Pérennisation du taux réduit de TVA pour les professionnels du bâtiment

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Mortemousque, auteur de la question n° 849, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Dominique Mortemousque. Madame la ministre, je souhaite attirer votre attention sur la pérennisation du taux réduit de TVA applicable à certains services à forte intensité de main-d'oeuvre, pour répondre aux préoccupations exprimées par les professionnels du bâtiment.

La directive communautaire 1999/85/CE du 22 octobre 1999 a autorisé les États membres à appliquer, à titre exceptionnel, pour une durée de trois ans, un taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée aux travaux portant sur les logements achevés depuis plus de deux ans ainsi qu'aux services d'aide à la personne.

Cette expérience expirait le 31 décembre 2002. Elle a été prorogée, puis reconduite jusqu'au 31 décembre 2005. La mesure a eu des effets très bénéfiques dans le bâtiment tant sur l'activité générale que sur l'emploi, avec la création de plus de 66 000 emplois en France et de plus de 600 emplois dans le département de la Dordogne, où cette mesure a permis l'amélioration de l'habitat ancien.

Néanmoins, la date butoir approche et les professionnels s'inquiètent d'une possible remise en cause de cette exonération. Aussi souhaiterais-je connaître l'état d'avancement des négociations engagées par le Gouvernement français au niveau européen, étant donné que l'unanimité des vingt-cinq États membres est requise en ce domaine, et savoir si le taux réduit de 5,5 % peut être retenu pour l'année 2006.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, la présidence britannique a soumis au Conseil du 8 novembre dernier une proposition de compromis. Cette proposition indique clairement que les États doivent être libres de pratiquer des taux de TVA réduits lorsque le bon fonctionnement du marché unique européen n'est pas affecté. Votre question, monsieur le sénateur, ne porte pas sur la restauration, mais je veux souligner que ce secteur d'activité, qui fait l'objet d'une demande forte de la France, est également concerné.

Nous avons soutenu cette proposition de compromis, mais celle-ci n'a malheureusement pas recueilli l'accord de tous les membres du Conseil, alors que le traité exige en ce domaine, vous le savez, une décision à l'unanimité.

Sous présidence britannique et avec la Commission, les discussions vont maintenant se poursuivre activement dans la perspective du prochain conseil Écofin, qui aura lieu le 6 décembre 2005.

La France, comme plusieurs autres pays, est naturellement déterminée à parvenir à un accord sur ces sujets. Nous entendons en particulier pouvoir maintenir au-delà du 31 décembre les taux réduits de TVA pour certaines catégories de services fortement créatrices d'emplois. C'est évidemment indispensable dans les secteurs aussi porteurs pour l'emploi que les travaux dans les logements et les services à domicile, que vous avez mentionnés.

Je sais que les professionnels, notamment dans le secteur du bâtiment, s'interrogent sur la reconduction des mesures existantes. Nous pensons vraiment que la raison l'emportera et je suis confiante dans la possibilité de parvenir rapidement, à Bruxelles, à un accord qui nous permette d'atteindre nos objectifs.

Mme la présidente. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir répondu avec précision à ma question, mais je regrette que vous ne puissiez me confirmer aujourd'hui la pérennisation des taux réduits de TVA pour 2006.

J'ai bien noté l'importance de la date du prochain conseil Écofin, le 6 décembre prochain ; le Gouvernement semble avoir la volonté de traduire assez rapidement dans les faits une telle mesure.

Comme vous le savez, l'artisanat est l'un des secteurs qui va bien en France. Il serait dommage de l'affecter par un changement de taux de TVA !

Exonération de la taxe foncière pour les propriétaires concernés par un risque d'effondrement minier brutal

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini, auteur de la question n° 856, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Jean-Marc Todeschini. Ma question s'adressait au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, dont je ne peux que regretter l'absence.

Je souhaite, madame la ministre, avec Daniel Reiner, sénateur de Meurthe-et-Moselle, et avec mes collègues mosellans Gisèle Printz et Jean-Pierre Masseret, attirer l'attention du Gouvernement sur les difficultés administratives rencontrées par les propriétaires et les occupants d'immeubles concernés par un risque d'effondrement minier brutal. Nous souhaitons plus particulièrement faire référence aux habitants de la commune de Moutiers, en Meurthe-et-Moselle.

