compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures trente.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Loi de finances pour 2006

Suite de la discussion d'un projet de loi

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2006, adopté par l'Assemblée nationale (nos 98, 99).

Nous en sommes parvenus aux dispositions de la deuxième partie du projet de loi de finances.

Deuxième PARTIE

MOYENS DES POLITIQUES PUBLIQUES ET DISPOSITIONS SPÉCIALES

Vote sur l'ensemble de la seconde délibération et sur l'ensemble de la première partie (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Recherche et enseignement supérieur (interruption de la discussion)
Vote sur l'ensemble de la seconde délibération et sur l'ensemble de la première partie (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2006
Recherche et enseignement supérieur (interruption de la discussion)

M. le président. Nous allons commencer l'examen des missions.

Recherche et enseignement supérieur

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » (et article 81).

La parole est à M. Maurice Blin, rapporteur spécial.

M. Maurice Blin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, M. Philippe Adnot et moi-même avons l'honneur de vous présenter ce matin - pour la première fois, selon le format de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF - un budget important, qui occupe depuis de longues semaines les esprits, celui de la recherche dite « à la française ».

Disons-le d'emblée, l'exercice est relativement périlleux dans la mesure où la recherche est une activité qui comporte bien des aléas et pour laquelle il n'est pas toujours possible d'établir un lien direct entre moyens et résultats. Une telle difficulté ne doit cependant pas nous décourager.

En effet, pour cette raison même, la recherche doit faire l'objet d'un suivi plus poussé et plus spécifique par des contrôles directs et par la surveillance de l'évolution d'indicateurs significatifs. Si la tâche est délicate, elle est plus que jamais nécessaire. Nous serons d'ailleurs très bientôt amenés à revoir l'ensemble de ces dispositions, à l'occasion de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche constituant la partie législative du Pacte pour la recherche.

Dans l'immédiat, la nouveauté réside dans la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur », dite « MIRES » - dénomination appelée à devenir générique -, qui succède au budget de recherche et de développement technologique, le BCRD. Cette mission présente un caractère interministériel très affirmé : elle relève de sept ministères et comporte treize programmes. Autant dire que la question de son pilotage, qui incombe au ministre chargé de la recherche, est à la fois importante et délicate.

À cette diversité de tutelle ministérielle s'ajoute, pour la recherche, une multiplicité d'opérateurs aux statuts très différents : universités, établissements publics de recherche - eux-mêmes répartis en établissements publics à caractère scientifique et technologique, les EPST, et en établissements à caractère industriel ou commercial, les EPIC -, centres hospitaliers et universitaires, écoles d'ingénieurs, instituts - tels l'Institut Pasteur ou l'Institut Curie -, sans oublier des acteurs à statut privé. Dès lors, la mesure de la performance, qui nous préoccupe tous, n'a pas la même signification pour chacun d'eux.

Quant au budget lui-même, il illustre l'effort significatif et novateur consenti par le Gouvernement en faveur de la recherche. Il se traduit par une hausse de près de 1 milliard d'euros par an des crédits de paiement de la mission, et ce pour la deuxième année consécutive.

Ces crédits atteindront 20,69 milliards d'euros. Tous les acteurs en bénéficieront, au premier rang desquels les universités - M. Philippe Adnot en parlera dans un instant -, qui absorbent, à elles seules, toutes catégories confondues, 57 % des crédits de la mission, mais aussi les divers organismes de recherche, auxquels est consacrée la quasi-totalité du reste des crédits de la MIRES.

Ce crédit d'impôt recherche, évalué à 760 millions d'euros pour 2006, poursuit sa montée en puissance et devrait contribuer à dynamiser la recherche et le développement au sein des entreprises, ce dont nous devons nous féliciter.

En termes d'emplois, le Gouvernement a annoncé la création de 3 000 postes dans la recherche en 2006. Ainsi, 1 900 postes seront affectés aux universités - 1 100 postes d'enseignants-chercheurs sont prévus - et 1 100 postes, aux établissements publics de recherche.

Dans cet ensemble, monsieur le ministre, deux nouveautés se détachent : l'Agence nationale de la recherche, l'ANR, et l'Agence de l'innovation industrielle, l'AII.

L'ANR a pour vocation de financer des projets de recherche aussi bien thématiques que « blancs », c'est-à-dire à la disposition de leurs auteurs, sur la base de la décision motivée d'un jury composé de spécialistes s'appuyant sur des critères purement scientifiques. Pour 2006, cette agence disposera de 800 millions d'euros d'autorisations d'engagement et de 590 millions d'euros de crédits de paiement.

L'AII a, quant à elle, été créée à la suite des recommandations du rapport remis par M. Jean-Louis Beffa à M. le Président de la République, Pour une Nouvelle Politique industrielle. Elle doit exercer une mission de promotion et de soutien de grands programmes d'innovation industrielle, porteurs d'activité et d'emplois, à travers des aides qui, en majorité, seront des avances remboursables. Elle veillera surtout à faire participer les petites et moyennes entreprises, les PME, - trop étrangères, pour la grande majorité d'entre elles, à l'effort de recherche français - à hauteur de 25 % dans chacun des grands programmes qu'elle soutiendrait financièrement. Par ailleurs, 2 milliards d'euros d'engagements d'aides seront réalisés par cette agence d'ici à 2007.

Ces deux nouveaux organismes contribueront à diffuser en France la culture du financement par projet - pratique répandue dans de nombreux pays -, et non plus par établissement ou par structure. Ce faisant, nous nous inspirons d'expériences étrangères qui ont réussi, hélas ! souvent beaucoup mieux que nous.

Certes, il ne saurait être question - j'y insiste - d'abandonner la recherche fondamentale, mais ce mode de financement complémentaire peut permettre de mieux répondre à plusieurs enjeux cruciaux pour son avenir. Je pense notamment à l'orientation de la recherche vers les secteurs prioritaires, à l'articulation entre la recherche publique et le secteur privé, ou à la responsabilisation plus précoce des plus brillants de nos jeunes chercheurs.

Je souligne cependant que les crédits d'intervention de ces deux agences ne se trouvent pas au sein de la MIRES. En d'autres termes, ils ne sont pas directement affectés par le budget de l'État. Vous le savez, certains crédits sont financés par le compte d'affectation spéciale, c'est-à-dire par le produit des privations. Une telle anomalie, si elle peut s'expliquer par les difficultés financières qui sont les nôtres, ne devrait pas aider le Parlement dans son travail d'évaluation des résultats des programmes par rapport aux moyens engagés. Nous devrons donc veiller à cela avec une attention toute particulière.

Le Sénat a été saisi, en première lecture, du projet de loi de programme pour la recherche. Sans entrer d'ores et déjà dans ce débat, je vous rappelle les principaux objectifs de ce texte : un pilotage clair, un encouragement des partenariats locaux entre établissements de recherche, une réforme de l'évaluation des projets - il s'agit d'un problème difficile, mais capital -, un allégement de plusieurs contraintes administratives, le tout soutenu par une programmation rigoureuse.

Chacun voit bien qu'il s'agit de pistes susceptibles de faire évoluer en profondeur notre organisme de recherche, qui est loin de répondre aux exigences de l'avenir et aux voeux de l'opinion. Si nous n'améliorons pas le système actuellement en vigueur dans notre pays - c'est l'objet de ce projet de loi de programme -, nos voisins ne nous attendront pas !

Le Gouvernement aurait pu se contenter d'engager une réforme sans y adjoindre les moyens nécessaires, prenant modèle sur la Grande-Bretagne, qui, avouons-le, affiche aujourd'hui des résultats plus brillants que les nôtres avec des crédits moins importants. Mais il a fait le choix, plus courageux, de mener de front l'abondement des moyens et la réforme de l'appareil. Il s'agit de l'un des engagements du Pacte pour la recherche : les moyens seront là. Nous veillerons à ce que des objectifs clairs y soient mis en regard. Ainsi, l'esprit de réforme qui nous anime avec la LOLF est donc indispensable pour rendre cet effort payant.

Dans l'immédiat, notre collègue M. Philippe Adnot et moi-même vous proposons l'adoption des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur » que nous examinons aujourd'hui, assortis de quelques amendements inspirés, dans le cadre de la LOLF, par un triple souci de précision, d'efficacité et d'économie. Nous écouterons avec intérêt, monsieur le ministre, les réponses que vous voudrez bien nous apporter sur ce sujet. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Adnot, rapporteur spécial.

M. Philippe Adnot, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, mon collègue et ami Maurice Blin vous a déjà annoncé que nous approuvons votre présentation budgétaire. Je me contenterai de préciser les raisons pour lesquelles nous sommes favorables à ce budget.

Tout d'abord, le Sénat examinera prochainement le projet de loi de programme pour la recherche. Ce texte, parce qu'il indique de nombreuses évolutions positives, va dans le bon sens. Il nous faudra néanmoins réfléchir à un certain nombre d'améliorations.

Ensuite, ce budget anticipe la création d'un certain nombre d'emplois. Il s'agit là d'un élément essentiel et nous nous réjouissons d'une telle initiative.

Enfin, certains des indicateurs que vous avez choisis pour respecter la LOLF, monsieur le ministre, témoignent d'un certain nombre d'évolutions. Nous nous en félicitons.

En tant que rapporteur spécial de la commission des finances, j'ai la charge d'examiner six des treize programmes de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » représentant 13 milliards des 20 milliards d'euros qui lui sont affectés.

Le rapport de la commission des finances contenant les principales remarques de vos rapporteurs spéciaux, je me contenterai de faire trois observations et une proposition concernant l'amendement sur le logement étudiant, que nous examinerons tout à l'heure.

Ma première remarque portera sur le respect de la mise en oeuvre de la LOLF.

D'autres ministères que le vôtre, monsieur le ministre, sont concernés par la mission « Recherche et enseignement supérieur ». Or, seul le ministère de l'agriculture s'est impliqué en intégrant recherche et formation supérieure.

En revanche, les écoles d'architecture, l'École nationale des Mines, l'École des Ponts et Chaussées et l'École nationale supérieure des Télécom ne nous ont pas fourni d'indications sur la formation. Nous n'avons donc pas une vue exhaustive sur l'emploi des crédits, ce qui est bien dommage.

Par ailleurs, certains programmes sont consacrés pour l'essentiel à un seul opérateur. Il sera donc très difficile de procéder à des arbitrages pour les gestionnaires de ces programmes. Tout dépendra de la qualité des rapports contractuels qui seront mis en place entre le ministère et ces opérateurs.

Nous vous demandons donc, monsieur le ministre, d'être particulièrement attentif sur ce point. Sinon nous ne pourrons pas exercer notre mission de contrôle et nous nous contenterons seulement de distribuer des subventions. Or la présence de représentants du ministère dans les conseils d'administration et un reporting effectif devraient, à partir d'un bon contrat, permettre une gestion efficace.

Le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », qui constitue 50 % des crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur », concerne 1,6 million d'étudiants et représente l'essentiel des emplois de la mission. Il est donc important.

À cet égard, nous avons déjà eu l'occasion d'échanger nos points de vue sur l'accès à l'université des étudiants étrangers et sur la nécessaire qualité de l'université française. S'il est important que de nombreux étudiants étrangers viennent étudier en France, il est essentiel que nous portions une attention toute particulière à la qualité des étudiants, ainsi qu'à leur choix de filières.

Il en est de même pour nos étudiants. Aujourd'hui, selon les statistiques, nombre d'étudiants ne terminent pas leur DEUG ou subissent une sélection par l'échec au bout de trois ans. Dès lors, nous devons nous réfléchir aux problèmes posés par l'orientation et apporter certains changements en la matière.

Ainsi, un premier semestre pourrait être consacré à l'orientation, avec une approche professionnelle. Une réflexion sur l'adéquation de l'enseignement dispensé aux aptitudes de l'étudiant pourrait permettre d'éviter des échecs, toujours catastrophiques. C'est du temps perdu et de l'argent dépensé inutilement, argent dont l'université a particulièrement besoin.

Le financement de l'enseignement supérieur est un réel problème, en décalage par rapport à l'enseignement secondaire, qui, lui, aujourd'hui est bien assuré.

Monsieur le ministre, nous approuvons l'orientation que vous avez choisie concernant l'augmentation de la part des dotations contractuelles. De même, nous approuvons les critères que vous avez mis en place visant à rendre le financement plus adapté et plus responsabilisant.

Plus la part de la dotation contractuelle sera importante, plus les critères d'attribution seront ajustés, plus nous irons dans le sens d'une plus grande autonomie des universités et d'une meilleure gouvernance.

J'aborderai maintenant un sujet qui, d'habitude, fâche, alors qu'il devrait, au contraire, susciter de notre part un débat apaisé.

Il est assez étonnant de constater que, aujourd'hui, un étudiant peut consacrer plus d'argent à son abonnement de téléphonie mobile qu'à ses études à l'université. On trouve naturel que son inscription à un club sportif lui coûte plus cher que ses frais d'inscription universitaires.

Moi, je crois à la valeur de l'engagement. Un certain nombre d'étudiants étrangers choisissent des universités américaines ou britanniques au motif que si elles leur coûtent plus cher, l'enseignement est de meilleure qualité. Se sentant plus engagés, les étudiants sont de ce fait plus motivés dans leurs études.

Nous avons connu un important mouvement de démocratisation. L'approche de l'université doit être maintenant plus qualitative. C'est un enjeu important. Il ne faut pas refuser de regarder la réalité en face. À cet égard, une politique de bourses particulièrement adaptée doit être mise en place.

L'étudiant doit s'engager dans son avenir professionnel. Il ne faudrait pas que les études soient considérées, par certains, comme l'occasion de passer quelques années tranquilles ! Il s'agit là d'un véritable engagement pour les étudiants, mais également pour notre pays.

Monsieur le ministre, je m'exprimerai tout à l'heure sur le logement étudiant, à l'occasion de l'examen d'un amendement que j'ai déposé et qui mérite quelques explications. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis.

M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je précise tout d'abord que je suis le rapporteur pour avis, au nom de la commission des affaires culturelles, des onze programmes de la mission « Recherche et enseignement supérieur », les programmes « Formations supérieures et recherche universitaire » et « Vie étudiante », dont nous venons de mesurer toute l'importance, ressortant de la compétence de notre collègue Jean-Léonce Dupont.

La commission des affaires culturelles se réjouit du fait que le budget de la recherche fasse l'objet d'une priorité dans le projet de loi de finances, qui se situe dans un contexte de stabilisation des dépenses de l'État.

Mobiliser plus d'un milliard d'euros supplémentaires, créer 3 000 postes nouveaux, dont 1 000 dans le secteur de la recherche, c'est tout de même une réussite ! À cet égard, je tiens à féliciter le Gouvernement et, plus particulièrement, les ministres responsables.

Je vous remercie également, monsieur le ministre, de la qualité des réponses que vous avez fournies aux questions qui vous ont été posées, notamment par les membres de la commission des affaires culturelles. Ces réponses sont complètes, circonstanciées et fort intéressantes. Je ne peux pas en dire autant de la plupart des autres ministères ! Peut-être devrons-nous, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, leur adresser des demandes plus insistantes ? (M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles, fait un signe d'approbation.)

