4

rappel au règlement

M. Guy Fischer. Je demande la parole, pour un rappel au règlement.

Mme la présidente. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Mon rappel au règlement se fonde sur l'article 36, et s'adresse à M. Sarkozy, ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire. Certes, monsieur le ministre de l'outre-mer, j'aurais pu l'adresser tout à l'heure à M. Estrosi.

Monsieur le ministre de l'intérieur, je proteste énergiquement contre votre acharnement à expulser M. et Mme Raba et leurs trois enfants, âgés respectivement de sept, quatre et trois ans.

Ils sont sur notre sol depuis 2001, deux de leurs enfants sont nés en France ; ils ne demandent que le droit d'asile au pays des droits de l'homme, comme l'ont obtenu les autres membres de leur famille. Ce sont non pas des terroristes, ni de dangereux criminels, mais des victimes de la guerre. Ils ont connu, dans leur pays, des violences ; ils ont été victimes d'agressions qui ont été commises par des tortionnaires ayant aujourd'hui pignon sur rue, et ils ont même été menacés de mort.

En les renvoyant au Kosovo, monsieur le ministre de l'intérieur, vous fermez les yeux sur les menaces qui pèsent sur eux. Mme Raba n'hésitera pas, d'ailleurs, à mettre sa vie en jeu pour faire valoir sa juste cause.

Je m'élève également avec la plus grande énergie contre les moyens mis en oeuvre et le recours à la violence pour procéder à leur expulsion. Samedi dernier, au matin, j'étais à l'aéroport Lyon-Saint-Exupéry pour protester contre cette situation. François Auguste, vice-président communiste de la région Rhône-Alpes, se trouvant dans l'avion qui transportait la famille, s'est également opposé à cette expulsion. Menottes, bâillon et brutalité ne sont pas de mise envers des êtres humains devant leurs enfants ! Pas plus qu'il n'est de mise de disposer de l'argent public en affrétant un avion militaire pour satisfaire votre zèle à l'encontre de la famille Raba !

C'est la deuxième fois que j'ai à traiter un tel dossier !

Il est temps que la raison l'emporte, et que vous mettiez en pratique l'une de vos déclarations, en tant que candidat à l'élection présidentielle, parue, le 30 novembre 2006, dans Libération : « Faire de la France le pays où tout peut devenir possible. Et cela pour tout le monde, mais d'abord pour ceux qui ont connu des épreuves. »

L'expulsion est en cours, avec un transit à Toulouse. Je vous épargnerai les détails, mes chers collègues, mais vous seriez vraiment surpris !

Avec toutes celles et tous ceux qui sont mobilisés contre l'expulsion de cette famille, je vous demande instamment, monsieur le ministre de l'intérieur, d'accorder à M. et Mme Raba et à leurs enfants l'autorisation de vivre en France, dans la paix et la sécurité.

Madame la présidente, je souhaitais transmettre ce message d'actualité à la Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. Je vous donne acte de votre appel au règlement, mon cher collègue.

5

Outre-mer (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Deuxième partie

Loi de finances pour 2007

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Outre-mer (début)

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion du projet de loi de finances pour 2007, adopté par l'Assemblée nationale.

Outre-mer (suite)

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Outre-mer (interruption de la discussion)

Mme la présidente. Dans la suite de l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » (et articles 50 et 50 bis), la parole est à M. Jacques Gillot.

M. Jacques Gillot. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, l'outre-mer, en particulier la Guadeloupe, attendait de ce projet de budget des réponses concrètes à ses difficultés. Mais force est de constater que la déception est au rendez-vous face à la poursuite d'une politique qui ne répond que de façon très lacunaire aux problématiques.

Pourtant, monsieur le ministre, on a assisté, ces derniers temps, à la publication d'un nombre important de rapports sur l'outre-mer. Leurs préconisations vous auraient permis de disposer d'une matière suffisante pour la mise oeuvre d'une politique de réformes ambitieuse.

Je note toutefois que vous avez été bien avisé de maintenir l'abaissement des charges initié par la loi d'orientation relative à l'outre-mer qu'exigent les caractéristiques de nos départements.

J'avais aussi espéré que vous seriez allé plus loin en supprimant, notamment, les effets de seuil, qui freinent depuis trop longtemps le renforcement de l'encadrement des entreprises d'outre-mer.

Néanmoins, le contexte économique durant ces deux dernières années a été relativement favorable à la création d'emplois et à la lutte contre le travail dissimulé, même si, en Guadeloupe, le taux de chômage s'établit encore à plus de 24 % de la population active, alors qu'il est passé sous la barre symbolique des 10 % dans l'hexagone. Comme vous le disiez, cela n'est qu'une tendance, mais je peux d'autant moins m'en satisfaire qu'elle ne peut masquer à elle seule la dégradation parallèle des chiffres en matière sociale.

Au terme d'une progression constante depuis 2002, la part de la population bénéficiaire du RMI s'établit aujourd'hui à 16 %. S'il en était besoin, ce chiffre justifie à lui seul la nécessité de poursuivre l'effort de financement des emplois aidés du secteur non marchand, qui permettent de ramener sur le marché du travail les publics les plus éloignés. Or, alors que les chiffres du chômage restent encore trop élevés, le projet de budget prévoit une réorientation des crédits au détriment de ces emplois aidés, ce qui revient ni plus ni moins à laisser une part des exclus de l'emploi au bord du chemin.

Monsieur le ministre, 2 % d'augmentation de l'emploi salarié du secteur marchand, c'est encore trop peu pour relâcher l'effort. Dès lors, toutes les pistes doivent être explorées afin de créer un contexte économique favorable à l'emploi.

À cet égard, le projet de zone franche global élaboré par les socioprofessionnels de la Guadeloupe permettrait, par le biais de la fiscalité, de compenser et de surmonter les blocages résultant, notamment, des surcoûts liés à l'insularité et à l'étroitesse des marchés. C'est un projet dont la faisabilité mérite d'être davantage qu'un argument de campagne électorale, surtout quand on connaît l'impact que peut avoir sur l'emploi la diminution des charges des entreprises.