Une fois n'est pas coutume, pourrais-je dire en guise d'introduction à mon propos, car malheureusement, depuis trois ans maintenant, nous interpellons le Gouvernement, dans le courant du mois de novembre, sur les conséquences produites par l'arrêt des activités minières dans le nord du bassin lorrain. Chaque année, nous affirmons notre refus de l'ennoyage, nous demandons la poursuite de l'exhaure et le comblement des zones à risques. Nous le faisons non pas par plaisir, mais parce que des situations dramatiques se produisent chaque année dans notre bassin ferrifère, nous rappelant que l'ennoyage risque d'accélérer les effondrements.

Voilà un an jour pour jour, le 16 novembre 2004, M. Jacob, qui déjà répondait en lieu et place du ministre délégué à l'industrie, nous avait annoncé que la seule zone identifiée par les experts comme comportant un risque d'effondrement brutal susceptible de mettre en jeu la sécurité des personnes était celle de la commune de Fontoy.

D'autres familles sont aujourd'hui menacées et confrontées à de nombreuses difficultés administratives, difficultés qui font l'objet de cette question.

En effet, le 8 mars 2005, l'État annonçait à 87 familles du secteur de Moutiers Haut qu'un risque d'effondrement minier brutal affectait le quartier, plaçant celles-ci sous le coup d'une mesure d'expropriation.

Selon le calendrier fixé par l'État, ces familles devraient signer leurs actes de délaissé dès février 2006, date à partir de laquelle ces familles, propriétaires de leur logement, auront le statut de locataires à titre gracieux de l'État.

Ces familles ont donc déposé une demande d'exonération de leur taxe foncière, à partir de janvier 2006, qui leur a été refusée. Elles se retrouvent paradoxalement expropriées, locataires et redevables de la taxe foncière et de la taxe d'habitation.

Voilà, en tout cas, la situation qui était la leur au moment où nous déposions cette question.

Depuis, il semblerait que les choses aient évolué, puisqu'il apparaîtrait que M. le ministre délégué à l'industrie, à la suite de sa rencontre avec mon collègue Jean-Yves Le Déaut, aurait assuré que le calcul des indemnisations ne se ferait pas au rabais. Une enveloppe d'accompagnement social pouvant aller jusqu'à 40 % de l'indemnisation serait accordée au bénéfice de ces familles.

Est-ce à dire que ces dernières peuvent imaginer percevoir, pour un bien évalué à 100 000 euros par les domaines, 100 000 euros d'indemnisation et 40 000 euros maximum d'accompagnement social ?

Il apparaîtrait également que le préfet de Meurthe-et-Moselle aurait laissé la possibilité à ces quatre-vingt-sept familles de rester à titre gracieux dans leurs demeures actuelles, jusqu'au moment où leurs nouvelles maisons seront terminées.

Madame la ministre, nous souhaiterions que vous nous confirmiez ces nouvelles informations.

Très clairement, le Gouvernement entend-il exonérer ces familles de la taxe foncière dès janvier 2006 ? Entend-il, ensuite, leur donner la possibilité de rester dans leur demeure jusqu'au jour où les nouvelles maisons, prévues à la construction pour les reloger, seront terminées ? Entend-il, enfin, minorer de façon significative leur taxe d'habitation, car, même si ces familles occupent encore leur logement, elles n'en jouissent plus comme auparavant ?

Madame la ministre, il y a urgence, car ces familles sont plongées dans une angoisse indescriptible. Menacées par un risque brutal, elles doivent tout reconstruire, repartir de zéro.

Pour beaucoup d'entre elles, elles avaient consenti de nombreux efforts et emprunté sur vingt ans. Aujourd'hui, alors que certaines familles arrivent au terme de leurs remboursements, elles doivent abandonner ce qu'elles avaient durement obtenu.

Face à ces difficultés, l'Etat doit pouvoir tenir ses engagements et le Gouvernement doit permettre de rendre moins pénible à ces familles cette situation douloureuse.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je comprends votre déception de ne pas voir, aujourd'hui, le ministre de l'économie et des finances. J'espère que vous accepterez que je le remplace.

Vous appelez l'attention du Gouvernement sur la situation, au regard des impôts directs locaux, des familles du secteur de Moutiers Haut en Meurthe-et-Moselle, propriétaires et occupants d'immeubles concernés par un risque d'effondrement minier brutal.

Vous souhaitez que ces familles puissent bénéficier d'une exonération de taxe foncière et d'une minoration de la taxe d'habitation afférente à leur logement.

