compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Guy Fischer

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

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PROCÈS-VERBAL

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

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DÉPÔT D'UN RAPPORT DU GOUVERNEMENT

M. le président. M. le président du Sénat a reçu de M. le Premier ministre le rapport sur l'intégration des allégements généraux de charges sociales dans le barème des cotisations de sécurité sociale, en application de l'article 56 de la loi de finances pour 2006 n° 2005-1719 du 30 décembre 2005.

Acte est donné du dépôt de ce rapport.

Il sera transmis à la commission des affaires sociales.

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Questions orales

M. le président. L'ordre du jour appelle les réponses à des questions orales.

J'informe le Sénat que la question orale n° 1022 de M. Adrien Gouteyron est retirée de l'ordre du jour de la séance d'aujourd'hui, mardi 6 juin, à la demande de son auteur.

financement de la réalisation des aires d'accueil des gens du voyage

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc, auteur de la question n° 1043, adressée à M. le ministre de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement.

M. Dominique Leclerc. Madame le ministre, je souhaite attirer votre attention sur les difficultés rencontrées par les communes, et plus particulièrement celles de mon département d'Indre-et-Loire, pour financer la réalisation des aires d'accueil des gens du voyage.

Notre département s'est engagé depuis près de quatre ans dans l'application du schéma départemental de ces aires d'accueil publié en juin 2002. Malheureusement, pour différentes raisons, la réalisation de ces aires a pris du retard. Je citerai notamment les réticences de la population sédentaire envers ces projets, les contraintes résultant des règles d'urbanisme ou bien encore les aléas des procédures d'attribution de marchés.

Je pense plus particulièrement au cas précis de la communauté d'agglomération de Tours, à laquelle appartient la ville de Saint-Avertin. Alors que des appels d'offre ont été lancés pour l'ensemble des communes concernées, celui de Saint-Avertin s'avère infructueux pour un seul lot. En conséquence, la mise en chantier de ces aires - six au total pour quatre-vingt-quatre communes - ne peut avoir lieu !

Cet exemple n'est pas le seul, et nombreux sont les groupements de communes ou les communes à se retrouver dans une véritable impasse. Confrontés à l'application de différentes dispositions, ils craignent de ne pouvoir obtenir dans le délai fixé, c'est-à-dire le 30 juin 2006, les subventions nécessaires aux travaux.

D'une part, je citerai la circulaire du 17 décembre 2004 du ministère de l'emploi, de la cohésion sociale et du logement, en vertu de laquelle une commune doit au minimum avoir engagé la procédure d'attribution de marchés pour être considérée comme ayant satisfait aux conditions de délai fixées par l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage modifiée par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

D'autre part, j'évoquerai l'article 11 du décret du 16 décembre 1999 relatif aux subventions de l'État pour des projets d'investissement, aux termes duquel devient caduque la décision de subvention si, à l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la notification de la subvention, les travaux ne sont pas commencés.

La combinaison de ces deux textes peut parfois s'avérer très restrictive. Ainsi, en Indre-et-Loire, le trésorier-payeur général, consulté par le préfet, a confirmé la position qu'il avait déjà exprimée en mai 2004. Se fondant sur ces deux dispositions, il a réaffirmé que seuls les travaux réalisés dans le délai fixé par l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000, et à condition qu'ils soient justifiés par la production de factures attestées par l'ordonnateur pour service fait au 30 juin 2006, peuvent bénéficier de l'aide financière de l'État.

L'application particulièrement stricte de ces textes dans notre département crée un obstacle majeur à la réalisation d'opérations projetées par des communes ou des groupements de communes. Sur les trente-cinq aires inscrites au schéma d'accueil des gens du voyage, seuls onze projets ont reçu une subvention et neuf autres ont fait, à la fin du mois de mars 2006, l'objet d'un dépôt de dossier, qui a été reconnu complet. D'autres projets encore en cours d'instruction sont susceptibles de s'ajouter à cette liste avant le 30 juin prochain.

