conditions d'organisation des "technivals"

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, auteur de la question n° 1048, adressée à M. le ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. Rémy Pointereau. J'ai en effet souhaité appeler l'attention du ministre de l'intérieur sur les conditions dans lesquelles un technival a été organisé dans le département du Cher et sur le devenir de ce type de manifestations.

Lors du week-end du 1er mai, s'est tenu durant quatre jours dans le Cher, à Chavannes, commune de 169 habitants, un technival sur des terrains agricoles privés, pour la plupart en culture, qui avaient été réquisitionnés par l'État. Cette manifestation, qui a regroupé jusqu'à 82 000 personnes sur environ 120 hectares, a été encadrée par l'État, le souci étant de la sécuriser, ce que l'on comprend tout à fait.

Toutefois, il faut préciser que cet énorme rassemblement s'est effectué contre l'avis du maire de la commune, de la majorité des habitants et des agriculteurs concernés, et même contre l'avis des organisateurs, qui ne souhaitaient pas s'installer sur des terres cultivées.

Certes, on peut se féliciter de la mobilisation et de la qualité de l'engagement des services de l'État autour du préfet du Cher. Ils ont su faire face à l'afflux massif des « ravers » en déployant les moyens nécessaires, alors que se déroulait à trente kilomètres le Printemps de Bourges, manifestation musicale phare et reconnue du département.

Malgré cette mobilisation, on a pu déplorer des incidents, des malaises graves conduisant à des hospitalisations, ainsi, hélas ! qu'un décès dû à une overdose. Car toutes sortes de produits illicites ont circulé en masse par l'intermédiaire de nombreux dealers, en dépit de la présence de policiers, qui ont effectué d'importantes saisies de drogues. Il est à noter qu'un arsenal invraisemblable d'armes a également été saisi. Il convient en outre de signaler que les nuisances sonores se sont fait sentir jusqu'à vingt kilomètres aux alentours.

Aujourd'hui, monsieur le ministre, je veux souligner le sentiment d'invraisemblable chaos qu'éprouvent la population du Cher et de nombreux élus locaux, qui ne comprennent pas que l'État ménage, en prélevant sur les deniers publics - on évoque environ un million d'euros -, une emprise sur un site constitué de terres agricoles en culture. Ils ne comprennent pas non plus que l'on puisse laisser des jeunes, y compris des mineurs, s'autodétruire en consommant des drogues dures dans un excès de décibels. Point n'est besoin d'évoquer davantage l'effet très négatif de cet événement.

La volonté dont témoigne l'État depuis 2002 d'encadrer ces manifestations est tout à fait louable, car elle a permis d'éviter les dérives encore plus graves observées autrefois. Mais de nombreux points restent à éclaircir aujourd'hui. Doit-on continuer à autoriser ces technivals ?

Si ces manifestations intéressant une catégorie de jeunes deviennent un phénomène annuel, ne pourraient-elles être organisées sur des sites appartenant à l'État, notamment sur des terrains militaires ? Il en existe environ 15 000 hectares dans le Cher, notamment celui du Polygone, qui aurait pu être réquisitionné le temps d'un week-end.

Sur ces différentes questions, je souhaiterais avoir votre avis, monsieur le ministre, afin de rassurer la population et les élus du Cher.

Je tiens, en conclusion, à insister sur les répercussions psychologiques désastreuses qu'a eues, pour les agriculteurs, la dégradation de leurs terres agricoles et que l'indemnisation ne suffit pas à effacer.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Brice Hortefeux, ministre délégué aux collectivités territoriales. Monsieur le sénateur, vous souhaitez connaître les conditions dans lesquelles le technival du Cher s'est tenu le week-end du 1er mai et vous vous interrogez sur le devenir de ce type de manifestations.

Comme vous le savez, depuis 2002, l'État s'est efforcé de nouer un dialogue avec les médiateurs du mouvement « techno » et il s'est engagé dans une politique de réduction des risques de tous ordres, particulièrement à l'égard des grands rassemblements de type « technival ».