Sur le premier point, conformément aux dispositions de l'article 1380 du code général des impôts, la taxe foncière est établie annuellement sur les propriétés bâties de toute nature sises en France, à l'exception de celles qui sont expressément exonérées.

Dès lors que les habitations construites sur des terrains présentant des risques d'effondrement ne figurent pas au rang des exonérations expressément prévues par la loi, les familles concernées restent assujetties à la taxe foncière sur les propriétés bâties.

Cela étant, les modalités d'évaluation des valeurs locatives des propriétés bâties permettent de prendre en compte cette situation.

En effet, même si une propriété n'a fait, en elle-même, l'objet d'aucune modification, sa valeur locative peut varier en raison de phénomènes extérieurs qui n'affectent pas la structure même de la construction, mais seulement son environnement immédiat.

Ainsi, le coefficient de situation visé à l'article 324 R de l'annexe III au code général des impôts permet de moduler à la baisse la valeur locative en prenant en compte les risques liés à la situation de l'immeuble dans la commune, notamment les risques d'inondations, d'avalanches ou d'effondrements.

Par ailleurs, l'article L. 561-3 du code de l'environnement prévoit des aides allouées par le fonds de prévention des risques naturels majeurs pour financer les opérations de reconnaissance des cavités souterraines et le traitement ou le comblement des cavités qui occasionnent des risques d'effondrement du sol menaçant gravement des vies humaines.

Au surplus, l'article L. 125-1 du code des assurances étend le régime garantissant les catastrophes naturelles aux dommages résultant de l'effondrement de cavités souterraines.

Au titre du code général des impôts, du code de l'environnement et du code des assurances, un certain nombre de dispositions existent, qui permettent probablement de pallier les inconvénients que vous avez évoqués, monsieur le sénateur.

Ces dispositifs semblent répondre mieux aux préoccupations exprimées et paraissent plus appropriés qu'une exonération de taxe foncière.

Sur le second point, conformément aux articles 1407 et 1408 du code général des impôts, la taxe d'habitation est établie au nom des personnes qui ont, à quelque titre que soit, la disposition ou la jouissance de locaux meublés affectés à l'habitation.

Pour que la taxe d'habitation ne soit pas due, il faut que le contribuable ou sa famille soit dans l'impossibilité absolue d'occuper le logement imposable. Il en est ainsi pour un immeuble qui, du fait de son état de délabrement, se trouve impropre à un séjour.

En revanche, dès lors que les familles concernées par une expropriation continuent d'occuper leur habitation, elles demeurent imposables au titre de la taxe d'habitation.

Cela étant, comme pour la taxe foncière, la valeur locative qui sert de base au calcul de la taxe d'habitation pourra être modulée à la baisse pour prendre en compte les risques d'effondrement.

La législation actuelle permet donc de prendre en compte la situation des contribuables placés dans la situation que vous avez évoquée, monsieur le sénateur.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Marc Todeschini.

M. Jean-Marc Todeschini. Madame la ministre, je vous remercie d'avoir bien voulu représenter le Gouvernement pour me répondre.

Je regrette simplement l'absence du ministre de l'économie et des finances. Lorsqu'un parlementaire de l'opposition pose une question, c'est maintenant une coutume, ce n'est pas le ministre interpellé qui répond. Nous en avons l'exemple depuis plusieurs années ! Cela dit, madame la ministre, nous apprécions votre présence.

Nous savons bien entendu qu'il existe des possibilités pour minorer la taxe foncière et la taxe d'habitation.

Je regrette que votre réponse ne soit pas plus précise et qu'elle fasse simplement référence à des dispositions techniques du code général des impôts que l'on connaît parfaitement.

À l'heure où il est question de loi d'exception, il serait bon de tenir compte de la situation exceptionnelle du bassin ferrifère lorrain et du bassin houiller. La Lorraine et le nord de la France ont beaucoup apporté à la France dans le passé, en termes de richesses et de développement industriel. Traitons donc différemment ces familles qui sont dans la détresse la plus absolue !

Je me suis rendu sur place avec certains de mes collègues, Gisèle Printz peut en témoigner.

Mme Gisèle Printz. Tout à fait !

M. Jean-Marc Todeschini. Je puis vous garantir que les familles sont dignes, y compris les enfants dont la seule préoccupation est de savoir s'ils pourront encore dormir dans leur chambre le soir de Noël.