Compte tenu du caractère fortement interministériel de la mission « Recherche et enseignement supérieur », d'autres ministères que celui de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche mériteraient d'être consultés.

Les mesures en faveur de l'emploi scientifique, notamment des jeunes chercheurs, vont dans le bon sens. La mise en oeuvre d'une gestion prévisionnelle des personnels devrait faire l'objet d'une réflexion approfondie.

L'accent doit être mis non seulement sur le nombre d'emplois, mais également sur les mesures d'accompagnement afin que les chercheurs aient les moyens de travailler.

L'attractivité de la France dépend beaucoup des conditions de travail de ses chercheurs. Cette année, 50,3 millions d'euros supplémentaires sont affectés aux dépenses de fonctionnement et d'équipement des laboratoires.

C'est un premier pas, mais l'avenir doit être envisagé en cohérence avec l'augmentation de moyens de fonctionnement et d'équipement. Il vaut mieux avoir un peu moins de chercheurs, mais plus de moyens pour travailler. Les projets devront contribuer à cette cohérence, qui doit être une priorité.

La grande mutation du projet de loi de finances pour 2006 repose enfin, comme la commission des affaires culturelles le réclamait depuis plus de quinze ans, sur une hausse des financements incitatifs sur des projets.

Il convient de veiller, dans la durée, à accroître les moyens affectés à la fois aux projets et aux structures, ne serait-ce que du fait de l'augmentation du coût de la vie.

Pour une fois, l'accent a été mis sur la notion de projet, qui est internationalement reconnue. D'ailleurs, en France, du temps de la délégation générale à la recherche scientifique et technique, la DGRST, les projets étaient considérés comme fondamentaux pour la dynamique des entreprises. C'était ce qui se faisait sous l'autorité du général de Gaulle.

S'agissant des dépenses fiscales, la commission des affaires culturelles partage bien entendu les préoccupations de la commission des finances. En effet, pour que la France parvienne à consacrer 3 % de son PIB à la recherche, conformément aux objectifs de Lisbonne, la recherche privée devra être sensiblement accrue.

La mobilisation industrielle qui s'est faite autour des pôles de compétitivité est, pour moi, une source de satisfaction ; nous en reparlerons ultérieurement. Le rapprochement, dans toutes les régions françaises, entre les milieux universitaires, les organismes de recherche, les collectivités locales et les industriels, grands et petits, est fondamental.

Lors d'une réunion de l'ensemble des pôles de compétitivité que j'ai organisée à Sophia-Antipolis, nous avons constaté que, si la notion de territoire était importante en termes d'engagement pour les collectivités locales, une réflexion en réseau leur était également nécessaire. Nous devrons revenir sur ces deux notions, d'ailleurs assez complexes, lors de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche.

Enfin, mon collègue Jean-Léonce Dupont et moi-même sommes inquiets de la création de nouvelles structures qui se superposeront aux anciennes, sans qu'aucune de ces dernières ne soient supprimées. Nous aurons sur ce sujet également des questions à vous poser, monsieur le ministre.

Il est fondamental que l'action que vous avez menée en faveur des fondations de recherche soit poursuivie et développée. J'espère que cela sera pris en compte.

L'Agence nationale de la recherche doit permettre la création de nouvelles fondations. Toutefois, je crains que la création d'un trop grand nombre de fondations, notamment des fondations consomptibles, pose des difficultés de gestion.

Mes chers collègues, je terminerai en disant que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la MIRES pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis.

M. Jean-Léonce Dupont, rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, à la suite de Pierre Laffitte, je vous présenterai le programme « Formations supérieures et recherche universitaire » et le programme « Vie étudiante », auxquels environ 57 % des crédits de la mission sont consacrés.

Cela représente, en 2006, 11 863 millions d'euros et, hors pensions, 9 631 millions d'euros, en progression de 3 % par rapport à 2005.

Je me réjouis de deux mesures allant dans le sens de la globalisation du budget des établissements : la gestion directe, par les établissements, des crédits relatifs à la plupart des personnels non titulaires et des crédits consacrés à la recherche universitaire, à compter du 1er janvier 2006.

S'agissant des crédits de fonctionnement, en hausse de 25,4 millions d'euros, j'aimerais, monsieur le ministre, que vous me précisiez l'état des réflexions sur la révision des modalités de leur répartition dans le cadre de la dotation globale de fonctionnement.

Par ailleurs, je me suis intéressé aux immenses besoins du patrimoine immobilier universitaire. Il convient désormais de privilégier la réhabilitation des locaux et leur optimisation, en vue de remédier à la sous-utilisation chronique d'une partie de ces locaux.

S'agissant de la mise en sécurité des établissements, je souscris bien entendu pleinement à la démarche du Gouvernement, qui a dégagé 110 millions d'euros en septembre dernier pour répondre à certaines situations d'urgence. Je m'interroge néanmoins sur le niveau de crédits prévus au titre de la sécurité pour 2006, ainsi que sur la capacité de l'État à assurer l'ensemble de ses obligations d'ici à la fin de 2006 dans le cadre des contrats de plan État-régions.

Les crédits inscrits au titre du programme « Vie étudiante » augmentent, quant à eux, de 2,3 %.

Les bourses sur critères sociaux et universitaires progresseront de 1,5 % à la rentrée de 2006, hausse qui reste modeste, et 5 millions d'euros supplémentaires seront consacrés à la réhabilitation des résidences universitaires. Pensez-vous, monsieur le ministre, pouvoir respecter les objectifs du plan en faveur du logement étudiant dans les années à venir ?

De surcroît, je m'interroge sur la réforme, toujours différée, de l'autonomie et de la gouvernance des universités, qui me semblent être les « grandes oubliées » du projet de loi de programme pour la recherche.

Il est vrai qu'au travers des nouvelles structures juridiques de coopération que prévoit le projet de loi de programme pour la recherche, tels les projets relatifs aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, des expérimentations pourront être menées dans ce domaine, les partenaires pouvant mettre en place des modes de gouvernance plus réactifs et paralysant moins l' action.

Nous formons donc le voeu que la réussite de ces structures permette une évolution des mentalités suffisante pour que l'on puisse envisager, dès que possible, la réforme de l'autonomie et de la gouvernance dont nos universités ont tant besoin.

En outre, il est impératif de renforcer la coopération entre les établissements d'enseignement supérieur ou de recherche et les entreprises.

La synergie entre recherche publique et entreprises est, nous le savons, globalement plus forte chez nos partenaires que dans notre pays, même si des progrès ont été enregistrés ces dernières années.

J'ai effectué une courte mission d'études en Suède, les 13 et 15 juin dernier, et j'ai été frappé par les partenariats très forts noués par les universités et les entreprises. Les performances de la recherche suédoise sont particulièrement liées aux synergies grandissantes entre l'enseignement supérieur, la recherche universitaire et l'industrie.

Un autre de mes sujets d'inquiétude tient aux insuffisances de l'orientation et de l'insertion professionnelle des jeunes. Il nous faut obtenir que chaque établissement d'enseignement supérieur affiche clairement, par filière, d'une part, le taux de réussite des étudiants et, d'autre part, le taux d'emploi six mois ou un an après l'obtention du diplôme.

Il me semble également que le taux d'emploi dans la spécialité universitaire devrait être un des critères d'habilitation des filières, afin d'éviter une surabondance d'offres de formation, dans des secteurs aux débouchés limités. Il devrait également en être tenu compte au titre des indicateurs retenus pour l'application de la LOLF.

Je souhaite aussi que les universités considèrent comme prioritaires les actions d'aide à l'orientation et au choix professionnel des étudiants. Elles doivent affecter des personnels compétents dans ce domaine, soit par reventilation de leurs moyens, soit en y consacrant une partie des créations d'emplois prévus pour 2006. On ne peut, me semble-t-il, maintenir un système de non-sélection à l'entrée des universités si l'on n'accorde pas une priorité absolue à l'orientation des bacheliers, sauf à maintenir un taux d'échec dans les premières années d'enseignement supérieur entraînant un coût psychologique, humain et financier considérable.

J'aimerais connaître, monsieur le ministre, votre point de vue et vos propositions sur l'ensemble de ces sujets. Pouvez-vous, par ailleurs, nous préciser l'état de la réflexion sur l'amélioration des conditions juridiques et financières des stages étudiants ?

Par ailleurs, le dispositif des bourses a été renforcé ces dernières années et plus de 515 000 étudiants en bénéficient. Mais il apparaît aujourd'hui nécessaire de poser la question des critères d'obtention de ces aides, qui ne correspondent plus à la réalité de l'environnement économique et social des étudiants ni à leurs attentes.

Je vous remercie, monsieur le ministre, de préciser vos intentions à cet égard, dans l'attente des propositions que le député Laurent Wauquiez doit prochainement vous remettre.

Il me semblerait enfin utile qu'une étude annuelle permette d'évaluer l'évolution réelle du coût de la vie étudiante.

En conclusion, et en vous remerciant, monsieur le ministre, de votre disponibilité, ainsi que de la clarté et la qualité des réponses que vous apportez, j'indique que la commission des affaires culturelles a donné un avis favorable à l'adoption des crédits consacrés à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante pour 2006. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Henri Revol, rapporteur pour avis.

M. Henri Revol, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques et du Plan. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au nom de la commission des affaires économiques, je souhaite dire « bravo ! » au Gouvernement.

« Bravo » pour avoir tenu son engagement d'affecter un milliard d'euros supplémentaires à la recherche et l'enseignement supérieur, malgré le contexte budgétaire que nous connaissons ! Encore faudrait-il y ajouter la somme de 1,7 milliard d'euros d'ores et déjà mise à la disposition de l'Agence de l'innovation industrielle.

Dans l'esprit de la LOLF, je m'en tiendrai à deux remarques et à deux questions sur le budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur ».

Ma première remarque visera à rappeler que le Gouvernement a honoré son engagement puisque, n'en déplaise aux sceptiques, les 340 millions d'euros de dépenses fiscales supplémentaires constituent bel et bien un effort à part entière, que toutes les statistiques internationales considèrent comme une dépense publique de recherche et développement.

Ma seconde remarque sera pour insister sur la nécessité de donner à la recherche française des grandes orientations thématiques. Le projet de loi de programme que nous examinerons prochainement renforcera les outils en ce sens, mais le budget est un moment important de discussion de ces priorités. Je pense notamment aux priorités liées à l'environnement, à l'énergie et à la santé.

J'en viens maintenant à mes questions.

Ma première question, monsieur le ministre, porte sur l'intervention du Parlement dans le cadre de la LOLF.

Nous sommes cette année devant un cas d'école : le budget prévoit la création de 3 000 postes, essentiellement à partir de la rentrée universitaire de 2006. Cela signifie que l'on ne sait pas aujourd'hui dans quelles universités ces postes seront créés, car cette indication n'est pas donnée neuf mois à l'avance et il est difficile de savoir si l'augmentation des emplois dans l'un des programmes de la mission est justifiée et si elle ne serait pas plus utile dans un autre. Compte tenu des masses financières en jeu, et même dans le cadre de la fongibilité asymétrique, cela semble un peu gênant. Comment pourrait-on, à l'avenir, mieux faire cadrer la programmation des moyens de la rentrée universitaire et l'année budgétaire, qui est l'année civile ?

J'en viens à ma seconde question.

Monsieur le ministre, j'ai noté que, pour plusieurs des programmes de la mission, il existait des indicateurs de performances pour les taux de publication dans les revues scientifiques. Ce sont d'excellents indicateurs, validés par la communauté académique elle-même. Toutefois, je m'interroge fortement à la lecture des objectifs qui sont fixés pour l'année 2006. En moyenne, il est prévu une amélioration des performances de publication de 23 % par rapport à 2005. Ces objectifs fort ambitieux sont-ils réalisables en une seule année ? Si oui, comment comptez-vous provoquer un tel sursaut dans les équipes de recherche ?

Ces questions, monsieur le ministre, s'accompagnent toutefois d'une grande satisfaction quant à la façon dont vous avez su personnellement animer la programmation interministérielle de l'ensemble de la mission. La commission des affaires économiques tenait à vous en féliciter, et, bien entendu, elle est favorable à l'adoption de ce budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 22 minutes ;

Groupe socialiste, 25 minutes ;

Groupe Union centriste-UDF, 21 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 18 minutes ;

Groupe du rassemblement démocratique et social européen, 15 minutes.

Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Je vous rappelle également qu'en application des décisions de la conférence des présidents aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de quarante-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, selon la présentation qui nous en a été faite par le Gouvernement, le budget du ministère de l'éducation nationale est soumis à deux impératifs : promouvoir l'égalité des chances dans tout le système éducatif et développer l'effort national en faveur de la recherche.

Force est de constater que, concernant le premier de ces impératifs, vous passez complètement à côté, et c'est tout particulièrement vrai dans le domaine de l'enseignement supérieur. Quant au second, tout est affaire de faux-semblants.

C'est un doux euphémisme de dire qu'il existe un décalage entre le discours gouvernemental et la réalité de votre politique. C'était déjà le cas, en janvier 2004, quand le Président de la République annonçait une loi d'orientation et de programmation pour la recherche, alors même que la loi de finances votée un mois plus tôt procédait à des coupes sans précédent dans les dotations et les emplois de la recherche publique. De faux-semblants en promesses non tenues, presque deux ans plus tard, les chercheurs continuent à en faire les frais.

J'en veux pour preuve le discours qu'a prononcé M. le Président de la République à Reims, le 30 août dernier.

Principale annonce : « Nous allons dégager des moyens financiers importants, à la hauteur de nos ambitions : 6 milliards d'euros sur trois ans, 3 000 postes supplémentaires en 2006, et autant en 2007. Cela fait plus de vingt ans qu'un tel effort n'avait pas été entrepris. »

Dans les faits, le milliard d'euros supplémentaire annoncé pour la recherche publique, afin qu'elle représente 1 % du PIB en 2010, conformément à l'objectif de Lisbonne, était atteint en loi de finances pour 2006 grâce à un artifice comptable, puisqu'un tiers relevait d'allégements fiscaux liés au crédit d'impôt recherche.

À cela, il faut ajouter l'augmentation du point de la fonction publique, dépense « automatique » et non spécifique à la recherche, ou encore la dotation à l'Agence nationale de l'innovation qui s'adresse aux entreprises privées.

Mais de fictif qu'il était, ce milliard d'euros est devenu totalement virtuel après l'adoption du projet de loi de finances par l'Assemblée nationale. Le Gouvernement a, en effet, en seconde délibération, obtenu une baisse de plus de 57,2 millions d'euros de la mission recherche et enseignement supérieur, pour alimenter par redéploiement des mesures pour les quartiers en difficulté.

En termes d'emploi scientifique, ce redéploiement se traduit par 13 milliards d'euros de moins pour le programme « Formations supérieures et recherche universitaire », dont plus de deux tiers des crédits portent sur des dépenses de personnel, d'aides aux doctorants et post-doctorants.