Chercher à interdire ces rassemblements aurait été peu réaliste, voire irréaliste, s'agissant d'un mouvement qui compte plus de 300 000 adeptes, composés en majorité de jeunes adultes. Avant 2002, la situation était quelque peu chaotique : il n'existait aucune réglementation couvrant ce type manifestations. Souvenons-nous des difficultés innombrables liées à des envahissements sauvages, suscitant la fureur, bien compréhensible, des élus locaux.

Face à ces rassemblements spontanés de plusieurs dizaines milliers de personnes, sans organisateurs facilement identifiables, il s'agissait pour l'État de prendre les dispositions de sauvegarde nécessaires afin de limiter les risques pour les personnes et les biens, ainsi que les troubles à l'ordre public.

L'accompagnement par les services de l'État de plusieurs technivals a démontré, dans chaque cas, l'intérêt d'être associé le plus en amont possible à ces rassemblements, plutôt que de subir, comme par le passé, leur tenue clandestine, avec tous les risques qui en découlent.

La présence des services de l'État permet aussi, c'est incontestable, de mener une lutte énergique contre les trafics et usages de produits stupéfiants. Au fil des ans, au fur et à mesure que des condamnations exemplaires sont prononcées, le message adressé aux dealers potentiels est de mieux en mieux reçu.

Corrélativement à cette action accrue contre les trafics, des actions de prévention et de surveillance sont mises en oeuvre.

Sur le plan financier, il convient de noter qu'un rassemblement encadré se révèle nettement moins onéreux qu'un technival clandestin. En effet, dans les deux cas, la mobilisation des forces de l'ordre est la même et l'État doit prendre en charge l'indemnisation des dégâts occasionnés. Or un rassemblement clandestin occasionne indiscutablement davantage de dégâts qu'un rassemblement encadré de manière à éviter les débordements.

Il faut aussi rappeler que la charge induite par ces manifestations pour le budget de l'État demeure sensiblement inférieure à celle d'autres rassemblements culturels ou sportifs, pour lesquels d'importantes subventions sont versées.

Ces principes de politique générale à l'égard des technivals étant rappelés, j'en viens à celui qui s'est tenu dans le Cher à l'occasion du week-end du 1er mai.

En ce qui concerne l'utilisation des terres agricoles, une surface de 90 hectares, dont une partie en jachère, a été utilisée. Dans son rôle de garant de l'intérêt général et de l'ordre public à l'échelon local, le préfet a tenu plusieurs réunions avec les exploitants dont les terres étaient réquisitionnées afin d'ajuster le protocole d'indemnisation, avec le concours de la chambre d'agriculture, la fédération départementale des syndicats d'exploitants agricoles et les maires des communes concernées.

J'aurai d'ailleurs l'occasion de rencontrer prochainement ces derniers ainsi un certain nombre d'élus du département lors de la réunion de l'assemblée départementale, à laquelle j'ai été convié par vous-même, monsieur le sénateur.

L'indemnisation, qui est en cours, représente environ 100 000 euros. Elle couvre les pertes ainsi que la remise en état du site.

Durant la préparation du site, il a été tenu compte des observations formulées par les agriculteurs. En outre, des aménagements pérennes ont été réalisés, notamment le remblaiement de voies en terre, au bénéfice direct de la commune concernée.

Un état des lieux complet et contradictoire a été réalisé dès le 4 mai et une remise en état intégrale des terrains a été effectuée.

L'information des élus locaux et de la population a été assurée régulièrement avant le technival et pendant tout son déroulement.

S'agissant de l'utilisation de terrains militaires, ceux qu'abrite le département du Cher sont tous utilisés de manière permanente. Pour ce qui a trait plus particulièrement au Polygone de tir, les autorités militaires sollicitées ont fait valoir les dangers résultant de la présence de résidus de munitions et de munitions non explosées.