On pourrait traiter autrement ces populations qu'en leur citant des articles de codes !

situation des personnels GIAT-Industries

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Luc, auteur de la question n° 844, adressée à Mme la ministre de la défense.

Mme Hélène Luc. Madame ministre, vous avez maintes fois répété que le plan social GIAT-Industries, sur lequel l'Etat s'engageait, devait être exemplaire et contribuer à sauver l'entreprise.

Mais force est constater que la situation de l'emploi, le peu d'empressement des différentes fonctions publiques à reclasser et la raréfaction des postes de proximité au sein de la défense démentent les assurances que vous aviez données.

Certes, 1 200 salariés ont été reclassés, ce qui est appréciable ; mais il reste encore 700 salariés en attente d'un véritable reclassement. Même si ces derniers sont comptabilisés dans le dispositif, leur problème est encore, à ce jour, sans solution. Je pense particulièrement aux 160 familles de Saint-Chamond, aux 200 familles de Tarbes, aux 150 familles de Cusset.

C'est certainement à Saint-Chamond que la situation est la plus dramatique, car les perspectives de réindustrialisation du bassin d'emploi semblent très limitées. Aucun projet d'envergure n'apparaît à l'horizon et le contrat de site récemment signé est peu prometteur.

Face à cette situation, Saint-Chamond, mais aussi Tarbes et Cusset devraient, par exemple - c'est ce que demandent les salariés -, être prioritaires pour l'implantation d'un établissement public d'insertion de la défense.

Le plan « Défense deuxième chance » permettrait d'utiliser les savoir-faire et les compétences des personnels dans des emplois administratifs, d'entretien ou de formation et de créer ainsi les postes de reclassement de proximité, si peu nombreux aujourd'hui, nécessaires au fonctionnement de ces centres.

D'une façon générale, madame la ministre, des mesures d'urgence à l'échelon national s'imposent pour que ce plan social, à propos duquel vous vous étiez engagée, ait l'exemplarité qu'il mérite.

Les salariés de GIAT ont pourtant la désagréable impression d'avoir été floués, car les assurances qu'on leur avait données et les promesses qu'on leur avait faites n'ont pas été tenues. Ils pensent que tout n'est pas vraiment mis en oeuvre pour les aider, que le ministère reste sourd à leurs propositions.

Les organisations syndicales de GIAT-Industries ont donc formulé un certain nombre de propositions, notamment celle de maintenir certaines activités dans les établissements que leur direction veut fermer alors que tout montre l'incohérence des transferts d'activités programmés.

Pour les salariés de GIAT, il est désespérant, après le sixième plan de restructuration, que l'entreprise soit fragilisée de ce fait. La filialisation annoncée pour 2006 accroît cette fragilité.

Il n'est pas admissible, alors que l'entreprise licencie des salariés qui ont démontré leurs compétences, que GIAT-Industries fasse réaliser en Chine les épiscopes du Char Leclerc, dont j'ai pu récemment, à Mourmelon, apprécier la capacité d'action. Il n'est pas non plus admissible que le canon des FAMAS soit aujourd'hui acheté en Italie après la fermeture de la canonnerie de Saint-Étienne ni que le système FELIN soit confié à SAGEM plutôt qu'à GIAT-Industries.

Madame la ministre, il faut étendre le bénéfice des mesures d'âge aux personnels nés en 1953 et 1954 en tenant compte, notamment, de la pénibilité du travail effectué tout au long de leur carrière.

Il faut également réactiver des dispositions particulières comme la mise à disposition compensée, pour faciliter les reclassements de proximité dans les fonctions publiques et mettre en place des passerelles pour permettre le reclassement des personnels sous conventions collectives dans les fonctions publiques et au ministère de la défense.

Enfin, il faut permettre par décret le recrutement de salariés de GIAT-Industries sur le contingent annuel de postes réservés prévus dans chaque loi de finances.

En conséquence, madame la ministre, je vous demande de prendre les mesures énergiques qui s'imposent pour mettre en oeuvre ces propositions alternatives au plan actuel.

Je vous demande également de bien vouloir m'informer des perspectives de développement des établissements de GIAT-Industries, seules garanties de leur pérennité.

Cela reviendrait tout simplement à respecter les engagements que l'Etat a contractés avec GIAT lorsqu'il a signé le contrat d'entreprise.

Enfin, madame la ministre, je ne vous cache pas que je suis très inquiète de la colère qui monte. Le climat social actuellement dégradé au sein de nos industries de défense est motivé aussi bien par la situation des personnels que par les sombres perspectives d'avenir.