M. Chirac déclarait à Reims, cet été : « L'Europe dans son ensemble souffre d'un déficit de chercheurs : l'urgence, c'est d'attirer les meilleurs esprits dans cette carrière, car le moteur de la recherche de demain, ce sont nos doctorants. Et je veux les assurer de notre soutien. »

On peut faire le même constat sur la mondialisation de la recherche, à propos de laquelle le Président de la République déclarait : « Nous sommes aujourd'hui à un moment décisif. Toutes les conditions sont réunies pour que la France passe résolument à l'offensive. Nous allons conquérir de nouvelles positions, et nous placer aux avant-postes de l'innovation industrielle et de la recherche ». Or les propos présidentiels se transforment en une suppression de 19 millions d'euros pour les recherches scientifiques et technologiques pluridisciplinaires, dont l'objectif est de constituer un pôle de référence, au niveau mondial, sur des thématiques clés telles que les biotechnologies, les sciences et technologies de l'information et de la communication, les STIC, les nanotechnologies, l'environnement, etc.

Sur le secteur énergétique enfin, on a pu entendre : « Le prix du pétrole risque d'être durablement élevé : le renouveau de notre politique énergétique est indispensable. Cela passe par des politiques d'économies d'énergie, mais aussi par la mise au point de nouvelles technologies. C'est une nécessité pour la planète. C'est aussi un marché dont le potentiel est gigantesque. »

Après traduction budgétaire, ces propos se concrétisent par 3,5 millions d'euros de moins pour la recherche dans le domaine de l'énergie.

À quinze jours de la première lecture au Sénat du projet de loi de programme pour la recherche, ce budget constitue un véritable outrage à la communauté scientifique et à l'avenir de la recherche dans notre pays.

Si votre majorité se félicite d'avoir dégagé 325 millions d'euros au bénéfice des banlieues, elle se garde bien de préciser où elle les a pris. Mais les chercheurs, enseignants-chercheurs, et étudiants ne resteront pas dupes très longtemps sur votre redéploiement.

Vous aurez bien des difficultés à faire croire qu'il fallait prendre sur la recherche et l'enseignement supérieur pour essayer de répondre à la crise que nous venons de traverser, quand, parallèlement, 116 800 privilégiés bénéficieront de 1,2 milliard d'euros de baisse d'impôts. Votre bouclier fiscal s'adresse à ceux qui en ont le moins besoin. Votre choix de société est clair : donner plus à ceux qui ont déjà tout.

Si vous aviez renoncé à ces cadeaux fiscaux en direction des nantis, vous n'auriez pas eu à opérer des coupes sévères dans le domaine de la recherche, que vous n'avez de cesse de présenter comme une priorité de votre gouvernement. Si la recherche est prioritaire, c'est en termes de réduction des crédits.

Dans ces conditions, on est également bien loin de la promotion de l'égalité des chances dans l'enseignement supérieur.

Rien n'est prévu, en effet, pour lutter contre la sélection par l'échec à l'oeuvre dans les premiers cycles universitaires, alors que 40 % des étudiants inscrits à l'université, près de 525 000, n'atteignent pas la troisième année au bout de cinq ans, ce que pointent d'ailleurs les rapporteurs tant de la commission des finances que de la commission des affaires culturelles.

Rien n'est prévu sur la coupure méthodologique et pédagogique que constitue pour beaucoup de nouveaux étudiants la première année universitaire !

Aucune proposition n'est faite non plus pour articuler l'année de terminale et l'entrée dans l'enseignement supérieur !

Figure pourtant, parmi vos objectifs, la réduction de l'échec au cours du cursus de licence, afin d'atteindre 43 % d'une classe d'âge diplômée de l'enseignement supérieur en 2006 contre 38,2 % aujourd'hui.

Dans ces conditions, ma question est simple, monsieur le ministre. Comment comptez-vous vous y prendre, sachant que les seules annonces faites sur ce sujet à la suite de la grave crise sociale que nous venons de traverser consistent à proposer un tutorat à 100 000 élèves des quartiers défavorisés pour qu'ils deviennent bacheliers et accèdent à l'enseignement supérieur ?

En matière d'aide sociale, si vous prévoyez une revalorisation des bourses, celle-ci ne couvre même pas l'inflation. Or les étudiants ont vu le ticket de restaurant universitaire et les frais d'inscription pour la rentrée universitaire de 2005 augmenter respectivement de 4 %. Par ailleurs, il est un phénomène très inquiétant : parmi les 60 000 étudiants qui ont demandé une aide exceptionnelle aux services du centre régional des oeuvres universitaires et scolaires, le CROUS, en 2003, la moitié est en situation de pauvreté chronique, et ce chiffre est en augmentation.

Concernant l'immobilier universitaire enfin, le plan « Université du troisième millénaire », U3M, est en panne, et le programme de reconstruction de Paris III-Censier est resté lettre morte jusqu'à maintenant. Quant aux contrats de plan, l'Etat n'a pas tenu ses engagements. Pour les seules universités parisiennes, ce sont 350 millions d'euros qui devaient leur être consacrés, seuls 150 millions, moins de la moitié, leur ont été réellement versés.

Devant ce budget, inutile de vous préciser, monsieur le ministre, que le groupe socialiste votera contre les crédits de la mission « Recherche et enseignement supérieur ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'enseignement supérieur et la recherche, c'est une évidence depuis des décennies, font figure de parents pauvres de notre éducation nationale. Alors que la France dépense bien plus en faveur de ses collégiens et lycéens que les autres pays comparables avec des résultats pour le moins ambigus si ce n'est décevants, son effort financier pour l'enseignement supérieur s'est toujours avéré bien modeste.

Les comparaisons internationales tant avec les États-Unis, ce qui n'est pas une surprise, qu'avec les pays de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, en attestent cruellement. Il aura fallu bien longtemps pour que l'opinion commence à prendre clairement conscience qu'il y avait là l'une des explications aux difficultés économiques dont nous souffrons avec leur cortège de chômage et de drames humains.

Même une formidable initiative comme celle des pôles de compétitivité nous met aujourd'hui trop souvent en présence des difficultés auxquelles nos universités sont confrontées, pour pouvoir enfin amorcer un partenariat efficace et fructueux avec le monde des entreprises, en l'espèce du secteur industriel, celui de la recherche privée et celui des collectivités territoriales.

A l'absolue nécessité de multiplier les échanges et de servir des projets communs hautement créateurs d'emplois s'oppose la logique obsolète du cloisonnement : coupure entre les grandes écoles et les universités, rivalités d'un autre âge entre les universités elles-mêmes quand ce n'est pas au sein des composantes d'une même université, ignorance trop répandue entre recherche universitaire et organismes de recherche privé.

Que de chemin reste à parcourir pour que le monde économique, le monde de l'université, le monde de la recherche publique et privée apprennent à marcher de concert, à travailler ensemble, à servir l'intérêt général et le développement de notre pays par l'excellence des projets plutôt que des intérêts catégoriels et parfois contradictoires.

Je salue « la prise de conscience quant à la nécessité de changer », pour reprendre l'expression de notre ministre, tout en soulignant qu'il s'agit d'une mutation culturelle essentielle, incontournable si nous voulons garder quelque ambition, mais aussi terriblement exigeante dans la modification de nos comportements, de nos habitudes, de nos routines, de nos travers. Qui ne voit également l'absolue nécessité d'approfondir dans ce cadre l'autonomie de nos universités leur permettant ainsi d'adapter leurs moyens, leurs travaux, leurs équipes aux réalités de leur environnement !

Ce préalable une fois posé, je n'en suis que plus à l'aise pour à la fois encourager l'indispensable effort financier en faveur de l'université et de la recherche, souhaiter qu'une autonomie renouvelée vienne doper le dynamisme universitaire et exprimer une vive inquiétude sur un certain nombre de dérives auxquelles il convient de remédier au plus vite.

La multiplication des implantations universitaires à laquelle il a été procédé depuis plus de vingt ans dans un souci, a priori louable, d'aménagement du territoire, nous amène aujourd'hui à prendre acte de brillants succès comme de cuisants échecs. Je n'ai pas l'impression de caricaturer en disant que parfois l'excellence côtoie Clochemerle.

Mon attention a été alertée à de nombreuses reprises sur certaines implantations universitaires - et j'ai le cas par exemple dans mon département d'élection, le Nord - où sévit un localisme exacerbé en matière de recrutement. Des enseignants titulaires nommés sur leur premier poste de professeur partent aussi vite qu'ils le peuvent et sans que rien - c'est un euphémisme - ne soit fait pour les retenir.

Des postes vacants ne sont pas mis au recrutement et si certains le sont, tout est fait pour que personne ne soit effectivement nommé. Convenons que ces emplois seraient plus utiles en d'autres lieux.

Certains mastères accueillent une poignée d'inscrits, souvent inférieurs à cinq, ce qui amène nombre de cours à être purement et simplement annulés faute de combattants. Et, si d'aventure un enseignant vient à regretter ce gâchis d'énergie et d'argent public, on lui répond que, son salaire n'étant en rien affecté de son inactivité, il aurait vraiment mauvaise grâce à se plaindre.

M. André Lardeux. Très bien !

M. Jean-René Lecerf. Et je ne noircis pas le tableau, monsieur le ministre.

M. Ivan Renar. Un peu tout de même !

M. Jean-René Lecerf. J'ai en tête des cas bien précis d'enseignants, parfois agrégés de l'université, désespérant de l'inutilité à laquelle on les condamne et qui voient opposer à leur démarche de protestation l'aspect le plus réducteur cette fois de l'autonomie des universités.

Faut-il s'étonner de trouver aussi dans ces mêmes structures bon nombre d'étudiants étrangers, dont l'inscription n'est suivie ni de l'assistance aux cours, ni de la présence utile aux examens ? Tout au plus viennent-ils comme on dit « signer la feuille », c'est-à-dire émarger, en refusant toute proposition de sujet à traiter, préservant ainsi leurs chances de titre de séjour et de bourse.

A part, bien sûr, l'intérêt général, chacun y gagne. L'université boucle son budget dans la mesure où le montant de subventions est calculé en fonction du nombre d'inscrits et non de la réussite aux examens, ce qui, au passage, pose incontestablement problème. Pour l'étranger, l'inscription dans un établissement français permet la délivrance par l'ambassade d'un visa d'étudiant, donnant lui-même droit à un titre de séjour. Dès lors, de nombreux candidats à l'immigration s'engouffrent dans la filière étudiante, mais cherchent du travail dès qu'ils sont en France.

Que l'on me comprenne bien. Il va de soi que la capacité de notre pays à attirer des étudiants étrangers constitue un formidable enjeu culturel, linguistique et économique. On ne peut donc que se féliciter de voir la France accueillir aujourd'hui 250 000 étudiants étrangers et investir pour leur prise en charge près de 2,5 milliards d'euros, soit environ 12 000 euros par étudiant, 8 000 euros pour l'enseignement et 4 000 euros en aides sociales diverses.

Mais c'est bien en luttant contre la fraude que l'on pourra attirer les meilleurs étudiants étrangers en France et leur proposer de véritables parcours de réussite. Notre effort financier est important, encore faut-il qu'il soit mieux utilisé.

Sans doute, monsieur le ministre, ai-je laissé l'arbre me cacher quelque peu la forêt. Mais, pour que la forêt prospère, il est parfois besoin d'élaguer. Notre enseignement supérieur a trop besoin qu'on lui accorde enfin les moyens de ses ambitions et de celles de notre pays pour ne pas porter remède à de coûteux dysfonctionnements laxistes qui devraient appartenir à un passé révolu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Laffitte.

M. Pierre Laffitte. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je centrerai mon propos sur deux thèmes portant, d'une part, sur le financement global de la recherche et de l'innovation en Europe, d'autre part, sur la nécessité de mise en réseau et de labellisation des nombreux projets qui émaneront des pôles de compétitivité.

Le financement global de la recherche en Europe est insuffisant. Il est inférieur à celui des États-Unis, par exemple, d'une somme considérable de 50 milliards d'euros par an. Autrement dit, au bout de cinq ans, les États-Unis disposent pour la recherche de 250 milliards d'euros de plus, et ce pour un produit intérieur brut à peu près comparable. Alors que l'on dit à Lisbonne que l'on veut rattraper les pays les plus avancés, en fait, on ne les rattrape pas, on perd même du terrain !

Il y a, à mon avis, une solution et une seule. Il convient que les autres pays élaborent un budget pour 2006 semblable à celui de la France, mais aussi que l'Europe emprunte par l'intermédiaire d'un outil qu'elle possède, la Banque européenne d'investissement, 150 milliards d'euros sur le marché mondial.

Pour les responsables de la BEI, c'est parfaitement possible, cela ne pose aucun problème, ils savent faire. Cependant, l'Europe n'ayant malheureusement pas la personnalité morale, il faut obtenir l'accord des vingt-cinq États membres.

Par le canal du groupe ELITE que j'ai contribué à créer - cela signifie « élargir l'innovation et les talents en Europe », l'acronyme fonctionne aussi en anglais -, nous avons déjà fait de la propagande dans différents pays : en France, bien sûr, et en Allemagne, M. Chirac comme M. Schröder ont même déjà obtenu des avancées puisque, très récemment, la BEI a accordé un emprunt pour l'innovation. Des pays comme la Pologne ou le Danemark se sont associés et ont fait savoir, dans les colonnes du Financial Times, qu'ils étaient d'accord.

L'Europe devrait emprunter pour que l'innovation nous permette de faire ce que font les Américains ! Grâce à cela, ils ont 4,5 % de croissance, voire plus, et ils continuent à dominer le monde. Nous pourrions en faire de même !

Un tel financement permettrait de renforcer les initiatives Eurêka, le projet MEDEA, dont le développement industriel, académique et scientifique est très fort, et la recherche fondamentale. Dans le même temps, cela permettrait de favoriser la coopération, notamment entre les différents pôles de compétitivité et centres d'excellence européens.

J'en viens à la seconde partie de ma brève intervention, l'absolue nécessité de mise en réseau et labellisation des projets.

Les projets présentés devraient, d'une part, intégrer des partenaires internationaux et, d'autre part, mettre en oeuvre une coopération entre les grandes et les petites entreprises. Il conviendrait de promouvoir l'équivalent d'un Small Business Act soit en France, soit au niveau européen, même si des questions de concurrence internationale se posent.

Nous avons là, me semble-t-il, une possibilité pour labelliser des projets d'autant que, en tout cas en France, ils associent par nature la recherche publique et la recherche privée.

Si les pôles de compétitivité en tant que tels constituent un réseau régional ou local, il n'en est pas moins nécessaire de créer un réseau entre eux.

C'est dans ce sens que j'ai organisé une réunion à Sofia Antipolis entre tous les pôles de compétitivité. Nous allons très bientôt favoriser les contacts entre les pôles ayant une même globalité de recherche, de façon que les projets soient non pas tous concurrents, mais bien complémentaires.

Réseau, internationalisation, association de grandes et de petites entreprises, d'entreprises publiques et privées, tels sont les termes de la nouvelle dynamique que nous pouvons imposer à toute l'Europe, surtout avec un financement complémentaire ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, je commencerai par citer quelques propos entendus au cours de l'été : « nous allons faire un effort inédit pour notre recherche fondamentale » ; « l'importance de la recherche fondamentale pour la nation sera réaffirmée, parce que l'avancement de la connaissance est un objectif en soi légitime, mais aussi parce qu'elle permet l'éclosion des applications de demain ».

