PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La parole est à M. Louis de Broissia.

M. Louis de Broissia. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, j'évoquerai le maillon le plus fragilisé de la chaîne de collectivités locales, je veux dire le maillon département-commune. Comme Mme Beaufils, je soulignerai la parfaite adéquation de ce couple qui, depuis vingt ans, a joué un rôle d'amortisseur de crise et a permis à la société française de résister à des changements brutaux.

Pour ce qui concerne les départements, vous le savez et je n'insisterai pas, leurs dépenses augmentent d'une façon qui n'est aucunement liée à l'autonomie financière des collectivités locales.

M. Bruno Sido. C'est la faute de la gauche !

M. Louis de Broissia. Permettez-moi, mes chers collègues, de vous citer quelques chiffres.

En 2005, les dépenses d'aide sociale ont augmenté de 9,6 %, celles de l'allocation personnalisée d'autonomie de 7,5 %, les charges relatives au RMI de 19,4 %, les dépenses des personnes handicapées de 8,9 %, et celles des services départementaux d'incendie et de secours de 11,7 %.

Je ne serai ni le premier ni le dernier à vous le dire, messieurs les ministres délégués, la nette majorité des dépenses des conseils généraux, partie indispensable du couple assurant la solidarité territoriale avec les communes, sont aujourd'hui des dépenses sociétales, d'affectation obligatoire. Avec l'allocation personnalisée d'autonomie non récupérable sur les successions, nous avons mis le doigt, chers collègues de l'opposition, dans un engrenage fatal.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui !

M. Louis de Broissia. Avec le RMI aujourd'hui, et la prestation de compensation du handicap, la PCH, demain, la collectivité départementale a un visage double, messieurs les ministres délégués, et vous le savez bien.

Les départements sont devenus avant tout, pour plus de la moitié de leur budget, des « attributeurs » de prestations. Ensuite, pour la part qui leur reste, ils sont des collectivités décentralisées, autonomes et libres de définir leurs politiques territoriales.

Je me réjouis que, sur un tel débat, deux ministres soient présents aujourd'hui. Je souhaiterais qu'il y en ait désormais plutôt trois ou quatre.

J'évoquerai maintenant les dotations de l'État. Après bien des atteintes lourdes portées à l'autonomie des collectivités locales, nous avons appris ici la suppression de la vignette, la suppression de la part salariale de la taxe professionnelle, et l'encadrement des droits de mutation. On peut parler d'atteintes réciproques à l'autonomie.

Je me réjouis du renouvellement du contrat de croissance et de solidarité. M. le ministre délégué au budget nous le rappellerait si je ne le faisais pas, les droits de mutation vont bien, puisqu'ils représentent 4,6 milliards d'euros. Ils ont augmenté de 16,8 % entre 2004 et 2005. Cette ressource n'aura peut-être qu'un temps, car elle dépend de la progression immobilière.

Les impôts directs, notre variable d'ajustement avec les droits de mutation encadrés, ont progressé de façon importante puisqu'ils ont augmenté en moyenne de 4,3 %. Pour 2006, les prévisions se situent plutôt entre 5 % et 10 %.

Si le bouclier fiscal est une démarche vertueuse à laquelle je souscris, comment peut-il s'appliquer à des dépenses que l'État nous impose ? Comment peut-il porter sur des dépenses de solidarité nationale décidées pour le RMI, l'APA, et la prestation de compensation du handicap engagées, par exemple, par le conseil général de l'Indre-et-Loire, dont on a parlé, par celui de la Côte-d'Or ou par celui de la Guyane ?

Parmi les impôts indirects, nous nous réjouissons de la mise en place, sous l'impulsion de M. Alain Lambert, de la branche « automobile » de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances. Elle permettra de régler 126 millions d'euros au titre de la compensation du transfert de compétences et d'accompagner le financement des SDIS, car il ne s'agit bien que d'un accompagnement dans la mesure où les dépenses à ce titre augmentent de façon beaucoup plus importante.

Pour la taxe intérieure sur les produits pétroliers, la TIPP, nous avions pensé faire un très bon calcul. Or, après le cinquième, le sixième et le septième chocs pétroliers, nous constatons que la stagnation de la consommation du carburant rend cette dépense moins dynamique.

Le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin a accepté de prendre en charge les dépassements de dépenses des départements en RMI. Ainsi, 457 millions d'euros ont été affectés aux départements en vertu de la règle constitutionnelle, et morale, selon laquelle le RMI doit être compensé la première année. Vous réfléchissez, je le sais, à un accompagnement des bonnes pratiques. Nous serons très attentifs aux propositions du Gouvernement.

Je relèverai deux motifs de satisfaction.

S'agissant du fonds de compensation pour la TVA, je me réjouis que le projet de loi élargisse le champ des investissements éligibles à ce mécanisme. Je salue à cet égard l'indépendance d'esprit de mon collègue Frécon, qui a souligné ce point. Ainsi, la TVA qui sera versée à l'occasion d'investissements réalisés dans les communes, les crèches, les maisons de retraite, et les haltes-garderies, sera remboursée aux collectivités territoriales. Nous nous félicitons de cette initiative dynamique.

En ce qui concerne la dotation globale d'équipement, qui ne relève pas de la même dynamique, je crois comprendre que le Gouvernement, au cours de la discussion, formulera des propositions, en particulier pour les départements, qui seraient les premières victimes.

Ma conclusion sera très simple.

Les départements et les communes ont une tâche incontournable. Leur rôle est d'autant plus important que l'identité rurale est en crise et que les banlieues et le tissu périurbain connaissent un véritable malaise. Ce rôle est double. Il s'agit d'abord d'assurer la cohésion territoriale, c'est-à-dire la péréquation de fait entre les villes et les campagnes, entre le périurbain et le périrural, entre les municipalités éloignées du centre et celles qui en sont proches, entre les vieilles communes et celles qui sont plus récentes, entre les villes riches et les communes plus pauvres.

Mais il s'agit ensuite, pour les 102 départements de France métropolitaine et d'outre-mer, d'assurer aussi la cohésion sociale. Affaiblir ce maillon essentiel, ce serait, à mon avis, porter un coup rude à cette République décentralisée dont nous avons souhaité ici l'émergence.

Messieurs les ministres délégués, nous nous réjouissons de la tenue de ce débat fiscal, qui est légitime et rendu d'autant plus nécessaire depuis la réforme de la Constitution. Cependant, nos propos ne concernent qu'une partie minime - en tout cas non majoritaire - du budget que les présidents de conseils généraux vont devoir soumettre à leur assemblée ; pour moi c'est le 14 décembre prochain. Et j'en appelle ici au Gouvernement tout entier, pas seulement à ceux qui le représentent aujourd'hui.

En effet, ce n'est pas moi qui décide du nombre d'enfants que les juges ou l'aide sociale à l'enfance me confient : aujourd'hui, ils m'en ont confié 200 de plus, soit 3 020 au total.

Je ne décide pas plus du nombre des allocataires de la prestation d'autonomie. C'est la loi qui le fixe. Aujourd'hui, 8 000 personnes en sont bénéficiaires, et ce chiffre est en forte augmentation. Comment voulez-vous que les vieux rajeunissent et soient moins dépendants ? C'est improbable !

De la même manière, je ne décide pas du nombre des RMIstes. J'ai voté, en tant que député, la loi sur le RMI en 1988. C'est une allocation de droit, je dois la verser. Cela étant, nous savons gérer nos finances départementales, rassurez-vous, et nous récupérons les sommes indûment versées !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Vous pouvez en aider quelques-uns à s'en sortir !

M. Louis de Broissia. Monsieur le rapporteur général du budget, pour être conseiller général depuis 1985, je sais aussi ce qu'est l'argent public. Mais les Français se sont habitués, depuis dix-sept ans, à un assistanat financier systématique, et ce n'est pas une habitude avec laquelle on peut rompre en un ou deux ans de bonnes pratiques.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est bien vrai !

M. Louis de Broissia. Je ne déciderai pas davantage, monsieur le rapporteur général du budget, du nombre d'allocataires de la prestation de compensation du handicap. D'ailleurs, les décrets ne sont toujours pas sortis.

Au-delà de ce débat budgétaire encore une fois utile et qui nous permettra sans doute de prendre connaissance de propositions satisfaisantes, dans un climat qui est marqué par une forte dette nationale, convenez que les départements n'ont, heureusement, pas trop de dettes !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. C'est vrai !

M. Bruno Sido. Pour l'instant !

M. Christian Demuynck. Oui, pour l'instant !

M. Louis de Broissia. Cela nous situe pour le moment dans une position favorable par rapport à Bruxelles. Si nous sommes rentrés dans les clous de Maastricht, c'est parce que les collectivités territoriales étaient désendettées. Donc, n'accablons pas les départements, les régions ou les communes qui ont encore des marges de manoeuvre.

Le climat est aussi marqué par une grande difficulté à faire évoluer la dépense publique. Nous nous sommes habitués au « toujours plus », qui n'est pas encore du « toujours mieux ».

Enfin, le climat est marqué par un besoin fort de solidarité nationale.

La France doit donc ouvrir un autre chantier, indispensable, sans aucun doute à l'occasion de ce projet de loi de finances, celui de la solidarité nationale. Ce point a été évoqué par Michel Mercier, Henri de Raincourt, et il sera encore soulevé par d'autres après moi.

Messieurs les ministres délégués, soixante ans après la fondation des quatre branches de la sécurité sociale - la famille, la vieillesse, la maladie et les accidents du travail -, il est temps de créer la branche « autonomie ».

Cette branche, répondant à une nécessité du XXIème siècle, qui ne s'était pas fait jour au XXème siècle, a déjà été amorcée, à titre de prélude, par la Caisse nationale de solidarité et d'autonomie.

Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, 2006 sera une année critique pour les collectivités locales et, en particulier, pour les départements. Ne la laissons pas passer sans refonder notre solidarité nationale sur ses cinq piliers indispensables.

Le groupe UMP y prendra toute sa part, de façon positive, mais exigeante. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, l'une des questions que l'on pourrait se poser, au moment de débattre des rapports entre l'État et les collectivités territoriales, serait de savoir si le « contrat de croissance et de solidarité » a encore un sens.

