère tout à fait nécessaire, car elle permet au couple d'assurer une biactivité, laquelle est essentielle ; en effet, avec deux revenus par famille, il est possible d'élever davantage d'enfants, et ce dans de meilleures conditions.

Par ailleurs, je ne peux que vous remercier d'avoir aussi souligné l'importance d'une politique de la famille sur le long terme. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous n'avons pas voulu faire des économies remettant en cause notre modèle de politique familiale. Nous savons bien que la branche famille n'est que conjoncturellement en déficit ; dès lors que les prestations sont proportionnelles à l'évolution des prix, alors que les recettes de cette branche évoluent proportionnellement aux salaires, lesquels progressent beaucoup plus vite que les prix, la branche famille va retrouver naturellement l'équilibre d'ici à 2009. (Rires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Claude Domeizel. C'est nouveau !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Je salue l'approbation qui me vient des travées socialistes... En tout cas, ce sont des faits !

M. Guy Fischer. Ce sont des paroles !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous attendons des actes !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ainsi que vous l'avez noté, monsieur Pelletier, ce qui nous inspire pour le redressement de la sécurité sociale, c'est la « responsabilité », laquelle passe par une modification des comportements individuels. C'est la clé de la réussite de la réforme de l'assurance maladie. C'est bien le choix qui a été fait : celui de la maîtrise médicalisée, celui des changements de comportement. Seuls de tels changements permettront un redressement durable de la situation financière en maintenant un haut niveau de protection sociale.

En effet, la réduction des déficits n'est pas une fin en soi ; elle nous permet à la fois de maintenir un haut niveau de protection sociale et de progresser dans un certain nombre de politiques sociales pour faire face aux besoins.

S'agissant de la maladie d'Alzheimer, je voudrais vous dire combien je partage votre préoccupation. Nous allons y répondre largement car, outre le doublement du plan « vieillesse et solidarité », nous entendons créer, entre 2004 et 2007, 20 000 places en établissements d'accueil pour personnes âgées dépendantes. De plus, je rappelle que, lorsque l'on crée un nouvel établissement de soixante places, on est tenu de réserver au moins quinze places pour des malades atteints de la maladie d'Alzheimer. Par ailleurs, nous veillons à ce que les financements pour les maisons de retraite qui accueillent ces malades soient spécifiques, et donc majorés par rapport aux autres maisons de retraite ; en outre, l'année prochaine, le nombre de places en accueil de jour et en hébergement temporaire sera augmenté respectivement de 2 250 et de 1 125 unités : c'est absolument indispensable !

Parallèlement, nous développons les centres de « consultation mémoire » sur tout le territoire national. L'un des grands drames de la maladie d'Alzheimer est en effet de n'être pas diagnostiquée suffisamment tôt. Or, deux ans d'attente, comme c'est le cas en moyenne, pour l'établissement du diagnostic de la maladie entraîne une perte de chances : les personnes non soignées pendant cette durée voient en effet la maladie progresser beaucoup plus vite que si elles avaient disposé d'un traitement adapté.

À tout cela s'ajoute, bien sûr, la création des centres de recherche. Il faut que chaque région en ait un. En 2006, nous poursuivrons donc notre action sur la lancée des années précédentes.

Vous avez évoqué la démographie médicale. Je n'y reviendrai pas longuement. J'indiquerai seulement que ce texte prévoit un certain nombre de dispositions qui permettront de faciliter l'installation des médecins à la campagne.

Madame Desmarescaux, vous avez souligné les efforts de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur des personnes les plus défavorisées. Vous avez raison, et je partage votre attachement profond aux principes de la sécurité sociale, notamment à un accès égal de tous les Français à des soins de qualité. À ce titre, comme vous l'avez souligné, le projet de loi de financement de la sécurité sociale va dans le sens d'une plus grande solidarité grâce, notamment, à la revalorisation du crédit d'impôt pour l'aide à l'acquisition d'une protection complémentaire, grâce aussi à un meilleur accès aux indemnités journalières pour les détenus et aux efforts réalisés en matière d'assouplissement de l'allocation de présence parentale.

Je vous rassure également sur la contribution de 18 euros : elle pèsera non pas sur nos compatriotes, mais sur les organismes d'assurances complémentaires. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Claude Domeizel. C'est vous qui le dites !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame Desmarecaux, vous vous êtes également inquiétée de la mise en oeuvre de la prestation d'accueil du jeune enfant. Je tiens à vous dire que cette prestation, dont j'ai rappelé tout à l'heure le succès, continue à monter en régime. Nous reportons certes la date d'entrée en vigueur de deux ans de la disposition concernant le problème spécifique de la garde des enfants de quatre à six ans, mais, en réalité, les personnes continueront à bénéficier de l'AFEAMA et de l'AGED, et, qui plus est, du crédit d'impôt qui, cette année, sera doublé dans la loi de finances. (Mme Raymonde Le Texier s'exclame.) C'est dire que ces familles verront également leur situation fortement progresser en 2006, malgré cette mesure qui est de sage économie et qui ne pénalise aucune famille.

Monsieur Fischer, vous dénoncez une logique « purement comptable » de l'assurance maladie. Permettez-moi de vous dire que je suis consterné par cette expression : nous faisons exactement le contraire ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ils l'ont tellement fait qu'ils pensent que les autres le font !

M. Philippe Bas, ministre délégué. En effet, nous avons choisi la maîtrise médicalisée. Je note d'ailleurs que vous êtes particulièrement visionnaire, puisque vous voyez tout à la fois dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale l'annonce de la prochaine privatisation de notre assurance maladie et la promesse de son étatisation !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Il faudra choisir, ...

M. Guy Fischer. Non, cela va ensemble !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...car cette appréciation est pour le moins paradoxale !

Monsieur Fischer, nous souhaitons mener les réformes qui sont aujourd'hui nécessaires dans le cadre d'un dialogue avec les professions de santé, et je sais que vous y êtes, vous aussi, particulièrement attaché. Nos efforts sont d'ailleurs récompensés,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...puisque le déficit de l'assurance maladie passera de 11,6 milliards d'euros à 8,3 milliards d'euros en 2005, et continuera à baisser l'an prochain.

Évidemment, il est peut-être difficile pour vous d'accepter que nous réussissions là où les précédentes majorités ont à l'évidence échoué. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. François Autain. Vous réussissez ? Nous ne nous en étions pas aperçus !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Eh oui, cela vous fait mal !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur Fischer, s'agissant du médecin traitant, les médecins généralistes se sont engagés massivement : en effet, 99 % des médecins traitants sont des médecins généralistes. Ils sont à même de traiter directement une partie de la demande de soins qui est orientée actuellement vers les spécialistes. C'est la garantie d'un traitement à la fois de qualité et d'une plus grande rapidité. Mais si vous n'avez pas confiance dans les médecins généralistes, je doute de pouvoir vous convaincre à l'occasion de cette réponse.

Lorsque les médecins généralistes l'estimeront utile, ils adresseront leurs patients à un confrère spécialiste. C'est la garantie d'un parcours de soins médicalement efficace.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Les systèmes de soins de tous les grands pays s'organisent pour créer des parcours de soins cohérents. Je ne vois pas pourquoi la France devrait être le seul pays à ne pas chercher à organiser son système de santé !

M. Francis Giraud. Très bien !

M. François Autain. Comme les Américains ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame Dini, vous vous inquiétez du déficit de la branche famille. Laissez-moi vous rassurer à nouveau : il n'est que conjoncturel. Vous ne voudriez tout de même pas que nous restreignions les droits des familles en prenant des mesures qui diminueraient les prestations, notamment la PAJE !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est le succès de notre politique !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Nos compatriotes souhaitent une politique familiale ambitieuse. Nous avons décidé de mener cette dernière par le système des prestations, mais aussi par cet effort sans précédent de création de places de crèche auquel j'ai fait référence à l'instant.

Quant à la réduction du déficit de l'assurance maladie en 2005, madame la sénatrice, vous l'attribuez essentiellement à l'augmentation des recettes. Cette dernière, si elle est indéniable, n'intervient cependant que pour moitié dans le redressement de l'assurance maladie. En outre, par rapport aux recettes escomptées lors du vote de la précédente loi de financement de la sécurité sociale, nous avons perdu un milliard d'euros en raison d'une conjoncture insuffisamment dynamique. Eh bien, malgré la perte de ce milliard d'euros, notre trajectoire, qui nous menait vers un déficit de l'assurance maladie de 16 milliards d'euros à la fin de l'année 2005, s'est stabilisée à 8,3 milliards d'euros ; j'allais dire « seulement », car c'est encore trop, et telle est la raison pour laquelle il nous faut poursuivre notre effort. (M. Alain Vasselle, rapporteur, applaudit.)

M. François Autain. Quelle réussite ! Je suis impressionné !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame Dini, vous avez cité un sondage réalisé par un grand parti politique : lorsqu'on leur demande s'ils pensent que le médecin traitant permettra une meilleure coordination des soins, 48 % des Français répondent positivement ; quand on pose la question aux seuls médecins généralistes, 52 % partagent cet avis.

M. François Autain. Non, l'enquête de Bayrou ne dit pas cela !

M. Philippe Bas, ministre délégué. C'est dire si cette réforme a été comprise par nos compatriotes et par le corps médical.

Monsieur Cazeau, je ne partage pas votre lecture du rapport de la Cour des comptes,...

M. Claude Domeizel. Vous ne le remerciez pas ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...car, en ce qui me concerne, je n'ai rien à retirer au constat établi par la Cour des comptes.

M. François Autain. Il est plein d'enseignements !

M. Philippe Bas, ministre délégué. En effet, ce constat porte sur la situation que vous nous avez laissée en 2004 (Rires et exclamations prolongées sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - Applaudissements sur les travées de l'UMP) : des dépenses galopantes, puisqu'elles augmentaient chaque année de 5 % à 7 % !

M. Roland Muzeau. Cela fait dix ans que Chirac est président ! Vous vous rendez compte de l'héritage qu'il nous laisse ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Êtes-vous sûrs que les dépenses augmentaient de 5 % à 7 % dans le cadre du juste soin ? Êtes-vous sûrs que chaque euro dépensé était réellement utile à la santé ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !

M. Roland Muzeau. Cela dégénère, monsieur le ministre !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Êtes-vous sûrs que c'est en laissant ainsi filer les dépenses que l'on prépare l'équilibre de l'assurance maladie ? Êtes-vous sûrs que c'est ainsi que l'on assure pour l'avenir aux Français une protection sociale qui pourra résister aux crises ?

Pour ma part, je ne le pense pas, et c'est pourquoi je suis heureux de poursuivre avec Xavier Bertrand l'application de cette réforme de l'assurance maladie qui porte déjà ses fruits.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. François Autain. Cela ne se voit pas que vous êtes heureux !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Et puisque vous parlez de faits, autant évoquer des faits et des chiffres qui sont publics et que tout le monde a acceptés et non pas des chiffres qui ne sont pas les véritables chiffres du redressement de l'assurance maladie.

Vous vous inquiétez de la couverture par l'assurance maladie des soins des Français, et je partage votre souci à cet égard. En 1994, la prise en charge des soins de ville se faisait à 77,7 % par l'assurance maladie. Aujourd'hui, elle se fait à 79,8 %.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Et voilà !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Par conséquent, la couverture d'assurance maladie progresse dans notre pays.

M. François Autain. C'est faux !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Monsieur le sénateur, ces chiffres sont publics, et je vous invite à vous y référer.

M. François Autain. C'est faux, et je vous le démontrerai tout à l'heure !

M. Philippe Bas, ministre délégué. La couverture par l'assurance maladie progresse, parce que nous ne cessons d'intégrer au remboursement de nouveaux médicaments plus efficaces, plus coûteux parce qu'ils sont issus d'une recherche d'avant-garde...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr, ils sont plus utiles !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...et aussi parce que le vieillissement de la population fait que le nombre de personnes bénéficiant aujourd'hui d'une prise en charge à 100 % ne cesse de croître. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Il ne faut pas s'en glorifier, il n'y a pas que des malades en longue maladie.

M. François Autain. Vous avez réduit les aides !

M. Philippe Bas, ministre délégué. L'assurance maladie prend en charge une part croissante des soins des Français ! C'est la vérité, et je vous défie de donner des chiffres contraires à ceux que j'ai cités.

M. François Autain. On va le faire !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Puisque vous aimez les chiffres,...

M. François Autain. Quand ils sont justes !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...rappelons aussi que, grâce au projet de loi de financement de la sécurité sociale que nous vous présentons, nous augmenterons de 9 % les dépenses d'assurance maladie pour les maisons de retraite, de 5 % les dépenses d'assurance maladie pour les établissements médicalisés accueillant des personnes handicapées. En outre, nous financerons 300 000 départs anticipés l'année prochaine, et ces départs anticipés, ce n'est pas vous qui les avez décidés !

Je sais bien que le parti communiste aurait souhaité le faire !

M. François Autain. C'est vrai !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais le gouvernement de l'époque l'a toujours refusé. Pourquoi ? Parce qu'il n'en avait pas les moyens ! Et pourquoi n'en avait-il pas les moyens ? Parce qu'il ne faisait pas la réforme des retraites !

M. Claude Domeizel. Vous non plus, vous ne l'avez pas faite !

M. Philippe Bas, ministre délégué. En effet, à partir du moment où on laisse filer les déficits de l'assurance vieillesse, on ne peut pas financer de nouveaux progrès sociaux. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Madame Demontès, je confirme que le mouvement est bien au redressement. Le déficit des branches famille et vieillesse est temporaire; mais vous ne pouvez pas en même temps nous reprocher ce dernier et dire que vous souscrivez à la prestation d'accueil du jeune enfant et au départ à la retraite anticipée, alors que vous ne les avez pas votés.

Quant à la branche famille, je ne répéterai pas les chiffres, mais ils prouvent que le redressement est en cours et qu'il est rapide. Je ferai la même réponse à M. Domeizel en lui indiquant que le conseil d'orientation des retraites a lui aussi confirmé les effets très positifs de la réforme des retraites adoptée par le Parlement en 2003...

M. Claude Domeizel. Vous vous gardez bien de me répondre !

M. Philippe Bas, ministre délégué. ...et sans laquelle nous n'aurions pas pu financer les départs anticipés.

M. Guy Fischer. Vous allez voir ce que vont faire les retraités : leur colère est grande !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame Campion, non nous ne faisons pas la maîtrise comptable : nous faisons la maîtrise médicalisée. Vous avez montré le bout du nez, dirai-je familièrement, en déclarant que, pour vous, la solution consistait à dégager de nouveaux financements dynamiques et pérennes.