Ces déclarations, que je pourrais faire miennes, sont extraites d'un discours du Président de la République en date du 30 août dernier. Force est de constater combien le décalage est important entre les propos du Chef de l'État et la réalité budgétaire.

Le projet de budget de la mission « Recherche et enseignement supérieur » pour 2006 apparaît en effet comme un simple rattrapage, qui fait suite aux coupes sévères opérées depuis 2002, aux gels et aux annulations de crédits décidés ces dernières années.

Certes, les crédits de la MIRES connaissent une très légère augmentation, à hauteur de 2,2 %. Il faut y voir le résultat de la mobilisation exceptionnelle de la communauté scientifique, qui a permis de sensibiliser l'opinion publique aux enjeux de la recherche. Loin de n'être que la manifestation de démarches revendicatives simplement corporatistes, le mouvement des chercheurs et enseignants-chercheurs a donné naissance aux états généraux de la recherche. La communauté scientifique a ainsi engagé une profonde réflexion sur le système national de recherche et d'enseignement supérieur, débouchant sur des propositions jetant les bases d'une vaste réforme à venir.

Cependant, le Gouvernement n'a pas choisi de suivre les recommandations des chercheurs. En témoigne le projet de loi de programme pour la recherche, à maintes reprises retardé. Nous y reviendrons dans deux semaines, lors de l'examen de ce texte.

Le projet de budget de la MIRES pour 2006 montre également que la communauté scientifique n'a pas été entendue. Alors que l'État devait consentir un effort considérable, les moyens affectés à la recherche et à l'enseignement supérieur demeurent bien insuffisants.

Dans ces domaines, la France avait pourtant besoin d'un « électrochoc » pour retrouver sa position sur le plan mondial. Nous le savons, le temps joue contre nous. En 2006, l'écart entre la France et des pays tels que la Chine, le Japon, l'Inde, la Corée du Sud, sans parler des États-Unis, continuera à se creuser.

Sur la situation de l'emploi scientifique, les critiques sont quasiment unanimes. En effet, chacun s'accorde à dire qu'un plan pluriannuel est nécessaire. Le Gouvernement est cependant resté sourd à cet appel, alors qu'une programmation pluriannuelle aurait constitué un signal particulièrement positif pour les jeunes attirés par la recherche.

On relèvera néanmoins la création de 3 000 postes, à mettre au crédit de la mobilisation des chercheurs, qui ont alerté l'opinion publique sur les manques d'effectifs. Sont notamment créés 1 100 emplois d'enseignant-chercheur, mesure rendue nécessaire par la mise en oeuvre de la réforme « LMD », licence-mastère-doctorat, qui a suscité de nouveaux besoins en matière d'enseignement et de suivi des étudiants.

En termes d'emplois scientifiques, il est particulièrement instructif de lire l'avis du Conseil supérieur de la recherche et de la technologie, qui souligne que « le passif dans ce domaine nécessite un effort de rattrapage soutenu dont les mesures annoncées cette année ne doivent constituer que le premier pas ». On ne peut que s'interroger sur les suites que le Gouvernement entend donner à cette résolution, sachant qu'il ne s'est pas engagé au-delà de 2007.

La précarité, véritable mal endémique de notre société contemporaine, n'épargne pas le secteur de la recherche : un cinquième des chercheurs et un quart des enseignants-chercheurs n'ont qu'un emploi précaire. Le recours aux contrats temporaires, de plus en plus fréquent, s'avère pourtant éminemment préjudiciable à la continuité des travaux scientifiques. Il faut entendre les chercheurs témoigner de leurs expériences professionnelles. Ils disent à qui veut l'entendre que les fins de contrat de leurs collègues en situation précaire engendrent presque systématiquement la perte de savoir-faire, parfois uniques, d'expériences et d'idées de recherches à mener dans l'avenir.

Reconnaissons que la recherche de qualité exige une accumulation de compétences, de connaissances et de contacts qui font les spécialistes. La multiplication des contrats à durée déterminée fragilise les équipes, les directeurs de recherche se contentant alors de sous-traiter une partie de leur activité.

On le voit, la question de l'emploi demeure essentielle, d'autant que, en 2004, un tiers des titulaires de diplômes d'études supérieures spécialisées ou de doctorats avaient un emploi précaire ou étaient au chômage. Devant le manque de perspectives à moyen terme, une partie de nos jeunes chercheurs continue à s'exiler, aux États-Unis notamment, où les conditions de travail sont beaucoup plus attrayantes.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Et il n'y a pas de précarité, là-bas ?

M. Ivan Renar. Cette crise est profonde. En amont, les enseignants ne cessent d'alerter les pouvoirs publics sur la désaffection des jeunes pour les filières scientifiques. Cette tendance se ressent très nettement dans l'enseignement supérieur. En dix ans, les universitaires ont ainsi observé une baisse de 30 % à 40 % du nombre de licenciés dans les matières scientifiques.

Ce ne sont pas les quelques mesures, d'une portée bien trop modeste, que vous présentez, monsieur le ministre, qui permettront d'endiguer ce phénomène particulièrement préoccupant pour l'avenir de notre pays et de l'Europe entière. Cette évolution est d'autant plus grave que, dans les prochaines années, les chercheurs de la génération du baby-boom partiront à la retraite.

Tout le monde s'accorde à dire que la définition d'un statut social du jeune chercheur permettrait d'enrayer cette désaffection pour les filières scientifiques. De même, il est urgent de revoir le niveau de revenu des jeunes chercheurs. L'indexation du taux des allocations de recherche sur le SMIC contribuerait à améliorer en partie les conditions de travail des doctorants et post-doctorants, qui, aujourd'hui, touchent un revenu pour le moins indécent. Il paraît ainsi indispensable de mobiliser les moyens nécessaires pour que leur rétribution atteigne rapidement une fois et demie le montant du SMIC.

Tout cela nécessite énormément de moyens, j'en conviens, un effort bien supérieur à l'augmentation annoncée de 1 milliard d'euros. Il faut d'ailleurs s'interroger sur cette somme, en partie absorbée par la hausse mécanique des salaires.

Un tiers de ces crédits supplémentaires est attribué aux universités et aux organismes de recherche pour la création des 3 000 postes que j'évoquais tout à l'heure, alors même que le président de la Conférence des présidents d'université considère qu'il manque 3 milliards d'euros pour les seules universités.

Un autre tiers de cette somme est affecté au financement du dispositif des incitations fiscales destinées au secteur privé. Il s'agit d'exonérations d'impôt sur les bénéfices pour les entreprises ayant intégré un pôle d'activité, de déductions d'impôts pour dons aux établissements de recherche et aux PME innovantes, etc.

Le Gouvernement entend reconduire en 2006 les mesures mises en oeuvre cette année, alors même que leurs effets n'ont pas encore été évalués. Ce point a d'ailleurs été mis en exergue par le Conseil économique et social, qui recommande vivement de mesurer l'incidence de telles dispositions.

Enfin, le dernier tiers, imputé sur le compte d'affectation spéciale des privatisations, est dévolu aux agences de moyens. Les crédits de ces agences seront prélevés sur les recettes de la vente des entreprises publiques ; il ne s'agit donc pas de ressources pérennes. Faut-il prévoir la poursuite de la « vente à la découpe » de notre patrimoine national ? Sinon, comment ces agences fonctionneront-elles dans les années à venir ?

On peut, en outre, s'interroger sur la nature de l'Agence nationale de la recherche, présentée comme le « vecteur d'une réelle sélectivité ». Eu égard à son rôle en matière de financement, cette agence s'impose désormais comme l'un des acteurs centraux de la recherche, et ce au détriment d'organismes tels que le CNRS, dont le rôle historique est ouvertement remis en cause.

Si l'idée de mettre en place une agence de moyens est louable, celle-ci risque néanmoins de déstructurer les laboratoires, souligne le président de l'Académie des sciences, M. Edouard Brézin, dès lors qu'elle accapare l'essentiel des crédits, privant ainsi les organismes de recherche de leur financement de base.

On remarquera par ailleurs que l'ANR n'a pas encore été en mesure de ventiler la totalité des crédits et autorisations de programme dont elle était dotée au titre de 2005.

En effet, on parle d'un reliquat de fonds non affectés atteignant plusieurs dizaines de millions d'euros. Que compte faire le Gouvernement à cet égard, monsieur le ministre ? Redéployer ces crédits au profit des établissements et des organismes serait une judicieuse initiative, qu'apprécieraient les acteurs de la recherche, ainsi que les membres de la Haute Assemblée.

En réalité, l'Agence nationale de la recherche constitue l'outil permettant au Gouvernement de piloter les équipes de recherche, qui, chaque année, devront faire la preuve de leur efficacité ou, osons le dire, de leur rentabilité, avant de pouvoir bénéficier des crédits nécessaires à la poursuite de leurs travaux. Or, « en science comme ailleurs, l'inertie intellectuelle, la mode, le poids des institutions et l'autoritarisme sont toujours à craindre », comme l'a déclaré Hubert Reeves.

On peut concevoir que la recherche soit soumise à une évaluation, mais il s'agit de tenir compte du temps nécessaire à certaines études : il faut parfois plusieurs années pour que celles-ci puissent aboutir à des résultats tangibles. Qui a mené des travaux scientifiques sait que l'on avance lentement, par tâtonnements, une hypothèse confirmée faisant fréquemment suite à de nombreuses autres hypothèses invalidées, et que le droit à l'erreur doit être respecté.

Par ailleurs, on sait que la science évolue très rapidement, et il est donc à craindre qu'elle n'évolue plus vite que les critères d'évaluation. L'évaluation pourrait alors condamner des projets ne correspondant pas aux normes établies. En outre, selon quels critères seront évalués les projets originaux réunissant plusieurs spécialistes de diverses disciplines ?

La question de l'évaluation se pose également de manière prégnante pour les recherches dans les domaines des lettres et des sciences humaines et sociales. Leur intérêt sera-t-il apprécié en fonction du nombre de publications ? Étant donné la conception utilitariste qui semble prévaloir, il est à craindre que la place de disciplines telles que l'histoire, la philosophie ou les lettres ne soit réduite à court ou à moyen terme.

Pilotage de la recherche par le Haut conseil de la science et de la technologie, soutien privilégié au secteur privé, mise en place des pôles de compétitivité : le Gouvernement manifeste qu'il veut clairement donner la priorité à la seule innovation. Tout cela s'inscrit dans une vision par trop utilitariste de la recherche.

La création des campus de recherche relève de cette même logique : ce nouveau dispositif, axé sur le développement de recherches thématiques, « court-circuite » les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, et le risque est sérieux de voir les universités privées de leurs pôles d'excellence et les équipes les plus performantes démantelées.

Dans son discours du 30 août 2005, le Chef de l'État avait souligné le caractère prioritaire et inséparable de la recherche fondamentale, de la recherche appliquée et de la recherche industrielle. Il faut toutefois constater que l'effort budgétaire consacré à la recherche fondamentale demeure bien trop insuffisant. Chacun reconnaît pourtant que la recherche fondamentale est indispensable à la découverte de nouvelles connaissances, à la création de nouveaux produits innovants.

Monsieur le ministre, vous nous avez dit que ce projet de budget « traduit toute l'ambition du Gouvernement pour la recherche et l'enseignement supérieur ». Au regard de l'augmentation de 2,2 % des crédits à structure constante, dont il faut bien évidemment prendre acte, on pourra apprécier combien cette ambition reste modeste. On en vient à se demander ce que signifie le terme « priorité » pour le Gouvernement !

À ce rythme, il ne fait aucun doute que l'objectif de Lisbonne ne sera pas atteint. « La recherche, c'est l'acte par lequel une société avancée exprime sa foi en un avenir ouvert », a très justement affirmé le spécialiste de la physique nucléaire Claude Détraz. Votre conception de la recherche nous montre à quel point votre vision de l'avenir est étroite, marquée par une logique de rentabilité à court terme.

Le groupe CRC souhaitait que le projet de budget de la MIRES constitue le premier jalon d'une réforme audacieuse ; les chiffres affichés nous démontrent que cela n'est nullement le cas, et nous ne pourrons donc le voter. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo.

M. Yves Pozzo di Borgo. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, c'est par l'économie que l'Europe redémarrera, et nous n'aurons pas d'économie performante sans un système de formation et de recherche performant. Chacun en a conscience aujourd'hui.

Cette priorité a été affirmée en 2000 dans la stratégie de Lisbonne. Le Gouvernement l'a rappelée dans son « pacte de la nation avec la recherche », qui prendra corps au travers du projet de loi de programme que la Haute Assemblée devrait examiner prochainement.

Le Sénat lui-même n'est pas resté en marge de cette réflexion vitale sur le développement de la recherche, puisqu'il a constitué un groupe de travail sur la question.

Le présent projet de budget pour la mission « Recherche et enseignement supérieur » prévoit, dans une certaine mesure, les moyens nécessaires pour mener une politique de la recherche plus ambitieuse et plus pertinente. C'est dire l'importance de cette mission.

Une fois de plus, la démarche LOLF montre ses vertus à cet égard. La construction de la mission interministérielle « Recherche et enseignement supérieur » repose sur les deux ensembles qui constituaient, jusqu'en 2005, le budget coordonné de l'enseignement supérieur et le budget civil de la recherche et du développement. Cela est plus clair pour la représentation nationale. Le périmètre retenu pour cette mission, qui regroupe treize programmes gérés par sept ministères différents, est susceptible d'améliorer la cohérence du pilotage budgétaire de l'ensemble des politiques publiques de recherche.

L'examen du projet de budget de la MIRES révèle que cette mission bénéficiera, pour l'année à venir, de 380 millions d'euros de crédits budgétaires supplémentaires. Le montant total des crédits de la mission s'établit à 20,7 milliards d'euros, dont 57 % sont destinés à l'enseignement supérieur et à la vie étudiante.

Toutefois, pour avoir une vue d'ensemble des crédits de la recherche, il faut aussi prendre en compte les 280 millions d'euros de dotations extrabudgétaires, destinés au développement de la recherche sur projets et financés à partir du compte d'affectation spéciale des produits des privatisations, ainsi que les 340 millions d'euros de dépenses fiscales supplémentaires destinées à promouvoir l'effort de recherche des entreprises. L'ensemble de ces sommes forme le fameux milliard d'euros supplémentaire annoncé par le Gouvernement pour l'enseignement supérieur et la recherche.

Dans un contexte de stabilisation des dépenses publiques, stabilisation nécessaire, soit dit en passant, compte tenu de l'ampleur du déficit, le budget de l'enseignement supérieur et de la recherche constitue clairement l'une des premières priorités du Gouvernement.

Cependant, si cette priorité est claire, il ne faut pas en exagérer l'ampleur. Le milliard d'euros supplémentaire réclamé par les « états généraux de la recherche » ne concernait que la recherche publique civile. Or le milliard d'euros supplémentaire effectivement octroyé par le projet de loi de finances pour 2006 doit profiter aussi au secteur privé, à hauteur de 460 millions d'euros. Par ailleurs, ce milliard doit être amputé de 380 millions d'euros pour tenir compte de l'inflation.

Un assainissement réel des finances publiques sera sans doute un préalable incontournable à l'accomplissement des efforts nécessaires en matière de recherche.

