PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : proposition de loi visant à organiser le recours aux stages
 

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Dossier législatif : proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance
Discussion générale (suite)

Création de l'établissement public CulturesFrance

Adoption des conclusions du rapport d'une commission

Ordre du jour réservé

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance
Article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion des conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance (nos211, 126).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le rapporteur.

M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, je me félicite que soit discutée aujourd'hui une proposition de loi qui me tient à coeur et qui constitue l'une des concrétisations du rapport intitulé Pour une nouvelle stratégie de l'action culturelle extérieure de la France : de l'exception à l'influence, rapport que j'avais présenté devant la commission des affaires culturelles à la fin de l'année 2004.

Le 22 juin 2006, l'Association française d'action artistique, l'AFAA, est devenue CulturesFrance. Un nouveau statut a donc été adopté, avec les innovations suivantes : l'objet social de l'AFAA a été élargi de manière à faire entrer dans le périmètre de la nouvelle association les activités de l'Association pour la diffusion de la pensée française, l'ADPF, à savoir la promotion du livre et de l'écrit et la cinémathèque africaine ; par ailleurs, la composition du conseil d'administration a été modifiée, celui de CulturesFrance comptant désormais vingt-deux membres, qui se répartissent entre sept représentants du ministère des affaires étrangères, trois représentants du ministère de la culture et douze personnalités qualifiées.

À titre d'information, CulturesFrance était dotée en 2006 d'un budget de 28 millions d'euros, avec un effectif de 105 emplois équivalents temps plein travaillé.

Le ministre des affaires étrangères pouvait se féliciter de cette création, aboutissement d'un long processus de concentration des opérateurs de son ministère dans le domaine de l'action culturelle. En effet, l'Association française d'action artistique et l'Association pour la diffusion de la pensée française, qui ont fusionné, avaient elles-mêmes respectivement absorbé en 1999 et en 2000 l'Association universitaire pour le développement et la communication en Afrique dans le monde, l'AUDECAM, le Club des lecteurs d'expression française, le CLEF, et Afrique en créations.

Paradoxalement, c'est au moment où l'on créait ce nouvel opérateur, à la suite de nombreux rapports allant dans ce sens, qu'il se trouvait confronté à un feu nourri de critiques.

Un rapport de la Cour des comptes, demandé par la commission des finances du Sénat et présenté à la Haute Assemblée le 8 novembre dernier, remettait en cause à la fois le mode de fonctionnement, la gestion et le statut de CulturesFrance.

Pêle-mêle, et à titre d'exemple, la Cour des comptes a reproché à l'association tant d'avoir dévié de son objet social initial, à savoir la promotion de la culture française à l'étranger, pour devenir un opérateur culturel en France, que de manquer d'une stratégie d'ensemble. Puis elle a contesté la conformité de ses statuts. Elle a également fait le constat que les gains de productivité susceptibles de naître de la fusion de l'AFAA et de l'ADPF étaient insuffisants. Elle a ensuite regretté l'absence d'évaluation de l'organisme et l'opacité des procédures de délégation des pouvoirs au sein de l'association. Enfin, elle a critiqué l'exercice de la tutelle par le ministère, qui n'a su imposer à l'association « aucun axe directeur, qu'il soit géographique, thématique ou financier. »

À la suite de ce constat de la Cour des comptes et des témoignages de certains de nos collègues mettant en cause la programmation de CulturesFrance à l'étranger, le Sénat a adopté des amendements de la commission des finances au projet de loi de finances pour 2007 tendant à diminuer de 500 000 euros les crédits attribués à CulturesFrance par le ministère des affaires étrangères.

Estimant à juste titre que ce contexte de crise appelait une réaction rapide, la commission des affaires culturelles, ce dont je me félicite, a choisi de demander l'inscription de la présente proposition de loi à l'ordre du jour réservé de notre assemblée. Tout semble réuni pour que le Sénat adopte aujourd'hui ce texte, alors que la commission des finances vient juste de publier un rapport d'information rédigé par MM. Adrien Gouteyron et Michel Charasse - CulturesFrance : des changements nécessaires -, favorable au changement de statut de CulturesFrance.

L'objet de la proposition de loi est en effet de transformer le statut juridique de CulturesFrance afin, d'une part, de favoriser l'amélioration de la gestion de l'opérateur et, d'autre part, plus largement, de donner une impulsion nouvelle à notre diplomatie culturelle en relégitimant l'action de l'un de ses acteurs les plus éminents.

Le premier objectif est l'apaisement des tensions institutionnelles et administratives, lequel passe par l'amélioration du cadre juridique et managérial de CulturesFrance

La transformation de l'association en établissement public industriel et commercial, opérée par l'article 1er de la proposition de loi, outre qu'elle fait pièce aux critiques adressées par la Cour des comptes à l'encontre d'un statut associatif non conforme, a pour objet de renforcer le contrôle de l'État sur son opérateur tout en laissant à ce dernier une réelle autonomie de gestion, lui permettant d'allier souplesse et efficacité.

La création d'un établissement public permet indéniablement à l'État d'exercer sa tutelle de manière plus efficace grâce à la présence d'un comptable public, à la présentation d'une comptabilité plus précise et à une meilleure connaissance du fonctionnement de l'établissement par les fonctionnaires du ministère des affaires étrangères et du ministère de la culture. En outre, le caractère industriel et commercial de l'établissement a le grand avantage de permettre à CulturesFrance de conserver des agents de droit privé et de maintenir en l'état les contrats de ses salariés. Cette modification juridique a ainsi un profond impact managérial.

Il reste que l'intervention du législateur n'est pas le remède à tous les maux. Aussi, la pratique administrative doit également être revue.

À ce titre, je voudrais faire remarquer à la Haute Assemblée que l'attention portée par le Parlement à CulturesFrance a déjà porté ses fruits : le 5 février dernier, un nouveau contrat d'objectifs et de moyens a été présenté à CulturesFrance par ses tutelles. Les indicateurs de performance sont au coeur de ce contrat : ils permettront d'évaluer la pertinence de la fusion de l'AFAA et de l'ADPF ainsi que de faciliter le contrôle des ministères et du Parlement lors de l'examen de la loi de finances.