Non, madame la sénatrice, l'avenir de la sécurité sociale, ce n'est pas toujours plus de prélèvements. Ces solutions de facilité qui pénalisent l'économie française et l'emploi ont vécu. La bonne formule, c'est de maîtriser l'évolution de la dépense et de faire en sorte que chaque euro dépensé soit réellement utile à la santé. Telle est la politique que nous menons.

M. Roland Muzeau. Vive la Bourse !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Telle est la politique que nous vous demandons d'approuver dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, car nous refusons absolument d'être condamnés à l'augmentation continue des prélèvements obligatoires ou à la baisse des remboursements. Ce ne serait pas acceptable. Ce n'est pas la bonne méthode, elle ne bonifie pas l'évolution des dépenses. D'ailleurs, si nous suivions cette voie, nous nous retrouverions vite confrontés à de nouveaux déficits. Notre maîtrise est une maîtrise médicale, elle repose sur l'évolution des pratiques professionnelles, sur le juste soin, sur la responsabilité de chacun d'entre nous - nous sommes aussi des assurés sociaux - pour faire en sorte que chaque euro dépensé soit réellement utile à la santé. (Vifs applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures trente.)

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale.

Exception d'irrecevabilité

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Question préalable

M. le président. Je suis saisi, par MM. Fischer et Muzeau, Mme Hoarau, M. Autain et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, d'une motion n° 160, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 2, du Règlement, le Sénat déclare irrecevable le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (n° 63, 2005-2006).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. François Autain, auteur de la motion.

M. François Autain. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, pouvons-nous encore, alors que nous avons célébré cette année le soixantième anniversaire de la sécurité sociale, affirmer que la nation garantit la protection de la santé à tous, notamment « à l'enfant, à la mère et aux vieux travailleurs » ainsi que le prévoit le onzième alinéa de la Constitution de 1946 ?

On peut raisonnablement en douter, même après avoir entendu les propos très incisifs de M. le ministre concernant l'augmentation du taux de prise en charge des soins de ville par les régimes obligatoires de base.

Je constate en effet, monsieur le ministre, que, depuis trente ans, la situation, n'a cessé de se dégrader : le taux de couverture par les régimes de base obligatoires, qui s'élevait à 90 % en 1975, n'est plus aujourd'hui que de 76 %. Cela constitue un excellent baromètre pour apprécier la vitalité d'un système de protection sociale !

Dans le même temps, dix-sept plans successifs ont vu le jour et aucun - pas plus le vôtre, monsieur le ministre, que ceux de vos prédécesseurs - n'est parvenu à restaurer durablement notre système de protection sociale dans la plénitude de ses fonctions historiques et dans le respect de ses équilibres financiers. C'est dire s'il y a lieu de s'inquiéter !

Nous sommes bien obligés de reconnaître que votre politique, contrairement à ce que vous affirmez, n'a rien résolu.

La nouveauté de votre plan, après la réforme des retraites, c'est qu'il a mis en place les outils permettant désormais la privatisation de notre système de santé. En effet, le taux d'évolution quadriennal des dépenses d'assurance maladie - que vous présentez de façon beaucoup trop laconique dans les annexes du projet de loi, monsieur le ministre, je suis d'accord sur ce point avec M. le président de la commission des affaires sociales -, est délibérément très faible afin de rendre inéluctable l'intervention du comité d'alerte créé par la loi d'août 2004, et non moins inéluctables les mesures de déremboursement que ce comité d'alerte sera amené à préconiser : je suis prêt à parier qu'il le fera dès juin 2006.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous l'avez déjà dit l'année dernière !

M. François Autain. Le comité est déjà intervenu, mais il n'a pas proposé de mesures, puisqu'il a estimé que l'objectif ne serait pas dépassé. Or tel n'est pas mon avis, mais nous en reparlerons tout à l'heure !

La réduction du périmètre des soins pris en charge par les régimes obligatoires de base qui en résultera nécessairement sera relayée par un transfert vers les assurances complémentaires - du moins pour ceux qui en auront les moyens -, et le plan « Hôpital 2007 », comme celui qui lui succédera bientôt, viendra compléter le dispositif.

Vous vous inscrivez donc délibérément - mais ce n'est pas étonnant, monsieur le ministre -, dans la logique néolibérale de l'intégration économique européenne qui, à chacune de ses étapes, a eu des conséquences de plus en plus négatives en matière sociale.

L'idée selon laquelle les politiques sociales ne sont que du seul ressort national apparaît de plus en plus comme une fiction. La France est ligotée par ses engagements européens et, pour satisfaire aux critères de convergence et au pacte de stabilité, elle doit présenter un programme pluriannuel de maîtrise des comptes reposant sur la baisse des cotisations et des dépenses sociales.

Cette politique, vous le savez, monsieur le ministre, a été clairement condamnée par les Français lors du référendum du 29 mai dernier, même si dans cet hémicycle beaucoup d'entre vous préfèrent l'oublier.

Dans ces conditions, vous comprendrez, monsieur le ministre, que, après avoir fait campagne pour le « non » au référendum, nous ne puissions accepter de soutenir une politique qui combine la désindustrialisation, les délocalisations, le chômage, les profits boursiers et le démantèlement de l'État social.

Nous ne pouvons accepter d'abandonner aux acteurs économiques des institutions européennes la responsabilité de définir des orientations en matière sociale fondées sur la privatisation et la mise en concurrence de nos systèmes de retraites et de santé, ce qui n'est un gage ni de justice ni de générosité.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la continuité de la réforme de 2004 et poursuit la remise en cause du principe de l'égalité d'accès aux soins, sans lequel il serait illusoire de prétendre que l'on peut durablement sauvegarder la santé de tous.

Les contributions forfaitaires que le Gouvernement multiplie font peser sur les patients une charge croissante de plus en plus difficile à supporter.

La dernière en date est particulièrement scandaleuse et injuste, parce qu'elle porte pour la première fois sur des actes lourds, qui ne sont jamais dispensés à la demande des patients et qui résultent toujours d'une prescription médicale.

L'effet cumulatif de toutes ces contributions peut être dissuasif et conduire les personnes les plus pauvres à renoncer aux soins. Ce faisant, non seulement on prend des risques en matière de santé publique, mais on quitte le champ de la solidarité pour entrer dans une logique assurantielle, où l'on sera d'autant mieux soigné que l'on disposera de ressources plus importantes.

Pour ne prendre qu'un exemple, une coloscopie sous anesthésie générale avec hospitalisation laissera à la charge du patient une somme totale de 33 euros. Ramenée au salaire moyen, c'est plus que ne peuvent supporter un grand nombre de nos concitoyens.

Le Conseil constitutionnel avait pourtant rappelé, dans sa décision sur la loi du 9 août 2004, les limites de l'institution de forfaits en matière de santé : ils ne sont valables que pour autant que le montant de la participation des assurés sociaux « soit fixé à un niveau tel que ne soient pas remises en cause les exigences du onzième alinéa du préambule de la Constitution de 1946 ».

Or la solidarité entre les assurés n'est plus garantie lorsqu'elle est subordonnée à la souscription d'une assurance complémentaire, surtout lorsque les cotisations s'envolent sous l'effet de votre politique, même si l'on peut considérer, comme vous le faites, monsieur le ministre, que les assurances complémentaires n'ont rien à voir avec les assurés. Il n'empêche que ce sont les assurés qui paient les cotisations !

C'est le langage que tiennent tous les représentants des caisses complémentaires, quoi que vous en disiez quand vous vous autorisez à vous exprimer en leur nom sans qu'elles vous aient mandaté pour le faire. J'aurais plutôt tendance à me fier à leurs déclarations plutôt que de vous croire, monsieur le ministre !

L'aide à l'accession à une assurance complémentaire de santé ne saurait nous satisfaire et les dispositions contenues dans ce projet pour son extension n'y changeront rien. Selon nous, après avoir été définis dans des conditions impartiales, les soins utiles et nécessaires doivent être intégralement pris en charge par la collectivité pour assurer, non plus en théorie mais dans les faits, l'égal accès de tous à des soins de qualité.

Non seulement, monsieur le ministre, vous ne respectez pas ce principe fondamental de la sécurité sociale, mais encore vous n'atteignez pas les objectifs que vous vous êtes fixés.

La maîtrise médicalisée sur laquelle reposait la réforme, qui devait modifier les comportements tant des prescripteurs que des assurés, peut en effet d'ores et déjà être considérée comme un échec : le dispositif du médecin traitant rate sa cible en s'avérant à la fois onéreux et complexe, il est loin de remporter, contrairement à ce que vous avez indiqué tout à l'heure, l'adhésion des médecins généralistes. Une majorité d'entre eux - et je ne me contente pas de faire référence au sondage qu'a réalisé François Bayrou -, estiment qu'il n'est pas applicable et qu'il ne permettra pas la maîtrise des dépenses de santé.

Quant au dossier médical personnel - et je m'adresse là directement à Jean-Jacques Jégou, qui vient de publier un rapport dont j'ai lu quelques extraits dans la presse -, sa création devait faire économiser à l'assurance maladie 3 milliards d'euros par an à partir de 2007.

M. Guy Fischer. M. Vasselle a oublié cette promesse !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous sommes en 2005, pas en 2007 !

M. François Autain. Vous vous êtes bien gardés, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, de nous le rappeler, car il s'agit sans doute d'une promesse qui ne pourra pas être tenue, comme tant d'autres...

L'échec de cette politique fondée sur la modification des comportements des acteurs du système de soins est parfaitement analysé dans le dernier rapport de la Cour des comptes, qui ne porte pas uniquement sur des mesures qui ont été prises par le gouvernement précédent mais qui concerne également des mesures que vous avez mises en place.

Je ne prendrai que l'exemple de l'accord de bon usage des soins sur la dénomination commune internationale, contrepartie à l'augmentation des honoraires que vous avez consentie aux médecins lors de votre arrivée au pouvoir. Sur la forme, c'était un simple habillage qui a permis de motiver cette augmentation d'honoraires. Dans les faits, en revanche, ce fut un échec total car la prescription en dénomination commune internationale est pratiquement inexistante : alors que vous envisagiez un taux de 25 %, il est à peine de 7 %. Il s'agit donc bien d'un échec, et vous ne pouvez pas vous dédouaner sur le gouvernement précédent. Même si vous êtes très nombreux à recourir à cette facilité, je pense que peu de personnes y sont encore sensibles.

M. Roland Muzeau. Très bien !

M. François Autain. Cet échec a d'ailleurs été mis en lumière dans le dernier rapport de la Cour des comptes, ce qui aurait dû conduire le Gouvernement à faire preuve d'une plus grande circonspection. Or il n'en est rien, puisque vous récidivez : les partenaires conventionnels viennent de signer deux nouveaux accords de bon usage des soins, et un troisième est en préparation. Il est bien évident que ces accords ne produiront pas de meilleurs résultats que les précédents !

Quant au ralentissement de la hausse des soins de ville, il est sans doute abusif de l'attribuer à la mise en application de la réforme de l'assurance maladie, car il lui était antérieur. (M. Dominique Leclerc, rapporteur, s'exclame.) De plus, il s'agit souvent d'un effet psychologique éphémère que l'on a déjà observé à quatre reprises dans un passé récent et qui, chaque fois, s'est traduit par une stabilisation des déficits : en 1991 avec la création de la CSG, en 1993 avec la loi Teulade, en 1999 avec le plan Juppé et en 1997 avec le plan Aubry. Vous pouvez le constater, il y a à cet égard un certain équilibre entre la droite et la gauche !

Les experts de la CNAM se sont penchés sur ce phénomène, évoquant « des moments de mobilisation collective - en tout cas d'interrogations fortes - autour de reformes qui apparaissaient urgentes en raison de déséquilibres financiers qui faisaient peur ».

La modération de la dépense que nous constatons aujourd'hui relève donc d'un facteur psychologique lié à un effet d'annonce. Il s'agit plus d'une maîtrise politique des dépenses de santé que d'une maîtrise médicalisée.

Il faut être d'autant plus prudent en la matière que la moindre progression des soins de ville correspond à une chute impressionnante des dépenses d'indemnités journalières. Et cette chute, qui a commencé dès 2003, bien avant l'application de la réforme, est beaucoup moins liée à une modification du comportement des médecins qu'à la démographie de la population active, à la conjoncture économique - j'ai ainsi récemment appris que les indemnités journalières sont inversement proportionnelles au nombre de chômeurs, si bien que les perspectives ne sont pas aussi réjouissantes que certains voudraient le croire - et à un renforcement du contrôle des caisses.

En réalité, la stabilisation du déficit à 11,9 milliards d'euros, record historique de 2004 qui sera au mieux égalé en 2005 - de ce point de vue, le Gouvernement ne montre aucune faiblesse - provient moins d'un changement des comportements que d'une augmentation des prélèvements, tous à la charge des assurés.

Enfin, comment ne pas réagir devant l'insincérité flagrante du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ? La ficelle est trop grosse pour que le texte n'encoure pas le reproche d'inconstitutionnalité !

Certes, le Conseil constitutionnel considère que le grief d'insincérité ne saurait justifier un recours. Néanmoins, il a rappelé à plusieurs reprises qu'il lui appartient de « vérifier qu'en l'état des données disponibles le Gouvernement, auteur du projet de loi, n'a pas eu l'intention de fausser les grandes lignes des équilibres financiers qu'il appartient à la loi de financement de dégager ».

Or ces équilibres ont été faussés ! Sciemment ? Involontairement ?

M. Roland Muzeau. Volontairement !

M. François Autain. Oui, volontairement, à en croire certaines déclarations du Gouvernement, dont je citerai plusieurs exemples.

Premier exemple, s'agissant de l'évolution des dépenses d'assurance maladie, le Gouvernement n'avait-il pas annoncé, lors de la réforme de 2004, que l'équilibre des comptes serait réalisé en 2007 ? Un an après, constatant que cet objectif est irréalisable - ce qui n'est pas fait pour nous étonner -, il propose sans plus d'explications un retour à l'équilibre en 2009 : pourquoi 2009 et pourquoi pas 2010 ? Nous l'ignorons ! De plus, il ne s'agit pas d'un équilibre strict, puisqu'il prévoit encore un déficit de 500 millions d'euros.