Néanmoins, par-delà les querelles de chiffres, les choix opérés en matière de recherche et d'enseignement supérieur nous semblent aller globalement dans le bon sens.

Ainsi, en matière d'enseignement supérieur, le renforcement des moyens en personnel, notamment avec la création de 1 079 emplois d'enseignant-chercheur, est une bonne chose. Les mesures en faveur des jeunes chercheurs destinées à renforcer l'attractivité des carrières scientifiques sont également positives.

Une question latente, au travers de ce projet de budget, est celle des besoins concernant le patrimoine immobilier universitaire et la mise en sécurité des bâtiments. À ce titre, le Gouvernement a débloqué 110 millions d'euros, mais c'est quelques milliards d'euros qu'il faudrait. Il est vrai que ce n'est pas la faute du Gouvernement si la situation budgétaire ne permet pas de faire davantage, mais il s'agit là d'un problème fondamental.

En ce qui concerne la recherche, c'est aussi avec satisfaction que je constate que la priorité est donnée à des dépenses dynamiques privilégiant la synergie entre le public et le privé ou favorisant l'effort industriel en faveur de la recherche.

Bref, nous constatons un véritable effort dans le sens du développement d'une recherche économiquement productive, susceptible de renforcer la croissance potentielle européenne.

La montée en puissance de l'Agence nationale de la recherche, dont le budget pour 2006 augmentera de 240 millions d'euros, est consacrée. C'est d'autant plus louable que cette nouvelle agence a prouvé son efficacité au cours de l'année écoulée.

Il faut également tenir compte du milliard d'euros qui devrait être affecté à l'agence de l'innovation industrielle, laquelle devrait soutenir l'effort privé de recherche. Bien entendu, tel est également l'objet des 340 millions d'euros de dépenses fiscales supplémentaires.

Toutes ces mesures vont de pair avec l'ambition affichée de conforter la dynamique créée par les pôles de compétitivité, dont nous attendons beaucoup en termes d'emploi et de croissance.

En conclusion, je dirai, pour paraphraser Voltaire, que, dans la situation budgétaire actuelle, tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes s'agissant du budget de la recherche. Toutefois, les propos du sénateur Pierre Laffitte montrent bien les limites de l'action gouvernementale : une ambition européenne est fondamentale ; je ne citerai que deux exemples à cet égard.

Le premier exemple concerne le classement de Shanghai ; celui-ci peut déjà nous inciter à réagir au niveau national. En effet, je doute que notre pays puisse continuer à compter près de quatre-vingt-dix universités indépendantes.

Des regroupements s'imposent et il serait judicieux, ne serait-ce qu'à Paris, de s'inspirer de la politique efficace conduite par l'université de Grenoble avec les élus et un certain nombre d'autres acteurs. Si les universités parisiennes avaient été regroupées, elles auraient sans doute pu occuper l'une des quatre ou cinq premières places du classement de Shanghai.

Mon second exemple, fondé sur les comparaisons établies à l'échelle mondiale entre les universités, a trait à l'université d'Harvard : ses réserves atteignent 25 milliards de dollars, chiffre largement supérieur à notre budget de la recherche et de l'enseignement supérieur. Mais il faut savoir que des lobbyistes sont chargés de recueillir des fonds dans le secteur privé.

Fort de ces exemples et conforté par les propos que réitère depuis très longtemps Pierre Laffitte, je considère qu'il faut mettre un terme aux pesanteurs budgétaires. Il convient donc soit de lancer un grand emprunt européen, soit de faire preuve d'imagination fiscale, afin que tout cet argent qui transite à travers le monde avant d'être, le plus souvent, investi dans le secteur de l'immobilier, ou autres, sans aucun profit pour le pays, soit affecté aux universités françaises ou européennes.

Les projections réalisées par les différents instituts spécialisés laissent entrevoir que, d'ici à vingt ans, la Chine pourrait voler leur place de leader aux Etats-Unis - l'Inde gagne également du terrain - et que l'Europe pourrait n'être plus que la quatrième puissance mondiale.

En ce début du XXI e siècle, il est clair que c'est sa capacité d'investir dans la recherche et l'enseignement qui permettra à l'Europe de tenir toute sa place au sein de ces grandes nations. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je voudrais, dans cette courte intervention, énoncer une évidence : la France ne consacre pas assez de crédits à ses étudiants et à son enseignement supérieur.

Nous sommes l'un des rares pays au monde qui dépense plus pour un lycéen que pour un étudiant. Je ne dis pas qu'il faut dépenser moins pour les lycéens, monsieur le ministre, mais il faut dépenser plus pour les étudiants.

M. François Goulard, ministre délégué. Cette précision était importante !

M. Jean-Pierre Sueur. Selon les chiffres de l'OCDE, la dépense par étudiant et par an s'élève, en France, à 8 630 euros, contre 9 555 euros en moyenne pour les pays de l'OCDE.

Les situations sont disparates. Il est clair, en effet, que l'on dépense bien davantage pour un étudiant inscrit en classe préparatoire, en IUT ou en section de techniciens supérieurs que pour un étudiant inscrit à l'université dans les filières générales. Cela ne peut pas continuer !

De même, il ressort des comparaisons établies par l'OCDE que notre pays enregistre le plus fort taux d'échecs en première et deuxième année d'enseignement supérieur.

Votre budget, monsieur le ministre, traduit une certaine progression pour l'enseignement supérieur - 3 %, me semble-t-il -, mais seulement par rapport à 2005. Or vous conviendrez avec nous, mes chers collègues, que le budget de l'enseignement supérieur de 2005, « ce n'était pas la gloire ». C'est le moins que l'on puisse dire !

En outre, si un effort est consenti en faveur de la recherche - nous aurons l'occasion de discuter des priorités arrêtées en la matière, y compris au sein de l'université - les crédits affectés à l'enseignement supérieur sont, malheureusement, très inférieurs aux besoins.

Je citerai quelques exemples.

S'agissant des postes, vous créez, certes, 1079 emplois d'enseignant et 797 emplois dits « ATOS ». Pour autant, vous savez, monsieur le ministre, que ces créations ne seront effectives que sur une demi-année : chacun comprendra qu'il coûte moins cher de payer les personnels à compter du 1er septembre qu'à compter du 1er janvier.

M. François Goulard, ministre délégué. Ils sont embauchés !

M. Jean-Pierre Sueur. Effectivement, mais tout n'étant qu'une affaire de présentation, on peut considérer que le nombre de postes annoncé se réduit, pour ainsi dire, de moitié !

Étant donné l'absence de création de postes, en particulier en 2004, cela représente, sur plusieurs années, un nombre des créations relativement faible.

Pour ce qui est des bâtiments, les engagements pris solennellement par les préfets dans toutes les régions de ce pays, lors de la signature des contrats de plan État-région, ne sont nulle part respectés.

L'État devait verser 2 185 millions d'euros entre 2000 et 2006. Or seuls 1 685 euros ont été ouverts en loi de finances, dont il convient de retrancher les nombreuses régulations.

Ainsi, pour les universités parisiennes, sur les 350 millions d'euros que l'État devait verser au titre du contrat de plan signé avec la région d'Île-de-France, seuls 150 millions d'euros l'ont été fin 2005.

Pour l'université de Paris III-Censier, l'État, qui s'était engagé, en 2002, à verser 23 millions d'euros, n'a toujours rien déboursé. Et l'on pourrait citer de nombreux autres exemples !

En ce qui concerne l'aide sociale aux étudiants, les crédits relatifs aux bourses « augmentent », dans votre budget, de 1,5 %. Mais le budget étant bâti sur un projet d'inflation de 1,8 %, en réalité, ces crédits sont en baisse !

Je rappelle que Lionel Jospin avait, en son temps, lancé un plan social étudiant, qui s'était traduit par une augmentation de 15 % des bourses et par l'attribution de ces bourses à 30 % des étudiants. On peut formuler des critiques, mais ce plan traduisait une volonté d'améliorer l'aide sociale aux étudiants. Malheureusement, vous vous inscrivez aujourd'hui dans une logique tout à fait différente !

Je veux également parler, mes chers collègues, de la paupérisation des étudiants. Nous connaissons tous, dans nos départements, des étudiants qui vivent mal, dont les revenus sont très modestes et qui, au prix parfois de nombreux efforts, doivent se débrouiller, en affrontant toutes sortes de difficultés et en acceptant des petits boulots, pour faire leurs études

Récemment, quelqu'un me faisait remarquer qu'il se trouvait, dans notre pays, des étudiants plus pauvres qu'un certain nombre de personnes âgées. Tel n'a pas toujours été le cas ! Nous devons en tirer les conséquences, ce que ne fait pas le Gouvernement dans ce projet de loi de finances.

Pour ce qui est du logement étudiant, nous aurons l'occasion, tout à l'heure, d'examiner un amendement tendant à réduire les crédits y afférents. Cette réduction nous paraît inopportune. Il n'y a en effet que 150 000 chambres, dont la moitié sont vétustes, pour 2 millions d'étudiants, dont 400 000 boursiers.

À la suite du rapport de M. Anciaux, il a été décidé d'engager un plan. Malheureusement, ce plan, limité à des travaux, certes nécessaires, de mise en sécurité et de restauration, ne se traduit par aucune construction, alors que les besoins sont très importants. (M. le ministre délégué fait un signe dubitatif.) Si je me trompe, monsieur le ministre, vous nous apporterez des précisions !

Enfin, je voudrais en venir à la situation des étudiants étrangers.

J'ai bien entendu ce qu'a dit notre collègue M. Lecerf. Pour ma part, je suis frappé de voir que, pour de nombreux jeunes venus du monde entier, qui souhaitent ardemment faire des études en France, l'obtention d'un visa et l'inscription dans une université française relèvent trop souvent du gymkhana et posent de très grandes difficultés.

Je suis tout à fait d'accord pour lutter contre les inscriptions « bidon », mais nous devons accueillir les étudiants du monde qui souhaitent faire leurs études en France.

Quand j'entends l'un de vos collègues du Gouvernement, monsieur le ministre, déclarer que la France doit sélectionner les étudiants qu'elle juge intéressants,...

M. André Lardeux. Il a raison !

M. Jean-Pierre Sueur. ...je me demande ce qu'il entend par ce qualificatif et quels seront les critères retenus.

M. Josselin de Rohan. Il y a de faux étudiants !

M. Jean-Pierre Sueur Je vous invite, mes chers collègues, à faire très attention non seulement à l'image qu'une telle déclaration donne de la France dans le monde, mais également à ses retombées économiques : s'il apparaît qu'il est trop difficile de faire de la recherche et des études en France, les jeunes étudiants étrangers iront ailleurs. Et l'on aura beau faire des discours à n'en plus finir sur la francophonie, une telle situation aura des conséquences concrètes !

Pour terminer, je soulignerai un paradoxe. Les étudiants qui sont inscrits en classe préparatoire aux grandes écoles bénéficient d'un fort taux d'encadrement. Il faudrait améliorer le taux d'encadrement de tous les étudiants pour éviter les échecs en première et deuxième année universitaire, et augmenter davantage les crédits, afin d'accompagner les études et faciliter la vie quotidienne des étudiants.

Alors que notre pays devrait investir en priorité dans l'enseignement, il en est très loin et il lui faut faire beaucoup plus, mes chers collègues. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. André Lardeux.

M. André Lardeux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me contenterai de formuler quelques brèves remarques sur l'enseignement supérieur et son fonctionnement : la situation matérielle des universités, la sélection et l'orientation universitaire, ainsi que l'enseignement supérieur privé, à savoir les universités catholiques.

Le budget total de l'enseignement supérieur est très inférieur à l'ensemble des dépenses à fonds perdus faites pour colmater les brèches du chômage et indemniser les chômeurs. Ce rapprochement est très inquiétant et montre que certaines dépenses se font au détriment de ce qui prépare l'avenir.

Ainsi, les conditions matérielles d'exercice des enseignants du supérieur sont médiocres quand on les compare à celles de leurs homologues étrangers, et cela contribue à limiter l'investissement des enseignants auprès de leurs étudiants. En effet, pour les rencontrer, la disposition d'un bureau, par exemple, ne serait pas superflue.

Ces conditions matérielles concernent aussi les étudiants. Un exemple saute aux yeux actuellement, celui de l'accueil des étudiants en première année de médecine.

L'augmentation du numerus clausus se traduit par une croissance très forte du nombre d'étudiants de première année - même si, pour beaucoup d'entre eux, ils se font des illusions en s'engageant dans cette voie -, mais les locaux n'ont pas suivi.

Ainsi, à Nantes, des étudiants s'assoient par terre, et il faut arriver au moins trois quarts d'heure avant le début du cours pour trouver une place ; à Angers, certains étudiants précautionneux viennent même deux heures à deux heures et demie avant le début des cours.

Cette situation vient s'ajouter à une concurrence exacerbée : les redoublants s'ingénient à empêcher les « primants » de suivre les cours, sans que l'on s'en émeuve beaucoup au sein des universités. Cela profite aux classes préparatoires privées, pour ceux qui ont les moyens. Certaines universités en viennent aussi à prendre des mesures de discrimination afin de limiter les inscriptions, mesures, variables d'une université à l'autre, dont la légalité est probablement discutable. Il serait bon, monsieur le ministre, de moraliser rapidement ces situations.

Pour ce qui est de la sélection et de l'orientation des étudiants, le système des grandes écoles est fondé sur une sélection très exigeante, pas toujours adaptée. Pour entrer dans les IUT ou dans les STS, il y a aussi une sélection. En revanche, sauf dans quelques cas limités, on entre très facilement à l'université.

Trois problèmes au moins se posent.

Tout d'abord, des étudiants s'engagent dans des filières dont les débouchés sont limités ou qui sont inadaptées aux objectifs qu'ils envisagent d'atteindre. Je pourrais citer la psychologie - c'est très bien, mais encore faut-il savoir ce que l'on veut faire ensuite -, ou bien l'histoire de l'art - c'est encore mieux probablement, le professeur d'histoire que j'étais ne peut dire le contraire -, toutes formations qui, si elles sont très utiles à la culture générale, débouchent la plupart du temps sur peu d'emplois.

Ensuite, des universités font du remplissage, sans se préoccuper des chances de réussite des étudiants dans la voie où ils s'inscrivent, dans le seul but d'avoir des crédits ou de sauver des filières peu fréquentées ; sont-elles d'ailleurs, dans certains cas, fréquentables ? Il faudra avoir le courage de couper les branches mortes, afin de redéployer des moyens sur d'autres secteurs qui seraient alors mieux dotés et plus efficaces.

M. Jean-Pierre Sueur. Quelles sont les branches mortes ?

M. André Lardeux. L'un des orateurs précédents a fait allusion au nombre d'universités : il convient peut-être d'opérer des regroupements, mais il existe aussi, tout le monde le sait, des « sections-croupions » dans nombre d'universités.

Enfin, n'ayant pas intégré un IUT ou une STS, certains étudiants s'engagent à l'université dans des voies pour lesquelles ils n'ont pas la possibilité d'atteindre le niveau exigé. Aussi, il apparaît nécessaire que les universités puissent sélectionner les étudiants selon leur niveau et en fonction de critères qualitatifs très bien définis.

