compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente.)

1

PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Demande de renvoi à la commission (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. additionnels avant l'art. 1er

Lutte contre le terrorisme

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, après déclaration d'urgence, relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers (nos 109 et 117).

Nous en sommes parvenus à la discussion des articles.

CHAPITRE IER

Dispositions relatives à la vidéosurveillance

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

La Commission nationale de l'informatique et des libertés exerce ses pouvoirs de contrôle prévus par la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sur l'ensemble des dispositifs prévus par la présente loi.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, cet amendement, qui a déjà été présenté, sans succès, à l'Assemblée nationale, a pour objet de rendre effectif les pouvoirs de contrôle de la Commission nationale de l'informatique et des libertés.

La CNIL s'est clairement prononcée au sujet de ce projet de loi. Elle a notamment dénoncé l'absence d'équilibre général entre la nécessité de maintenir l'ordre public et l'obligation de protéger les droits et libertés.

Des dispositions supplémentaires tendant à aller dans ce sens ont, certes, été adoptées à l'Assemblée nationale. Quoique bienvenues, elles sont largement insuffisantes, et elles le sont d'autant plus - et c'est là le fond de la problématique soulevée non seulement par ce projet de loi en particulier, mais également par l'orientation imprimée à notre droit pénal en général - que les prérogatives de la CNIL ne sont pas respectées dans de nombreux domaines.

Je le répète, nous avons l'obligation de lutter fermement contre le terrorisme. Mais, dans un domaine aussi sensible, notamment pour créer un sentiment de consensus national, le Gouvernement aurait dû commencer par placer la CNIL au coeur de ce nouveau dispositif. Or c'est loin d'être le cas.

La CNIL constate que ce dispositif instaure un cadre de police administrative de lutte contre le terrorisme échappant au contrôle a priori du juge.

Le renforcement du rôle de la police administrative, qui bénéficiera désormais d'un large accès à plusieurs types de fichiers publics et privés, à des informations provenant de la vidéosurveillance ou des services de renseignement, marque un basculement radical dans notre dispositif antiterroriste, dont les conséquences présentent un grand potentiel de dangerosité en termes d'atteinte aux droits et aux libertés.

Ces dangers potentiels ne peuvent être restreints que par la mise en oeuvre préalable de garanties fortes, claires et incluses dans le dispositif de la loi, qui doit prévoir une limitation dans le temps, fixée à trois ans, ainsi que l'information constante et régulière du Parlement suivie de la remise d'une évaluation précise. Enfin et surtout, la CNIL doit exercer sans restriction les pouvoirs de contrôle prévus par la loi sur l'ensemble des dispositifs prévus.

À la lecture des articles du projet de loi, nous constatons que la CNIL est considérée comme totalement subalterne dans un certain nombre de circonstances, notamment lorsqu'est prétextée l'urgence.

Mes chers collègues, c'est en me fondant sur ces préalables et afin de rendre à la CNIL la place qui lui est due que je vous demande d'adopter cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Cet amendement tend à insérer un article additionnel rappelant que la CNIL exerce ses pouvoirs de contrôle sur les dispositifs du projet de loi dans les conditions prévues par la loi du 6 janvier 1978.

La CNIL a émis un avis favorable dans son ensemble à ce projet de loi et les amendements qui sont inspirés de ses recommandations lui donnent toute garantie.

L'amendement n° 34 n'est pas utile puisque les traitements de données à caractère personnel déjà autorisés ou qui vont l'être par le présent texte relèvent de la loi de 1978. La CNIL exercera donc son contrôle dans les conditions prévues par cette loi.

Si M. le ministre confirme cette analyse, l'amendement devrait pouvoir être retiré ; s'il ne l'était pas, j'émettrai un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué à l'aménagement du territoire. Madame Boumediene-Thiery, je comprends le sens de votre amendement, mais je partage l'avis de M. le rapporteur.

Les dispositions du projet de loi entrant dans le champ d'application de la loi du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés sont automatiquement soumises au contrôle de la CNIL, conformément à l'article 44 de cette loi, que nous respectons totalement. C'est le cas des articles 6, 7 et 8 du projet de loi auxquels vous avez déjà fait référence.

Il ne me semble donc pas nécessaire de compléter le projet de loi sur ce point. Pour autant, M. le rapporteur vient de le rappeler, plusieurs amendements ultérieurs concerneront la CNIL. Le Gouvernement se montrera très ouvert aux amendements, présentés par la commission ou par MM. Türk, Portelli et Nogrix, précisant le rôle de la CNIL ou allant dans le sens des recommandations de cette dernière.

Nous allons donc accepter un certain nombre d'avancées et il me semble que, pour ne pas alourdir le texte en ajoutant un article additionnel avant l'article 1er, il serait peut-être bon, madame, que vous retiriez cet amendement sur lequel nous pourrons revenir dans la discussion concernant la CNIL.

M. le président. Madame Boumediene-Thiery, l'amendement n° 34 est-il maintenu ?

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je le maintiens, monsieur le président, car je considère que des garanties supplémentaires ne sont pas inutiles.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Sueur. Cet amendement souligne la grande importance qui s'attache au respect des libertés et l'attention qu'y porte constamment la CNIL.

J'entends bien les remarques, sur le plan juridique, de M. le rapporteur et de M. le ministre,...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Ah ! Tout de même !

M. Jean-Pierre Sueur. ...mais, à la faveur de cette explication de vote, je veux revenir sur la déclaration que M. Hyest a faite hier soir en fin de séance. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Vous avez dit, monsieur le président de la commission, que ceux qui s'opposeraient à ce texte en raison de certaines de ses dispositions - et certaines sont, pour nous, inacceptables - démontreraient qu'ils ne veulent pas véritablement oeuvrer contre le terrorisme.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Je n'ai pas dit cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Il y a dans ce propos un sophisme inacceptable et nous ne pouvons le laisser sans réponse.

Chacun nous a entendus insister sur notre totale solidarité et sur notre pleine détermination à lutter contre le terrorisme, solidarité et détermination que personne ne peut mettre en doute ! Mais il faut que vous démontriez - et, pour l'heure, je n'ai pas entendu le début du commencement d'une démonstration - qu'en dessaisissant les juges...

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. On ne les dessaisit pas !

M. Jean-Pierre Sueur. ...du contrôle de la liberté d'aller et de venir ou encore de la surveillance de certaines communications vous servez la cause de la lutte contre le terrorisme.

Nous considérons, et nous l'avons démontré amplement,...

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Non !

M. Jean-Pierre Sueur. ... que c'est une erreur fondamentale de restreindre inutilement les libertés et de porter atteinte à l'État de droit. C'est notre position.

Monsieur le président de la commission, on ne peut pas inférer de la position qui est la nôtre et dire que nous ne serions pas déterminés à lutter contre le terrorisme. Partir sur un tel chemin, distinguer ceux qui veulent lutter contre le terrorisme et ceux qui ne le veulent pas, est absurde !

La question dont il faut pouvoir discuter est celle des moyens et du rapport entre ces moyens et d'éventuelles réductions des libertés et de l'État de droit !

Nous n'avons pas non plus apprécié que M. le président de la commission des lois nous accuse, dans le début de son intervention, de faire de la politique politicienne.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission. Vous ne faites que cela !

M. Jean-Pierre Sueur. Monsieur le président de la commission, vous avez entendu comme moi-même M. le ministre expliquer, à propos d'un décret qui n'était pas paru, que M. Sarkozy s'était ému de constater en revenant au ministère de l'intérieur que M. Dominique de Villepin, aujourd'hui Premier ministre, avait pris quelque retard, commis quelques négligences. On est bien là en pleine politique politicienne, car en quoi était-il utile au représentant du ministre de l'intérieur de mettre en cause l'attitude qui fut celle de l'actuel Premier ministre alors qu'il était ministre de l'intérieur du gouvernement précédent ?