Monsieur le ministre, la Guadeloupe a besoin, pour son dynamisme économique et touristique, d'un réseau de transports publics moderne.

Le département a souhaité relever ce défi. Il a plaidé pour obtenir votre soutien en en appelant à votre concours financier et technique : malheureusement, je ne vois pas le moindre début de traduction de cette volonté d'accompagnement dans le projet de budget que vous nous soumettez. J'attends, encore une fois, une réponse de votre part sur ce point, tout en appréciant votre soutien technique.

La situation du logement, quant à elle, est un échec aux conséquences dramatiques pour les populations d'outre-mer.

La crise du logement concerne la France entière, mais elle connaît, dans les départements d'outre-mer, une certaine acuité, qui s'est même aggravée au cours de ces deux dernières années.

Dans ce domaine, les chiffres reflètent, eux aussi, les difficultés.

Vous le savez, en Guadeloupe, 25 000 familles restent aujourd'hui peu ou mal logées. Cette situation inadmissible n'est pas digne de notre République ! Plus de 60 % de la population de la Guadeloupe est éligible à l'accès à un logement social, contre environ 20 % dans l'hexagone.

Dans la présentation du budget pour 2007, je constate que le logement ne figure pas au rang des priorités, même affichées. Pourtant, le Gouvernement est bien conscient de l'enjeu. J'en veux pour preuve le coup d'accélérateur donné, dans l'hexagone, à la production par la loi portant engagement national pour le logement, qui, malgré les promesses, reste encore une fois non appliquée en Guadeloupe.

De plus, la « panne » du logement social ne permettra pas de bénéficier de ses effets induits sur l'emploi et le secteur des travaux publics.

À mon avis, trois mesures au moins auraient amorcé une réforme durable:

En premier lieu, je pense à la pluri-annualisation de la LBU, la ligne budgétaire unique, sur laquelle je suis encore contraint de revenir.

En deuxième lieu, dans les DOM, il faudrait étendre au prêt locatif à usage social la baisse de 0,5 point sur les prêts de la Caisse des dépôts et consignations annoncée par M. Borloo.

En troisième lieu, il faudrait mieux tenir compte des surcoûts résultant de la mise aux normes antisismiques et anticycloniques, auxquels s'ajoute l'augmentation du coût du foncier.

Vous l'aurez compris, la sortie de l'impasse dans laquelle se trouve aujourd'hui le logement social passe par une réforme profonde de son financement. Dans ce contexte, lors de son déplacement en Guadeloupe, le Premier ministre a souligné la nécessité de répondre à l'urgence. Je crains, cependant, que le règlement du passif ne réduise pas la file des 25 000 familles de la Guadeloupe en attente d'un logement.

De plus, en dépit de vos explications sur les modalités de rattrapage de la dette, qui s'élève aujourd'hui à plus de 100 millions d'euros, le projet de budget pour 2007 ne me paraît toujours pas à la hauteur des engagements qui ont été pris, comme l'ont démontré nos collègues Claude Lise et Henri Torre. Je souhaiterais donc obtenir des éclaircissements sur ce point et que vous m'indiquiez le nombre de logements correspondant aux crédits censés financer les mesures nouvelles pour 2007.

Des éclaircissements et des engagements, c'est également ce que l'outre-mer réclame s'agissant des finances des collectivités locales.

Le département de la Guadeloupe fait face à une croissance exponentielle de ses dépenses en faveur du revenu minimum d'insertion, le RMI. Le solde laissé à la charge du conseil général suit la même évolution, car, là encore, il n'est pas compensé.

À ce sujet, le Premier ministre a annoncé le versement d'une enveloppe de 500 millions d'euros aux départements sur trois ans, mais sans en préciser les modalités ni apporter de garantie. En réponse à une première interrogation, vous aviez seulement confirmé la somme annoncée ; j'espère que votre réponse sera, cette fois, plus complète.

La refonte du régime de réassurance au titre des catastrophes naturelles préoccupe également les collectivités territoriales de la Guadeloupe. Plusieurs d'entre elles ont fait l'objet d'une résiliation, à titre conservatoire, de leur couverture par leur assureur, dans l'attente de l'issue de la réforme en cours.

Si, pour renforcer l'équilibre financier de la Caisse centrale de réassurance, le principe de solidarité nationale devait être remis en cause en outre-mer, l'économie de ces régions, exposées aux phénomènes climatiques se trouverait davantage fragilisée. Sur ce sujet, les acteurs économiques me disent avoir du mal à obtenir des réponses claires.

Par ailleurs, avec le groupe socialiste, en particulier avec MM. Lise et Larcher, je suis porteur d'un amendement visant à proroger, pour la durée du prochain contrat de projet, la taxe d'embarquement sur les passagers instituée au profit des régions d'outre-mer. Celle-ci sert, notamment, au financement de la politique touristique et des dispositifs de continuité territoriale de tout l'archipel guadeloupéen. D'ailleurs, je remarque, comme d'autres avant moi, que la politique menée par votre gouvernement en la matière reste bien timide au regard des attentes qu'elle a suscitées, notamment dans les îles du Sud.

Monsieur le ministre, tout au long de l'examen du projet de budget, j'ai bien gardé en tête le fait que les crédits gérés par le ministère de l'outre-mer ne représentent que 13 % de la dépense globale de l'État outre-mer. Il appartient, cependant, à votre ministère de coordonner la politique conduite dans ces régions de manière d'autant plus énergique qu'il s'agit d'un ministère de plein exercice.

Permettez-moi, ainsi, de soulever deux questions qui me préoccupent.

Tout d'abord, je dois vous alerter sur l'insécurité en Guadeloupe. Elle se distingue, notamment, par un taux élevé d'atteinte à la personne, supérieur aux taux constatés en métropole, sans que paradoxalement des actions fortes soient mises en oeuvre.