Le deuxième objectif est la confirmation de la légitimité de CulturesFrance.

Cette proposition de loi, tout en étant nécessaire sur le fond, a une grande importance s'agissant de la légalisation de CulturesFrance, de la clarification de ses compétences et de la proclamation solennelle de sa légitimité.

La Cour des comptes a tout d'abord reproché à CulturesFrance d'avoir dévié de son objet social initial- promouvoir la culture française à l'étranger - pour devenir aussi un opérateur culturel en France.

Certes, l'article 2 de la proposition de loi fixe comme rôle premier à CulturesFrance la promotion de la culture française à l'étranger. Cependant, loin d'estimer que l'organisation de « saisons culturelles » et d' « Années croisées » éloigne CulturesFrance de son champ d'intervention, la commission des affaires culturelles a choisi d'inscrire cette mission dans le texte dans la mesure où, d'une part, elle participe du rayonnement de la France à l'étranger et, d'autre part, elle correspond à l'un des objectifs majeurs posés par les statuts et confirmés par la loi, à savoir le renforcement du dialogue culturel.

L'idée sous-jacente, dans la lignée de la vision développée par la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle, adoptée sur l'initiative de la France, est que la valorisation de la culture française passe aussi par la promotion de la diversité culturelle et par l'échange permanent entre les cultures.

Dans la même logique, la commission des affaires culturelles a par ailleurs estimé qu'il n'était pas légitime de limiter l'exercice de la mission de CulturesFrance relative au soutien et au développement de la création des expressions artistiques contemporaines au seul continent africain ou aux zones francophones dans la mesure où l'échange culturel est bénéfique pour tous les pays.

L'article 2 a en outre clairement défini les domaines d'activité de l'établissement, ce qui permet de prévenir tout conflit de compétences entre opérateurs : CulturesFrance peut intervenir dans les domaines des arts de la scène, des arts visuels, des arts appliqués, de l'architecture, du patrimoine cinématographique, de l'écrit et de l'ingénierie culturelle. Cela correspond bien à l'ensemble des compétences exercées par l'ADPF et l'AFAA, auxquelles a été ajouté le cinéma.

En effet, depuis la fin de l'année 2006, il semble que la Direction générale de la coopération internationale et du développement du ministère des affaires étrangères, la DGCID, souhaite confier à l'association un certain nombre de compétences dans le domaine du cinéma et du film documentaire. Actuellement, le ministère des affaires étrangères n'a pas d'opérateur propre dans ce domaine, l'action opérationnelle vers l'étranger relevant soit des services de la DGCID, soit d'Unifrance Film.

Unifrance pourrait devenir un opérateur du ministère des affaires étrangères, mais son champ d'action est limité aux films récents. La commission a donc ajouté une compétence à CulturesFrance en matière de cinéma, mais en la confinant au « patrimoine cinématographique », notion qui recouvre dans son esprit, outre les films plus anciens, les films documentaires, éducatifs ou scientifiques.

Par ailleurs, l'action de CulturesFrance ne sera efficace que si elle est pleinement souhaitée et accompagnée par les postes. À ce titre, l'unité de l'action de la représentation française à l'étranger, assurée par les ambassadeurs, doit être une priorité pour le ministère des affaires étrangères. C'est la raison pour laquelle la commission des affaires culturelles a précisé au dernier alinéa de l'article 2 que l'établissement s'appuie sur l'ensemble du réseau de la représentation française à l'étranger dans ses composantes diplomatiques et culturelles.

C'est au demeurant la position des rapporteurs de la commission des finances, qui soulignent notamment dans leur récent rapport d'information que « le coeur du métier de CulturesFrance est de répondre à la demande et aux besoins des postes à l'étranger, en les associant toujours davantage aux choix culturels ».

L'article 3 s'attache à fixer les traits essentiels de l'organisation de l'établissement public. Il est ainsi prévu que l'établissement est administré par un conseil d'administration, dont le président est nommé par décret. Ce dernier, qui est également l'exécutif de l'établissement, est assisté d'un directeur administratif qu'il nomme. Ce système « monocéphale », avec un président qui a autorité sur le directeur administratif, a fait ses preuves. Citons, par exemple, le cas du Centre Georges-Pompidou.

La proposition de loi fixe à trois ans la durée du mandat du président, renouvelable une fois, ce qui garantit à celui-ci une autonomie à la fois par rapport à l'État et par rapport à la structure administrative de son établissement.

L'article 4 prévoit les sources de financement possibles pour l'établissement. Bien sûr, les ressources provenant du mécénat ne peuvent qu'être encouragées. Elles ont d'ailleurs largement augmenté ces dernières années, et les saisons culturelles sont à ce titre un levier réel pour CulturesFrance.

Les articles 5, 6 et 7 précisent les conditions de dévolution des biens, droits et obligations, les procédures de mises à disposition des fonctionnaires auprès de l'établissement et les conditions de transfert du personnel de l'association à l'établissement public.

Au-delà des débats sur le statut de l'opérateur, j'insiste sur l'importance de l'inscription dans la loi de l'existence de CulturesFrance, qui permet de confirmer solennellement sa légitimité.

Les critiques sur la gestion de l'opérateur seront d'autant mieux entendues - et des solutions apportées - qu'elles n'apparaissent pas comme une remise en cause de l'intérêt de l'action menée par l'opérateur. Celle-ci est en effet cruciale pour l'avenir de l'action culturelle extérieure de la France. La commission des affaires culturelles a exprimé, par son adoption à l'unanimité de la présente proposition de loi, son attachement à la diplomatie culturelle de la France, notamment aux actions menées par CulturesFrance.

