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COMMUNICATION relative à une commission mixte paritaire

M. le président. J'informe le Sénat que la commission mixte paritaire chargée de proposer un texte sur les dispositions restant en discussion du projet de loi portant diverses dispositions relatives au tourisme est parvenue à l'adoption d'un texte commun.

Bonne volonté et persévérance conduisent à l'efficacité ! (Sourires.)

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à seize heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente-cinq,

est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de M. Jean-Claude Gaudin.)

PRÉSIDENCE DE M. Jean-Claude Gaudin

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Article 3 bis (priorité) (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Article 3 bis (priorité)

égalité des chances

Suite de la discussion d'un projet de loi déclaré d'urgence

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi pour l'égalité des chances, considéré comme adopté par l'Assemblée nationale aux termes de l'article 49, alinéa 3, de la Constitution, après déclaration d'urgence.

Dans la discussion des articles, nous avons entamé l'examen de l'article 3 bis appelé en priorité.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi pour l'égalité des chances
Vote sur les amendements de l'article 3 bis (priorité) (début)

Article 3 bis (suite)

M. le président. Au sein de cet article, nous en sommes parvenus à l'amendement n°448.

Je vous rappelle, mes chers collègues, que les votes ont été réservés jusqu'à la fin de l'article.

L'amendement n° 448, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Après le dixième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Durant un arrêt pour cause de maladie, le contrat de travail ne peut être rompu sans être motivé expressément.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Avec cet amendement nous abordons le cas des arrêts pour cause de maladie.

Il convient de conserver le principe d'arrêts de travail pour cause de maladie dans le cadre de ce contrat première embauche. Cet amendement vise ainsi à empêcher tout licenciement qui se fonderait artificiellement sur un motif inavouable.

J'imagine que vous allez évoquer les articles L. 122-25 et L. 122-45 du code du travail. Hélas ! nous avons déjà des exemples. Citons le cas de cette secrétaire, qui, à son retour d'un congé maladie, s'est vu signifier son licenciement par simple lettre, sans qu'aucun motif soit donné. Pour en savoir plus, elle devra aller devant les prud'hommes. Il en ira ainsi chaque fois en cas de doute.

Selon vous, avec les contrats nouvelles embauches et première embauche, nous devions éviter que les licenciements ne soient contestés et ainsi freiner l'augmentation du nombre des recours devant les prud'hommes. Or c'est le contraire qui se produira, le salarié, placé dans une situation délicate, ayant à prouver qu'il a fait l'objet d'une discrimination pour cause de maladie.

Au-delà de ces situations banales, j'attire spécialement votre attention, mes chers collègues, sur le cas des travailleurs placés dans des milieux sensibles, tels les milieux amiantés.

Vous savez que les employeurs des personnes chargées du désamiantage ou des ouvriers de second oeuvre, par exemple les électriciens, sont responsables des conditions d'emploi de ceux-ci. Mais qui dit qu'à la première toux suspecte à l'origine indéterminée, ils ne s'en débarrasseront pas ?

La rotation des effectifs en milieux contaminés pour des raisons de pénibilité liées aux contraintes de protection pourrait fort bien, avec votre loi, se muer en rotation des embauches.

Ce texte, sous prétexte d'introduire plus de souplesse, préfigure une société de compétition acharnée dans laquelle les moins rentables, le fussent-ils transitoirement, seront tenus à l'écart du droit du travail.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur de la commission des affaires sociales. L'article L. 122-45 du code du travail dispose que personne ne peut être licencié en raison de son état de santé. Il faut de nouveau rappeler que la charge de la preuve, contrairement à ce que j'ai entendu dire, appartient en la matière à l'employeur, qui devra prouver que le licenciement a été prononcé pour d'autres motifs que la maladie. Il devra alors non seulement fournir un motif, mais encore justifier sa décision devant les tribunaux, à qui nous pouvons faire confiance pour traquer les motifs discriminatoires dans ce cas comme dans d'autres.

Le code du travail s'applique totalement au CPE, je ne cesse de le répéter.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement et souscrit à l'observation de M. le rapporteur.

S'agissant de l'amiante, sur lequel le Sénat et l'Assemblée nationale ont, l'un et l'autre, rendu un rapport, je rappellerai que, pour notre part, nous avons multiplié par dix le nombre des contrôles, notamment dans les entreprises de désamiantage, où nous avons relevé un nombre significatif de problèmes.

Nous avons institué une visite médicale préalable à l'embauche dans ces entreprises qui exercent une difficile mission et nous préparons actuellement un décret - nous avions dit que nous attendrions les deux rapports parlementaires - pour fixer de manière plus exigeante les conditions du désamiantage. La situation des salariés n'exerçant que des missions temporaires - qu'il s'agisse d'un CDD ou d'un contrat d'intérim - fera l'objet d'une attention tout à fait particulière dans le cadre de ce décret.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 449, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Après le dixième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut conclure un nouveau "contrat première embauche" pendant une durée d'un an après la rupture dudit contrat, pour occuper le même poste ou les mêmes fonctions dans l'entreprise.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement vise le cas de la rupture de contrat à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années. Celui-ci ne pourrait conclure un nouveau contrat première embauche pendant une durée d'un an, après la rupture dudit contrat, pour occuper le même poste ou les mêmes fonctions dans l'entreprise.

On imagine facilement le cas d'une entreprise qui réduirait son activité pendant l'été, un peu comme le Parlement.... Il serait tentant pour elle d'embaucher un salarié par le biais d'un CPE en octobre, de le licencier en juin et de le réembaucher ensuite en septembre ou en octobre.

Je propose donc de porter la période durant laquelle il est interdit d'embaucher en CPE après avoir licencié la même personne de trois mois à un an.

Vous connaissez peut-être l'exemple de ces trois jeunes femmes embauchées en CNE dans la même boutique de prêt-à-porter à la veille de l'ouverture des soldes. Elles ont toutes les trois été licenciées sans motif le dernier jour. Il est manifeste que leur employeur ne comptait pas pérenniser leur emploi au-delà de cette période de liquidation. En utilisant le CNE à la place d'un CDD - il en irait de même avec un CPE - cet employeur s'est affranchi du respect des cas de rupture possible pour un CDD - faute grave, force majeure, consentement des deux parties - et, surtout, de l'obligation de verser une prime de précarité de 10 %.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement, qui est identique à l'amendement n° 663.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement n'est pas favorable à cet amendement.

Nous avons déjà évoqué ce matin l'abus de droit, mais vous nous faites là une présentation bien manichéenne des relations entre salariés et employeurs,...

M. Guy Fischer. Ah non !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...les uns et les autres s'affrontant, y compris sur le plan procédural.

Je tiens à vous dire que les chambres syndicales territoriales de la métallurgie ont appelé l'attention de l'ensemble des entreprises adhérentes pour éviter le détournement du CNE et « veiller à l'utilisation loyale de ce nouveau contrat, dont le principe est favorable au développement de l'activité ».

La rupture du contrat, par exemple à la fin d'une période de congés payés, serait en contradiction avec le caractère à durée indéterminée du contrat nouvelles embauches. (MM. Jean-Luc Mélenchon et David Assouline s'exclament.)

Vous faites aussi allusion aux variations saisonnières de l'activité. C'est pourquoi nous avons prévu un délai de carence. Madame Blandin, je le répète, le CNE n'a pas vocation à pourvoir des emplois saisonniers. Dans un tel cas, nous nous trouverions face à un abus de droit. J'ai déjà eu l'occasion d'aborder cette question lors de nos débats relatifs à l'agriculture.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 658, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Le onzième alinéa du II de cet article est ainsi rédigé :

En cas de rupture du contrat, à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau « contrat première embauche » entre le même employeur et le même salarié. Tout nouveau contrat conclu avec le même salarié doit être un contrat à durée indéterminée de droit commun.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Quelque peu honteux de son CPE et de son passage en force sur l'ensemble d'un texte intervenant en écho aux problèmes soulevés à l'occasion des événements de novembre dernier dans nos banlieues, le Gouvernement, aidé en cela par les députés de sa majorité, a tenté de renvoyer sur les parlementaires de gauche la responsabilité de l'enlisement du texte. Nous en sommes pourtant bien incapables ! (Rires sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Mais oui, ne riez pas !

M. Guy Fischer. La lecture du Journal officiel montre qu'il n'en est rien et que les nombreuses heures passées à examiner l'article relatif au CPE, lequel fait tout de même trois pages et modifie substantiellement le code du travail, se justifiaient pleinement.

Une telle lecture permet également de mesurer les tentatives d'esquives, les tergiversations de certains ministres pour éviter de répondre aux questions gênantes et précises qui leur ont été posées.

Au moins, l'examen de l'amendement du Gouvernement et des sous-amendements de l'opposition, auxquels j'ajoute ceux de l'UDF, aura permis de révéler la vraie nature du CPE, redoutablement dérogatoire et précaire, et ainsi d'écorner définitivement le vernis social du présent texte.

M. Larcher a dû lâcher que « le contrat première embauche n'est pas nécessairement le premier ». Il a été contraint d'avouer qu'un jeune de moins de vingt-six ans, embauché dans ce cadre, puis licencié, peut à nouveau signer un autre CPE avec un autre employeur, ou même plusieurs successivement, sans autre limitation que celle de l'âge, et qu'un employeur qui licencie un jeune en CPE peu le remplacer par un autre jeune en CPE.

Autant dire, mes chers collègues, que la démonstration a été faite que ce contrat est prévu pour se transformer dans ces deux premières années en CDD à répétition, à la plus grande satisfaction du MEDEF, toujours en quête...

M. Didier Boulaud. De chair fraîche !

M. Guy Fischer. ...de nouveaux avatars de la précarité au travail.

Plaçons-nous un instant du côté des employeurs. Si les CDD sont une bonne formule, ils présentent toutefois quelques inconvénients. Normalement, ils ne peuvent être utilisés de manière constante par l'entreprise pour pourvoir des postes permanents. Les cas de recours sont limitativement énumérés. En outre, l'employeur risque la requalification des CDD en cas d'abus.

Alors, le CPE est nettement mieux en apparence,...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C'est vrai !

M. Guy Fischer. ...dans la mesure où il présente pour l'employeur l'avantage de ne pas avoir à justifier au salarié sa décision de licenciement et qu'il n'est assorti d'aucun garde-fou contre les substitutions d'emploi, les renouvellements successifs et indéfinis de CPE.

Pour éviter les abus de CPE, notre amendement tend à revenir à l'objectif théoriquement visé par ce contrat et à la volonté affichée de ses créateurs : « l'accession à un emploi stable ».

M. Didier Boulaud. Un vaccin anti-CPE !

M. Guy Fischer. Nous posons une règle simple : « En cas de rupture du contrat sur l'initiative de l'employeur au cours des deux premières années, il ne peut être conclu un nouveau CPE entre l'employeur et le même salarié ».

M. Robert Bret. C'est le bon sens !

M. Guy Fischer. Nous admettons toutefois une dérogation à cette règle. La relation contractuelle pourra se continuer entre l'employeur et l'ex-titulaire du CPE, à une condition : dans l'esprit du rapport de M. Proglio recommandant aux entreprises de nouer avec leurs salariés une relation pérenne, nous préconisons que cela ait lieu dans le cadre d'un contrat à durée indéterminée.

Voilà, mes chers collègues, un amendement de fond auquel nous sommes très attachés et qui devrait emporter votre adhésion. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La commission n'est pas du tout honteuse. Elle n'est pas d'accord avec les remarques que notre collègue a formulées dans son intervention, que l'on pouvait plutôt assimiler à des propos d'ambiance.

M. David Assouline. C'était intéressant !

M. Alain Gournac, rapporteur. Dans le cadre d'une évolution des perspectives de croissance liées à un projet, le réembauchage d'un salarié en CPE précédemment licencié peut se justifier.

Pour éviter les abus et les détournements, l'article 3 bis impose un délai de trois mois entre deux embauches.

Le régime juridique du CPE présente sur ce point, comme sur d'autres, l'alliance cohérente de souplesse et d'encadrement, dont nous évaluerons l'efficacité à la fin de 2008.

M. René-Pierre Signé. Vous ne serez plus là en 2008 !

M. le président. Cela, vous le savez, c'est difficile à dire ! L'essentiel, c'est que nous soyons aussi immortels que vous à Château-Chinon, monsieur Signé !

M. Josselin de Rohan. Cela fera un deuxième immortel à Château-Chinon ! (Sourires.)

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ce que nous souhaitons, c'est l'immortalité du contrat ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. David Assouline. On l'abrogera !

M. Jean-Luc Mélenchon. La mort subite !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Au-delà de la phase de consolidation, le contrat première embauche doit aller vers un contrat à durée indéterminée classique.

Entamer un processus débouchant sur autre chose que des CDD à répétition, des intérims d'une durée moyenne inférieure à quinze jours, tel est bien l'objectif que le Gouvernement se fixe au travers du contrat première embauche, afin de lutter contre la précarité et la précarisation permanente. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Cet objectif s'inscrit dans le droit-fil du rapport que vous avez cité d'Henri Proglio. Ce dernier propose d'exonérer les entreprises de cotisations d'assurance chômage pendant la première année suivant l'embauche de jeunes.

