Article additionnel avant l'article 1er ou après l'article 1er
Dossier législatif : projet de loi de modernisation du dialogue social
Article 1er

Articles additionnels avant l'article 1er

M. le président. L'amendement n° 31, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le titre Ier du livre Ier du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 100-2. - Un décret en Conseil d'État fixe les conditions de la représentativité des organisations de chômeurs et précaires ainsi que les modalités d'organisation du scrutin. ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. J'ai précédemment défendu un amendement de même inspiration en réclamant l'élargissement de la procédure de concertation aux organisations de chômeurs et de travailleurs précaires afin d'assurer la citoyenneté et la représentation qui leur sont dues.

Passer du silence à la parole suppose que cette parole soit portée par les intéressés par le biais d'un relais, d'une forme de globalisation de l'expression, bref au travers d'un ou de plusieurs mécanismes appropriés de représentation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement pose le problème de la représentativité des associations de chômeurs et des travailleurs précaires, sujet que nous avons déjà évoqué.

À mon sens, cette question doit être soulevée dans le cadre du débat sur la représentativité syndicale. En tout cas, il me paraîtrait logique de consulter les organisations syndicales pour connaître leur point de vue. En effet, le chômage ou la précarité ne sont que des situations temporaires : celui qui était auparavant membre d'un syndicat en tant que salarié le sera de nouveau dès qu'il aura retrouvé un emploi.

Par conséquent, le dispositif que cet amendement tend à instituer est, pour le moment, prématuré. L'avis de la commission est donc défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je n'entrerai pas dans le fond du débat. Je le dis clairement, l'objectif du Gouvernement pour les années à venir est le retour au plein-emploi, au sens du Bureau international du travail. Par conséquent, c'est bien dans une logique de mobilisation et de bataille pour l'emploi que nous nous inscrivons.

Cependant, ce qui est en cause dans cet amendement, c'est la représentativité des associations. Je ne nie ni l'importance ni le rôle des associations, mais c'est un autre sujet que celui dont nous débattons en ce moment, c'est-à-dire la représentativité des organisations professionnelles et syndicales.

Cette question pourra sans doute être abordée ultérieurement dans l'étude qui a été commandée au Conseil économique et social.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

D'abord, je l'ai dit, cet amendement s'éloigne de notre sujet, la représentativité syndicale.

Ensuite, la représentativité des associations est un vaste débat. Dans un certain nombre de secteurs, des associations, même agréées, n'ont pas organisé d'assemblée générale depuis longtemps, n'ont pas un mode d'élection transparent et suscitent des interrogations quant à leur financement. Certes, la vie associative est un élément important dans notre pays, tous les élus locaux le savent. Mais encore faut-il ne pas tout mélanger.

Naturellement, nous sommes attentifs à la situation des personnes en situation de précarité ou de chômage. Cela fait également partie des préoccupations quotidiennes du pôle de cohésion sociale.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Tout d'abord, M. le ministre évoque l'objectif d'un retour au plein-emploi. Nous pourrions tous y souscrire. Malheureusement, je crains fort qu'il ne s'agisse d'un mythe et que nous nous dirigions au contraire vers une société de précarité, même si je ne le souhaite pas. À mon sens, pendant les dix ou les vingt prochaines années, la précarité s'aggravera et le nombre de sans-emploi augmentera.

Ensuite, faut-il que les travailleurs précaires et les chômeurs ne soient pas représentés ? Certains estiment que les organisations syndicales les représentent. C'est faux ! Nous le voyons d'ailleurs très bien : la section « chômeurs » de la CFDT ou la CGT-chômeurs ont peu d'adhérents et il leur est difficile d'en recruter, d'autant qu'elles sont encadrées par des syndicalistes salariés.

Ainsi, il existe un véritable problème de représentation des personnes en situation de précarité, des travailleurs intérimaires et des chômeurs. Ceux qui sont sans-emploi doivent-ils, pour autant, être privés de citoyenneté syndicale ? Est-ce cela, aujourd'hui, la modernisation sociale ?

En réalité, seuls les salariés de la fonction publique, que vous dénoncez par ailleurs - vous trouvez qu'ils font trop souvent grève -, bénéficient d'une réelle représentation syndicale. Tous les autres, c'est-à-dire les travailleurs occasionnels ou les personnes qui ne parviennent pas à trouver un emploi, ne mériteraient pas d'être représentés : comme ils ne travaillent pas et ne sont pas des agents économiques, doivent-ils être des citoyens ?

La modernisation sociale consiste précisément à tenir compte de la situation des salariés contraints de travailler peu et des demandeurs d'emploi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 31.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 32, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article premier, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le titre Ier du livre Ier du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 100-3. - La représentativité nationale des organisations d'employeurs doit prendre en compte le secteur de l'économie sociale. Un décret en conseil d'État crée un collège représentant les associations, les mutuelles, les sociétés coopératives ouvrières de production, tous les employeurs faisant partie du secteur de l'économie sociale. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Ce projet de loi pose évidemment aussi la question de la représentativité des organisations patronales.

D'une part, le MEDEF s'arroge une « supra représentativité », exorbitante dans les faits. D'autre part, la procédure de concertation ne concerne que les organisations représentatives au niveau interprofessionnel. C'est donc tout un ensemble de réformes du droit du travail concernant des secteurs spécifiques qui échappe à la concertation des organisations représentatives sectorielles.

M. le ministre s'est engagé à ce que de telles réformes puissent également faire l'objet d'une concertation. Il visait notamment la Fédération nationale des syndicats d'exploitants agricoles et l'Union nationale des professions libérales.

Il conviendrait aussi de prendre en compte « le tiers secteur » dans la représentativité des organisations d'employeurs et de l'associer à la procédure de concertation. En effet, celui-ci regroupe l'ensemble des initiatives économiques à finalité sociale exercées principalement par des associations, mutuelles et coopératives. En outre, il représente une proportion de plus en plus importante des entreprises et des emplois en France comme dans l'Union européenne. Ainsi, plus de 30 % de la population européenne serait membre d'une organisation ou d'une entreprise de l'économie sociale.

La modernisation du dialogue social ne peut pas avoir de sens si elle se passe des représentants d'une économie ancrée dans la gestion du quotidien. Les mutuelles de santé et de prévoyance couvrent 30 millions de personnes et les mutuelles d'assurances couvrent une automobile sur deux et deux habitations sur trois.

Qui ne connaît les coopératives agricoles, viticoles, laitières, de pêche, de transport ou de distribution, par exemple les centres Leclerc, le Système U et les magasins Intersport ? Qui ne connaît les banques coopératives, notamment les Banques populaires, le Crédit agricole, le Crédit coopératif, le Crédit mutuel ou les Caisses d'Epargne ?

Quant aux associations, elles sont présentes partout, dans les domaines tant sportif que culturel, éducatif, familial, sanitaire et social ou environnemental.

L'économie sociale, c'est également plus de 1 000 milliards d'euros de ressources, plus de 1,7 million d'emplois. Au travers de 760 000 entreprises, c'est l'un des gisements les plus fertiles en créations d'emplois. Comment le dialogue social peut-il passer à côté de ce poids lourd de l'économie, qui sera très certainement appelé à l'avenir à créer la majorité des emplois ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Cet amendement porte sur la question la représentativité. Je me suis déjà exprimée sur le sujet.

La commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Pour les organisations professionnelles, il n'existe pas de présomption de représentativité sur le modèle du dispositif institué par l'arrêté de 1966. Je ne rappellerai pas comment l'UPA est devenue représentative à la suite de décisions judiciaires, dont certaines sont encore récentes.