Il est inutile de dire que cette échéance ne nous paraît pas plus crédible que celle de 2007. Comme je l'ai indiqué tout à l'heure, le taux d'évolution de l'ONDAM pour les quatre années à venir est volontairement sous-évalué, et il n'est pas fait mention des moyens qui permettront de financer les déficits des exercices 2007, 2008 et 2009, chiffrés à 7,9 milliards d'euros, tandis que le recours à la CADES ne sera plus possible.

Par ailleurs, comment ne pas réagir lorsque le Gouvernement soutient que les prévisions d'évolution de l'ONDAM pour 2005 seront respectées ? Cette affirmation se réfère à la valeur de l'ONDAM et non à son pourcentage, elle ne tient pas compte des transferts de charges qui ont conduit à réduire de quelques 800 millions d'euros l'ONDAM initial de 2004, sur lequel sont fondées les prévisions de l'ONDAM pour 2005. En termes de dépenses, l'évolution passe ainsi à 3,8 % au lieu des 3,2 % annoncés.

En tout état de cause, avant de crier victoire - nous aurons sans doute l'occasion d'y revenir tout à l'heure -, le Gouvernement devrait méditer sur les derniers résultats connus.

A la fin du mois de septembre, les dépenses d'assurance maladie marquaient une progression de 4,3 % sur les neuf premiers mois de l'année.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur Autain.

M. François Autain. Je termine, monsieur le président.

Deuxième exemple qui prouve que les équilibres financiers ont été volontairement faussés, les chiffres fournis par la Cour des comptes, par la commission des comptes de la sécurité sociale et par le Gouvernement ne correspondent pas. On est dès lors en droit de se demander si les impératifs posés par le Conseil constitutionnel dans sa décision du 18 décembre 1997 ont été respectés. Et j'en arrive au coeur de mon propos, monsieur le président ! (Sourires.)

En effet, dans son contrôle, le Conseil constitutionnel s'attache à préserver la qualité du travail législatif et à protéger les prérogatives de la représentation nationale « en s'assurant que les informations fournies au Parlement ne sont ni incomplètes ni mensongères ».

En l'espèce, tel n'est pas le cas. C'est plutôt le règne de la confusion, de l'approximation et de l'hétérogénéité.

Ainsi, pour 2004, le déficit de la sécurité sociale pour le régime général est évalué à 13,2 milliards d'euros par la Cour des comptes, alors qu'il ne l'est qu'à 11,9 milliards d'euros par le Gouvernement. Si l'on y inclut le besoin de financement du FSV et du BAPSA pour 2004 - le FFIPSA ne fonctionnait pas en 2004 - on obtient un déficit cumulé de 14,2 milliards d'euros.

Par ailleurs, au 31 décembre 2004, les créances des régimes sur l'État s'élèveraient à 1,942 milliard d'euros pour la Cour des comptes, à 1,515 milliard pour le Gouvernement et à 1 milliard d'euros pour la commission des comptes de la sécurité sociale.

Cette distorsion des chiffres est notamment due à l'insincérité, selon la Cour des comptes, du périmètre des enveloppes de l'ONDAM : cette dernière a relevé des imputations contestables évaluées à 11%. Mais il est vrai que la loi organique a confié à la Cour le soin de certifier l'ensemble des comptes à partir de l'exercice 2006.

Troisième exemple d'insincérité s'agissant des prévisions de recettes, la compensation des exonérations n'est pas assurée. La pérennisation du transfert de recettes à la sécurité sociale n'est pas un gage pour l'avenir et ne résout pas la question des créances de la sécurité sociale sur l'État. De plus, monsieur le ministre, nous ne disposons à ce jour d'aucune évaluation de l'impact de ces mesures sur l'emploi. J'ai d'ailleurs déposé un amendement afin de pourvoir à cette carence.

M. le président. En êtes-vous toujours au coeur de votre propos, monsieur Autain ?

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Voilà un coeur bien consistant ! (Sourires.)

M. le président. Il vous faut en tout cas vraiment conclure, mon cher collègue !

M. François Autain. Je conclus !

Quant aux fonds concourant au financement de la sécurité sociale - peut-être vaudrait-il mieux parler de fonds concourant à son déficit - le Gouvernement les traite avec désinvolture, lorsqu'il ne les ignore pas. L'Etat ne respecte plus le droit et viole délibérément l'article L. 135-3 du code de la sécurité sociale, aux termes duquel « les recettes et les dépenses de ces fonds doivent être équilibrées dans des conditions prévues pas les lois de financement de la sécurité sociale ». Or, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce projet ne prévoit rien à cet égard.

Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, il y a là matière à fonder la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que vous présentent les membres du groupe communiste républicain et citoyen et que je vous demande d'adopter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. M. le ministre étayera sans doute mon argumentation pour s'opposer à la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité que vient de tenter de défendre M. François Autain, sans beaucoup de conviction d'ailleurs puisqu'il a eu du mal à aller jusqu'au bout de son propos.

M. Roland Muzeau. On lui a coupé la parole !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Certaines des informations dont il a fait état sont erronées. Ainsi, il a indiqué que le déficit de la branche maladie était de 13 milliards d'euros. Or, pour obtenir ce chiffre, il faut compter deux fois le Fonds de solidarité vieillesse. Et, pour grossir encore l'addition, il annonce un chiffre de 14 milliards d'euros, toujours en comptant deux fois le FSV et en ajoutant le FFIPSA. Voilà qui explique la différence avec le déficit de 11,9 milliards d'euros prévu par le Gouvernement !

M. François Autain. Ce sont les chiffres de la Cour des comptes !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans sa présentation, la Cour des comptes intègre à la fois le FSV et le FFIPSA !

M. François Autain. Il s'agissait encore du BAPSA !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le montant de 11,9 milliards d'euros retenu par le Gouvernement est donc tout à fait fondé.

Monsieur Autain, je ne reprendrai pas votre argumentation point par point.

M. François Autain. Mais si, faites-le, monsieur le rapporteur. !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Si je le faisais, les chiffres parleraient et il en ressortirait que vous avez tort de ne pas vouloir examiner le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. La démonstration en a d'ailleurs déjà été faite par les différents rapporteurs au cours de la discussion générale.

Dans ces conditions, mes chers collègues, la commission, considérant qu'il n'est pas fondé de suivre la demande présentée par M. Autain, a émis un avis défavorable sur la motion n° 160 tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission.

Monsieur Autain, vous vous demandez si l'on peut affirmer que la nation garantit la santé de tous nos concitoyens, comme le prévoit le onzième alinéa du Préambule de la Constitution.

De nombreux éléments montrent que le projet de loi de financement de la sécurité sociale, loin d'atténuer la manière dont la nation garantit la santé de tous, renforce au contraire la solidarité en faveur de la santé.

Tout d'abord - j'y ai fait référence tout à l'heure - le taux de couverture par l'assurance maladie des remboursements de soins reste très élevé et il est supérieur aujourd'hui à ce qu'il était voilà dix ans.

Ensuite, contrairement à vos affirmations, les 18 euros qui ne seront plus remboursés par la sécurité sociale ne constituent pas un forfait. Personne ne sera amené à renoncer à des soins, puisque les assurances complémentaires et les mutuelles prendront cette contribution à leur charge.

Enfin, la maîtrise médicalisée fonctionne. Mais je n'insiste pas sur ce point, qui a déjà été largement évoqué au cours de la discussion générale.

J'ajoute que ce texte permettra d'augmenter les montants de l'aide à l'acquisition d'une couverture complémentaire et de rétablir le droit aux indemnités journalières pour les détenus. Il apporte donc des progrès dans la couverture des soins.

Pour toutes ces raisons, la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité n'est pas fondée en droit.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 160, tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

Question préalable

Exception d'irrecevabilité
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Première partie

M. le président. Je suis saisi, par MM. Godefroy et Cazeau, Mme Demontès, M. Domeizel, Mmes Campion, Alquier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, d'une motion n° 98, tendant à opposer la question préalable.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l'article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu'il n'y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2006 (n° 63, 2005-2006).

Je rappelle que, en application de l'article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l'auteur de l'initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d'opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n'excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à Mme Patricia Schillinger, auteur de la motion.

Mme Patricia Schillinger. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre collègue Jean-Pierre Godefroy, empêché, m'a chargée de défendre cette question préalable.

Il y a soixante ans naissait la sécurité sociale, fondée à la fois sur la solidarité et sur l'assurance collective. Grâce à elle, des dizaines de millions de Français échappent désormais aux aléas et aux risques majeurs de l'existence. Nous lui devons aussi, en l'espace de quelques décennies, un prodigieux bond de l'espérance de vie.

Pourtant, cet anniversaire a aujourd'hui un goût amer. Symbole de notre modèle social et de notre pacte républicain, la sécurité sociale est aujourd'hui plus que jamais menacée. Le déficit du régime général atteint 11,9 milliards d'euros, dont plus de 8 milliards pour l'assurance maladie et, pour la première fois, les quatre branches sont déficitaires, notamment la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Depuis 2002, les déficits cumulés du régime général atteignent 37,5 milliards d'euros alors que, faut-il le rappeler, le régime général était excédentaire en 2001, et ce pour la troisième année consécutive.

Les déficits cumulés depuis 2002 sous votre gouvernement représenteront bientôt une année entière de fonctionnement de l'assurance maladie. Votre politique est lourde de menaces pour notre protection sociale, car ses conséquences néfastes sur les finances de la sécurité sociale se feront sentir bien au-delà de 2007.

Ce résultat sonne à lui seul l'échec de la réforme de l'été 2004, un échec dont le Gouvernement est conscient puisque d'ores et déjà il a repoussé l'objectif de l'équilibre et que le projet de loi de financement de la sécurité sociale contient toute une nouvelle série de mesures visant à amplifier les efforts pour contenir ce déficit.

Loin d'avoir tiré les leçons de quarante mois d'échecs, le Gouvernement persiste à pénaliser toujours les mêmes et à réserver les mesures les plus injustes aux assurés sociaux et, parmi eux, aux plus fragiles.

D'ailleurs, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale est désavoué par toutes les instances et organisations concernées. Faut-il vous rappeler les avis négatifs de la CNAM, de la CNAV, de l'ACOSS, des mutuelles et des syndicats ? Quant à la CNAF, elle a pour sa part émis un « avis partagé ».

Voilà pourquoi il y a lieu de voter cette question préalable.

Mes collègues ont déjà mentionné les mesures les plus injustes et les plus anti-sociales de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

En 2005, les assurés sociaux ont déjà dû supporter une franchise - pour l'instant fixée à 1 euro - sur les consultations médicales ainsi qu'une hausse du forfait hospitalier de la CSG et de la CRDS.

En 2006, ils supporteront bien pire.

En premier lieu, une franchise de 18 euros est prévue pour les actes lourds d'une valeur supérieure à 91 euros. C'est la première fois que l'on porte atteinte au principe fondamental de la sécurité sociale selon lequel les soins coûteux doivent être totalement pris en charge. Jusqu'à aujourd'hui, les tickets modérateurs et autres franchises ne portaient que sur des soins peu coûteux, avec l'idée d'une responsabilisation des assurés. Or cette nouvelle franchise concerne des soins qui ne résultent jamais d'un choix du patient mais toujours d'une prescription médicale, souvent impérative.

L'assujettissement des plans d'épargne logement aux prélèvements sociaux par anticipation est lui aussi prévu, ainsi que la suppression de la majoration de 1,9 % des indemnités journalières maladie au-delà du sixième mois, que la gauche avait instituée en 1998 pour compenser l'augmentation de la CSG sur ces indemnités journalières.

L'exportabilité du minimum vieillesse serait supprimée, alors que l'ordonnance du 24 juin 2004 simplifiant le minimum vieillesse avait maintenu au moins un étage exportable. Cette mesure touche principalement d'anciens travailleurs maghrébins rentrés au pays.

Il en est de même concernant le renforcement des conditions de résidence désormais exigées pour toucher ce minimum vieillesse.

Enfin, je citerai l'augmentation de la contribution des mutuelles au fond de financement de la CMU complémentaire, ainsi que l'intégration des aides au logement dans les ressources prises en compte pour l'ouverture des droits, qui risque d'amener 60 000 personnes à ne plus bénéficier du dispositif.

Quant à votre politique du médicament, elle devient la variable d'ajustement d'une régulation financière. A ce stade, je me contenterai de dire que nous ne sommes pas favorables à la généralisation du TFR, le tarif forfaitaire de responsabilité, qui fait reposer sur l'assuré le surcoût du princeps.

Une fois de plus, le ratio entre les efforts demandés aux professionnels et les sollicitations dont les assurés sociaux sont l'objet est défavorable à ces derniers. On peut estimer que le rapport est de un à trois !

Progressivement, une médecine à deux vitesses s'installe dans notre pays. Cette situation annonce pour l'avenir d'autres reculs et d'autres inégalités. Elle préfigure des charges toujours plus lourdes pour les générations futures.

La démographie médicale est un problème présent et à venir, monsieur le ministre : est-il normal qu'une agglomération de 100 000 habitants - de la taille de Cherbourg, par exemple - n'ait pas de pédiatre ? De nombreux exemples illustrent cette disparité de répartition des professionnels de santé sur notre territoire.

L'égal accès aux soins sur tout le territoire est un défi majeur, et les mesures financières incitatives prises jusqu'à maintenant ne suffiront pas pour régler ce problème. Il faut être plus directif : c'est la répartition des équipements, des médecins et des spécialités qu'il faut totalement remettre à plat, la démographie médicale étant sans aucun doute le plus grand et le plus urgent des chantiers.

Les questions de la liberté d'installation et de la rémunération des médecins ne doivent plus être taboues.

Pour en revenir à la construction comptable de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, première application de la loi organique votée cet été, vos prévisions de déficit pour 2005 et 2006 ne sont pas optimistes, monsieur le ministre : elles sont mensongères ! La baisse des déficits que vous affichez n'est que fictive. Ce n'est pas le déficit qui baisse, ce sont les prélèvements qui augmentent et les remboursements qui diminuent. Quant à vos prévisions pour la période allant de 2007 à 2009, elles ne sont crédibles pour personne tant vous tablez sur des prouesses.