Ces communes ou groupements de communes savent pertinemment que, même si les entreprises ont d'ores et déjà été retenues et sont prêtes à intervenir, les travaux ne seront jamais finis avant la date butoir du 30 juin 2006. Il serait vraiment regrettable que ces projets soient abandonnés ou reportés sine die. Cela ne manquerait pas de jeter un discrédit supplémentaire sur l'ensemble des élus locaux, aux yeux non seulement de la population sédentaire, mais aussi des gens du voyage.

Aussi, madame le ministre, une nouvelle modification de la loi du 5 juillet 2000 paraissant exclue, pourriez-vous, face aux difficultés constatées, donner aux dispositions de son article 2 une interprétation plus souple que celle qui a été formulée par le contrôle financier déconcentré de notre département ?

Si vous acceptiez une telle proposition, deux solutions seraient envisageables.

La première serait de confirmer les termes de la circulaire du 17 décembre 2004 que j'ai évoquée précédemment, selon lesquels la condition de délai posée par l'article 2 de la loi du 5 juillet 2000 est considérée comme satisfaite si la procédure d'attribution de marchés a été engagée avant l'expiration du délai fixé.

La seconde solution, si vous souhaitez donner à l'application de cet article 2 un contenu juridiquement plus contraignant, serait de poser la condition suivant laquelle les marchés relatifs à la réalisation des aires d'accueil des gens du voyage doivent être notifiés dans le délai fixé.

Ainsi, les conditions d'application de la loi du 5 juillet 2000 ayant été précisées, les subventions accordées resteraient alors régies par les dispositions du décret du 16 décembre 1999.

Je ne sais si ces solutions sauront vous convaincre, madame le ministre, mais il est urgent de lever les obstacles auxquels sont confrontées de nombreuses communes et communautés de communes.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Monsieur le sénateur, depuis six ans maintenant, les collectivités locales et les services déconcentrés de l'État se sont fortement mobilisés pour trouver des solutions. Ils ont surtout adopté des schémas départementaux d'accueil des gens du voyage et les ont mis en oeuvre, en réalisant des aires de grand passage, des aires d'accueil et des terrains familiaux.

Cette mobilisation commence seulement à porter ses fruits : la quasi-totalité des schémas départementaux sont publiés, ce qui signifie qu'ils sont entrés dans une phase de mise en oeuvre. Seuls trois schémas sont en cours de finalisation, à la suite d'annulations pour vice de forme. Par ailleurs, j'ai installé le 14 mars 2006 la commission nationale consultative des gens du voyage, qui suivra la mise en oeuvre de cette politique. Un premier bilan a montré que 18 % des aires prévues sont en service et 25 % d'entre elles sont financées, c'est-à-dire en cours de réalisation.

Pour avoir travaillé, pas plus tard que ce week-end, à l'aménagement d'une aire de grand rassemblement, je peux vous dire que je suis sensibilisée à ce sujet !

La loi fixe un objectif politique aux communes qui sont inscrites dans un schéma départemental d'accueil des gens du voyage, en leur donnant un délai de deux ans après la publication du schéma départemental pour participer à la mise en oeuvre de ces aires. Ces communes s'efforcent d'atteindre cet objectif en mettant à la disposition des gens du voyage une ou plusieurs aires d'accueil aménagées et entretenues.

Ce délai peut être prorogé de deux ans pour les communes ayant manifesté, au cours de la période initiale de deux ans, leur volonté de se conformer à leurs obligations. Ce délai est échu ou approche de son échéance dans plusieurs départements. Pour le département d'Indre-et-Loire, il s'achèvera le 30 juin 2006.

À l'issue de ce délai, la loi donne la possibilité aux préfets d'adresser une mise en demeure à la commune qui n'aurait pas respecté ses obligations et, à défaut d'avoir donné suite, de se substituer à la commune pour réaliser l'aire.