Nous, nous ne faisons pas de politique politicienne dans ce débat. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Simplement, nous ne voulons pas d'amalgame s'agissant de la lutte, à laquelle nous sommes profondément attachés, contre le terrorisme.

M. le président. Mes chers collègues, compte tenu du nombre d'amendements que nous avons à examiner, je vous invite à la concision.

Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 83, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé :

Il est constitué une délégation parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignements et d'informations dépendants du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances.

La délégation est constituée de sept députés et sept sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. Les députés sont désignés au début de chaque législature pour la durée de celle-ci. Les sénateurs sont désignés après chaque renouvellement du Sénat.

Après chacun de ses renouvellements, la délégation élit son président et son premier vice-président qui ne peuvent appartenir à la même assemblée.

Si le président appartient à la majorité, le vice-président sera issu de l'opposition.

Si le président appartient à l'opposition, le vice-président sera issu de la majorité.

Les membres de la délégation prêtent serment dont le contenu sera déterminé par un décret en Conseil d'État. Ce serment comporte la reconnaissance du secret des débats et de la confidentialité des documents ou des exposés présentés à la délégation.

Les membres de la délégation sont soumis, après la fin de leurs mandats, aux conditions définies par le dit serment.

La violation de leur serment par les membres de la délégation est punie des peines prévues à l'article 413-10 du code pénal.

La délégation peut entendre tous les responsables des services, quel que soit leur grade, afin de recueillir les éléments nécessaires à sa mission d'évaluation.

La délégation établit son règlement intérieur qui est soumis à l'approbation du bureau des assemblées.

Ses dépenses sont financées et exécutés comme dépenses des assemblées parlementaires.

La délégation peut établir des rapports en tenant compte du secret et de la confidentialité nécessaires. Ses rapports, s'ils sont publiés, doivent recevoir l'aval du président de l'Assemblée nationale et du président du Sénat et l'autorisation des ministres de l'intérieur, de la défense et de l'économie et des finances.

L'amendement n° 82, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, ajouter un article additionnel ainsi rédigé : 

Il est institué une commission destinée à élaborer un projet de texte relatif à la création d'un dispositif parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignements et d'informations dépendants du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances. 

La commission est constituée de députés et de sénateurs désignés de façon à assurer, au sein de chaque assemblée, une représentation proportionnelle des groupes politiques. 

La commission élit son président et un rapporteur. Si le président appartient à la majorité, le rapporteur sera issu de l'opposition. Si le président appartient à l'opposition, le rapporteur sera issu de la majorité. 

La commission est assistée d'un conseil composé de directeurs des services de renseignements et d'informations dépendants du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances. 

Ses dépenses sont financées et exécutés comme dépenses des assemblées parlementaires. 

La commission devra rendre les conclusions de son travail deux mois après la promulgation de cette loi. 

La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Ces deux amendements visent à faire entrer le Parlement dans le processus d'évaluation des actions conduites par les services de renseignement.

L'amendement n° 82 prévoit l'institution d'une commission, composée de sénateurs et de députés, qui aurait pour objet d'élaborer un projet de texte relatif à la création d'un dispositif parlementaire d'évaluation.

L'amendement n° 83 va plus loin puisqu'il prévoit l'institution d'une délégation parlementaire d'évaluation des actions conduites par les services de renseignement et d'informations dépendant du ministère de l'intérieur, du ministère de la défense et du ministère des finances.

L'histoire des relations entre les services de renseignement et le pouvoir législatif en France, faites de méfiance des uns à l'égard de l'autre, ne date pas de la Ve République. Sans remonter à l'affaire Dreyfus, il y a toujours eu de la part de l'armée, du ministère des affaires étrangères et du ministère de l'intérieur une grande méfiance à l'égard de tout contrôle sur le renseignement.

Or, actuellement, certains l'ont évoqué à l'envi et à bon droit, du fait de l'accroissement du terrorisme et de ses réseaux intérieurs et extérieurs, la nécessité d'infiltrations et de renseignements de plus en plus étoffés et performants se fait sentir. En conséquence, encore plus que par le passé, le Parlement doit pouvoir évaluer et contrôler effectivement les activités des services de renseignement.

Je me garderai bien de me lancer dans la polémique. Toutefois, lorsque l'on se remémore l'histoire récente, il n'est pas sérieux de dire que rien n'a été fait en la matière, notamment sous le gouvernement de M. Jospin, M. le ministre de l'intérieur l'a rappelé hier.

Certes, nous ne sommes pas parvenus à ce que tendait à mettre en place la proposition de loi de M. Paul Quilès, confiant au Parlement le contrôle des services de renseignement. Dans le compte rendu des débats de la commission de la défense de l'époque, on lit que « M. René Galy-Dejean a indiqué que les commissaires du groupe RPR, opposés à l'esprit de la proposition de loi, voteraient contre. Il a considéré que la culture du renseignement en France n'avait rien de commun avec celle que connaissent d'autres pays et que les exemples étrangers n'étaient, par conséquent, pas transposables. »

Les États-Unis, l'Allemagne, le Royaume-Uni, l'Italie, les Pays-Bas, la Belgique, l'Espagne et bien d'autres Etats ont mis en place des systèmes aux modalités différentes ; mais tous exercent un contrôle effectif sur les activités des services de renseignement.

Il ne s'agit pas d'en obtenir le détail, nous ne demandons ni la levée du secret des enquêtes menées ni la déclaration sur la place publique du nom des personnes infiltrées dans tel ou tel réseau ! Il s'agit d'examiner s'il y a bien adéquation entre les objectifs et la réalité, et d'évaluer le travail accompli.

Les choses ont évolué puisqu'à l'Assemblée nationale ont été examinés trois amendements émanant l'un du rapporteur M. Alain Marsaud, qui n'est pas laxiste dans ce domaine et que je connais bien puisqu'il est de mon département, l'autre du groupe socialiste et le troisième du groupe UDF. Ces trois textes tendaient, selon des modalités différentes, à la création d'une instance chargée de l'évaluation en la matière.

Le ministre a donné son accord de principe et a demandé le retrait de ces textes afin que soit mis en place un groupe de travail chargé de procéder à une première évaluation et de fournir une feuille de route au plus tard le 15 février.

Pourquoi ces amendements ont-ils été déposés ? Il ne s'agit pas d'une défiance à l'égard du ministre ! Toutefois, lorsque ce dernier nous dit qu'il prend les choses en main, nous préférerions que le Parlement le fasse. Lorsqu'il nous propose, par exemple, la présence dans cette commission d'un représentant par groupe, nous lui répondons qu'il vaudrait mieux une représentation à la proportionnelle ! Lorsque nous souhaitons un président d'une couleur politique et un rapporteur d'une autre, sur le modèle de ce qui se passe à l'Assemblée nationale et qui n'existe pas dans notre règlement, nous pensons faire chose utile !

Mes chers collègues, tel est le sens de ces amendements. Encore une fois, il ne s'agit pas de défiance à l'égard du ministre. À ce titre, nous saluons l'évolution du groupe du RPR devenu l'UMP, qui, de ce point de vue, semble avoir été bénéfique. Nous pensons néanmoins qu'il est bon d'aller plus loin dès maintenant et de formaliser une telle proposition dès aujourd'hui.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 82 tend à créer une commission chargée d'élaborer une proposition de loi relative à la création d'un organe parlementaire compétent pour contrôler les services de renseignement. En somme, cet amendement a pour objet de formaliser l'engagement pris par le Gouvernement devant l'Assemblée nationale de mettre en place un groupe de travail, qui, comme vous l'avez dit, monsieur Peyronnet, doit rendre ses conclusions avant le 15 février 2006.