En effet, depuis 2002, le principe des dotations placées sous enveloppe conduit, de manière mécanique et inexorable, à la réduction en termes réels du niveau des transferts de recettes de l'État vers les collectivités locales, l'encadrement des dotations ne servant finalement qu'à minorer l'effort du budget général en direction de celles-ci.

L'on sait ainsi de longue date au moins deux choses : l'enveloppe progresse moins vite que ne progresse en théorie la dotation globale de fonctionnement - qui en est l'élément principal - et, par voie de conséquence, la dotation de compensation de la taxe professionnelle sert de variable d'ajustement au solde de l'enveloppe.

Il serait sans doute intéressant de mesurer l'importance des recettes que l'État n'a pas transférées aux collectivités locales depuis 1993, qu'il s'agisse de la perte de pouvoir d'achat de la dotation globale de fonctionnement, des millions évanouis dans la réfaction du fonds de compensation pour la TVA, le FCTVA, ou de la minoration des dotations d'équipement et, plus encore, des pertes de ressources fiscales occasionnées par le décalage entre la dotation de compensation de la taxe professionnelle, la DCTP, et la réalité.

Ce sont aujourd'hui plus de 3 milliards d'euros qui sont ainsi perdus chaque année par les collectivités territoriales.

Ajoutons à ce processus les conséquences de la surcompensation des cotisations de la Caisse nationale de retraites des agents des collectivités locales, qui a eu un impact annuel de plus de 1,5 milliard d'euros.

Et pourtant, les collectivités locales auraient bien besoin de ces ressources !

Comment justifier auprès d'élus de villes éligibles à la dotation de solidarité urbaine que le peu qui leur a été donné leur est repris par la DCTP ?

Et que dire des transferts de compétence en cours ?

Le revenu minimum d'insertion, confié aux départements, est alimenté par un prélèvement sur les recettes de TIPP, qui, dès la première année, ne fait pas le compte !

Pour l'allocation de vétérance des sapeurs-pompiers professionnels, là, encore, un décalage existe entre la compensation et les charges transférées !

Quant à l'intégration de la suppression de la part taxable des salaires dans la dotation globale de fonctionnement, comment ne pas souligner que l'évolution future de la DGF créera un décalage grandissant entre ce qu'auraient pu percevoir les collectivités locales et ce qu'elles toucheront effectivement ?

L'argent qui manque aujourd'hui aux collectivités locales pour répondre aux besoins sociaux forts en matière de logement, de santé, d'éducation, tels qu'ils se sont révélés dans les dernières semaines, c'est l'argent que vous avez gaspillé pour alléger la fiscalité ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Thierry Foucaud. C'est vrai !

M. Bernard Vera. C'est autant d'argent de moins pour les équipements publics, pour la vie associative, pour le lien social, ou encore pour la prévention sanitaire.

Il est donc temps de cesser de faire des collectivités locales l'outil de la régulation du déficit public qui ignore les incidences que cela peut avoir sur la vie concrète du pays.

Nous refusons le choix de la baisse du déficit comptable et de la hausse des déficits sociaux.

Le débat sur les collectivités territoriales sera pour nous l'occasion de rappeler quelques-unes des questions qui nous préoccupent et des solutions que nous proposons.

Messieurs les ministres délégués, la grande crise des quartiers urbains, les profondes inquiétudes qui se manifestent dans un monde rural frappé par la crise d'une bonne partie de la production agricole et de l'économie de proximité qui en découle, la disparition progressive du commerce et de l'artisanat, la réduction de la présence du secteur public d'État dans les campagnes et dans les quartiers urbains, sont autant de problèmes qui appellent d'autres solutions que celles qui sont mises en oeuvre aujourd'hui. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, chaque année le débat sur les recettes des collectivités territoriales conduit, à peu de choses près, au même constat.

L'État tente d'allier maîtrise de son budget et respect de ses engagements envers les collectivités locales. Ces dernières réclament les moyens leur permettant d'exercer leurs missions. Mais aussi, chaque année, les collectivités locales constatent la lente et inexorable réduction de leur autonomie fiscale et, en définitive, de leur autonomie tout court. Elles se voient chaque année installées dans l'instabilité et, finalement, conduites à des difficultés d'action, voire à l'immobilisme.

Le projet de loi de finances pour 2006 n'échappe pas à ce constat, et il me semble que nous touchons désormais aux limites de ce processus.

En effet, après des années de modification par touches successives - j'ai recensé dix réformes fiscales en sept ans, dont M.  de Broissia a rappelé tout à l'heure la première, qui concernait la vignette, suivie de dégrèvements, de transferts sans assurance de recettes -, nous trouvons dans ce projet de budget pour 2006 des dispositions qui continuent ce processus et qui touchent aux fondements mêmes de la décentralisation et des principes constitutionnels d'autonomie fiscale, pourtant au coeur de l'équilibre, fragile, des finances de nos collectivités.

J'illustrerai mon propos par la situation des communes et des intercommunalités, le président Mercier ayant axé son intervention sur les départements.

En premier lieu, s'agissant du bouclier fiscal, l'Association des maires de France - dans laquelle je m'investis beaucoup -, s'est opposée à ce dispositif, non pas à son objet, qui vise un plafonnement des impôts, mais au fait d'inclure les taxes locales dans ce dispositif. Un débat a eu lieu au sein de l'association entre ceux qui demandaient une compensation à l'État et ceux qui, comme moi, prônaient l'exclusion pure et simple des taxes locales du dispositif, sachant d'expérience que la masse des compensations tend à s'amoindrir au fur et à mesure des années.

En deuxième lieu, je citerai le foncier non bâti. Avec la mesure proposée, qui a été évoquée par de nombreux intervenants, toute variation du taux de cette taxe deviendra sans effet sur 20 % des bases fiscales concernées. Or vous le savez, le foncier non bâti représente à peu près 50 % des recettes propres des collectivités locales dans le monde rural.

Mme Jacqueline Gourault. M. Frécon l'a souligné avant moi, une telle mesure ne faisait l'objet d'aucune demande de la part de la profession agricole. Habitant moi-même dans un département très agricole, j'entends souvent les uns et les autres me faire part de leurs préoccupations concernant les négociations de l'Organisation mondiale du commerce ou les conséquences de la politique agricole commune, mais je ne les ai jamais entendus formuler cette demande.

M. Jean-Claude Frécon. Elle est sortie d'un chapeau !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est clair !

Mme Jacqueline Gourault. Nous sommes bien évidemment vivement opposés à cette mesure. Il importe que vous meniez une réflexion à cet égard, d'autant que nous sommes soutenus notamment par les chambres d'agriculture, qui ne comprennent pas une telle décision.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument ! On ne comprend pas !

Mme Jacqueline Gourault. En troisième lieu, j'évoquerai la taxe professionnelle. Je sais que nous y reviendrons dans la suite du débat budgétaire, mais je souhaite d'ores et déjà vous mettre en garde contre cette disposition.

Outre les conditions discutables de discussion de ce projet de budget, les simulations pour les communes et les EPCI n'ayant été fournies aux députés que le matin même de l'examen du texte par l'Assemblée nationale, cette réforme est lourde de conséquences pour nos collectivités locales.

En effet, elle obère gravement les budgets des communautés de communes et des communautés d'agglomération et, finalement, leurs capacités d'action.

Comment expliquer que l'État, initiateur de ces regroupements et d'une spécialisation de l'impôt des EPCI autour de la taxe professionnelle, décide six années seulement après les lois de 1999, d'une réforme qui conduit, de fait, au plafonnement de la ressource fiscale unique de ces établissements ?

Comment justifier un dispositif qui conduit à pénaliser les EPCI qui ont mené une politique fiscale raisonnable ?

Comment expliquer et justifier que ces collectivités locales se voient amputées d'une part importante de leur autonomie fiscale, alors même qu'il leur est demandé de remplir de nouvelles missions ?

Mme Jacqueline Gourault. Lors du congrès des maires, le Premier ministre et le ministre de l'intérieur ont rappelé le rôle fondamental joué par les maires pendant les terribles mouvements sociaux qui se sont produits dans les banlieues, mais aussi - je tiens à le préciser - dans les campagnes. Les maires sont d'accord pour assumer leurs responsabilités et le lien social de proximité, qui est leur vraie vocation, mais, en même temps, il faut leur donner les moyens d'agir.

Enfin, si l'État décide d'alléger la fiscalité des entreprises, comment accepter qu'il en fasse supporter le coût et les conséquences aux collectivités locales ? Pourquoi l'État n'assume-t-il pas, sur sa propre fiscalité des entreprises, la logique de sa politique économique ?

Plus grave encore : j'entends parfois dire que si les collectivités sont opposées au plafonnement de la taxe professionnelle à 3,5 % de la valeur ajoutée, c'est qu'elles sont contre le développement économique des entreprises. C'est une plaisanterie ! Nous sommes évidemment favorables à l'allégement de la fiscalité sur les entreprises, mais il nous paraît inconcevable de faire peser sur les collectivités territoriales la politique d'allégement des charges des entreprises que l'État décide : qu'il assume ses décisions et qu'il allège les charges des entreprises sur sa propre fiscalité !

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Philippe Arnaud. Tout à fait !

Mme Jacqueline Gourault. Je peux vous dire qu'il existe un mécontentement général des maires et des présidents d'EPCI au sujet de la réforme de la taxe professionnelle. Je n'avais jamais vu cela dans mon département, par ailleurs calme et modéré : une pétition circule, signée par les présidents d'EPCI, contre cette réforme. Il faut savoir que, dans certains cas, les bases seront plafonnées jusqu'à 80 %, ce qui paraît incroyable !

À cela s'ajoutent le problème de l'inégalité avec ceux qui sont plafonnés à 30 %, voire à 2 %, mais aussi toutes les difficultés qui ont été soulevées par mon collègue Jean-Claude Frécon, concernant les sociétés qui sont installées sur plusieurs communes, ou plusieurs départements.

Si nous formulons des craintes et manifestons notre opposition à cette politique relative aux collectivités territoriales, ce n'est pas une posture politique. Que l'on ne vienne pas me demander, à moi, comme c'est la mode aujourd'hui, si je suis dans la majorité ou dans l'opposition !