La loi précise par ailleurs et de façon distincte que l'État prend en charge les investissements nécessaires à hauteur de 70 % des dépenses engagées dans le délai fixé de deux ans, prorogé éventuellement de deux ans, et dans la limite d'un plafond.

En accord avec le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie, je vous confirme, monsieur le sénateur, la nécessité d'apprécier, pour le versement des subventions, ce délai de deux ans, éventuellement prorogé de deux ans, au regard de la seule notion d'engagement de dépenses et non de réalisation effective des travaux, ce qui suppose au minimum que les procédures d'attribution de marchés soient engagées dans ce délai.

Les services de l'État dans le département d'Indre-et-Loire examinent actuellement les conventions de subvention qui ont été signées, afin de rectifier celles qui ne seraient pas conformes à cette disposition.

Enfin, je vous confirme l'engagement des services de l'État à continuer d'apporter tout leur soutien aux communes et rechercher en permanence toutes les solutions offertes par les textes en vigueur, afin de faciliter la réalisation effective des aires que les collectivités locales ont décidé de réaliser.

Je dois vous faire part de la mobilisation du Gouvernement pour parvenir à mettre enfin en place ces aires sur l'ensemble du territoire.

M. le président. La parole est à M. Dominique Leclerc.

M. Dominique Leclerc. Madame le ministre, je vous remercie de votre réponse. Il est vrai que, sur le terrain, la mobilisation a été très longue à se mettre en place. Par ailleurs, tous les obstacles que j'ai évoqués tout à l'heure sont réels.

Aujourd'hui, je tiens à vous le dire, la mobilisation, notamment de nos préfets, existe. C'est en concertation avec les services de l'État que je peux vous faire ces propositions. Il faut désormais que les autres services, notamment ceux du trésorier-payeur général, relaient cette volonté politique du Gouvernement et de son représentant.

Conscients de l'acuité du problème, les élus locaux, c'est vrai, ont mis du temps à appréhender l'ampleur du phénomène. Aujourd'hui, dans l'agglomération tourangelle, seules deux aires ne répondent pas aux besoins actuels. C'est la raison pour laquelle nous assistons à une vraie mobilisation de l'ensemble des communes de la communauté d'agglomération et des communautés de communes voisines pour répondre enfin au problème de l'accueil temporaire des gens du voyage.

règles de décompte du temps de travail dans les chambres de veille des établissements sociaux et médico-sociaux

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont, auteur de la question n° 1061, adressée à M. le ministre délégué à l'emploi, au travail et à l'insertion professionnelle des jeunes.

Mme Bernadette Dupont. Madame la ministre, pour ce qui concerne les périodes de surveillance nocturne en chambre de veille, le décret n° 2001-1384 du 31 décembre 2001 avait prévu que le calcul de la durée légale du travail, dans les établissements et les emplois qu'il vise, se faisait sur la base d'un forfait de trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures de présence et d'une demi-heure pour chaque heure au-delà.

Or, par l'arrêt Dellas et autres du 1er décembre 2005, la Cour de justice des Communautés européennes a estimé qu'une réglementation nationale ne pouvait prévoir, s'agissant des gardes effectuées selon le régime de la présence physique, pour les besoins du décompte du temps de travail effectif, un système d'équivalence tel que celui qui est posé par le décret cité.

Le Conseil d'État, dans un arrêt du 28 avril dernier, a annulé le décret, car, si la directive ne fait pas obstacle à l'application des rapports d'équivalence aux durées maximales de travail fixées par le droit national, il ne saurait en résulter une inobservation des seuils et plafonds communautaires pour l'appréciation desquels les périodes de travail effectives doivent être comptabilisées dans leur intégralité, sans possibilité de pondération.