Je ne suis pas favorable à cet amendement, car il est étrange que la loi crée une commission provisoire.

Ainsi, sans préjuger le fond de l'amendement n° 83, il convient d'attendre les conclusions de ce groupe de travail, qui sera composé des groupes parlementaires et des chefs de service concernés.

Quant à l'idée d'appliquer la règle de la proportionnelle à la représentation des groupes politiques, il s'agit d'une idée intéressante, mais qui peut mener à des résultats assez surprenants !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Monsieur Peyronnet, je comprends parfaitement le sens de votre démarche, mais je vous demanderai très solennellement de retirer ces amendements, au regard des engagements pris par le ministre d'État devant l'Assemblée nationale et hier devant la Haute Assemblée.

Voter un amendement à la sauvette sur un sujet aussi sensible pourrait avoir un certain nombre de conséquences. Nous avons, tous ensemble, dans ce domaine, le même souci de transparence. Néanmoins, nous savons aussi qu'il faut trouver le juste équilibre entre transparence et discrétion ; or, pour ce faire, le travail doit être préparé en commun.

Nous sommes favorables à l'idée que la représentation nationale exerce un droit de regard sur les services de renseignement. C'est acquis et je renouvelle cet engagement. Il s'agit d'une exigence démocratique que nous partageons tous.

Dans une démocratie moderne, le Parlement assume une responsabilité de contrôle sur les activités de renseignement que le Gouvernement met en oeuvre. C'est incontestable. Toutes les démocraties avancées d'ailleurs, à de rares exceptions près, appliquent ce principe. En ce qui nous concerne, la discrétion, ce n'est pas le secret.

Le Gouvernement a déjà examiné, avec grand intérêt, les amendements présentés à l'Assemblée nationale par le rapporteur Alain Marsaud, Pierre Lellouche, ainsi qu'au nom du groupe socialiste, par MM. Jacques Floch et Julien Dray ; c'est dans le même esprit que nous examinons aujourd'hui les amendements nos 82 et 83.

En conclusion, je réitère notre engagement. Une fois la présente loi votée, nous mettrons en place un groupe de travail associant des parlementaires et des fonctionnaires des services de renseignement, et qui sera chargé de proposer un texte avant le 15 février. Il ne s'agit pas d'un engagement à court, moyen ou long terme, car la date est fixée. Le texte proposé fera alors l'objet dans les mois à venir d'un projet de loi ou d'une proposition de loi qui, inscrite à l'ordre du jour du Parlement, sera débattue.

Telles sont les différentes étapes : la mise en place du groupe de travail, un débat avant le 15 février pour aboutir à un texte et l'examen d'un projet ou d'une proposition de loi.

Fort de cet engagement, monsieur Peyronnet, je vous demande très solennellement de bien vouloir retirer vos amendements, comme avaient accepté de le faire vos collègues socialistes de l'Assemblée nationale.

Notre engagement est très fort et très ferme, l'échéancier est précis et arrêté par le ministre d'État. Nous allons ensemble dans cette direction. Je souhaite que nous n'allions pas plus loin aujourd'hui.

M. le président. Monsieur Peyronnet, les amendements nos 82 et 83 sont-ils maintenus ?

M. Jean-Claude Peyronnet. Nous sommes d'accord sur les principes que pose de manière satisfaisante M. le ministre. Nos collègues socialistes de l'Assemblée nationale ont retiré leurs amendements ; nous, nous les maintenons !

Nous avons travaillé à la sauvette, comme vous dites, parce que, compte tenu de la promesse du ministre, il a été décidé en commission d'accepter sa proposition. Pourtant, nous aurions pu travailler encore longtemps sur ces textes, qui ne mettent pas en cause la sécurité nationale.

Ces amendements tendent à déterminer la composition d'une commission ou d'une délégation ! Ce n'est pas à un règlement intérieur d'insister sur la confidentialité, sur le serment. Nous avons pris un certain nombre de précautions. Qu'elles soient insuffisantes et que le travail n'ait pas été assez réfléchi, c'est votre droit de le penser. De notre côté, à ce stade, on peut déjà mettre en place, nous semble-t-il, une telle instance.

Les choses avancent certes, mais très lentement. À la fin de l'année 2001, il a été décidé qu'une commission de contrôle - purement financier - devait être mise en place. Elle joue un rôle utile. Deux députés, deux sénateurs et des magistrats y siègent. Mais elle a seulement le pouvoir de vérifier qu'il y a bien adéquation entre les objectifs financiers et les dépenses effectives, qu'il n'y a pas de dérive de ce point de vue. Elle n'exerce aucun contrôle sur le travail réel et les objectifs des services de renseignement.

Telles sont les raisons pour lesquelles nous maintenons les amendements nos 82 et 83 et nous demandons un scrutin public.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous allons voter contre ces deux amendements pour plusieurs raisons.

L'amendement n° 82 tend à créer une commission chargée de préparer un projet, ce que propose le Gouvernement. Cet amendement, s'il est adopté, aura normalement une durée de vie d'un mois et demi ou de deux. Compte tenu de l'engagement du Gouvernement, un tel amendement ne me paraît pas utile.

Quant à l'amendement n° 83, la délégation parlementaire n'est certainement pas, me semble-t-il, le bon outil lorsqu'on voit l'important problème qu'a constitué la commission des interceptions de sécurité par le passé.

À une autre époque, déjà parlementaires, nous avons rencontré d'importantes difficultés pour que les interceptions de sécurité fassent l'objet d'une plus grande transparence vis-à-vis du Parlement. C'est quand même important en matière de liberté publique.

Nous allons voter contre l'amendement n° 83 parce qu'il ne nous paraît pas prévoir le bon outil. Quant à l'amendement n° 82, sur le principe, nous sommes d'accord, mais prenons en compte l'engagement qui a été pris.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 83.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 60 :

Nombre de votants 325
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l'adoption 120
Contre 205

Le Sénat n'a pas adopté.

Je mets aux voix l'amendement n° 82.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Art. additionnels avant l'art. 1er
Dossier législatif : projet de loi relatif à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers
Art. 1er bis

Article 1er

L'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 d'orientation et de programmation relative à la sécurité est ainsi modifié :

1° Le deuxième alinéa du II est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« La même faculté est ouverte aux autorités publiques aux fins de prévention d'actes de terrorisme ainsi que, pour la protection des abords immédiats de leurs bâtiments et installations, aux autres personnes morales, dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme.

« Il peut être également procédé à ces opérations dans des lieux et établissements ouverts au public aux fins d'y assurer la sécurité des personnes et des biens lorsque ces lieux et établissements sont particulièrement exposés à des risques d'agression ou de vol ou sont susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme. » ;

2° Le III est ainsi modifié :

a) Après le deuxième alinéa sont insérés quatre alinéas ainsi rédigés :

« Le cas échéant, l'autorisation peut également prescrire que les agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie nationales sont destinataires des images et enregistrements. Elle précise alors les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements. La décision de permettre aux agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie nationales d'être destinataires des images et enregistrements peut également être prise à tout moment, après avis de la commission départementale, par arrêté préfectoral. Ce dernier précise alors les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements. Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent, cette décision peut être prise sans avis préalable de la commission départementale. Le président de la commission est immédiatement informé de cette décision, qui fait l'objet d'un examen lors de la plus prochaine réunion de la commission.