Une autre prouesse est la manipulation comptable à laquelle le Gouvernement se livre sur la question des exonérations de charges sociales et leur compensation. Nous avons déjà eu un long débat sur ce sujet cet été, et nous confirmons notre position : oui sur le principe, mais non sur la méthode que vous proposez via l'article 16 de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et l'article 41 du projet de loi de finances.

Le système proposé, qui consiste à transférer à la sécurité sociale le produit d'un certain nombre de taxes - taxe sur les salaires, TVA sur les médicaments, etc. - est mauvais. Non seulement il est acquis que ces recettes fiscales seront moins dynamiques que les allégements de charges, mais il est également fort probable que le manque à gagner que subira la sécurité sociale s'aggravera irrémédiablement au fur et à mesure de la disparition quasi annoncée de certaines taxes et des allégements supplémentaires décidés chaque année.

Si compensation il doit y avoir, elle doit se faire via un prélèvement sur recettes qui permette l'équilibre.

J'en arrive à la branche accidents du travail et maladies professionnelles.

Comment ne pas s'étonner du traitement purement comptable proposé pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles dans ce projet de loi de financement ? A peine trois articles lui sont consacrés, quatre si l'on considère l'augmentation annoncée par décret de 0,1 point du taux des cotisations employeurs, relèvement qui apparaît incontestablement insuffisant puisque les comptes de la branche restent présentés avec un déficit de 200 millions d'euros en dépit du principe d'équilibre posé par l'article L. 242-5 du code de la sécurité sociale.

On retire de ce texte l'impression qu'il ne se passe rien, alors même que les rapports et les ouvrages traitant des questions relevant de cette branche se multiplient - le rapport de la mission commune d'information du Sénat sur le bilan et les conséquences de la contamination par l'amiante entre autres - et que la situation s'aggrave de jour en jour sur le front des maladies professionnelles.

Vous le savez, monsieur le ministre, chers collègues, l'amiante est à l'origine de 35 000 décès depuis 1960 et est susceptible de faire au moins 100 000 victimes supplémentaires dans les années à venir. Dans les vingt prochaines années, ce sont entre 27 milliards et 37 milliards d'euros que nous devrons consacrer à la prise en charge et à l'indemnisation des victimes et de leurs familles. Le problème de financement qui se pose à nous est crucial pour l'avenir. Dès aujourd'hui, nous prenons du retard.

Pourquoi ce projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoit-il que 365 millions d'euros de ressources pour le fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante, le FIVA, alors que les besoins sont estimés à au moins 450 millions d'euros pour l'année prochaine ?

Ces moyens sont d'autant plus restreints que le barème d'indemnisation, voté par le conseil d'administration grâce aux voix du MEDEF, est jugé incohérent et beaucoup trop faible par l'ANDEVA, l'Association nationale des victimes de l'amiante, dont les juristes conseillent souvent le recours au tribunal des affaires de sécurité sociale ou la contestation de la décision du FIVA devant la cour d'appel.

Il résulte de cette situation une explosion des indemnisations lorsque la faute inexcusable de l'employeur est démontrée.

L'indemnisation d'un mésothéliome peut varier selon un rapport de 1 à 36, mais aussi selon le ressort de la cour d'appel. La charge financière de ces indemnisations obtenues devant les tribunaux revient alors le plus souvent à la collectivité, le FIVA ne parvenant pas à se faire rembourser par les employeurs les sommes versées, faute notamment des personnels suffisants au sein de son service contentieux.

La situation du FCAATA, le fonds de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, n'est pas vraiment meilleure.

Depuis la mise en place du dispositif, le taux annuel moyen d'évolution des charges du fonds est deux fois supérieur à celui de ses produits. Les comptes pour 2003 et 2004 se sont soldés par un déficit, et les réserves du fonds sont aujourd'hui quasiment nulles. Face à la progression importante et continue du nombre de bénéficiaires de l'ACAATA, l'allocation de cessation anticipée d'activité des travailleurs de l'amiante, et du poids du fonds, certains proposent d'en restreindre l'accès, notamment en le réservant aux seuls salariés malades. La mission du Sénat s'est prononcée très clairement contre une telle proposition et je vous mets en garde, monsieur le ministre, contre cette tentation.

M. Claude Domeizel. Vous avez raison !

Mme Patricia Schillinger. Incontestablement, le poids des fonds relatifs à l'amiante sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles s'est fortement accru depuis leur mise en place en 2000 et 2001. Ainsi, la branche accidents du travail et maladies professionnelles assurait 95 % du financement de ces fonds en 2004 contre 77 % en 2000, ce qui explique en partie son déficit.

Se pose alors la question de la part de l'État, à la fois comme employeur et comme responsable défaillant. Vous le savez, la mission du Sénat estime cette part à 30 % : on en est très loin !

Toujours en ce qui concerne les maladies professionnelles, deux rapports du ministère du travail - l'enquête SUMER de la direction régionale du travail et le rapport de la direction de l'animation de la recherche, des études et des statistiques - ont montré cet été une situation d'une extrême gravité, lourde de menaces pour l'avenir de la branche.

Aujourd'hui, plus de deux millions de salariés, soit 13,5 % de la population active, sont exposés à un ou plusieurs produits cancérogènes. Parmi eux, 180 000 personnes sont exposées à des produits reprotoxiques, tels que le benzène et les éthers de glycol, et 186 000 sont exposés à des produits mutagènes tels que le plomb et ses dérivés. Il en est de même pour les troubles musculo-squelettiques, qui connaissent eux aussi une forte évolution et constituent la première maladie professionnelle en France, entraînant 50 % des maladies professionnelles ayant conduit à un arrêt de travail.

Il ne faut pas oublier non plus les troubles psychiques et mentaux liés au stress. Avec l'accélération des cadences et la pression sur les résultats, une augmentation des dépressions et des troubles du comportement se manifeste depuis plusieurs années.

Il n'est pas possible d'invoquer, en matière de maladies professionnelles, une absence d'information de l'ensemble des acteurs concernés sur les évolutions futures, ni même une carence en matière de propositions, qu'il s'agisse de l'incitation à la prévention, de la tarification ou de la réparation. Les experts s'accordent tous au moins sur un point : le pire est devant nous.

La focalisation sur les maladies professionnelles depuis le drame de l'amiante ne doit pas faire oublier les accidents du travail. Ceux-ci sont globalement en baisse de 5 % en 2003 par rapport à 2002, mais leur gravité augmente, essentiellement dans les transports - plus 7 % - et dans les entreprises de travail temporaire.

D'ailleurs, ce qui est significatif lorsque l'on étudie de près les statistiques des accidents du travail, c'est le lien entre précarité et augmentation de la fréquence et de la gravité de ces accidents. Ce n'est pas la politique de précarisation de l'emploi menée par votre gouvernement qui améliorera la situation.

Le problème pour la branche accidents du travail et maladies professionnelles est le peu d'intérêt des employeurs à mettre en oeuvre une politique de prévention, les risques étant mutualisés à 80 %.

Il faut aller vers une individualisation plus grande des cotisations pour accidents du travail et maladies professionnelles afin d'inciter les entreprises à renforcer la prévention. Le plan de santé au travail présenté par votre collègue Gérard Larcher au début de l'année 2005 n'est pas une réponse suffisante.

A cet égard, il faut souligner que la seule mesure effective et tangible prise par le Gouvernement en matière d'accidents du travail et de maladies professionnelles a été la réduction uniforme de 2,2 % à 2,185 % du taux de cotisation des employeurs, alors que le déficit s'installait et que nous étions en pleine crise de l'indemnisation des victimes de l'amiante.

De fait, cette décision voulue par le MEDEF a constitué une prime aux entreprises qui ne font aucun effort de prévention. Et vous avez reconnu un peu tard, monsieur le ministre, que « ce système n'a plus aucune vocation préventive ». Cela ne vous empêche pas de prévoir, par arrêté, une hausse de 0,1 % des cotisations patronales pour 2006 à titre conservatoire, mais à nouveau de manière uniforme. Ce n'est qu'un palliatif comptable, mais cela évite d'aborder le problème de fond !

Il en est de même pour l'article 50, qui prévoit un versement de 330 millions d'euros de la branche accidents du travail maladies professionnelles à la branche maladie, en raison de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance chronique des affections d'origine professionnelle. De l'avis général, ce montant est sous-évalué. Dans le rapport de la Cour des comptes, il est indiqué que les seules dépenses d'hospitalisation liées à cette sous-imputation s'élevaient à 300 millions d'euros en 2002. De plus, la commission prévue par l'article L. 176-2 du code de la sécurité sociale, présidée par Noël Diricq, a rendu au mois de septembre dernier son rapport dans lequel le coût réel de cette sous-imputation est évalué dans une fourchette comprise entre 365 millions d'euros et 749 millions d'euros.

Le Gouvernement a donc choisi de sortir de cette épure et de maintenir la dotation au niveau des trois années précédentes. Vous devez vous en expliquer, même si, au demeurant, cet expédient ne résout pas les questions de fond.

La santé au travail est désormais une question décisive, tant pour la santé des Français que pour le financement de la sécurité sociale. Elle mérite d'être refondée avec l'ambition de réconcilier le monde de l'entreprise avec la santé publique. Le chantier est immense ! Avec plus d'un an de retard, le MEDEF vient enfin d'accepter d'engager des négociations avec les organisations syndicales ; il va falloir être vigilant, monsieur le ministre !

En conclusion, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 ne répond en rien aux préoccupations du moment ...

M. Claude Domeizel. Vraiment pas du tout !

Mme Patricia Schillinger. ... ni à celles de l'avenir. C'est un PLFSS qui franchit une étape supplémentaire dans la privatisation de l'assurance maladie avec la restriction constante du périmètre de prise en charge par le régime obligatoire, élargissant encore un peu plus le champ d'intervention du privé.

C'est pourquoi nous vous proposons, mes chers collègues, d'adopter cette question préalable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mme Patricia Schillinger, qui n'a pas adopté les éléments de la réforme 2004 ni ceux de la réforme de 2005, n'a pas dû prendre connaissance avec suffisamment d'attention ceux du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Sinon, elle ne se serait pas exprimée ainsi qu'elle l'a fait ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. Qu'est-ce qui vous fait dire cela ?

M. Roland Muzeau. Ce n'est pas un argument !

M. François Autain. Vous nous décevez !

M. Alain Vasselle, rapporteur. A moins qu'elle n'ait été sourde aux propos tenus par les ministres qui sont venus devant la commission des affaires sociales s'exprimer tant sur la politique du médicament que sur la médecine à deux vitesses qu'elle entend dénoncer.

Le Gouvernement veut faire tout le contraire : il souhaite veiller à un égal accès aux soins pour tous nos concitoyens, améliorer la « solvabilisation » de nos concitoyens en la matière. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Madame Schillinger, il est bon de rappeler quelques vérités, même si certains considéreront que c'est peut-être agir avec un peu de cruauté : c'est avec Martine Aubry...

M. Guy Fischer. Ah ! Elle vous manquait celle-là !

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... qu'une politique de santé à deux vitesses a été mise en place ! En effet, en créant la couverture maladie universelle complémentaire, la CMUC, elle a laissé sur le bord du chemin les détenteurs du minimum vieillesse et les handicapés (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), puisque, en raison d'un effet de seuil, ces derniers n'ont pu en bénéficier !

Qu'a fait l'actuel gouvernement ? Il a rattrapé cette erreur magistrale du gouvernement Jospin ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Alain Gournac. C'est exact !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans le PLFSS pour 2006, nous confortons celles et ceux qui se trouvent au-dessus du seuil de la CMUC pour leur permettre, justement, d'être « solvabilisés » dans l'accès aux soins. Ce seul exemple démontre, si cela était nécessaire, que votre question préalable n'est en aucun point justifiée.

S'agissant de démographie médicale, le ministre a tout à l'heure expliqué quelle était la volonté du Gouvernement dans ce domaine et personne ne peut contester ses propos quand il dit qu'aujourd'hui la répartition des médecins n'est pas satisfaisante sur le territoire national. Chacun en a conscience, le Gouvernement le premier, et c'est la raison pour laquelle des dispositions ont été prévues dans le projet de loi relatif aux territoires ruraux pour remédier à cette situation. Et, s'il est nécessaire d'aller plus loin, le Gouvernement et la majorité parlementaire de ce pays n'hésiteront pas !

S'agissant des exonérations de charges, grâce au combat que nous avons mené - avec vous, d'ailleurs -, nous allons obtenir, dans le cadre du PLFSS pour 2006 et pour la première fois - même si nous ne respectons pas à la lettre le principe de la compensation intégrale -, la compensation quasi intégrale des exonérations de charges. Jusqu'à aujourd'hui, cela ne s'était jamais vu, ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. ... quels que soient les gouvernements qui se sont succédé.

Il est un peu facile de dénoncer aujourd'hui l'absence de compensation intégrale, alors qu'aucune disposition n'a été prise en ce sens lorsque vous aviez le pouvoir.

M. Gérard Dériot, rapporteur. C'est vrai !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Au contraire, Martine Aubry s'était affranchie des remarques du Conseil constitutionnel et avait dû déposer ensuite un projet de loi pour corriger la situation.

Enfin, vous avez dit que la baisse affichée des déficits était fictive. Mais les chiffres parlent d'eux-mêmes !

M. Guy Fischer. Et alors ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Si une partie des recettes permet effectivement d'améliorer le déficit, les résultats de la maîtrise médicalisée pour l'exercice 2005 y contribuent très largement, au moins pour moitié !

Les chiffres sont en tout cas en complète contradiction avec les affirmations qui ont été les vôtres, madame Schillinger, pour justifier votre question préalable.

M. Claude Domeizel. C'est vous qui êtes en contradiction avec ce que vous avez dit dans la discussion générale !

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est la raison pour laquelle, mes chers collègues, vous comprendrez que nous ne puissions pas vous suivre dans votre proposition et que nous demandions au Sénat de rejeter la motion n° 98.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Madame la sénatrice, vous ne serez pas surprise que je m'associe entièrement aux propos que M. Vasselle vient de tenir.

M. Claude Domeizel. Effectivement, nous ne sommes pas surpris du tout !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Décidément, votre groupe est fâché avec les chiffres !

M. Claude Domeizel. Vous aussi !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Mais, rassurez-vous, je ne me lasserai pas de vous les rappeler.