Cette décision revient à supprimer les chambres de veille, structures pourtant adaptées aux caractéristiques des gardes de nuit des établissements d'hébergement permanent où une surveillance de nuit n'est pas nécessaire sur le plan médical. Ses conséquences risquent d'être très problématiques pour le fonctionnement de ces établissements. La rétribution intégrale du personnel embauché pour une présence de nuit, sans aucun caractère éducatif, grèvera sans conteste le nombre de personnes compétentes nécessaires à la présence éducative de jour, lorsque l'on sait que les budgets des établissements médicosociaux sont déjà très contraints.

Je voudrais donc savoir comment vous entendez assurer la sauvegarde du fonctionnement de ces établissements qui, en région parisienne, sont déjà très fortement fragilisés par les difficultés de recrutement de personnel, compte tenu du coût du logement par rapport aux salaires.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Vautrin, ministre déléguée à la cohésion sociale et à la parité. Madame la sénatrice, vous avez attiré l'attention du Gouvernement sur les modalités de décompte du temps de travail dans certains établissements sociaux et médicosociaux privés à but non lucratif.

Un décret institue une durée d'équivalence de la durée légale du travail dans les établissements sociaux et médicosociaux gérés par des personnes privées à but non lucratif.

Ce décret prévoit, comme vous le rappelez très justement, que chacune des périodes de surveillance nocturne en chambre de veille est décomptée comme trois heures de travail effectif pour les neuf premières heures de travail et comme une demi-heure pour chaque heure au-delà de neuf heures.

Or ce décret a fait l'objet de plusieurs recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d'État, qui, vous l'avez rappelé également, a saisi la Cour de justice des Communautés européennes, CJCE.

La CJCE n'a pas mis en cause le système des équivalences en tant que tel, mais elle a rappelé que les objectifs fixés par la directive sur le temps de travail étaient respectés dès lors que la durée maximale hebdomadaire de travail - y compris le temps de présence et de veille inactive sur le lieu de travail - n'était pas supérieure à une durée de travail hebdomadaire de quarante-huit heures calculée sur une période de quatre mois.

La CJCE a donc confirmé que le mécanisme d'équivalence prévu par la réglementation française n'était pas contraire à la directive européenne dès lors qu'il intervenait dans les limites des seuils et plafonds communautaires.

Elle a par ailleurs rappelé que la directive européenne ne s'appliquait pas aux conditions de rémunération.

À la suite de la décision de la CJCE, le Conseil d'État, dans son arrêt Dellas du 28 avril 2006, a considéré que le régime d'équivalence institué par le décret ne pouvait faire l'objet d'une censure totale sur le fondement de l'arrêt rendu par la CJCE. Il a ainsi prononcé une annulation partielle du décret en tant que ce dernier ne disposait pas que la durée de travail maximale hebdomadaire de quarante-huit heures en moyenne, calculée heure pour heure, sur une période de quatre mois consécutifs, devait être respectée.

Un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt a été accordé au Gouvernement pour amender ces dispositions réglementaires.

Contrairement à ce que pouvaient craindre les fédérations d'employeurs, le système des veilles nocturnes dans les établissements sociaux et médicosociaux n'est donc pas annulé par l'arrêt Dellas ; il est seulement limité par la durée maximale communautaire. En pratique, les salariés des établissements sociaux et médicosociaux ne pourront effectuer en moyenne plus de deux veilles nocturnes par semaine.

Toutefois, la remise en cause de ce système d'équivalences risque, vous l'avez souligné, d'affecter l'organisation du travail et l'équilibre financier des secteurs concernés.

Si l'arrêt Dellas concerne le secteur médicosocial, cette jurisprudence, par extension, est susceptible de s'appliquer à beaucoup d'autres secteurs : hospitaliers, services de secours d'urgence, police, etc.

Ses conséquences peuvent, dans certains cas, présenter de graves inconvénients pour l'équilibre financier des établissements, le recrutement de nouveaux personnels qualifiés, pour les revenus des salariés eux-mêmes si l'on réduit leur temps de présence non travaillée.