Ensuite, je m'inquiète de l'entrée en vigueur effective du statut de Saint-Barthélemy et de Saint-Martin avant la fin de cette législature. Je souhaiterais donc que vous me rassuriez sur son aboutissement.

Monsieur le ministre, les difficultés que j'ai évoquées devant vous sont chroniques, et cette législature s'achève en ayant marqué un recul dans certains domaines. Dans ces conditions, vous comprendrez que, faute d'éclaircissements et d'engagements, je ne puisse voter votre projet de budget en l'état, car ce serait approuver une politique engendrant une déception qui n'a d'égale que les espoirs dont elle était porteuse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Daniel Marsin.

M. Daniel Marsin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ces derniers mois, les membres du Gouvernement ont multiplié les visites aux Antilles.

J'apprécie particulièrement ces contacts réguliers qui sont pour nous, élus, l'occasion de faire part de nos préoccupations et, surtout, de nos suggestions.

Je pense ainsi au déplacement en Guadeloupe de la commission d'enquête sur l'immigration clandestine. Je songe également à la mission d'information de la commission des affaires sociales du Sénat sur les quartiers en difficulté, en juin dernier.

À cette occasion, une journée de travail a été organisée à l'hôtel de ville des Abymes, ce qui a permis de présenter le projet de renouvellement urbain que nous sommes en train de préparer afin de le soumettre à l'Agence nationale pour la rénovation urbaine, l'ANRU. Il m'a semblé essentiel que nous participions à cette réflexion sur les quartiers en difficulté.

Forts de cette expérience de terrain, nous pouvions légitimement espérer que le Gouvernement donnât un nouvel élan à sa politique pour la remise à niveau et le développement de l'outre-mer.

Ce projet de loi de finances pour 2007 est, en effet, l'occasion pour le Gouvernement de mettre en oeuvre les engagements qu'il a pris et qu'il a confirmés à l'égard de l'outre-mer.

Certes, et c'est tout à votre honneur, monsieur le ministre, les priorités que vous affichez sont conformes à nos besoins sociaux les plus urgents, à savoir l'emploi, le logement et l'immigration clandestine. Toutefois, malgré cette prise de conscience affirmée de l'urgence qu'il y a à agir, ce texte se caractérise paradoxalement par la stabilité, voire, pour être objectif, par une régression des moyens financiers mobilisés.

Ce projet de budget interpelle donc à plusieurs titres.

En premier lieu, il lui manque de l'ambition, alors même que la situation des collectivités d'outre-mer appelle une mobilisation politique et un plan d'action énergique.

Pour preuve, quand le budget de 2006 s'élevait à 1,99 milliard d'euros en crédits de paiement, celui de 2007 prévoit seulement 1,962 milliard d'euros. Les autorisations d'engagement, elles, passent de 2,36 milliards d'euros à 2,03 milliards d'euros.

Je déplore cette régression du niveau des crédits de la mission « Outre-mer », tant elle ne fait que témoigner et confirmer l'absence d'une réelle stratégie et d'une vision à long terme pour l'outre-mer.

Dois-je rappeler, une fois de plus, que taux de chômage y est trois fois supérieur à la moyenne nationale, avec, en corollaire, une période moyenne d'inactivité plus longue ?

Or, la situation se dégrade encore. Le nombre de demandeurs d'emploi enregistrés est passé de 42 000 en juin 2005 à 43 560 en juin 2006, soit une augmentation de 4 %.

Face à cette situation, les crédits alloués à l'emploi s'élèvent, en 2007, à 1,16 milliard d'euros en autorisations d'engagement et en crédits de paiement, contre 1,42 milliard d'euros en autorisations d'engagement et 1,22 milliard d'euros en crédits de paiement, en 2006.

Ainsi, malheureusement, ce budget est loin de confirmer vos déclarations devant la commission des lois le 18 octobre dernier. Je pense pourtant que vous êtes, monsieur le ministre, je tiens à le souligner, l'un des ministres en charge de ce secteur qui a le mieux compris l'outre-mer. Votre bonne volonté et votre sincérité ne peuvent donc être mises en cause.

Néanmoins, les choix qui ont dû être faits ne traduisent pas l'effort auquel nous aurions pu nous attendre. Ce constat de baisse pourrait gravement nuire au plan local d'insertion professionnelle des personnes en difficulté, ce qui n'est pas conforme à vos souhaits et à vos attentes - nous savons très bien que vous êtes vous-même obligé de vous battre vigoureusement lors des arbitrages budgétaires.

S'agissant du logement social, lors de la première lecture du projet de loi portant engagement national pour le logement, j'ai alerté le Gouvernement - M. Borloo défendait alors ce texte - sur la nécessité d'abonder la ligne budgétaire unique, la LBU, afin de couvrir les dettes de 2005 et de financer les objectifs annuels dans le cadre d'une programmation pluriannuelle conforme aux besoins très largement identifiés.

J'ai noté avec satisfaction, d'une part, l'intention du Gouvernement, exprimée en Guadeloupe par le Premier ministre, d'augmenter la dotation consacrée au logement social de 120 millions d'euros, dont 60 millions d'euros dès 2007 et, d'autre part, la prise de conscience du fait que la dette accumulée, soit 113 millions d'euros, doit être épongée d'ici à la fin du premier trimestre 2007.

Toutefois, mon inquiétude persiste lorsque je lis l'analyse de M. Henri Torre, rapporteur spécial.

En effet, il considère que les modalités budgétaires particulières qui ont été adoptées faussent l'examen des crédits de la mission « Outre-mer » par le Parlement. De plus, il nous met en garde, dans l'attente des précisions qui seront apportées lors de l'examen du collectif budgétaire de 2006, sur le risque d'un accroissement de l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement.

Comme tous ceux qui sont intervenus avant moi, monsieur le ministre, je souhaite que, sur ces interrogations et ces zones d'ombre, vous nous apportiez les éléments d'information susceptibles de nous éclairer et de rassurer nos populations, ainsi que les opérateurs dans le domaine du logement social.