Nous proposons, pour notre part, - et nous aurons l'occasion d'en débattre - une exonération de ces cotisations pendant une durée de trois ans pour tous les jeunes qui sont au chômage depuis plus de six mois, afin de donner une forte impulsion et permettre à cette catégorie de la population d'entrer enfin dans l'emploi.

Compte tenu du principe et des objectifs de l'ensemble du dispositif du CPE que je viens de rappeler, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. David Assouline. La précarité, c'est la norme !

M. le président. Le vote est réservé.

Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 170 rectifié est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 507 rectifié est présenté par M. Vanlerenberghe et les membres du groupe Union centriste - UDF.

L'amendement n° 657 est présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Après les mots :

le même salarié

supprimer la fin du onzième alinéa du II de cet article.

La parole est à M. Roland Courteau, pour défendre l'amendement n° 170 rectifié.

M. René-Pierre Signé. C'est un amendement d'anthologie !

M. Roland Courteau. Toute la fausseté de l'expression « contrat première embauche » est contenue dans ce membre de phrase dont nous demandons la suppression. Un deuxième contrat première embauche pourra être passé entre un même employeur et un même salarié, pourvu qu'un délai de carence de trois mois soit respecté.

En clair, si un salarié sous CPE a donné satisfaction, il sera possible de le licencier à la fin du mois de juin, pour le réembaucher en octobre, après le creux des vacances. Entre les deux dates, le salarié percevra son indemnité de précarité de 8 % et, s'il a travaillé au moins quatre mois, il sera à la charge du fonds national pour l'emploi, le FNE, pendant deux mois. Le troisième mois, il déposera une demande d'aide au bureau d'aide sociale ou bien sollicitera le revenu minimum d'insertion s'il a atteint l'âge de vingt-cinq ans. Il obtiendra un secours d'urgence, puis retournera travailler chez le même employeur. Il pourra ensuite recommencer le processus avec le CNE.

Il est évident que tous les employeurs n'agiront pas ainsi. Mais combien seront tentés de le faire, en cas de difficultés passagères, ou simplement de creux d'activité ? (Eh oui ! sur les travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon. Allons donc !

M. Roland Courteau. Et, dans ce cas, combien de fois pourront-ils répéter le mouvement ?

Nous voilà fort éloignés de la présentation que fait le Gouvernement du contrat première embauche en tant qu'introduction au CDI ! Ce n'est absolument pas cela ! Il s'agit d'un contrat autonome par rapport au CDI.

On voit nettement que le CPE a vocation à être rompu avant la fin de la période de deux ans. Il sera momentanément interrompu, à la convenance de l'employeur, et repris ensuite, exactement selon le système des missions d'intérim, sans qu'il y ait nécessité de rétribuer l'entreprise de travail temporaire.

Machine de guerre contre le CDD, le contrat première embauche est aussi un instrument de rationalisation pour l'employeur qui fait appel au personnel intérimaire. Les organisations professionnelles des entreprises de travail temporaire l'ont d'ailleurs fort bien compris et s'inquiètent de cette évolution.

Il est donc visible que, là encore, tout comme le CNE, le CPE participe à la baisse du coût du travail. En l'occurrence, l'emploi de ce terme de « coût » se justifie pleinement puisqu'il ne s'agit pas uniquement de la seule baisse des salaires. Le raisonnement consiste à frapper la rétribution de l'intermédiaire pour diminuer les frais de l'entreprise.

En conclusion, je dirai toute notre perplexité devant la dénomination d'un contrat dit « première embauche », alors qu'il peut recouvrir des embauches successives, y compris chez le même employeur. Il ne s'agirait donc plus d'une première embauche ni pour le salarié ni même pour l'employeur, mais d'un simple CDD sans terme fixé ni cause de rupture. Voilà ce qu'est le CPE ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour présenter l'amendement n° 507 rectifié.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. L'objet de cet amendement est d'interdire la signature de deux CPE consécutifs entre un même employeur et un même salarié.

Lors de la discussion générale, j'avais posé la question de savoir si, avec le CPE, on avait affaire à un CDI, assorti d'une période d'essai un peu longue à notre gré, ou à un CDD modulable sur deux ans.

Monsieur le ministre, vous avez répondu à plusieurs reprises que le CPE était un CDI, affecté d'une période de consolidation de deux ans.

Mais le texte permet le renouvellement du CPE après trois mois de rupture. De ce fait, on peut craindre une utilisation abusive du CDI, transformé en CDD. Il y a là une incohérence. Un employeur peut rompre un contrat. Dans le cadre d'un CDI, quand il le fait, c'est en général parce qu'il n'est pas satisfait des services de la personne qu'il avait embauchée.

En vertu de ce que vous avez dit, un même employeur ne devrait pas pouvoir conclure un autre CPE avec le même salarié. Dès lors qu'il y aurait interdiction de renouvellement d'un CPE avec le même salarié, les employeurs réfléchiraient à deux fois avant de le rompre.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je le répète, c'est une question de simple cohérence.

Monsieur le ministre, selon le célèbre vers de Boileau, ce qui se conçoit bien s'énonce clairement. (Divers commentaires sont échangés sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Ne vous laissez pas interrompre, mon cher collègue !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Je ne me laisse pas interrompre, monsieur le président. J'écoute les propos intéressants qui sont échangés dans cet hémicycle. Nous sommes bien là pour nous écouter les uns les autres, pour nous parler !

M. Charles Gautier. Il paraît que c'est interdit !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. C'est le rôle et la vertu du Parlement ; il me semble utile de le rappeler aujourd'hui.

Vous avez dit, monsieur le ministre, que vous ne souhaitiez pas que le code du travail, dont vous êtes en charge et qui est déjà difficile à interpréter, devienne, à force d'empilements de textes, incompréhensible. Il me semble que vous avez ici une bonne occasion de ne pas « en rajouter », si vous me permettez cette expression. Dites à vos collègues du Gouvernement que ce paragraphe de l'article 3 bis que nous souhaitons supprimer comporte une incohérence notable avec ce que vous-même défendez, c'est-à-dire un emploi à durée indéterminée. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Robert Bret, pour présenter l'amendement n° 657.

M. Robert Bret. Selon M. Dassault, « le CPE va conditionner l'avenir de l'emploi en France. Ou on l'accepte, et tout est possible, ou on le refuse, et c'est la fin de toute embauche, avec les délocalisations à la clé. »

Prétendant agir pour la bonne cause, messieurs les ministres, vous ne dérogez pas au code du travail, vous l'aménagez. Vous revisitez en profondeur l'équilibre de notre droit social, en ouvrant en son sein une brèche énorme pour la venue d'un contrat unique.

Cette démarche n'a rien de très moderne. Elle emprunte classiquement la voie des thèses néo-libérales, attribuant au code du travail la responsabilité du chômage. On connaît !

Si vous innovez, c'est dans l'importance des coups portés : licenciement sans motif, délai de carence réduit à trois mois alors qu'il est d'une durée de six mois en général et de douze mois en cas de licenciement économique...

En prévoyant qu'en cas de rupture du contrat à l'initiative de l'employeur, au cours de la fameuse période de consolidation, un nouveau contrat pourra être conclu à la seule condition qu'un délai de trois mois sépare la rupture du premier CPE d'un second, vous ouvrez largement aux entreprises la possibilité de multiplier et de renouveler les CPE, au détriment de la création de normes d'emploi de droit commun et de CDI.

Vous accréditez la thèse que nous défendons depuis le début de l'examen de ce texte, à savoir que vous visez la substitution d'emplois, le partage du temps partiel en temps très partiel, en résumé la généralisation de la précarité. Tel est l'objectif que vous vous êtes fixé, messieurs les ministres.

L'argument avancé par le Gouvernement quant à la diminution de la précarité pour les jeunes dans la mesure où, s'ils sont soumis à des CPE successifs, les périodes préalables seront déduites de la période de consolidation, n'est pas valable.

Vous affirmez la vraie nature du CNE, qui, comme le CPE, est un contrat à durée déterminée. Sinon, pourquoi prévoir un tel délai de carence, lequel, bien que n'étant qu'un alibi, est une des caractéristiques des CDD ?

Refusant de cautionner cette hypocrisie, nous préconisons avec force l'interdiction que plusieurs CPE conclus entre le même employeur et le même salarié puissent se succéder.

C'est le sens de cet amendement que nous vous appelons à voter, mes chers collègues. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Je répète qu'il ne faut pas exclure le réembauchage d'un salarié licencié alors qu'il était employé sous le régime du CPE.

C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Vanlerenberghe, c'est bien pour assurer la pérennisation que nous souhaitons introduire ce dispositif comprenant une phase de consolidation dont la durée, de vingt-quatre mois au maximum, peut être réduite, notamment par la prise en compte des contrats de professionnalisation, des formations en alternance, des CDD, de l'intérim, des stages effectués en entreprise et autres formes de contrats.

Cela dit, j'en viens au souhait commun des auteurs des trois amendements qui est d'interdire la possibilité de signer un nouveau CPE avec le même salarié.

Je crois qu'en la matière il faut avoir présent à l'esprit une certaine logique économique. L'entreprise n'a vraiment pas intérêt à investir dans un jeune, à miser sur lui pour ensuite s'en séparer.

M. Roland Courteau. Tu parles !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Se séparer d'un salarié en CPE n'est pas sans coût pour l'entreprise : il y a l'indemnité de 8 % plus 2 %, l'engagement sur la formation des salariés, le délai de carence et le risque de se voir opposer l'abus de droit. Monsieur Vanlerenberghe, un certain nombre de dispositifs répondent déjà à votre souhait d'encourager l'entreprise à garder le salarié, parce que c'est son intérêt. Encore faut-il, naturellement, que son activité reste au niveau prévu.

La deuxième actualisation de l'enquête Fiducial parue voilà vingt-quatre heures montre que 17 % des 300 entreprises, choisies à partir d'un échantillon qui en comptait 1 320 et qui ont conclu au moins un contrat nouvelles embauches n'avaient aucun salarié alors que 10 % d'entre elles n'avaient jamais fait la démarche d'en recruter un seul.

C'est bien la preuve que libérer un certain nombre de freins à l'embauche peut avoir des conséquences positives sur l'emploi. Naturellement, leur évaluation, en ce qui concerne tant le contrat nouvelles embauches que le contrat première embauche, demandera du temps, et nous aurons peut-être l'occasion d'y revenir ensemble et d'examiner si, réellement, le dispositif que nous mettons en place et qui a vocation à susciter de nouveaux emplois, à faciliter la pérennisation de l'emploi des jeunes, répond bien aux objectifs que nous nous fixons. Jean-Louis Borloo le soulignait au cours de la discussion générale, rien ne nous interdira alors de revenir devant la représentation nationale et de répondre à ses suggestions pour corriger les éventuelles insuffisances. Car notre objectif est bien l'emploi et l'entrée dans l'emploi, notamment, des jeunes.

M. le président. Le vote est réservé.

M. Roland Courteau. Le ministre ne nous a pas répondu ! Il n'a pas donné son avis !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 171 est présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 665 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le onzième alinéa du II de cet article, remplacer les mots :

de trois mois

par les mots :

d'un an

La parole est à Mme Gisèle Printz, pour présenter l'amendement n° 171.

Mme Gisèle Printz. Nous présentons cet amendement, qui n'est qu'un amendement de repli, en espérant qu'il retiendra l'attention du Sénat.

En effet, si le délai de carence de trois mois permet toutes les dérives, un délai d'un an peut permettre qu'un jeune salarié qui a quitté une entreprise y revienne, après avoir reçu un complément de formation ou être passé par une autre entreprise, sans que la précarité de sa situation soit aggravée.

Bien entendu, il conviendrait alors que l'ancienneté dans le CPE soit comptée depuis l'origine.

M. le président. La parole est à M. Bernard Vera, pour présenter l'amendement n° 665.

M. Bernard Vera. Le quatorzième alinéa de l'article 3 bis prévoit que : « en cas de rupture du contrat de travail à l'initiative de l'employeur, au cours des deux premières années, il ne peut être conclu de nouveau contrat première embauche entre le même employeur et le même salarié avant que ne se soit écoulé un délai de trois mois à compter du jour de la rupture du précédent contrat ».

Notre amendement vise à allonger ce délai en le portant de trois mois à un an.

Au vu de la facilité avec laquelle il sera possible pour les employeurs de licencier leur personnel, on peut craindre que l'anticipation d'une baisse des ventes, un durcissement des relations avec un fournisseur ou, pourquoi pas, une hausse du prix du pétrole, n'incite un employeur à licencier son salarié. Redoutant cela, les auteurs de l'article 3 bis veulent par cet alinéa contraindre les patrons à mûrir quelque peu leur décision en les obligeant à respecter un délai de trois mois avant la réintégration de la personne licenciée sur son poste.

Comment accepter une telle fragilisation des rapports sociaux ? Comment, surtout, ne pas condamner une telle inégalité dans les relations entre l'employeur et le salarié ? Dans ces conditions, les jeunes ne peuvent évidemment pas vous croire lorsque vous présentez le CPE comme un moyen pour faciliter leur intégration dans la vie sociale et professionnelle.