Ainsi, cet amendement ne s'inscrit pas du tout dans le cadre du dialogue social ou des futurs échanges bilatéraux que nous aurons à propos de la représentativité. D'ailleurs, la question posée par l'auteur de cet amendement n'a pas été soulevée par le Conseil économique et social.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 32.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 36, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Avant l'article 1er, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Avant le titre Ier du livre Ier du code du travail, il est inséré un article ainsi rédigé :

« Art. L. 100-4. - Il est créé un chèque associatif ou syndical pour chaque personne au chômage. Lorsqu'une personne se retrouve au chômage, elle peut choisir une adhésion syndicale ou à une association de chômeurs sous la forme d'un chèque associatif ou syndical. Ce chèque permet le règlement de l'adhésion au syndicat ou à l'organisation de chômeurs choisi et le paiement est pris en charge par l'État ».

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Cet amendement concerne le financement des associations de chômeurs, qu'elles soient indépendantes ou affiliées à un syndicat.

Le droit d'exister des demandeurs d'emploi partout où leurs intérêts sont en jeu suppose que chaque personne inscrite à l'ANPE puisse adhérer à une association de chômeurs ou à un syndicat de son choix, afin de défendre ses droits et sa dignité. C'est là une évidence !

Le poids du coût de la vie et la situation financière des chômeurs et travailleurs précaires n'étant pas non plus à démontrer, ce droit d'exister entraîne également pour l'État, les collectivités locales, régions, départements et communes, et les établissements publics l'obligation de leur procurer des financements et des locaux.

Cet amendement a donc pour objet de créer un chèque associatif ou syndical. Celui-ci serait financé par l'État selon des modalités à définir et remis au demandeur d'emploi, afin de lui permettre de cotiser à une structure d'accueil choisie en toute liberté.

En outre, les associations et les syndicats de chômeurs pourraient ainsi obtenir le soutien financier direct et régulier de l'État qui leur manque pour mener à bien leurs missions auprès des demandeurs d'emploi, pour poursuivre leur expérience et pour s'entourer des expertises nécessaires.

Le mouvement syndical des salariés bénéficiant déjà d'aides importantes, une telle stabilité de financement des associations et syndicats de chômeurs, qui n'entrent aujourd'hui dans aucune des formules de financement automatique, corrigerait encore un peu plus le déséquilibre démocratique. En effet, qui dit rééquilibrage des moyens d'expression dit également rééquilibrage des moyens financiers de la représentation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Desessard, vous évoquez le financement des organisations syndicales, sujet qui ne figure pas, me semble-t-il, dans le présent projet de loi.

En outre, le dispositif que cet amendement tend à instituer augmenterait les charges publiques. Il est donc irrecevable en vertu de l'article 40 de la Constitution.

Par ailleurs, les syndicats peuvent proposer d'eux-mêmes la gratuité de l'adhésion pour leurs membres salariés qui perdraient leur emploi et pour les chômeurs désirant s'affilier. Une telle démarche me semble tellement naturelle de la part des organisations syndicales que je serais surprise que l'une d'entre elles vous ait demandé de formuler une telle proposition.

La commission émet donc un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà évoqué le financement du dialogue social et la transparence du financement des organisations syndicales. Ce sujet est abordé dans le rapport de M. Hadas-Lebel.

Le Gouvernement a pris plusieurs mesures pour favoriser l'adhésion syndicale. Tout d'abord, la déduction de la cotisation syndicale de l'impôt sur le revenu a été portée à 66 % ; cette déduction était limitée à 50 % précédemment. Ensuite, les crédits consacrés au financement de la formation syndicale ont augmenté de près de 7 % en 2005, avec une planification dans le cadre de conventions triennales. Enfin, le décret du 25 juillet 2005 autorise les collectivités territoriales à verser, si elles le souhaitent, des subventions de fonctionnement aux organisations syndicales représentatives.

Dans le rapport Hadas-Lebel, un certain nombre d'autres sujets sont abordés, notamment la possibilité d'introduire dans le code du travail une disposition permettant aux entreprises et aux branches de conclure un accord précisant et encadrant le recours aux mécanismes de financement du dialogue social. D'autres éléments en sont encore à l'étape de la réflexion et feront l'objet de discussions avec les partenaires sociaux. Tous ces sujets font partie de l'étude demandée par le Gouvernement.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement. Il respecte en effet la logique tendant à engager le dialogue sur des sujets que même le rapport Hadas-Lebel et l'avis du Conseil économique et social sont loin d'avoir épuisés.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. J'ai l'impression que Mme la rapporteur et M. le ministre m'ont répondu à côté de la question. Ils ont expliqué que les syndicats avaient déjà les moyens de fonctionner. Mais mon amendement tend non pas uniquement à créer un chèque syndical, mais également à permettre aux demandeurs d'emploi de s'affilier soit à une association de chômeurs, soit à un syndicat.

Les demandeurs d'emploi vivent très mal la séparation de l'entreprise et les revendications des syndicats sur l'amélioration des retraites, l'accès aux loisirs, la défense du pouvoir d'achat, et même la réduction du temps de travail. Ils ont d'autres préoccupations, notamment la réinsertion professionnelle, et ont le sentiment d'être exclus du monde du travail.

Certains continuent à se syndiquer mais, très souvent, ils rejoignent une association de chômeurs. Même les anciens salariés de MetalEurope ont quitté la CGT pour adhérer à une association de chômeurs.

Ce qui leur manque, c'est le financement pour s'organiser ; ils veulent poursuivre leur action syndicale au sein d'une association de chômeurs. Il existe aujourd'hui un hiatus entre les revendications syndicales et les revendications des travailleurs précaires et des chômeurs.

Pour favoriser la citoyenneté des demandeurs d'emploi, nous devons encourager leur affiliation à une association de chômeurs. Le financement peut être envisagé selon deux modalités : soit le Gouvernement choisit la « bonne » association de chômeurs qui bénéficiera de la subvention, et les gens ne peuvent pas s'affilier librement ; soit c'est le demandeur d'emploi qui désigne l'association ou le syndicat par lequel il s'estime le mieux représenté et auquel la cotisation sera versée.

Je constate, madame la rapporteur, monsieur le ministre, que vous refusez la citoyenneté aux travailleurs précaires et aux demandeurs d'emploi.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 36.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Mes chers collègues, à la demande du Gouvernement, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-neuf heures, est reprise à dix-neuf heures quinze.)

M. le président. La séance est reprise.

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Article 1er

Avant le titre Ier du livre Ier du code du travail, il est inséré un titre préliminaire ainsi rédigé :

« TITRE PRÉLIMINAIRE

« DIALOGUE SOCIAL

« CHAPITRE UNIQUE

« Procédures de concertation, de consultation et d'information

« Art. L. 101-1. - Tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi et la formation professionnelle et qui relève du champ de la négociation nationale et interprofessionnelle fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel en vue de l'ouverture éventuelle d'une telle négociation.

« À cet effet, le Gouvernement leur communique un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options.

« Lorsqu'elles font connaître leur intention d'engager une telle négociation, les organisations indiquent également au Gouvernement le délai qu'elles estiment nécessaire pour conduire la négociation.

« Le présent article n'est pas applicable en cas d'urgence. Lorsque le Gouvernement décide de mettre en oeuvre un projet de réforme en l'absence de procédure de concertation, il fait connaître cette décision aux organisations mentionnées ci-dessus en la motivant dans un document qu'il transmet à ces organisations avant de prendre toute mesure nécessitée par l'urgence.

« Art. L. 101-2. - Le Gouvernement soumet les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés dans le champ défini par l'article L. 101-1, au vu des résultats de la procédure de concertation et de négociation, selon le cas à la Commission nationale de la négociation collective, au Comité supérieur de l'emploi ou au Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie, dans les conditions prévues respectivement aux articles L. 136-2, L. 322-2 et L. 910-1.

« Art. L. 101-3. - Chaque année, les orientations de la politique du Gouvernement dans les domaines des relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, ainsi que le calendrier envisagé pour leur mise en oeuvre sont présentés pour l'année à venir devant la Commission nationale de la négociation collective. Les organisations mentionnées à l'article L. 101-1 présentent, pour leur part, l'état d'avancement des négociations interprofessionnelles en cours ainsi que le calendrier de celles qu'elles entendent mener ou engager dans l'année à venir. Le compte rendu des débats est publié.