En matière de prévention des toxicomanies, les services de l'État ont distribué plus de 40 000 dépliants d'information à l'entrée du technival afin de prévenir les jeunes sur les risques qu'ils encouraient. D'autre part, des éthylotests individuels ont été remis aux conducteurs à la sortie du technival, où étaient également postés les représentants de cinq associations de réduction des risques en matière de drogues.

Quatre postes de secours et un poste médical avancé ont été mis en place, ce qui a permis, notamment, de sauver la vie à plusieurs jeunes victimes d'overdose, même si l'on doit déplorer, hélas ! le décès d'une jeune femme par overdose.

S'agissant de l'action répressive, les forces de l'ordre ont procédé à de très nombreux contrôles. Des quantités importantes de produits stupéfiants ont été saisies, dont 8,7 kilogrammes de cannabis, 2 kilogrammes de cocaïne, et 5 875 cachets d'ecstasy. Quarante-quatre personnes trouvées en possession de drogues ont été placées en garde à vue ; quinze ont fait l'objet de peines allant de quatre mois à dix-huit mois d'emprisonnement ferme.

Enfin, contrairement à des rumeurs qui ont circulé et dont la presse s'est fait l'écho, aucun chien n'a été éventré à l'occasion de cet événement.

Dès lors qu'une manifestation rassemble plusieurs dizaines de milliers de personnes, l'État doit assumer ses responsabilités et prendre des mesures d'encadrement nécessaires, quelle que soit la nature du rassemblement. C'est vrai pour les 24 heures du Mans, pour l'Enduro du Touquet, et pour bien d'autres manifestations.

Lors du technival du Cher, l'État n'a pas failli à l'une de ses missions essentielles, celle qui consiste à assurer la sécurité des biens et des personnes.

Je sais, monsieur le sénateur, que c'est là l'une de vos préoccupations majeures. Croyez bien que c'est aussi celle du Gouvernement et du ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

J'ai bien compris votre souhait de voir les services de l'État accompagner de telles manifestations, ce qui permet effectivement de prévenir un certain nombre de dérives, plutôt que de les subir. En l'occurrence, l'État n'a pas failli et, je tiens à le souligner, le préfet du Cher s'est fortement investi dans la préparation et le déroulement de ce technival.

Permettez-moi de répondre à votre objection concernant l'utilisation des terrains militaires : s'ils représentaient un danger pour les « ravers », il en serait de même pour ceux qui reprennent régulièrement les chevreuils ou ceux qui effectuent des battues administratives. Or je n'ai jamais vu aucun d'eux sauter sur une mine ou une bombe ! Il me paraît donc souhaitable d'explorer cette piste. Le Polygone n'est pas utilisé pour le tir tous les jours de l'année et il me semble qu'il serait possible de consacrer une centaine d'hectares de ce terrain à cette manifestation. Pour m'y être rendu à plusieurs reprises, au même titre qu'un certain nombre d'élus, je puis témoigner du fait qu'il est sans danger : jamais le moindre accident ne s'y est produit.

taxe sur les véhicules de sociétés

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet, auteur de la question n° 1049, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie

M. Jean-Claude Peyronnet. Ma question porte sur les transferts aux départements d'une part de la taxe spéciale sur les conventions d'assurance, la TSCA.

Cette taxe, instaurée par la loi de finances pour 2005, vise à financer une partie des compétences transférées aux départements par la loi du 13 août 2004.

Les départements sont censés recevoir deux fractions du produit de cette taxe : l'une, au taux de 0,91 %, doit être modulable à partir de 2007 ; l'autre a pour objet de neutraliser la réfaction opérée sur la dotation globale de fonctionnement des départements, pour contribuer au financement des services départementaux d'incendie et de secours.

Si ce n'est pas tout à fait une usine à gaz, c'est au moins une « machine à détuber » comme celle que montrait un film populaire où l'on voyait des tubes de dix centimètres émerger d'une machinerie haute de trois étages ! (Sourires.)