Une telle pratique serait profitable à tous : à l'université, dont les moyens seraient mieux utilisés, et aux étudiants, dont l'intégration dans le monde du travail serait facilitée à l'issue de leur formation.

Le dernier point que je voudrais aborder brièvement concerne les universités privées.

Les moyens dont elles disposent sont limités et les subventions de l'État nettement insuffisantes. L'Assemblée nationale, par voie d'amendement, a légèrement amélioré la situation, mais nous sommes encore loin du compte.

Je veux aussi souligner les difficultés que celles-ci ont rencontrées dans le cadre de la réforme LMD, notamment pour l'ouverture de masters. En effet, si vous êtes, monsieur le ministre, un partisan de la liberté d'enseignement, votre point de vue est loin d'être partagé dans votre ministère et dans un certain nombre d'universités. Les difficultés à obtenir satisfaction ont été grandes et préjudiciables tant à ces universités, en termes de ressources, qu'aux étudiants, qui ont été pénalisés par l'incertitude dans laquelle ils étaient maintenus. La solution ne résiderait-elle pas, tout simplement, dans l'habilitation directe de ces universités ? Avec un peu de volonté, cela devrait être possible.

Voila quelques questions auxquelles, je l'espère, vous pourrez me répondre. Mais, dans l'ensemble, il faudra à l'avenir qu'un vent de liberté souffle sur les universités pour augmenter leurs capacités d'évolution et d'adaptation au monde moderne. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, en quelques minutes, je souhaite exprimer trois préoccupations et vous faire une proposition.

Je débuterai mon propos par un plaidoyer pour les sciences humaines et sociales. Certes, cette recherche semble moins propice en brevets et en développements industriels cotables en bourse, mais elle peut être très rentable, au sens noble du terme.

L'état de notre endettement montre, à l'évidence, que nous sommes en panne d'alternative économique. Au passage, je pourrais aussi dire que l'état du discours politique mérite que l'on se penche sur une rhétorique provocatrice se servant de mots et d'expressions-chocs pour mieux stimuler des réflexes xénophobes. Il y a des précédents, étudions-les !

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument !

M. Ivan Renar. Très juste !

Mme Marie-Christine Blandin. L'état de la société montre combien il serait utile que l'on se penche sur elle, en particulier sur le « vivre ensemble », sur la richesse de la diversité, et sur l'élaboration d'une mémoire collective recevable par tous.

Il ne suffit donc pas d'inscrire un budget « sciences humaines et sociales » ; il faut que les priorités données à l'ANR intègrent cette dimension.

Ma seconde préoccupation concerne les modalités d'application de la LOLF. On nous avait promis clarté et lisibilité. On avait mis en perspective un rôle parlementaire accru. C'est la confusion qui prime et nos marges de manoeuvre sont toujours très étroites.

Ma troisième préoccupation illustre d'ailleurs la deuxième. Depuis des années, avec nos collègues Ivan Renar et Pierre Laffitte, nous plaidons pour la culture scientifique et technique, et nous le faisons avec le soutien de toute la commission des affaires culturelles. Eh bien ! pour y voir clair dans les documents, il faut visiter trois programmes différents, au travers de plusieurs ministères !

Nous avions fait passer au Gouvernement le message d'un nécessaire soutien accru : les moyens baissent de 0,2 %.

Nous vous avions alerté sur l'injustice territoriale : la Cité des sciences et de l'industrie accroît son budget de 3 millions d'euros - elle en a certes besoin -, mais les associations de terrain, décidément vouées aux gémonies par votre gouvernement, n'ont plus que 190 000 euros, et quarante centres de culture scientifique se partagent 4,5 millions d'euros pour tout le reste de la France !

Comment voulez-vous construire une société de la connaissance dans de telles conditions ?

Vous qui êtes responsable du domaine de la recherche, où allez-vous trouver des citoyens imprégnés de rationalisme, d'esprit critique, à l'écoute de l'autre, prêts à se lancer dans la société de la connaissance dont chacun parle, mais contre laquelle tout se joue ?

Je termine en réitérant solennellement une proposition constructive et d'actualité.

Les terminales scientifiques servent plus de sas de sélection que d'antichambre du savoir pour les passionnés de mécanique ou de chimie. De toute manière, ceux-là iront vers les grandes écoles ou la recherche, si toutefois la loi levait le spectre de l'impasse et de la précarité.

Mais peu se destinent au CAPES ou à l'agrégation en sciences. Responsable de l'enseignement supérieur, vous n'allez plus, monsieur le ministre, former suffisamment de professeurs de mathématiques, de physique et de chimie.

Rétablissez les concours de prérecrutement : les lauréats auront des bourses en échange d'un engagement décennal. L'un de vos objectifs, favoriser l'égalité des chances dans l'enseignement supérieur, vous le permet. Vous dites même que « l'impact de ces aides sera mesuré par un indicateur d'accès des jeunes selon leur origine sociale ». Je vous le rappelle, ce dispositif, hier nommé IPES ou bourse d'école normale pour les maîtres, avait été déterminant pour l'intégration des enfants de mineurs polonais dans le Nord-Pas-de-Calais ou d'ouvriers italiens en Moselle ou en Rhône-Alpes.

Ne croyez-vous pas que ceux qui crient leur colère dans les banlieues pourraient, pour certains, bénéficier de cette mesure ? Et surtout ne me répondez pas, comme M. de Robien, que les postes d'auxiliaires de vie scolaire rempliront ce rôle : chacun a droit à la dignité de vraies études ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Bordier.

M. Pierre Bordier. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je me réjouis de trouver beaucoup de bonnes propositions dans ce budget consacré à la recherche, qui fait clairement ressortir une volonté forte du Gouvernement, et du Président de la République, de proposer des mesures qui nous orientent résolument vers l'avenir.

Engager des crédits, réformer, renforcer, ce ne sont pas des décisions toujours faciles ni très consensuelles et pourtant, depuis deux ans, le Gouvernement oeuvre afin que nous rattrapions le retard que nous avions pris dans le domaine de la recherche.

Cela passe par deux axes essentiels.

Premier axe, nous redonner les moyens d'avoir une politique de recherche orientée vers l'innovation, en passant par la mutualisation des forces, au sein de structures visibles sur le plan mondial. Cette étape est très importante, puisqu'elle enjoint à tous les acteurs de la recherche de collaborer, qu'il s'agisse d'entités publiques et privées, ou des établissements publics entre eux.

Ensuite, il faut mieux préparer l'avenir de nos personnels scientifiques, pour que nos chercheurs, notamment, n'aient plus comme unique choix professionnel que de partir à l'étranger, après avoir été formés chez nous.

Il est vital que l'économie de notre pays puisse avoir sa place dans le peloton de tête des puissances européennes, dans un contexte économique mondial ultraconcurrentiel.

La recherche est déterminante pour l'avenir économique et social de la France et pour son rôle de premier rang dans la société de la connaissance. Elle doit, pour ce faire, être puissante et orientée par des priorités définies en fonction des grands défis de la société et de la planète.

Cette nouvelle impulsion donnée au monde de la recherche au sens large, socle de la connaissance et du progrès économique, levier de notre performance dans les secteurs de pointe, met en évidence les conditions essentielles de notre bonne santé scientifique et économique.

Il importe de maintenir et de développer un niveau de compétitivité industrielle élevé - par le développement de certaines mesures existantes ou nouvelles telles que les pôles de compétitivité autour de la recherche et développement, des pôles d'excellence, les incitations fiscales comme le crédit d'impôt recherche, la valorisation des carrières scientifiques ou encore les nouveaux secteurs de performance -, et de réorganiser un système d'enseignement et de recherche par des mesures comparables à celles de nos voisins de l'OCDE, notamment.

Notre pays dispose d'un énorme potentiel de talents et d'énergies, mais qui a le sentiment de participer à une dynamique essoufflée. Le renforcement des moyens budgétaires du projet de loi de finances pour 2006 alloués à la recherche est étroitement lié au futur projet de loi de programme pour la recherche, voire prolongé par ce texte.

La recherche publique et privée conditionne la compétitivité de notre industrie et, par conséquent, notre vigueur économique et sociale.

Deux impératifs se dégagent.

Tout d'abord, renforcer notre système de recherche française par des mesures incitatives en faveur des acteurs publics et privés dont la collaboration est fortement encouragée. C'est une priorité absolue !

Ensuite, renforcer le dispositif d'enseignement supérieur de la recherche afin de rendre les carrières scientifiques attractives et évolutives. Ainsi, nous nous inscrirons davantage dans une logique d'intégration européenne.

Sur le premier point, tout d'abord, il s'agit de privilégier la coopération entre les acteurs de la recherche, dans le cadre d'une politique globale de soutien à l'innovation.

Dans cette démarche de propulsion vers l'innovation, le premier secteur d'intervention que je souhaite évoquer concerne la recherche et développement. La mission « Recherche et enseignement supérieur » du budget pour 2006 attribue 1 milliard d'euros supplémentaires aux activités transversales de la recherche et développement.

La part des financements publics de la recherche dans le budget de l'État passe de 3 % à 4,3 % en 2006. L'objectif est de porter les dépenses de recherche à 3 % du PIB en 2010.

On peut mettre l'accent sur les pôles de compétitivité comme moteurs de la recherche et développement. L'État et les collectivités territoriales déterminent des contrats-cadres fixant pour chaque pôle sa stratégie, ses modalités d'organisation et le projet de zones de recherche et développement ouvrant droit à des exonérations fiscales et à des allégements de charges sociales.

Premièrement, ces exonérations sont conditionnées par l'implantation dans une zone de recherche et développement. Or le regroupement des entreprises et leur situation géographique posent de délicats problèmes de frontière.

Par ailleurs, il est laissé à la discrétion des collectivités locales la décision d'accorder ou non une exonération fiscale en faveur des entreprises concernées par les mesures d'aide à la recherche, à savoir la taxe professionnelle et la taxe foncière sur les propriétés bâties. Or ces exonérations représentent une aide considérable dans l'effort d'investissement des entreprises et donc a fortiori pour celles dont l'effort porte sur la recherche et l'innovation. Ne pourrait-on trouver un moyen d'encourager les collectivités locales à appliquer ces exonérations ?

Deuxièmement, la taille critique devient un critère déterminant pour le financement de certaines structures. Les pôles de recherche et d'enseignement supérieur, les PRES, mis en place par le projet de loi de programme, peuvent constituer un atout pour certaines disciplines et pour certains territoires, par la mise en commun de moyens matériels et humains.

Mais ils risquent de marginaliser davantage certaines disciplines, comme les sciences humaines et sociales, les sciences vétérinaires - notamment la recherche clinique -, ainsi que les établissements d'enseignement supérieur et de recherche de petite et de moyenne taille.

On assisterait à une diminution du maillage national de ce type d'enseignement dans les régions les moins favorisées, car la taille critique devient un élément essentiel pour le financement de ces structures.

Nous avons souligné l'importance que revêt le développement de la recherche en tant que facteur de dynamisme de notre économie à l'échelle mondiale. Le dispositif actuel de recherche a mis en place un mécanisme de financement sur projets, très répandu dans de nombreux pays.

L'Agence nationale de la recherche apporte énormément par sa dynamique d'aide à la recherche, en soutenant des programmes pluridisciplinaires avec des partenariats public-privé.

Néanmoins, en attendant son changement de statut prévu par le projet de loi, l'ANR demeure un groupement d'intérêt public entre l'État et les différents organismes publics de recherche : le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, l'Agence nationale de valorisation de la recherche, l'ANVAR, le Centre national de la recherche scientifique, le CNRS, l'Institut national de la recherche agronomique, l'INRA, l'Institut national de recherche en informatique et en automatique, l'INRIA, l'institut national de la santé et de la recherche médicale, l'INSERM, l'Association nationale de la recherche technique, l'ANRT et l'Association de la conférence des présidents d'université pour la recherche.

L'INRA est classé deuxième dans son domaine sur le plan mondial pour ses publications, et souhaite vivement que les décisions de l'ANR correspondent à ses priorités, sous peine de se sentir sous la tutelle de cette dernière. L'INSERM partage le même point de vue, sous l'angle de ses priorités de santé.

Le problème central est donc l'articulation des structures. Comment organiser la cohérence entre l'ANR et les organismes publics de recherche ? À l'évidence, l'ANR devrait avoir une obligation de consultation de ces organismes.

En outre, se pose la question des experts que doit comporter l'ANR. Or les meilleurs se trouvent déjà dans les organismes de recherche. Cependant, tous nos voisins ont une agence de moyens du type de l'ANR. Il est donc nécessaire que nous en ayons une également. À ce sujet, il serait intéressant de savoir quelle relation l'Agence entretient avec l'Agence européenne ?

Autre point, le projet de loi de programme pour la recherche a pour objet de « Bâtir un système d'évaluation de la recherche unifié, cohérent et transparent ». Par la création de l'Agence d'évaluation de la recherche, autorité publique indépendante, le projet de loi maintient les aspects fondamentaux du respect de la liberté des chercheurs et d'évaluation par des pairs indépendants.

Cependant, le dispositif d'évaluation des personnels scientifiques n'apparaît pas très clairement dans les mesures énoncées. Un éclaircissement serait sur ce point souhaitable.

Sur le second axe, d'une prise de conscience collective ressort la nécessité de renforcer le système d'enseignement supérieur de la recherche et de rendre les carrières scientifiques en France plus attractives et évolutives.

Le projet de loi de finances pour 2006 prévoit en faveur de l'enseignement supérieur et de la recherche universitaire la création de 1 079 emplois d'enseignants-chercheurs, ce qui représente un budget de 17,9 millions d'euros.

L'effort en faveur des enseignants-chercheurs doit être poursuivi, car les besoins théoriques en emplois nouveaux sont de 13 500 postes. Mais pour que l'on puisse investir dans la création de postes d'enseignants-chercheurs, encore faut-il que l'on ait une idée de l'évaluation de leurs travaux.

Or, pour ce qui concerne l'évaluation des enseignants-chercheurs, c'est le statu quo : leur évaluation est effectuée par leurs pairs, notamment par l'université ou le Comité national d'évaluation des universités. Ce dernier ne procède néanmoins à l'évaluation qu'au moment du recrutement ou en cas de promotion, si bien qu'un chercheur ne demandant pas à être promu peut ne jamais être évalué de toute sa vie professionnelle.

Cela tend à dévaloriser la recherche universitaire. Pourtant, il me semble que l'Agence d'évaluation de la recherche, l'AER, dans le prochain projet de loi, n'évalue que les projets de recherche et non les personnes.

Cette évaluation est d'autant plus importante que l'on se trouve confrontés, aujourd'hui, à un véritable marché international de l'emploi scientifique et de la formation.

Par ailleurs, plusieurs décisions de ce projet de loi vont dans le sens d'une meilleure « employabilité » des doctorants dans l'enseignement, dans l'entreprise ou dans le domaine international, renforçant l'attractivité des carrières scientifiques pour les jeunes.

La première décision est de permettre que le doctorat ouvre d'excellentes carrières, en particulier en entreprise, en rénovant les formations doctorales, pour une meilleure insertion des post-doctorants.