« Chaque année, le Gouvernement remet au Parlement un rapport faisant état de toutes les procédures de concertation et de consultation mises en oeuvre pendant l'année écoulée en application des articles L. 101-1 et L. 101-2, des différents domaines dans lesquels ces procédures sont intervenues et des différentes phases de ces procédures. »

M. le président. La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle, sur l'article.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Ce projet de loi de modernisation du dialogue social a pour objet d'accorder aux partenaires sociaux un temps de négociation avant tout examen par le Parlement d'un projet de loi portant sur les relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle.

D'ores et déjà, ce projet de loi, très court, puisqu'il ne comporte que deux articles, et présenté bien tardivement, suscite un certain nombre de questionnements.

Ma première remarque porte sur le titre préliminaire intitulé « Dialogue social ». Le dialogue social n'a ni la même signification ni la même portée juridique que la négociation collective inscrite dans le code du travail à l'article L. 131-1.

La négociation collective s'exerce entre des interlocuteurs précis, suivant des règles fixées par la loi, en vue d'aboutir à des accords collectifs de branche, d'entreprise ou d'établissement.

La Commission nationale de la négociation collective, instituée par les articles L. 136-1 à L. 136-4 du code du travail, a un rôle primordial pour proposer au ministre des améliorations en matière de négociation collective, pour émettre un avis sur les projets de loi et décrets, pour donner un avis motivé sur l'extension et l'élargissement des conventions et accords collectifs.

Le dialogue social est davantage une pratique qu'une notion juridique, comme l'indique le rapport de M. Chertier remis au Premier ministre au début de l'année 2006. Sa définition est donc plus vague et permet de revêtir des formes plus opportunes en fonction des interlocuteurs et du moment.

Le dialogue social a fait son apparition dans la législation avec l'intitulé de la loi Fillon du 4 mai 2004 relative à la formation professionnelle tout au long de la vie et au dialogue social.

Un accord unanime des partenaires sociaux sur le droit individuel à la formation devait être transposé dans la loi. Mais, à la demande du MEDEF, un titre intitulé « Du dialogue social » a été ajouté dans l'objectif de mettre fin à l'obligation de respecter le principe de faveur.

La loi de 2004 a procédé à une recomposition des modalités et des résultats de la négociation collective. Celle-ci est sectorisée par branches et par entreprises, et permet toutes les dérogations en tous sens. Elle est aussi vaste que peut être vague le dialogue social.

Pourtant, si notre pays a besoin d'une redynamisation de sa démocratie sociale, c'est sur la base de règles claires. D'ailleurs, Mme Procaccia l'a souligné tout à l'heure.

Rappelons également l'idée déjà ancienne du MEDEF de faire prévaloir, en matière sociale, l'accord ou le contrat sur la loi. Cette expression n'a pas été reprise dans le projet de loi transmis au Sénat, et l'ensemble des partenaires sociaux auditionnés a particulièrement insisté sur le fait que l'initiative et le droit d'amendement des parlementaires doivent demeurer intacts. Il semble cependant évident que l'objectif fondamental n'est perdu de vue ni par le MEDEF ni par le Gouvernement, qui tient à faire passer ce texte, après déclaration d'urgence, avant les prochaines élections.

Les constats du rapport Chertier - rétrécissement du champ de compétences de l'État par le jeu des transferts à l'Union européenne, aux collectivités territoriales ou à des agences indépendantes - et la volonté du Gouvernement de réduire le budget de l'État, donc sa capacité d'intervention, signent le dessaisissement de l'État et le démembrement des politiques nationales.

Aujourd'hui, il est proposé de franchir une nouvelle étape dans l'élaboration du droit du travail. On comprend mieux, dans ces conditions, le sens des déclarations de M. Chirac au Conseil économique et social du 10 octobre 2006 : « Il faut franchir une étape décisive : placer les partenaires sociaux au coeur de l'élaboration des normes et des réformes sociales. [...] Il faut plus de contrat et moins de loi. » Par la fabrication de nouvelles normes, une architecture institutionnelle se met en place subrepticement.

Dans ce cadre, les syndicats doivent retrouver une représentativité pour assurer un aspect démocratique à l'élaboration de règles de droit.

Ce rôle attribué aux syndicats doit-il s'exercer aux détriments des prérogatives du Parlement ? Certes, l'intervention du Parlement, ne serait-ce que par la voie de l'habilitation, reste indispensable, sauf à réviser préalablement la Constitution.

Dans ce contexte, on peut cependant s'interroger sur le rôle du Parlement. Si le Sénat demeure un lieu de représentation et d'expression auquel les collectivités territoriales sont attachées et que le Conseil économique et social devient un lieu de démocratie sociale, comment évoluera le fonctionnement des autres institutions, particulièrement dans le contexte européen ?

J'en viens à ma deuxième remarque. Vous avez intitulé le chapitre unique du présent projet de loi « Procédures de concertation, de consultation et d'information ». Le rapport Chertier avait rajouté à ces trois procédures la négociation. Le terme est cité dans ce projet de loi, mais la procédure de négociation a disparu, ce qui n'est pas neutre.

Ma troisième et dernière remarque porte sur le fait que la représentativité et le financement des organisations syndicales sont absents du projet de loi.

En mai dernier, M. Hadas-Lebel a remis au Premier ministre un rapport sur la représentativité et le financement des organisations syndicales, qui prévoit des scénarios d'adaptation ou de transformation.

Le rapport du Conseil économique et social « Consolider le dialogue social » a été adopté le 29 novembre 2006. Il est notamment proposé une refonte des règles de la représentativité. Or nous pouvons regretter que la question de la représentativité syndicale ne soit pas réglée par ce projet de loi dans la mesure où elle conditionne l'efficacité de la réforme.

On continue d'appliquer un système qui repose sur une présomption de représentativité accordée par un arrêté de 1966 au profit de cinq organisations syndicales. Dès lors, comment seront aménagées les conditions du dialogue social dans les petites entreprises, sachant que 53 % des entreprises comptent moins de cinquante salariés et 37 % moins de vingt salariés ?

Concernant les règles de validité des accords collectifs, il est primordial de défendre le principe de l'accord majoritaire signé par des organisations représentant la majorité des salariés.

En conclusion, l'actuelle majorité a déjà voté un texte quasiment identique dans la loi Fillon de mai 2004. Or, dans le même texte, le Gouvernement a fait adopter, par voie d'amendement, deux réformes majeures de notre droit du travail, et ce sans consultation préalable des partenaires sociaux.

Vous avez poursuivi par la réforme du contrat de travail en faisant adopter, par voie d'ordonnance cette fois, le contrat nouvelles embauches. Puis vous avez récidivé en tentant la même méthode, peu probante, avec le contrat première embauche.

Votre démarche s'est poursuivie dans le cadre du projet de loi pour le développement de la participation et de l'actionnariat salarié.

Aussi, ce projet d'engagement vers un dialogue social ne manque pas d'apparaître comme un texte de circonstance.

Il est regrettable que cette modernisation du dialogue social arrive si tard. Vous présentez un texte dans des conditions d'examen tout à fait douteuses et dans un contexte dont on ne peut s'empêcher de penser qu'il a une toute autre vocation que celle que vous prétendez. L'urgence n'est pas soeur de la sagesse. Comme vous l'avez dit vous-même, monsieur le ministre, il faut du temps !

M. le président. Veuillez conclure, ma chère collègue.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Le dialogue social, ne vous en déplaise, nécessite un temps incompressible qui n'est pas celui des campagnes électorales.