« Les systèmes de vidéosurveillance installés doivent être conformes à des normes techniques définies par arrêté ministériel, à compter de l'expiration d'un délai de deux ans après la publication de l'acte définissant ces normes.

« Les systèmes de vidéosurveillance sont autorisés pour une durée de cinq ans renouvelable. L'autorisation peut être renouvelée pour la même durée. Dans le cas contraire, le système est retiré.

« La commission départementale instituée au premier alinéa peut à tout moment exercer un contrôle sur les conditions de fonctionnement des dispositifs autorisés en application des mêmes dispositions. Elle émet le cas échéant des recommandations et propose la suspension des dispositifs lorsqu'elle constate qu'il en est fait un usage anormal ou non conforme à leur autorisation. » ;

b) Le dernier alinéa est ainsi rédigé :

« Les autorisations mentionnées au présent III et délivrées antérieurement à la date de publication de la loi n°            du                    relative à la lutte contre le terrorisme et portant dispositions diverses relatives à la sécurité et aux contrôles frontaliers sont réputées délivrées pour une durée de cinq ans à compter de cette date. » ;

3° Après le III, il est inséré un III bis ainsi rédigé :

« III bis. - Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent, le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent délivrer aux personnes mentionnées au II, sans avis préalable de la commission départementale, une autorisation provisoire d'installation d'un système de vidéosurveillance, exploité dans les conditions prévues par le présent article, pour une durée maximale de quatre mois. Le président de la commission est immédiatement informé de cette décision. Il peut alors réunir sans délai cette dernière afin qu'elle donne un avis sur la mise en oeuvre de la procédure d'autorisation provisoire.

« Le représentant de l'État dans le département et, à Paris, le préfet de police, recueillent l'avis de la commission départementale sur la mise en oeuvre du système de vidéosurveillance conformément à la procédure prévue au III et se prononcent sur son maintien. La commission doit rendre son avis avant l'expiration du délai de validité de l'autorisation provisoire. Si l'autorisation n'est pas accordée à l'expiration de ce délai, le système est retiré. À défaut, le responsable du système s'expose aux sanctions prévues au VI. » ;

4° Le VII est ainsi rédigé :

« VII. - Un décret en Conseil d'État fixe les modalités d'application du présent article et notamment les conditions dans lesquelles le public est informé de l'existence d'un dispositif de vidéosurveillance ainsi que de l'identité de l'autorité ou de la personne responsable. Ce décret fixe également les conditions dans lesquelles les agents sont habilités à accéder aux enregistrements et les conditions dans lesquelles la commission départementale exerce son contrôle. »

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Je ne reviendrai pas sur l'argumentaire que j'ai développé hier soir quant à nos doutes sur l'efficacité de la vidéosurveillance.

J'insiste toutefois pour comprendre la raison de cette passion soudaine du Gouvernement pour la vidéosurveillance, d'autant que la loi autorisait déjà son installation pour assurer la sécurité des personnes.

Le projet de loi présenté aujourd'hui prévoit que les lieux susceptibles d'être des cibles d'actes terroristes peuvent être surveillés. En quoi la référence à la sécurité des personnes ne suffisait-elle pas ? Cette remarque souligne une volonté d'affichage.

Par ailleurs, M. le rapporteur m'étonne en indiquant que la vidéosurveillance pourra « être très utile en cas d'attentat à la voiture piégée », mais est-ce avant ou après l'attentat ? Je crains que, là encore, il ne s'agisse d'une information dont l'efficacité sera a posteriori douteuse.

Le rapport, en évoquant la jurisprudence du Conseil constitutionnel élaboré en 1995, souligne que le projet de loi ne remet pas en cause l'équilibre trouvé.

De deux choses l'une, ou M. le ministre nous indique que l'évolution sera marginale, loin des multiples carences du Big Brother britannique, ou bien M. le rapporteur ne peut pas dire qu'il n'y aura pas d'évolution quant au respect de la Constitution, puisque l'installation de caméras sera massive et généralisée.

Vous devez nous préciser ce que seront les conséquences exactes de la loi en matière d'installations nouvelles pour permettre au Conseil constitutionnel, si une saisine par 60 sénateurs ou 60 députés a lieu, de prendre position.

Monsieur le ministre, cet article symbolise à nos yeux une démarche dont l'objectif tend à renforcer un dispositif générateur d'une société policée, régentée dans le moindre détail, alors que, sur le plan des grands équilibres, des foyers mêmes du radicalisme islamique, par exemple, rien n'est fait pour engager le monde vers la paix, la sérénité.

Lutter contre le terrorisme ne peut se résumer aux nombreuses mesures policières et judiciaires qui existent déjà.

Je vous demanderai également de cesser de taxer de laxistes ou d'irresponsables ceux qui, comme nous, vous rappellent la réalité du monde d'aujourd'hui, sa dureté qui constitue le terreau de la violence.

Ce sont bien des réponses politiques ou économiques qui permettent de fermer définitivement ces pages sombres de l'histoire.

Nous voterons contre cet article 1er, à l'effet d'affichage dérisoire et à l'inefficacité annoncée et prouvée.

M. Josselin de Rohan. Bla ! Bla !

Mme Janine Rozier. Il faut lutter, mais ne rien faire !

M. le président. Je suis saisi de seize amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 64, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. L'article 1er complète l'article 10-II de la loi de 1995 et ajoute aux motifs légaux pouvant justifier l'installation de caméras la prévention des actes terroristes.

Ce qui apparaît comme étant la nouveauté de cet article me gêne beaucoup. Ainsi, des personnes morales autres que les autorités publiques compétentes pourront installer aux abords de leurs bâtiments des caméras qui seront susceptibles de filmer ce qui se passe sur la voie publique.

Cette mesure, déjà attentatoire aux libertés, pourra être, de surcroît, contournée par la nouvelle procédure d'urgence, qui permet à l'autorité préfectorale de se passer de l'avis, déjà purement formel, de la commission départementale afin d'autoriser l'installation de dispositifs de vidéosurveillance.

Comme nous pouvons le constater, les atteintes à la liberté d'aller et venir sont multiples : possibilité de filmer ce qui se passe sur la voie publique, sans que des précisions soient clairement apportées ; possibilité pour certains agents des services de la police ou de la gendarmerie d'accéder directement et de manière permanente à ces images pour les besoins de leurs missions de police administrative et, donc, sans contrôle du juge judiciaire ; instauration d'une procédure d'urgence dérogatoire, justifiée par « l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme », et qui diminue d'autant les maigres garanties encadrant la collecte et la consultation des données filmées. Par ailleurs, cette notion d'urgence et d'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme est particulièrement vague.

Les atteintes aux libertés de ce nouveau dispositif de vidéosurveillance justifieraient-elles, à elles seules, la suppression de l'article 1er ?

Néanmoins je tiens à mettre en avant nos doutes sur l'efficacité de la vidéosurveillance en matière de terrorisme.

Dans son rapport, à la page 29, M. le rapporteur considère que « la vidéosurveillance peut dans certains cas prévenir des actions terroristes ». Il relativise cette affirmation en admettant que « cet aspect ne doit toutefois pas être exagéré, le mode opératoire des attentats suicides rendant particulièrement difficiles la détection et l'interruption de l'opération terroriste ».

La vidéosurveillance dans le cadre de ce projet de loi n'est qu'une mesure d'affichage destinée à rassurer l'opinion publique, mais qui ne permettra pas, par exemple, de démanteler plus efficacement les réseaux terroristes.

C'est pourquoi nous avons déposé cet amendement de suppression de l'article 1er et nous demandons un scrutin public.

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le 1° de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Cet article, notamment son premier alinéa, pèche par son absence d'efficacité et par le danger qu'il représente pour nos droits et libertés.