Pour l'heure, je vous l'assure, l'outre-mer garde confiance quant au respect des engagements pris. Nous avons conscience de votre engagement à nos côtés et de votre volonté, mais nous savons aussi que tout cela ne dépend pas uniquement de vous C'est la raison pour laquelle nous souhaitons que les promesses faites soient effectivement tenues dans les délais annoncés, eu égard à l'urgence.

Je pourrais me réjouir également de la progression des crédits consacrés à la continuité territoriale. Néanmoins ils restent, en réalité, trop insuffisants au regard de l'objectif fondamental fixé. En effet, l'idée de continuité territoriale se réfère à la notion d'équité qui, elle-même, repose sur un principe d'égalité entre les citoyens dans l'exercice de leur droit de se déplacer dans les mêmes conditions de prix entre divers points du territoire national.

À cet égard, la comparaison avec la Corse est aussi légitime qu'édifiante. Le rapport est de un à six : 180 millions d'euros d'un côté, et seulement 32 millions d'euros de l'autre. Si l'on tient compte des populations respectives ou encore de la distance, sans faire le calcul précis, ce rapport passerait de un à dix, voire de un à quinze, selon le critère retenu !

Aujourd'hui, il faut avoir le courage politique de reconnaître que le dispositif pour l'outre-mer est inadapté aux besoins authentiques et légitimes des populations ultramarines. N'est-il pas temps, monsieur le ministre, d'envisager sérieusement la mise en place d'une vraie continuité territoriale avec l'outre-mer et de proposer une réforme en ce sens, comme le souhaitent les élus et les populations concernées ?

Dans un premier temps, cette réforme devrait se traduire, concrètement, par l'ouverture du dispositif à de nouvelles catégories de bénéficiaires.

En évoquant cette question, je veux, bien sûr, parler des personnes qui sont obligées de se déplacer entre l'outre-mer et la métropole pour des raisons de formation, initiale ou continue, ou encore de celles qui doivent se déplacer dans le cadre de leur activité professionnelle. Je pense également à nos concitoyens ultramarins gravement malades et qui doivent, le cas échéant, se faire soigner en métropole.

Je veux enfin, du moins pour le moment, parler des originaires d'outre-mer vivant en métropole et devant se rendre en urgence dans leur région de naissance pour des évènements familiaux exceptionnels tels que le décès d'ascendants ou de collatéraux.

Pour tous ces personnes, il faut envisager la conclusion de conventions de service public avec les compagnies aériennes desservant l'outre-mer, comme cela se fait avec la SNCM, qui participe au service public entre Marseille et la Corse.

La notion d'intérêt général et son corollaire, la continuité territoriale, répondent aussi à un impératif de développement économique. Dans ce budget, comme dans les précédents, s'il est fait un tant soit peu état du déplacement des personnes, la question du coût du transport des marchandises est totalement éludée.

Monsieur le ministre, cette question majeure de la continuité territoriale dans sa configuration actuelle doit pouvoir bénéficier d'une volonté politique forte du Gouvernement pour, enfin, connaître un aboutissement heureux, à la mesure des attentes des populations concernées.

À ce stade de mon intervention, je souhaite évoquer rapidement deux sujets qui me tiennent à coeur.

Le premier concerne le devenir de l'île de Saint-Martin. Le vote du budget me paraît, en effet, le moment opportun pour insister une fois de plus sur la nécessité d'un plan d'accompagnement, national et volontariste, qui sera la clé d'un passage réussi à l'autonomie.

Comme je l'ai dit lors de la discussion du projet de loi portant évolution statutaire des îles du nord de l'archipel guadeloupéen, le Gouvernement doit donc aller au terme du processus. Là encore, je ferai référence au traitement réservé en son temps à la Corse.

La loi 22 janvier 2002 prévoit, en effet, en son article 53, un dispositif exceptionnel d'accompagnement de la Corse : pour surmonter ses handicaps naturels, elle bénéficie d'un plan tout à fait exceptionnel sur quinze ans, afin de résorber son déficit en équipements publics et en services collectifs. Je demande qu'un dispositif identique soit mis en oeuvre pour Saint-Martin. Ce plan prouve que notre pays sait y faire quand il veut être objectif et juste !

Le second sujet que je veux évoquer concerne le fonds d'action et de soutien pour l'intégration et la lutte contre les discriminations, le FASILD. La loi du 31 mars 2006 pour l'égalité des chances a transformé le FASILD en Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances, l'ANCSEC.

Par des subventions, le FASILD soutenait l'action des associations qui mettent en place des ateliers linguistiques. Cependant, à partir de 2007, il est prévu pour l'outre-mer, pour les DOM en particulier, que l'apprentissage du français par les immigrés soit pris en charge par l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM.

Aussi, pour permettre à cette dernière de mener à bien ses nouvelles missions, il me semble nécessaire d'abonder en conséquence les crédits qui lui sont octroyés, notamment pour assurer la création d'antennes ou de bureaux d'accueil dans chaque département d'outre-mer. Je déposerai donc un amendement en ce sens.

Pour conclure, je dirai que, globalement, ce budget se situe dans la continuité du précédent. C'est sans doute une occasion ratée d'adresser à l'outre-mer le message clair qu'attendent les populations quant à la volonté du Gouvernement de prendre enfin les décisions en rapport avec l'acuité des difficultés auxquelles sont confrontés ces territoires.

La déception risque d'être d'autant plus vive que les attentes sont grandes, légitimes, connues, largement partagées et bien relayées par les représentants de ces populations, notamment par les parlementaires - je pense, particulièrement, aux sénateurs.

Monsieur le ministre, je sais que nos compatriotes suivent attentivement nos travaux. Vous comprendrez donc que j'attende de connaître la position que vous prendrez sur toutes ces questions majeures avant de déterminer le sens que je donnerai à mon vote. (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Paul Virapoullé.

M. Jean-Paul Virapoullé. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la législature s'achève, et il est bon de mesurer la distance parcourue grâce aux engagements pris par le chef de l'État, M. Jacques Chirac, par le Gouvernement et par la majorité qui l'a soutenu.