Afin de donner à l'opérateur CulturesFrance les moyens des ambitions que nous avons tous pour elle, je vous demande, mes chers collègues, d'adopter les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Catherine Colonna, ministre déléguée aux affaires européennes. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, Philippe Douste-Blazy souhaitait être présent ce soir devant la Haute Assemblée pour appuyer la proposition de loi relative à la création de l'établissement public CulturesFrance. Empêché, il m'a demandé de le remplacer. Je le fais d'autant plus volontiers qu'il s'agit là d'un sujet important.

Permettez-moi tout d'abord de remercier M. Louis Duvernois, rapporteur de la commission des affaires culturelles, qui est à l'initiative de ce texte auquel le Gouvernement s'intéresse beaucoup. Les débats qui ont eu lieu à l'automne au sein de la commission des finances et de la commission des affaires culturelles ont bien montré à quel point la Haute Assemblée était, elle aussi, attachée à l'action culturelle de la France à l'étranger. Vous avez estimé que la transformation de CulturesFrance en établissement public était une étape importante de cette action.

En mai 2006, le ministre des affaires étrangères a présenté un plan de relance de notre action internationale dans les domaines de la culture, de l'éducation, de la santé et du développement. La création de l'agence CulturesFrance en était l'un des éléments majeurs.

Les attentes de nos partenaires dans le domaine culturel restent fortes. La France conserve toute sa réputation et tout son potentiel, tant comme diffuseur culturel que comme terre d'accueil des créateurs de tous pays.

Le rayonnement auquel nous aspirons est encore handicapé par la fragmentation de nos moyens d'action, confiés à des opérateurs multiples. Cela entraîne des inconvénients facilement prévisibles : manque de visibilité et de lisibilité de notre action, dispersion et mauvaise utilisation des moyens.

La fusion des associations constitutives de CulturesFrance, effective depuis juin 2006, est l'une des initiatives que nous avons prises pour remédier à cette situation. La visibilité de cette opération est d'ores et déjà considérable.

Nous avons aussi demandé à ses gestionnaires d'améliorer l'efficacité de cet opérateur. Le contrat d'objectifs et de moyens que Renaud Donnedieu de Vabres et Philippe Douste-Blazy vont signer prochainement avec Jacques Blot, président de CulturesFrance, est l'un des instruments de pilotage que nous avons souhaité créer dans le cadre de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF. En prévoyant la transformation de CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial, la proposition de loi qui vous est soumise participe de ce souci d'efficacité.

Le Gouvernement partage pleinement les deux principaux objectifs de CulturesFrance.

Le premier est de mettre fin à un statut associatif devenu inadapté, comme l'a souligné à plusieurs reprises la Cour des comptes. Conformément aux recommandations que Jacques Blot avait déjà formulées en décembre 2005 dans son rapport, la proposition de loi crée un établissement public à caractère industriel et commercial. Cette qualification permet de conserver le statut de droit privé qui est celui des personnels de CulturesFrance et de préserver la souplesse indispensable à la gestion d'un tel établissement. Elle donne aussi aux ministères de tutelle les moyens d'exercer convenablement leur rôle.

Le second objectif est l'inscription dans la loi des principales missions de CulturesFrance.

Il est évident, tout d'abord, que la mission première de CulturesFrance demeure la diffusion de la culture française à l'étranger. CulturesFrance sera d'autant plus efficace que ses domaines d'intervention couvrent désormais le livre et l'écrit. Par ailleurs, l'établissement public est appelé à élargir son domaine d'action au cinéma dit « patrimonial », qui englobe une grande partie du film documentaire.

Il est également demandé à CulturesFrance de mettre en oeuvre certaines actions sur le territoire français. Il s'agit de l'accueil d'artistes étrangers dans le cadre de programmes de résidence, de la coopération entre écoles d'art, mais aussi de la mise en oeuvre de saisons culturelles étrangères en France. La plupart des saisons étrangères en France sont en effet doublées par des saisons françaises organisées à l'étranger, et dont les retombées sont significatives. Nous estimons donc tout à fait justifié qu'une part raisonnable des moyens de CulturesFrance leur soit consacrée.

Mesdames, messieurs les sénateurs, tels sont, brièvement évoqués, les aspects susceptibles à mes yeux de justifier pleinement l'adoption des conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de M. Duvernois. (Applaudissements.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 48 minutes ;

Groupe socialiste, 31 minutes ;

Groupe de l'Union centriste-UDF, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 11 minutes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Jacques Legendre.

M. Jacques Legendre. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, la proposition de loi de notre collègue Louis Duvernois s'inscrit dans la démarche du Gouvernement qui a réuni en un opérateur unique, CulturesFrance, plusieurs associations emblématiques de notre action culturelle extérieure.

Notre rapporteur, auteur du texte que nous étudions aujourd'hui, propose de transformer cet opérateur en un établissement public, mesure qui a d'ailleurs été préconisée à plusieurs reprises lors de nos travaux en commission ou durant les derniers débats budgétaires. Je tiens à féliciter notre collègue de cette initiative et de la pertinence de son propos.

La France est traditionnellement un pays de culture et représente une référence dans le monde entier.

L'association CulturesFrance est un acteur déterminant de ce rayonnement culturel, car elle permet la promotion de la culture française à l'étranger et assure la visibilité au niveau international de l'action de la France. En outre, elle soutient les écrivains et les artistes français qui désirent se faire mieux connaître à l'étranger. Dans un contexte de mondialisation, il est essentiel que la France soit fortement présente.

CulturesFrance est à la croisée des différents milieux artistiques et des représentations culturelles françaises à l'étranger : ambassades, centres culturels, instituts français, alliances françaises. Elle collabore avec les grandes institutions, le secteur privé - les fondations, le mécénat d'entreprises - et les collectivités territoriales au niveau des villes, des départements et des régions.

Regroupant l'Association française d'action artistique, l'AFAA, et l'Association pour la diffusion de la pensée française, l'ADPF, CulturesFrance couvre un très large champ d'action. Ainsi, elle agit pour la création artistique contemporaine dans les arts visuels, l'architecture, le design, la danse, les musiques, le théâtre et les arts de la rue. Elle intervient également dans les domaines du livre et de l'écrit, du patrimoine cinématographique, des collections documentaires et de l'ingénierie culturelle. La fusion opérée améliore l'efficacité du dispositif et lui donne une plus grande visibilité, sur le modèle du Goethe-Institut allemand ou du British Council anglais.