Il convient de rétablir une certaine vérité. La multiplication des caméras n'aidera en rien à la prévention des actes terroristes, notamment parce que l'efficacité de tels systèmes est toute relative.

C'est un fait établi. New York, Madrid et Londres en sont de tragiques exemples. Les caméras qui y étaient présentes, encore plus nombreuses pour Londres, n'ont pu empêcher les attentats.

La crainte de voir enregistrés leurs actes n'est pas assez dissuasive pour les terroristes, notamment pour ceux qui préparent des actions suicides.

Au mieux, la vidéosurveillance présente un intérêt si des mesures de police interviennent après la commission d'actes terroristes. À ce stade, les images peuvent permettre d'identifier a posteriori les auteurs des actes incriminés.

Dès lors, étendre le champ de la vidéosurveillance, sans contrôle judiciaire préalable, présente un danger quant à la mise en oeuvre de tels dispositifs, d'autant plus que des personnes morales de droit privé pourront enregistrer des images de ce qui s'est passé sur la voie publique ou dans des lieux et établissements ouverts au public.

Toutefois, la vidéosurveillance constitue en soi une atteinte à nos droits et libertés. Elle contrevient à la liberté d'aller et venir, au respect de la vie privée. En un mot, elle s'oppose au principe de sûreté, cette atteinte n'étant rendue acceptable que par le strict respect du principe de proportionnalité.

En mettant en oeuvre un dispositif où la CNIL et les juges sont mis hors jeu au profit du Gouvernement et de la police administrative, où l'efficacité proclamée n'est pas l'efficacité atteinte et où de simples particuliers pourront pratiquer la vidéosurveillance de tous les citoyens dans des lieux publics, vous marquez là le caractère largement disproportionné de ce projet de loi.

M. le président. L'amendement n° 84, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le premier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995:

« Lorsque l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'actes de terrorisme le requièrent, l'autorisation peut également prescrire, sous contrôle de l'autorité judiciaire, que les agents individuellement habilités des services de la police ou de la gendarmerie nationales spécialement chargés de ces missions sont destinataires des images et enregistrements. Elle précise alors les modalités de transmission des images et d'accès aux enregistrements au cas par cas pour chacun des systèmes de vidéosurveillance concerné par la présente disposition. Cette décision peut être prise sans avis préalable de la commission départementale. Le président de la commission est immédiatement informé de cette décision, qui fait l'objet d'un examen lors de la plus prochaine réunion de la commission.

 

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Même si nous comprenons parfaitement l'argumentation de Mmes Assassi et Boumediene-Thiery, nous avons une position différente. Si nous souhaitons placer sous le contrôle de la CNIL et de l'autorité judiciaire les systèmes de vidéosurveillance, nous ne voulons pas scier la branche, mais simplement l'élaguer pour que soient respectés le principe fondamental de finalité et, par voie de conséquence, celui de proportionnalité.

Nous ne faisons pas de fixation sur la vidéosurveillance ; elle existe partout. Pour nous, le problème, c'est qu'elle soit encadrée et que les éléments recueillis ne soient pas transmis à n'importe qui et n'importe comment. A partir de là, la vidéosurveillance a son utilité. Encore faut-il qu'elle ne soit pas détournée de son objet et que toutes les garanties existent.

Nous souhaitons qu'une fois mis en place le contrôle fonctionne avec la plus grande rapidité sans nuire en rien à la recherche des renseignements qui peuvent être utiles à notre sécurité.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du premier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, supprimer les mots :

Le cas échéant,

et le mot :

également

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement purement rédactionnel.

M. le président. L'amendement n° 1, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans les première et troisième phrases du premier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

agents individuellement

insérer les mots :

désignés et dûment

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de précision et d'harmonisation, qui tient compte de la recommandation de la CNIL de bien préciser les modalités selon lesquelles les agents ayant accès aux images sont désignés.

Je me permettrai, d'ailleurs, de présenter, au nom de la commission, des amendements similaires aux articles 5, 6 et 8.

M. le président. L'amendement n° 51 rectifié ter, présenté par MM. Portelli,  Türk et  Nogrix, Mme Malovry, MM. Mouly,  Seillier,  Cambon,  Goujon et  Lecerf, est ainsi libellé :

Compléter la deuxième phrase du texte proposé par le a) du 2 de cet article pour modifier le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995 par les mots :

ainsi que la durée de conservation des images, dans la limite d'un mois à compter de cette transmission ou de cet accès, sans préjudice des nécessités de leur conservation pour les besoins d'une procédure pénale

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Il est nécessaire que l'autorisation préfectorale, en matière d'installation de dispositifs de vidéosurveillance, précise non seulement les modalités de transmission des images aux services de police et de gendarmerie compétents, mais également leur durée de conservation par ces services.

M. le président. L'amendement n° 85, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I- Après le premier alinéa du texte proposé par le a) du 2°de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Toute constitution de nouveaux fichiers à partir de ces images et enregistrements ou tout rapprochement avec d'autres traitements sont soumis aux dispositions de la loi n° 78-17 du 6  janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 relative à la protection des personnes physiques à l'égard des traitements de données à caractère personnel.

II- En conséquence, dans le deuxième alinéa a) du 2°  de cet article, remplacer le mot :

quatre

par le mot

cinq

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 4, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer les deux dernières phrases du troisième alinéa du texte proposé par le a) du 2 de cet article pour le  III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel visant à supprimer une mention inutile et redondante.

M. le président. L'amendement n° 65 rectifié, présenté par Mmes Assassi,  Borvo Cohen-Seat,  Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, remplacer les mots :

peut à tout moment

par le mot :

doit

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 3, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour le III de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

peut à tout moment exercer

insérer les mots :

, sauf en matière de défense nationale,

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement de cohérence.

Le droit en vigueur prévoit que l'avis préalable de la commission départementale n'est pas requis en matière de défense nationale pour installer un système de vidéosurveillance.

De la même manière, la commission ne peut pas être saisie par toute personne intéressée d'une difficulté tenant au fonctionnement d'un système de vidéosurveillance, lorsque ce dernier concerne la défense nationale.

Par souci de cohérence, il semble donc nécessaire de préciser que la commission départementale ne peut exercer son pouvoir de contrôle lorsque la défense nationale est en cause.

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Après la première phrase du dernier alinéa du texte proposé par le a) du 2° de cet article pour insérer quatre alinéas après le deuxième alinéa de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, insérer une phrase ainsi rédigée :

Elle en effectue une évaluation chaque année.

L'amendement n° 37, présenté par Mmes Boumediene-Thiery,  Blandin et  Voynet et M. Desessard, est ainsi libellé :

Supprimer le 3 de cet article.

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il convient de rendre effectif le contrôle de la commission départementale. À cet effet, il ne peut être limité à d'éventuelles réclamations présentées par les administrés.

C'est la raison pour laquelle il convient d'instituer un contrôle obligatoire tous les ans, et cela est d'autant plus vrai que les commissions départementales n'ont pas une réelle possibilité de contrôle. Il s'agit souvent d'un simple effet d'affichage.

Or comment ces commissions pourront-elles effectuer un contrôle effectif de l'installation technique des systèmes de vidéosurveillance ? Comment pourront-elles vérifier l'identité de celles et ceux qui se trouveront derrière les caméras, du sort qui sera fait aux images prises ainsi qu'à la destination qui leur sera réservée ?

Par ailleurs, la multiplication et l'extension des systèmes de vidéosurveillance impliquent des conséquences humaines, techniques et budgétaires très lourdes.

Si l'on veut accroître au maximum l'efficacité des systèmes de vidéosurveillance afin de prévenir des actes terroristes, il faudrait qu'il y ait au moins une personne derrière chaque objectif de caméra.