Le déficit a été réduit à 11,6 milliards d'euros en 2004, à 8,3 milliards d'euros en 2005, soit une baisse de 25 %, et sera encore réduit, en 2006, à 6,1 milliards d'euros. Un tel effort n'a d'équivalent dans la réduction d'aucun déficit public : connaissez-vous un seul budget public qui fasse l'objet d'une pareille réduction de son déficit ?

S'agissant de la couverture médicale universelle complémentaire, le projet de loi de finances répond à votre préoccupation puisque le Gouvernement a présenté un amendement qui a été adopté et qui permet qu'aucun bénéficiaire de la CMU ne soit exclu de ce dispositif.

Quant aux plus démunis, j'ai déjà indiqué les mesures que nous avions prises pour revaloriser sensiblement l'aide à l'accession d'une couverture complémentaire, laquelle s'élèvera à 400 euros pour les plus de soixante ans, soit une hausse de 60 %.

Tels sont les éléments que je voulais vous apporter pour répondre à quelques uns des arguments que vous avez invoqués et pour inviter le Sénat à repousser cette question préalable.

M. le président. Je mets aux voix la motion n° 98, tendant à opposer la question préalable.

Je rappelle que l'adoption de cette motion entraînerait le rejet du projet de loi.

(La motion n'est pas adoptée.)

M. le président. En conséquence, nous passons à la discussion des articles.

Nous allons tout d'abord examiner la première partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l'exercice 2004.

PREMIÈRE PARTIE

Question préalable
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Art. 1er

DISPOSITIONS RELATIVES À L'EXERCICE 2004

Première partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Art. 2 et annexe A

Article 1er

Au titre de l'exercice 2004, sont approuvés :

1° Le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

 

Maladie

133,4

145,0

- 11,7

 

Vieillesse

147,9

147,3

0,6

 

Famille

48,7

49,0

- 0,3

 

Accidents du travail et maladies professionnelles

10,1

10,2

- 0,1

 

Toutes branches (hors transferts entre branches)

335,3

346,8

- 11,5

;

2° Le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de la sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

 

Maladie

113,4

125,0

- 11,6

 

Vieillesse

75,2

74,9

0,3

 

Famille

48,2

48,6

- 0,4

 

Accidents du travail et maladies professionnelles

8,8

9,0

- 0,2

 

Toutes branches (hors transferts entre branches)

240,9

252,8

- 11,9

;

3° Le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Recettes

Dépenses

Solde

 

Fonds de solidarité vieillesse

13,4

14,0

- 0,6

 

Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

0,1

0,1

0,0

;

4° Les dépenses constatées relevant du champ de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, s'élevant à 130,2 milliards d'euros ;

5° Les recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites, s'élevant à 2,2 milliards d'euros ;

6° Le montant de la dette amortie par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, s'élevant à 3,3 milliards d'euros.

M. le président. L'amendement n° 206, présenté par MM. Fischer, Autain et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le tableau figurant au 3° de cet article par une ligne ainsi rédigée :

BAPSA

- 0,7

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Si le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles a été créé par l'article 40 de la loi de finances pour 2004, il n'a pu, pour des raisons techniques, être mis en oeuvre dès le 1er janvier 2004. Par conséquent, sauf erreur de ma part, le BAPSA existait encore à cette date et il a même fallu prolonger l'activité de ce budget annexe jusqu'au 31 décembre 2004.

Pour les mêmes raisons qui font que le bilan du FFIPSA figure dans les dispositions relatives à l'exercice 2005, je m'étonne que le bilan du BAPSA ne figure pas dans les dispositions relatives à l'exercice 2004, d'autant plus qu'il a contribué à une aggravation du déficit à hauteur de 700 millions d'euros.

Par conséquent, ne serait-ce que par symétrie avec le 3° de l'article 3 relatif à l'année 2005 - et pour assurer une meilleure information des parlementaires, car une bonne information conditionne les bonnes décisions -, je souhaite, par cet amendement, intégrer le déficit du BAPSA dans le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement de la sécurité sociale.

Permettez-moi de revenir sur mon intervention précédente, car j'ai l'impression de ne pas avoir été très bien compris.

M. Gérard Dériot, rapporteur. Ah !

M. François Autain. Mais peut-être ne me suis-je pas très bien exprimé ! Je vais donc m'efforcer d'être un peu plus clair.

J'ai recensé tous les chiffres proposés pour l'ONDAM 2004 par les différents organismes.

Il s'élève à 129,7 milliards d'euros dans le rapport de la Cour des comptes, à 130,2 milliards d'euros dans le projet de loi, et, selon le rapporteur de l'Assemblée nationale - on peut bien en parler, c'est l'un de nos collègues ! - à 129,9 milliards d'euros

En revanche, dans son annexe 7, le Gouvernement fournit non pas un chiffre, mais un pourcentage d'augmentation : 4,9 % par rapport à l'ONDAM 2003.

L'ONDAM 2004 s'élève enfin à 130,1 milliards d'euros pour la commission des comptes de la sécurité sociale, et à 131 milliards d'euros pour le rapporteur de la commission des affaires sociales.

Il est d'autant plus difficile de s'y retrouver que ces chiffres ne coïncident pas !

M. Alain Gournac. C'est terrible !

M. François Autain. Je veux bien être bienveillant, indulgent, mais il faudrait quand même mettre un peu d'ordre, afin que les différents intervenants dans l'analyse des comptes se basent sur les mêmes chiffres !

Pis, lorsque je compare le taux d'augmentation de l'ONDAM 2004 avec celui qui est prévu pour 2005, ce n'est plus 3,2 % ni 3,8 %, mais 3,61 % !

A partir de 2007, je sais bien que le juge de paix - en l'espèce la Cour des comptes - va enfin mettre tout le monde d'accord, mais, d'ici là, il serait bon que le Gouvernement s'efforce de produire des chiffres fiables, qui puissent être certifiés !

C'est précisément pour parvenir à serrer au plus près la réalité que j'ai déposé cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. En commission, nous avons déjà expliqué à M. Autain que sa proposition n'avait pas de raison d'être dans le cadre du projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour 2006.

En effet, M. Autain fait référence au BAPSA, lequel a été remplacé par le FFIPSA le 1er janvier 2005. En 2004, le BAPSA existait certes encore, mais nous avons examiné son financement non pas lors de la discussion du projet de loi de financement pour la sécurité sociale, mais lors de l'examen du projet de loi de finances.

Conformément aux dispositions de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale et compte tenu du changement de terminologie du BAPSA, la commission estime que cet amendement est irrecevable dans le cadre du présent projet de loi. Je parle sous le contrôle du Gouvernement, et sans doute M. le ministre pourra-t-il nous dire s'il partage l'analyse qui est la mienne.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Roland Muzeau. M. le ministre va parler librement !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement ne se hasarderait pas à contrôler le rapporteur de la commission des affaires sociales, lequel a fort bien expliqué la situation !

M. François Autain. Il n'a pas dit grand-chose !

M. Philippe Bas, ministre délégué. J'ai peu à ajouter à ce qu'il a dit : comme vient de l'indiquer M. le rapporteur, le BAPSA a été remplacé par le FFIPSA. C'était un budget annexe de l'État qui relevait, à ce titre, du champ d'application du projet de loi de finances. Son déficit n'avait donc pas à être inscrit dans les comptes de la sécurité sociale, pour cette seule et unique raison.

En réalité, monsieur le sénateur, les éléments que vous voulez voir figurer dans le tableau d'équilibre sont répertoriés dans l'annexe 8 que j'ai entre les mains.

M. François Autain. Moi aussi, je l'ai !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Alors, vous pouvez constater que le bilan d'ouverture du FFIPSA au 1er janvier 2005 y figure !

Par conséquent, le Gouvernement est défavorable à cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je n'ai pas du tout été convaincu par l'argument que M. le ministre vient de développer, qui n'est d'ailleurs pas vraiment différent de celui que M. le rapporteur a avancé.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est un argument technique !

M. François Autain. Que je sache, le FFIPSA dépend aussi du projet de loi de finances puisqu'il a le même statut que le BAPSA.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ah non ! Pas depuis la loi organique !

M. François Autain. Depuis l'adoption de la loi organique, le BAPSA ...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Le BAPSA n'existe plus ! Il a été remplacé par le FFIPSA !

M. François Autain. Mais il existait en 2004 ! Vous voulez faire en sorte que cet organisme qui existait en 2004 ne figure pas dans le bilan de l'exercice de 2004. C'est une attitude que je n'arrive pas à comprendre !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il y figurera l'année prochaine, mais pas cette année !

M. François Autain. Voulez-vous ainsi masquer un déficit, monsieur le ministre ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Consultez la page 16 de l'annexe 8 !

M. François Autain. Je l'ai lue, monsieur le ministre, mais elle ne m'a pas convaincu et je ne vois pas pour quelle raison vous êtes défavorable à mon amendement.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Pour des raisons juridiques et comptables !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 206.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 60, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Dans le 4° de cet article remplacer le chiffre :

130,2

par le chiffre :

130,1

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Cet amendement répond à la seconde partie de l'argumentation de M. Autain : il vise à clarifier des chiffres qui étaient quelque peu divers et variés.

Il s'agit, monsieur le ministre, de mettre en cohérence les dispositions du projet de loi de financement pour la sécurité sociale avec le rapport de la commission des comptes de la sécurité sociale, établi en septembre 2006, ainsi qu'avec les données qui figurent dans les annexes au projet de loi de financement pour la sécurité sociale et avec les réponses transmises par les services de votre ministère aux questionnaires de la commission des finances selon lesquelles les dépenses constatées relevant du champ de l'ONDAM, au titre de l'exercice 2004, s'élèvent à 130,1 milliards d'euros et non pas à 130,2 milliards d'euros. Il y a tout de même là une différence de 100 millions d'euros !

M. François Autain. Merci, monsieur Jégou !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Je reconnais bien là la préoccupation de la commission des finances, qui a une culture des comptes différente de la nôtre. Toutefois, depuis le vote de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, la commission des affaires sociales devrait avoir le même souci de précision.

M. François Autain. Cela va changer !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Dans la loi de finances, on va très loin dans le détail des comptes !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Ce sont tout de même 100 millions d'euros !

M. Alain Vasselle, rapporteur. J'ai d'ailleurs indiqué, dans mon rapport, qu'il n'était pas heureux que le Gouvernement présente des comptes à 100 millions d'euros près. Nous devons être aussi rigoureux et précis dans le projet de loi de financement pour la sécurité sociale que dans le projet de loi de finances.

C'est la raison pour laquelle je ne m'opposerai pas à l'amendement de la commission des finances.

Certes, nous n'avons pas déposé un tel amendement, mais nous voulions donner encore une année de répit au Gouvernement pour s'adapter à la nouvelle loi organique. Néanmoins, la commission des finances l'ayant fait, la commission des affaires sociales, très orthodoxe, émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement félicite la commission des finances et émet un avis favorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je tiens à remercier M. Jégou : avec cet amendement, il m'a donné raison !

Toutefois, il n'a malheureusement apporté aucune réponse à la disparité entre les chiffres et n'a pas formulé de proposition visant à éviter qu'une telle situation ne se reproduise l'année prochaine. Il est vrai que nous pouvons corriger a posteriori certains chiffres erronés, mais je préférerais que nous disposions d'emblée de chiffres identiques et fiables de nature à éclairer nos débats et notre vote.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 60.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° 205, présenté par MM. Fischer, Autain et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un alinéa ainsi rédigé :

... ° le montant total des créances des régimes de sécurité sociale sur l'État s'élevant à 1,5 milliard d'euros.

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Il s'agit de créer les conditions qui permettent une bonne visibilité des comptes de la sécurité sociale en inscrivant le montant total des créances des régimes de sécurité sociale sur l'État.

J'ai lu dans l'annexe que vous brandissiez tout à l'heure, monsieur le ministre, que le Gouvernement estimait ce montant à 1,5 milliard d'euros. J'ai donc repris ce chiffre plutôt que celui qui a été retenu par la Cour des comptes, à savoir 1,9 milliard d'euros, car je n'ai pas voulu accabler les finances de l'État, qui sont déjà suffisamment sollicitées par ailleurs.

Il est absolument nécessaire que la représentation nationale connaisse chaque année le montant des créances des régimes de sécurité sociale sur l'État. Il serait mieux, certes, qu'il n'y ait plus de telles créances, mais, tant qu'elles existeront, plutôt que de les cacher dans des annexes, il faut les faire figurer de manière transparente dans le projet de loi de financement pour la sécurité sociale pour l'exercice de l'année considérée, en l'occurrence ici l'exercice de 2004.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales partage avec M. Autain et ses collègues le souci de transparence des comptes, s'agissant notamment des créances des régimes de sécurité sociale sur l'État.

Sur le principe, la commission est plutôt encline à s'en remettre à la sagesse de la Haute Assemblée. Cependant, dans son exposé des motifs, M. Autain a soulevé une interrogation : les créances s'élèvent-elles à 1,5 milliard d'euros ou à 1,9 milliard d'euros ?

Il serait imprudent que nous avancions tel chiffre plutôt que tel autre sans avoir pu auparavant le vérifier. En effet, d'un côté, si nous inscrivons 1,5 milliard d'euros, M. Autain sera le premier, l'année prochaine, à dénoncer le fait que la sécurité sociale a perdu 400 millions d'euros et, de l'autre, si nous inscrivons 1,9 milliard d'euros, nous serons obligés d'apporter un correctif dont nous aurions pu nous passer.

C'est la raison pour laquelle j'aimerais connaître l'avis du Gouvernement sur ce point.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Cet amendement vise le tableau d'équilibre, qui n'a pas à faire figurer les créances de la sécurité sociale sur l'État pour une bonne et simple raison : ces créances n'infléchissent pas l'équilibre.

Nous avons, pour la sécurité sociale, une comptabilité en droits constatés. Quel que soit le moment du recouvrement d'une quelconque créance de la sécurité sociale, elle n'affecte pas l'équilibre des comptes.

C'est la première raison pour laquelle le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

Par ailleurs, ce débat aurait pu avoir lieu lors de la discussion du projet de loi organique relatif aux lois de financement de la sécurité sociale. En effet, la loi organique du 2 août 2005 ne prévoit pas - et n'a pas de raison de le prévoir, pour les motifs que je viens d'indiquer - de faire figurer dans le tableau d'équilibre des comptes de la sécurité sociale les créances de la sécurité sociale sur l'État... ou sur d'autres débiteurs, car il peut y en avoir d'autres.