Opérateur délégué des ministères des affaires étrangères et de la culture, CulturesFrance permet le dialogue et les échanges nécessaires entre la culture française et les cultures de 140 pays dans le monde. En effet, si l'objectif principal de CulturesFrance est de faire connaître notre culture, il lui appartient également de favoriser la connaissance en France de la culture d'autres pays.

Notre pays vient de jouer un rôle déterminant dans la signature de la convention de l'UNESCO sur la diversité culturelle.

Dans l'accomplissement de ses missions, CulturesFrance affirme sa solidarité avec les autres cultures, en favorisant la diversité culturelle partout dans le monde, à commencer par les pays les plus démunis où la création et la diffusion de biens culturels locaux sont menacées par l'absence de moyens financiers et par les déficiences des circuits économiques. Elle aide ces pays à créer chez eux des conditions propices à la création culturelle.

La culture n'est pas figée. Notre culture, pour évoluer, doit entretenir un dialogue avec d'autres cultures. Je me réjouis qu'à cette fin la France accueille des créateurs venus d'ailleurs, des écrivains, des artistes, des cinéastes, des architectes ou des musiciens, chacun d'eux jouant un rôle de passeur vers sa propre langue et sa propre culture. Il est important que la France agisse pour une diversité effective, non seulement à l'étranger, mais aussi sur son territoire national. Ainsi, au cours des dernières années, l'Association française d'action artistique a pris une part grandissante dans l'organisation de manifestations culturelles africaines. Elle a accompagné les artistes africains à toutes les étapes de leur parcours, depuis le début de leur processus créatif jusqu'à l'insertion de l'oeuvre dans les grands courants artistiques mondiaux, en facilitant le développement d'une carrière internationale.

Par ailleurs, CulturesFrance participe à l'organisation de manifestations étrangères en France et accueille ces dernières, dans le cadre de saisons culturelles qui permettent de faire connaître la culture d'un pays sous toutes ses facettes. Ces événements très populaires rencontrent un vif succès. Je me suis donc associé au souhait de la commission des affaires culturelles d'inscrire dans l'article énumérant les compétences de CulturesFrance cette organisation des saisons culturelles.

Bien évidemment, il faut veiller à ce que CulturesFrance ne dévie pas de son objet social initial, car son rôle premier est d'assurer le rayonnement de la culture française à l'extérieur de notre pays. La réforme envisagée par le texte garantira, j'en suis certain, ce juste équilibre en renforçant la tutelle des ministères et en inscrivant clairement dans la loi les différentes missions du futur établissement public. Ce point est un élément essentiel : dorénavant seront inscrits dans la loi les objectifs et les compétences de notre principal outil d'action culturelle internationale.

Dans une analyse qu'elle nous a présentée au mois de novembre dernier, la Cour des comptes a décrit le décalage qui existe entre le fonctionnement de la structure et le fonctionnement normal d'une association. Elle a notamment cité la question de sa composition ou de ses assemblées générales. De plus, le statut associatif ne favorise pas le contrôle de sa comptabilité ou de son fonctionnement en général. Les auditions auxquelles la commission des affaires culturelles a procédé ont montré la nécessité de renforcer les liens entre les ministères de tutelle et l'institution.

Dans ces conditions, le statut d'établissement public semble s'imposer, comme nous l'a expliqué M. le rapporteur. CulturesFrance pourra ainsi bénéficier d'une meilleure gestion, dans une plus grande transparence, et verra la tutelle des deux ministères renforcée sans que son autonomie s'en trouve affectée.

En votant le texte qui nous est soumis aujourd'hui, nous ne donnons pas seulement un nouveau statut à CulturesFrance ; nous inscrivons son existence dans la loi et reconnaissons l'importance déterminante de son action.

Bien évidemment, le groupe UMP votera les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles, en espérant qu'elles recueilleront l'unanimité de la Haute assemblée. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à M. Ivan Renar.

M. Ivan Renar. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sous d'autres noms, d'autres formes, CulturesFrance existe depuis presque un siècle. Son rôle déterminant pour le rayonnement international de la France et de son exception artistique et culturelle n'a jamais été démenti. Si CulturesFrance n'existait pas, il faudrait l'inventer !

Cette structure a encore de beaux jours devant elle. Elle reçoit même de nouvelles responsabilités et voit sa légitimité renforcée à l'heure où la culture est de plus en plus menacée par les lois impitoyables du marché et de la concurrence qui sont, comme vous le savez, sans conscience ni miséricorde.

C'est d'ailleurs pour lutter contre cette dérive que notre pays a souhaité inscrire la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles dans le droit international. Après en avoir été l'un des plus ardents avocats, la France figure parmi les premiers pays à avoir ratifié la convention de l'UNESCO, dont l'existence est une belle victoire face à la force de frappe anglo-saxonne qui a compris depuis longtemps que la culture et son industrie du divertissement étaient de formidables vecteurs d'expansion économique et idéologique.

La diversité culturelle est un véritable patrimoine commun de l'humanité, aussi nécessaire que la biodiversité dans l'ordre du vivant. Sa défense est un impératif éthique, et je me réjouis que notre pays ait été et demeure à l'avant-garde de ce qui reste un combat.

En effet, la stratégie des États-Unis - je rappelle qu'ils n'ont toujours pas signé la convention de l'UNESCO - vise à multiplier les accords bilatéraux de libéralisation des échanges de biens et de services culturels avec le plus grand nombre d'États. Les Américains exercent des pressions pour que les nations ne ratifient pas cette convention, dans le but de maintenir une certaine forme d'hégémonie, car les industries culturelles représentent leur premier poste d'exportation. Une course de vitesse est ainsi engagée dans la lutte en faveur de la diversité culturelle. Bref, la culture se porte bien à condition qu'on la sauve !