Or, en l'absence d'un personnel suffisant, les images sont d'abord enregistrées, pour pouvoir être consultées ultérieurement des jours, des semaines, voire des mois plus tard. Il n'y a pas d'intervention immédiate de secours.

La fonction de la vidéosurveillance est alors essentiellement psychologique. Mais, comme je l'ai dit, l'effet dissuasif en matière de lutte contre le terrorisme est plus que relatif.

En outre, au facteur humain que suppose une telle intensification, s'ajoute la problématique technique.

Toutes les caméras, tous les systèmes de vidéosurveillance ne se valent pas. En effet, selon les conditions météorologiques, l'obscurité ambiante ou les caractéristiques du lieu dans lesquels les caméras sont installées, on ne peut pas être assuré que les images enregistrées seront d'une qualité d'exploitation convenable.

Seuls des systèmes techniques très complexes peuvent être garants d'une telle qualité. Or, qu'il s'agisse du personnel humain placé derrière les caméras ou des systèmes techniques complexes réellement performants, tout cela a un coût financier très lourd, qui s'élève, au minimum, à des dizaines de millions d'euros.

Ainsi, pour que 1 % d'une ville comme Lyon soit couvert, il conviendrait de dépenser environ 5 millions d'euros, ce qui représente un coût exorbitant, alors que rien, absolument rien, ne permettra de démontrer l'efficacité du dispositif.

Où trouvera-t-on l'argent ? Combien cela coûtera-t-il réellement ? Le Gouvernement ne nous en dit absolument rien.

On tente de nous faire basculer dans l'ère de Big Brother, alors que de tels choix techniques, à l'efficacité toute relative, risquent de grever le budget du renseignement humain, qui, malgré ses failles et ses zones d'ombre, caractérise le dispositif français, efficace en matière de lutte antiterroriste ?

Je voudrais mettre l'accent sur une autre difficulté. Si la vidéosurveillance n'a pour objet unique que l'élucidation des délits, l'intervention rapide en vue de porter assistance à des personnes en danger n'impliquerait-elle pas une augmentation importante des effectifs des services de police, notamment de la police de proximité ?

Or, à cet égard, comme j'ai eu l'occasion de le dire précédemment, le dispositif préexistant, issu de la loi du 21 janvier 1995, permet déjà la vidéosurveillance. Malheureusement, à ce jour, nous ne disposons d'aucune évaluation, ni d'aucun bilan a fortiori de ce système. Il serait pourtant intéressant, nous semble-t-il, cinq ans après le vote de la loi, de savoir où nous en sommes exactement.

Alors que les garanties indispensables sont absentes ou insuffisantes dans le projet de loi qui nous est soumis, à ce système déjà exorbitant vient s'ajouter une procédure dérogatoire encore plus exorbitante.

C'est ainsi qu'est instituée une procédure d'urgence permettant une autorisation provisoire de quatre mois pour l'installation d'un système de vidéosurveillance, sans avis préalable de la commission départementale.

Seul le préfet pourra octroyer cette autorisation, l'avis de la commission n'intervenant que pour régulariser une installation préalablement mise en place.

Après l'atteinte supposée aux droits et libertés de chacun, s'ajoutera alors une autre atteinte manifeste.

Ce caractère manifestement attentatoire est renforcé par la règle selon laquelle la commission n'intervient que quatre mois après la décision unilatérale et discrétionnaire du préfet. En d'autres termes, une fois de plus, les juges sont écartés !

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Supprimer les deux dernières phrases du second alinéa du texte proposé par le 3° de cet article pour insérer un III bis à l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995.

L'amendement n° 6, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Après le 3° de cet article, insérer un paragraphe ainsi rédigé :

3° bis Au VI, après les mots : « Le fait » sont insérés les mots : « d'installer un système de vidéosurveillance ou de le maintenir sans autorisation, » ;

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. L'amendement n° 5 est un amendement rédactionnel tendant à supprimer une mention inutile et redondante.

S'agissant de l'amendement n° 6, le paragraphe VI de l'article 10 de la loi de 1995 définit les sanctions pénales applicables en cas de non-respect de la législation en matière de vidéosurveillance.

Toutefois, étonnamment, dans l'hypothèse où un exploitant maintiendrait un système de vidéosurveillance ne bénéficiant plus d'une autorisation, mais ne disposant pas de dispositif d'enregistrement, il ne pourrait pas être sanctionné sur le fondement du paragraphe VI, lequel ne réprime que le fait de procéder à des enregistrements sans autorisation.

Cet amendement a pour objet de remédier à cette situation en obligeant les exploitants à retirer les systèmes non autorisés ou qui ne le sont plus.

M. le président. L'amendement n° 86, présenté par MM. Peyronnet,  Badinter et  Boulaud, Mmes Cerisier-ben Guiga et  Tasca, MM. Collombat,  Frimat et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Mermaz,  Sueur,  Vantomme et  Yung, Mme Boumediene-Thiery et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début de la première phrase du texte proposé par le 4° de cet article pour le VII de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier1995, après les mots :

Un décret en Conseil d'État

insérer les mots :

, pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés,

La parole est à M. Louis Mermaz.

M. Louis Mermaz. Cet amendement répond au même souci de faire intervenir la CNIL, ce qui constitue, pour nous, une garantie minimale.

En effet, la CNIL doit pouvoir jouer son rôle, tout son rôle. Encore faut-il lui en donner les moyens.

En participant à la rédaction des décrets d'application, elle pourrait exercer sa mission d'intérêt général consistant à veiller à ce que l'informatique soit au service du citoyen et ne porte atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles et publiques, autant de droits garantis par la Constitution.

Le Gouvernement peut-il nous dire, dès aujourd'hui, quand seront publiés les décrets d'application, qui conditionnent l'application de la loi ?

Figurent, d'ailleurs, dans ce texte, des articles déjà adoptés lors du vote de la loi pour la sécurité intérieure, et qui feront l'objet d'un nouvel examen devant le Parlement, faute d'avoir trouvé, jusqu'à présent, leur raison d'être du fait d'une carence réglementaire.

Dans son rapport écrit, M. Courtois demande que le Gouvernement publie une circulaire d'application à destination des maires. Pourquoi pas ? Il semblerait que de nombreuses municipalités attendent cette loi pour installer des systèmes de vidéosurveillance.

De la même manière, notre rapporteur suggère que l'arrêté devant fixer les normes techniques soit pris le plus rapidement possible afin que des travaux qui ne sont pas aux normes ne soient pas engagés, car cela entraînerait des dépenses supplémentaires.

Monsieur le président, du fait d'un incident technique, je n'ai pu tout à l'heure présenter l'amendement n° 85. Je dirai simplement qu'il visait également à tenir compte des recommandations de la CNIL, ce qui allait exactement dans le même sens que l'amendement que je viens de présenter.

M. le président. L'amendement n° 7, présenté par M. Courtois, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du texte proposé par le 4°de cet article pour le  VII de l'article 10 de la loi n° 95-73 du 21 janvier 1995, après les mots :

les conditions dans lesquelles les agents

insérer les mots :

visés au III

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur. En ce qui concerne l'amendement n° 64, qui tend à supprimer l'article 1er, il est évident que la commission ne peut qu'y être défavorable. Elle a, pour sa part, déposé plusieurs amendements sur cet article.

Sur un plan personnel, je voudrais souligner que la vidéosurveillance me paraît particulièrement importante, à titre préventif, en ce qu'elle permet d'identifier, au moyen de photos, de films, des individus susceptibles de repérer des lieux au préalable, mais aussi, même si ce n'est qu'a posteriori, malheureusement, d'identifier les commanditaires.