Vous aurez beau tenter de passer en force - ici, nous avons coutume de dire en urgence - et user de méthodes peu orthodoxes, comme nous l'avons découvert hier dans la presse à propos des feuilles de route pour les complémentaires santé adressées hâtivement aux partenaires sociaux, votre conception du dialogue social modernisé n'est pas encore acquise ; vous auriez tort de croire le contraire !

Le dialogue, quel qu'il soit, implique un minimum de considération pour l'interlocuteur. Vous avez une fâcheuse tendance à négliger cet aspect.

M. le président. L'amendement n° 33, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail, après le mot :

emploi

insérer les mots :

, les garanties sociales

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Je citerai ici une phrase prononcée par Jacques Chirac devant le Conseil économique et social en octobre dernier : « Il ne sera plus possible de modifier le code du travail sans que les partenaires sociaux aient été mis en mesure de négocier sur le contenu de la réforme engagée. Et aucun projet de loi ne sera présenté au Parlement sans que les partenaires sociaux soient consultés sur son contenu ».

Pourtant, les domaines visés par le projet de loi étant limités aux relations individuelles et collectives du travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, ils ne correspondent donc que partiellement au champ actuel de la négociation collective tel qu'il est défini par l'article L. 131-1 du code du travail, à savoir l'ensemble des conditions d'emploi, de formation professionnelle et de travail et des garanties sociales.

La Commission nationale de la négociation collective pourra d'ailleurs désormais émettre un avis sur ces sujets, conformément à l'article 2 du projet de loi.

N'est-il pas étrange que cette commission puisse se saisir de questions ayant trait aux garanties sociales, mais que les « procédures de concertation, de consultation et d'information » ne puissent s'appliquer aux projets de réforme intéressant les garanties sociales ? Il conviendrait donc que l'ensemble des partenaires sociaux puissent être consultés sur de tels sujets.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Desessard, vous avez dit que le champ du projet de loi était limité. Je trouve, au contraire, qu'il est très étendu : les relations de travail et la formation professionnelle concernent une bonne partie des textes que nous étudions.

Puisque votre amendement tend à modifier l'esprit de la loi, j'émets un avis défavorable.

Il faut laisser vivre le dialogue social, examiner son application aux relations du travail et, pourquoi pas ? revenir sur le sujet dans un ou deux ans. Ce dispositif pourra alors être étendu aux relations sociales si les modalités du dialogue social ont effectivement changé dans notre pays.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Tout d'abord, s'agissant de la définition du dialogue social, madame Jarraud-Vergnolle, l'Assemblée nationale a précisé qu'il s'agissait des procédures de concertation, de consultation et d'information. Nous avons repris ces termes avec Mme le rapporteur lors de la discussion générale. Désormais, le dialogue social a donc bien une définition. Je voulais répondre à votre interrogation, car ce sujet a fait l'objet de nombreux échanges avec les partenaires sociaux.

Monsieur Desessard, l'objet de cet article est de viser les relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle. Le sujet est déjà vaste ! Les questions économiques et financières, de protection sociale ou de politique fiscale relèvent, quant à elles, du code général des impôts ou du code de la sécurité sociale ; ce sont d'autres procédures de consultation et de concertation qui s'appliquent.

Mme le rapporteur a bien expliqué l'utilisation de la méthode expérimentale. Le champ du domaine social visé dans ce projet de loi est déjà extrêmement important. Apporter cette réponse représente un élément de profond changement.

Le Gouvernement est donc défavorable à l'amendement n° 33.

Lors des discussions que nous avons eues avec différents partenaires, ces questions ont été soulevées. En Commission nationale de la négociation collective, l'ensemble des partenaires- je prends les plus réservés - a bien convenu qu'il était important d'être déjà « au milieu du gué », selon l'expression utilisée par Maryse Dumas. Lorsqu'on s'engage dans le gué, c'est avec l'idée de le passer !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 33.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 34, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin, Boumediene - Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail, après les mots :

et d'employeurs

insérer les mots :

, et les organisations de chômeurs et précaires,

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Le droit d'exister des chômeurs et des travailleurs précaires, qui sont unis par une situation commune - au-delà de leurs différences et de leur dispersion -, passe également par le droit de se regrouper dans des structures qui prennent en compte l'hétérogénéité des situations de chômage, des trajectoires individuelles et des difficultés personnelles, et par le droit de disposer de mécanismes propres de représentation.

Le droit des chômeurs et des travailleurs précaires de s'associer et d'être représentés partout où leurs intérêts sont en jeu implique qu'il ne puisse y avoir de dialogue social sans partenariat actif avec ces organisations. Le monde agricole a bien prouvé que la dispersion géographique et l'hétérogénéité des structures, voire des intérêts, n'empêchent nullement de se doter de structures ou institutions représentatives, aidées par l'État, destinées à organiser une cogestion de la politique agricole.

Il doit en être de même dans le domaine du chômage et de la politique de l'emploi. Les organisations de chômeurs et de travailleurs précaires, qui seront déclarées représentatives selon des modalités qu'il conviendra de fixer par décret, doivent pouvoir accéder au statut de partenaire social et être associées à la procédure de concertation.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La commission est défavorable à cet amendement.

En effet, il ne lui semble pas indispensable, pour l'instant, de multiplier les parties prenantes à la concertation.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Nous avons déjà abordé ce sujet à l'occasion d'un autre amendement de M. Desessard.

S'agissant de la représentation de la société, je vous rappelle que l'ensemble de la société civile, y compris l'économie solidaire, est représentée au sein du Conseil économique et social.

Le Gouvernement est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 34.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 4, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste - UDF, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail, remplacer les mots :

représentatives au niveau national et interprofessionnel

par les mots :

les plus représentatives

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Il s'agit d'un amendement rédactionnel.

En l'état actuel des textes, les syndicats qui seront consultés avant la réforme du droit du travail sont désignés par l'expression : « les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel ».

Or cette désignation ne nous semble pas excellente. Nous souhaiterions la remplacer par l'expression : « les organisations syndicales de salariés et d'employeurs les plus représentatives ». Du reste, cette dernière expression est déjà utilisée dans différents articles du code du travail.

Dans la mesure où le champ de la négociation est précisément défini par les termes de « négociation nationale et interprofessionnelle », prévoir que les organisations syndicales de salariés et d'employeurs doivent être représentatives au niveau national et interprofessionnel serait superfétatoire. En effet, en application des principes de la négociation collective, seules sont appelées à participer à une négociation les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives.

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail, remplacer les mots :

représentatives au niveau national et interprofessionnel

par le mot suivant :

concernées

Cet amendement n'est pas soutenu.

Quel est l'avis de la commission sur l'amendement n° 4 ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La précision apportée par cet amendement ne nous paraît pas indispensable dans la mesure où la procédure de concertation s'applique aux réformes qui relèvent du champ de la négociation nationale interprofessionnelle. Les organisations qui y participent doivent donc être représentatives au niveau national et interprofessionnel.

Par conséquent, la commission demande le retrait de cet amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. J'ai eu l'occasion, tout à l'heure, de faire le point sur les travaux de recodification qui ont lieu sous l'égide de la Commission supérieure de codification.

Si l'on examine l'ensemble des sédimentations qui ont formé le code du travail, on voit que sont indifféremment appliquées aux organisations syndicales les expressions « représentatives » ou « les plus représentatives ».

Selon l'analyse de la Commission, cette dernière expression est, en fait, dénuée de portée juridique réelle. Il est aujourd'hui convenu de s'en tenir à la notion d'organisations « représentatives ».

Cette précision me semble répondre à la préoccupation des auteurs de l'amendement. Je vous donne, en quelque sorte, une réponse anticipée, par l'intermédiaire de la Direction du travail.

Naturellement, à l'occasion de textes adoptés à des époques différentes, le débat pouvait porter sur le choix entre les deux expressions. Aujourd'hui, on considère que les termes « les plus représentatives » n'ont pas de portée juridique.

Nous aborderons ultérieurement la notion de représentativité ; elle a été définie par décret, elle pourrait l'être par une autre voie.