M. Daniel Raoul. Quoique...

Mme Jacqueline Gourault. Je sais où je suis et ce n'est pas aux autres de me dire où je me trouve !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est bien !

Mme Jacqueline Gourault. Monsieur le ministre, il y a péril en la demeure pour les collectivités territoriales. Comment ne pas être inquiet, aujourd'hui, du processus de décentralisation ?

Il nous faudra sortir de la logique d'un État prescripteur des dépenses des collectivités et, à la vérité, plus déconcentrateur que décentralisateur ; il nous faudra cesser d'enchaîner les réformes des recettes des collectivités sans en avoir de vision d'ensemble ni nous interroger sur la finalité de la fiscalité locale ; il nous faudra envisager enfin des rapports plus équilibrés entre les collectivités et l'État. En un mot : nous devrons sortir de cette spirale de défiance entre les collectivités locales et l'État.

Messieurs les ministres délégués, les élus locaux sont prêts au débat, et je n'ai qu'un souhait : que la discussion du projet de budget des collectivités locales soit brève tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale. Ce sera alors le signe que nous avons atteint notre véritable autonomie ! (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Haut.

M. Claude Haut. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, notre débat s'inscrit dans un contexte extrêmement préoccupant pour les relations financières entre l'État et les collectivités locales. L'ensemble des congrès des associations d'élus qui se sont succédé depuis le mois de septembre - en tout dernier lieu, le congrès de l'Association des maires de France, la semaine dernière - a permis de mesurer la très forte inquiétude que suscitent chez l'immense majorité des élus locaux les dernières mesures gouvernementales en matière de finances locales. Ils sont inquiets tout à la fois de la dégradation des marges de manoeuvre financière de leur collectivité, mais aussi, tout simplement, de la dégradation très prévisible de leur situation financière.

Ce que je dis ici, croyez-le bien, est l'avis partagé - je l'ai entendu dans cet hémicycle - d'une très grande majorité d'élus locaux de toutes tendances qui souhaitent, enfin, être écoutés et entendus.

Votre gouvernement, messieurs les ministres délégués, paraît avoir trouvé dans les collectivités locales le bouc émissaire parfait de la dégradation des finances publiques, mais aussi la variable d'ajustement idéale pour contenir les déficits publics. Curieuse conception de la décentralisation, « la mère des réformes », proclamée par l'un de nos collègues ; curieuse conception de l'autonomie financière des collectivités locales, vidée de tout son sens après avoir pourtant été inscrite dans le marbre de notre Constitution !

Les manquements à la règle sont nombreux. Le choix effectué par la majorité de nos concitoyens en mars 2004, lors des élections cantonales et régionales, ne paraît pas être à votre convenance.

M. Louis de Broissia. Cela n'a rien à voir !

M. Claude Haut. Faut-il pour autant punir les régions et les départements en leur transférant massivement des charges sans leur donner les moyens financiers nécessaires ?

Après deux exercices budgétaires, on peut déjà apprécier les conséquences du transfert du RMI aux départements.

M. Alain Dufaut. Et de l'APA !

M. Claude Haut. De l'APA également !

Avec 200 000 nouveaux bénéficiaires et une allocation revalorisée, les charges des départements explosent, alors que les recettes stagnent, en dépit des promesses faites d'une ressource évolutive. Le résultat est que le déficit de 2004 est de 462 millions d'euros. Ce déficit va être compensé, mais vous ne nous donnez toujours aucune indication sur le milliard d'euros manquant pour 2005. Allons-nous encore doubler ce déficit en 2006 ? Tout est possible !

La barque ne cesse de s'alourdir : en 2005, les collectivités locales ont dû assumer les retraites des sapeurs-pompiers ; en 2006, la loi sur le handicap va faire exploser encore davantage les dépenses sociales des départements, car les compensations annoncées semblent insuffisantes. Nous constatons régulièrement votre générosité lorsque ce sont les collectivités qui payent !

Vous aviez alors promis des recettes évolutives et modulables : la taxe intérieure sur les produits pétroliers pour les régions ; la taxe spéciale sur les conventions d'assurances pour les départements. Aujourd'hui, alors que les transferts sont en cours, nous ne savons pas si les régions pourront moduler la TIPP - mais je pense que la réponse sera positive. Quant aux départements, qui, je ne sais trop pourquoi, semblent être particulièrement visés, le Gouvernement a annoncé qu'il ne pourrait tenir son engagement sur cette modulation.

Il est donc temps, messieurs les ministres délégués, d'entendre les inquiétudes des élus locaux et des présidents de conseils généraux. Il est plus que temps d'assurer enfin le respect de la règle constitutionnelle de l'autonomie financière des collectivités locales en permettant aux départements de disposer de recettes fiables, modulables et évolutives, pour faire face à leurs nouvelles charges.

Enfin, non contents de faire financer les transferts de charges par les contribuables locaux, vous n'engagez pas de véritable péréquation financière, et les distorsions de richesses entre collectivités continuent de s'accroître.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Claude Haut. Où est, là encore, le respect du principe constitutionnel de la péréquation ?

C'est pourtant au moment où toutes les charges sont transférées et les dotations pratiquement figées - ce qui, mécaniquement, entraîne l'augmentation des impôts locaux pour les ménages - que le Gouvernement engage sa réforme fiscale, qu'il veut faire financer par les collectivités locales. Nous pensons que les deux mesures phares, le fameux « bouclier fiscal » et le plafonnement de la taxe professionnelle, constituent non seulement une nouvelle atteinte à l'autonomie financière des collectivités locales, mais surtout, réinstituent une véritable tutelle financière de l'État sur les collectivités locales.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Claude Haut. Voilà une bien surprenante conception de la décentralisation : transfert des déficits aux collectivités et rétablissement de la tutelle que les lois Defferre avaient fait disparaître en 1982 !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mon cher collègue, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Claude Haut. Mais certainement, monsieur le rapporteur général.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général, avec l'autorisation de l'orateur.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour animer notre débat et relativiser un peu certains propos, je rappellerai que la soustraction de la part salariale de la taxe professionnelle, qui a en réalité marqué le début de cette réforme, de ce démantèlement de la taxe professionnelle, date du gouvernement Jospin.

M. Gérard Delfau. Nous le savons parfaitement !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il faut que, collectivement, nous sachions être équitables et prendre ce problème pour ce qu'il est, c'est-à-dire sans origine partisane ou politique particulière.

M. Paul Blanc. Très bien !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur Haut.

M. Claude Haut. Monsieur le rapporteur général, je ne fais pas de politique partisane, je fais aujourd'hui un constat, en tenant compte bien sûr de ce qui s'est passé avant.

M. Louis de Broissia. Et la vignette ? Par qui a-t-elle été supprimée ? Par Fabius !

M. Claude Haut. Cette réforme aura de graves conséquences sur les collectivités. Certes, les enjeux financiers ne sont pas les mêmes, puisque vous voulez imposer aux collectivités un remboursement de 43 millions d'euros pour le bouclier fiscal et de 474 millions pour la taxe professionnelle. Au demeurant, c'est avec intérêt que nous avons suivi les débats de l'Assemblée nationale concernant l'adoption de cette réforme, plus particulièrement sur les deux aspects que j'ai cités.

Certes, messieurs les ministres délégués, face à l'ampleur de la protestation des élus locaux, face à la très nette désapprobation de l'ensemble des associations d'élus, et même de quelques élus de votre majorité, vous avez esquissé un léger mouvement de recul et accepté quelques timides amendements de vos amis de la commission des finances de l'Assemblée nationale. Mais ces amendements ne règlent rien et n'atténuent nullement le caractère profondément injuste et, à terme, très dangereux de ces mesures.

Le plafonnement de la taxe professionnelle est la mesure la plus grave, car cette taxe représente plus de la moitié des ressources des collectivités locales. Vous n'avez pas eu le courage d'appliquer la réforme préconisée par la commission Fouquet, et vous avez décidé de faire essentiellement supporter le coût de la réforme par les collectivités locales.

Vous transférez des dépenses en forte croissance que vous compensez par des ressources plafonnées. Cela aura de graves conséquences pour les régions, et plus encore pour les départements, dont les dépenses sociales explosent. Et que dire des intercommunalités à taxe professionnelle unique, qui, aujourd'hui, paraissent être une nouvelle cible pour certains de vos amis !

En réalité, le plafonnement de la TP ne corrige en rien les défauts de cet impôt économique diagnostiqués par la commission Fouquet : il ampute l'assiette fiscale de façon différente selon les territoires, de telle sorte que ce sont les territoires industriels les plus en difficulté qui seront les plus touchés. Les effets de cette proposition s'aggraveront d'année en année, car le parc d'entreprises plafonnées va s'accroître. Les disparités entre les territoires se creuseront, et ce sont une nouvelle fois les collectivités les moins favorisées qui en feront les frais.

Ainsi, notre collègue député Augustin Bonrepaux a chiffré le plafonnement à 30 % dans les Hauts-de-Seine et à plus de 66 % dans le département de l'Ariège : cela donne déjà une idée de l'équilibre de cette mesure. C'est la péréquation du pauvre vers le riche : c'est un peu surprenant ! Qui plus est, le garrot se resserrera d'année en année, conduisant les collectivités qui ont moins de moyens à augmenter les impôts locaux.

On peut donc déjà prévoir les conséquences de cette mesure : réduction des investissements des collectivités locales et explosion de la dette. Belle façon de soutenir la croissance et l'emploi, alors que les collectivités assurent plus de 70 % des investissements publics !

Messieurs les ministres délégués, il n'est que temps de revenir sur certains dispositifs, injustes et pénalisants pour les collectivités, inefficaces pour la croissance économique. Il faut rétablir un véritable climat de confiance entre l'État et les collectivités. Écoutez les associations d'élus, réunissez enfin - j'ai cru comprendre que vous étiez sur le point de le faire, mais aucune date n'a été indiquée - la fameuse conférence des finances publiques, souvent annoncée, toujours remise.