Plusieurs grands sujets étaient à l'ordre du jour, le terrain institutionnel était miné, le développement économique était difficile à relancer et il fallait donner un visage humain et digne à l'égalité sociale.

Dans le domaine de la paix institutionnelle, il faut reconnaître que l'objectif a été atteint. Il l'a été à la Réunion parce que le Président de la République a exigé et obtenu que la parole donnée soit respectée.

M. Nicolas About. C'est vrai !

M. Jean-Paul Virapoullé. La Réunion est restée dans le champ de l'intégration adaptée grâce à l'amendement que vous avez adopté, mes chers collègues, à une très large majorité.

La paix institutionnelle a été rétablie dans les autres départements d'outre-mer par le vote des citoyens : je ne connais pas de meilleur moyen démocratique !

Sur le plan de l'égalité économique, qui faisait partie de l'engagement du Président de la République, des avancées très substantielles ont été réalisées.

Je voudrais que l'on revienne à la réalité. Moi qui suis un élu d'un département d'outre-mer, je veux dire à la représentation nationale que les choses ne peuvent plus aujourd'hui être telles qu'elles étaient hier ! Les temps sont devenus difficiles pour tout le monde. Chacun doit balayer devant sa porte, chacun doit prendre sa part de responsabilité et participer à l'effort commun. On ne peut plus seulement demander à l'État : que faites-vous pour nous ? - je le dis à cette majorité comme je le dirais à une autre - il faut aussi se demander ce que nous faisons pour l'État !

Dans ce contexte, force est de constater que la loi de programme pour l'outre-mer, qui établit l'égalité économique et l'égalité sociale dans la dignité, a eu des résultats considérables.

L'investissement défiscalisé a augmenté de 180 millions d'euros entre la loi d'orientation pour l'outre-mer, la LOOM, et la loi dite « Girardin », voulue par le Président de la République.

En matière de continuité territoriale, il est vrai, mes chers collègues de l'opposition, que nous n'avons pas fait un bond en avant extraordinaire, mais nous sommes sur la bonne voie : 60 000 passeports mobilité ont été accordés. Un tel dispositif n'existait pas avant 2002.

Par ailleurs, une autre avancée qualitative a été réalisée, et elle n'a pas été accompagnée par les régions, sauf la Guadeloupe : 32 millions d'euros de crédits ont été mis en place, et, monsieur le ministre, vous avez majoré les dotations en faveur du passeport mobilité de 31 % dans le budget pour 2007.

Ce sont donc 32 millions d'euros de crédits qui sont consacrés à la continuité territoriale. Or la plupart des régions, sauf la Guadeloupe, je le répète, n'utilisent pas les crédits qui leur sont alloués Ce n'est donc pas la faute de l'État ! Certains n'utilisent pas la manne qui leur a été accordée pour réduire le handicap de la distance !

En matière de développement économique et touristique, les collectivités locales, les acteurs économiques locaux doivent s'investir davantage. Ce n'est pas uniquement le rôle de l'État.

Lorsque l'image d'un département est entachée par une épidémie comme celle due au chikungunya -  localement, nous n'arrivons pas à relancer l'image d'île accueillante, attrayante, intense, qui est traditionnellement attachée à la Réunion -, l'État a un rôle à jouer.

Grâce à l'action du Gouvernement, la Réunion ne connaît plus - et j'espère qu'elle ne la connaîtra plus - l'épidémie qui a sévi dans l'île.

Je le dis solennellement, mes chers collègues, la représentation nationale doit savoir que le Premier ministre, le ministre de l'outre-mer et le ministre de la santé ont « mouillé leur chemise » sur le terrain, avec l'aide de l'armée française, des pompiers, des élus locaux et de toute la population. Grâce à cette mobilisation, j'espère que cette épidémie ne sera bientôt plus qu'un mauvais souvenir et que les touristes français et européens reviendront à la Réunion, où ils seront bien accueillis parce que c'est une île qui ne cherche qu'à s'ouvrir aux autres. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Certes, il reste encore du chemin à parcourir. Mais quand je voyage, quand je regarde autour de moi, quand je vois ce qui se passe à Madagascar, en Afrique, et même dans certains pays d'Asie - voilà bientôt quarante ans que je suis élu ; nous nous sommes battus aux côtés de Michel Debré pour rester Français -, j'ai envie de remercier la France, sa représentation nationale et les gouvernements qui se sont succédé d'avoir transformé les DOM, de terres de misère, d'abandon, de ruines, en vrais départements français, en vraies régions de l'Europe qui progressent.

C'est par l'effort collectif, par un langage de vérité, par une volonté commune, que nous atteindrons nos objectifs.

Le fait que 58 % des enfants dans nos écoles primaires sont du niveau moyen métropolitain et que 42 % restent au-dessous de ce niveau ne signifie-t-il pas que des efforts doivent être accomplis pour améliorer la réussite scolaire de nos élèves ?

Lorsque 60 % des étudiants des facultés de la Réunion échouent en première année - ils sont 40 % en métropole, ce n'est guère mieux - n'avons-nous pas un effort à faire pour valoriser le facteur humain ?

L'égalité et le développement économiques passent par l'investissement premier, qui est l'investissement dans l'homme. Quand l'homme maîtrise le savoir, quand il est capable de définir son projet de vie, de construire son avenir, alors là, oui, l'argent public est bien utilisé ! (Très bien ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur deux points noirs, deux zones d'ombre majeures dans le développement économique de l'outre-mer.

Le premier de ces points noirs concerne le logement social. Ainsi que tous les orateurs l'ont souligné, notamment M. Henri Torre et Mme  Anne-Marie Payet, une opération vérité doit être menée.

Il est vrai que, sur le plan de l'égalité économique, le logement a évolué grâce à la défiscalisation. Tout le monde le sait, les carnets de commandes des entreprises sont remplis, mais, sur le plan du logement social, il y a une opération vérité à mettre en oeuvre, monsieur le ministre, et nous comptons sur vous, après la mise au point du Premier ministre aux Antilles, pour, aujourd'hui, rassurer la représentation nationale.