Il nous semble que ce délai doit être porté à un an au minimum pour que le salarié ne puisse pas être embauché, puis jeté sans aucune considération à quelques mois d'intervalle.

Les premières plaintes devant les tribunaux renforcent notre conviction. Il n'aura pas fallu attendre plus de six mois pour qu'un tribunal prud'homal, celui de Longjumeau, dans l'Essonne, condamne une PME pour rupture abusive de CNE. C'est la première de ce genre, mais elle en annonce déjà un nombre important. En effet, les services juridiques des différents syndicats sont submergés de demandes de conseil ou, tout simplement, de témoignages de licenciements abusifs.

À trop vouloir déréglementer le monde du travail, le Gouvernement crée des situations d'incompréhension juridique et de malaise social sans précédent.

La protection des travailleurs n'est évidemment pas une entrave au bon fonctionnement de l'économie ni à la croissance ; au contraire, elle les garantit. Il faut donc limiter les effets de cette politique, qui donne tous les pouvoirs aux employeurs sans prévoir les moyens de les contraindre. Tel est l'objet de cet amendement. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Le délai de trois mois entre deux embauches du même salarié a été calculé afin d'éviter que le CPE ne soit détourné de son objectif sans pour autant empêcher le réemploi d'un salarié quand l'évolution des perspectives de l'entreprise le justifie.

À cet égard, il faut rappeler que, dans le cas d'une évolution des perspectives de croissance liée à la mise en oeuvre d'un projet, le réembauchage d'un salarié en CPE précédemment licencié peut être justifié.

Cette disposition illustre bien que, ainsi que je l'ai souligné à plusieurs reprises, le CPE est une combinaison cohérente de souplesse et d'encadrement.

La commission est donc défavorable à ces deux amendements.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je me suis déjà exprimé sur ce sujet. J'apporterai cependant une précision : si un salarié venait à quitter l'entreprise et devait y retourner six, huit ou dix mois après, son premier contrat serait évidemment décompté de la phase de consolidation. Tout contrat effectué dans l'entreprise ne serait donc pas forclos par rapport à la phase de consolidation.

L'avis du Gouvernement est défavorable.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 442, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Après le onzième alinéa du II de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

À l'expiration du contrat première embauche il ne peut être recouru, pour pourvoir le poste du salarié dont le contrat a pris fin, à un autre contrat première embauche avant l'expiration d'une période égale au tiers de la durée de ce contrat, renouvellement inclus.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement traite non pas du licenciement pendant le CPE, comme l'amendement n° 449, mais de l'expiration du contrat première embauche.

Il s'agit ici d'appliquer un délai de carence pour que les CPE ne se succèdent pas indéfiniment sur le même poste, permettant ainsi de dispenser l'entreprise d'embaucher en CDI normal. Sans cette précaution minimale, vous risquez, au lieu d'aider à l'embauche des jeunes, d'inciter les employeurs à licencier à la fin de chaque CPE. Si vraiment vous vous préoccupez de l'entrée progressive des jeunes dans l'entreprise, il faut empêcher que l'on ne substitue à l'infini un CPE à un autre. Sinon, que vont devenir les ex-CPE, à vingt-six ans ? Ils seront concurrencés par leurs cadets qui prendront leur place, tout comme aujourd'hui les chercheurs d'emploi sont pénalisés par les abus de stages. Il faut donc absolument mettre un terme à ce moins-disant social permanent.

Vous affirmez que la première idée d'un employeur n'est pas, après une embauche, de se débarrasser de celui qui travaille pour lui. Nous pourrions vous entendre si l'employeur n'y trouvait aucun avantage. Mais s'il pratique le turn-over, le renouvellement régulier, il inscrit dans la durée la possibilité totale de licencier sans motif. Cela correspond à une demande forte du MEDEF ! Il est du rôle du Parlement d'empêcher cette dérive.

Vous avez, monsieur le ministre, qualifié de manichéenne notre vision des choses. Cependant, le rôle de la loi est, je crois, non pas de prédire ce qui va se passer, mais d'envisager une réponse à chaque éventualité. Quand on prévoit une vitesse que ne doivent pas dépasser les véhicules en ville, on ne considère pas tous les automobilistes comme des chauffards en puissance, mais c'est la connaissance des drames qui conduit à les prévenir par des restrictions, tout comme la bonne conduite de l'employeur ne saurait être un usage opportuniste du texte au-delà même de son sens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste ainsi que sur quelques travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Les précautions nécessaires sont prises à l'article 3 bis pour éviter que le CPE ne soit détourné de son objet. Si cela devait néanmoins se produire, et cela pourra toujours être le cas, quels que soient les ajouts que l'on introduira dans la loi, il y aura abus.

Les tribunaux répriment les abus ; c'est leur rôle. La loi ne peut saisir la totalité des comportements humains.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous ne pouvons que partager l'analyse du rapporteur !

M. Roland Muzeau. « Analyse », c'est un bien grand mot !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Blandin, vous avez mentionné l'expiration du CPE. Je le répète, il ne saurait en être question puisque le CPE est un CDI et qu'à la différence du CDD il ne comporte pas de terme.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 172, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz, Demontès, Alquier, San Vicente et Schillinger, MM. Cazeau, Madec, Bel, Assouline et Bodin, Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche, Mélenchon, Peyronnet, Repentin, Ries, Sueur et Frimat, Mmes Tasca, Voynet et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le douzième alinéa du II de cet article, après les mots :

peut bénéficier

insérer les mots :

du plan de formation prévue à l'article L. 932-1 du code du travail et

La parole est à M. Roger Madec.

M. Roger Madec. Il s'agit à nouveau d'un amendement de précision.

Lorsqu'un salarié est embauché en CDI dans une entreprise, il doit normalement bénéficier du plan de formation, si toutefois il en existe un dans cette entreprise. Le CPE étant un contrat de travail conclu sans détermination de durée, il est, semble-t-il, assimilable au CDI, en dehors des modalités de rupture, qui ont déjà été abondamment évoquées.

Si, comme on nous l'affirme, le jeune embauché en CPE a vocation à rester dans l'entreprise après ses deux ans de probation, il doit pouvoir bénéficier du plan de formation. L'article L. 932-1 du code du travail indique d'ailleurs très clairement que les actions de formation réalisées dans ce cadre « participent au maintien dans l'emploi ». Dans le cas présent, on ne saurait mieux dire !

Notre amendement a donc pour objet que le jeune se voie expressément reconnu le droit d'acquérir le complément de formation qui lui permettra peut-être de demeurer dans l'entreprise et d'y acquérir davantage de compétences opérationnelles.

Nous souhaitons entendre le point de vue du Gouvernement sur ce point, ce qui nous permettra aussi de mieux déterminer dans quelle mesure le CPE a bien vocation à déboucher sur un CDI.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Le droit à la formation du salarié en CPE est assuré dans le cadre de l'article L. 933-1 du code du travail, relatif au droit individuel à la formation. Nous souhaitons cependant demander au ministre de nous confirmer que le salarié en CPE relève du plan de formation de l'entreprise dans les mêmes conditions que les autres.

Sous réserve des précisions qui nous seront apportées, l'avis de la commission est défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Il s'agit en effet d'un point important.

Votre amendement, monsieur Madec, est déjà satisfait.

Tout d'abord, aux termes de l'article L. 932-1, qui figure au chapitre du code du travail intitulé « Du plan de formation de l'entreprise », tout bénéficiaire d'un CDI, et le titulaire d'un contrat première embauche est dans ce cas, peut prétendre aux actions comprises dans le plan de formation de l'entreprise.

Dans le chapitre suivant, « Du droit individuel à la formation », l'article L. 933-1, que vous évoquiez à l'instant, monsieur le rapporteur, prévoit des droits plus importants que dans les autres formes de contrat. En effet, le droit individuel à la formation instauré dans la loi du 4 mai 2004, issue de l'accord interprofessionnel de décembre 2003, est effectif à la fin de la première année. Or, avec le contrat première embauche, c'est dès la fin du premier mois que naît ce droit individuel à la formation.

Comme pour les indemnités de cessation de contrat, vous constatez que la situation est sur ce point plus avantageuse avec le CPE que dans le cadre du CDI. C'est là un des éléments de sécurisation du parcours professionnel qu'introduit le contrat première embauche.

C'est donc, monsieur le rapporteur, à la fois du plan de formation et du congé individuel de formation que bénéficiera le titulaire d'un CPE.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 505, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Compléter le II de cet article par un alinéa ainsi rédigé:

Pendant les deux premières années courant à compter de la date de la conclusion du contrat, l'employeur effectue avec le salarié un bilan d'étape semestriel.

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. L'amendement n° 505 a pour objet d'institutionnaliser un bilan d'étape semestriel entre l'employeur et le salarié stagiaire titulaire d'un CPE durant la période de consolidation.

S'il n'est pas question que le jeune en CPE ne puisse avoir connaissance des motifs de la rupture de son contrat, de même il nous semble indispensable qu'il puisse savoir si son employeur est satisfait de son travail au cours de cette période de consolidation.

Ainsi, un entretien d'évaluation périodique nous paraît nécessaire pour que le jeune en CPE puisse, le cas échéant, s'améliorer dans le but de rester, bien sûr, dans l'entreprise.

Nous espérons que l'objectif du CPE est bien de mettre tout en oeuvre afin de répondre durablement au problème du chômage des jeunes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. L'idée d'un bilan d'étape semestriel est a priori pertinente. Faut-il cependant inscrire dans la loi une disposition susceptible d'apparaître à l'usage un peu formelle et décevante ? En effet, la période de consolidation n'est pas une période d'essai ni une période probatoire au cours de laquelle il est utile de faire régulièrement le point sur la qualité du travail fourni.

La période de consolidation est une période au cours de laquelle se vérifie la pertinence d'un projet économique auquel l'embauche du salarié est liée. Ce n'est pas la personnalité du salarié qui est d'abord en cause, c'est la viabilité d'un projet économique en train de se construire.

La commission souhaiterait entendre l'avis du Gouvernement sur ce point, elle s'en remettra néanmoins à la sagesse du Sénat.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame le sénateur, vous évoquez un sujet que nous avons déjà abordé, mais je souhaite y revenir un instant sous l'optique du tutorat.

En effet, le tutorat fait partie des propositions des partenaires sociaux et de l'accord interprofessionnel conclu en octobre dernier concernant les seniors. Dans le cadre de l'article 5 de l'accord transmis au Gouvernement, les partenaires sociaux demandent de prendre un certain nombre de dispositions visant à favoriser ce tutorat et consacrées notamment à l'accompagnement des jeunes dans l'entreprise.

Nous avons eu trois séries de réunions avec les partenaires sociaux pour la préparation du plan « seniors », qui déclinera l'accord interprofessionnel sur les seniors et qui sera présenté à la fin du mois de mars. D'un commun accord, nous avons retenu le tutorat comme un des éléments d'aménagement de l'activité des seniors dans l'entreprise pour lequel un certain nombre de dispositions contractuelles seront prises.

Par ailleurs, j'ai confirmé ce matin, en répondant aux préoccupations exprimées par M. le président de la commission et par M. le rapporteur, la mise en place, dans le cadre du service public de l'emploi, de l'accompagnement personnalisé vers l'emploi, qui sera à la fois un bilan et un accompagnement dans les premiers mois, car nous voyons bien que c'est à cette période que se produisent les ruptures et les difficultés.

Par conséquent, cet accompagnement se fait au bénéfice du jeune salarié et parfois également au bénéfice de l'entreprise. En effet, quand certains chefs d'entreprise n'ont plus de salarié depuis longtemps ou n'ont jamais eu de salarié, ils ont parfois besoin que le service public de l'emploi réponde à leurs questions.

Nous avons donc, Jean-Louis Borloo et moi-même, demandé au service public de l'emploi, notamment à l'Agence nationale pour l'emploi de préparer ce dispositif. Nous le présenterons à la commission dès qu'il sera prêt, parallèlement au décret portant mise en oeuvre du contrat première embauche.

Madame le sénateur, nous répondons ainsi à vos préoccupations par un double dispositif : d'une part, par le tutorat qui sera reconnu comme tel dans le plan « seniors » et, d'autre part, par cet accompagnement personnalisé vers l'emploi.

En conséquence, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 659, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer le III de cet article.

La parole est à M. Roland Muzeau.

M. Roland Muzeau. Même un amendement qui n'a strictement aucune portée, le Gouvernement n'en veut pas. C'est quand même fort !

Le paragraphe III de l'article 3 bis traite notamment du régime spécifique d'indemnisation du chômage, dont relèveront les salariés sortant d'un CPE.

Conscient tout de même que ce contrat atypique d'un nouveau genre proposé à l'ensemble des jeunes était effectivement critiquable dans la mesure où il était hors cadre du droit commun, excluant toutes les garanties, si minimes soient-elles, applicables notamment en matière de licenciement, le Gouvernement s'est employé à vanter d'autres aspects particuliers du CPE.