C'est la raison pour laquelle je vous demande solennellement d'accepter enfin de tenir le symposium sur l'avenir de nos industries de défense, dont vous aviez accepté le principe le 5 avril dernier et que vous aviez annoncé aux parlementaires et aux organisations syndicales.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de la défense. Mesdames, messieurs les sénateurs, contrairement à ce que disait tout à l'heure M. Todeschini, les ministres à qui sont adressées les questions répondent souvent en personne aux sénateurs de l'opposition et de la majorité !

M. Denis Detcheverry. Très bien !

Mme Hélène Luc. Je vous en remercie !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Madame Luc, je connais votre attachement et l'intérêt que vous portez à tout ce qui concerne GIAT-Industries et le nouvel élan que nous devons lui donner.

Je vous rappelle simplement qu'il y a trois ans et demi, lorsque je suis arrivée au ministère de la défense, nombreux étaient ceux qui désespéraient de l'avenir de GIAT et qui me conseillaient d'acter purement et simplement sa fermeture définitive. Les multiples plans de restructuration que vous avez évoqués, madame la sénatrice, n'avaient jamais tenu compte des réalités et ils ont été, les uns après les autres, voués à l'échec.

J'ai décidé de ne pas suivre ces conseils.

Considérant que l'armement terrestre faisait partie de l'intérêt stratégique de la France, j'ai décidé de sauver l'entreprise GIAT malgré le scepticisme des nombreuses personnes qui s'étaient exprimées sur ce dossier.

Je l'ai fait au prix d'un plan social lourd, nul ne le contestera : 2 041 suppressions de postes, il est vrai pour sauver 2 900 emplois dans ce domaine stratégique. Et je suis peut-être plus que quiconque consciente de la situation difficile des personnels concernés par les suppressions de postes, comme je mesure ce que cela peut représenter, pour eux et pour leur famille.

J'ai donc décidé un accompagnement exceptionnel des personnels qui seraient ainsi concernés.

Les personnels à reclasser se répartissent en deux catégories : d'une part, les personnels qui avaient un lien statutaire avec l'État, soit 1 121 ouvriers sous décret et 192 fonctionnaires détachés ; d'autre part, 728 personnels relevant de la convention collective de la métallurgie, n'ayant donc pas de lien statutaire avec l'État, ce qui, théoriquement, n'entraînait aucune obligation juridique - je ne parle pas d'obligation morale - de réintégration.

J'ai mobilisé l'ensemble des acteurs pour accompagner les personnels dont le poste était supprimé vers un nouvel emploi - public ou privé - et pour leur apporter aussi, au quotidien, le soutien nécessaire.

Les résultats de cette mobilisation sont aujourd'hui visibles : 1 420 personnes ont une solution de reclassement - 835 de celles qui sont sous statut public, 585 de celles qui sont sous convention collective. Nous avons un an pour trouver une solution de reclassement au bénéfice des 620 personnes restantes, et non pas 700, madame Luc.

Mme Hélène Luc. En effet, 620 exactement !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Examinons successivement la situation dans les différents bassins d'emploi.

À Saint-Chamond, 110 personnes ont déjà été reclassées et 120 restent à reclasser, et non pas 160. À Cusset, 95 personnes ont déjà été reclassées et 100 restent à reclasser. À Tarbes, 265 personnes ont déjà été reclassées, 220 personnes restant à reclasser.

Notre mobilisation continue, et d'une façon aussi active. D'ailleurs, une équipe de mon ministère était hier encore à Saint-Chamond pour présenter les postes offerts par la Défense et pour rencontrer les organisations syndicales.

Mme Hélène Luc. Je sais !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Car c'est mon ministère que j'ai naturellement mobilisé en premier. Je rappelle qu'il a déjà offert plus de 800 emplois en interne. Je suis même allée au-delà de mes strictes obligations puisque j'ai ouvert 50 postes pour des personnels de GIAT sous contrat de convention collective.

La Défense a rempli ses engagements ;  je pourrais me satisfaire de ce résultat. Je n'en ai toutefois pas l'intention, car je sais très bien qu'une année passée dans l'incertitude du lendemain est une épreuve extrêmement difficile, ...

Mme Hélène Luc. Terrible !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...pour les personnels concernés et pour leur famille.

J'ai donc cherché à faire ouvrir de nouvelles voies de recrutement dans les fonctions publiques pour accélérer le reclassement des personnels de GIAT.