Quant aux préoccupations sectorielles que le terme « interprofessionnel » peut évoquer, j'y suis sensible, mais il s'agit là d'un autre sujet.

À la lumière de cet élément nouveau, le Gouvernement souhaite le retrait de l'amendement.

M. le président. Monsieur Biwer, l'amendement n° 4 est-il maintenu ?

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, nous voulions attirer votre attention sur des éléments de détail qui nous semblaient importants. Toutefois, compte tenu de vos explications, nous retirons cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 4 est retiré.

L'amendement n° 14, présenté par M. Gournac, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail, après les mots :

les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives au niveau national et interprofessionnel

insérer les mots suivants :

, ainsi qu'avec les organisations syndicales d'employeurs représentatives au niveau national et intersectoriel des professions agricoles et libérales,

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 19, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail par les mots :

assorties d'une étude de leur impact sur le code du travail.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Retouché à de multiples reprises, vidé de ses mesures les moins consensuelles, telles que la fusion des quatre instances de concertation existantes en une seule, l'agenda partagé, ou les précisions sur les suites à donner à un accord, le projet de loi que nous examinons est passé de neuf à deux articles, afin de lui donner toutes les chances d'être adopté avant la fin de la session.

« Force est donc de constater que le projet de loi a perdu de son ambition par rapport aux intentions initiales du Gouvernement ou aux annonces du Président de la République. » : il s'agit là non pas de mes propres paroles, même si je partage pleinement cette appréciation, mais, textuellement, des réflexions transmises par l'UPA.

Au delà de ces regrets sur ce que le texte aurait dû contenir, il convient d'examiner un peu plus en détail le dispositif proposé à l'article 1er.

En ce qui concerne plus particulièrement la procédure de concertation préalable des partenaires sociaux sur tout projet de réforme envisagé par le Gouvernement qui porte sur les relations individuelles et collectives du travail, l'emploi ou la formation professionnelle, je ne reviendrai pas sur le champ des projets.

Il me semble en revanche utile de débattre de la manière dont est mise en oeuvre cette procédure.

Afin de permettre aux partenaires sociaux de disposer des éléments nécessaires relatifs à l'initiative du Gouvernement, l'article 1er fait obligation à ce dernier de transmettre « un document d'orientation présentant des éléments de diagnostic, les objectifs poursuivis et les principales options ».

Dans un souci de promotion d'un dialogue social de qualité, nous proposons que ce document d'orientation, qui fait état des principales options de la réforme envisagée, soit assorti d'une étude de leur impact sur le code du travail. Tel est l'objet de l'amendement n° 19.

Cette exigence a été portée par nos collègues à l'Assemblée nationale. Elle a été comprise par d'autres membres de l'opposition, mais mal interprétée par le ministre et sa majorité.

Nous n'entendons pas, au travers de ce dispositif, corseter la négociation, réduire son champ, et encore moins réintroduire les pratiques de consultation formelle sur des textes déjà adoptés. Nous veillons simplement à ce que les partenaires sociaux disposent de tous les éléments d'information nécessaires quant aux implications des solutions possibles, afin d'engager une concertation efficace.

Les études d'impact accompagnent bien les textes législatifs ; elles sont un outil précieux. Pourquoi n'accompagneraient-elles pas le document d'orientation ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Vous reprenez ici, monsieur Fischer, un amendement que M. Gremetz avait déjà présenté devant l'Assemblée nationale.

Vous dites ne pas vouloir corseter la négociation. Or l'étude d'impact que vous proposez briderait la créativité des organisations syndicales. À partir du moment où le Gouvernement remettrait une étude d'impact sur un projet avant même qu'aucune négociation ait été ouverte, les organisations syndicales se sentiraient muselées et ne pourraient émettre de propositions intéressantes.

Si de telles dispositions étaient adoptées, l'étude d'impact ne serait plus d'aucune utilité : elle devrait intervenir après que les négociations auraient abouti à un accord.

C'est pourquoi j'émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Mme Procaccia, dans sa conclusion, a résumé tout le principe de la négociation : il convient de ne pas préjuger de l'issue de celle-ci. Si étude d'impact il devait y avoir, elle relèverait de la responsabilité du Gouvernement, au moment où l'accord serait transposé. Il s'agirait alors d'examiner si les conditions d'application de l'accord sont conformes aux attentes des parties prenantes.

Les partenaires sociaux ne souhaitent pas entamer une négociation alors que le point d'arrivée en est prédéterminé. Un certain nombre d'entre eux, représentants de salariés notamment, nous ont d'ailleurs dit ne pas souhaiter ce type d'étude d'impact.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 19.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 20, présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail, après les mots :

nécessaire pour

insérer les mots :

ouvrir et

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Toujours en ce qui concerne la procédure de consultation préalable des partenaires sociaux, il est à regretter que le projet de loi n'apporte pas plus de précisions quant aux conditions et aux modalités de négociation ; je ne suis pas le premier à le dire, et je ne serai pas le dernier.

Nous ne savons pas, par exemple, si un nombre maximal d'organisations patronales et syndicales sera requis pour l'ouverture de la négociation.

Il ne faudrait pas que perdure la situation actuelle et que les organisations syndicales restent dépendantes de la volonté des organisations patronales de convoquer ou non une négociation.

Mme Michèle Biaggi, que nous avons auditionnée, a insisté sur cet aspect : elle note que « la position commune de 2001 prévoyait un droit de saisine des organisations syndicales, mais que ce principe était resté lettre morte. » Le projet de loi règle-t-il ce problème ?

Nous ne savons pas davantage si le texte permettra de lever les blocages entravant des négociations qui s'éternisent, qui s'enlisent, parce qu'aucun accord ne paraît possible ou que les parties n'ont pas la volonté de conclure.

Vous faites confiance à la responsabilité de chacun des acteurs. Nous privilégions aussi cette voie, dans la mesure du possible. Nous pouvons cependant citer des cas de négociations où les volontés semblent manquer, sur la pénibilité du travail par exemple. Des accords relatifs aux PME et PMI ont été adoptés par toutes les organisations syndicales, mais le MEDEF et le Gouvernement s'y opposent, et les décrets ne paraissent pas !

Certes, il paraît difficile de fixer un délai unique, qui serait applicable à toutes les négociations. Toutefois, et là encore la réalité nous rattrape, certaines négociations peuvent durer des années, comme en témoignent celles qui concernent la pénibilité du travail.

Prenant précisément appui sur ce cas, deux des organisations syndicales auditionnées se sont montrées ouvertes à la fixation de dates butoirs sur certains sujets, ou à la prise éventuelle de sanctions, lorsque le comportement et les manoeuvres dilatoires des partenaires font perdre un certain temps à la négociation et, in fine, à l'évolution de la législation.

Monsieur le ministre, la balle est dans votre camp, si je puis m'exprimer ainsi. Cet amendement n'a pas pour objet d'encadrer strictement la négociation dans de brefs délais : il vise simplement à garantir que le Gouvernement sera informé dans des délais raisonnables de la volonté ou de l'absence de volonté des partenaires sociaux d'ouvrir la négociation.

Il s'agit d'une réflexion de bon sens, qui a toute sa place dans le débat que nous avons.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. La nuance entre « ouvrir » et « conduire » des négociations me paraît subtile, monsieur Fischer. Vous n'avez pas convaincu la commission : contrairement à ce que vous affirmez, votre proposition alourdit à la fois le texte et le processus.

J'émets donc un avis défavorable.

M. Guy Fischer. C'est du parti pris !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. L'objet de cet amendement est satisfait par la rédaction actuelle du projet de loi, qui permet aux organisations syndicales et professionnelles de préciser à quel moment elles souhaitent ouvrir et mener la négociation ; elles demandent au Gouvernement le temps qui leur paraît nécessaire.