Ainsi, comme le Locapass - dispositif facilitant l'accès au logement - ou les droits reconnus à la formation, l'indemnisation à laquelle ce contrat ouvre droit est présentée comme un atout supplémentaire, une innovation majeure contrebalançant en quelque sorte la précarité bien réelle par ailleurs imposée.

Quelles que soient les précautions prises par le Gouvernement que vous soutenez sans broncher, mes chers collègues, une lecture attentive du texte permet de relativiser les supposées avancées qu'il contient.

Le droit individuel à la formation requérant l'accord de l'employeur à raison de vingt heures par an existe déjà pour les salariés en CDI. Vous avancez simplement le délai d'ouverture du droit à un mois d'ancienneté.

S'agissant de la sécurisation du parcours d'accès au logement, le texte se contente de prévoir que l'employeur est tenu d'informer son salarié des dispositifs existants accordant une garantie et une caution de loyer. Encore faut-il que lesdits dispositifs puissent absorber tous les bénéficiaires potentiels du CNE, mais aussi que la durée de dix-huit mois pendant laquelle, gratuitement, les échéances de loyer peuvent être payées au propriétaire, soit adaptée à l'incertitude que fait peser sur le salarié, d'une part, le fait que durant vingt-quatre mois son contrat peut être rompu et, d'autre part, le fait qu'à l'issue de ces deux ans rien ne lui garantit la transformation en CDI.

S'agissant enfin des droits à indemnisation chômage et au bénéfice de la convention de reclassement personnalisé, là encore, ce qui semble vous convenir, ne saurait nous satisfaire.

En effet, mes chers collègues, l'allocation forfaitaire versée durant deux mois, c'est évidemment mieux que rien. Reste que, dans son montant - 16,40 euros par jour au lieu de 25,01 euros pour l'allocation de base du régime de droit commun d'indemnisation chômage - et dans sa durée - deux mois au maximum au lieu de sept -, cette allocation est sensiblement inférieure à l'allocation minimale des ASSEDIC.

Reste surtout que les jeunes salariés aux parcours chaotiques, éjectés de l'entreprise avant d'avoir travaillé suffisamment longtemps - quatre mois en CPE ou enchaînant des CPE de courte durée - demeureront, pour les uns, exclus du dispositif de l'allocation forfaitaire et, pour les autres, maintenus en marge du système d'assurance chômage, dont relèvent les autres salariés. Bref, ils seront exclus de la protection indemnitaire de droit commun en raison de leur âge et du type d'emploi précaire proposé, et ce alors même qu'ils cotisent dès le premier mois de travail.

Que dire, par ailleurs, du droit à une convention de reclassement personnalisé, dispositif dont on attend encore le bilan, mais qui est déjà largement torpillé par l'expérimentation du contrat de transition professionnelle, si ce n'est qu'il est lui aussi largement hypothétique.

Nous venons de voir toutes les limites de l'accord de décembre dernier sur l'assurance chômage, qui a, une fois de plus, écarté le sujet de l'amélioration de la couverture des situations de chômage aux primo-demandeurs d'emploi ou aux salariés précaires.

Nous voyons également toute l'hypocrisie de cet article sur le CPE, dit « projet le plus social jamais élaboré pour les jeunes » - excusez du peu ! - qui ne sécurise absolument pas la situation financière et juridique des personnes qu'il vise.

Dans ces conditions, le présent amendement de suppression se justifie pleinement.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement de suppression n'est pas compatible avec la position de la commission sur l'article 3 bis, qu'elle vous demande d'adopter.

Elle émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement partage l'avis de la commission, car la proposition formulée dans cet amendement reviendrait, d'une part, à supprimer l'allocation forfaitaire pour ceux qui ne peuvent avoir accès au régime d'assurance chômage parce qu'ils n'ont pas les six mois nécessaires et, d'autre part, à supprimer la convention de reclassement personnalisé.

Cette convention - et je ne parle pas du contrat de transition professionnelle - concerne aujourd'hui 40 000 personnes, dont certaines ont opté pour un reclassement personnalisé renforcé dans les bassins d'emploi qui connaissent des difficultés et des mutations extrêmement importantes.

Le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 173, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du III de cet article, remplacer le mot :

quatre

par le mot :

deux

La parole est à Mme Patricia Schillinger.

Mme Patricia Schillinger. Cet amendement vise à réduire la durée d'activité d'un salarié en CPE nécessaire à l'acquisition de droit à une allocation forfaitaire. Le projet de loi propose une durée de quatre mois, que nous demandons de réduire à deux mois.

L'extrême précarité dans laquelle seront maintenus ces jeunes salariés et le fait qu'ils ne disposent pas, avant vingt-cinq ans, de recours autre que la solidarité familiale impliquent qu'une allocation leur soit versée dès lors qu'ils ont travaillé pendant un laps de temps qui ne peut être qu'assez court.

En effet, un jeune risque d'accepter un emploi sous CPE parce qu'il ne peut obtenir un CDI ou qu'il croit ainsi avoir une solution plus durable qu'un CDD. Trois mois après, il est licencié et, si je ne me trompe, il n'aura droit à rien.

La condition d'indemnisation avec la nouvelle convention UNEDIC est qu'il ait travaillé au moins six mois au cours des vingt-deux derniers mois. Quel jeune de vingt et un ans qui a fait des études pourra avoir travaillé six mois au cours des vingt-deux derniers mois puisqu'il entre dans le monde du travail ?

Notre amendement, une nouvelle fois, met l'accent sur les difficultés pratiques que le CPE va causer aux jeunes et à leur famille.

Il est un simple contrat précaire de plus, et ce qui le démontre, c'est que les modalités d'indemnisation après, non pas une fin de contrat prévisible, mais un licenciement impromptu, sont calquées sur celles du CDD.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La période de quatre mois d'emploi nécessaire pour bénéficier d'une allocation forfaitaire en cas de licenciement semble adéquate.

Je précise que cette indemnisation offerte aux personnes n'ayant pas accès à l'assurance chômage est un apport du CPE. Il est justifié d'en subordonner l'octroi à l'existence d'une période de travail un peu significative.

La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je rappellerai d'abord que plus de 55 % des jeunes de moins de vingt-six ans inscrits à l'ANPE n'ont pas accès au régime d'assurance chômage...

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... et que ce pourcentage dépasse de 20 % la moyenne de l'ensemble des salariés.

En matière d'assurance chômage, le CPE apporte une grande innovation en créant ce régime d'allocation forfaitaire de deux mois doublé de la convention de reclassement personnalisé, car, jusque-là, il n'y avait aucune allocation forfaitaire. Le contrat première embauche apporte réellement une nouvelle garantie.

Nous ne pouvons pas vous suivre, madame Schillinger, parce que cette sécurisation que nous souhaitons apporter constitue une véritable avancée.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 174, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

A la fin du premier alinéa du III de cet article, remplacer les mots :

deux mois

par les mots :

six mois

La parole est à Mme Gisèle Printz.

Mme Gisèle Printz. Les raisons qui nous ont conduits à proposer la diminution de la durée d'activité permettant à un jeune en CPE de bénéficier d'une indemnisation après un licenciement nous amènent maintenant à demander une augmentation de la durée de cette indemnisation.

Je rappelle que la réception de la lettre de licenciement fait courir un préavis de quinze jours si le CPE a duré moins de six mois et d'un mois si le contrat a duré plus de six mois. Cela signifie qu'un jeune qui aura été embauché en février et licencié à la fin du mois de juin de la même année, au moment des vacances, bénéficiera, après son préavis de quinze jours, d'une allocation forfaitaire pendant deux mois parce qu'il aura eu un emploi pendant au moins quatre mois. En dessous de ces quatre mois, il aura un préavis de quinze jours et rien d'autre.

Pour les jeunes dépourvus d'une qualification professionnelle solide, c'est une véritable condamnation à aller d'emploi précaire en emploi précaire. Le CPE n'améliore pas leur situation : il l'aggrave. Et votre réaction lorsque nous demandons le tutorat ou l'accès automatique au plan de formation est explicite sur la manière dont vous envisagez leur avenir.

Pour les jeunes qui ont une formation, il ne s'agira au mieux que d'une expérience professionnelle courte, suivie d'une faible allocation à la sortie, le temps d'essayer de trouver un autre emploi.

Selon votre philosophie, plus l'allocation est modique et son versement limité dans le temps, plus le chômeur est incité à retrouver rapidement un emploi. Le problème est que, de façon implicite, vous ne vous situez plus dans le cadre du CDI. Pour ces jeunes qualifiés, vous créez un ersatz du contrat de mission que nous avions connu au moment du rapport Virville.

Sans que cela soit jamais dit, on évolue vers la généralisation et la succession des contrats précaires, en encerclant en quelque sorte le CDI jusqu'à en faire un élément résiduel du droit du travail, qui disparaîtra avec ses derniers détenteurs. Le CDI deviendra un objectif inatteignable, qui sera toujours remplacé par un autre type de contrat dont les caractéristiques principales seront la précarité, l'exonération de cotisations sociales pour l'employeur et la faiblesse des droits associés pour le salarié.

On comprend bien pourquoi le MEDEF ne tient pas à voir fondre tous ces dispositifs dans un contrat unique. La multitude des contrats offre des opportunités beaucoup plus intéressantes.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. L'allocation forfaitaire de deux mois quand le salarié licencié ne répond pas aux conditions d'ouverture de l'assurance chômage est une initiative coûteuse dont il n'est pas possible d'étendre la portée sans créer une surcharge pour les fonds de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour des raisons que j'ai déjà eu l'occasion de développer, le Gouvernement est également défavorable à cet amendement.

Le contrat première embauche n'a rien à voir avec le projet de contrat de mission que Michel de Virville proposait dans son rapport, au début de l'année 2004. Avec le CPE, il s'agit non pas d'un contrat à durée déterminée, mais bien d'un contrat à durée indéterminée.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 452, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Après le cinquième alinéa du III de cet article, insérer un alinéa ainsi rédigé :

Le fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi reçoit une contribution appelée « contribution de précarité », payée par les employeurs lors de la signature de chaque contrat de travail précaire, relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », d'un contrat prévu à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de moins de six mois, d'un contrat prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 212-4-3, ou d'un contrat première embauche créé par la présente loi. Cette contribution sera d'un montant inférieur dans les cas où les contrats de travail précaires énumérés ci-dessus sont transformés en contrat à durée indéterminée. Un décret en Conseil d'État définit les modalités de recouvrement et le montant de cette contribution, due à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

 

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Cet amendement porte sur le fonds de solidarité créé par la loi du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi.

Il est inquiétant de constater que les missions de ce fonds semblent s'étendre indéfiniment. Destiné à l'origine à l'allocation de solidarité spécifique, il a ensuite financé l'allocation forfaitaire de rupture d'un contrat nouvelles embauches, la prime de retour à l'emploi, la prime mensuelle et, maintenant, l'allocation de rupture d'un contrat de première embauche.

Dans le même temps, la subvention de l'État à ce fonds, inscrite au projet de loi de finances pour 2006, a été réduite. Or, à budget constant, a fortiori en cas de diminution, l'allocation forfaitaire pour les jeunes salariés victimes d'une rupture de CPE après au moins quatre mois de travail menacera finalement le bénéfice plénier des allocataires de l'allocation de solidarité spécifique. Ce fonds doit donc être abondé.

La plupart des embauches observées ces dernières années ne s'effectuent pas en emplois durables - contrats à durée indéterminée ou contrats à temps plein - mais en emplois précaires - CDD, temps partiel, CNE et aujourd'hui CPE. Ces contrats aggravant la précarité et le chômage, ils doivent être mis à contribution pour financer le fonds de solidarité.

Je propose toutefois que les employeurs qui transforment leur CNE ou CPE en CDI normal au bout de deux ans soient moins taxés que les autres.

Si la période de consolidation est une manière d'entrer progressivement dans le marché du travail normal, il est légitime de récompenser les entreprises qui jouent le jeu, donc de pénaliser financièrement celles qui abusent des emplois précaires.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. La création d'une contribution de précarité à la charge des employeurs recourant au CNE ou au CPE serait contraire au bon sens, qui voit dans ces dispositifs des modalités de lutte contre la précarité.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Madame Blandin, la contribution spécifique dont vous proposez la création est déjà prévue dans le projet de loi : c'est la contribution à la charge de l'employeur, qui est égale à 2  % de la rémunération brute et s'ajoute à l'indemnité de rupture.

Par ailleurs, certaines des questions que vous évoquez ont fait l'objet d'un débat entre les partenaires sociaux dans le cadre de la négociation de l'assurance chômage, le CPE n'étant pas concerné puisqu'il fait l'objet d'une dotation spécifique. Ces négociations ont permis de réaliser des progrès s'agissant des contrats à durée déterminée, de l'accès au congé individuel de formation-contrat à durée déterminée, le CIF-CDD.