Cela dit, si je fais miennes quelques-unes des remarques émises par la Cour des comptes, je déplore dans le même temps le mauvais procès intenté par certains à l'encontre de CulturesFrance, qui s'est traduit par une baisse importante de sa subvention, de l'ordre de 900 000 euros. Cette baisse met en péril les activités de la structure, qui n'a pourtant pas failli à ses missions et doit encore relever d'importants défis.

Il lui a été reproché, en particulier, d'engager une partie de son budget dans des opérations réalisées en France même. L'organisation des « saisons culturelles » par CulturesFrance conserve cependant toute sa pertinence, car celles-ci comportent un indispensable volet de réciprocité. Ces « saisons culturelles », comme les « Années croisées », en permettant de découvrir les artistes qui viennent de tous les continents, correspondent à l'esprit de la convention sur la diversité culturelle, laquelle encourage une meilleure connaissance et reconnaissance de toutes les cultures du monde.

Ne pas voir l'importance de cette réciprocité révèle, dans le meilleur des cas, une méconnaissance de l'action culturelle internationale de la France et, dans le pire des cas, une conception passéiste et paternaliste de la culture que je croyais d'un autre temps, héritée de l'époque de notre empire colonial.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Quel raccourci saisissant !

M. Ivan Renar. Eh oui, je suis un vieux conventionnel régicide, les raccourcis, ça me connaît !

Pour résister à l'uniformisation du monde, il est bon que la proposition de loi fasse apparaître clairement l'organisation des « saisons culturelles » et des « Années croisées » dans les compétences de CulturesFrance, ce qui n'exclut aucunement les partenariats les plus divers.

Nous ne souffrons pas d'un excès de dialogue des civilisations et de partage des cultures. La mondialisation accélérée qui standardise les esprits et l'imaginaire des peuples appelle des politiques résolues, favorisant l'expression de la singularité de toutes les cultures du monde. Comme le disait le prix Nobel de la paix Octavio Paz : « Toute culture naît du mélange, de la rencontre, des chocs. À l'inverse, c'est de l'isolement que meurent les civilisations. »

Aussi est-il essentiel d'oeuvrer à la circulation comme à l'ouverture des cultures du monde, qui sont toutes égales dans leur dignité, comme l'a rappelé le Président de la République lors de l'inauguration du musée du quai Branly.

Face aux écarts de développement, aux inégalités économiques qui se creusent au niveau tant national qu'international, notre pays se doit de faire preuve de solidarité culturelle, mais également de renforcer la coopération internationale.

Face à la montée des intégrismes, des communautarismes, des obscurantismes, il y a urgence à construire des passerelles entre les cultures, à approfondir le dialogue des civilisations. L'art ne nous rappelle-t-il pas en permanence que nous faisons partie d'une communauté qui s'appelle l'humanité ?

S'il est essentiel d'oeuvrer à la circulation comme à l'ouverture des cultures du monde, cela passe par la circulation des artistes. À cet égard, je regrette que certains danseurs, chanteurs, musiciens, comédiens et autres artistes aient parfois du mal à obtenir un titre de séjour malgré des contrats de travail établis en bonne et due forme. Notre administration, madame la ministre, se doit de faciliter ces échanges, en conformité avec nos engagements internationaux et dans le respect de nos traditions d'accueil. Plus que jamais, nous avons besoin d'une mondialisation des solidarités.

Les extrémismes, vous le savez, naissent en grande partie des frustrations engendrées par les disparités de développement et le défaut d'éducation, d'où l'importance et l'urgence de la coopération internationale. Avec le vaste réseau culturel et diplomatique de la France à l'étranger, CulturesFrance représente, à cet égard, un atout et une pièce maîtresse.

Au passage, j'exprimerai peut-être le regret d'une confusion trop souvent répandue dans le débat politique entre les mots « culture » et « art ». On le voit bien ici, le terme « artistique » lui-même disparaît de l'intitulé de la structure chargée des échanges artistiques ; on passe de l' « Association française d'action artistique » à « CulturesFrance ». Sans vouloir entrer dans une querelle de mots, la nuance est d'importance ; c'est d'ailleurs bien plus qu'une nuance. Mieux vaut bien nommer les choses, si l'on veut le bonheur du monde.

Cela étant, j'approuve le changement de statut de CulturesFrance dès lors que la nouvelle base juridique proposée se révèle en meilleure adéquation avec ses fonctions et qu'elle lui permet de remplir toujours plus et mieux ses missions.

J'ai pensé un temps que le statut d'établissement public de coopération culturelle présentait l'avantage de favoriser et de formaliser le partenariat avec les collectivités territoriales, de plus en plus impliquées dans la coopération culturelle internationale.

Toutefois, un élément déterminant me fait adhérer sans réserve à cette transformation de l'association CulturesFrance en établissement public industriel et commercial : le fait que l'évolution du statut passe nécessairement par un acte législatif. L'existence même de CulturesFrance sera dorénavant inscrite dans la loi, ce qui lui conférera une légitimité incontestable et une nouvelle place indiscutable. CulturesFrance sera ainsi symboliquement consolidée, et je m'en réjouis.

Cette consolidation doit aussi se traduire par un contrat d'objectifs et de moyens permettant à CulturesFrance de gagner en efficacité et en lisibilité. Comme le disait Jean Cocteau, « il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour ».

Dans le même temps, je ne saurais oublier qu'un statut juridique, quel qu'il soit, ne remplace jamais un bon budget. Alors que la pertinence de l'action de CulturesFrance est pleinement reconnue à l'étranger, il est particulièrement regrettable que cette structure ait été fragilisée par la représentation nationale elle-même. On en arrive à la situation ubuesque où la réputation de CulturesFrance n'est plus à faire, sauf parfois en France !

En l'occurrence, la philosophie comptable de la LOLF fragilise la gestion du nouvel organisme comme elle a pu fragiliser les deux associations dont il est issu, l'Association française d'action artistique et l'Association pour la diffusion de la pensée française.