Le projet de loi suggère un renforcement de la participation des acteurs en recherche et développement dans ces écoles et crée des contrats d'insertion des post-doctorants pour la recherche en entreprise.

La deuxième décision est d'aider les docteurs à embrasser la carrière scientifique dans le public par la création de l'Observatoire de l'emploi des docteurs et dans le privé en permettant un accroissement de la recherche industrielle, la réactivation des filières de recherche.

La troisième décision est de créer des passerelles qui favoriseraient la mobilité des scientifiques.

Il faut souligner l'utilité des dispositifs tels que les conventions industrielles de formation pour la recherche, les CIFRE, et les contrats d'insertion post-doctorants pour la recherche en entreprise, les CIPRE, qui permettent à des jeunes doctorants et post-doctorants de travailler en entreprise en étant rémunérés et en ayant des perspectives de débouchés.

Le développement des échanges internationaux fait du doctorat un titre de référence. Il ne suffit plus que les doctorats délivrés en France soient reconnus pour leur qualité sur notre sol, encore faut-il qu'ils le soient à l'étranger.

Je me félicite que le projet de loi prévoit des mesures intéressantes pour faciliter l'entrée des docteurs dans la carrière scientifique : création d'un Observatoire de l'emploi des docteurs ; encouragement à privilégier le recrutement dans le secteur public ; possibilités de décharge d'enseignement pour les jeunes enseignants chercheurs ; ouverture de parcours d'excellence pour les jeunes scientifiques publics à fort potentiel avec les « bourses Descartes ».

Pour finir, nous ne pouvons avoir d'ambition que si nous renforçons l'intégration du système français dans l'espace européen de la recherche.

Le projet de loi se doit d'atteindre les objectifs de Lisbonne que les États membres de l'Union Européenne se sont fixés en 2000.

Par ailleurs, actuellement, de nombreux docteurs d'université ont les capacités et la volonté de travailler dans la recherche, mais ils vont à l'étranger pour commencer à travailler comme post-doctorants. S'ils ne trouvent pas, dans les années à venir, des postes intéressants en France - ils cherchent souvent des postes stables, car les traitements sont beaucoup plus faibles qu'en Amérique du Nord -, ils resteront à l'étranger et la France perdra des scientifiques de valeur dont elle a payé totalement la formation, mais qui enrichiront d'autres pays.

Cette fuite des cerveaux est actuellement importante et elle ne diminuera que si un plan pluriannuel de recrutement est programmé.

Les 3 000 emplois pour la recherche scientifique sont un bon début, mais ce ne sont pas tous des emplois de scientifiques, d'une part, et ils ne sont pas tous pérennes, d'autre part. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Goulard, ministre délégué à l'enseignement supérieur et à la recherche. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, après les interventions très riches des rapporteurs et des représentants des différents groupes, je vais tenter de répondre aux questions qui ont été posées et je formulerai un certain nombre d'observations.

Monsieur Blin, j'ai été très sensible à vos propos sur un sujet quelquefois controversé et sur lequel certains intervenants sont revenus : la stimulation de la recherche dans l'entreprise. C'est en effet un sujet majeur.

La France consacre à la recherche une dépense publique supérieure à la moyenne européenne ; le nombre de chercheurs publics, rapporté à notre population, est très supérieur à la moyenne européenne.

En revanche, il est vrai que nous connaissons un retard en matière de recherche privée. Il faut encourager l'investissement des entreprises dans la recherche.

Le mécanisme du crédit impôt recherche, qui a été parfois critiqué à la suite de la réforme de 2004, verra son efficacité augmenter grâce aux dispositions qui sont prévues dans le projet de loi de finances pour 2006. Fort heureusement, aujourd'hui, la dépense fiscale correspondante croît.

Je rappelle que, pour l'essentiel, l'assiette du crédit impôt recherche correspond non pas à la dépense de recherche des entreprises, mais à l'augmentation de cette dépense. Il y a donc un effet de levier considérable. Et les données fiscales disponibles montrent aujourd'hui une progression rapide du recours au crédit impôt recherche.

Cela signifie que le mécanisme est efficace et que nos entreprises ont intégré cet objectif fondamental d'accroître leur effort en matière de recherche et développement au service de leur compétitivité, donc au service de l'emploi.

Vous avez très justement fait observer qu'il fallait une recherche fondamentale et une recherche appliquée. Nous nous efforçons de parvenir à un équilibre à cet égard.

Il faut en effet nourrir ce continuum de la recherche que tous les spécialistes connaissent : il n'y a pas de grand pays au monde qui ne concentre ses efforts tant sur la recherche fondamentale que sur la recherche appliquée ; l'une se nourrit de l'autre. La première répond aux questions qui sont posées par la seconde.

Nous ne pouvons pas faire l'impasse sur la recherche fondamentale, et tel n'est évidemment pas le souhait du Gouvernement.

Vous avez fait allusion à l'Agence nationale de la recherche. Bien sûr, sa dotation provient du compte d'affectation spéciale. Il est vrai que, s'agissant de la lisibilité budgétaire, il y a une certaine difficulté à rapprocher les sommes et, dans certaines interventions, on a constaté que les calculs étaient quelquefois mal faits.

Il n'empêche qu'il y a une vraie motivation, une vraie logique à utiliser les cessions d'actifs de l'État pour financer l'investissement dans la recherche, lequel est heureusement reconnu comme étant prioritaire. Il s'agit d'une démarche économiquement et budgétairement parfaitement fondée.

Les crédits en provenance du compte d'affectation spéciale servent non seulement à l'Agence nationale de la recherche, mais également à OSEO-ANVAR, c'est-à-dire au soutien de l'innovation dans les PME. OSEO-ANVAR est une agence de moyens à destination des PME, qui fait la preuve de son efficacité et qui, aujourd'hui, est très présente sur l'ensemble de notre territoire, aux côtés des PME.

Les dotations de l'Agence nationale de la recherche n'enlèvent rien, bien au contraire, au financement permanent des organismes de recherche. C'est là un point essentiel !

On pourrait nous faire le reproche de modifier profondément, et sans doute inutilement, le paysage de la recherche en France, d'affaiblir les organismes de recherche, qui ont à leur actif des réussites exemplaires, si nous prenions des crédits les concernant pour alimenter la nouvelle agence. Mais tel n'est pas le cas !

Les dotations de l'ANR sont des dotations supplémentaires. Dans le même temps, nous augmentons les crédits permanents des organismes de recherche, et ce plus sensiblement qu'à d'autres périodes. C'est dire si un effort considérable est accompli en faveur de la recherche et combien cette nouvelle agence, qui conduit des appels à projet, est un plus, au sens plein du terme, pour la recherche.

Monsieur Adnot, votre analyse critique de notre présentation budgétaire est juste. Nous sommes au début de l'application de la loi organique, une loi excellente dans ses principes et dont l'application devra, au fil du temps, être affinée. Notre expérience, aux uns et aux autres, nous conduit à constater qu'il en est toujours ainsi.

Vous avez signalé l'absence de certains grands établissements d'enseignement supérieur, qui sont conservés par certains ministères. Cette attitude est sans doute critiquable si l'on veut respecter l'esprit, sinon la lettre, de la LOLF. À la liste des grandes écoles d'ingénieurs que vous avez citées, on peut ajouter l'École nationale d'administration, qui est inscrite au budget de la fonction publique.

Effectivement, dans les contrats quadriennaux et dans les contrats d'objectifs qui sont passés entre l'État, les universités et les grands organismes de recherche, il faut afficher clairement des objectifs, mieux discuter qu'aujourd'hui, et de façon plus rapide. Trop souvent, la discussion entre l'État et les organismes s'étale sur des périodes supérieures à un an. C'est beaucoup trop long !

Nous devons nous attacher à faire émerger les objectifs qui sont les nôtres et à les traduire financièrement dans les dotations des établissements.

J'en viens aux étudiants étrangers, sujet qui a été abordé par plusieurs orateurs.

Notre politique n'est pas, et ne sera jamais, de remettre en cause les liens culturels et historiques qui nous lient à un certain nombre de pays, notamment africains. Les étudiants étrangers présents à l'heure actuelle sur notre sol sont, pour environ la moitié d'entre eux, originaires d'Afrique, qu'il s'agisse du Maghreb ou de l'Afrique sub-saharienne. Il est normal que nous nous montrions plus accueillants que d'autres à l'égard d'étudiants qui viennent de pays avec lesquels nous entretenons des liens extrêmement forts.

La vraie question est double.

D'une part, cette présence nombreuse ne doit pas faire obstacle à la venue d'étudiants d'autres régions du monde. Il est évidemment nécessaire que des étudiants originaires d'Asie ou d'Amérique viennent étudier chez nous.

D'autre part - et c'est probablement le plus important -, les étudiants viennent chez nous pour réussir leurs études et non, comme l'ont dit certains, pour obtenir un statut. Malheureusement, soit parce qu'ils ont été mal orientés, soit parce que l'on ne s'est pas assuré de leur capacité à suivre des études, nombre d'entre eux échouent très rapidement. On aboutit alors à un vrai gaspillage humain et financier. C'est sur ce point que notre effort doit porter.

Nous avons donc la ferme intention de rappeler à l'ordre, et cela s'est déjà produit, les universités qui conduisent des politiques exclusivement numériques afin de jouer sur les mécanismes de dotation budgétaire. Certaines d'entre elles augmentent leurs ressources grâce à cette filière, et ce au détriment des deniers publics et des étudiants étrangers eux-mêmes, qui passent des mois ou des années chez nous sans acquérir une formation, faute d'y avoir été préparés.

Notre politique passe également par la mise en place de centres pour les études en France, qui existent à l'état expérimental pour six pays. Leur nombre sera doublé.

Ce dispositif permet de conduire en même temps la procédure consulaire d'obtention du visa et celle d'admission dans un établissement d'enseignement supérieur. L'objectif est de lutter contre les fraudes, qui existent dans ce domaine comme dans d'autres, et de s'assurer avec l'établissement d'enseignement supérieur qui accueillera l'étudiant, ce qui est au moins aussi important, que celui-ci a une connaissance suffisante de la langue pour réussir ses études.

Le changement engagé en matière de présence d'étudiants étrangers sur notre sol est majeur. Cette politique veille non seulement aux intérêts de la France, mais aussi à ceux des étudiants et des pays dont ils sont originaires.

S'agissant de la gouvernance universitaire, qui a été abordée par plusieurs orateurs, sachez que nous renforçons les pouvoirs des présidents et des organes délibérants des universités. Par exemple, les crédits de recherche seront globalisés dans les budgets des universités.

Cette réforme importante a été peu évoquée. Elle est assez technique, mais elle montre bien que nous voulons donner de nouvelles responsabilités aux présidents d'université. En témoigne la modulation des charges d'enseignement des maîtres de conférence et des professeurs qui leur sera désormais attribuée.

Il est en effet nécessaire que les universités aient à leur tête des présidents pleinement responsables, dotés de compétences affirmées et de moyens. C'est pourquoi nous devons muscler les services administratifs, qui sont aujourd'hui sous-dotés. Les responsables administratifs des universités doivent être à la hauteur de leurs responsabilités considérables.

J'en viens aux droits d'inscription. C'est un vaste sujet sur lequel la discussion est engagée. Il faudrait une révision complète de notre système de bourse pour admettre de fortes augmentations des droits d'inscription.

Vous avez évoqué, à juste titre, la valeur de l'engagement de l'étudiant. M. Lecerf a même parlé de l'arbre qui cache parfois la forêt.

Or la forêt universitaire, au-delà des cas particuliers et des errements discutables, « cache » des étudiants fortement engagés dans leurs études, contrairement à l'image caricaturale qui date sans doute d'un passé largement révolu. Ils ont conscience qu'ils évolueront dans un monde difficile, un monde de compétition où l'emploi est une préoccupation pour tous. Quoi que l'on en dise, ils savent que le diplôme est le meilleur des passeports pour l'emploi.

Nos étudiants sont sérieux et ils sont conscients que les années d'étude sont déterminantes pour leur avenir personnel et professionnel. Je l'ai constaté lors de mes nombreuses rencontres. Certes, il y a des exceptions, mais c'est à nous de renforcer leur engagement dans leurs études.

M.  Laffitte a abordé, lui aussi, de nombreux sujets.

Oui, nous devons faire mieux en matière de gestion prévisionnelle des effectifs ! Cela vaut pour le monde de la recherche et de l'université comme pour l'ensemble des services de l'État. La gestion des ressources humaines dans le secteur public nécessite de sérieuses améliorations.

Nous allons mettre en place un observatoire de l'emploi non seulement pour les docteurs, mais également pour les scientifiques dans leur ensemble. Nous prévoyons en effet des recrutements massifs dans les prochaines années liés aux créations d'emploi, que vous avez saluées et que vous allez sans aucun doute voter, ainsi qu'aux effets du baby-boom.

Afin de montrer aux jeunes chercheurs que des perspectives existent et que nous aurons des années fastes en matière d'embauche d'ici à 2010, il est nécessaire que nous puissions éclairer l'avenir discipline par discipline, catégorie par catégorie. Ce travail essentiel est en cours.

Oui, nous arbitrerons entre les effectifs et les moyens ! Il est vrai que nous avons besoin de créer des emplois et de doter les laboratoires. Mais notre politique va dans ce sens !

L'Agence nationale de la recherche affecte avant tout des moyens aux équipes afin de leur permettre de travailler. Quant aux moyens de fonctionnement permanents, notamment le paiement des traitements et salaires, ils sont à la charge des organismes.

Participent également au renforcement des moyens les créations d'emplois d'ingénieurs et de techniciens. À l'évidence, nous avons besoin d'emplois de chercheurs, mais les efforts de ceux-ci doivent être soutenus par des ingénieurs et des techniciens, qui concourent directement à la qualité de la recherche qui est conduite dans nos laboratoires.

Vous avez eu raison de dire que la logique de l'appel à projet a existé et de rappeler l'époque de la DGRST. D'une certaine manière, j'ai été heureux de vous l'entendre évoquer.

En matière de recherche, nous renouons avec une grande époque, celle des années soixante ou du début des années soixante-dix : des programmes de grande ampleur avaient alors été mis en place, sur lesquels, d'ailleurs, beaucoup de nos industries vivent encore aujourd'hui et avec lesquels elles ont de grandes perspectives.

Le monde a changé, la complexité des sujets s'est accrue, l'ouverture des frontières a eu lieu, les acteurs sont plus nombreux et nouveaux, les PME sont beaucoup plus concernées que par le passé où seuls quelques grands groupes étaient directement intéressés par les grands programmes. Néanmoins, pour nos ambitions et nos moyens, nous devons nous référer à ces années fastes pour la recherche et le développement en France.

Vous avez parlé des pôles de compétitivité. Chacun le comprend, ces politiques sont cohérentes. Même si un pôle de compétitivité est une association entre la recherche et le monde de l'économie, qui se décline territorialement, alors que d'autres structures comme les PRES concernent exclusivement la recherche ou l'enseignement supérieur, notre objectif est le même.

Nous aurons l'occasion de reparler des fondations de recherche et de vos propositions. Mais je peux vous dire d'emblée que j'y souscris. En effet, il est nécessaire de continuer à développer les fondations de recherche indépendamment de la nouvelle catégorie de fondations de coopération scientifique créée par le projet de loi.