En revanche, l'article 17 de cette même loi permet au Parlement de disposer deux fois par an, avant la fin des mois de janvier et de juillet, d'un état semestriel des sommes restant dues par l'État aux régimes obligatoires de base de la sécurité sociale, ce qui permet un suivi de l'évolution de ces créances. La Haute Assemblée bénéficiera donc naturellement de cette information.

En conséquence, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je regrette que le Gouvernement s'oppose à l'inscription de ce déficit dans le tableau d'équilibre.

En revanche, j'aurais aimé que M. le ministre nous précise s'il avait l'intention de régler cette créance, et dans quel délai. En effet, la faire clairement figurer implique qu'on n'a pas l'intention de s'en libérer. C'est une des raisons pour lesquelles j'aurais aimé que ce montant soit inscrit en toutes lettres dans le texte.

Je regrette, je le répète, que cet amendement n'ait pas recueilli l'adhésion du Gouvernement et que la nouvelle loi organique ne nous permette pas de prévoir une telle disposition.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 205.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)

Art. 1er
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Vote sur l'ensemble de la première partie

Article 2 et annexe A

Est approuvé le rapport figurant en annexe A à la présente loi décrivant les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés à l'occasion de l'approbation, à l'article 1er, des tableaux d'équilibre relatifs à l'exercice 2004.

ANNEXE A

Rapport décrivant les mesures prévues pour l'affectation des excédents ou la couverture des déficits constatés sur l'exercice 2004

I. - Pour le régime général, l'exercice 2004 fait apparaître un déficit de 11,9 milliards d'euros. Il porte essentiellement sur la branche maladie.

1. Couverture du déficit de la branche maladie

Pour cette branche, le déficit de 11,6 milliards d'euros a été couvert par des versements de la Caisse d'amortissement de la dette sociale (CADES).

L'article 76 de la loi n° 2004-810 du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie a en effet prévu que la couverture des déficits cumulés de la branche maladie au 31 décembre 2003 et du déficit prévisionnel au titre de l'exercice 2004 serait assurée par des transferts de la Caisse d'amortissement de la dette sociale à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale à hauteur de 10 milliards d'euros le 1er septembre 2004 et dans la limite de 25 milliards d'euros au plus tard le 31 décembre 2004.

Ainsi, quatre versements ont été effectués par la CADES en 2004 pour un montant total de 35 milliards d'euros en 2004 :

- 10 milliards d'euros le 1er septembre 2004 ;

- 7 milliards d'euros le 11 octobre 2004 ;

- 9 milliards d'euros le 9 novembre 2004 ;

- 9 milliards d'euros le 9 décembre 2004.

Or, le déficit constaté de la branche maladie en 2004 a été inférieur à celui prévu au moment du débat parlementaire relatif à la loi du 13 août 2004 précitée. Les déficits cumulés au 31 décembre 2004 se sont en effet élevés à 33,3 milliards d'euros, au lieu des 35 milliards d'euros alors envisagés.

En conséquence, une régularisation d'un montant de 1,7 milliard d'euros sera opérée lors de la reprise du déficit 2005 de la branche maladie également prévue par la loi du 13 août 2004 précitée.

2. Affectation de l'excédent de la branche vieillesse

L'excédent de la branche vieillesse du régime général est de 0,3 milliard d'euros en 2004. En application de l'article L. 251-6-1 du code de la sécurité sociale, cet excédent sera affecté au Fonds de réserve pour les retraites (FRR) en 2005.

Au total, la Caisse nationale d'assurance vieillesse des travailleurs salariés (CNAVTS) a versé au FRR de 2000 à 2004, au titre de ses excédents constatés entre 1999 et 2003, 5,4 milliards d'euros.

3. Couverture des déficits des branches famille et accidents du travail - maladies professionnelles

La Caisse nationale des allocations familiales enregistre en 2004 un déficit de 0,4 milliard d'euros, la branche accidents du travail et maladies professionnelles du régime général un déficit de 0,2 milliard d'euros.

Au vu de leur faiblesse, ces montants n'ont pas nécessité la prise de mesures spécifiques. Ils ont été couverts par les emprunts de trésorerie que peut conclure le régime général dans la limite du plafond fixé dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005.

II. - S'agissant des organismes concourant au financement des régimes :

Seul le Fonds de solidarité vieillesse (FSV) est concerné en 2004.

Le Fonds de financement de la protection sociale agricole n'a été substitué au budget annexe des prestations sociales agricoles qu'à compter du 1er janvier 2005.

La Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie n'est intervenue que pour abonder à hauteur de 0,1 milliard d'euros la Caisse nationale de l'assurance maladie du régime général.

Couverture du déficit du FSV

Le résultat du FSV pour l'exercice 2004 est déficitaire de 0,6 milliard d'euros.

Le FSV n'ayant pas le droit d'emprunter et ne recevant pas de dotation d'équilibre de l'Etat, le déficit cumulé est inscrit au bilan en fonds de roulement négatif.

Au 31 décembre 2004, les sommes dues à la CNAVTS sont de 2,2 milliards d'euros et celles dues à la Caisse centrale de la mutualité sociale agricole de 0,1 milliard d'euros.

M. le président. Je mets aux voix l'article 2 et l'annexe A.

(L'article 2 et l'annexe A sont adoptés.)

Vote sur l'ensemble de la première partie

Art. 2 et annexe A
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Deuxième partie

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 conformément à l'article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale résultant de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, je donne la parole à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Monsieur le ministre, le régime général a accusé en 2004 un déficit de 13,2 milliards d'euros, contre 11,5 milliards d'euros en 2003. (M. le ministre fait un signe de dénégation.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Non ! Il a été de 11,9 milliards d'euros !

M. Bernard Cazeau. Vous conviendrez que cette situation est sans précédent dans l'histoire de la sécurité sociale, surtout quand on se souvient - mais vous n'étiez pas ministre à l'époque - que, en 2000, l'équilibre était réalisé.

Il est vrai que ce déficit a été réduit en raison du versement exceptionnel de 1,1 milliard d'euros par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la CADES, au profit du régime général, versement qui soldait les dettes du Fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, le FOREC, en matière d'exonérations de charges sociales. Et c'est cette opération qui vous permet d'affirmer que le déficit se monte en 2004 à 11,9 milliards d'euros.

Toutefois, ne nous livrons pas à une guerre des chiffres et expliquons-les avant de nous soupçonner les uns les autres d'une prétendue incompétence en arithmétique !

Il est tout aussi préoccupant de savoir qu'en 2004 le profond déficit du budget annexe des prestations sociales agricoles, le BAPSA, devenu le Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, a été aggravé par un déficit de 11,6 milliards d'euros du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, lequel ne cesse de progresser puisqu'il a doublé en 2005.

Monsieur le ministre, l'exercice 2004 a vu l'entrée en vigueur de la loi du 13 août 2004 relative à l'assurance maladie. Or, comme le souligne la commission des comptes de la sécurité sociale, cet exercice a été marqué par une dégradation sans précédent des comptes. Ce n'est pas nous qui le disons : nous ne faisons que reprendre les termes employés par cette commission, qui dénonce des réformes inefficaces ou avortées, voire de simples mesures de circonstance destinées à réduire le poids de la consommation médicale.

Et ne prétendez pas que la maîtrise médicalisée des dépenses était effective en 2004 - je parlerai de 2005 et de 2006 ultérieurement -, alors qu'elle n'en était qu'à ses débuts !

Ce sont bien plutôt les mesures de redistribution au profit de l'ensemble des médecins qui ont aggravé le déficit.

Ces déficits abyssaux sont le résultat d'un triple échec pour le Gouvernement.

D'une part, cet échec est celui de sa politique économique et sociale, qui assèche les ressources de la sécurité sociale : en effet - et vous ne semblez guère le réaliser -, vos recettes sont « plombées » par votre politique de l'emploi. Alors, la croissance a bon dos, mais qu'avez-vous fait pour la relancer ?

D'autre part, la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites n'est pas financée. Ainsi, près de 17,4 milliards d'euros manquent à ce jour.

Enfin, la loi du 13 août 2004 sur l'assurance maladie n'a rien réglé, car elle est fondée sur une maîtrise médicalisée des dépenses qui laisse filer les déficits. La preuve en est que vous ne parvenez à réduire le déficit de 2005 qu'au moyen de certains artifices, à savoir des prélèvements qui pèsent essentiellement sur les assurés sociaux. Et je ne parle même pas des prévisions pour 2006, où l'on atteint des sommets.

A vos yeux, cet exercice 2004 est une réussite puisque, comme nous le pensons, il précipite la fin du système. C'est une raison suffisante pour voter contre la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Philippe Bas, ministre délégué. Il est temps de sortir de ces querelles de chiffres !

Selon le rapport de la Cour des comptes, le déficit enregistré en 2004 par l'ensemble des branches du régime général s'élève à 11,9 milliards d'euros. Ce montant est identique à celui qu'a mis en évidence la commission des comptes de la sécurité sociale.

Vous vous référez toujours un chiffre intermédiaire, à savoir 13,230 milliards d'euros, qui représente le déficit du résultat courant. Mais je ne veux pas croire que c'est parce qu'il est plus élevé !

M. Bernard Cazeau. C'est bien le chiffre que je citais !

M. Philippe Bas, ministre délégué. Ce chiffre ne tient pas compte, en effet, du remboursement d'une créance de 1,1 milliard d'euros que la sécurité sociale détenait sur l'État à travers le FOREC. Or, si vous retranchez cette créance du montant cité plus haut, alors vous obtenez effectivement un déficit global de 11,9 milliards d'euros.

Entendons-nous bien : à l'évidence, ce déficit est trop élevé. Il a d'ailleurs été réduit en 2005 et il le sera davantage en 2006. Mais, à tout le moins, référons-nous aux bons chiffres, qui figurent dans tous les rapports.

Je redis donc que le déficit pour 2004 est de 11,9 milliards d'euros.

M. Bernard Cazeau. Non ! En réalité, il se monte à 13,9 milliards d'euros !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Notre collègue François Autain a magnifiquement démontré que, au travers de ces tableaux, le Gouvernement voulait masquer les réalités.

La présentation qui nous est faite du remboursement de la créance du FOREC atteste cette volonté de masquer la réalité du déficit de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux !

M. Guy Fischer. On ne parle plus aujourd'hui du BAPSA. Mais ce budget annexe a été prolongé afin que soit mis en place le FFIPSA, et le déficit cumulé du BAPSA est de plus de 3,2 milliards d'euros. Ce constat s'impose à tous et vous ne pouvez nier cet abyssal déficit pour 2004 ! Le régime agricole n'a jamais connu une situation aussi calamiteuse !

Devant la réalité des régimes de base de la sécurité sociale, nous ne pouvons approuver les comptes pour 2004.

M. le président. La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Je ne voterai pas la première partie, pour la raison que j'indiquais tout à l'heure.

Permettez-moi cependant de revenir un instant sur le BAPSA. Vous n'avez pas voulu tenir compte de ce budget annexe pour l'exercice 2004, au motif qu'il n'existe plus. Mais alors pourquoi ne pas y avoir inscrit non plus le FFIPSA, qui pour sa part existe bien ? D'ailleurs, compte tenu de la coexistence de l'un et de l'autre, pourquoi ne pas y avoir inscrit et le BAPSA et le FFIPSA ? Et pourquoi avoir inscrit le FFIPSA en 2005 et pas en 2004 ?

Votre argumentation ne me satisfait absolument pas et d'autres raisons expliquent sans doute votre attitude. En effet, si l'explication que vous avancez était la bonne, alors vous n'auriez pas plus de raisons d'inscrire le FFIPSA en 2005 que vous n'en aviez de ne pas inscrire le BAPSA en 2004.

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la première partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

(La première partie du projet de loi est adoptée.)

M. le président. Nous allons maintenant examiner la deuxième partie du projet de loi concernant les dispositions relatives à l'année 2005.

DEUXIÈME PARTIE

Vote sur l'ensemble de la première partie
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Art. 3

DISPOSITIONS RELATIVES À L'ANNÉE 2005

Section 1

Dispositions relatives aux recettes et à l'équilibre financier de la sécurité sociale

Deuxième partie
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Art. 4

Article 3

Au titre de l'année 2005, sont rectifiés, conformément aux tableaux qui suivent :

1° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Prévisionsde recettes

Objectifsde dépenses

Solde

 

Maladie

140,3

149,7

- 9,4

 

Vieillesse

153,1

155,2

- 2,1

 

Famille

50,2

51,2

- 1,0

 

Accidents du travail et maladies professionnelles

10,3

10,7

- 0,4

 

Toutes branches (hors transferts entre branches)

349,2

362,1

- 12,9

;

2° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre, par branche, du régime général de la sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Prévisionsde recettes

Objectifsde dépenses

Solde

 

Maladie

120,6

128,8

- 8,3

 

Vieillesse

78,2

80,1

- 2,0

 

Famille

49,7

50,8

- 1,1

 

Accidents du travail et maladies professionnelles

9,0

9,5

- 0,5

 

Toutes branches (hors transferts entre branches)

252,6

264,5

- 11,9

;

3° Les prévisions de recettes et le tableau d'équilibre des organismes concourant au financement des régimes obligatoires de base de sécurité sociale :

(En milliards d'euros)

 

Prévisionsde recettes

Prévisionsde charges

Solde

Fonds de solidarité vieillesse

12,5

14,6

- 2,0

Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles

13,7

15,4

- 1,7

Caisse nationale de solidarité pour l'autonomie

0,5

0,5

0,0

M. le président. Je mets aux voix l'article 3.

(L'article 3 est adopté.)

Art. 3
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Art. 5

Article 4

M. le président. L'article 4 a été supprimé par l'Assemblée nationale.

Art. 4
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Art. 6

Article 5

I. - Au titre de l'année 2005, l'objectif d'amortissement rectifié de la dette sociale par la Caisse d'amortissement de la dette sociale est fixé à 2,4 milliards d'euros.

II. - Au titre de l'année 2005, les prévisions rectifiées des recettes affectées au Fonds de réserve pour les retraites sont fixées à 1,5 milliard d'euros.

M. le président. L'amendement n° 207, présenté par MM. Fischer, Autain et Muzeau, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le II de cet article, remplacer le montant :

1,5 milliard d'euros

par le montant :

2,2 milliards d'euros

La parole est à M. François Autain.