Il est également prévu que les négociateurs de branches examinent les modalités selon lesquelles les salariés titulaires d'un contrat à durée déterminée pourront bénéficier d'une validation des acquis de l'expérience.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 508, présenté par MM. Mercier,  Vallet et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier paragraphe (IV) de cet article:

IV. - Le dispositif du « Contrat Première Embauche » est expérimenté pour trois ans. Les conditions de sa mise en oeuvre  et ses effets sur l'emploi feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. La reconduction du dispositif par la loi dépendra des conclusions de cette évaluation.

 

La parole est à M. André Vallet.

M. André Vallet. L'amendement n° 508 vise à faire du CPE un dispositif expérimental.

Comme vous l'avez rappelé à plusieurs reprises, monsieur le ministre, l'objectif principal du CPE est de permettre la création d'emplois et la baisse de l'insupportable chômage des jeunes, que nous déplorons tous.

Y parviendra-t-il ? Nous le souhaitons évidemment, mais, pour l'heure, nul ne peut répondre à cette question.

Le CPE est bâti sur le modèle du CNE, lequel, à en croire un rapport qui a été publié récemment, n'a pas fait la preuve de son efficacité.

Une enquête récente révèle que 70 % des embauches en CNE auraient été réalisées en l'absence de ce dispositif, dont 40 % en CDI et 28 % en CDD. En outre, 48 % des employeurs ayant embauché en CNE déclarent ignorer à ce jour s'ils garderont la personne embauchée. Nous savons d'ores et déjà que les mêmes interrogations se poseront pour le CPE.

C'est la raison pour laquelle il nous semble essentiel que le dispositif du CPE soit expérimenté pendant trois ans. Les conditions de sa mise en oeuvre et de ses effets sur l'emploi feront l'objet, au plus tard au 31 décembre 2008, d'une évaluation par une commission associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel. La reconduction du dispositif du CPE par la loi dépendra des conclusions de cette évaluation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. L'évaluation, prévue dans les trois ans qui viennent, sera soumise au Parlement qui décidera des suites à lui donner. Le CPE n'est pas fixé pour l'éternité. Il constitue une piste à explorer de façon optimiste, dynamique et sans préjugé. Je puis vous assurer, mon cher collègue, que nous suivrons l'évolution de ce dispositif avec beaucoup d'attention.

La commission a donc émis un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Vallet, le bilan du contrat nouvelles embauches, prévu pour le 31 décembre 2008, sera précédé d'évaluations intermédiaires. Pour le moment, nous ne disposons que de simples enquêtes. Or, à l'heure actuelle, seuls trois pays de l'Union européenne décomptent les taux d'activité et de chômage par d'autres méthodes que des sondages approfondis.

Ce que je puis vous dire c'est que, dans la seconde version de l'enquête de l'organisme d'analyses Fiducial, les embauches résultant de la création du CNE représentent 29 % de 335 000 contrats, ce qui est relativement important.

Je répète que 17 % des entreprises n'employaient aucun salarié avant l'embauche de leur premier salarié en CNE. Cette possibilité constitue donc une incitation extrêmement importante, capable de lever les freins au recrutement du premier emploi. Par ailleurs, les entreprises de trois à cinq salariés représentent 11 % des entreprises, mais 32 % des embauches en CNE.

Je tenais à porter à la connaissance du Sénat ces informations qui sont parues récemment.

Un amendement adopté à l'Assemblée nationale prévoit que le dispositif fera l'objet d'une évaluation au 31 décembre 2008. Nous serons attentifs aux résultats de cette évaluation et à l'impact du contrat première embauche sur l'emploi des jeunes, sur la diminution du taux de chômage de cette catégorie de la population ainsi que sur les éventuels phénomènes de substitution que nous ne pourrons mesurer qu'après un certain temps.

Monsieur le rapporteur, en tout état de cause, il appartiendra au législateur de tirer les conséquences qui s'imposent. Mais nous ne souhaitons pas, à ce stade, que l'on ait du contrat première embauche une vision limitée et restrictive qui conduirait à ne pas voir au-delà de la période de trois ans et à refuser d'emblée toute mise en perspective.

Dans ces conditions, eu égard à l'amendement qui a été adopté à l'Assemblée nationale et au travail qui va être conduit, y compris par le conseil d'orientation pour l'emploi, tant sur le contrat nouvelles embauches que sur le contrat première embauche, le Gouvernement souhaite le retrait du présent amendement.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 175, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Au début du IV de cet article, ajouter un alinéa ainsi rédigé :

Dans la première phrase du premier alinéa de l'article L. 432-4-1 du code du travail, après les mots : « le nombre de salariés sous contrat de travail temporaire, » sont insérés les mots : « le nombre de salariés sous contrat première embauche, ».

La parole est à M. Madec.

M. Roger Madec. L'article L. 432-4-1 du code du travail prévoit que, chaque trimestre dans les entreprises d'au moins trois cents salariés, et chaque semestre dans les autres, le chef d'entreprise informe le comité d'entreprise de la situation de l'emploi qui est analysée en décrivant, mois après mois, l'évolution des effectifs et de la qualification des salariés et en retraçant, par sexe, le nombre de salariés sous contrat de travail à durée indéterminée, le nombre de salariés sous contrat de travail à durée déterminée, le nombre de salariés sous contrat de travail temporaire et le nombre de salariés appartenant à une entreprise extérieure.

Le chef d'entreprise doit également indiquer au comité d'entreprise les motifs l'ayant amené à recourir à des contrats de travail autres que des CDI et le nombre de journées de travail effectuées sous ces types de contrat.

Ces listes permettent aux membres du comité d'entreprise d'apporter leur contribution à la gestion du personnel. On peut en effet mesurer ainsi la nécessité de conclure des contrats de travail précaires pour faire face aux aléas de production, mais aussi l'opportunité de conclure de préférence des contrats à durée indéterminée.

Les contrats première embauche étant, comme les contrats nouvelles embauches, une nouvelle catégorie de contrats, il paraît souhaitable de les ajouter à la liste ainsi prévue. Le CPE comme le CNE ont en effet nécessité une modification législative pour leur introduction dans le code du travail. Cela prouve une nouvelle fois qu'ils ne sont pas des CDI, contrairement à ce que vous voulez nous faire croire, monsieur le ministre.

Ce sont des contrats qui, comme n'importe quel CDD, ont vocation à devenir un jour des CDI, si l'employeur, d'une part, ne licencie pas le salarié ou, d'autre part, décide de transformer le CDD en CDI. Concrètement, il n'y a pas de grande différence entre ces deux cas de figure.

La nécessité d'inclure les CPE dans la liste s'impose, en raison même des arguments que vous avancez devant les Français. En effet, si, comme vous le prétendez, le CPE a vocation à devenir un CDI, il sera utile de mesurer combien de CPE arrivent à leur terme et sont donc transformés en CDI.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. L'avis de la commission est totalement défavorable, monsieur le président.

Nous ne pouvons certainement pas accepter de classer le CPE avec les contrats temporaires ! (Vives protestations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Ce n'est absolument pas l'image que nous voulons en donner, nous le disons depuis le début de la discussion.

M. André Vézinhet. Demandez aux jeunes quelle image ils en ont !

M. Alain Gournac, rapporteur. Je réitère donc mon avis très défavorable !

M. Didier Boulaud. On avait compris !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur Madec, « ne tremblez point parce qu'il n'est point d'objet à votre crainte », comme disait l'évangéliste !

Le contrat première embauche étant un contrat à durée indéterminée,...

M. Roland Muzeau. Mais non !

Mme Raymonde Le Texier. Ce n'est pas parole d'évangile !

M. Bernard Frimat. C'est plutôt l'apocalypse !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... il fait et il fera partie des informations fournies sur le nombre de salariés sous CDI. C'est comme tel qu'il sera porté à la connaissance des institutions représentatives et du comité d'entreprise.

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas marrant d'être jeune avec un gouvernement de droite !

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 176, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le IV de cet article, remplacer les mots :

l'emploi

par les mots :

le nombre de créations nettes d'emplois

La parole est à Mme Raymonde Le Texier. Allez-y, chère collègue !

M. Didier Boulaud. Elle a du temps devant elle, elle n'est pas en CDD ! (Sourires.)

Mme Raymonde Le Texier. Je ne suis pas immédiatement « virable ». En tout cas, pas par vous ! (Nouveaux sourires.)

Cet amendement propose de remplacer l'évaluation des effets du CPE sur l'emploi par une évaluation portant sur le nombre de créations nettes d'emplois. Il ne faut pas en effet souffrir d'ambiguïté dans ce domaine.

On entend trop souvent dire actuellement que le Gouvernement obtient une baisse du chômage, alors que cette baisse a essentiellement des causes démographiques, avec les 600 000 départs en retraite intervenus cette année. (M. le ministre délégué s'entretient avec l'un des membres de la Haute Assemblée.)

M. Bernard Frimat. Le ministre n'écoute même pas !

Mme Raymonde Le Texier. M. le ministre semble vraiment passionné par mes propos ! Puisqu'il en est ainsi, je recommence mon propos ! (Rires.)

Cet amendement propose de remplacer l'évaluation des effets du CPE sur l'emploi par une évaluation portant sur le nombre de créations nettes d'emplois. Il ne faut pas en effet souffrir d'ambiguïté dans ce domaine, disais-je.

On entend trop souvent dire actuellement que le Gouvernement obtient une baisse du chômage - même si les nouvelles ne sont pas très bonnes depuis hier - alors que cette baisse a essentiellement des causes démographiques, avec les 600 000 départs en retraite intervenus cette année. C'est une tendance lourde qui est appelée à se poursuivre.

Mais on ne peut tout attendre de la démographie. Nous ne cessons de dire que le CPE n'est qu'une machine à effet d'aubaine, contre l'embauche directe en CDI, bien sûr, mais aussi contre le contrat à durée déterminée, contre l'intérim.

Les premiers résultats connus concernant le contrat nouvelles embauches vont dans notre sens. Une récente enquête de l'organisme d'analyse Fiducial est révélatrice. Il ressort des réponses mêmes des patrons que ce qui devait libérer l'embauche n'a fait qu'accroître la précarité. Quelques éléments de cette enquête paraissent intéressants.

Ainsi, 86 % des entreprises ont embauché un seul salarié. Ce chiffre augmente naturellement avec la taille de l'entreprise, la moyenne pour les entreprises de 10 à 19 salariés atteint 1,55 embauche. La proportion des non-cadres parmi les recrutés atteint 97 %, ce que confirme le tableau des diplômes : 78 % des recrutés n'ont pas le bac et seulement 10 % détiennent un diplôme de l'enseignement supérieur. Enfin, 90 % des embauchés étaient réticents face à ce type de contrat ! Ce sont eux qui disent : « C'est mieux que rien », parce qu'ils attendent un emploi depuis des mois.

Plus intéressant encore : 40 % des entreprises ont utilisé le CNE pour remplacer du personnel existant et 71 % auraient embauché tout de même sans l'existence du CNE, en utilisant le CDI pour 57 % d'entre elles, le CDD ou l'intérim pour 40 %, l'apprentissage, ou tout autre mode d'embauche pour 3 %. C'est l'effet d'aubaine, le transfert.

Les créations nettes d'emplois représentent tout de même 29 % des CNE signés, mais, pour au moins 57 % des embauchés, un contrat qui aurait pu être stable et non précaire s'est transformé en contrat avec deux ans d'incertitude.

Sur les raisons du choix du CNE, plusieurs réponses sont fournies : 55 % des dirigeants l'ont choisi pour ne pas prendre de risque si l'activité ralentit ; 51 % pour tester les compétences de la personne pendant plus longtemps ; enfin, ils sont 46 % à vouloir ainsi éviter les contraintes du CDI en matière de licenciement - soit presque un sur deux - et 21 % veulent éviter les contraintes d'un CDD.

Il faut noter que 35 % des embauchés avaient déjà travaillé dans l'entreprise, principalement en CDD ou en apprentissage. Pour les autres, il n'est pas question de diminuer leur période d'essai en validant leur expérience, puisqu'elle n'a pas eu lieu dans l'entreprise.

Toujours d'après cette même enquête sur l'avenir des CNE, près de 12 % des contrats conclus ont déjà été rompus. Parmi eux, 52 % l'ont été par le salarié, 44 % par l'entreprise.

Quand on interroge les dirigeants sur la suite de la période d'essai de deux ans, c'est à dire la transformation éventuelle du CPE en CDI, seuls 43 % affirment qu'ils garderont leur salarié, 48 % ne savent pas et 9 % affirment déjà qu'ils ne les conserveront pas.

M. Didier Boulaud. Ce n'est pas joli, joli !

Mme Raymonde Le Texier. Qu'en sera-t-il dans les grandes entreprises si d'aventure le CNE est généralisé demain ?

Et pour le CPE ? En ouvrant ce type de contrats aux entreprises de toutes tailles, le Gouvernement ouvre imprudemment la boîte de Pandore.

Mme Raymonde Le Texier. Certains secteurs vont faire appel massivement à cette nouvelle main d'oeuvre corvéable à merci, à ces salariés jetables. Je pense, par exemple, à la grande distribution.