Nous avons déjà évoqué ce point en commission, vous le savez, monsieur Fischer, puisque vous êtes membre de la commission des affaires sociales. Nous l'avons également abordé lors de la discussion générale, ainsi que dans le cadre de la réponse aux orateurs.

Nous avions d'abord envisagé de fixer des délais, mais les concertations bilatérales que nous avons menées avec les partenaires sociaux nous ont montré que c'est en fait un changement d'état d'esprit qu'il faut susciter.

Voilà pourquoi nous ne sommes pas favorables à votre amendement, monsieur Fischer, d'autant que nous considérons que la pratique répondra, à terme, à vos préoccupations.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 20.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 1 est présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF.

L'amendement n° 27 est présenté par MM. Muzeau, Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail.

La parole est à M. Claude Biwer, pour présenter l'amendement n° 1.

M. Claude Biwer. Cet amendement a pour objet de supprimer la possibilité, pour le Gouvernement, de ne pas procéder, en cas d'urgence, à une concertation préalable avec les organisations syndicales de salariés et d'employeurs représentatives.

Nous tenons énormément à cet amendement, parce que l'exception d'urgence prévue dans le texte pourrait entièrement vider celui-ci de sa substance.

En effet, la notion d'urgence déclarée est peu contraignante et permettrait au Gouvernement de se soustraire à l'obligation de concertation qui est l'objet même de ce projet de loi de modernisation du dialogue social.

Au cours de cette législature, le Gouvernement a très souvent invoqué l'urgence pour les principaux textes sociaux. Au regard de la pratique gouvernementale récente, il est donc fort à craindre que la règle, posée par la loi, d'une concertation préalable avant toute réforme du droit du travail ne devienne, en fait, l'exception.

Conscients de ce risque, les députés ont amélioré l'article 1er en prévoyant l'obligation, pour le Gouvernement, de faire connaître aux syndicats sa décision motivée par un document écrit lorsqu'il mettra en oeuvre une réforme sans procédure de concertation.

C'est bien, mais c'est peut-être insuffisant. Si l'on veut que le présent texte ait une quelconque portée effective, si l'on veut donner à la démocratie sociale de notre pays une chance de se régénérer, il faut purement et simplement supprimer l'exception d'urgence.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 27.

M. Guy Fischer. Le projet de loi prévoit une exception à la procédure de concertation préalable des partenaires sociaux : en cas d'urgence déclarée par le Gouvernement, celui-ci pourra passer outre cette étape préliminaire.

Un amendement du rapporteur de l'Assemblée nationale, adopté à l'unanimité, est venu utilement encadrer le recours à l'urgence. Le Gouvernement devra faire connaître sa décision aux partenaires sociaux et sera tenu de la motiver. C'est là une garantie nécessaire, mais peut être insuffisante, même si les partenaires sociaux pourront toujours contester en justice la motivation avancée.

Bien que l'exposé des motifs dessine les contours du contenu de cette notion d'urgence déclarée - il s'agirait de cas exceptionnels, justifiés par exemple par des raisons touchant à l'ordre ou à la santé publics - et que l'adoption rapide d'un texte soit imposée, nous restons, malgré les gages donnés par le Gouvernement, extrêmement circonspects, sinon inquiets.

Notre amendement n° 27 visant à supprimer l'exception d'urgence doit être compris comme un témoignage de cette méfiance à l'égard du Gouvernement, lequel nous a habitués, ces cinq dernières années, à recourir sans limites et sans véritables raisons, sauf de convenance, à recourir à tout va à la procédure d'urgence parlementaire.

M. Jean Desessard. Absolument !

M. Guy Fischer. Au lendemain du « non » au référendum sur le traité visant à instituer une constitution européenne, il y avait urgence à légiférer par ordonnances pour résoudre le problème du chômage des jeunes, lequel s'enracinait et s'aggravait depuis trois ans, sans que le Gouvernement ait cru bon d'intervenir avec l'aide des partenaires sociaux !

Cet amendement doit aussi être compris comme un appel au futur gouvernement pour que cette procédure d'urgence, bien distincte de la procédure d'urgence parlementaire, conserve réellement son caractère exceptionnel.

M. le président. L'amendement n° 2, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Dans la seconde phrase du quatrième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail, après les mots :

en l'absence de procédure de concertation, il

insérer les mots :

réunit et

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. L'objet de cet amendement est de prévoir que, lorsqu'il recourra à la procédure d'urgence, le Gouvernement sera tenu de réunir les syndicats pour leur exposer ses motivations.

J'ai cru comprendre, monsieur Fischer, que nous menions le même combat. Nous allons peut-être retirer ensemble nos amendements identiques, par lesquels nous demandions la suppression de l'exception d'urgence.

M. Guy Fischer. Moi ? Jamais ! Je veux laisser des traces ! (Sourires.)

M. Claude Biwer. C'est pourquoi mon groupe a prévu cet amendement de repli par rapport à l'amendement n° 1.

A minima, il est fondamental d'aménager cette exception d'urgence, qui pourrait vider le projet de loi de sa substance s'il en était fait un usage abusif. Les députés se sont déjà engagés dans cette voie en précisant, je l'ai indiqué tout à l'heure, que le Gouvernement devra communiquer aux syndicats les motivations du recours à cette procédure.

À nos yeux, toutefois, cela n'est pas suffisant. Non seulement le Gouvernement doit communiquer les motivations aux syndicats par écrit, mais il doit aussi réunir ceux-ci pour leur permettre de se prononcer sur l'invocation de l'urgence. Il est élémentaire de procéder ainsi pour que soit respecté le principe du contradictoire et pour que la démocratie sociale ne soit pas totalement vidée de son contenu.

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements identiques nos 1 et 27, ainsi que sur l'amendement n° 2 ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Les amendements identiques nos 1 et 27 remettent en cause l'exception d'urgence. Or celle-ci apporte une souplesse qui nous paraît importante et qui pourrait s'avérer utile, en particulier en cas de crise sanitaire. L'avis de la commission est donc défavorable.

S'agissant de l'amendement n° 2, qui me laisse très dubitative, je souhaite entendre l'avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Je répondrai d'abord à votre interrogation, madame le rapporteur, à propos de l'amendement n° 2.

Le texte adopté par l'Assemblée nationale pour le quatrième alinéa de l'article L. 101-1 du code du travail est ainsi rédigé :

« Le présent article n'est pas applicable en cas d'urgence. Lorsque le Gouvernement décide de mettre en oeuvre un projet de réforme en l'absence de procédure de concertation, il fait connaître cette décision aux organisations mentionnées ci-dessus en la motivant dans un document qu'il transmet à ces organisations avant de prendre toute mesure nécessitée par l'urgence. »

Cette rédaction me paraît correspondre à un équilibre satisfaisant entre le respect de l'exigence de transparence et le souci de prendre en compte la réalité, qui veut qu'il existe des situations d'urgence, évoquées par Mme le rapporteur, dans lesquelles, conformément aux usages de notre droit public, il ne serait pas raisonnable d'imposer aux pouvoirs publics des procédures qui retarderaient la mise en oeuvre d'un texte.

Je souhaite donc, monsieur Biwer, que vous retiriez cet amendement, au bénéfice du texte issu des travaux de l'Assemblée nationale. Mme le rapporteur et moi-même avons eu l'occasion, lors de la discussion générale, d'insister tout particulièrement sur ce sujet. Naturellement, le recours à la procédure d'urgence ne doit pas permettre un détournement d'objet : en ce cas, d'ailleurs, le Conseil d'État nous rappellerait très rapidement à l'ordre !

La communication aux organisations syndicales des motivations du recours à la procédure d'urgence me paraît être un garde-fou, monsieur Biwer. Le débat que vous ouvrez sur ce point rejoint celui qui a eu lieu à l'Assemblée nationale et qui a permis d'aboutir à un équilibre, la rédaction actuelle répondant, à mon sens, à vos préoccupations. Voilà pourquoi je souhaite que vous retiriez l'amendement n° 2.