J'ai bien noté que des évolutions se sont produites entre le dépôt de ma question et aujourd'hui. Ainsi le veut la « machine à détuber » propre au Sénat, laquelle coupe les questions orales de l'actualité en raison du délai séparant leur dépôt et leur discussion dans l'hémicycle.

Il n'en demeure pas moins qu'on n'y voit toujours pas très clair !

Comme nombre de parlementaires, j'ai été alerté par plusieurs entreprises se plaignant de l'accroissement de la charge que fait peser sur elles la TSCA par rapport à ce que leur coûtait la vignette, à laquelle elle s'est substituée.

Dans mon département, par exemple, une entreprise comprenant un effectif commercial de cinq personnes a enregistré un surcoût de plus de 7 000 euros, somme d'autant plus lourde qu'elle n'est pas déductible de l'assiette de l'impôt sur les sociétés. L'entreprise se trouve donc doublement pénalisée.

À la suite des interventions de plusieurs élus, le Gouvernement a annoncé le mois dernier - c'est la nouveauté - un allégement de la taxe sur les véhicules des sociétés pour celles qui remboursent des frais kilométriques à leurs employés.

Cependant, le flou continuant à subsister dans ce domaine, je souhaiterais savoir plus précisément où nous en sommes actuellement à cet égard.

Qu'en est-il de l'instruction administrative annoncée par le Gouvernement et destinée à alléger la taxation des entreprises ? S'agit-il d'un aménagement ou, comme l'affirme e quotidien Le Parisien, d'un enterrement ? À ce stade, les syndicats patronaux ont des interprétations divergentes sur ce point.

Pouvez-vous, madame le ministre, nous donner des précisions et nous fournir un calendrier, en particulier s'agissant du projet de loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier qui est censé corriger le dispositif ?

Par ailleurs, si la TSCA a pesé plus lourd que la vignette sur les entreprises, n'est-il pas logique d'en conclure qu'elle a rapporté davantage à l'État ? Où est passée la différence ? En tout cas, pas dans les budgets départementaux, qui en sont restés au versement prévisionnel notifié en janvier par les préfets. Le compte n'y est pas !

Ainsi, dans mon département, la Haute-Vienne, le total des versements annoncés au titre des articles 52 et 53 de la loi de finances fait ressortir, entre 2005 et 2006, une perte en ligne substantielle puisqu'elle est de l'ordre de 315 000 euros.

Devant la complexité du système, les services hésitent à se prononcer, restant dans une fourchette entre deux sommes très éloignées : de moins 230 000 euros à moins 400 000 euros. Pouvez-vous, madame le ministre, nous fournir également des éclaircissements sur ce point ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, je ne sais si je peux vous éclairer sur le « détuyautage » ou le « retuyautage » du système que vous évoquez, mais je vais m'efforcer de vous transmettre les éléments de réponse que Thierry Breton, qui vous prie d'excuser son absence, souhaitait porter à votre connaissance.

Comme vous le savez, la loi de finances pour 2006 a défini le régime de compensation de la suppression de la vignette automobile.

Au titre de la compensation de la perte de recettes liée à cette suppression, les départements bénéficient d'une affectation supplémentaire du produit d'un impôt d'État, la taxe spéciale sur les contrats d'assurances automobile, la TSCA. C'est à ce titre que la fraction du taux de la TSCA tient compte de la compensation aux départements de la suppression de la vignette et de la perte de recettes subséquente.

Ainsi, la compensation servie aux départements, d'un montant de 132,5 millions d'euros, à compter de la loi de finances pour 2006 est exactement égale au produit de la vignette perçu par les départements pour l'exercice budgétaire 2004.

Comme vous le savez, l'État supporte le coût de la différence entre l'augmentation de la part de ses recettes de TSCA qu'il affecte aux départements, soit donc 132,50 millions d'euros, et l'augmentation du produit de la TVS, la taxe sur les véhicules des sociétés, qui s'élève à 118 millions d'euros en 2006.