Quand il s'agit de recruter de la main d'oeuvre sans qualification nécessaire, on favorise le moins-disant économique et social. On l'avait vu avec les stages d'initiation à la vie professionnelle, les SIVP, au début des années 1990 : les grandes surfaces embauchaient pour six mois et renouvelaient leur stock deux fois par an pour continuer à bénéficier des aides publiques. Le mot « stock » est, en l'occurrence, employé à dessein.

Rien n'empêchera d'en faire autant avec les CNE : huit heures de formation, et hop ! à la caisse pendant deux ans, avec, de fait, l'obligation d'accepter les horaires morcelés, les pressions morales, les salaires indécents, les contraintes illégales. Pourquoi pas ? Quel salarié sous CPE va protester, en sachant pertinemment qu'il prendra la porte sans que l'employeur soit tenu de présenter une justification ?

Le pire, c'est que ce sont les jeunes les moins qualifiés qui vont être les plus violemment touchés par ce contrat déséquilibré, eux qui seront interchangeables parce qu'utilisés à des tâches ne nécessitant aucun savoir-faire, aucune connaissance particulière. L'exemple du CNE le montre parfaitement, et c'est d'autant plus vrai que le seuil de 26 ans limitera considérablement l'accès à ce type de contrats pour les plus diplômés, puisque, bien évidemment, ils investissent le marché du travail à un âge plus avancé que les non-diplômés.

Ce contrat ouvre donc la voie à un immense retour en arrière vers l'inégalité sociale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Didier Boulaud. À la caisse, puis à la casse !

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac. Cet amendement est porté par une vision très réductrice du CPE...

MM. René-Pierre Signé et Didier Boulaud. Réaliste !

M. Henri de Raincourt. Conservatrice !

M. Alain Gournac. Il conviendra d'évaluer l'ensemble des effets du CPE sur l'emploi. Il faudra alors envisager non seulement les créations d'emplois mais aussi, par exemple, l'existence d'effets de substitution entre le CPE et le CDI, et bien d'autres choses encore.

Nous avons mentionné plusieurs pistes au cours du débat, certaines touchent au régime juridique du CPE, aux modalités d'information du salarié licencié, à la durée de la période de consolidation. Il ne faut pas refermer l'évaluation sur la création nette d'emploi, ce serait la priver de la portée que nous lui attachons. La commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'avis du Gouvernement est semblable à celui de la commission, pour les mêmes motifs.

M. René-Pierre Signé. Pas de surprise !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais simplement apporter deux éléments d'information complémentaires.

En premier lieu, madame Le Texier, vous faisiez référence, je pense, à l'enquête de l'IFOP sur le CNE. Je rappelle que, parmi 65 % des nouveaux embauchés, 36 % étaient au chômage ou au RMI. On ne peut pas ignorer les 36 % qui ont retrouvé un emploi et, pour certains, un emploi qu'ils n'arrivaient pas à trouver depuis longtemps.

M. René-Pierre Signé. Mais le chômage remonte !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Ces faits méritent d'être rappelés, car on ne peut que se réjouir de voir des gens depuis longtemps au chômage ou au RMI retrouver le chemin de l'emploi. C'est bien l'objectif du Gouvernement et c'est l'objectif du contrat nouvelles embauches comme du contrat première embauche ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Ce discours ne tient pas !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. En second lieu, vous avez évoqué la croissance démographique. Je voudrais rappeler que la population active continuera à croître jusqu'en 2014. Les chiffres dont nous disposons pour 2005, 2006 et 2007 laissent prévoir sur ces trois années une croissance cumulée de la population active qui avoisine les 60 000.

Je ne peux laisser accroire que nous serions dans une spirale négative de croissance de la population active qui permettrait d'expliquer un certain nombre d'améliorations de la situation de l'emploi. Bien évidemment, ces améliorations doivent être confortées, parce que la situation de l'emploi n'est pas déconnectée de la croissance économique, c'est une réalité, mais on ne peut pas dire qu'elles s'expliquent exclusivement par la diminution de la population active.

Et il faut s'en réjouir ! Car nous sommes, avec l'Irlande, un des rares pays de l'Union européenne qui conserve aujourd'hui une démographie positive. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Didier Boulaud. Et un chômage positif !

M. René-Pierre Signé. Le ministre parle mieux qu'il n'agit !

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 510, présenté par M. Nogrix, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi le dernier paragraphe (IV) de cet article:

IV. - Les conditions de mise en oeuvre du « contrat première embauche » et ses effets sur l'emploi feront l'objet, tous les semestres, d'une évaluation quantitative effectuée par les organismes chargés du recueil et de la production des statistiques et d'une analyse qualitative associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel.

La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. L'objet de mon amendement est de prévoir un dispositif d'observation pour évaluer l'impact économique et social du CPE au plus près de sa mise en oeuvre.

La logique pragmatique qui vous conduit, monsieur le ministre, à tenter l'expérience du CPE doit être poursuivie jusqu'au bout. En l'état, l'évaluation prévue d'ici à 2008 paraît pour le moins désinvolte et, de toute façon, inutile car, comme pour le CNE, le Gouvernement n'attendra pas cette évaluation pour proposer un nouveau dispositif. L'engagement ainsi pris est bien lointain au regard du rythme auquel vit notre époque.

Par ailleurs, dans la mesure où l'on touche aux fondamentaux de notre droit du travail et au prétendu système d'exploitation de notre modèle social, le dispositif d'observation doit moins relever d'un bilan final que d'un mécanisme de veille qui étudiera l'impact du CPE en continu, sous tous ses aspects.

Il convient d'évaluer l'efficacité du CPE pour l'emploi, sur laquelle je suis personnellement prêt à vous suivre, mais également ses conséquences sociales et économiques pour la société française et les salariés, car nul ne peut prédire aujourd'hui où le CPE peut mener.

La meilleure réponse que vous puissiez apporter au procès d'intentions - ou au procès en sorcellerie - que l'on vous intente est l'élaboration d'un dispositif subtil, au plus près des réalités.

Du CPE peuvent jaillir le meilleur comme le pire. À vous vouloir magicien des chiffres du chômage, vous pourriez vous retrouver apprenti sorcier.

Vous demandez à être jugé sur les résultats : il vous appartient donc de mettre en place toutes les conditions de succès.

Tous les observateurs avisés s'accordent à dire que le CPE pose incontestablement plus de questions qu'il n'apporte de réponse.

Les experts de tous bords ont pronostiqué plusieurs effets pervers. Ils évoquent notamment les conséquences matérielles et psychologiques de la précarisation du salarié et l'introduction d'un biais dans le fonctionnement naturel du marché du travail.

Les jeunes qui auront dépassé l'âge limite pour conclure un CPE intéresseront sans doute moins les entreprises : que deviendront, à compétences égales, les jeunes de 27 ans, de 28 ans, de 29 ans et plus ? Que deviendront les jeunes de moins de 26 ans qui auront déjà effectué un CDD additionné de plus de deux ans et qui ne pourront pas bénéficier d'un CPE ?

Les experts prévoient enfin un phénomène de seuil, accru par l'exonération de charges sociales pendant deux ans pour l'embauche d'un jeune au chômage depuis six mois et un effet général de freinage à l'embauche du fait de cette énième modification de la législation du travail.

L'annonce de l'introduction d'un contrat de travail unique risque ainsi de conduire les employeurs à attendre des jours meilleurs.

Ces signaux contradictoires sont confirmés par M. Proglio, que plusieurs ont évoqué. Dans le rapport de son groupe de travail sur l'insertion professionnelle des jeunes, M. Proglio conclut que, pour favoriser l'embauche des jeunes diplômés, les solutions ne se trouvent ni dans une fuite en avant vers la professionnalisation des études ni dans la multiplication de mesures incitatives.

Pour ma part, je le répète, je ne suis pas hostile au CPE. Les risques qu'il comporte doivent toutefois inciter à une certaine modestie. Quoi qu'il en soit, une analyse au plus près du terrain est nécessaire.

Le précédent du CNE, dont vous vous inspirez, est à cet égard plus qu'éloquent. Sur quelles études s'appuyait-on, de quel recul disposait-on jusqu'à présent pour en apprécier le succès dont vous vous prévalez ?

L'enquête que l'IFOP a menée pour le compte de Fiducial auprès de 300 dirigeants ayant recruté sur la base de CNE nous a, il est vrai, révélé que 250 000 contrats ont été signés entre août et décembre. Elle a également révélé que 30 seulement d'entre eux ne seraient pas intervenus sans l'existence du CNE et que celui-ci répond essentiellement à ce qui constitue pour les employeurs une priorité : embaucher sans risque.

Cette analyse est intéressante, mais elle reste un peu sommaire sur un plan qualitatif. Elle est un peu courte en tout cas pour justifier à elle seule la nouvelle donne que représente le CPE.

Une autre étude, beaucoup plus détaillée, confirme la pertinence de l'amendement n° 510. Cette étude est le fait de deux universitaires : M. Pierre Cahuc, professeur à l'université Paris I et membre du Conseil d'analyse économique, rattaché aux services du Premier ministre, et M. Stéphane Carcillo, chercheur au Centre d'économie de la Sorbonne, à l'université Paris I.

Au terme d'une modélisation mathématique originale et rigoureuse, les deux experts montrent que le CNE stimulera les embauches à court terme mais que l'on assistera parallèlement à une augmentation des séparations. Les auteurs tablent au total sur 70 000 créations d'emplois nettes d'ici à la fin de 2008, si le CNE perdure jusqu'à cette date.

Ces emplois, certes, ne coûtent rien aux finances publiques, à la différence des emplois aidés, qui, selon le dispositif retenu, pèsent entre 5 000 euros et 50 000 euros par emploi et par an. Notons néanmoins que 70 000 emplois créés en deux ans et demi, cela reste relativement modeste, tant en valeur absolue qu'au regard d'une évolution démographique qui profitera nécessairement à l'emploi d'ici un an ou deux.

Je ne mentionnerai pas les hypothèses contentieuses, dont les récents développements laissent augurer bien des incertitudes.

Ces arguments montrent qu'il importe de mesurer précisément si, au regard de ces enjeux, le jeu du CPE en vaut la chandelle, si la fin justifie les moyens. Restons modestes !

Je le disais lors de la discussion générale, ce n'est pas la loi qui crée l'emploi, ce sont les conditions économiques, les conditions du marché, les conditions démographiques. Vous avez sur ce point politiquement raison, car l'état de notre démographie va apporter la solution : nous risquons même de manquer de main d'oeuvre d'ici à 2010.

Quant à vous, chers collègues de l'opposition, ayez quelque retenue, lorsque vous exprimez vos réflexions sur les chiffres du chômage : les conjonctures fluctuent, et leur incidence sur l'évolution de l'emploi n'a souvent rien à voir avec les politiques déployées.

Soyons attentifs à l'efficacité de notre système de formation. C'est là qu'il faut agir, monsieur le ministre. À cet égard, je n'évoquerai pas le mammouth à dégraisser, mais plutôt le caméléon, magnifique témoin du passé, qui sait s'adapter à son environnement pour s'y fondre. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Je remercie vraiment notre collègue Nogrix, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention. Je suis néanmoins obligé de lui dire que je ne partage pas son analyse.

Il propose que l'on procède tous les semestres à une évaluation quantitative. Je l'ai dit tout à l'heure, il me semble que nous ne devons pas nous soucier uniquement du quantitatif, mais également du qualitatif. Il faut étudier l'évolution des différents éléments. Une analyse quantitative, est une succession de chiffres qui s'additionnent. Il faut examiner dans le détail comment ces chiffres ont été obtenus.

Selon la commission des affaires sociales, il est indispensable d'effectuer une évaluation globale du CPE, et ce dans un délai qui permettra de disposer de données pertinentes. Si nous procédions immédiatement à cette évaluation, les éléments nécessaires nous feraient défaut.

Cela ne m'empêche pas de proposer à M. le président de la commission des affaires sociales que la commission procède au suivi du CPE et du CNE. Je suis, quant à moi, tout disposé à participer à cette tâche.

Dans ces conditions, la commission émet un avis défavorable sur l'amendement n° 510.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Selon les termes de l'article 3 bis, l'évaluation se fait « au plus tard au 31 décembre 2008 » - l'expression « au plus tard » a son importance -, en « associant les organisations d'employeurs et de salariés représentatives au plan national et interprofessionnel ».

En ce qui concerne le contrat nouvelles embauches, les premières enquêtes sont en cours, car nous souhaitons mettre en place un suivi de cette mesure.

Je souhaiterais à cet égard que l'on n'oppose pas les deux modèles dont il a été question : le modèle mathématique de MM. Cahuc et Carcillo, au modèle des sondages, dont l'étude IFOP-Fiducial est l'exemple. Ce sont deux approches différentes.

Le Conseil d'orientation pour l'emploi, au sein duquel sont présents les partenaires sociaux ainsi que des économistes, comme M. Pierre Cahuc, nommé par le Gouvernement et qui est également membre du Conseil d'analyse économique, a vocation à évaluer l'efficacité des nouveaux dispositifs destinés à favoriser l'emploi, notamment des dispositifs d'allégement de charges. Cela évoque sans doute pour M. Raffarin un projet présenté en conseil des ministres sous son autorité. (M. Jean-Pierre Raffarin acquiesce.) Ce Conseil se saisira donc du dossier du CNE et procédera à son suivi.