Quant aux amendements identiques nos 1 et 27, le Gouvernement y est défavorable.

M. le président. Monsieur Biwer, les amendements nos 1 et 2 sont-ils maintenus ?

M. Claude Biwer. Je voulais faire cause commune avec M. Fischer, mais il m'a donné à comprendre qu'il n'était pas d'accord pour retirer son amendement !

Je retirerai cependant les deux amendements qu'a déposés le groupe Union centriste-UDF, à la suite des précisions que vous venez de nous apporter, monsieur le ministre. Cela étant, il convient parfois de rappeler que l'urgence ne doit pas être invoquée trop fréquemment !

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Vous avez raison !

M. le président. Les amendements nos 1 et 2 sont retirés.

La parole est à M. Guy Fischer, pour explication de vote sur l'amendement n° 27.

M. Guy Fischer. Pour donner à M. Biwer et au groupe Union centriste-UDF une chance de poursuivre notre chemin commun, je demande un scrutin public sur l'amendement n° 27 !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 27.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 92 :

Nombre de votants 322
Nombre de suffrages exprimés 314
Majorité absolue des suffrages exprimés 158
Pour l'adoption 120
Contre 194

Le Sénat n'a pas adopté.

L'amendement n° 3, présenté par M. Mercier et les membres du groupe Union centriste-UDF, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le début du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-2 du code du travail :

Au vu des résultats de la procédure de concertation et de négociation, lorsqu'il y a lieu de légiférer, le Gouvernement prépare dans un délai de six mois les projets de textes législatifs et réglementaires élaborés dans le champ défini par l'article L. 101-1, et les soumet selon le cas...

La parole est à M. Claude Biwer.

M. Claude Biwer. Cet amendement vise à préciser que, d'une part, tous les accords ne doivent pas nécessairement faire l'objet d'une transposition législative, mais que, d'autre part, lorsque c'est le cas, le Gouvernement doit élaborer les projets de textes législatifs et réglementaires dans un délai déterminé, afin de garantir que les procédures de concertation soient suivies d'effet dans un délai raisonnable.

M. le président. L'amendement n° 13, présenté par Mmes Le Texier, Printz et Jarraud-Vergnolle, MM. Madec et Desessard, Mmes Demontès, Schillinger et San Vicente-Baudrin, MM. Godefroy, Domeizel et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 101-1 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« Les modalités d'application du présent article sont définies par décret en Conseil d'État. »

La parole est à Mme Annie Jarraud-Vergnolle.

Mme Annie Jarraud-Vergnolle. Il s'agit d'un amendement de précision, au sens littéral du terme.

La rédaction du projet de loi demeure floue s'agissant du déroulement de la procédure de consultation et de concertation. Le Gouvernement peut-il nous éclairer sur la manière dont les partenaires sociaux lui feront connaître leur intention d'engager une négociation ? Devront-ils se prononcer à l'unanimité ou à la majorité qualifiée, par exemple deux organisations sur trois pour le patronat ou trois syndicats sur cinq pour les salariés ? Cette étape fera-t-elle l'objet d'une négociation informelle ?

Quel sera le poids du document d'orientation remis par le Gouvernement ? Les options proposées seront-elles limitatives ou pourront-elles être laissées de côté ? Les partenaires sociaux pourront-ils définir de nouveaux objectifs ? Le Gouvernement sera-t-il lié par le résultat de la négociation, et si oui dans quelle mesure ? Que se passera-t-il si trois syndicats sur cinq parviennent à un accord ? Considérera-t-on alors que la négociation a réussi, selon les règles fixées par la loi de 2004 ?

On voit bien qu'il est nécessaire, pour donner une portée réelle à ce texte, de régler d'abord la question de la représentativité et de revenir sur les modalités de conclusion des accords, ainsi que sur la question de leur validité.

Par ailleurs, l'Assemblée nationale a heureusement mis un terme au quiproquo concernant la déclaration d'urgence.

Il n'en demeure pas moins que l'urgence est une notion floue. On nous cite l'exemple de l'urgence sanitaire. C'est, en effet, un aspect indiscutable, mais pourquoi n'évoque-t-on pas l'urgence sociale ?

Pourrait-on imaginer, par exemple, une grève importante et longue qui nécessiterait, selon le Gouvernement, de prendre des mesures d'urgence, comme l'interdiction du droit de grève dans un secteur d'activité ?

Cela étant, nous avons appris par la presse que le Gouvernement a déjà appliqué ce texte avant qu'il ne soit voté par le Parlement. C'est dire en quelle estime le Gouvernement tient les parlementaires !

Toutefois, à quelque chose malheur est bon : nous disposons ainsi d'une sorte de prototype, d'essai grandeur nature, qui mettra en lumière ce qui ne nous est pas dit clairement dans le projet de loi. Mais est-ce vraiment de bonne méthode ?

M. le président. Quel est l'avis de la commission sur les amendements nos 3 et 13 ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. S'agissant de l'amendement n° 13, la commission considère que le projet de loi est déjà complet en l'état et qu'il peut être appliqué immédiatement.

Lors de mon intervention dans la discussion générale, j'ai parlé de manoeuvres dilatoires. Je n'ose penser que tel est le cas en l'occurrence, mais il faut que le texte s'applique le plus rapidement possible. La commission émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 13.

S'agissant de l'amendement n° 3, si la procédure de concertation révèle une opposition franche des partenaires sociaux à la réforme proposée par le Gouvernement, ce dernier doit être en mesure de renoncer à son projet. En tout état de cause, il serait absurde de lui imposer d'élaborer un texte par décret. La commission émet donc un avis franchement défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Le président du Conseil constitutionnel, en présentant ses voeux pour l'année 2005, avait souhaité des textes courts, d'application immédiate... (M. Henri de Raincourt sourit.)

Le présent texte, qui a en outre été préparé pendant plus d'une année, après l'élaboration d'un rapport préalable, la consultation de la Commission nationale de la négociation collective puis la conduite d'une vaste concertation, éclairée par un second rapport, répond typiquement à ces critères.

Par conséquent, retenir la disposition présentée à l'amendement n° 13 n'aurait aucun sens au regard de ce que nous avons souhaité faire. Ce texte vise à instaurer de nouveaux rapports entre les acteurs du dialogue social, sans les enfermer dans des contraintes trop rigides. S'il est voté dans cette rédaction, il sera applicable dès sa promulgation, ce qui amènera le Gouvernement, dans les semaines à venir, à se montrer extrêmement attentif, car les propositions qu'il fera devront répondre aux conditions du dialogue social ainsi posées.

Telles sont les raisons pour lesquelles j'ai indiqué tout à l'heure que ce dispositif était de nature à faire évoluer certains modes d'action : on veut parfois aller très vite en court-circuitant le dialogue social, tentation à laquelle ont pu céder tous les gouvernements au long de ces vingt dernières années.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur l'amendement n° 13.

En ce qui concerne l'amendement n° 3, monsieur Biwer, la volonté du Gouvernement est de veiller à ce que les procédures de concertation permettent l'élaboration des textes législatifs et réglementaires de transposition des accords.

Il faut cependant que cela soit réalisé dans le respect des étapes de consultation prévues par les textes, mettant en jeu la Commission nationale de la négociation collective, le Comité supérieur de l'emploi ou le Conseil national de la formation professionnelle tout au long de la vie. Tout dépendra donc du contenu du texte et de son degré de complexité.

Or encadrer l'action du Gouvernement par des délais trop contraignants limiterait la souplesse qu'exige la procédure de consultation. En effet, il faudra parfois consulter à deux reprises la Commission nationale de la négociation collective, afin de prendre en compte les modifications suggérées par celle-ci. Le pouvoir d'initiative du Gouvernement se trouverait également limité, ce qui poserait un problème constitutionnel.