C'est pourquoi je propose que la subvention de CulturesFrance atteigne au minimum, en 2008, le montant de 2006. Fortement pénalisée en 2007 non seulement par la diminution brutale de sa subvention à hauteur de 900 000 euros, mais aussi par le gel budgétaire de 5 % de ses crédits, CulturesFrance doit faire face à des choix cornéliens : licencier du personnel ou annuler des programmes, au grand désespoir de nombreux artistes fortement investis.

Il est vraiment urgent de permettre à CulturesFrance de retrouver des moyens conformes à l'engagement international de la France en faveur de la diversité et de la promotion des cultures, comme de la spécificité de la culture française, qui est aussi notre meilleure ambassadrice des droits de l'homme, de la liberté et de la citoyenneté. Personne ne plaide mieux la liberté de création, la liberté d'expression et la liberté de pensée que les artistes eux-mêmes et leurs oeuvres.

Il me paraît aussi indispensable que le ministère de la culture, que je regrette de ne pas voir représenté ce soir, s'implique toujours mieux et davantage aux cotés du ministère des affaires étrangères dans le pilotage de CulturesFrance, y compris en termes de contribution budgétaire.

L'intelligence et la sensibilité sont les principales ressources de l'humanité ; il nous faut les cultiver face à la barbarie quotidienne qui menace nos sociétés sous toutes les latitudes. Sur tous les continents, l'art et la culture offrent un socle pour mieux construire la société de demain. On le constate, les artistes, la création restent une source d'inspiration et de construction pour un monde pacifié, solidaire et, surtout, plus juste et plus équitable. C'est pourquoi il est urgent de donner, en quelque sorte, « des racines et des ailes » à CulturesFrance. (Sourires.)

C'est dans cet esprit que le groupe CRC votera les conclusions du rapport de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi relative à la transformation de CulturesFrance en établissement public industriel et commercial, en souhaitant que l'Assemblée nationale - l'actuelle ou la future - puisse également se prononcer rapidement sur ce texte. En tout état de cause, le Sénat aura accompli un geste fort pour une structure qui fait beaucoup en faveur du rayonnement de la culture française dans le monde et contribue ainsi au dialogue des civilisations.

Avant de conclure, je veux saluer le travail de notre rapporteur Louis Duvernois qui, sous la houlette bienveillante du président Jacques Valade, a entraîné ses collègues turbulents de la commission des affaires culturelles dans un travail constructif.

M. Jean-Léonce Dupont. Ça, c'est vrai !

M. Ivan Renar. Avec ce vote, je plaide pour une mondialisation à visage humain, sous forme d'échanges, dont la loi serait non plus le profit le plus éternel possible mais l'équilibre entre donner et recevoir, et je m'inscris résolument dans le sillage d'André Malraux : « L'art est le plus court chemin qui mène de l'homme à l'homme. » (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yves Dauge.

M. Yves Dauge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier le président et le rapporteur de la commission des affaires culturelles, ainsi que l'ensemble de cette dernière.

Après de précédents débats, ici même, dont chacun se souvient, débats marqués par une critique un peu dure à nos yeux de l'action culturelle extérieure de la France, force est de reconnaître un véritable renversement de situation. Après avoir sans doute mal vécu cet épisode, les fonctionnaires des administrations concernées et les militants de terrain qui travaillent pour la cause de l'action culturelle extérieure vont pouvoir constater le revirement effectué par le Parlement, ce qui devrait leur rendre le courage nécessaire pour mener une action difficile. Il faut en effet qu'ils se sentent soutenus ! Rien n'est pire pour les militants de causes difficiles que de sentir, au niveau du Parlement ou du Gouvernement, à quel point la critique est facile alors que les crédits ne suivent pas forcément !

Nous soutenons bien sûr ce changement de statut de CulturesFrance, mais, au-delà de la question du statut, ce sont les missions qui comptent. Un statut légitimé et clarifié, c'est bien, mais, sur le fond, les missions priment.

Permettez-moi de relire un extrait du rapport rédigé par Jacques Blot sur la fusion des agences chargées de l'action culturelle extérieure :

« Si le nouvel opérateur ne devait apparaître que comme l'addition d'associations existantes, sa création n'aurait pas de sens. Il doit être conçu comme un instrument apportant à notre action extérieure une meilleure visibilité, plus de créativité pour l'adapter à la diversité du monde et aux novations technologiques, plus de souplesse et de réactivité. » Nous pouvons tous, je crois, adhérer à cette vision-là.

« Son organisation devrait tenir compte de trois grandes fonctions : promotion du patrimoine et de la création, production et communication, aide à la diversité culturelle. Elle doit préserver deux spécificités : le rôle de la culture dans la construction européenne, les liens particuliers de la France avec l'Afrique. »

Il ne faudra peut-être pas s'enfermer uniquement en Afrique et en Europe : le monde, c'est aussi la Chine, l'Inde ou l'ancienne Indochine française... Mais il est vrai que ces spécificités existent, et c'est pourquoi j'adhère tout à fait à cette vision.

Au-delà du statut, il est certain que les missions que le réseau culturel, les Alliances françaises et l'AFAA ont exercées au cours des dernières décennies ont singulièrement évolué en raison des réalités auxquelles ils ont été confrontés. Si la première de ces missions consiste à assurer une promotion de la culture française - c'est indiqué dans les statuts -, nous n'avons pas à nous en plaindre, car c'est un minimum. Pour instaurer un dialogue, il nous faut d'abord exister nous-mêmes !

Le thème de la culture et du développement est l'autre dimension qui a émergé considérablement.

En effet, on imagine mal aujourd'hui une politique du développement qui ne se fonderait pas sur une politique de la connaissance : la connaissance des milieux, naturels et culturels, des pays dans lesquels nous travaillons, des traditions, des religions, en essayant d'ailleurs, à cet égard, de tracer la frontière entre ce qui peut s'apparenter à l'intégrisme et ce qui relève de la culture, comprise comme un espace de démocratie, d'ouverture, de liberté. Il y a là un travail de fond remarquable à accomplir, auquel la France peut contribuer au côté des pays concernés.