Le modèle du sondage est réalisé sur un fichier comptant 130 000 entreprises, dont sont extraites 1 325 très petites entreprises et l'enquête porte sur 300 dirigeants et non pas sur 300 cas d'embauches. Il en est ainsi chaque fois qu'elle se répète.

Le modèle mathématique, quant à lui, fonde l'étude de Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo. Ses résultats quantitatifs ne doivent être considérés, selon ses auteurs mêmes, que comme des valeurs indicatives.

Deux conclusions semblent aujourd'hui pouvoir être tirées : d'une part, l'augmentation des embauches et, plus généralement, la rotation sur le marché du travail sont susceptibles d'entraîner des effets positifs. D'autre part, le niveau global d'emploi augmente. Il serait un peu rapide de conclure de ces deux données que l'on ne créera que 70 000 emplois ou que l'on ne créera que 29 % ou 30 % des emplois attendus. D'où l'intérêt d'une évaluation plus tardive et d'un suivi par le Conseil d'orientation pour l'emploi. À cet égard, j'ai bien entendu la proposition de la commission des affaires sociales. Ce me semble être une très intéressante contribution à l'évaluation du résultat de ces politiques.

Une de nos particularités, depuis des décennies, est de ne jamais évaluer les résultats des politiques conduites. Le Conseil d'orientation pour l'emploi a été mis en place pour pallier ce défaut.

Le Gouvernement demande donc le retrait de l'amendement n° 510.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 177, présenté par Mme Le Texier, M. Godefroy, Mmes Printz,  Demontès,  Alquier,  San Vicente et  Schillinger, MM. Cazeau,  Madec,  Bel,  Assouline et  Bodin, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Cerisier-ben Guiga, MM. Desessard et  C. Gautier, Mme Khiari, MM. Lagauche,  Mélenchon,  Peyronnet,  Repentin,  Ries,  Sueur et  Frimat, Mmes Tasca,  Voynet et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le IV de cet article, remplacer l'année :

2008

par l'année :

2006

La parole est à Mme Raymonde Le Texier.

Mme Raymonde Le Texier. Ma défense de l'amendement n° 176 s'appuyait sur l'enquête IFOP-Fiducial. À propos de cet amendement d'ailleurs, monsieur le ministre, vous avez été chaleureusement applaudi par une partie de la Haute Assemblée, après avoir déclaré, avec des trémolos dans la voix, que ceux qui avaient été recrutés sous CNE étaient, pour 36 % d'entre eux, des chômeurs et des RMImistes. Pensez-vous qu'ils auraient dû rester chômeurs et RMImistes ?

Je disais, monsieur le ministre, que 90 % de ces personnes avaient déclaré avoir accepté ce contrat avec beaucoup de réticences. Ils l'ont accepté à défaut d'une autre proposition. Pensez-vous vraiment que, parce qu'il s'agit de chômeurs et de RMImistes, vous pouvez leur proposer n'importe quoi sauf un réel contrat de travail ? Tel n'est pas notre avis. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Il ne s'agit pas là d'un classique débat entre gauche et droite, nous ne sommes pas ici pour jouer une partition connue : nous pensons vraiment que ce CPE est un pur scandale.

J'en viens à la défense de l'amendement n° 177.

Le CPE étant porté par l'actuel gouvernement tout entier, nous souhaitons que les Français soient correctement informés des conséquences de cette politique de l'emploi avant les grandes échéances électorales de 2007. Nous souhaitons que l'évaluation soit disponible à la fin de 2006.

Nous savons que, d'ici à 2007, nous assisterons à des départs en retraite massifs. Nous nous attendons à un tour de prestidigitation qui ferait apparaître de nouveaux emplois, de nouvelles embauches, comme les conséquences positives du CPE ou du CNE.

Combien d'emplois réellement nouveaux peut-on espérer de la création du contrat première embauche ? C'est la question de fond à laquelle les économistes tentent dès aujourd'hui de répondre.

Permettez-moi de vous donner brièvement lecture des conclusions du rapport de MM. Cahuc et Carcillo, rapport qui fait quelque bruit.

Ces scientifiques, au moyen de nombreuses courbes et équations, arrivent malheureusement aux mêmes conclusions que nous.

« Trois enseignements principaux peuvent être retirés des exercices menés dans cet article.

« Tout d'abord, l'introduction de nouveaux contrats de type CNE a un impact vraisemblablement positif de faible ampleur sur l'emploi à l'horizon de quelques années. Dans le cas le plus vraisemblable, ces contrats devraient accroître faiblement l'emploi, mais réduire, à terme, la population active.

« Ensuite, le CNE exerce l'essentiel de son impact sur l'emploi sur un horizon inférieur à deux ans. Mais l'effet couperet induit par la période d'essai de deux ans implique que l'emploi cesse de croître après deux années, pour diminuer ensuite légèrement au-delà de l'horizon de trois ans. Ce phénomène indique que les résultats d'évaluations ex-post de court terme doivent être interprétés avec prudence, dans la mesure où la détection d'effets positifs forts sur l'emploi observés sur quelques mois ne permet pas de préjuger de l'impact à moyen et long terme.

« Enfin, le CNE aurait tendance, en augmentant l'instabilité des emplois, à détériorer le bien-être des demandeurs d'emploi. Cette détérioration est la conséquence de l'effet couperet induit par la période d'essai de deux ans qui contribue à déstabiliser significativement l'emploi.

« Ces conclusions sont cohérentes avec celles obtenues par les études qui ont évalué les conséquences de l'extension des possibilités d'usage des contrats à durée déterminée. Ces études montrent en effet que les réformes qui flexibilisent le marché du travail à la marge augmentent artificiellement la rotation des emplois, avec des gains faibles en termes d'emploi et des conséquences qui peuvent être néfastes pour le bien-être. En revanche, des réformes qui modifient en profondeur le contrat de travail en substituant une taxe sur les licenciements aux procédures de reclassement interne et au contrôle administratif et judiciaire du licenciement sont susceptibles de réduire l'instabilité de l'emploi tout en favorisant les créations d'emplois ».

Voilà que, par une stupéfiante coïncidence, d'éminents scientifiques démontrent que le CPE, comme le CNE, ne créera que des effets d'aubaine, alors qu'une surcotisation sur les contrats précaires et sur les licenciements serait beaucoup plus efficace pour stabiliser l'emploi.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Mme Le Texier a employé le terme « scandale », mais le véritable scandale serait de ne rien faire, de ne rien proposer aux jeunes qui ont les plus grandes difficultés à trouver un premier emploi.

M. Jean-Louis Carrère. Pas avec ce texte de chaos !

M. Alain Gournac, rapporteur. Le délai proposé est trop court pour permettre une évaluation sérieuse : à la fin de 2006, les données seront fragmentaires et globalement peu significatives.

La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 177.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Puisque Mme Le Texier pense que je parle avec des trémolos dans la voix, quasiment d'une manière chevrotante, je me permettrai de la renvoyer à la symbolique de la chèvre, celle qu'illustre le mythe d'Amalthée nourrissant Zeus. La chèvre n'est-elle pas cette vache du pauvre qui permet à un certain nombre de départements de bien de se développer ? Un excellent ouvrage vient d'ailleurs d'être publié sur le sujet... (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Robert Bret. C'est galant !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je voudrais maintenant revenir, d'une voix assurée, sur l'intérêt d'une évaluation dans la durée.

Madame Le Texier, quel intérêt aurait une évaluation réalisée après six mois seulement ? J'ai dit tout à l'heure à M. Nogrix qu'il était nécessaire d'évaluer les effets de ces nouveaux contrats d'emploi dans la durée. (Nouvelles exclamations sur les mêmes travées.)

En conséquence, le Gouvernement est défavorable à l'amendement n° 177.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 451, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... Dans le premier alinéa de l'article L. 122-25 du code du travail, après les mots : « résilier son contrat de travail au cours d'une période d'essai », sont insérés les mots : «, ou au cours des deux premières années d'un contrat nouvelles embauches ou d'un contrat première embauche, ».

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. Nous défendons le code du travail parce que nous tenons à ce rempart. Nous le défendons également parce que, loin d'être un solide vaisseau permettant de voguer vers l'emploi durable, votre projet de loi sera une embarcation percée, dans laquelle sombreront beaucoup d'espoirs et qui ne conduira qu'à des lendemains amers.

Nous sommes à trois amendements de la fin du débat sur l'article 3 bis : nous en sommes donc aux bouées de sauvetage !

C'est un peu le sens de cet amendement, tendant à créer un bonus-malus incitatif pour les entreprises qui feraient le choix de l'emploi durable. Si le bonus-malus fonctionne pour les assurances, afin d'inciter les conducteurs à la prudence et à l'achat de voitures propres, ce système pourrait inciter les employeurs à la vertu et les décourager de se servir de la précarité comme d'un instrument de gestion de l'embauche. C'est un mécanisme souple, qui permet d'éviter le pire et qui stimule les bonnes pratiques, ne serait-ce que dans un intérêt bien compris. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. On en a longuement parlé lors de nos débats, qui ont été fort longs, mais très intéressants.

M. Guy Fischer. Vous le reconnaissez !

M. Alain Gournac, rapporteur. Oui ! Je n'ai jamais dit le contraire !

Il a déjà été rappelé en détail comment l'article L. 122-45 du code du travail, relatif aux discriminations et applicable au CPE, interdit à l'employeur de prendre en considération l'état de grossesse lors d'une procédure de licenciement. Il a été aussi rappelé à plusieurs reprises comment cette protection est organisée par la loi de la façon la plus vigoureuse.

C'est pourquoi, madame Blandin, la commission est défavorable à l'amendement n° 451.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà abordé ce sujet, ce qui m'a notamment permis d'évoquer l'évolution des négociations et la nouvelle convention sur le régime d'assurance chômage ; mais il s'agissait alors des contrats à durée déterminée.

Or le CPE est un contrat à durée indéterminée : il ne peut pas être assimilé à un contrat précaire ; il n'entre donc pas dans le cadre de la réflexion sur la modulation des cotisations sociales en fonction du nombre de recours à des contrats précaires dans l'entreprise, l'indemnité de cessation de contrat, les 2 % de contribution pour la convention de reclassement personnalisé et les actions d'accompagnement.

En conséquence, nous ne sommes pas favorables à cet amendement.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 453, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - Une modulation de cotisations sociales dont s'acquittent les entreprises est créée en fonction de leur recours à des contrats précaires tels que ceux relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », ceux prévus à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de moins de six mois, ceux prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 212-4-3, ou d'un contrat première embauche créé par la présente loi. Un décret en Conseil d'État définit les modalités précises de cette modulation.

La parole est à Mme Marie-Christine Blandin.

Mme Marie-Christine Blandin. La fatigue aidant, à l'instant, j'ai défendu l'amendement n° 453, qui concerne le bonus-malus, à la place de l'amendement n° 451. Cela me permet de vous répondre, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, sur ce dernier.

Même si vous pensiez nous rassurer en nous affirmant qu'il n'y a pas de problème, que la garantie existe, nous maintenons qu'une jeune femme qui n'a guère l'expérience du monde du travail a besoin d'une protection accessible, clairement explicitée dans la loi, et non d'un conflit dont seront éventuellement saisis les prud'hommes, pour inaugurer la promesse qu'elle porte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Cet amendement vise à dissuader les employeurs de recourir au CPE en rendant son utilisation plus coûteuse.

Il est contraire à la position de la commission, et vous comprendrez, madame, que nous donnions un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l'amendement n° 453.

Cela dit, je voudrais revenir sur l'amendement précédent en lisant quelques lignes de l'article L. 122-5-2 du code du travail : « Aucun employeur ne peut résilier le contrat de travail d'une salariée lorsqu'elle est en état de grossesse médicalement constaté et pendant l'intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit en application de l'article L. 122-26, qu'elle use ou non de ce droit, ainsi que pendant les quatre semaines qui suivent l'expiration de ces périodes ».

Par ailleurs, je tiens à réaffirmer le droit au congé parental.

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 666, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  Le fonds de solidarité créé par la loi n° 82-939 du 4 novembre 1982 relative à la contribution exceptionnelle de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi reçoit une contribution appelée « contribution de précarité », payée par les employeurs lors de la signature de chaque contrat de travail précaire, relevant de l'ordonnance n° 2005-893 du 2 août 2005 relative au contrat de travail « nouvelles embauches », d'un contrat prévu à l'article L. 122-1 du code du travail d'une durée de moins de six mois, d'un contrat prévoyant un temps de travail inférieur à la durée légale en vertu de l'article L. 122-4-3 du même code, ou d'un contrat première embauche créé par la présente loi. Un décret en Conseil d'État définit les modalités de recouvrement et le montant de cette contribution, due à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi.

La parole est à Mme Hélène Luc, à qui je rappelle qu'elle ne dispose que de cinq minutes. (M. Guy Fischer proteste.)

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, vous n'allez pas nous empêcher de parler !