La confiance n'existe plus aujourd'hui, car tant de promesses ont été faites qui n'ont pas été tenues, et tant d'annonces déçues ou reportées, quelquefois aux calendes grecques ! Les collectivités, surtout les départements, n'en peuvent plus !

Je souhaite très sincèrement que vous preniez en compte ce profond sentiment d'inquiétude des élus locaux, perceptible sur toutes les travées de notre assemblée,...

M. Louis de Broissia. Pas dans les mêmes termes !

M. Claude Haut. ...et que vous répondiez enfin à certaines de nos attentes. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Yves Fréville.

M. Yves Fréville. Mes chers collègues, nous sommes des parlementaires,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Incontestablement !

M. Yves Fréville. ... c'est-à-dire que nous seuls autorisons l'impôt, que nous devons partager entre l'État, les collectivités locales, la sécurité sociale et l'Europe.

La question qui nous est posée n'est pas de savoir si telle ou telle catégorie d'administration a des besoins plus ou moins importants : elle est de savoir si le partage qui nous est proposé est cohérent avec nos objectifs de politique économique. Or ce partage n'est pas défavorable aux collectivités locales.

Il ressort en effet du « jaune » que l'effort financier consenti pour les collectivités locales, prises globalement et à structure constante de décentralisation, est de 4,5 %. Le Gouvernement l'a souligné à plusieurs reprises, messieurs les ministres délégués, l'effort en faveur de ce que l'on appelle l'enveloppe normée croît de 2,4 % et permettra une augmentation de 15 % tout à la fois de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale, c'est-à-dire de la péréquation. Il faut comparer ces chiffres avec celui qui concerne l'État ; or nous, membres de la majorité, sommes partisans d'une croissance des dépenses de l'État limitée à 0 % en volume !

La question qui nous est posée est simple : ce partage permet-il de résoudre les deux crises dont il faut bien reconnaître la réalité, celle de la taxe professionnelle, d'une part, et celle, qui est apparue tout le long de ce débat, de la décentralisation, d'autre part ?

J'insisterai tout d'abord sur le problème de la réforme, j'allais dire : du sauvetage de la taxe professionnelle. Car il faut voir d'où nous partons ;  il faut voir que, si nous continuons, la base d'un impôt économique en faveur des collectivités locales sera menacée. Nous pouvions très bien, si nous avions suivi les conclusions du Conseil des impôts, présidé par Pierre Joxe, aboutir à un impôt national sur la taxe professionnelle à taux unique !

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Que serait-il resté de l'autonomie !

M. Michel Mercier. À peu près ce qu'il en restera après cette réforme !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Rien !

M. Yves Fréville. Comme vous le disiez, monsieur le ministre délégué, quid de l'autonomie !

Nous courions également le risque, soyons-en conscients, de voir des entreprises - c'est-à-dire des emplois, et c'est tout de même le problème essentiel que nous avons à résoudre - en difficulté. Notre objectif est bien d'éviter cela !

Cet objectif est rempli, parce que nous sauvons la taxe professionnelle, à vrai dire à coût élevé pour l'État : cette année, les dégrèvements de taxe professionnelle liés aux dégrèvements en faveur des investissements nouveaux vont atteindre 1,2 milliard d'euros, soit plus que l'augmentation de l'enveloppe normée ; l'année prochaine, compte tenu des décisions bienvenues prises par l'Assemblée nationale, la réforme coûtera à l'État 1,7 milliard d'euros.

Telle est donc la ligne directrice de ce projet de loi de finances à l'égard des collectivités locales.

J'approuve, et je le dis sans fard, qu'une entreprise ne paie pas plus de 3,5 % de sa valeur ajoutée aux collectivités locales pour les services locaux. Tous ceux qui ne sont pas d'accord oublient que, s'ils demandent plus aux entreprises, c'est l'État qui paiera par le biais des dégrèvements. Or il n'existe rien de plus irresponsable que les dégrèvements.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. C'est très habile !

M. Yves Fréville. Comme certains ont bien voulu le rappeler, j'ai réalisé une étude sur les dégrèvements de taxe d'habitation. À cette occasion, j'ai constaté que, dans un grand nombre de villes, 60 % des contribuables sont partiellement ou totalement dégrevés, et ce n'est pas toujours injustifié. Je connais une commune du Nord dans laquelle 90 % des contribuables ne paient pas le montant total de la taxe d'habitation.

Or ce n'est pas cela, l'autonomie fiscale. L'autonomie fiscale consiste à faire payer à un contribuable l'impôt qu'il doit sans recourir à l'aide de l'État. En fixant une règle, vous allez dans le sens de l'autonomie fiscale.

La seconde chose que vous faites, et qui me paraît salutaire, c'est que vous fixez une règle claire pour l'État. En effet, l'État prendra en charge la totalité des augmentations du dégrèvement intervenues entre 1995 et 2005, en limitant à 4,5 % l'augmentation pour 2005, sans perte de recettes dans la limite des 4,5 % pour les collectivités locales, grâce à une mesure adoptée par l'Assemblée nationale.

Contrairement à ce que l'on entend dire, les collectivités locales vont bénéficier de tout accroissement des bases, que les entreprises soient plafonnées ou non. Si une collectivité locale mène une politique de développement économique et si elle maintient des taux d'impôts stables, il est faux de dire que ses produits de taxe professionnelle ne s'accroîtront pas, ils s'accroîtront à hauteur des bases et, si une entreprise est plafonnée, c'est l'État qui paiera le supplément.

M. Louis de Broissia. Le cas sera rare !

M. Yves Fréville. Un problème se pose s'il s'agit d'une collectivité locale pauvre qui n'a pas antérieurement augmenté ses taux, et je souhaite qu'un mécanisme correcteur soit mis en place.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Ce sera fait !

M. Yves Fréville. Il me paraîtrait effectivement anormal qu'une collectivité qui a des taux d'imposition faibles et un taux de plafonnement élevé, car certains de ses établissements dépendent d'une entreprise qui est fortement imposée ailleurs, soit victime de la règle. Je note, messieurs les ministres délégués, que vous allez proposer une réduction du ticket modérateur d'une telle communauté.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous y travaillons !

M. Yves Fréville. De plus, nous devrions réfléchir au problème de la cotisation minimale de la taxe professionnelle qui va à l'État, et qui augmente simplement cette année de 400 millions d'euros !

C'est un problème auquel nous devons songer, car il y a un risque de déresponsabilisation des élus locaux. En Ille-et-Vilaine, par exemple, qui est un département dans lequel on n'impose pas tellement, certains maires me disent qu'ils sont littéralement poussés au crime, car, s'ils augmentent leurs taux d'imposition, ils auront plus de recettes, mais l'État en aura moins parce que les entreprises n'auront plus à payer la cotisation minimale. Il faut éviter ce genre de réaction.

Voilà, mes chers collègues, ce que je souhaitais dire sur la taxe professionnelle et, sur ce point, le projet de loi de finances pour 2006 me semble bon.

Permettez-moi de dire quelques mots sur l'autre crise, dont nous avons beaucoup parlé, celle de la décentralisation.

Tout d'abord, les impôts qui ont été transférés aux collectivités locales sont, dans la majorité des cas, des impôts dynamiques.

Les droits de mutation, M. Mercier l'a rappelé, ont augmenté de 27 % de 2003 à 2006. Je sais qu'ils sont cycliques, mais cela représente tout de même une augmentation conséquente pour les départements !

M. Yves Fréville. La taxe sur les conventions d'assurances a augmenté de 5 % par an depuis l'an 2000. Nous ne pouvons pas dire que ces transferts de recettes se sont faits au détriment des collectivités locales, notamment des départements.

Cependant, il est vrai qu'il existe un problème et nous devrons l'aborder lors de la conférence des finances publiques. Nous pensions que la TIPP augmenterait, cela n'a pas été le cas, à un moment où les charges des départements ont crû fortement.

De plus, ces ressources supplémentaires sont réparties de façon extrêmement inégale entre les départements. Il serait donc nécessaire de prendre la mesure des déséquilibres qui existent entre les départements. Dans certains départements, par exemple, les droits de mutation à titre onéreux atteignent 25 euros par habitants, alors que, dans d'autres départements, ils s'élèvent à 200 euros. J'aimerais être sûr que certains départements se trouvent bien dans la situation la moins favorable quand nous discutons de leurs difficultés. Je pense notamment à la Creuse, à la Haute-Marne, à la Lozère, au Cantal et à la Haute-Loire...

M. Yves Fréville. Et je ne citerai pas ceux qui sont en haut de l'échelle.

De la même manière, la taxe sur les conventions d'assurances est répartie en fonction du nombre de véhicules à moteur. C'est une recette plus dynamique que la dotation globale de fonctionnement, à laquelle elle se substitue ; elle remplit une fonction de compensation bien plus forte dans les départements bien dotés que dans les départements moins bien dotés et, là encore, les chiffres vont à l'encontre de ce que je croyais lorsque nous avons fait ce choix.

Mes chers collègues, nous devons réfléchir au devenir de la décentralisation.

La décentralisation n'a pas été faite pour augmenter les impôts ; elle n'a pas été faite pour que les collectivités locales fassent plus que l'État ne faisait, mais pour faire mieux que ce qu'il faisait, c'est-à-dire à charge fiscale constante. Certaines exceptions seront examinées lors de la conférence annuelle des finances publiques, mais il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain, car la décentralisation est une voie de la réforme de l'État. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, messieurs les ministres délégués, mes chers collègues, je me contenterai, à ce moment du débat, d'évoquer cinq points seulement.

Je commencerai par la compensation du transfert des charges résultant de la loi de finances de 2004. Le Gouvernement a respecté non seulement le texte de la loi, mais également l'esprit, sauf en ce qui concerne le RMI, et j'y reviendrai.

Nous avons fait redémarrer les négociations relatives aux techniciens, ouvriers de service, les TOS ; nous avons trouvé un accord s'agissant des routes nationales, mais également en ce qui concerne le syndicat des transports d'Île-de-France, le fonds de solidarité pour le logement, les formations sociales, les aides accordées aux étudiants, les formations paramédicales. Nous avons obtenu des arbitrages favorables de la part du Premier ministre.