J'en viens à l'Europe, dont M. Pozzo di Borgo a également parlé.

Oui, nous devons accroître l'effort européen et la possibilité d'emprunter via la Banque européenne d'investissement doit être reconnue. Les vingt-cinq État membres doivent se mettre d'accord sur ce point.

Oui, les vingt-cinq États européens doivent réaliser les mêmes efforts en matière de recherche !

Pour situer la France dans cet ensemble, je vous citerai un seul chiffre : l'Allemagne, premier pays en ce qui concerne la recherche en Europe, augmentera ses fonds publics en la matière de 600 millions d'euros l'année prochaine. Nos dépenses publiques de recherche augmenteront, quant à elles, de 1 milliard d'euros. Cela signifie que la France s'est engagée dans un effort de rattrapage considérable.

Oui, la labellisation devra tenir compte de la capacité à s'associer à des équipes internationales, notamment européennes ! D'ailleurs, notre objectif est de consacrer 20 % des crédits de l'ANR à des projets bilatéraux ou multilatéraux.

Oui, il faut absolument associer les PME !

Le PCRD fait de l'association des PME un objectif identifié. Notre politique en faveur de l'innovation avec les instituts Carnot retient également comme critère la capacité à travailler avec les PME. C'est dire, monsieur le sénateur, si nous vous avons entendu !

Monsieur Dupont, vous avez parlé de l'optimisation de l'utilisation des locaux universitaires. Vous avez raison, nous devons être plus efficaces dans le domaine de l'immobilier universitaire, indépendamment des dotations budgétaires. J'en suis totalement convaincu ! La mise en sécurité est une priorité.

Quant aux contrats de plan État-région, qui ont été à plusieurs reprises évoqués, les engagements dans le domaine universitaire seront tenus à 90 % à la fin de 2006. Certes, ce n'est pas 100 %, mais, en comparaison, ce taux est plus qu'honorable.

Le plan Anciaux s'exécute très convenablement. Le rythme annuel de 7 000 rénovations sera atteint en 2006. En revanche, la création de 5 000 logements neufs par an sera plus difficile à réaliser, surtout dans les grandes villes où une collaboration totale de la collectivité territoriale sera nécessaire. C'est à Paris qu'il est le plus difficile d'atteindre l'objectif de 5 000 logements créés par an sur dix ans.

Vous avez parlé d'autonomie, de gouvernance, nous y reviendrons sans doute lors de l'examen du projet de loi de programme pour la recherche.

Je rappelle que la création des pôles de recherche et d'enseignement supérieur répond aux souhaits de la communauté universitaire de disposer d'outils renouvelés, respectueux de l'identité et de la cohérence de l'université afin de mieux travailler.

Nous avons exactement le même point de vue en ce qui concerne les établissements d'enseignement supérieur : ils doivent tous afficher le taux de réussite au diplôme selon le baccalauréat obtenu et le taux d'emploi à l'issue des études. C'est impératif !

Nos établissements d'enseignement supérieur assurent un service public. Or un service public a des devoirs vis-à-vis de ses usagers. Les étudiants sont les usagers du service public de l'université et, à ce titre, ils doivent disposer d'informations claires et d'un égal d'accès à ces informations.

Ainsi, tous nos établissements doivent publier les chiffres-clés permettant de savoir quel baccalauréat offre la chance la plus élevée ou la plus faible de réussite dans une filière ou d'obtenir un diplôme déterminé. Il faut également dire aux futurs étudiants et à leur famille que les chances de décrocher un emploi sont très inégales selon les formations.

Ces chiffres sont faciles à obtenir. Il faut les publier ! Nous allons mettre en place des moyens afin que nos compatriotes puissent accéder à ces informations, notamment par le biais d'Internet.

L'échec en premier cycle est le défaut majeur de notre université. De considérables progrès ont eu lieu, mais ils ne sont toujours pas apparents. L'université s'est ouverte, professionnalisée ; elle s'est considérablement rapprochée du monde de l'entreprise.

M. Pierre Laffitte, rapporteur pour avis. C'est vrai !

M. François Goulard, ministre délégué. De nombreuses filières très professionnalisées permettent de réels succès pour leurs étudiants et leurs anciens étudiants.

Mais là où le bât blesse, c'est en ce qui concerne le taux d'échec en premier cycle. Les chiffres sont absolument inacceptables : le fait que 41 % des étudiants n'obtiennent jamais de diplôme, que ce soit en deux, trois, quatre ou cinq ans, est particulièrement anormal. La mobilisation des universités est nécessaire. Certaines ont de meilleurs résultats que d'autres.

M. Jean-Pierre Sueur. Et les moyens !

M. François Goulard, ministre délégué. Ce ne sont pas forcément celles qui ont le plus de moyens budgétaires qui y parviennent le mieux ! Des universités récentes, dotées de moins de dotations que la moyenne des universités, obtiennent quelquefois de biens meilleurs résultats, alors qu'elles accueillent beaucoup d'étudiants boursiers et d'étudiants en difficulté. Elles sont en effet attentives aux étudiants de premier cycle, ce qui est un devoir !

Dans le cadre des contrats quadriennaux du ministère, nous nous attacherons à donner des dotations particulières aux universités qui s'engagent dans des parcours de réussite pour les étudiants de premier cycle. Ce sont quelquefois des mesures simples de suivi, de soutien au moment opportun, d'orientation - qui est également un vaste sujet -, qui permettent d'obtenir des taux de réussite beaucoup plus élevés que ceux que l'on observe en moyenne.

Oui, vous avez eu raison d'aborder le sujet des stages ! Pour ce qui concerne l'enseignement supérieur, ceux-ci doivent faire l'objet d'une convention, laquelle doit donner lieu à un contrôle.

Avec le plan de création d'emplois, nous mettrons en place des services mutualisés pour plusieurs universités. Des personnels spécialisés auront notamment pour vocation d'aider les universités et les grandes écoles à mieux gérer leurs relations avec les entreprises, notamment en ce qui concerne la bonne exécution des conventions de stage. C'est un sujet que nous prenons très au sérieux.

Avec Gilles de Robien, nous avons lancé une étude pour créer un observatoire du coût de la vie étudiante. C'est une nécessité pour éclairer nos discussions annuelles.

Monsieur Revol, en effet, notre politique de recherche comporte la définition d'orientations thématiques et l'affirmation de priorités. Ce sera l'une des tâches du futur Haut conseil de la science et de la technologie ; nous y reviendrons lors du débat sur le projet de loi de programme pour la recherche.

Par ailleurs, et vous l'avez dit vous-même, il est difficile de donner aujourd'hui une répartition des emplois pour la rentrée 2006. Je peux cependant vous dire que nous avons tenu compte, avant tout, des objectifs des universités et des organismes de recherche pour affecter ces emplois. Nous avons également tenu compte, s'agissant des universités, des taux d'emploi des diplômés pour affecter les emplois d'enseignants-chercheurs aux filières où, à l'évidence, les débouchés existent et répondent aux besoins de l'emploi public comme de l'emploi privé.

S'agissant de l'emploi public dans la recherche, nous sommes bien placés en Europe. La France compte 3,6 emplois publics de chercheur pour 1 000 habitants, contre 3 en Allemagne, 2 en Grande-Bretagne et 1,6 aux États-Unis. Par conséquent, ce qui est insuffisant en France, c'est non pas l'emploi public mais l'emploi privé, qui doit se développer.

Monsieur Lagauche, vous avez évoqué un amendement présenté à l'Assemblée nationale et qui rectifie à la marge des dotations budgétaires. Tout à l'heure, lors de la discussion des amendements, une modification vous sera proposée à cet égard. Mais il s'agit d'ajustements marginaux par rapport au total des dotations.

Par ailleurs, des ressources du compte d'affectation spéciale viendront abonder les moyens relatifs à l'immobilier universitaire, aux campus de recherche, aux pôles de recherche et d'enseignement supérieur.

Vous critiquiez également une baisse - que je n'hésite pas à qualifier d' « epsilonesque » - des crédits consacrés à l'énergie. Sachez, monsieur le sénateur, que l'Agence nationale de la recherche a augmenté de 100 millions d'euros les crédits consacrés aux thèmes de recherche directement liés aux économies d'énergie. On peut se concentrer sur des variations marginales, mais il me paraît plus intéressant de considérer les augmentations d'ensemble, qui sont, et c'est heureux, d'un autre ordre.

S'agissant de l'égalité des chances pour les jeunes des banlieues, ce sujet mérite, à l'évidence, que l'on s'y attarde. Un certain nombre d'expériences sont, à juste titre, médiatisées. D'autres ne le sont pas et sont parfois au moins aussi intéressantes. De nombreuses universités se préoccupent très sérieusement de l'égalité des chances des jeunes, qu'il s'agisse de l'accès aux études supérieures ou de la réussite universitaire. C'est un sujet majeur, auquel nous avons l'intention de consacrer des moyens, et qui justifie d'affecter des crédits à la politique en faveur des banlieues.

Monsieur Lecerf, les comparaisons internationales sont, certes, en notre défaveur, si l'on prend en considération le coût annuel d'un étudiant, mais je formulerai deux remarques.

En premier lieu, les chiffres de l'OCDE incluent les dépenses des États-Unis pour leurs universités. Celles-ci sont nettement supérieures à la moyenne ; elles tirent donc vers le haut la moyenne de l'OCDE. En réalité, la France est sensiblement plus proche de la moyenne européenne.

En second lieu, l'étude du coût complet d'un cursus universitaire est extrêmement intéressante : il s'élève à 34 000 euros en France, contre 30 000 euros environ dans la moyenne des pays de l'OCDE. C'est dire les sommes importantes que nous consacrons aux études universitaires ! Le problème de la longueur des études, qui est liée au taux d'échec en premier cycle, explique, en particulier, l'écart entre les données année par année et celles qui concernent un cursus complet.

Assurer la coopération entre les organismes, c'est tout le sens de la politique que nous menons !

Vous avez parlé d'un localisme excessif. N'exagérons pas, même si cela peut, dans certains cas, être source de difficultés. Nous allons exiger que trois recrutements sur quatre concernent des enseignants-chercheurs qui n'ont pas soutenu leur thèse dans l'établissement universitaire de recrutement.

Néanmoins, je voudrais défendre les universités de proximité. On critique parfois la dispersion universitaire. Il y a sans doute des regroupements à opérer et des coopérations à établir, mais il me semble plus important de rendre l'université accessible, notamment afin que des jeunes issus de milieux défavorisés puissent accéder aux études supérieures.

L'université de proximité nous a permis de nous rapprocher de cet objectif : les petites universités offrent des formations de très grande qualité et développent une recherche de très haut niveau, à condition qu'elle soit ciblée et se concentre sur des sujets précis.

Monsieur Renar, vous avez parlé de précarité. Je vous rappelle que nous créons 3 000 emplois stables - il s'agit, pour la plupart, d'emplois de fonctionnaires - dans le projet de budget pour 2006. Il faut donc parler non pas d'accroissement, mais de réduction de la précarité ! Les jeunes chercheurs ont la perspective de créations d'emplois extrêmement nombreuses.

Il est normal que les jeunes chercheurs qui se préparent à intégrer un grand organisme de recherche ou une université, avec le grade de maître de conférences, soient rémunérés, pendant cette période, dans le cadre de contrats à durée déterminée. Voudriez-vous que tout thésard ait un emploi soit à l'université, soit dans un organisme public de recherche ? C'est évidemment impossible, car le recrutement est assuré par concours ; ceux-ci sont garants de l'excellence du niveau des enseignants-chercheurs et des chercheurs des organismes de recherche. Cette période transitoire, qui correspond à la préparation de la thèse et aux « post-docs », se retrouve dans tous les pays.

Le statut public de la recherche n'existe pas à l'étranger, monsieur le sénateur : c'est une exception française ! J'ai donc été amusé de vous entendre dire que les conditions étaient plus favorables aux États-Unis où, me semble-t-il, il n'existe aucune garantie de pouvoir exercer le métier de chercheur sur l'ensemble de sa carrière.

S'agissant des sciences humaines et sociales, madame Blandin, à l'évidence, elles font partie des disciplines qui sont soutenues. C'est ainsi que nous avons fortement augmenté, grâce à l'ANR, les sommes qui y sont consacrées : celles-ci sont passées de 10 à 25 millions d'euros dans les comptes de l'ANR par rapport au financement précédent, ce qui est considérable.

Monsieur Pozzo di Borgo, vous avez tout à fait raison : les regroupements nous permettront de progresser dans le classement de Shanghaï.

Monsieur Sueur, vous avez évoqué le plan social étudiant du gouvernement de M. Jospin. Les bourses ont plus augmenté entre 2002 et 2005 qu'entre 1997 et 2001. C'est bien la preuve qu'entre les déclarations d'intention et les réalités il y a quelquefois un écart, et cet écart joue en notre faveur.

M. Jean-Pierre Sueur. J'attends les chiffres !

M. François Goulard, ministre délégué. Ils sont à votre disposition !

Monsieur Lardeux, vous avez évoqué le problème des premières années d'études de médecine. Nous travaillons actuellement avec le ministre de la santé à une réforme des études médicales, pour répondre aux perspectives démographiques et aux incohérences du dispositif de formation, en particulier s'agissant de l'écart qui existe aujourd'hui entre les formations bac + 3 et les formations bac + 10 ou 11. Ce sujet est prioritaire et ce que vous avez dit est exact.

Vous avez fait allusion aux universités privées. Je partage votre souci de supprimer les obstacles à l'habilitation de leurs formations. Nous souhaitons également renforcer le lien entre l'habilitation des formations et les débouchés des filières.

Mme Blandin, nous sommes tout à fait d'accord pour la diffusion de la culture scientifique et technique. Nous souhaitons que les grands établissements, notamment la Cité des sciences et de l'industrie, se régionalisent afin de permettre la présentation des expositions sur l'ensemble du territoire.

Quant aux difficultés de recrutement des enseignants que nous pourrions rencontrer demain, il faudra en effet trouver des solutions adaptées. Il est évident que nous aurons besoin de professeurs de mathématiques ou de sciences physiques. Nous partageons la même préoccupation !

Enfin, monsieur Bordier, vous avez eu raison de faire allusion à tout ce qui a trait à l'attractivité de notre territoire. Vous avez parlé des pôles de compétitivité et du problème des zonages, qui est réel. Nous réfléchissons à un changement éventuel du critère d'attribution des exonérations sociales et fiscales. En effet, il ne faut pas qu'il y ait de contradiction entre la politique de l'Agence nationale de la recherche et la politique des grands organismes. C'est à l'État d'assurer la coordination et nous nous préparons à le faire !

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous remercie de ces échanges qui ont été très riches et très fructueux. Je ne doute pas qu'ils préfigurent les débats encore plus riches et encore plus fructueux que nous aurons, dans peu de jours, sur le projet de loi de programme pour la recherche. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le ministre, je vous remercie de la qualité d'écoute que vous avez témoignée à l'ensemble des orateurs.

En raison de la séance télévisée des questions d'actualité au Gouvernement, qui commence à quinze heures, je me vois dans l'obligation de renvoyer l'examen des crédits de la mission à cet après-midi.