C'est ainsi que j'ai fait insérer, dans le projet de loi relatif aux emplois réservés, une disposition accordant une priorité d'attribution, pour les emplois non pourvus, aux personnels sous statut des entreprises nationales restructurées.

Je considère que les autres fonctions publiques et les collectivités locales n'ont pas toujours fourni l'effort de solidarité locale, régionale ou même nationale auquel nous pouvions légitimement nous attendre et auquel, dans un premier temps, elles avaient souscrit. Je rappelle en effet que, au total, les autres fonctions publiques et les collectivités locales ont offert simplement 100 emplois effectifs ! Il faut donc continuer, car il reste beaucoup à faire.

Vous avez fait état du plan Défense deuxième chance, qui effectivement offre à des jeunes en situation d'échec scolaire, professionnel et social, une possibilité de repartir dans la vie avec de meilleures chances. Il est vrai que, dans les bassins d'emploi dont nous parlons, les familles pourraient profiter de tels dispositifs. Pour ma part, je suis tout à fait ouverte à des propositions en ce sens.

Vous le savez, la Défense fait un gros effort, notamment pour le recrutement des personnes qui seront chargées de l'encadrement dans les établissements d'accueil. A cet égard, étant rappelé que les jeunes dont il s'agit sont accueillis en internat, il faut, bien entendu, et ce en liaison avec les collectivités locales, que des locaux susceptibles d'accueillir entre 200 et 600 jeunes soient disponibles.

Il ne convient pas, pour autant, de différer le plan de restructuration en maintenant des centres en activité, au risque, sinon, de fragiliser à moyen terme l'entreprise. Or, faut-il insister davantage, ce que nous voulons, c'est vraiment, cette fois-ci, sauver l'entreprise, et dans la durée.

Quant à l'extension des mesures d'âge que vous proposez à titre exceptionnel, madame Luc, permettez-moi de vous dire que ce n'est pas responsable. Allez dire à une personne de 51 ou de 52 ans, puisque vous avez cité ce cas, ...

Mme Hélène Luc. Absolument !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...que l'on va la mettre à la retraite ! Autant lui dire qu'elle ne peut plus rien apporter à la société ! Ce n'est pas moralement admissible.

C'est la raison pour laquelle je veux que, dans cette année qui nous reste, nous fassions tout afin de proposer un emploi à l'ensemble de ceux qui, aujourd'hui, sont encore dans l'incertitude.

Mme Hélène Luc. C'est clair !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. La mesure d'âge serait aussi un certain constat d'échec, le constat de notre incapacité à reclasser, ce à quoi je ne peux pas me résoudre, pas plus aujourd'hui qu'il y a deux ans.

Encore une fois, ce que je veux, c'est que soit proposé réellement un emploi aux personnes.

Pour l'avenir, parce qu'il faut aussi parler de l'avenir de GIAT, ...

Mme Hélène Luc. Bien sûr !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...je pense que l'entreprise a devant elle la possibilité non seulement d'un maintien de ses activités mais même d'un nouveau développement, au moyen d'alliances soit dans le coeur de métier, c'est-à-dire l'armement terrestre, soit avec des partenaires complémentaires dans le domaine électronique.

GIAT sera en effet, à l'issue du plan, une entreprise crédible pour des partenaires potentiels, une entreprise s'appuyant sur les savoir-faire de ses personnels et sur une situation financière désormais assainie.

Cela nous permettra de mettre en avant les atouts de GIAT, c'est-à-dire la maîtrise de l'ensemble du spectre technique et technologique, qui va du char lourd aux munitions ; une gamme de produits renouvelée et attractive, avec notamment le VBCI, le véhicule blindé de combat d'infanterie, ou le canon Caesar ; de solides perspectives pour les prochaines années, y compris, je le souligne, dans le cadre du développement de l'industrie européenne, qui aura ainsi les moyens d'être plus concurrentielle et par conséquent de trouver de nouveaux marchés à l'extérieur ;  enfin, une organisation industrielle optimisée.

Oui, je suis tout à fait confiante dans la capacité de GIAT à devenir, dans les prochaines années, l'un des acteurs centraux de l'armement terrestre européen. Cela fait partie de mon ambition pour l'industrie française et l'industrie européenne de défense.

C'est dans ce cadre que j'ai souhaité la tenue d'un symposium qui nous permette de mettre en avant les atouts de notre stratégie industrielle de l'armement. J'avais même fixé une date, madame Luc.