En effet, dans le cadre des travaux de la commission consultative sur l'évaluation des charges, que je préside, comme certains ont eu la gentillesse de le rappeler, nous avons obtenu que, dans certains cas, notamment pour le fonds de solidarité pour le logement, on n'applique pas la règle de la moyenne des trois ans, mais que l'on accepte de prendre en référence les dépenses de la dernière année, afin que la compensation se fasse dans de bonnes conditions.

Il reste un problème de compensation, car les administrations centrales de l'État n'ont pas accepté de libérer les agents qu'elles devaient transférer. Or cette espèce de domanialité des personnels constatée chez toutes les administrations centrales (applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF), va renchérir le coût de la décentralisation, car les collectivités territoriales seront obligées de recruter de nouveaux agents pour faire face aux dépenses transférées.

Donc, si sur le plan financier, c'est une bonne chose, sur le plan des personnels, il reste beaucoup à faire.

Mon deuxième point concerne les réformes proposées. Après l'excellente intervention d'Yves Fréville, je souhaite dire que j'approuve le « bouclier fiscal » et la réforme de la taxe professionnelle.

Je les approuve, car si notre pays rencontre des difficultés, c'est essentiellement en raison de l'insuffisance de l'investissement et de l'emploi. Nous devons donner un signal fort aux chefs d'entreprise, qu'ils soient Français ou étrangers, aux fonds de pension - nous n'en avons pas, du fait du gouvernement précédent -, et ce signal, c'est le plafonnement de l'imposition des entreprises sur leurs investissements et le plafonnement de l'imposition des personnes physiques sur l'ensemble de leurs revenus.

À condition de trouver quelques accommodements, comme cela a été le cas sur le problème du « bouclier fiscal » - nous devons en trouver en matière de taxe professionnelle, car il y a trop d'écart entre les entreprises plafonnées et les autres - ce sont des mesures importantes qui ont vocation à améliorer la compétitivité de notre pays et à lutter contre les délocalisations.

Le seul reproche que l'on peut vous faire, monsieur le ministre, mais on le fait depuis vingt-cinq ans à tous les gouvernements, c'est de ne pas avoir accompagné le « bouclier fiscal » et la réforme de la taxe professionnelle d'une réforme de la taxe d'habitation et des taxes foncières, c'est-à-dire de la révision des valeurs locatives et de la modification de l'assiette de ces deux impôts, car il s'agit bien de redonner quelque marge de manoeuvre aux collectivités territoriales.

En effet, si, pour des raisons économiques que j'approuve, et pour essayer de préserver l'emploi dans ce pays, on plafonne les taux d'imposition des personnes physiques et des entreprises, il est, dès lors, indispensable pour les collectivités territoriales d'engager la réforme des impôts qui restent modulables, la taxe foncière et la taxe d'habitation. Tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt-cinq ans se sont bien gardés de faire quoi que ce soit, alors que l'on a dépensé beaucoup d'argent pour réviser les valeurs cadastrales, et cela continue à coûter, d'ailleurs.

Mme Marie-France Beaufils. On continue à payer !

M. Jean-Pierre Fourcade. En ne faisant rien, on a aggravé les injustices et l'on n'a pas donné aux collectivités locales les moyens de survivre.

J'en viens à mon troisième point. Le vrai problème, c'est que nous avons, en tant que gestionnaires de collectivités, et ce de droite, de gauche ou du centre, une marge de manoeuvre insuffisante, en matière tant de recettes que de dépenses. Il faudra en discuter lors la conférence annuelle des finances publiques.

Je parlais de marge de manoeuvre. Examinons le cas du RMI. Que nous disent les travailleurs sociaux ? Que la loi leur interdit de demander communication du dossier médical, qu'elle interdit d'envoyer travailler telle ou telle personne, ou qu'elle oblige à payer sans savoir et à contrôler après...

Il faut donc modifier la loi de manière à donner davantage de responsabilités aux gestionnaires des collectivités.

Le président de la commission des finances a eu cette heureuse formule tout à l'heure, il faut distinguer les transferts de compétence de la sous-traitance. Eh bien, en matière de RMI, nous sommes des sous-traitants, et nous voulons devenir compétents. Par conséquent, il faut accepter de modifier la loi pour donner davantage de pouvoirs aux commissions locales d'insertion, les CLI.

Plus les CLI seront proches du terrain, plus les maires seront sollicités pour donner leur avis, plus nous arriverons à gérer correctement l'ensemble de ces problèmes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

J'en arrive à mon quatrième point.

Au cours de ce long débat, je n'ai entendu personne évoquer la nécessaire révision des structures de nos collectivités.

La France compte cinq niveaux de responsabilité, six avec la participation à l'Europe. Dans les tableaux synthétiques du projet de loi de finances, nous pouvons observer la croissance, année après année, du prélèvement pour les collectivités territoriales et du prélèvement pour l'Europe.

La combinaison de ces prélèvements, qui atténuent beaucoup les recettes de l'État, avec un empilement des niveaux de responsabilité, une imbrication des compétences, une multiplication effarante du nombre d'élus et des indemnités de gestion, se traduit, pour la gestion de ce pays, par une perte d'efficacité à laquelle nous devons réfléchir.

Il faut engager cette réforme dans le cadre de la conférence. Je considère, pour ma part, m'étant occupé ici pendant plusieurs années de problèmes sociaux, qu'il faut étendre cette réforme aux quatre caisses de sécurité sociale et à l'ensemble des organismes qui décident, qui créent des droits, qui demandent aux collectivités territoriales de payer et qui n'ont aucune responsabilité.

C'est par cette réforme de structure, soit en diminuant le nombre de niveaux - je sais bien que c'est impossible ici - soit en précisant les compétences - ce qui est possible - que nous pourrons améliorer l'efficacité de l'administration française, efficacité qui commence à faire sourire nos collègues européens quand ils viennent nous voir : ils ne comprennent pas très bien comment marche notre système, entre les communes, les communautés d'agglomération, les départements, les régions, l'État et l'Europe.

M. Jacques Blanc. Et les pays ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce ne sont pas des collectivités !

M. Jean-Pierre Fourcade. Les pays n'ont pas de fiscalité. Mais il y a tout le reste !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les syndicats des eaux !

M. Jean-Pierre Fourcade. Et je n'ai pas parlé des syndicats intercommunaux.

Mais j'en viens à mon cinquième et dernier point.

Messieurs les ministres délégués, en France, le taux du prélèvement fiscal obligatoire atteint 44 %, c'est le chiffre que vous avez inscrit dans les documents que vous avez publiés. Ce taux dépasse d'au moins cinq points le taux moyen de l'ensemble de nos partenaires européens.

Par conséquent, si nous voulons régler les problèmes d'emploi, les problèmes d'insertion dans la société des jeunes sortis du système scolaire sans qualification, si nous voulons porter remède à l'ensemble des problèmes des personnes âgées, des handicapés et de tous ceux qui souffrent dans ce pays, nous devons d'abord établir un niveau de prélèvement obligatoire le plus proche possible du niveau européen. En effet, puisque la compétition industrielle et la compétition des services à l'intérieur des vingt-cinq pays européens ne peuvent plus se faire par le taux de change, surtout dans la zone euro, elle se fera par la compétition fiscale, tous les rapports des économistes américains et européens le montrent.

Faute donc d'avoir le courage d'engager un certain nombre de réformes fiscales et de réformes de structure, la compétition sera pour nous très dure.

Aussi, arrêtons de créer de nouvelles dépenses ! Arrêtons la litanie des promesses ! Arrêtons de pénaliser l'investissement et l'emploi...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bravo !

M. Jean-Pierre Fourcade. ...et faisons sur nous-mêmes un effort de lucidité et de courage. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-François Copé, ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué au budget et à la réforme de l'État, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, mon collègue Brice Hortefeux et moi-même avons écouté ce débat avec beaucoup d'attention.

Un certain nombre de reproches ou de critiques ont été formulés, ce qui est bien légitime. En effet, s'il est un sujet qui suscite partout en France, et particulièrement au sein de la Haute Assemblée, des commentaires et des inquiétudes, c'est bien celui des collectivités locales et, dans ce domaine, depuis de nombreuses années, il y avait sans doute de quoi être vigilant !

Avant de répondre aux différentes interventions, je tiens à préciser quelques points.

D'abord, je ne peux pas laisser dire que l'État n'honore pas sa signature vis-à-vis des collectivités locales. Je l'ai beaucoup entendu à gauche.

M. François Marc. Cela a été dit des deux côtés !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, l'État honore sa signature sur les concours aux collectivités locales. C'est vrai pour le contrat de croissance et de solidarité, Brice Hortefeux et moi-même l'avons rappelé hier. C'est vrai aussi dans le projet de loi de finances pour 2006, où trois dispositions sont prévues pour simplifier et clarifier l'éligibilité au FCTVA tout en renforçant la sécurité juridique du dispositif. Au total, le FCTVA augmente de plus de 6 %. C'est une question d'actualité, car cela concerne notamment les bâtiments qui ont fait l'objet de dégradations durant les événements dans les banlieues.

De la même manière, je ne peux pas laisser dire que l'État n'honore pas sa signature en matière de compensation des transferts de compétences.

Prenons la TIPP. Que n'ai-je entendu à propos de la TIPP régionalisée et de la possibilité de moduler ! On ne vous croit pas, vous ne le ferez pas, m'avait-on dit ! Nous sommes allés à Bruxelles. Dieu sait si je me suis engagé dans ce domaine, comme l'a fait à ma suite Brice Hortefeux. Eh bien, nous avons eu gain de cause et, sur ces sujets, on ne peut pas dire qu'il y avait des arrière-pensées politiciennes - si vous voyez ce que je veux dire -, puisque cela concernait les régions et la TIPP modulable. Aujourd'hui, la possibilité de moduler est acquise.

En outre, à la suite des travaux engagés par la commission présidée par Jean-Pierre Fourcade sur l'évaluation des charges, nous vous présenterons deux amendements qui abonderont, pour 2006, de plus de 50 millions d'euros la compensation des régions et de 6 millions d'euros celle des départements.

J'évoquerai maintenant la DGE.