La solution pourrait certes venir de la révision de la directive sur le temps de travail. En effet, la proposition actuellement sur la table du Conseil des ministres européens règle la définition du temps de travail et des gardes inactives dans un sens qui protégerait les systèmes d'équivalence pour les États membres qui les pratiquent. Malheureusement, cette révision est bloquée par le désaccord persistant sur la question dite de l'opt-out.

Le Gouvernement français est donc pris dans un étau entre le souci d'obtenir une révision rapide de la définition du temps de garde et le blocage persistant de la négociation.

En attendant la révision de la directive, il faut donc rechercher une solution nationale avec réalisme et pragmatisme.

Dans un certain nombre de cas où les dépassements de la limite de quarante-huit heures sont peu fréquents, la simple application de l'arrêt du Conseil d'État suffira sans doute. Il laisse une souplesse que l'on peut utiliser.

D'autres cas seront peut-être plus délicats et il ne faut pas s'interdire, pour maintenir le fonctionnement normal de ces secteurs, en attendant que la révision de la définition des temps de garde soit actée à Bruxelles, de recourir temporairement à l'opt-out, lorsque ce serait le seul moyen d'éviter une désorganisation du temps de travail dans les secteurs des soins, de la sécurité et des services d'urgence.

Dans le secteur social et médicosocial, afin d'évaluer précisément les conséquences tant juridiques que budgétaires de cette décision, une concertation sera prochainement engagée avec l'ensemble des partenaires sociaux. À cet effet, ce point sera mis à l'ordre du jour du prochain comité national de l'organisation sanitaire et sociale, le 22 juin prochain.

M. le président. La parole est à Mme Bernadette Dupont.

Mme Bernadette Dupont. Madame la ministre, je vous remercie de votre réponse. Cette prochaine concertation va certainement aider les établissements ; je constate donc que la porte n'est pas fermée. Il s'agit néanmoins d'un problème fondamental, car des dépenses supplémentaires sont impossibles non seulement pour ces établissements, qui sont en permanence sur la corde raide, mais aussi pour le ministère des affaires sociales qui les subventionne et pour les conseils généraux qui ne pourront certainement pas augmenter leurs budgets !

transfert des produits de taxe professionnelle générée par la présence d'une gare tgv à un syndicat mixte

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet, auteur de la question n° 1052, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Louis Souvet. Monsieur le ministre, cette problématique du financement de la ligne TGV Rhin - Rhône et de la solidarité entre collectivités locales s'apparente, de par sa complexité et sa lenteur, à la saga « banane » de l'OMC. Nos collègues de la Délégation parlementaire pour l'Union européenne apprécieront cette comparaison relative tout à la fois à l'immobilisme et au surplace, ce qui n'est pas un moindre des paradoxes pour une ligne à grande vitesse !

Mais reprenons, monsieur le ministre, le débat de cette saga ferroviaire.

Le 27 octobre 1999, le ministre en charge des transports a retenu, à notre grande satisfaction d'ailleurs, l'hypothèse d'une première phase de réalisation de 248 kilomètres entre Villers-les-Pots en Côte-d'Or et Petite-Croix en Territoire-de-Belfort. La branche Est de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône a été déclarée d'utilité publique par décret du 25 janvier 2002.

Cette ligne, qui va améliorer les liaisons sur deux axes majeurs - l'axe nord-sud, avec les liaisons entre, d'une part, le nord-est de la France, l'Allemagne et la Suisse alémanique et, d'autre part, le Couloir rhodanien et Parc méditerranéen, et l'axe est-ouest, avec les liaisons entre l'est de la France, la Suisse alémanique et l'Île-de-France -, va bien évidemment devoir être financée.

Ce projet, qui permettra par là même une amélioration des relations depuis Dijon, Besançon, Belfort-Montbéliard, Mulhouse et Lyon, notamment vers Bruxelles, l'Allemagne, la Suisse, l'Espagne, Paris et la Grande-Bretagne, pour ne citer que les principales destinations, figure parmi les projets prioritaires du réseau trans-Europe de transport.