Le second point noir, mes chers collègues --et je compte sur l'effort de tous pour nous aider -, est lié au pouvoir d'achat et au coût de la vie.

Si la solidarité nationale, européenne, est freinée par l'écran des abus de positions dominantes, des ententes illicites, qui renchérissent lourdement le coût de la vie outre-mer, nos compatriotes des DOM sont pris en étau entre deux problèmes : si les salaires du privé sont plus faibles qu'en métropole, le coût de la vie y est plus élevé. Cette situation, évidemment, crée une population de mécontents.

Je vous ai écrit à ce sujet, monsieur le ministre, ainsi qu'au Premier ministre, et vous m'avez répondu que vous alliez demander au directeur général de l'INSEE de mener une mission.

Cela m'amène à ma première question.

En métropole, où l'INSEE mesure, mes chers collègues, 200 000 prix par an, le niveau réel des prix peut être connu. Pouvez-vous nous dire, monsieur le ministre, à quelle échéance l'INSEE devra s'acquitter du travail que vous allez lui demander, afin que nous puissions, ensemble, déterminer les voies et moyens permettant de mettre en place l'observatoire des prix qui a été prévu par l'article 75 de la loi d'orientation pour l'outre-mer ?

Mme Anne-Marie Payet, rapporteur pour avis. Très bonne question !

M. Jean-Paul Virapoullé. C'est une obligation légale. En effet, l'article 1er de l'ordonnance du 1er décembre 1986 dispose que les prix sont « librement déterminés par le jeu de la concurrence ». Mais quand il n'y a plus de libre concurrence, il faut bien trouver un moyen de la rétablir.

Par ailleurs, les règlements communautaires l'imposent. Les articles 81 et 82 du Traité d'Amsterdam prévoient clairement que les ententes illicites sont interdites et qu'il faudrait y mettre un terme.

Ma deuxième question concerne l'inquiétude qui s'empare aujourd'hui des milieux économiques dans les départements d'outre-mer.

Il nous a été rappelé que les États voisins souhaitaient que l'octroi de mer et les taxes qui grèvent leurs productions soient supprimés dans le cadre de l'article 28 des accords de Cotonou. Nous aimerions savoir, monsieur le ministre, quelle est votre réponse à cette demande des pays qui nous entourent et quelle est la stratégie du Gouvernement pour faire en sorte que l'économie fragile de l'outre-mer ne soit pas mise en péril.

Enfin, hasard du calendrier, Matignon examine, en ce moment même, le dossier des quinze zones franches urbaines, les ZFU. Je voudrais, quoi qu'il en soit, vous remercier, monsieur le ministre, d'avoir appuyé personnellement ce dossier. Grâce à votre soutien, l'est de la Réunion, qui est dans une situation économique difficile, pourra, par le biais de la ZFU, conquérir un nouveau souffle.

Pouvez-vous me dire - et peut-être aurez-vous tout à l'heure une réponse sur ce sujet - si la ZFU sera appliquée et, dans ce cas, si elle le sera avant la fin de l'année ? Les acteurs économiques n'attendent qu'un signal pour démarrer.

Telles sont donc les quelques remarques que je voulais formuler.

J'estime que cette législature a été positive sur le plan de l'égalité économique, qu'elle a permis un sursaut en termes de solidarité nationale par rapport à l'outre-mer et que, dans les moments difficiles, nous avons pu compter sur l'aide du Gouvernement.

Rien n'est parfait en ce bas monde, il y a encore des zones d'ombre - le coût de la vie, le logement social -, mais le travail a été largement positif. C'est la raison pour laquelle je voterai votre budget et je soutiendrai l'action que vous allez mener pour l'outre-mer français. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

Mme la présidente. La parole est à M. Serge Larcher.

M. Serge Larcher. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce projet de budget pour 2007 étant le dernier de la législature, il est l'occasion de dresser le bilan de la politique conduite ces cinq dernières années par l'actuel gouvernement en direction de l'outre-mer.

D'aucuns pourraient penser que certains engagements du Président de la République ont été respectés.

En effet, la loi de programme pour l'outre-mer était le premier de ses engagements. Cependant, la commission d'évaluation de cette loi venant seulement d'être mise en place, rien ne nous permet d'en juger pour l'instant l'efficacité ou, au contraire, les insuffisances.

La réforme constitutionnelle de 2003 était le deuxième engagement du Président de la République. J'ai eu l'occasion, il y a peu de temps, d'exprimer mon avis sur cette « décentralisation Raffarin ».

De surcroît, cette loi n'est toujours pas applicable, puisque les deux projets de loi organique et de loi ordinaire permettant de rendre effective l'évolution statutaire de certaines collectivités ultramarines viennent seulement d'être adoptés au Sénat et n'ont pas encore été examinés à l'Assemblée nationale.

Nous pourrions reprendre les doléances des années passées puisque, depuis 2002, le budget de l'outre-mer est en baisse constante. Cette diminution est alarmante, car elle touche principalement les priorités absolues que sont le logement et l'emploi. Cela est d'autant plus inquiétant que nous le rappelons chaque année à l'occasion du débat budgétaire et que les élus d'outre-mer, monsieur le ministre, ne cessent de vous le répéter.

Ainsi, pour la quatrième année consécutive, on peut observer une baisse du budget de l'outre-mer. Pour 2007, la mission « Outre-mer » affiche 1,962 milliard d'euros, alors que le budget voté l'an dernier s'élevait à 1,990 milliard d'euros, ce qui équivaut à une diminution de 1,5 %, soit une baisse de 28 millions d'euros en crédits de paiement, c'est-à-dire plus de 3% en euros constants.

Nous constatons également une diminution des autorisations d'engagement de 14 %, même si nous savons, par ailleurs, que la mission « Outre-mer » ne représente qu'une faible partie de la contribution de l'État, qui s'élève cette année à 12,41 milliards d'euros en crédits de paiement, et à 12,3 milliards d'euros en autorisations d'engagement.