Monsieur le président de la commission, ce n'est pas une mauvaise manière.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Cela a failli l'être !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne peux pas vous laisser penser cela, parce que nous ne sommes pas du tout dans cet état d'esprit.

L'idée est la suivante, et elle n'a rien de très nouveau : la DGE, dans sa première part, répond à des critères qui la rendent de plus en plus floue ; les crédits sont de plus en plus saupoudrés avec un taux moyen de concours qui est passif, qui est aveugle et qui est - j'ose à peine le dire tellement il est faible - de l'ordre de 2,77 %.

Je sais bien qu'un sou est un sou, ce n'est pas le ministre chargé du budget qui vous dira le contraire. Mais un tel saupoudrage généralisé est souvent dénoncé par la commission des finances. Alors, soyons cohérents. Telle est la raison pour laquelle nous avons imaginé cette réforme de la DGE.

En même temps, notre objectif est de prévoir un certain nombre de garanties. En conséquence, en 2006, nous augmentons les attributions pour les départements par rapport à 2004.

L'amendement présenté par la commission des finances, sur lequel le Gouvernement a également travaillé et qui me semble tout à fait sage, prévoit que tous les départements ayant un taux de concours réel supérieur à 2 % toucheront en 2006 une compensation sous forme de majoration de la DGF. Cette mesure permettra sans nul doute d'apaiser les inquiétudes et de régler un certain nombre de problèmes.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous aurons l'occasion d'y revenir.

J'aborderai maintenant la question globale des finances locales.

Il est nécessaire de temps en temps de « mettre les pieds dans le plat ». D'ailleurs, d'une manière générale, à l'occasion de cette discussion budgétaire, il ne vous a pas échappé que nous le faisons sur un certain nombre de sujets. Il ne faut donc pas s'étonner que cela suscite des passions, des interrogations, des inquiétudes et même parfois des accès d'enthousiasme, cela peut arriver !

M. Claude Haut. Très peu !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est très intéressant !

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est un vrai débat, un débat de vérité !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Disons les choses : les problèmes des communes, aujourd'hui, ne sont pas liés à la décentralisation.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Les problèmes des régions d'une certaine manière non plus, puisqu'il a été démontré que la crise de « fiscalité aiguë » qui a saisi les exécutifs régionaux de gauche n'a rien à voir avec la décentralisation.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Jacques Blanc. Une augmentation de 80 % en Languedoc-Roussillon !

M. Henri de Raincourt. En Septimanie !

Mme Nicole Bricq. Mauvais perdants !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. L'avantage, quand il y a un débat avec Jacques Blanc sur ce sujet, c'est que l'on est sûr d'avoir les bons pourcentages !

Plus sérieusement, le constat que je fais ici est conforme à la logique politique qui anime la gauche. Ensuite, c'est aux électeurs de trancher.

Reste la situation des départements, qui sont confrontés à la progression de certaines de leurs dépenses sociales.

Sur ce point, j'ai parfaitement entendu les inquiétudes des présidents de conseils généraux. D'ailleurs, il faudrait être totalement sourd pour ne pas les entendre. (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ils se sont si puissamment et si diversement exprimés que, de ce point de vue, il n'y a absolument aucune ambiguïté.

Les récentes lois de décentralisation ne sont pas la cause de toutes ces inquiétudes.

M. Henri de Raincourt. Nous sommes d'accord !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Le mal est probablement plus ancien et la loi sur la décentralisation que j'ai eu l'honneur de présenter a aussi permis de crever certains abcès. Dans une démocratie, c'est plutôt une bonne chose.

J'évoquerai maintenant le RMI. Quand on y regarde de près, c'est bien ce volet-là de l'insertion qui suscite le plus d'inquiétudes de la part des présidents de conseils généraux et, de ce point de vue, je rebondis volontiers sur les interventions de MM. de Raincourt et de Broissia.

Là encore, je ne peux pas laisser dire que l'État n'honore pas sa signature. J'en veux pour preuve le fait que 456 millions d'euros ont été inscrits dans le projet de loi de finances rectificative pour 2005, au titre des dépenses du RMI en 2004, conformément à l'engagement qui avait été pris par Jean-Pierre Raffarin, lorsqu'il était Premier ministre. C'est donc parfaitement conforme à la promesse du Gouvernement et c'est beaucoup mieux que ce qu'avait prévu la loi de décentralisation, vous le savez parfaitement. En d'autres termes, il y a une volonté de montrer le travail accompli en commun.

Par ailleurs, je voudrais répondre à MM. Fréville et Fourcade, qui nous ont fait un exposé tout à fait remarquable, que, si l'on décentralise, ce n'est pas uniquement pour faire joli dans un bilan gouvernemental. La preuve en est que la décentralisation a été faite par la gauche il y a vingt ans et qu'elle est faite par la droite aujourd'hui.

L'objectif est d'accomplir de manière beaucoup plus efficace certaines missions publiques. En effet, la gestion au plus près du terrain marche mieux que la gestion depuis d'obscurs bureaux parisiens. C'est dans cet esprit que nous avons transféré l'insertion.

Il reste cependant un chantier énorme. Le RMI, c'est fait, mais on n'a pas transféré toutes les dépenses d'insertion. Par exemple, l'allocation de solidarité spécifique, l'ASS, ou l'allocation de parent isolé, l'API, sont encore de la compétence de l'État.

Il faut un débat majeur pour sortir par le haut de cette situation très difficile qui sépare aujourd'hui l'État des départements et qui est source de tensions.

Si la situation est difficile, c'est parce que c'est la réalité de la France d'aujourd'hui. Lorsque vous êtes au RMI, si vous reprenez un travail, vous perdez de l'argent. C'est la réalité, vous pouvez la retourner dans tous les sens, mesdames, messieurs les sénateurs, et c'est ce qui explique les effets pervers. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Tant que nous n'aurons pas réglé ce problème, le reste ne sera que discussions financières, éminentes, passionnantes, mais ce ne sera pas de la bonne gouvernance.

Que se passe-t-il aujourd'hui ? Quand vous êtes au RMI, vous percevez 450 euros auxquels s'ajoutent la couverture maladie universelle, la couverture maladie universelle complémentaire, le fait que vous ne payez pas la redevance audiovisuelle, que vous ne payez pas d'impôts locaux et que, dans toutes les communes bien gérées - c'est le cas à Meaux, en tout cas - la cantine et les transports scolaires sont gratuits ainsi que les garderies, bref, autant d'éléments que vous perdez si vous reprenez un travail payé au SMIC.

Ce système est donc infernal. Le but n'est pas de pointer du doigt tel ou tel, mais de dire que l'on a les conséquences du système que l'on a choisi.

À partir de là, beaucoup de ceux qui sont en situation d'exclusion, par exemple les femmes seules élevant trois enfants, doivent aujourd'hui arbitrer entre différentes allocations - le RMI ou l'API -, parce qu'il leur faut bien tenir ! Dans ce cas, on n'est vraiment pas en situation de rechercher un travail à temps partiel, payé au SMIC, car, si on en trouvait, on perdrait de l'argent !

Aujourd'hui, il faut sortir de cette situation. Je rêve donc d'un système dans lequel les conseils généraux, donc les départements, prendraient en charge la politique d'insertion, en partenariat avec l'État, et définiraient des critères de gestion de l'insertion, sur la base d'un parcours de retour à l'emploi, comme c'est aujourd'hui le cas pour les demandeurs d'emploi.

Pourquoi en effet ne pas imaginer d'organiser pour les bénéficiaires du RMI des rendez-vous avec le service public de l'emploi afin que leur soient proposés des stages, des formations, des contrats leur permettant un retour progressif à l'emploi ?

Mme Nicole Bricq. Les services publics, vous les cassez !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Tel est le type de débat que nous devons avoir. Je sais que M. Henri de Raincourt et M. Michel Mercier travaillent l'un et l'autre activement sur ce sujet.

M. Michel Mercier. C'est fini : M. Wauquiez a tout fait !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Ne soyez pas mauvais joueur, monsieur Mercier, il y a encore beaucoup à faire !

M. Michel Mercier. Mais je ne suis pas joueur du tout ! (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Sur ce sujet, votre science nous est indispensable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Michel Mercier. Nous vous l'offrons gratuitement !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Nous avons là, vous l'avez compris, un rendez-vous majeur.

Cela étant dit, nous aurons une réunion très importante à l'occasion de la conférence des finances publiques. Elle nous permettra de tout mettre sur la table, de débattre d'une norme consensuelle en toute transparence et d'envisager enfin, je l'espère, de façon prospective, avec Brice Hortefeux et Xavier Bertrand, une manière de mieux organiser les choses.

J'en viens maintenant à la fiscalité locale. Sur ce sujet également, mes oreilles ont sifflé ! (Sourires.)

S'agissant de l'autonomie financière des collectivités locales, la gauche ne cesse de dire, avec des larmes plein les yeux, que le Gouvernement porte atteinte à ce principe en plafonnant les impôts à 60 % des revenus. (M. Gérard Delfau s'exclame.) Ce plafonnement existe dans cinq pays en Europe, mais en France, quelle horreur !

M. Jacques Blanc. Après ce qu'ils ont fait !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Quelle horreur également d'engager une réforme de la taxe professionnelle pour tenter d'enrayer les délocalisations, dont les premières victimes sont les salariés licenciés et les communes dans lesquelles étaient installées les entreprises !

Je suis désolé de le dire, mais quand j'entends cela, je me demande si ce n'est pas l'hôpital qui se moque de la charité !

En effet, qui a supprimé la vignette automobile ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Qui a supprimé la part « salaires » de la taxe professionnelle, la part régionale de la taxe d'habitation ? (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Qui a supprimé la part régionale des droits de mutation à titre onéreux et abaissé la part départementale de ce même impôt ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Difficile de faire mieux !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je ne veux pas gâcher la fête, mais, mesdames, messieurs les sénateurs de gauche, vous n'êtes pas en situation de donner en permanence des leçons dans ce domaine !

M. François Marc. Qui avait pris un engagement constitutionnel ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. J'y viens, monsieur le sénateur. J'en ai pour vous aussi, vous allez voir ! (Sourires.)

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre délégué, me permettez-vous de vous interrompre ?