Par conséquent, le Gouvernement demande le retrait de cet amendement.

M. le président. Monsieur Biwer, l'amendement n° 3 est-il maintenu ?

M. Jean Desessard. Retrait, monsieur Biwer !

M. Claude Biwer. Monsieur le ministre, si vous aviez pu donner dès maintenant l'avis du Gouvernement sur l'amendement n° 5, que je n'ai pas encore présenté, j'aurais retiré mes deux amendements en même temps ! (Rires.)

M. le président. L'amendement n° 3 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 13.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 28, présenté par MM. Muzeau,  Fischer et  Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après la première phrase du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 101-3 du code du travail, insérer une phrase ainsi rédigée :

Au cours de cette réunion, le Gouvernement présente une information concernant les réformes envisagées dans les autres domaines sociaux où interviennent les partenaires sociaux, notamment celles concernant les garanties sociales.

La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Nos collègues députés du groupe communiste et républicain ont demandé l'élargissement du champ de la procédure de consultation préalable des partenaires sociaux aux textes ayant trait à la protection sociale.

Comprenant l'argument avancé par M. le ministre, qui considère que la sphère d'intervention des partenaires sociaux doit correspondre à celle des réformes accompagnées traditionnellement par le ministère chargé du travail, nous n'avons pas repris cette proposition.

Nous n'abandonnons pas, pour autant, l'idée qu'une certaine cohérence doit être garantie avec l'ensemble des réformes envisagées par les pouvoirs publics, même si les questions traitées font l'objet de procédures de concertation avec les partenaires sociaux dans le cadre d'instances spécifiques compétentes en la matière.

Si l'on admet - ce qui est la réalité - que les réformes concernant l'assurance chômage ou le domaine de la santé au travail ont une incidence sur le quotidien des salariés, l'emploi et les conditions de travail, il faut s'assurer de leur mise en perspective avec les réformes en cours ou à venir touchant directement aux matières relevant de la négociation collective.

A minima, donc, nous envisageons, comme le propose d'ailleurs la CFE-CGC dans sa contribution au présent débat, que, à l'occasion de la présentation annuelle à la Commission nationale de la négociation collective des orientations de sa politique dans le domaine des relations individuelles et collectives du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle, le Gouvernement informe les partenaires sociaux des réformes envisagées en matière de garanties sociales.

Nous couvrirons ainsi, par exemple, les questions relatives à la retraite, à la santé au travail, à la garantie des salaires, à l'assurance chômage et à la prévoyance.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Mon cher collègue, vous prévoyez d'élargir le champ de la procédure visée à d'autres domaines sociaux : une telle proposition nous semble étrangère à l'objet du projet de loi qui nous est soumis.

Certes, la commission est très favorable à une concertation approfondie sur toutes les questions relatives à la protection sociale, mais ce projet de loi constitue un ensemble, dont l'adoption de cet amendement remettrait en cause la cohérence.

La commission émet donc un avis défavorable.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. Cette question a déjà été abordée lors de l'examen d'un autre amendement, émanant du groupe socialiste.

Le Gouvernement ne peut être favorable à une extension du champ de la procédure de consultation préalable des partenaires sociaux. Si d'autres domaines devaient un jour être concernés, ce serait dans un autre cadre.

Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 28.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 35, présenté par M. Desessard, Mmes Blandin,  Boumediene-Thiery et  Voynet, est ainsi libellé :

Après le texte proposé par cet article pour l'article L. 101-3 du code du travail, ajouter un article ainsi rédigé :

« Art. L. ... - Tout projet de réforme qui porte sur le régime de l'assurance chômage fait l'objet d'une concertation préalable avec les organisations de chômeurs et précaires déclarées représentatives au sens de l'article L. 100-2. »

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Pour les demandeurs d'emploi et les travailleurs précaires, le droit d'exister, j'y insiste, c'est le droit de s'associer et d'être représentés partout où leurs intérêts sont en jeu.

Ils doivent donc, comme tout un chacun, pouvoir faire valoir leurs droits aussi en matière d'assurance chômage, notamment faire entendre leur voix dans les structures responsables de la gestion et de l'administration de ce régime, l'UNEDIC et l'ANPE, desquelles ils sont pour le moment totalement exclus.

Que l'on n'invoque pas l'idée fausse selon laquelle les syndicats représenteraient les demandeurs d'emploi et qu'il n'y aurait pas d'opposition d'intérêts entre ceux-ci et les salariés en place !

Je prendrai un exemple à cet égard.

Pour que les chômeurs retrouvent un emploi, nous dit-on, il faut leur accorder dans un premier temps une indemnité dégressive, puis plus rien du tout, afin de les pousser à retrouver un travail.

Or ce raisonnement est faux, puisqu'il y a toujours autant de chômeurs. Certains d'entre eux bénéficient d'abord d'indemnités dégressives, puis perçoivent l'allocation spécifique de solidarité, l'ASS, le RMI, et finissent par ne plus avoir les moyens de se loger ou de se vêtir, ce qui rend encore plus difficile la recherche d'un emploi. Leur réinsertion coûte alors très cher à la société.

Or, dans les années soixante-dix, à une époque où ce raisonnement aurait pu être juste car il y avait peu de chômage, on versait des indemnités représentant 90 % de l'ancien salaire brut. Cela durait au minimum un an, et ensuite la dégressivité était faible. Pourtant, on aurait pu estimer qu'il ne fallait pas indemniser autant les chômeurs, puisque le marché du travail était beaucoup moins tendu.

Le problème central, on le voit bien, tient donc non pas au niveau de l'indemnisation, mais au fait que les demandeurs d'emploi sont très nombreux et que l'argent manque.

En effet, cet argent provient soit des cotisations sociales des salariés, soit de celles des employeurs. Or, pour maintenir le pouvoir d'achat des salariés et les profits des entreprises, employeurs et syndicats de salariés ont objectivement accepté la dégressivité de l'indemnisation des demandeurs d'emploi et entériné le fait que l'assurance chômage soit une protection provisoire.

Faute de représentation significative des chômeurs dans les syndicats de salariés permettant de mener une action prenant en compte leurs intérêts, il convient de combler le vide social en associant les organisations de chômeurs aux réformes de l'assurance chômage et à la gestion du service public qui les concerne.

M. le président. Quel est l'avis de la commission ?

Mme Catherine Procaccia, rapporteur. Monsieur Desessard, il n'existe pas d'organisation représentative des chômeurs et des personnes en situation précaire. Dans ces conditions, je ne vois pas comment la commission pourrait émettre un avis favorable sur votre amendement.

De plus, le régime d'assurance chômage est géré de façon conventionnelle par les organisations patronales et les syndicats de salariés. Il leur revient donc, éventuellement, de décider d'associer des représentants des demandeurs d'emploi à cette gestion. Un texte n'est nullement nécessaire à cette fin, ils pourraient le faire dès maintenant s'ils le souhaitaient.

M. Jean Desessard. Justement ! Ils ne le veulent pas !

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Gérard Larcher, ministre délégué. La Haute Assemblée s'est déjà exprimée sur ce sujet en suivant la commission et le Gouvernement.

La gestion de l'assurance chômage est paritaire, et il revient donc aux partenaires sociaux d'en définir les conditions, s'agissant notamment du soutien aux chômeurs et de l'aide au retour à l'emploi.

Ainsi, dans cette optique, les partenaires sociaux se sont mis d'accord par voie conventionnelle sur la mise en place des contrats de professionnalisation, notamment pour permettre à ceux qui recherchent un emploi de se former, et sur le soutien à la création d'emploi pour les chômeurs, qui concerne 30 % de ceux-ci.

Voilà des aspects extrêmement positifs, mais c'est aux partenaires sociaux de décider. L'État n'intervient qu'en cas d'absence d'accord entre eux. C'est un domaine qui relève de leur responsabilité.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 35.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'article 1er.

(L'article 1er est adopté.)