Le logement constitue l'un des axes prioritaires du développement économique et social de l'outre-mer.

Or, dans ce secteur, il existe des divergences de plus en plus grandes entre les moyens mis en oeuvre dans l'hexagone, et ceux qui sont déployés en outre-mer. Ni les crédits inscrits dans la mission ni ceux qui ont été annoncés par le Premier ministre, lors de sa récente visite aux Antilles, ne sont susceptibles de modifier la donne quant à l'écart croissant entre les besoins et l'offre de logements.

Le projet de budget pour 2007 prévoit une enveloppe de 280,75 millions d'euros pour le logement. Or un audit de modernisation, consacré au financement du logement social outre-mer, évalue les besoins à 307 millions d'euros par an, sur cinq ans.

Certes, le Gouvernement a récemment promis une rallonge de 120 millions d'euros sur trois ans, mais celle-ci est très insuffisante, ainsi que l'a montré ce matin encore le rapporteur spécial, M. Henri Torre.

De plus, le rapport de cet audit stigmatise la gestion de la ligne budgétaire unique qui s'illustre par une distorsion croissante entre les crédits de paiement et les autorisations d'engagement. En 2007, cet écart sera de 105 millions d'euros. Cette situation laisse augurer la reconstitution d'une nouvelle dette de l'État à l'égard des opérateurs sociaux dès la fin de 2007, créant ainsi une nouvelle crise de la filière et mettant en grande difficulté les entreprises du bâtiment et des travaux publiques.

En Martinique, le montant des factures impayées de l'État s'élève, aujourd'hui, à 26 millions d'euros, ce qui place près de 400 entreprises au bord de la faillite et menace, par voie de conséquence, plus de 4 000 emplois.

Par ailleurs, toujours selon cet audit, depuis 2000, en outre-mer, la part des logements aidés a été ramenée de 30 % à 15 %, alors que, dans le même temps, la demande ne cesse de croître. Pour la seule Martinique, on enregistre, chaque année, plus de 10 000 demandes de logements HLM et plus de 3 000 demandes d'aide à l'amélioration de l'habitat. Actuellement, il faut parfois attendre dix ans avant d'obtenir un logement social.

En outre, par souci d'égalité, si l'on appliquait le plan de cohésion sociale dans les DOM, il faudrait réaliser pas moins de 27 000 logements sociaux supplémentaires pour atteindre le même niveau que dans l'hexagone. Or, depuis six ans, seuls 4 200 logements locatifs sociaux par an ont été autorisés. En 2005, 3 800 logements seulement ont été construits. Comme vous pouvez le constater, monsieur le ministre, les chiffres parlent d'eux-mêmes.

La situation du parc privé de logements n'est pas meilleure. Si la défiscalisation a apporté un certain espoir, aujourd'hui, force est de constater que ce dispositif produit des effets pervers, notamment une inflation des coûts de l'immobilier et une envolée des prix du foncier, excluant de ce fait toute une partie de la population de l'accession à la propriété. En réalité, la défiscalisation profite donc à une infime partie de la population locale et, paradoxalement, à des ménages vivants hors des territoires ultramarins.

J'évoquerai maintenant le thème de l'emploi, qui s'inscrit dans un contexte socioéconomique globalement défavorable en outre-mer.

Bien que le taux de chômage ait légèrement diminué en Martinique, il était encore de 26,5 % en 2005, soit trois fois plus que la moyenne nationale, tout comme dans le reste de l'outre-mer. Force est de constater que ceux qui représentent l'avenir de notre pays, c'est-à-dire les jeunes, sont toujours les plus durement touchés. En effet, en Martinique, le chômage des jeunes a progressé de 8 % entre juin 2005 et juin 2006.

Déclaré prioritaire par le Gouvernement, l'emploi voit pourtant ses crédits diminuer substantiellement, alors que l'on observe, notamment, une augmentation constante du nombre de RMIstes. En effet, ceux-ci représentent 26 % de la population en Martinique, contre 10 % de la population nationale.

À cela s'ajoute la crise des secteurs de la banane et du tourisme, qui sont les principaux pourvoyeurs d'emplois.

En 2007, les crédits du programme « Emploi outre-mer » diminueront de 5,2 %, soit une perte de 61 millions d'euros. Cela ne manquera pas de peser sur le financement des contrats aidés, dont les crédits ont été réduits de près de 40 % en quatre ans, ainsi que sur l'aide et le soutien aux jeunes créateurs d'entreprise.

Quoi qu'il en soit, il demeure indispensable de mener des actions fortes de soutien à l'activité et à l'emploi en outre-mer, afin de faire baisser le taux de chômage et de surmonter les handicaps liés, entre autres, aux différentiels de coûts salariaux avec les pays voisins.

À l'heure où le Gouvernement entend poursuivre le développement des biocarburants, je suggère que l'outre-mer en bénéficie tout autant que la métropole. Des études de faisabilité sont d'ailleurs en cours en Martinique ; elles devraient aboutir à des résultats très favorables.

L'industrie des biocarburants devrait pouvoir s'implanter en Martinique et créer ainsi un nombre important d'emplois. J'étais d'ailleurs intervenu auprès de Mme la ministre de l'écologie et du développement durable en vue de l'inscription d'une unité de production de biocarburants en Martinique dans le programme opérationnel 2007-2013.

Je voudrais à présent évoquer l'hôpital public. Comme je l'avais déjà dit l'année dernière, celui-ci pâtit de son nouveau mode de fonctionnement. En effet, la tarification à l'activité, ou T2A, a répondu à une logique financière, et non à une réelle politique de soins.

Les conséquences de cette réforme sont aggravées par le sous-effectif, ainsi que par les retards structurels accumulés en outre-mer. Bon nombre d'établissements de santé ne répondent plus aux normes d'accueil et aux règles sanitaires. La réforme porte donc atteinte tant à l'offre qu'à la qualité des soins.