Cet amendement concerne le Fonds de solidarité pour l'emploi, qui a été créé en 1982 et a pour fonction de financer un certain nombre de dispositifs d'insertion au bénéfice des travailleurs privés d'emploi.

Ce fonds est actuellement financé par une cotisation sur les salaires des fonctionnaires, à laquelle s'ajoute une subvention d'équilibre de la part de l'État. Il a vu son budget réduit dans la dernière loi de finances, alors que l'on augmente aujourd'hui ses attributions et que la politique menée par le Gouvernement laisse penser que les travailleurs privés d'emploi relevant de la solidarité nationale risquent de devenir légion.

On peut ainsi s'interroger sur la solvabilité de ce fonds et donc sur la pérennité des actions qu'il est censé financer.

Notre amendement reprend l'une des pistes de réflexion mises en avant par la commission présidée par Martin Hirsch, le président d'Emmaüs, qui est favorable au développement des sanctions pénales en cas de recours abusif au travail précaire.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, nous venons, au sein de la délégation aux droits des femmes, de recevoir le président Hirsch. Il nous a parlé de tous ces nouveaux pauvres, qui sont souvent jeunes et parmi lesquels on compte beaucoup de jeunes femmes seules avec des enfants : ce sont des victimes du travail précaire.

Malheureusement, une part importante des embauches se fait aujourd'hui sur des emplois précaires, et cela est d'autant plus fréquent que le Gouvernement multiplie les contrats qui, comme le contrat « nouvelles embauches », institutionnalisent la précarité.

La presse publie aujourd'hui une étude prospective qui est un véritable pavé dans la mare. Cette étude a été réalisée par deux économistes de Paris I-Sorbonne, Pierre Cahuc et Stéphane Carcillo ; tous deux sont de fervents défenseurs d'une réforme qui modifie en profondeur le contrat de travail et militent pour la création d'un contrat unique. Ils démontrent, à partir d'une simulation, que l'incidence du CNE sur le chômage ne serait que de 0,5 % en quinze ans - on est loin des 303 900 emplois prévus ! - et qu'il augmenterait fortement l'instabilité de l'emploi.

Ces chercheurs confirment que la grande nouveauté du CNE est d'avoir suspendu l'ensemble des articles du code du travail qui réglementent le licenciement pendant les deux premières années. Le CPE, réservé aux jeunes de moins de vingt-six ans, présente, de ce point de vue, les mêmes caractéristiques.

L'instauration d'une période d'essai de deux ans, avec un couperet à l'issue de cette période, empêche de produire un effet à long terme sur l'emploi. En effet, même en partant du principe que la flexibilité quasi complète du licenciement liée au CNE libère l'embauche, les destructions d'emplois sont tout autant facilitées.

De ce fait, estiment les économistes, il est possible que le CNE, en devenant la norme en matière d'emploi, se traduise à terme par un accroissement et non par une diminution du chômage.

À l'inverse de cette tendance désastreuse, sur le plan social comme en termes économiques, nous proposons que le Fonds de solidarité pour l'emploi soit abondé par une contribution exceptionnelle sur les emplois précaires. Les CDD, l'intérim, les contrats « nouvelles embauches », les CPE sont autant de possibilités de recours à la flexibilité pour les entreprises, dont les rendements boursiers explosent à mesure que les salariés sont contraints à l'instabilité familiale et économique.

Au cours de la discussion du projet de loi pour le retour à l'emploi, cette question avait déjà été soulevée et, à l'Assemblée nationale, Mme Vautrin avait justifié la baisse des crédits attribués au Fonds de solidarité par la baisse du nombre de bénéficiaires de l'allocation de solidarité spécifique. Mais si leur nombre diminue, ce n'est pas parce que celui des chômeurs de très longue durée est en régression - au contraire, il a augmenté de 8 % cette année -, c'est plutôt que les bénéficiaires basculent vers le RMI, un régime bien plus défavorable, et qui les coupe plus encore du monde du travail.

Face à un tel désastre, une contribution minimale des entreprises pour financer les politiques de solidarité en matière d'emploi serait un moindre mal. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Nous ne sommes pas du tout d'accord avec ce que nous venons d'entendre.

Comme nous l'avons dit quand a été examiné l'amendement n° 452, la création d'une contribution de précarité à la charge des employeurs recourant au CNE ou au CPE serait contraire au bon sens. C'est pourquoi la commission émet un avis défavorable. (Protestations sur les mêmes travées.)

Mme Hélène Luc. Il a bon dos, le bon sens !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà abordé ce sujet à propos la contribution au régime de l'assurance chômage et de l'allocation forfaitaire. Nous en avons parlé également quand il a été question de l'abus de droit.

Le rapport de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion qui est paru voilà quelques jours, et auquel vous avez fait allusion, fait ressortir l'émergence d'un problème chez les jeunes. J'évoquais ce point en présentant, de manière condensée, le rapport émanant de l'association représentant les foyers de jeunes travailleurs, rapport qui fait apparaître que le pourcentage de jeunes percevant plus de 1 065 euros par mois est extrêmement faible.

Madame Luc, c'est bien parce que le Gouvernement voit émerger chez les jeunes cette pauvreté, cette précarité,...

Mme Hélène Luc. Vous allez l'accentuer !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ... que traduit le très grand nombre d'entrées sur le marché du travail par le biais de l'intérim ou de CDD de courte durée, cette difficulté d'accès au logement, qu'il propose le contrat première embauche.

Naturellement, nous aurons à mesurer les effets de ce dispositif et à nous assurer qu'il induit une réduction des phénomènes de pauvreté chez les jeunes, comme le recommande le rapport précité.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable.

Mme Hélène Luc. Nous faisons le même constat, mais nous n'en tirons pas les mêmes conclusions !

M. le président. Le vote est réservé.

L'amendement n° 671, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

...  - Les exonérations de charge accordées aux entreprises pour des emplois relevant d'un contrat première embauche font l'objet d'un remboursement lorsque la rupture du contrat intervient pendant la période de consolidation.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Il s'agit là du dernier des amendements qui ont été déposés sur l'article 3 bis. (Ah ! sur les travées de l'UMP.) Mais cela ne veut pas dire que les débats seront terminés !

Nous avons défendu l'idée selon laquelle les embauches en CPE ne devraient en aucun cas bénéficier d'exonérations de charges sociales, d'autant que nous n'avons aucunement la garantie d'une quelconque compensation par l'État.

Avec cet amendement de repli, nous voulons prévenir une situation inacceptable, celle qui consisterait, pour une entreprise, à bénéficier de manière définitive d'exonérations de charges au titre d'emplois relevant d'un CPE attribués à des jeunes qu'elle n'a pas l'intention d'utiliser au-delà de ses besoins immédiats. Comme on le sait, ce sera, par définition, bien trop souvent le cas des embauches en CPE.

Il nous paraît donc logique et nécessaire que toute entreprise dans cette situation ait l'obligation de rembourser les fonds qui lui auraient été ainsi accordés si elle rompt le contrat avant l'expiration des deux années de la période de consolidation. Si tel n'était pas le cas, la mesure reviendrait à lui accorder une prime au licenciement.

Il faut absolument décourager les entreprises de « profiter » impunément de l'argent public, de cumuler tous les avantages, au détriment des salariés.

Nous savons tous que certains patrons, soutenus d'ailleurs en cela par le MEDEF, n'ont pas beaucoup de scrupules en la matière. Loin de moi l'idée de jeter la pierre à tous les employeurs, mais l'expérience est là.

Rappelons-nous le cas de l'entreprise Hewlett-Packard, implantée notamment en Rhône-Alpes, dans le département de l'Isère. Après avoir empoché 1,2 million d'euros d'aides publiques d'État, cette entreprise a annoncé, au mois de septembre dernier, la suppression de 1 240 emplois. Mes chers collègues, estimez-vous qu'un tel comportement est moral ? La question du remboursement de ces fonds avait alors été posée, suscitant des réactions extrêmement véhémentes de la part de la direction de cette entreprise. Le Premier ministre, Dominique de Villepin, dans un entretien accordé au journal Les Échos, avait lui-même affirmé qu'il paraissait « normal » que la société informatique « rembourse les aides publiques spécifiques dont elle a pu bénéficier ».

Le problème, c'est que les outils juridiques n'existent pas réellement en France - et pour cause : vous n'en voulez pas ! -, et que l'opacité est reine dans le versement des aides qui sont, du même coup, difficiles à évaluer. Robert Hue avait formulé toute une série de propositions tendant à éviter cette gabegie, afin de vérifier que toutes les aides publiques, auxquelles les membres de mon groupe ne sont pas systématiquement opposés, soient utilisées à bon escient.

M. Henri de Raincourt. Il vient souvent, Robert Hue ?

M. Guy Fischer. Il était présent ce matin !

M. Roland Muzeau. Contrairement à vous, monsieur de Raincourt !

M. Guy Fischer. Effectivement, je ne vous ai pas vu ce matin, mon cher collègue !

M. Roland Muzeau. Ni ce matin ni cette nuit, d'ailleurs !

M. Guy Fischer. En acceptant l'amendement n° 671, tant le gouvernement de M. de Villepin que la majorité parlementaire aideraient à apporter un peu de clarté en la matière, d'autant que l'évaluation est facile en matière d'exonérations de charges accordées dans le cadre d'un CPE.

Accepter notre amendement serait aussi mettre un petit coup d'arrêt au gâchis des aides publiques en France. Je rappelle que l'ensemble de celles qui transitent par le budget de l'État représente, selon les estimations, de 1,8 % à 3,5 % du PIB.

Les exonérations de charges sociales, quant à elles, ont dépassé les 20 milliards d'euros, sans entraîner d'effet positif sur l'emploi, comme nous l'avons démontré. En revanche, elles ont engendré des effets pervers et sur l'emploi et sur la protection sociale.

Mais il est vrai que, sur ce dernier point, il y a une parfaite cohérence avec votre politique sociale et de santé, laquelle consiste à toujours réduire les dépenses pour laisser plus de place aux profits.

M. Guy Fischer. Je rappelle que les dividendes distribués aux actionnaires par les entreprises du CAC 40 se sont accrus de 33 % en un an. Et l'on voudrait faire croire aux jeunes qu'il faut diminuer le coût de leur travail parce que les entreprises n'auraient pas d'argent !

Il est grand temps d'admettre que la multiplication des exonérations, des aides publiques en tout genre, toutes accordées sans aucune garantie pour l'emploi, est une politique désastreuse. C'est pourquoi les membres du groupe CRC ont déposé l'amendement n° 671. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

M. Alain Gournac, rapporteur. Mon cher collègue, vous avez employé l'adjectif « inacceptable ». Oui, il est inacceptable de laisser les jeunes en dehors du monde du travail. Oui, il faut tout faire pour que les jeunes puissent entrer dans le monde du travail. Oui, le CPE y contribue.

Mme Hélène Luc. À n'importe quel prix, à n'importe quelle condition, comme vous l'avez indiqué lors d'une émission diffusée par Public Sénat !

M. Alain Gournac, rapporteur. Par ailleurs, je dois souligner qu'aucune exonération de charge n'est accordée au titre du CPE. En revanche, les aides éventuellement perçues au titre du CIE pour un salarié embauché en CPE devront être reversées, en cas de rupture, dans les conditions prévues par le régime du CIE. Je suis heureux que vous m'ayez fourni l'occasion d'apporter cette précision : ainsi, le lecteur du Journal officiel saura de quoi il retourne réellement.

Pour toutes ces raisons, la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Monsieur le sénateur, vous proposez de prévoir un remboursement des exonérations de charges en cas de rupture du contrat de travail pendant la période de consolidation du CPE. Mais aucun allégement de charges n'est associé au CPE, qui n'est pas un nouveau contrat aidé.

Je l'ai déjà indiqué en répondant à M. Nogrix, le Premier ministre a saisi le Conseil d'orientation pour l'emploi afin que soit dressé un bilan et que soient suggérées des pistes au sujet de l'éventuelle conditionnalité des aides des pouvoirs publics à des engagements de la part de l'entreprise, notamment en termes d'emploi et de qualité d'emploi. Nous verrons, à la lumière du rapport demandé par M. le Premier ministre, quelles dispositions doivent être prises.

Pour le reste, le droit commun s'applique. Si, par exemple, le contrat première embauche est un contrat initiative-emploi, en cas de rupture sur décision de l'employeur, ce dernier devra rembourser les aides publiques perçues,...

M. Guy Fischer. Il faudra l'exiger !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. ...sauf, naturellement, en cas de faute grave.

Je tiens à l'indiquer clairement : par parallélisme, ce mécanisme s'appliquera à d'autres dispositifs incluant notamment des exonérations ou des aides particulières : l'employeur, en cas de rupture du contrat sur son initiative, hormis le cas de faute grave, devra rembourser les aides publiques perçues.

Pour ce qui concerne Hewlett-Packard, la somme de 1,2 million d'euros a été versée non par l'État, mais par les collectivités territoriales. C'est un sujet que nous avons évoqué avec M. Vallini, président du conseil général de l'Isère.

M. le président. Le vote est réservé.

(M. Christian Poncelet remplace M. Jean-Claude Gaudin au fauteuil de la présidence.)