Un tel dispositif nous paraît donc important pour éviter que ces individus ne recommencent et pour qu'ils puissent être punis par la justice de notre pays.

En conséquence, la commission est très défavorable à l'amendement n° 64.

S'agissant de l'amendement n° 35, il tend, notamment, à supprimer la possibilité pour des personnes morales privées de filmer la voie publique aux abords de leurs bâtiments ou installations aux fins de prévenir des actes de terrorisme.

Cet amendement est contraire à la position de la commission des lois. Je rappelle que de tels systèmes de vidéosurveillance ne pourraient être installés que dans les lieux susceptibles d'être exposés à des actes de terrorisme, en particulier les lieux très fréquentés. En outre, la technologie permettant d'ores et déjà d'empêcher de filmer l'intérieur des habitations privées, le détournement de tels systèmes serait de fait très difficile.

Par ailleurs, les commissions départementales auront désormais un pouvoir de contrôle propre. Ne préjugeons donc pas leur insuffisance.

Aussi la commission a donné un avis défavorable à cet amendement.

En ce qui concerne l'amendement n° 84, il vise à restreindre la possibilité pour les services de police et de gendarmerie d'accéder aux images et enregistrements des systèmes de vidéosurveillance aux seul cas où l'urgence et l'exposition particulière à un risque d'acte terroriste le requièrent.

Le projet de loi ne limite pas cet accès à cette seule finalité. Le préfet pourrait ainsi autoriser, pour un système de vidéosurveillance déterminé, l'accès aux images aux services de police et de gendarmerie. La vidéosurveillance est envisagée comme un outil général de police administrative. Cet accès n'est pas exempt de garantie, puisque seuls des agents individuellement désignés et dûment habilités en auraient le droit.

D'ailleurs, l'amendement n° 51 rectifié ter, présenté par M. Portelli, précise que la conservation de ces images ne peut excéder un mois.

Pour toutes ces raisons, je ne suis pas favorable à une restriction du droit d'accès qui s'inscrit dans un cadre de police administrative et non de police judiciaire, contrairement à ce qui est prévu dans le présent amendement, sur lequel la commission a, par conséquent, émis un avis défavorable.

En ce qui concerne l'amendement n° 51 rectifié ter, il précise que les agents individuellement désignés et dûment habilités des services de police et de gendarmerie qui ont accès aux images de vidéosurveillance ne peuvent, en tout état de cause, conserver ces images plus d'un mois.

Il s'agit d'aligner le plus possible le régime d'accès à ces images par les services de police et de gendarmerie sur le régime de droit commun en matière de vidéosurveillance.

C'est la raison pour laquelle la commission est favorable à cet amendement.

S'agissant de l'amendement n° 65 rectifié, très proche de l'amendement n°36, il tend à rendre obligatoire tous les ans le contrôle de chaque système de vidéosurveillance par la commission départementale.

Le projet de loi prévoit seulement qu'elle peut exercer à tout moment un contrôle sans en préciser la périodicité.

Or je crains qu'un tel amendement n'engorge complètement l'activité des commissions départementales ; un examen annuel ne me paraît pas indispensable. La commission doit cibler son contrôle sur les systèmes les plus sensibles ou ayant fait l'objet d'un signalement par un tiers.

En outre, il est prévu dans le projet de loi que l'autorisation préfectorale sera délivrée pour une durée de cinq ans, contre une durée indéterminée aujourd'hui. Ce renouvellement périodique sera l'occasion d'un réexamen du système installé.

Pour toutes ces raisons, la commission est défavorable à ces deux amendements.

Pour ce qui est de l'amendement n° 37, il vise à supprimer la procédure d'urgence au motif que celle-ci permettrait de contourner l'ensemble des garanties prévues par la loi.

Or, selon nous, la portée de cette procédure d'urgence ne doit pas être exagérée, puisque celle-ci n'est applicable qu'en cas de risque d'actes de terrorisme.

Par ailleurs, l'avis préalable de la commission départementale n'est pas requis uniquement pour l'autorisation provisoire d'une durée maximale de quatre mois. Cette commission peut également donner son avis quand elle le souhaite, même si l'avis préalable reste requis pour la délivrance de l'autorisation préfectorale définitive. L'urgence n'efface donc pas les garanties mises en place.

C'est la raison pour laquelle la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 86, il tend à prévoir que le décret d'application de l'article 10 de la loi de 1995 est pris après avis de la CNIL. Or il convient de rappeler que la CNIL n'est pas compétente en matière de vidéosurveillance, sauf s'il y a constitution de fichier, ce qui n'est pas le cas.

La commission est donc également défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Mesdames Assassi et Boumediene-Thiery, avec les amendements nos 64 et 35, vous proposez quasiment de supprimer l'article 1er du projet de loi, qui permet de développer l'installation de réseaux de télésurveillance pour faire face à la menace terroriste dans notre pays.

Comme je l'ai dit hier soir, je suis très ému que vous considériez la mise en place de caméras de télésurveillance, dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et de la prévention des attentats, comme un élément de privation de liberté, quand, au contraire, elle contribue à garantir nos droits, dont le premier est tout de même d'assurer la sécurité de nos concitoyens.

Mme Éliane Assassi. Toujours la même rengaine !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Assassi, vous avez affirmé que la télésurveillance était inutile car elle ne pouvait éviter les d'attentats suicides ! Nous estimons, au contraire, que les caméras permettent, d'une part, de détecter des comportements qui pourraient être les prémices d'attentats criminels et terroristes et, d'autre part, de démanteler les réseaux et d'arrêter les commanditaires.

Permettez-moi de vous rappeler que les commanditaires des attentats de Londres ont été interpellés et mis hors d'état de nuire grâce aux caméras de télésurveillance, ce qui, du même coup, a sûrement permis d'éviter d'autres attaques. Or, madame Assassi, vous semblez estimer que, après tout, l'interpellation des commanditaires, grâce au système de caméras de télésurveillance, n'apporte rien de plus et qu'il valait mieux laisser les commanditaires en liberté ! Telle est la logique de votre raisonnement.

Au contraire, nous considérons, nous, qu'il est plus criminel encore d'être l'organisateur ou le commanditaire d'un attentat que le kamikaze lui-même. Il est donc de notre devoir de nous donner tous les moyens de développer ces systèmes, comme l'a fait le Royaume-Uni.

Vous évoquez une « installation de caméras massive et généralisée ». Il faut relativiser ! Voici simplement les chiffres, mesdames, messieurs les sénateurs : nous disposons, aujourd'hui, en France, d'environ 300 000 caméras de vidéosurveillance, réparties entre 250 communes. Le Royaume-Uni en compte 4 millions, et il s'est donné comme objectif de passer à 25 millions ! La différence est considérable, d'autant qu'avec cet article 1er, nous nous fixons, nous, un objectif qualitatif, et non quantitatif.

Il est donc évident que ces amendements de suppression de l'article 1er ne se justifient pas. De surcroît, madame Alima Boumediene-Thiery, vous faites référence aux mosquées et aux synagogues, ...

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je n'ai jamais dit cela !

M. Christian Estrosi, ministre délégué. ...alors que nous savons qu'elles comptent parmi les lieux les plus menacés de notre territoire et que les deux communautés concernées insistent fortement auprès du Gouvernement pour que des dispositions soient prises pour assurer la protection de chacun de leurs membres.

Nous avons le devoir impératif de leur apporter une réponse positive et concrète. Sincèrement, madame Boumediene-Thiery, je m'étonne que vous fassiez référence à ces lieux de culte comme à une menace pour les libertés individuelles dès lors que nous y installerions des caméras de surveillance pour y assurer la protection et la sécurité des membres de la communauté.