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Je vous en prie, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau, avec l'autorisation de M. le ministre délégué.

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre délégué, il est vrai que, sous la précédente législature, le Gouvernement a pris un certain nombre de dispositions préjudiciables à l'équilibre financier des collectivités territoriales. Ces dispositions ont suscité une si vive émotion, une mobilisation telle que la majorité sénatoriale et le président du Sénat, appuyés par les groupes minoritaires, ont souhaité instaurer l'autonomie financière des collectivités territoriales et inscrire ce principe dans la Constitution, ce qui fut fait.

Très logiquement, peut-être un peu naïvement, nous avions alors pensé que, la Constitution faisant foi, les gouvernements qui se succéderaient, le vôtre et d'autres plus tard, respecteraient ce principe. Tel est le fond du débat.

C'est à cet équilibre, à l'application réelle du principe d'autonomie financière des collectivités territoriales que, nous tous, sur l'ensemble de ces travées, et pas seulement à gauche, nous aspirons.

Même si le Gouvernement ne nous aide pas beaucoup, nous continuons d'espérer, monsieur le ministre délégué !

M. le président. Veuillez poursuivre, monsieur le ministre délégué.

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Monsieur Delfau, si vous me permettez d'achever mon propos, je vous apporterai un élément de réponse. Je vous ai bien entendu, comme j'ai bien entendu tout ce qui a été dit sur ce sujet.

Cela étant dit, je ne suis pas certain qu'il soit nécessaire de nous asséner de leçons de morale en la matière.

J'en viens maintenant au deuxième point de mon raisonnement, si vous m'y autorisez, monsieur Delfau.

Dans ce contexte, donc, le Gouvernement a soumis au Parlement le projet de loi organique relatif à l'autonomie financière des collectivités territoriales. Je suis d'autant plus à l'aise pour en parler que j'ai vécu, avec Michel Mercier, ...

Mme Jacqueline Gourault. Encore ? (Sourires.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. ... Daniel Hoeffel et quelques autres, des moments d'anthologie lors des débats sur cette loi.

Nous avons alors pris une décision essentielle, et à certains égards historique, s'agissant de la relation entre l'État, si jacobin, et les collectivités territoriales françaises : désormais, les ressources propres de toutes les catégories de collectivités locales ne pourront pas descendre en dessous d'un certain plancher : 55 % pour les communes, 52 % pour les départements et environ 35 % pour les régions.

Monsieur Delfau, aucune des réformes que je propose dans le cadre du projet de loi de finances pour 2006 ne portera atteinte au principe d'autonomie financière des collectivités territoriales.

Je connais, comme vous, l'ampleur et l'importance du principe d'autonomie financière des collectivités territoriales, et les réformes que nous vous proposons s'inscrivent tout à fait dans le respect de ce principe. Je vous invite à examiner la situation avec nous. À cet effet, je tiens à votre disposition toutes les simulations dont vous pourriez avoir besoin.

M. François Marc. Avec un ratio truqué ! (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Restons convenables !

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Détendons-nous, monsieur le sénateur, et restons convenables, en effet !

Je reviens sur le plafonnement. Il n'aurait pas été juste d'en exclure les impôts locaux. Je rappelle que 90 % des bénéficiaires de cette mesure, du fait de la prise en compte des impôts locaux, appartiennent au premier décile de l'impôt sur le revenu, ce qui, je crois, ne saurait vous choquer, d'autant moins que l'Assemblée nationale a adopté un amendement tendant à permettre la mutualisation de la prise en charge, par les collectivités locales, de la part qui leur revient dans le financement du plafonnement.

S'agissant maintenant de la réforme de la taxe sur le foncier non bâti, je sais qu'elle suscite ici un certain nombre de discussions. À ce stade de notre débat, je rappellerai simplement que cette réforme, qui a été annoncée, est très attendue par les exploitants agricoles,...

M. Jean-François Copé, ministre délégué.... que, par ailleurs, elle ne porte que sur une petite partie des ressources communales, enfin, que l'exonération envisagée sera entièrement compensée aux collectivités locales, sous forme d'attribution de DGF, cette dotation étant plus dynamique que les bases de la taxe sur le foncier non bâti.

Ces éléments doivent, me semble-t-il, être intégrés au débat que nous aurons tout à l'heure. Je souhaite évidemment, mesdames, messieurs les sénateurs, emporter votre conviction. Dans le cas contraire, en effet, je ne vois pas comment se terminerait le conseil municipal d'une commune rurale durant lequel on devrait expliquer aux exploitants agricoles que le Parlement n'a pas voulu les exonérer d'une partie de la taxe sur le foncier non bâti ! (M. Michel Mercier sourit.)

M. Jean-François Copé, ministre délégué. Enfin, je veux redire, après M. Fréville, qu'il était temps d'en finir avec la disparition progressive de la taxe professionnelle. En effet, parce que l'on ne voulait pas assumer cette évidence que la TP n'était pas un bon impôt, on dégrevait à l'infini. La taxe professionnelle devenait donc un impôt d'État.

La formule que nous proposons nous paraît donc la plus adaptée. Les amendements que vous serez amenés à présenter vont, me semble-t-il, dans le sens de l'objectif qui est le nôtre : éviter de pénaliser trop durement des communes, des départements ou des régions dont le pourcentage de base serait plafonné à un niveau élevé alors que les taux de la taxe professionnelle seraient très bas. Nous travaillerons ensemble sur ce sujet, et il y a de quoi faire !

Mesdames, messieurs les sénateurs, le débat ne fait que commencer. Nous avons toute la soirée pour travailler. Nous serons, Brice Hortefeux et moi-même, très attentifs à vos propositions, sachant que, ce qui compte aujourd'hui, c'est de faire avancer ce débat complexe. Nous avons les uns et les autres un objectif : servir toujours mieux l'intérêt général et au meilleur coût pour le contribuable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Brice Hortefeux, ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, décidément, Yves Fréville sera à l'honneur ce soir ! Je commencerai en effet par le remercier d'avoir souligné, à juste titre, que le projet de loi de finances pour 2006 est marqué par la volonté du Gouvernement, plus particulièrement par celle du ministère de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, de poursuivre l'effort en faveur des collectivités territoriales, malgré une forte contrainte budgétaire, que Jean-François Copé assume avec beaucoup de détermination.

Notre premier objectif, je n'y reviens pas, ce sujet ayant été longuement abordé, était de reconduire le contrat de croissance et de solidarité. Le Sénat l'a voté hier après midi.

Notre deuxième objectif était de rénover le soutien de l'État à l'investissement des collectivités locales.

Notre troisième objectif était de poursuivre le processus de transferts de compétences aux collectivités territoriales - 2006 sera la deuxième année de mise en oeuvre de la loi du 13 août 2004 - et de leur permettre d'exercer celles-ci au mieux.

Je ne reviendrai pas sur l'ensemble des évolutions inscrites dans le projet de loi de finances. Simplement, comme nous le rappelions hier avec Jean-François Copé, la DGF progressera à elle seule de 2,73 %, ce qui représente tout de même 1,010 milliard d'euros.

Très concrètement, monsieur Retailleau, cela signifie, puisque vous vous inquiétiez à ce sujet, que, à la fois l'esprit et la lettre du contrat de croissance et de solidarité seront respectés.

La DGF des communes et des EPCI progressera de plus de 577 millions d'euros, celle des départements de 297 millions d'euros et celle des régions de 135 millions d'euros.

La péréquation, sujet que Jean Puech a évoqué, atteindra en 2006 un niveau jamais égalé à ce jour. Ainsi, la péréquation départementale pourra progresser entre 9,2 % et 11,2 % selon le choix du comité des finances locales. Pour les régions, elle pourra augmenter à hauteur de 37,2 %.

Sans entrer dans les détails, je souhaite évoquer la consolidation de la réforme de la DSU et revenir sur ce qui en a été dit.

L'indexation de la dotation forfaitaire des communes ne remettra pas en cause l'alimentation de la dotation de solidarité urbaine telle qu'elle est prévue dans le plan de cohésion sociale. Très concrètement, cela signifie que la DSU progressera de nouveau de 120 millions d'euros. À ce sujet, je m'interroge sur les propos de M. Delfau, qui a déclaré que cette progression était « légère ». Je ne sais pas quel niveau il faudrait atteindre pour que M. Delfau parle de progression forte, mais on ne peut tout de même pas dire que 120 millions d'euros correspondent à une augmentation insignifiante !

Madame Beaufils, contrairement à ce que vous pensez, je vous ai bien écoutée, et je peux vous dire que l'effort soutenu en faveur de la DSU est concret et précis. Cette dotation sera doublée au cours de la période 2005-2008. Vous ne pouvez pas faire comme s'il s'agissait là d'une petite somme...

Mme Marie-France Beaufils. Tout dépend du mode de répartition !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. ...ou comme si cette augmentation était très secondaire. Je vous remercie donc de bien vouloir noter qu'un effort constant et très important sera fait en faveur de cette dotation.

La réforme de la DSU sera consolidée par une série de trois mesures, sur lesquelles nous reviendrons lors de l'examen de la seconde partie du projet de loi de finances. Pour l'heure, je ne mentionnerai que la plus importante d'entre elles, l'extension aux communes de plus 200 000 habitants des deux coefficients multiplicateurs proportionnels aux populations situées en zone urbaine sensible, ZUS, et en zone franche urbaine, ZFU. Très concrètement, plusieurs communes, dont certaines sont d'ailleurs dirigées par des membres de la Haute Assemblée, seront concernées. Je pense à Strasbourg, à Lille, à Marseille et à Toulouse. Pour autant, et c'est important, nous ne reviendrons pas sur la progression dont ont bénéficié les villes de moindre importance en 2005.

Concernant l'utilisation de la régularisation 2004 au profit de la péréquation, nous souhaitons, Jean-François Copé et moi-même, aller plus loin dans l'équilibre et dans la solidarité. Pour ce faire, nous avons proposé d'abonder la DGF 2006 du montant de la régularisation 2004. Celle-ci s'établit à 92 millions d'euros.