En 2005, c'est grâce à une forte mobilisation des élus et des acteurs de la santé que les hôpitaux de Martinique ont perçu 10,5 millions d'euros de crédits supplémentaires pour terminer l'année et assurer le paiement des salaires.

Cependant, rien ne garantit aujourd'hui que la dotation obtenue à l'arraché l'an dernier sera reconduite. Cela hypothèque gravement à la fois la qualité des soins, la sérénité des patients et les conditions de travail dans ces établissements.

En effet, les hôpitaux ont été contraints de signer avec l'agence régionale de l'hospitalisation, l'ARH, un « plan de retour à l'équilibre », dont les termes nous paraissent scandaleux, puisqu'il faut réaliser des économies sur tout et clôturer l'exercice 2006 sans déficits nouveaux, ni reports de charges.

Selon les termes de ce plan, le centre hospitalier universitaire, le CHU, s'engage à dégager 800 000 euros de recettes supplémentaires en 2006 et à économiser 1,2 million d'euros. En réalité, cela se traduit par des départs à la retraite non remplacés, des mensualités de remplacements supprimées, des médicaments et des réactifs de laboratoires achetés en plus petite quantité, des frais de maintenance, de missions et de déplacements réduits ! En d'autres termes, il s'agit de faire des économies sur la santé de nos concitoyens !

Quel est le résultat ? On assiste actuellement à un développement sans précédent d'escarres dans nos hôpitaux, par manque de soins directement lié au sous-effectif du personnel. Pire encore : dans certains cas, les escarres conduisent à des amputations dont nos aînés sont les premières victimes ! Les personnes âgées pâtissent cruellement du manque de personnel : dans certains établissements, leurs petits déjeuners leur sont servis seulement à dix heures, tandis qu'ils reçoivent leur premier bain en milieu de journée !

Dans ces conditions, comment peut-on demander à nos centres hospitaliers de réduire leurs moyens ?

Les hôpitaux de Martinique ont besoin de 43 millions d'euros pour répondre aux besoins de la population. Le taux de la T2A, qui est de 35% en 2006, sera porté à 50% en 2007, ce qui aggravera encore un peu plus leur situation financière.

De plus, le coefficient géographique pour la prise en charge des surcoûts spécifiques aux DOM, qui est actuellement fixé à 25%, demeure insuffisant. Par ailleurs, aucun de ces établissements de santé, qui ont pourtant pour mission d'accueillir la population en cas de catastrophe naturelle, ne répond aux normes parasismiques.

Or les moyens mis en oeuvre par le Gouvernement pour régler la situation sanitaire des territoires ultramarins vont en diminuant. Ils s'élèveront à 59,4 millions d'euros en 2007 contre 89,5 millions d'euros en 2006, soit une baisse de 30 millions d'euros. Nous sommes donc très loin du compte : les besoins des populations ne sont pas pris en considération.

Comme vous l'avez compris, monsieur le ministre, la situation est très préoccupante. Quelles initiatives comptez-vous prendre pour venir en aide à l'hôpital public en Martinique ?

Comme en 2004 et 2005, j'évoquerai cette année encore les finances locales, qui sont une très forte préoccupation pour les maires ultramarins. J'espère cette fois être entendu !

Les communes d'outre-mer se trouvent dans une situation financière très tendue. Elles doivent faire face à une augmentation très importante de leurs budgets de fonctionnement, et plus particulièrement des charges salariales, du fait de la titularisation massive des agents communaux de catégorie C. Les charges des communes ont augmenté de plus de 3 % en 2005. Le premier poste de leurs dépenses correspond à la masse salariale et varie de 57 % à 65 % de leur budget de fonctionnement. La titularisation croissante des agents entraîne un surcoût financier qui n'est pas compensé par les dotations de l'État.

Les trente-quatre maires de la Martinique ont déjà accompli, dans leur commune, des efforts considérables pour faire régresser le nombre d'emplois précaires dans la fonction publique territoriale par la titularisation du personnel communal, tout en développant les équipements structurants, répondant ainsi aux besoins urgents et parfois élémentaires des populations.

Ainsi, les communes ont joué leur rôle de « buvard social », mais elles ne peuvent plus faire face seules à ces charges supplémentaires. La piste de l'augmentation de la dotation globale de fonctionnement, la DGF, a principalement profité à l'intercommunalité et aux communes de Guyane et de Nouvelle-Calédonie, mais pas aux communes qui en avaient urgemment besoin.

Mme la présidente. Veuillez conclure, monsieur le sénateur.

M. Serge Larcher. Je conclus, madame la présidente.

Je voudrais faire une proposition à M. le ministre. En 2004, nous avions adopté au Sénat un amendement déposé par M. Virapoullé tendant à instituer une dotation spécifique d'ultrapériphéricité en matière de DGF. Ce dispositif avait ensuite été rejeté par l'Assemblée nationale. Aujourd'hui, il conviendrait de faire accepter le principe d'une exonération des charges sociales pour les catégories C dans les communes. Ce principe serait discuté avec les maires, qui s'engageraient à ne procéder à aucune nouvelle embauche pendant une période bien définie dans le temps.

Nous pouvons donc dire qu'avec les crises de l'emploi, du logement, de la banane, c'est toute l'organisation socio-économique de l'outre-mer qui se délite. Cette situation ne peut pas demeurer en l'état. Il n'existe pas de pire injustice que celle consistant à traiter uniformément des populations qui sont dans des situations très différentes. Une telle démarche ne peut que contribuer à accentuer les inégalités et à alimenter un sentiment d'exclusion de la solidarité républicaine.

Lorsque les inégalités s'accroissent sur une partie de son territoire, la France doit mettre en oeuvre des politiques adaptées de rattrapage et de solidarité. Cela vaut pour l'emploi et pour le logement.

Monsieur le ministre, vous l'aurez compris, pour les raisons que j'ai évoquées tout au long de mon intervention, je ne serai pas en mesure d'apporter mon soutien à votre budget. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Outre-mer (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2007
Discussion générale