M. François Autain. Je ne comprends pas pourquoi les recettes affectées au titre de l'année 2005 au Fonds de réserve pour les retraites, le FFR, seraient inférieures à ce qu'elles étaient au titre de l'année 2004. En effet, de 2,2 milliards d'euros en 2004, nous sommes passés à 1,5 milliard d'euros en 2005.

Cet amendement a pour objet de rétablir la parité, en retenant le montant des recettes affectées en 2004. Les privatisations, qui constituent l'une des ressources du FRR, ont été aussi importantes en 2005 qu'elles l'ont été en 2004 ! Dès lors, rien ne justifie de réduire le montant des recettes affectées au fonds. De surcroît, ce dernier devra être aidé pour faire face, à l'échéance prévue, à ses obligations.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Nous aurions pu nous attendre à un tel amendement de la part de tous les groupes de la Haute Assemblée... à l'exception du groupe CRC, qui semble découvrir tout à coup les vertus des opérations de privatisation qu'il a si souvent dénoncées : il s'appuie sur l'existence d'un précédent pour justifier que le FRR soit alimenté par ce biais.

M. Guy Fischer. Pas d'amalgame !

M. Alain Vasselle, rapporteur. En ce qui nous concerne, tout ce qui peut contribuer à conforter le FRR ne peut que nous réjouir, et M. le ministre nous dira sans doute si le Gouvernement entend alimenter ce fonds avec le fruit des prochaines privatisations.

Toutefois, avant que M. le ministre ne s'exprime, je souhaite dire à M. Cazeau que les remarques de la Cour des comptes sur la loi de financement et sur les résultats de l'assurance maladie pour 2004 portaient sur un exercice qui n'avait pas encore connu les effets de la réforme de l'assurance maladie.

C'est parce que le déficit s'est amplifié au cours de l'année 2004 que le Gouvernement a pris immédiatement les mesures qui s'imposaient. Les résultats pour l'année 2005 seront donc très positifs comparés à ceux de 2004.

Il ne faut pas considérer que les observations de la Cour des comptes, qui étaient fondées pour l'exercice 2004 et le bilan de l'année précédente, s'appliquent de la même manière pour l'exercice 2005 ! En effet, vous avez un peu tendance, mes chers collègues, à vouloir créer dans l'esprit de ceux qui vous écoutent la confusion entre l'exercice 2004 et le bilan de l'année 2005 et à émettre des critiques qui ne sont pas fondées sur l'exercice en cours.

M. Guy Fischer. Nous ? Absolument pas !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Enfin, en ce qui concerne le milliard d'euros du FOREC, mes chers collègues, je vous rappellerai que la position constante de la commission des affaires sociales a été de dénoncer la perte de recettes pour la sécurité sociale liée à la mise en oeuvre du FOREC. Il est donc tout à fait normal que, dans la présentation des comptes, ce milliard, qui est une recette due à la sécurité sociale, vienne atténuer d'autant les dépenses qui ont été constatées au cours de l'exercice précédent.

Le chiffre à prendre en compte est donc bien celui de 11,9 milliards d'euros, et non de 13 milliards d'euros, même si ce dernier chiffre vous arrange parce qu'il vous permet de noircir le tableau d'une manière infondée et de mieux cacher votre turpitude et la manière dont vous vous êtes comportés avec le FOREC. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Bernard Cazeau. La démonstration est mauvaise !

Mme Claire-Lise Campion. Vous exagérez !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Vous avez eu tort d'utiliser ce chiffre, parce que cela se retourne contre vous !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Enfin, arrêtez de parler de déficit abyssal ! Vous le savez très bien, le déficit de la sécurité sociale est de 11,9 milliards d'euros, alors que le déficit du budget de l'État, auquel vous avez largement contribué, est de 45 milliards d'euros. Or vous n'avez jamais parlé pour ce dernier de déficit abyssal ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Bien entendu - et l'examen d'un amendement déposé par la commission des finances à l'occasion de la discussion à l'Assemblée nationale du volet recettes du projet de loi de finances pour 2006 a permis de le démontrer -, le Gouvernement est favorable à ce qu'une partie des recettes de privatisation soit attribuée au fonds de réserve des retraites, au titre des dépenses inscrites à un compte d'affectation spéciale intitulé « participations financières de l'État ».

Mais une autre partie des recettes de privatisation doit être affectée au désendettement de l'État. Comme vient de le dire M. Vasselle, l'accumulation des déficits pendant de trop nombreuses années a rendu nécessaire le désendettement de l'État.

Telle est la raison pour laquelle nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

M. François Autain. Quel dommage !

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Je voudrais répondre sur deux points.

D'abord, l'opposition aux privatisations n'a pas été une position constante de la gauche : si ma mémoire est bonne, le gouvernement de M. Jospin en a tout de même réalisé un certain nombre ! D'ailleurs, c'est lui qui a prévu qu'une part du produit de ces privatisations servirait à alimenter le fonds de réserve des retraites.

Je ne pense donc pas être en contradiction avec mes propres convictions, contrairement à ce qu'a pu penser M. le rapporteur, en souhaitant une certaine continuité dans ce domaine. Ainsi, monsieur le ministre, le gouvernement auquel vous appartenez devrait poursuivre ce que le gouvernement de M. Jospin a réalisé. Or je m'aperçois que, malheureusement, le produit des privatisations est affecté à des dépenses courantes beaucoup plus qu'au financement des retraites, ce que je regrette infiniment.

En ce qui concerne, ensuite, le déficit du FOREC, une créance qui a été remboursée à hauteur de 1 milliard d'euros n'est pas prise en compte par la Cour des comptes pour le déficit. Or M. Séguin, premier président de la Cour des comptes, a déclaré, lors d'une audition - à laquelle vous assistiez, monsieur le rapporteur -, qu'à l'avenir le Gouvernement devrait intégrer dans les déficits ceux des fonds qui concourent au financement de la sécurité sociale.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Oui !

M. François Autain. On ne peut tout de même pas nous demander de ne pas tenir compte des déficits de certains fonds qui, théoriquement, sont là pour réduire les déficits de la sécurité sociale alors qu'en réalité ils concourent à les aggraver. Dès lors, si le Gouvernement continue à présenter les déficits de cette façon, un risque existe de non-certification des comptes à l'horizon 2007.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Tout à fait !

M. François Autain. Nos interventions sont donc simplement destinées à mettre en garde le Gouvernement pour qu'il ne se retrouve pas dans une situation délicate à l'égard de la Cour des comptes et qu'il concoure à la sincérité des comptes, ce qui est loin d'être le cas aujourd'hui, comme j'ai essayé vainement de le démontrer en défendant la motion tendant à opposer l'exception d'irrecevabilité. Hélas, je n'ai pas été compris ; mais ce n'est ni la première ni la dernière fois !

En conclusion, je dirai que l'article 41 du projet de loi de finances pour 2006 reconstruit ce qui ressemble étrangement à un nouveau FOREC. Cela me fait bien rire ! Cela étant, il semblerait que le Sénat, ayant pris conscience de l'erreur que cela pouvait représenter, prenne des mesures à cet égard lors de la discussion du projet de loi de finances. Nous verrons bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 5.

(L'article 5 est adopté.)

Section 2

Dispositions relatives aux dépenses

Art. 5
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Art. 6 bis

Article 6

La contribution de l'assurance maladie au fonds de concours mentionné à l'article 51 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2004 (n° 2003-1199 du 18 décembre 2003) est fixée pour 2005 à 176 millions d'euros.

Cette contribution est répartie entre les différents régimes d'assurance maladie selon les règles mises en oeuvre au titre de l'année 2004 pour l'application de l'article L. 174-2 du code de la sécurité sociale.

M. le président. L'amendement n° 161, présenté par MM. Fischer, Muzeau et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. L'article 6 fixe à 176 millions d'euros pour 2005 le montant de la contribution de l'assurance maladie au fonds de concours destiné à pourvoir à l'achat, à la livraison et au stockage de produits nécessaires en cas de menace sanitaire grave.

Nous sommes évidemment conscients de la gravité des menaces qui peuvent peser sur notre pays en cas de transmission du virus de la grippe aviaire à l'homme, nous en avons d'ailleurs débattu la semaine dernière.

Nous ne souhaitons pas du tout minimiser les moyens à mettre à disposition en cas de déclaration d'une épidémie ou à mettre en oeuvre pour prévenir toute épidémie, nous l'avons même réaffirmé lors du débat consécutif à la question orale posée par M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales.

Bien au contraire, les moyens nécessaires doivent être mis à disposition.

Bien au contraire, il faut stopper les restructurations hospitalières - fermetures de lits ou de services et regroupements - pour faire face à une éventuelle pandémie, même si l'on nous a répondu que le traitement pourrait avoir lieu, pour l'essentiel, à domicile.

Bien au contraire, enfin, il faut mener une campagne d'information d'envergure auprès de nos concitoyens afin que les populations les plus fragilisées ou les plus marginales puissent, elles aussi, être préservées de l'épidémie.

Pourtant, je défends un amendement de suppression de cet article, parce que nous ne souhaitons pas que notre système de sécurité sociale se trouve pénalisé face à cette menace sanitaire. Il est, selon nous, essentiel de maintenir ici cette exigence de principe, avec d'autant plus de force que la sécurité sociale se trouve attaquée de toutes parts.

La sécurité sociale s'est construite sur un principe de soins, dans une logique de mutualisation des risques. Or on assiste de plus en plus à un glissement de ses fonctions vers une mission de service public en matière de santé.

Mais cette « étatisation » de notre système de protection sociale est justement ce qui participe, à notre avis, à son démantèlement, et nous ne pouvons l'accepter. Devant de tels risques, nous pensons que le budget de l'État devrait se substituer à la sécurité sociale.

Par ailleurs, les montants alloués subissent une croissance exponentielle, ce qui demanderait un débat de fond sur leur utilisation.

Je m'interroge en effet sur les sommes qui seront versées aux laboratoires pharmaceutiques - comme Roche, qui produit le Tamiflu - en échange de la fourniture d'un vaccin dont l'efficacité n'est pas à ce jour scientifiquement prouvée.

C'est pourquoi, monsieur le président, mes chers collègues, nous demandons la suppression de cet article 6. Nous souhaitons que l'État affirme sa solidarité nationale en prenant en compte ces dépenses sur son budget.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. Sur le principe, nous n'avons pas d'objection de fond à émettre sur l'amendement n° 161. En effet, dès que le Gouvernement a proposé l'inscription d'une dépense à la charge de l'assurance maladie, nous avons eu l'occasion de le dénoncer en considérant que cette dépense devait plutôt être à la charge du budget de l'État.

Mais les circonstances actuelles sont un peu exceptionnelles compte tenu de la menace de grippe aviaire et la commission des affaires sociales, dans sa majorité, a estimé que le moment était mal choisi pour remettre en cause l'inscription prévue, car il faut pouvoir mobiliser très rapidement les crédits. Nous avons donc accepté, à titre exceptionnel, le maintien de la disposition telle qu'elle est prévue dans le PLFSS.

Toutefois, il ne faut pas non plus que le Gouvernement considère cette exception comme une règle dont il pourrait user et abuser dans les années qui viennent : nous avons à plusieurs reprises appelé son attention sur cette situation, qui ne nous paraît pas fort heureuse.

Cela étant, nous ne remettons pas en cause la disposition qui nous est proposée. C'est pourquoi, monsieur Fischer, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet lui aussi un avis défavorable.

Monsieur Fischer, dans la mesure où nous sommes tout à fait d'accord sur la finalité de cette démarche, il nous faut aller jusqu'au bout. En nous proposant de supprimer cette dotation, je ne dis pas que vous revenez sur une mesure antérieure à 2002 - je ne voudrais renvoyer personne à un quelconque passé -,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Ce sont pourtant eux qui ont commencé !

M. Xavier Bertrand, ministre. ... mais je rappelle simplement que ce fonds a été créé fin 2001 par M. Bernard Kouchner,...

M. Alain Vasselle, rapporteur. Exactement !

M. Xavier Bertrand, ministre. ...et que cette mesure a été adoptée par la majorité de l'époque.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il est bon de le rappeler !

M. Xavier Bertrand, ministre. Aujourd'hui, nous pensons que la constitution de stocks de médicaments affectés à des soins particuliers relève de l'assurance maladie.

J'ai bien entendu le message de M. Alain Vasselle à l'instant, selon lequel il faut savoir user de cette possibilité sans pour autant en abuser.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Voilà !

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous avons estimé qu'il fallait aller au-delà des dotations initialement prévues dans le cadre du PLFSS pour le fonds biotox. C'est pourquoi le Gouvernement consentira un effort particulier, au titre du budget de l'État, de 177 millions d'euros supplémentaires.

Comme je l'ai expliqué à cette tribune la semaine dernière en répondant à vos interrogations, nous pensons que l'assurance maladie doit et peut prendre en charge ce type de dispositif. Plus encore, nous avons le souci d'aller au-delà. L'État doit donc faire cet effort.

Je ne sais, monsieur Fischer, si je vous ai convaincu. Si c'était le cas, je serais heureux que vous retiriez cet amendement. Si vous ne le retiriez pas, je serais contraint d'en demander le rejet.

M. le président. Monsieur Fischer, l'amendement n° 161 est-il maintenu ?

M. Guy Fischer. Oui, il l'est, monsieur le président.

M. le président. La parole est à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Le groupe socialiste s'abstiendra sur cet amendement.

En effet, qu'elle soit aviaire, de Hong Kong ou de n'importe où, la grippe, comme tous les virus que nous avons vus défiler au fil des années, relève habituellement de l'assurance maladie. Il ne nous choque donc pas particulièrement que M. le ministre fasse relever la grippe aviaire de ce dispositif.

En revanche, monsieur le ministre, si je comprends bien, nous nous trouvons dans un cas où la maladie n'est pas encore présente - du moins l'espérons-nous -, où il n'y a pas de cas déclaré de transmission à l'homme. Il s'agit donc davantage de mettre en place un système de prévention, et nous savons bien que la prévention relève du domaine de l'État.

Partagés entre l'une et l'autre position, tenant compte de la mesure Kouchner de 2001, nous nous abstiendrons, tout en espérant qu'il sera fait en sorte que nous n'ayons pas besoin d'employer ces stocks médicamenteux.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. J'aimerais obtenir de M. le ministre une précision quant aux 177 millions d'euros de crédits supplémentaires dont il a fait état.