S'agissant de la compensation, elle est exemplaire puisque l'indexation annuelle de son montant dépendra de la variation de l'assiette de la TSCA, tendanciellement plus dynamique que celle de la vignette : le produit de celle-ci a en effet diminué d'environ 4 % par an de 2001 à 2004, et l'on avait toutes les raisons de penser que cette tendance à la baisse se confirmerait.

Les départements bénéficient donc d'un régime de compensation dynamique de la suppression de la vignette, dont le produit était déclinant.

Enfin, monsieur le sénateur, sachez que, malheureusement, il n'y a pas de « cagnotte cachée » en matière de TVS puisque la réforme adoptée dans la loi de finances pour 2006 a été modifiée afin que la charge fiscale qui pèse sur les entreprises, tout particulièrement sur les PME, ne pénalise pas leur compétitivité.

C'est ainsi que, après un dialogue constructif engagé avec la Confédération générale des petites et moyennes entreprises, la CGPME, et les commissions des finances des deux assemblées, Jean-François Copé a annoncé trois adaptations significatives de la TVS : tout d'abord, un réajustement du barème kilométrique, qui a triplé, passant de 5 000 à 15 000 kilomètres ; ensuite, un abattement de 15 000 euros ; enfin, une entrée en vigueur progressive de la réforme puisque les entreprises subiront un tiers de l'imposition la première année et deux tiers la deuxième année : c'est seulement au terme de la troisième année qu'elles supporteront l'imposition complète. Elles pourront donc mettre à profit ces trois années pour mener une réflexion stratégique sur la gestion de leur parc automobile.

Ces mesures, qui répondent aux souhaits de nombreuses PME, font que le rendement de la TVS ne devrait pas être supérieur à ce qui était prévu dans la loi de finances.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Peyronnet.

M. Jean-Claude Peyronnet. Madame la ministre, j'ai bien noté l'exemplarité de la compensation. Je dois cependant vous avouer que, dans les départements, les choses ne sont pas si claires : on n'en est pas encore à corriger l'estimation du versement initial, et c'est là une attente qu'il faudrait combler.

Quant au calendrier, il laisse des perspectives bien éloignées ! J'imaginais que, dès cette année, interviendrait une modification, comme cela est probablement nécessaire. Or, la matière concernée relevant du domaine de la loi, il faudra bien légiférer ! Cela se produira-t-il cette année ou bien au terme d'une période d'expérimentation ? Je l'ignore !

Monsieur le président, si je puis me permettre, nous avons là une illustration du caractère quelque peu figé de la discussion des questions orales. Nous évoquons souvent, hors de l'hémicycle, la nécessité d'adapter nos modes de fonctionnement : sur ce point précis, il y aurait beaucoup à faire. En particulier, le délai entre le dépôt des questions et leur discussion en séance publique pourrait être raccourci, et il devrait être possible d'en modifier le libellé, par exemple jusqu'à huit jours avant leur présentation à l'assemblée, afin que les ministres et nous-mêmes puissions tenir compte de l'évolution des situations.

Il faudrait également établir un véritable dialogue au sein même de la Haute Assemblée, ce qui n'est pas encore tout à fait le cas ; mais cela suppose que tout le monde joue pleinement le jeu, en particulier que les ministres concernés viennent répondre aux questions.

M. le président. Vous avez été entendu, mon cher collègue : vous aviez posé la question le 18 mai et nous sommes le 6 juin ; le délai est donc relativement court !

M. Jean-Claude Peyronnet. Il s'est passé beaucoup de choses entre-temps !

M. le président. Certes, mais je suis persuadé que votre grande expérience permettra de trouver des solutions correspondant mieux à la volonté des sénateurs et des sénatrices.

révision tarifaire du service courrier de la poste

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, auteur de la question n° 1054, adressée à M. le ministre délégué à l'industrie.