Cette mesure permettra d'assurer, parallèlement à la croissance de la dotation de solidarité urbaine, que je viens d'évoquer, une croissance exactement similaire de la dotation de solidarité rurale. Cela signifie très concrètement que ces deux dotations enregistreront une augmentation de 15,8 %.

Le projet de loi de finances initiale prévoit en outre d'allouer un montant de 4,2 millions d'euros au financement d'une garantie de sortie sur deux ans pour les communes ayant perdu en 2005 le bénéfice de la dotation « élu local ». Ce mécanisme correspond au scénario pour lequel le comité des finances locales avait manifesté sa préférence.

Mais, comme je l'ai déjà évoqué devant vous en commission des finances, je suis ouvert à une évolution de ce dispositif afin d'accroître le nombre de communes qui en bénéficient, tout en préservant le montant unitaire de cette dotation, c'est-à-dire que je ne souhaite pas que l'on revienne sur le passage du potentiel fiscal au potentiel financier. Je suis toutefois disposé à ce que soient examinés tout à l'heure plusieurs amendements en ce sens. En effet, un grand nombre d'entre vous m'ont fait part, depuis plusieurs semaines, de la préoccupation exprimée par les maires qui n'étaient plus éligibles à ces dotations.

Enfin, nous vous proposons de réserver une part de la régularisation afin d'alimenter un « fonds d'aide au relogement d'urgence ». En effet, vous vous en souvenez, les événements dramatiques survenus à Paris au cours du printemps et de l'été ont mis en évidence la nécessité de pouvoir remédier rapidement aux situations dans lesquelles l'occupation d'un immeuble en situation manifeste d'insalubrité ou de péril, notamment lorsque cette occupation est illégale, comme le cas s'est produit à plusieurs reprises, compromet la sécurité des habitants.

Il est donc nécessaire de soutenir financièrement les communes dans la mise en oeuvre des mesures d'urgences accompagnant l'évacuation d'immeubles en situation d'insalubrité ou de péril, spécialement celles qui ont pour objet de reloger des personnes évacuées et d'empêcher la réutilisation des locaux évacués.

S'agissant d'une mesure destinée à accompagner les maires dans l'exercice de leur pouvoir de police, il nous paraît légitime de réserver à cet effet une partie de la régularisation de la DGF 2004 des communes et groupements, à hauteur de 20 millions d'euros. Ce fonds pourra être mobilisé pendant cinq ans.

Concernant la rénovation du soutien à l'investissement des collectivités territoriales, je ne reviens pas sur la réforme de la dotation globale d'équipement. Chacun a bien conscience que celle-ci était nécessaire mais, comme Jean-François Copé, je sais, monsieur le président Arthuis, que votre commission des finances a beaucoup travaillé ces dernières heures sur ce sujet. Je sais également qu'elle souhaite que le Gouvernement aille plus loin dans cette compensation et l'inscrive dans une perspective plus globale d'accompagnement des départements dans l'exercice de leurs nouvelles compétences.

Nous examinerons ce soir, je l'imagine, ces propositions, mais je tiens, d'ores et déjà, avec Jean-François Copé, à vous confirmer l'esprit d'ouverture qui nous anime.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Nous avons souhaité que la rénovation du soutien à l'investissement des collectivités territoriales passe aussi par une mesure plus positive, attendue par tous, et je remercie Jean-Claude Frécon de l'avoir rappelée, je veux dire la clarification des règles d'attribution du FCTVA, qui a requis toute notre attention.

La réforme proposée ouvre désormais le bénéfice du FCTVA aux biens mis à disposition de tiers, dès lors que l'utilisation de l'équipement par le tiers constitue une simple modalité d'exécution d'un service public ou répond à un besoin d'intérêt général.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est bien !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Très concrètement, une collectivité pourra désormais bénéficier plus sûrement du FCTVA lorsqu'elle construit une maison de retraite et en confie la gestion à un tiers, ou encore lorsqu'elle met à la disposition d'une association dépourvue d'activité concurrentielle les locaux dont elle est propriétaire. Là encore, il s'agit d'une préoccupation dont m'ont fait part plusieurs membres de la Haute Assemblée, notamment le président et le rapporteur général de la commission des finances.

Ce projet de texte règle également le cas des biens qui sont confiés par les collectivités territoriales à l'État pour l'exercice de ses missions de service public en les rendant éligibles au FCTVA.

Cette réforme présente un double intérêt pour les collectivités.

Elle a, tout d'abord, un intérêt financier évident, puisque le montant du FCTVA inscrit dans le projet de loi de finances est supérieur à 4 milliards d'euros, soit une progression, monsieur le rapporteur général, de 6,3 % par rapport à 2005.

Cette réforme présente, ensuite, un intérêt opérationnel, puisque les conditions d'intervention du FCTVA n'interféreront plus - comme cela s'est souvent produit - dans les choix effectués par les collectivités pour la gestion de leurs services publics.

J'ajoute que, s'agissant du FCTVA, nous vous présenterons tout à l'heure un amendement permettant aux collectivités concernées par les violences urbaines exceptionnelles intervenues entre le 27 octobre et le 16 novembre de bénéficier des attributions du FCTVA l'année même de la réalisation des dépenses d'équipement qu'elles effectueront en réparation des dégâts causés aux équipements publics. Cette mesure permettra d'apporter une aide en trésorerie, l'année même des dépenses, aux collectivités territoriales confrontées à des travaux urgents que, par définition, elles n'ont pas pu provisionner.

Concernant les transferts de compétence, je rappelle que les charges transférées en deux ans, au titre de 2005 et de 2006, s'élèvent à 1,4 milliard d'euros, dont 963 millions d'euros au profit des régions et 294 millions d'euros au profit des départements.

Je précise donc à M. François Marc que ces transferts ont été compensés dans le respect des principes posés par la loi du 13 août 2004.

Jean-Pierre Fourcade a souligné le rôle joué par la commission consultative sur l'évaluation des charges, mais, par modestie, il a omis de rappeler le nombre de réunions qu'il a dû animer ; cette commission s'est en effet réunie à neuf reprises au cours de l'année 2005 afin d'examiner la compensation des transferts intervenus. Elle examinera, dans les prochains mois, les projets d'arrêtés interministériels établissant, de manière définitive, le droit à compensation au titre des transferts opérés dès 2005 et elle travaillera aussi sur l'évaluation des compétences transférées en 2006.

C'est ainsi qu'est mis en oeuvre l'engagement de l'État d'assurer une compensation à la fois intégrale et concomitante. La commission consultative sur l'évaluation des charges en a donné acte au Gouvernement, tout particulièrement lors de ses réunions des 6 octobre et 9 novembre derniers.

S'agissant de la taxe spéciale sur les conventions d'assurances, la TSCA, le Gouvernement n'a pas souhaité proposer sa modulation. La plupart d'entre vous ont été saisis de cette question, notamment à l'occasion de la réunion du comité des finances locales.

D'après les estimations, toujours précises, de l'Inspection des finances, si l'assiette de cette taxe était départementalisée, soixante-deux départements auraient une TSCA inférieure aux charges transférées ; pour dix-neuf d'entre eux, ce serait moins de la moitié.

Jean-François Copé et moi-même préférons donc vous donner la sécurité d'une assiette dynamique, ce qu'elle est, puisque le produit attendu de la TSCA est évalué dans le projet de loi de finances à 264 millions d'euros pour un droit à compensation de 240 millions d'euros. Ce dynamisme bénéficiera aussi à la part que nous avons consacrée au financement des SDIS l'an dernier.

MM. de Broissia, Puech, de Raincourt et Mercier ont, chacun à leur manière, exprimé leurs inquiétudes sur les textes législatifs et réglementaires qui imposent de nouvelles dépenses aux collectivités.

Je vais tenter de leur apporter quelques éléments de réponse.

D'abord, s'agissant des textes législatifs, le Gouvernement sait qu'il peut compter sur la vigilance du Sénat, qui, aux termes du fameux article 24 de la Constitution, est le représentant des collectivités territoriales.

M. Michel Mercier. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre délégué. Ce point, j'en ai bien conscience, est assez consensuel. (Sourires.)

Par ailleurs, comme je l'ai dit devant l'Observatoire de la décentralisation, je souhaite que nous renforcions la concertation en amont des décisions législatives et réglementaires. Je serai donc très attentif aux propositions que M. Michel Mercier ne manquera pas de faire, puisqu'il a déjà posé le constat.

Enfin, la conférence des finances publiques, que Jean-François Copé et moi-même mettrons en place, très vraisemblablement, le 15 décembre (murmures d'approbation sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF), sera le lieu d'une approche globale des dépenses publiques et des prélèvements obligatoires, répondant ainsi très exactement à la préoccupation exprimée par M. Marini.

Cette conférence doit effectivement permettre de faire le bilan des dépenses choisies par les collectivités par rapport à celles qui leur sont imposées, ce qui répond à la préoccupation que vous avez pour votre part formulée, monsieur le président de la commission des finances.

J'ajoute, madame Gourault, que ce sera l'un des éléments forts qui permettront de restaurer le lien de confiance que vous appeliez de vos voeux tout à l'heure.

D'ici à cette première réunion, le Gouvernement vous donnera la preuve - il va le faire dès ce soir - de sa volonté d'avancer, en particulier pour accompagner les départements les plus impliqués dans la politique de l'insertion, comme nous le proposera votre commission des finances.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, voilà ce que Jean-François Copé et moi-même avons voulu vous proposer, en soulignant que ce projet de loi de finances est marqué par un effort à la fois de solidarité et d'équilibre envers les collectivités.

Nous connaissons l'un et l'autre l'attachement du Sénat à la réalisation de ces objectifs et nous sommes certains que le dialogue qui se poursuivra tout à l'heure sera à la fois constructif et responsable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées de l'UC-UDF et du RDSE.)

M. le président. Nous avons achevé le débat sur les recettes des collectivités territoriales.

Je tiens à remercier MM. les ministres délégués ainsi que l'ensemble des orateurs de la qualité de leurs interventions dans ce débat, fort intéressant à suivre !

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à vingt-deux heures pour l'examen des articles et des amendements relatifs aux recettes des collectivités territoriales.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt-deux heures, sous la présidence de M. Guy Fischer.)