Le Gouvernement est donc totalement défavorable aux amendements n°s 64 et 35.

S'agissant de l'amendement n° 84, je ferai quatre remarques.

Premièrement, définir a priori dans la loi les cas où les images pourront être visionnées et analysées par les services de police et de gendarmerie affecterait grandement l'efficacité de la lutte contre le terrorisme, lequel revêt un caractère multiforme et imprévisible, comme vous le savez.

Deuxièmement, il est nécessaire de ne pas figer dans la loi la désignation des services dont la mission serait spécialement, en cas d'attaque terroriste, d'avoir accès aux images et de les exploiter, à un moment où la mobilisation de toutes nos forces serait nécessaire.

Troisièmement, en tant que décisions de police administrative, prises en vue d'assurer la sécurité publique, ces décisions peuvent faire l'objet d'un contrôle du juge administratif, et de lui seul.

Quatrièmement, il n'est pas nécessaire de mentionner que la transmission des images et l'accès aux enregistrements se feront au cas par cas. Il est prévu, en effet, que ces décisions figureront dans l'autorisation même ou, par la suite, seront prises relativement à un système de vidéosurveillance donné. Elles seront donc nécessairement examinées au cas par cas, en fonction de l'appréciation du contexte spécifique au système concerné.

Monsieur Courtois, le Gouvernement est bien évidemment favorable à vos amendements nos 2 et 1. S'agissant de ce dernier, je tiens à préciser que les agents seront mentionnés ès qualités et que leur désignation nominative et leur habilitation relèveront des chefs de service de la police et de la gendarmerie.

Concernant l'amendement n° 51 rectifié ter, qui a pour objet de pallier une insuffisance du texte proposé, l'avis du Gouvernement est favorable.

L'amendement n° 3 de M. Jean-Patrick Courtois tend à introduire une précision justifiée. J'y suis donc favorable, comme à l'amendement n° 4.

S'agissant de l'amendement n° 36 de Mme Alima Boumediene-Thiery, l'avis du Gouvernement est défavorable, car le projet de loi répond déjà entièrement aux préoccupations qui se trouvent à l'origine de cet amendement, qui nous paraît donc inutile.

Le Gouvernement est également défavorable, bien sûr, à l'amendement n° 37. Je l'expliquerai par un exemple. Un magasin qui ne serait pas équipé de vidéosurveillance peut-il demander au préfet l'autorisation de s'équiper très rapidement ?

Imaginons que, demain, se produise une flambée de violence terroriste dans notre pays et que certains magasins, afin d'assurer la sécurité de leurs clients, souhaitent prendre des mesures rapides pour s'équiper techniquement en systèmes de vidéosurveillance. Aux termes de la législation actuelle, ce serait impossible, il faut le savoir ! Mais demain, grâce à ces dispositions, ce sera possible en cas d'urgence et d'exposition particulière à un risque d'acte terroriste : le préfet pourra autoriser l'installation de caméras, pour une période limitée à quatre mois, au cours de laquelle, d'ailleurs, la commission départementale des systèmes de vidéosurveillance devra donner son avis.

Je ne vois pas en quoi cette procédure de bon sens serait attentatoire aux libertés.

Monsieur Jean-Patrick Courtois, je vous remercie de contribuer, par les amendements nos 5, 6 et 7 à l'amélioration du texte. Le Gouvernement y est évidemment favorable.

Enfin, s'agissant de l'amendement n° 86, je répondrai à M. Mermaz que le décret fixant les modalités d'application de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995 ne relève pas de la compétence de la CNIL et ne doit donc pas être soumis à son avis, car il porte sur des systèmes de vidéosurveillance qui se situent hors du champ d'application de la loi du 6 janvier 1978.

Les deux réglementations s'excluent l'une l'autre. Les fichiers normatifs qui sont structurés selon des critères permettant d'identifier les personnes physiques et qui utilisent des images enregistrées par un système de vidéosurveillance sont soumis, aux termes du I de l'article 10 de la loi du 21 janvier 1995, aux conditions prévues par la loi du 6 janvier 1978, donc au contrôle de la CNIL, et non à la réglementation relative à la vidéosurveillance.

Par ailleurs, monsieur Mermaz, vous vous êtes inquiété des décrets d'application de la loi. Je veux vous rassurer : le ministre d'État a demandé à ses services de travailler d'ores et déjà à leur rédaction, afin que la loi, une fois votée, puisse être appliquée dans les meilleurs délais.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je souhaite interpeller M. le ministre car, à aucun moment dans mon intervention, je n'ai parlé de synagogue ni de mosquée ! (M. le ministre s'entretient avec un sénateur.)

Monsieur le ministre, vous pourriez écouter ce que je vous dis ! Votre attitude témoigne d'un manque de respect.

M. le président. Monsieur le ministre, Mme Alima Boumediene-Thiery vous interpelle ! (M. Christian Estrosi se tourne vers Mme Boumediene-Thiery.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Monsieur le ministre, je n'ai parlé à aucun moment de synagogue ni de mosquée. Je vous mets, d'ailleurs, au défi de réécouter l'enregistrement de la séance ou de consulter le compte rendu intégral des débats : vous verrez que, dans mes propos, il n'est jamais question de mosquées ou de synagogues, mais de lieux de culte.

Je tenais à le souligner, parce que, d'une part, en ce qui me concerne, je ne fais pas d'amalgame entre terrorisme et religion.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Nous non plus !

Mme Alima Boumediene-Thiery. D'autre part, vos propos révèlent vos fantasmes. Est-ce parce que je m'appelle Boumediene que vous pensez aux mosquées et aux synagogues ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Josselin de Rohan. Cela suffit ! Vous exagérez !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Messieurs de l'UMP, gardez votre calme !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Enfin, si vous nous écoutiez davantage, au lieu de lire vos notes, vous nous répondriez mieux ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Mes chers collègues, gardons un peu de sérénité à ce débat, je vous en prie !

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Madame Boumediene-Thiery, tout d'abord, je ne vous ai jamais manqué de courtoisie, et je regrette que vous n'en fassiez pas autant à mon égard, comme le montre, notamment, votre utilisation, à l'endroit du modeste représentant de l'État que je suis, du terme de fantasme. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Éliane Assassi. Mais vous avez des fantasmes !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Tout le monde a des fantasmes ! (Sourires sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Christian Estrosi, ministre délégué. Ces propos ne me semblent pas dignes de vous ni de la Haute Assemblée.

C'est le texte même de votre amendement qui fait référence aux synagogues et aux mosquées, puisqu'il interdirait aux personnes qui régissent, administrent et animent les lieux de culte d'installer des caméras ! Madame Boumediene-Thiery, j'en suis désolé, mais vous y faites implicitement référence en évoquant les lieux de culte. (Protestations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Alima Boumediene-Thiery. Eh oui, « implicitement » !

Mme Éliane Assassi. Les lieux de culte en général !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et les églises ? Il y a beaucoup plus d'églises en France que de synagogues et de mosquées ! Notre-Dame de Paris est un lieu important à surveiller !

M. Josselin de Rohan. Si madame Borvo Cohen-Seat veut s'exprimer, qu'elle demande la parole !

M. le président. Mes chers collègues, un peu de sérénité !

Je mets aux voix l'amendement n° 64.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 61 :

Nombre de votants 252
Nombre de suffrages exprimés 252
Majorité absolue des suffrages exprimés 127
Pour l'adoption 31
Contre 221

Le Sénat n'a pas adopté.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 84.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 2.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 51 rectifié ter.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 3.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 37.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 7.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er, modifié.

(L'article 1er est adopté.)