Par conséquent, je vois deux dimensions dans le champ qui nous occupe : celle, assez traditionnelle, de la diffusion de notre propre culture, et celle, qui prend de plus en plus d'importance, de l'aide à la promotion des cultures des pays dans lesquels nous intervenons. J'insiste fortement sur cette seconde dimension. D'ailleurs, beaucoup de centres culturels inscrivent déjà leur action dans cette dynamique.

Sur ce plan, l'AFAA apporte son soutien, mais sur le terrain, c'est souvent le centre culturel ou l'Alliance française qui agit. Je tiens donc à bien mettre en exergue, dans notre stratégie globale, le rôle joué par le réseau des centres culturels et des Alliances françaises.

À cet égard, madame la ministre, j'ai pu constater, en visitant récemment le centre culturel de Ouagadougou, au Burkina-Faso, que les moyens financiers ne sont pas exactement à la hauteur des besoins. Je ne vous apprendrai rien sur ce point, mais il existe une tension extrême. Le directeur du centre m'a clairement dit qu'il avait besoin de 80 000 euros supplémentaires, non pas pour promouvoir je ne sais quelles idées, mais simplement pour faire face à la demande locale. En effet, le centre culturel est souvent un acteur majeur de la vie culturelle de la ville où il est implanté : il révèle des artistes, il monte des opérations, il est sollicité tous les jours, en termes de moyens matériels et humains.

Là est la spécificité africaine qui a été évoquée. Cela rejoint le débat que nous avons eu, en présence de Mme Girardin, sur l'aide publique au développement. Nous étions alors arrivés à la conclusion unanime que le solde de l'aide publique au développement, une fois que les dépenses obligatoires et le poids de la dette publique ont été pris en compte, se réduit à peu de chose. Dans ces conditions, on fait avec ce que l'on a, et le mieux que l'on puisse faire, c'est maintenir ; mais maintenir, cela veut dire régresser, parce qu'il faut absorber l'augmentation des salaires, des charges, de la demande... On peut certes se satisfaire de ce qui est fait, mais il faut tout de même dire les choses clairement et ne pas laisser croire que tout va bien.

En tout état de cause, nous devons tout de même avoir des priorités et hiérarchiser nos objectifs. Si la France veut maintenir son rang dans le monde et voir reconnaître son influence culturelle, notamment en Afrique, où d'autres pays nous font concurrence, elle doit s'en donner les moyens ; sinon, il est clair que notre pays se trouvera marginalisé. J'espère d'ailleurs que ces questions seront soulevées lors du débat en vue de l'élection présidentielle.

Il convient donc d'évoquer cette problématique des missions et des moyens, qu'il s'agisse du réseau des centres culturels, de l'Alliance française ou de CulturesFrance.

À ce sujet, madame la ministre, il nous a été indiqué que la fondation de l'Alliance française serait dotée d'un capital de 2 millions d'euros, si mes souvenirs sont exacts. C'est une bonne chose, à mon avis, mais, parallèlement, on a retiré 500 000 euros à CulturesFrance, ce que nous avons - je le dis franchement - mal vécu. Je n'opposerai pas ces deux décisions, parce que j'aime beaucoup les Alliances françaises et que tout ce qui facilite leur fonctionnement me réjouit, mais je demande ce soir que, en une prochaine occasion, CulturesFrance soit dotée elle aussi d'un fonds de roulement.

Cela nous ramène d'ailleurs aux critiques visant l'existence de réserves financières. En effet, CulturesFrance était obligée d'en constituer afin de pouvoir payer son personnel. C'était donc de bonne gestion. Il convient désormais, je le répète, de doter CulturesFrance d'un capital : c'est une simple question de bon sens. Au-delà des discours, il faut que nous soyons très pragmatiques et que nous disions les choses telles qu'elles sont.

J'affirmerai maintenant mon attachement à un éventuel élargissement, souvent évoqué, de l'outil que représente CulturesFrance à d'autres institutions. Cela a d'ailleurs commencé, par le jeu de fusions. Nous souhaitons tous plus de visibilité, de lisibilité, de mutualisation.

Au-delà, ce qui comptera beaucoup, c'est l'organisation des partenariats, en particulier avec ce grand opérateur qu'est l'Agence française de développement, d'autant que cette dernière, à cause de la relation de plus en plus affirmée entre culture et développement, s'intéresse à des questions culturelles. Il faudra donc établir ou renforcer les liens, peut-être à l'échelon du conseil d'administration, notamment avec les universités.

On ne peut en effet ignorer le monde universitaire, très présent sur le terrain. De multiples actions se développent, souvent avec le soutien des régions et des départements. Bien entendu, les centres culturels travaillent avec les universités. Tout ce qui pourra permettre de créer, au sommet, des liens étroits entre tous les partenaires sera positif.

Cela concerne aussi les collectivités territoriales, puisque le thème de la coopération décentralisée est omniprésent. Il faudra donc prévoir des articulations. D'ailleurs, l'AFAA avait, en son temps, passé des conventions avec les régions en vue de monter des actions. Les partenariats doivent être intensifiés.

Enfin, s'agissant de la tutelle, je me réjouis qu'un projet de contrat d'objectifs soit en cours d'élaboration. Cela permettra une clarification, car ce qui a souvent fait défaut, jusqu'à présent, c'est précisément une meilleure lisibilité de la politique menée et des objectifs. Chacun fait pour le mieux, mais l'action est souvent dispersée entre une multitude d'objectifs sans qu'une hiérarchie ait été dégagée. Cette fois, au moins, on indique clairement la voie à suivre, quitte à ajuster ensuite les choses chemin faisant, bien entendu.