Ces 177 millions semblent dépendre du budget de la santé, puisque vous nous avez indiqué, monsieur le ministre, que ces crédits seraient inscrits sur le programme « veille et sécurité sanitaire ». Je souhaite toutefois vous demander sous quelle forme ils le seront : sera-ce sous la forme d'un amendement, ou bien dans le cadre du collectif budgétaire ? Pour l'instant, ils ne figurent pas dans le programme dont le rapport m'a été confié !

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Il y a bien un engagement de l'État et nous avons saisi le ministère du budget, monsieur le rapporteur pour avis, afin que la précision que vous souhaitez puisse vous être apportée dans les meilleurs délais.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 161.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 6.

(L'article 6 est adopté.)

Art. 6
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Art. 7

Article 6 bis

Dans le 2° de l'article 13 de la loi n° 2004-626 du 30 juin 2004 relative à la solidarité pour l'autonomie des personnes âgées et des personnes handicapées, le taux : « 15 % » est remplacé par les mots : « 20 % au plus ». 

M. le président. Je mets aux voix l'article 6 bis.

(L'article 6 bis est adopté.)

Art. 6 bis
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Art. 8

Article 7

I. - Au titre de l'année 2005, les prévisions rectifiées des objectifs de dépenses, par branche, de l'ensemble des régimes obligatoires de base de sécurité sociale sont fixées à :

(En milliards d'euros)

 

Objectifs de dépenses

Maladie

149,7

Vieillesse

155,2

Famille

51,2

Accidents du travail et maladies professionnelles

10,7

Toutes branches (hors transfertsentre branches)

362,1

II. - Au titre de l'année 2005, les prévisions rectifiées des objectifs de dépenses, par branche, du régime général de sécurité sociale sont fixées à :

(En milliards d'euros)

 

Objectifs de dépenses

Maladie

128,8

Vieillesse

80,1

Famille

50,8

Accidents du travail et maladies professionnelles

9,5

Toutes branches (hors transfertsentre branches)

264,5

M. le président. Je mets aux voix l'article 7.

(L'article 7 est adopté.)

Art. 7
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Vote sur l'ensemble de la deuxième partie (début)

Article 8

Au titre de l'année 2005, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie rectifié de l'ensemble des régimes obligatoires de base est fixé à 134,9 milliards d'euros.

M. le président. L'amendement n° 61, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Vous penserez, mes chers collègues, que la commission des finances coupe les cheveux en quatre. L'article 8 du PLFSS fixe en effet le montant de l'ONDAM rectifié pour 2005 alors même que le montant fixé par cet article, soit 134,9 milliards d'euros, est le même que celui qui figurait dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2005. Il n'est donc point besoin de fixer un ONDAM rectifié pour 2005 dans le présent PLFSS : il s'agit, selon nous, d'un abus de langage.

Nous entendons bien que cet article est nécessaire dans le cadre de la LOLF-SS, et nous savons de surcroît que, d'après ce qui nous a été dit, le changement consisterait en une modification du cinquième chiffre après la virgule.

Nous vous proposons donc, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, une solution de repli, et nous vous suggérons de rédiger ainsi l'article 8 : « Au titre de l'année 2005, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base est maintenu à 134,9 milliards d'euros. »

Et, si vous n'étiez pas d'accord sur le terme « maintenu », nous vous proposerions d'ajouter ce cinquième chiffre après la virgule.

M. le président. Je suis donc saisi d'un amendement n° 61 rectifié, présenté par M. Jégou, au nom de la commission des finances, qui est ainsi libellé :

Rédiger comme suit cet article :

Au titre de l'année 2005, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie de l'ensemble des régimes obligatoires de base est maintenu à 134,9 milliards d'euros.

Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales avait émis un avis défavorable sur l'amendement n° 61, puisque la loi organique donnait à cet article 8 un caractère obligatoire dans le PLFSS.

Cela étant, M. Jégou a rectifié l'amendement n° 61, et cette rectification nous convient tout à fait. J'en profite d'ailleurs pour signaler à nos collègues de l'opposition, qui ont du mal à nous croire - mais les chiffres sont là, et ils devront les admettre parce qu'ils pourront les toucher du doigt, comme saint Thomas -, que nous avons bien respecté l'ONDAM en volume, tel qu'il avait été voté dans le PLFSS pour 2005. C'est la première fois depuis 1997 et cela confirme que le Gouvernement est sur la bonne voie et que la situation s'améliore !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Roland Muzeau. Il n'y a que la foi qui sauve !

M. Guy Fischer. C'est la méthode Coué !

M. Alain Vasselle, rapporteur. La commission des affaires sociales est favorable à l'amendement n° 61 rectifié.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. Le Gouvernement est lui aussi favorable à l'amendement n° 61 rectifié.

M. le président. La parole est à M. François Autain, pour explication de vote.

M. François Autain. Monsieur le rapporteur, il faut être clair une fois pour toutes. Vous avez toujours eu tendance, effectivement, à considérer qu'un déficit était bon dans la mesure où il était inférieur à celui qui était prévu.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Mais oui !

M. Xavier Bertrand, ministre. Surtout quand il est inférieur de moitié !

M. François Autain. Je me souviens, monsieur le ministre, que votre prédécesseur, M. Douste-Blazy...

M. Guy Fischer. L'« excellent » Douste-Blazy ! (Sourires.)

M. François Autain. ... avait crié victoire parce que l'on atteignait un déficit historique de 11,9 milliards d'euros, inférieur à ce qu'avait prévu la commission des comptes de la sécurité sociale au mois de septembre de cette année-là.

Le gain existait donc, mais par rapport à un chiffre totalement virtuel.

M. Alain Vasselle, rapporteur. Il ne s'agit pas de virtuel, ici !

M. François Autain. Nous nous trouvons aujourd'hui un peu dans la même situation : on crie victoire en 2005 alors que, dans le meilleur des cas, on égalera un record « historique ». Il n'est d'ailleurs pas interdit de penser qu'on pourrait le dépasser...

J'ai essayé d'attirer l'attention sur ce point tout à l'heure, mais M. le rapporteur ne m'a pas entendu. Ainsi, les chiffres qui nous sont parvenus le mois dernier font état, sur neuf mois, d'une augmentation impressionnante des dépenses d'assurance maladie : elle n'est ni de 3,2 % ni de 3,8 %, mais de 4,2 %. Je n'invente rien !

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous ne lisez que la colonne de gauche ! (Sourires.)

M. François Autain. Je parle de l'assurance maladie : au travers des décaissements du régime général, la progression des dépenses dans le champ de l'ONDAM s'établissait au total, le 18 octobre 2005, à 4,3 %.

M. Xavier Bertrand, ministre. Lisez l'ensemble du document !

M. François Autain. Peut-être est-ce faux, mais c'est ce que je lis ! Et ce taux est très supérieur au pourcentage qui nous est annoncé.

D'autre part, selon mes calculs, le pourcentage d'augmentation entre les 130,2 milliards mentionnés au 4° de l'article 1er, relatif à l'exercice 2004, et les 134,9 milliards fixés par l'ONDAM au titre de 2005 est non pas de 3,2 %, ni de 3,8 %, ni de 4,3 %, mais de 3,61 %.

Je crois donc qu'il est un peu tôt pour crier victoire !

Quand, de plus, ce que l'on peut espérer au mieux est un déficit de 11,9 milliards d'euros...

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est l'effet du rebasage !

M. François Autain. ... - un déficit, donc, égal au record historique -, je crois qu'il faut adopter un profil bas.

M. Xavier Bertrand, ministre. Et l'assurance maladie ?

M. François Autain. Nous parlerons de l'assurance maladie demain, il s'agit pour le moment des équilibres globaux. Et, si vous parvenez à résoudre le problème en volume, vous n'y parvenez pas en pourcentage.

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est le volume qui importe et non le pourcentage !

M. François Autain. Il ne s'agit donc que d'un demi-succès, qui se solde par un déficit de 11,9 milliards d'euros. Ce n'est pas une occasion de pavoiser, c'est le moins que l'on puisse dire ! Rendez-vous, donc, en 2006.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 61 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'article 8 est ainsi rédigé.

Vote sur l'ensemble de la deuxième partie

Art. 8
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Vote sur l'ensemble de la deuxième partie (interruption de la discussion)

M. le président. Avant de mettre aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006 conformément à l'article L.O. 111-7-1 du code de la sécurité sociale résultant de la loi organique relative aux lois de financement de la sécurité sociale, je donne la parole à M. Bernard Cazeau, pour explication de vote.

M. Bernard Cazeau. Nous avons vu tout à l'heure que le déficit pour l'exercice 2004 était « historique ». Or je m'aperçois aujourd'hui, monsieur le rapporteur, que, malgré la mesure que vous évoquiez tout à l'heure et qui ne s'appliquait pas encore en 2004, le déficit pour 2005 sera identique.

J'ajoute un point important : à présent, le déficit ne touche plus une seule, mais les quatre branches du régime général, ainsi que les fonds concourant au financement de la sécurité sociale, notamment le fameux FSV. Ce fonds, qui accuse un déficit de 2 milliards d'euros en 2005, était en équilibre en 2002, je me permets de le rappeler à titre de comparaison car je ne fais pas de l'histoire en permanence, comme M. Vasselle ! Or, d'après les données prospectives, son déficit cumulé atteindra 5,2 milliards d'euros en 2006, c'est-à-dire trois fois le déficit de 2004.

Dès lors, je veux bien que l'on nous accuse de faire du catastrophisme - et je réponds là plus particulièrement à M. Bas -, mais les chiffres sont là, une fois de plus !

Bien sûr, on peut toujours, comme M. Vasselle, recourir à la méthode Coué, qui est bonne, et dire qu'il y a du mieux parce que le déficit se maintient. Mais vous oubliez de rappeler que, en 2005, les assurés sociaux ont dû supporter un certain nombre d'augmentations, notamment, même si ce n'est pas exorbitant, la franchise de 1 euro - vous nous renseignerez certainement tout à l'heure sur son impact, monsieur le ministre -, notamment la hausse du forfait hospitalier, que vous poursuivez cette année, notamment la majoration de la contribution pour le remboursement de la dette sociale, la CRDS, et de la contribution sociale généralisée, la CSG.

M. Xavier Bertrand, ministre. Qui a créé le forfait hospitalier ?

M. Bernard Cazeau. Vous passez votre temps à faire de l'histoire ! Lorsque ce dispositif a été créé, il n'a pas été dit qu'il fallait obligatoirement en augmenter le montant tous les ans ! Votre argumentation consistant à dire : « Ce n'est pas nous, c'est vous » est extraordinaire ! Nous serons certainement amenés, les uns et les autres, à créer nombre d'autres dispositifs sans qu'il soit nécessaire d'en accroître la charge tous les ans !

M. Alain Vasselle, rapporteur. Qui a créé la CSG ?

M. Bernard Cazeau. Je vous en prie, monsieur le rapporteur ! Mais rassurez-vous, vous allez pouvoir vous exprimer, puisque j'en ai terminé.

Quoi qu'il en soit, vous vous acharnez à faire croire que les médecins accomplissent des efforts gigantesques. Or je me suis tout de même laissé dire par le directeur de la CNAM que vous vous apprêteriez à prendre quelques mesures liées à des dérives plus ou moins frauduleuses. Il serait temps, messieurs les ministres, car, véritablement, la maîtrise médicalisée des dépenses que vous avez mise en oeuvre n'est pas... « raisonnable », et je ne dirai pas le terme qui me vient spontanément à l'esprit !

M. Xavier Bertrand, ministre. Un milliard d'euros, ce n'est pas raisonnable ?

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nous allons donc rectifier les comptes de l'année 2005.

Tout au long de cette soirée, le Gouvernement a pratiqué la méthode Coué et nous pouvons prendre le pari que les résultats permettront de respecter l'ONDAM.

M. Xavier Bertrand, ministre. Enfin !

M. Guy Fischer. Oui, mais des directives ont été données pour cela et, comme je l'ai souligné lors de la discussion générale, les assurés sociaux paient et paieront toujours plus.

En effet, vous nous faites la démonstration que le déficit des comptes de l'assurance maladie aura été réduit de 25 % en 2005, et vous vous fixez le même objectif en 2006. Or le rapport entre le déficit de 2005 et les prévisions de 2006 est sensiblement aussi important que celui qui a été enregistré entre 2004 et 2005.

En revanche, le problème de la branche vieillesse demeure.

M. Xavier Bertrand, ministre. Vous aviez souhaité les carrières longues, vous les avez obtenues !

M. Guy Fischer. C'est la seule chose que nous ayons pu obtenir !

M. Xavier Bertrand, ministre. De nous !

M. Roland Muzeau. Vous n'êtes pas que mauvais !

M. Guy Fischer. Il s'agissait de répondre au problème de l'amiante, et le groupe CRC, notamment, avait évoqué le cas de ceux qui ont commencé à travailler à treize ou quatorze ans, voire plus tôt.

M. Alain Gournac. C'est nous qui l'avons fait !

M. Guy Fischer. Vous avez tout fait !

M. Roland Muzeau. Vous avez même fait le revenu minimum d'activité. C'est tout dire !

M. Guy Fischer. Mais la hausse de la CSG, c'est vous ! La hausse du CRDS, c'est vous ! Et vous avez à peine écorné la contribution sociale de solidarité des sociétés sociale des sociétés, la C3S, pour faire plaisir au MEDEF : les patrons sont maintenant vraiment protégés et se taisent !

Et, s'agissant de l'assurance vieillesse, tout le monde l'a oubliée, mais les retraités et les actifs se rendront compte dès le 1er janvier 2006 de la hausse de 0,2 % de la cotisation vieillesse. Comment comptez-vous répartir cette hausse, monsieur le ministre, afin que les assurés n'en supportent pas les trois quarts ?

M. Philippe Bas, ministre délégué. De manière équitable !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble de la deuxième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006.

(La deuxième partie du projet de loi est adoptée.)

M. le président. La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.

Messieurs les ministres, mes chers collègues, je vous rappelle que, sur l'initiative de la commission des affaires sociales, nous débuterons l'examen de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2006, relative aux recettes et à l'équilibre général, par un débat thématique qui se tiendra demain matin, comme annoncé, et qui portera plus spécifiquement sur les fonds concourant au financement de la sécurité sociale, à savoir le fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et le fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA.

Vote sur l'ensemble de la deuxième partie (début)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2006
Discussion générale