M. Gérard Cornu. Madame la ministre, en tant que parlementaire, je comprends que La Poste ait l'obligation de s'adapter à différentes évolutions pour devenir, dans un environnement concurrentiel, une entreprise compétitive grâce à la modernisation de ses processus et au développement de l'offre de services à ses clients ; de cela nous sommes ici tous convaincus.

Les défis à relever sont nombreux : la mise en place de la Banque postale, la modernisation des réseaux de proximité, et, désormais, l'ouverture à la concurrence en matière de courrier. C'est à ce dernier point que je consacrerai mon propos de ce matin.

Il apparaît que la revalorisation tarifaire du service « collecte et remise du courrier à domicile » engagée à la fin de l'année dernière est lourde de conséquences pour certains clients de La Poste. La majoration du coût qui a été enregistrée a conduit certaines entreprises à subir des hausses exorbitantes alors que, du fait de la spécificité de leur activité ou de la localisation de leur site, elles n'ont pas eu le choix du prestataire.

Pour exemple, dans mon département, une entreprise de machinisme agricole implantée dans une petite commune rurale compte depuis dix ans sur les colis de pièces détachées déposés avec le courrier du matin pour assurer la maintenance des équipements agricoles qui lui sont confiés. Or elle a vu le montant de la prestation passer de 1 300 euros à 2 900 euros à compter du 1er janvier dernier, soit une augmentation de plus de 220 %, au motif que le service du port et de l'enlèvement à domicile dans le secteur professionnel pouvait être fourni par de nombreux autres opérateurs et qu'à défaut d'augmentation La Poste se serait rendue coupable de dumping.

Une telle situation s'explique mal quand elle touche des secteurs géographiques où la concurrence est de fait inexistante, et elle risque d'avoir des répercussions évidentes en termes d'aménagement du territoire.

Les communes rurales sont également affectées par cette importante augmentation des tarifs. Certaines sont contraintes de mettre un terme à ce service, qui leur donnait pourtant entière satisfaction ; c'était d'autant plus vrai qu'il était souvent assuré plus ou moins gratuitement par La Poste.

La situation est donc difficile à gérer à la fois pour les entreprises installées en milieu rural et pour de nombreuses communes rurales qui n'ont pas d'autre solution que de renoncer à ce service. Elle soulève en outre un douloureux problème en termes d'aménagement du territoire.

C'est pourquoi je voudrais savoir quels moyens peuvent être mis en oeuvre, en concertation avec La Poste, pour éviter ces écueils à tout le moins préjudiciables pour l'avenir de nos zones rurales.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Christine Lagarde, ministre déléguée au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, François Loos, ministre délégué à l'industrie, qui vous prie de bien vouloir excuser son absence, m'a fourni un certain nombre d'éléments de réponse.

Je rappellerai d'abord ce que fait La Poste, et qu'elle fait bien.

Le service de collecte et de remise du courrier est une prestation unique qui répond partout en France aux besoins des entreprises de toute taille.

La Poste met tout en oeuvre pour renforcer la qualité de cette prestation tout en garantissant le prix le plus juste à ses clients. En particulier, elle s'adapte aux exigences horaires de chacun et assure une expédition quotidienne dans les meilleures conditions de sécurité. Le service de remise précoce, par ailleurs, permet à certains, en particulier aux entreprises, de recevoir leur courrier très tôt le matin et, ainsi, de gérer le plus rapidement possible les demandes qui parviennent par la voie postale.

La Poste est toutefois soumise aux règles de la concurrence, notamment à l'une des pierres angulaires du droit de la concurrence français : le principe selon lequel la vente à perte des produits ou des services est rigoureusement interdite.

En 2006, La Poste a donc proposé à ses clients, pour le service de collecte, une grille tarifaire unique établie sur la base de trois critères objectifs : la tranche horaire ; la tranche de volume maximum, mesuré en nombre de plis ; la tranche de temps d'accès. En ce qui concerne la remise, le service est facturé sur la base d'un devis établi après calcul du coût de revient, celui-ci permettant de déterminer le seuil de revente à perte.