Les clefs de répartition de cette dépense sont les suivantes : 60 % à la charge du conseil régional, 30 % à la charge des quatre départements - Doubs, Haute-Saône, Jura, Territoire-de-Belfort -, 10 % à la charge de trois communautés d'agglomération - Besançon, Pays de Montbéliard, Belfort -, soit 31,6 millions d'euros.

Cette clef de répartition est le fruit d'une négociation au long cours, comme en témoignent les titres des coupures de presse parus durant les années 2004, 2005 et maintenant 2006.

Par courrier en date du 13 février 2006, en se fondant sur des critères objectifs, le conseil régional de Franche-Comté a proposé de repartir le financement des agglomérations à raison de 41,3 % pour la communauté d'agglomération du Grand Besançon, CAGB, soit 13,05 millions d'euros, 26,09 % pour la communauté d'agglomération du Pays de Montbéliard, CAPM, soit 8,24 millions d'euros, et 32,61 % pour la communauté d'agglomération belfortaine, CAB, soit 10,3 %.

La Communauté d'agglomération du Pays de Montbéliard, que je préside, a accepté, compte tenu de l'enjeu, de porter sa participation à 50 % du montant restant à la charge des agglomérations du Nord Franche-Comté, soit un maximum de 9 217 720 euros au lieu de 8 240 000 euros conseillés par la région. Mais nous lions bien entendu, et fort logiquement, nous semble-t-il, cette majoration à une condition de partage des recettes de la taxe professionnelle générée par l'exploitation de la gare TGV située sur le territoire de la communauté d'agglomération belfortaine. Si tel n'était pas le cas, l'ensemble de ces recettes bénéficierait uniquement à cette dernière.

Ce partage s'effectuerait dans une logique dynamique d'avenir, c'est-à-dire via une structure telle que le Syndicat mixte de l'Aire urbaine, SMAU, qui oeuvre sur les deux territoires de Belfort et de la communauté d'agglomération du Pays de Montbéliard, ce syndicat étant chargé de mettre en oeuvre les espaces communs. C'est aussi, nous semble-t-il, le reflet d'une solidarité active.

Le refus de la communauté d'agglomération belfortaine remet en cause la viabilité du Syndicat mixte de l'Aire urbaine, qui devient de facto une structure à la carte, voire tout simplement une coquille vide. Ce refus prend appui sur la territorialité de l'impôt : la recette appartient au territoire qui la génère ; c'est du moins la réponse que nous obtenons de la part du président de la communauté d'agglomération belfortaine.

Monsieur le ministre, pour conclure ce propos, j'ai l'honneur de vous demander de répondre à la question ici déterminante et qui intéresse, ou intéressera, d'autres collectivités : qu'est ce qui, à l'heure actuelle, s'oppose à ce partage ? Il est bien évident que, s'il n'y a pas d'accord de partage entre Belfort et Montbéliard, cette dernière pourrait refuser de s'acquitter de sa participation financière, comme l'a fait la ville de Vesoul pour sa participation à la gare TGV de Besançon.

Je vous remercie de votre aimable attention.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, la situation que vous évoquez est à l'évidence, comme vous l'avez souligné vous-même à la fin de votre intervention, d'intérêt général. Mais elle constitue aussi un cas de figure très complexe.

Il s'agit très concrètement de savoir dans quelles conditions un syndicat mixte, auquel participent des départements, des communes et des établissements publics de coopération intercommunale, peut bénéficier du produit de la taxe professionnelle généré par un grand équipement, dès lors que c'est non seulement la collectivité où est implanté cet équipement qui participe à son financement, mais l'ensemble des collectivités regroupées dans le syndicat mixte. Il s'agit en quelque sorte d'organiser, comme vous le dites, un « retour sur investissement ».