Mme Hélène Luc. Oui, en juillet !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Il s'agissait de la troisième semaine de juillet.

Mme Hélène Luc. Exactement !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Or, ce sont malheureusement des leaders syndicaux, dont certains proches de vous, ...

Mme Hélène Luc. Tous les leaders syndicaux sont proches de moi ! (Sourires.)

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. ...qui se sont déclarés indisponibles. Je tiens les noms à votre disposition. Voilà pourquoi la date initialement fixée n'a pas été finalement retenue.

Aujourd'hui, comme vous le constatez vous-même, avec notamment la discussion budgétaire « nouvelle formule » et le projet de loi sur les réserves, que vous aurez bientôt à examiner, sans compter un certain nombre d'activités que vous imaginez, il m'est plus difficile de trouver une date qui convienne, et qui convienne à tout le monde.

Reste que ce symposium me semble être nécessaire parce qu'il nous permettra tout à la fois de marquer l'excellence de l'industrie française de l'armement et de souligner ce que sont les ambitions du Gouvernement pour cette industrie. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Madame la ministre, je vous remercie d'être présente ce matin pour me répondre : la question était importante, la réponse l'est tout autant.

En ce qui concerne les emplois réservés, j'espère que nous avancerons. Peut-être faut-il considérer le dossier d'une autre manière, faire d'autres propositions, pour que ces emplois soient réellement réservés. Vous ne pouvez pas douter de ma détermination, car vous savez le combat que j'ai mené depuis que les licenciements sont annoncés pour que des reclassements soient opérés, et ce de manière prioritaire.

Je précise que la retraite ne peut être une solution que pour les personnes ayant atteint l'âge de 56 ans et désireuses de partir. Beaucoup ont envie de continuer à travailler, y compris les personnes qui ont 56 ans, d'ailleurs.

Sur le développement de GIAT, vous ne m'avez pas donné trop de précisions, mais je ne doute pas que nous aurons l'occasion de vous entendre en commission de la défense sur ce sujet.

Madame la ministre, je ne demande pas mieux que de vous croire mais, pour le moment, comme les salariés, je suis inquiète.

En ce qui concerne maintenant la date du symposium, je pense que l'on pourrait convenir du tout début de l'année prochaine, au mois de janvier.

Votre réponse, vous vous en doutez, est loin de me satisfaire, et je pense que les familles ne seront pas plus satisfaites que moi aujourd'hui. Je crains que vos décisions stratégiques pour cette industrie et les conséquences sociales qu'elles induisent n'accentuent encore la désespérance de certains salariés.

Si je vous le dis ici, madame la ministre, c'est que je le constate sur le terrain, car il n'est pas dans mes habitudes de parler de ce que je ne connais pas d'expérience.

Prenez la mesure de la désespérance des salariés, madame la ministre. Certains de ceux qui ont aujourd'hui une cinquantaine d'années considèrent qu'ils n'ont plus d'avenir professionnel, et donc plus d'avenir social dans leur région. Quant à leurs enfants, ils sont dans le même état d'esprit. Et, dans la situation présente, il faut compter avec les enfants, madame la ministre ! Grandir dans une famille où le père n'a plus de perspectives professionnelles,...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Pourquoi pas la mère ? Ne soyez pas sexiste, madame Luc ! (Sourires.)

Mme Hélène Luc. ...n'est pas sans conséquences, comme nous le mesurons aujourd'hui !

Il faut vraiment annoncer autre chose à ces personnes pour qu'il n'arrive pas demain à Saint-Chamond, Tarbes et Cusset ce qui se produit aujourd'hui dans certains quartiers.

Madame la ministre, je peux vous dire que l'inquiétude est grande. Une journée d'action est en préparation et devrait avoir lieu, d'après mes informations, le 6 décembre, date à laquelle nous devrions précisément examiner le budget de la défense.

Peut-être aurons-nous l'occasion, dans le cadre de cette discussion budgétaire, d'obtenir de nouvelles précisions. Les rapporteurs du budget de la défense eux-mêmes se sont fait l'écho de problèmes s'agissant notamment de retards constatés dans la livraison des armements. Madame la ministre, nous avons, d'un côté, des salariés au chômage, de l'autre, une armée qui ne reçoit pas l'armement dont elle a besoin. Il y a là quelque chose qui ne va vraiment pas !

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Et les grèves ?