Jusqu'à cette année, certains clients bénéficiaient d'un tarif extrêmement avantageux, voire de la gratuité de la prestation. Le tarif proposé en 2006, lui, est établi à partir de critères objectifs nationaux qui permettent un traitement équitable des clients et qui sont cohérents et conformes aux nouvelles règles de concurrence imposées à l'opérateur.

La hausse survenue en 2006 a été rendue nécessaire, notamment, par la forte augmentation des prix de revient afférents aux transports, en particulier par celle qui frappe les carburants. Les charges de fonctionnement ont également fortement augmenté du fait de l'entrée en vigueur de la nouvelle réglementation sur les déplacements des véhicules utilitaires et sur le renforcement de la sécurité.

La nouvelle grille tarifaire permet à La Poste de couvrir ses coûts de revient sans pour autant répercuter les différences de coûts liées à la zone d'implantation géographique des entreprises, qu'il s'agisse de zones urbaines ou de zones rurales, ces dernières bénéficiant de ce mode de tarification.

À titre d'exemple - les montants sont moins élevés que ceux que vous indiquez dans votre question -, une collecte par La Poste au domicile du client en option « standard » est proposée à 4 euros hors taxes par jour, quelle que soit la zone géographique considérée. Outre le caractère concurrentiel de son tarif, ce service épargne aux entreprises des déplacements quotidiens, générateurs de frais kilométriques, leur permettant également d'optimiser le temps consacré à leur activité.

Par ailleurs, La Poste va renforcer d'ici à 2007 ses engagements sur la qualité de service, grâce au suivi informatisé des tournées, et veiller à la simplification des termes contractuels de ses offres, souvent jugés trop compliqués par ses utilisateurs.

De nouveaux services sont à l'étude, notamment la collecte des plis au siège des entreprises par le facteur ou la collecte à des heures plus tardives pour satisfaire également de nouveaux clients ayant des modes de fonctionnement différents.

Enfin, dans le cadre du projet national de modernisation du courrier, La Poste entend privilégier un dialogue territorial continu pour répondre à la fois à l'objectif de performance qu'elle s'est fixé et, bien entendu, aux missions de service public qui lui incombent, notamment dans les territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu.

M. Gérard Cornu. Madame la ministre, loin de moi d'accréditer l'idée selon laquelle La Poste ne serait pas une entreprise performante : La Poste est, bien sûr, une entreprise performante et, pour demeurer telle, elle doit se moderniser.

Le problème qui se pose est double.

Vous avez fort bien répondu, madame la ministre, sur le volet concernant les entreprises : La Poste ne doit pas vendre à perte, cela me paraît tout à fait justifié. Cela étant, il y a loin de la vente à perte aux augmentations très importantes qu'elle fait subir à certaines entreprises, notamment en milieu rural.

Certes, le milieu rural est plus difficile à desservir que le milieu urbain ; il me semble cependant que nous devons garder à l'esprit une préoccupation d'aménagement du territoire, et c'est sur elle que, à travers ma question, je voudrais attirer l'attention du Gouvernement. C'est aussi le devoir des parlementaires et du Gouvernement que de faire en sorte que l'aménagement du territoire ne soit pas déséquilibré. Il faut bien voir qu'il est des points du territoire où la concurrence est inexistante en matière postale : certaines entreprises n'ont d'autre choix que de s'adresser à La Poste parce qu'il n'y a pas d'entreprise concurrente.

Pour les communes rurales, dont le budget, vous le savez, est très tendu, le service qui était rendu par La Poste était parfait. Ce n'était tout de même pas grand-chose pour le facteur que de prendre les plis de la commune, et le coût n'était pas exorbitant !

Sur ces deux aspects, il me semble que le Gouvernement, avec l'aide du Parlement, pourrait passer des conventions intéressantes avec La Poste, de façon à rendre service à l'ensemble des entreprises et du monde rural.