Comme vous le savez, les syndicats mixtes ne sont pas financés par la fiscalité ; ils le sont par les contributions de leurs membres. La taxe professionnelle que générera la gare TGV prévue dans la commune de Méroux-Moval sera, pour sa part, perçue par la communauté d'agglomération belfortaine.

Dans ces conditions, pour que le surplus de taxe professionnelle puisse bénéficier au syndicat mixte, la réponse pourrait résider dans un ajustement de la contribution budgétaire versée par les membres du syndicat mixte, afin de tenir compte, pour chacun d'entre eux, des recettes fiscales supplémentaires dont ils bénéficient au titre des équipements financés par ce syndicat mixte. Il s'agirait alors de modifier la clé de répartition des contributions de chacune des collectivités pour tenir compte de l'impact de l'implantation de la gare TGV pour la collectivité d'accueil.

J'attire cependant votre attention sur le nécessaire respect du principe d'égalité dans la définition éventuelle de cette nouvelle clé, qui doit être effectuée dans les conditions fixées soit par le statut du syndicat, soit, à défaut, par délibération du comité syndical.

Cependant, dès lors que l'enjeu concerne plus particulièrement, au sein du syndicat mixte, deux établissements publics de coopération intercommunale, deux autres solutions sont ouvertes par la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales.

La première, prévue par l'article 185 de ladite loi, tend à autoriser un EPCI à instituer au bénéfice de ses communes membres, mais également au bénéfice d'un EPCI limitrophe, une dotation de solidarité communautaire, dont le montant est fixé librement par le conseil communautaire, une fois que ce dernier en a arrêté le principe et les critères de répartition à la majorité des deux tiers.

La seconde, qui est sans doute la plus adaptée à la situation que vous avez décrite, est prévue à l'article 189. Lorsqu'un EPCI intervient sur le territoire d'un autre EPCI, pour contribuer à la création ou à l'équipement d'une zone d'activités dont l'intérêt leur est commun, les deux EPCI peuvent s'entendre pour partager la taxe professionnelle acquittée par les entreprises implantées sur cette zone. Les deux EPCI doivent adopter, pour ce faire, des délibérations concordantes.

Monsieur le sénateur, il existe plusieurs formules qui répondent à votre souci de prévoir un partage équitable des retombées fiscales résultant de l'implantation d'un grand équipement. Il est vrai - j'anticipe sans doute votre remarque - qu'aucune de ces solutions ne revêt un caractère contraignant ou automatique. Le partage des bénéfices d'un tel projet repose aujourd'hui, dans le cadre de la législation, sur un accord entre les collectivités concernées. Toutefois, celui-ci doit être d'autant plus recherché qu'il est, en réalité, nécessaire à la réalisation même du projet. C'est pour cette raison que nous pouvons être optimistes pour que les collectivités retiennent l'une des formules que je viens de présenter.

M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.

M. Louis Souvet. Je vous remercie, monsieur le ministre, de votre réponse, même si elle ne me satisfait pas pleinement ; je n'en attendais d'ailleurs pas d'autre.

Il s'agit surtout d'un accord entre les parties, la loi ne prévoyant rien en la matière. Toutefois, au-delà de l'affectation de la recette produite par l'activité de la gare TGV à un syndicat mixte, je me demande ce qui empêche plus généralement le partage des recettes. Le président de la communauté d'agglomération belfortaine insiste surtout sur le fait qu'il ne peut pas partager la recette produite sur son territoire. Toutefois, il peut là encore s'agir d'un accord, même si l'affectation de la recette se fait au bénéfice non pas du syndicat mixte, mais de la communauté d'agglomération.

Il me semble absolument anormal de nous inviter à participer à la dépense, alors que la recette est importante puisqu'elle s'élève à plus de 3 millions d'euros par an. Avec une telle somme, on peut amortir très rapidement un emprunt. Je déplore donc le fait que l'on puisse nous demander de partager les dépenses sans vouloir partager les recettes.