Quoi qu'il en soit, il était à mon sens indispensable de mettre en place une telle feuille de route, qui a souvent manqué dans le passé. L'accent est mis sur l'importance du travail que nous devons accomplir pour contribuer à faire émerger les cultures locales. Il ne s'agit pas seulement, comme je le disais tout à l'heure, de transmettre notre propre culture.

Cela correspond bien à l'esprit de la Convention de l'Organisation des Nations unies pour l'éducation, la science et la culture, l'UNESCO, pour la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles, à laquelle il est fait référence. À cet égard, madame la ministre, on m'a indiqué que le seuil des trente pays signataires avait été franchi, ce qui permet l'entrée en vigueur de la Convention. Quelque quarante États l'auraient ratifiée, selon les informations dont je dispose.

En outre, peut-être pourrez-vous nous confirmer que le directeur général de l'UNESCO envisage de réunir les premiers adhérents à la Convention avant même la conférence générale de l'automne 2007, c'est-à-dire avant l'été, afin de mettre en place le comité intergouvernemental. Si cela est vrai, il est certain que la France devra se préparer à cette échéance avec tous les outils dont elle dispose, de manière à se présenter bien armée lorsqu'il sera procédé à l'installation du comité intergouvernemental. En effet, il serait déplorable que, après une bataille de plusieurs années pour obtenir cette Convention, nous négligions cette phase de préparation de nos arguments et d'affirmation de nos positions !

Je vous demande donc, madame la ministre, d'être très attentive à cette question, et de vérifier avant toute chose si les informations, provenant de l'UNESCO, selon lesquelles le directeur général a l'intention de réunir rapidement les représentants des premiers États signataires sont fondées. Quand l'UNESCO mettra en place le dispositif, la France devra être en mesure de présenter un argumentaire solide, des dossiers, des propositions, qui lui permettront de tenir la tête haute et de conserver un rôle de leader sur le plan culturel, sans prétendre exercer une domination. C'est là un enjeu pour demain, qui mérite de notre part une réflexion approfondie. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous sommes amenés ce soir à examiner la proposition de loi de notre collègue de la commission des affaires culturelles Louis Duvernois, relative à la transformation de l'association CulturesFrance en établissement public à caractère industriel et commercial.

La constitution de l'association CulturesFrance, née le 22 juin 2006 de la fusion de l'Association française d'action artistique et de l'Association pour la diffusion de la pensée française, répondait au souhait de la commission des affaires culturelles, mais aussi à celui de personnalités telles que Jacques Blot, président de l'AFAA, qui demandaient l'évolution du statut de cet organisme, afin de rationaliser l'action culturelle extérieure française, conformément aux préconisations formulées par notre groupe lors de la discussion du projet de loi de finances pour 2007, s'agissant de l'audiovisuel extérieur.

Notre collègue Louis Duvernois avait souligné, dans son rapport d'information, la nécessité de rassembler au sein d'un opérateur unique les diverses agences oeuvrant à la promotion de la culture française à l'étranger, auparavant éparpillées. Les conclusions de la Cour des comptes rendues à la demande de la commission des finances du Sénat en décembre dernier conduisent à adapter aujourd'hui le statut de l'association CulturesFrance.

Au-delà du changement du statut juridique de l'association, l'examen de cette proposition de loi nous fournit l'occasion de parler du rayonnement culturel de notre pays, puisque CulturesFrance en est un outil majeur. L'image de notre pays, l'influence que conserve la France, terre des arts et des Lumières, dans le monde ne tiennent plus aujourd'hui à son seul poids économique, mais reposent largement sur l'action culturelle extérieure qu'elle mène sur l'ensemble des continents et auprès de nombreuses populations.

Il faut rappeler ici le rôle essentiel que joue et que sera amené à jouer le réseau culturel et diplomatique de la France à l'étranger : c'est par le maillage que permet l'ensemble de ce réseau et par sa présence sur le terrain que la France peut tenir un rôle majeur dans ce domaine.

Je profite de cette occasion, madame la ministre, pour vous sensibiliser au risque d'un affaiblissement des actions culturelles de nos ambassades et de nos consulats en Europe, qui ont été touchés ces dernières années par la restriction des moyens humains et matériels. En tout cas, CulturesFrance devra s'appuyer sur ce réseau pour mener à bien l'ensemble de ses missions.

C'est pourquoi la transformation du régime juridique de CulturesFrance doit être vue comme un moyen de renforcer sa vocation, et non comme une remise en cause provoquée par les critiques émises par la Cour des comptes en décembre dernier. En particulier, cette réforme permet de définir plus précisément le périmètre des missions de l'association, périmètre qui avait été critiqué dans le rapport de la Cour des comptes rédigé à la demande de la commission des finances.

Nous nous félicitons donc de ce que l'article 2 de la proposition de loi définisse précisément l'ensemble des missions qu'aura à remplir l'établissement public. Je crois que nous sommes tous d'accord sur ce point : le changement de statut n'aurait que peu d'intérêt si, simultanément, on ne s'interrogeait pas sur le rôle de cette structure, sur les objectifs qu'elle se fixe et sur les moyens dont elle aura besoin.

La réforme intervient également dans un contexte d'amélioration de la gestion de l'établissement, notamment par la mise en place d'un contrat d'objectifs et de moyens, synonyme d'un approfondissement du dialogue entre CulturesFrance et ses tutelles, dont le contrôle était, selon la Cour des comptes, insuffisant. Ce point est plutôt encourageant dans la mesure où les critiques concernaient principalement la gestion de l'association, ce qui avait conduit le Sénat à diminuer de 500 000 euros le montant de la subvention versée par le ministère des affaires étrangères.

De l'avis des personnalités entendues par la commission des affaires culturelles, notamment le président de CulturesFrance, la réforme est opportune et pertinente. En effet, le statut associatif pose aujourd'hui plus de difficultés juridiques qu'il n'en résout, contribuant ainsi à dévaloriser l'institution. La transformation en EPIC devrait entraîner une amélioration du management de cette structure, grâce à une autonomie et une souplesse plus grandes, et donc un gain en efficacité, comme le permettent, dans un autre domaine, les établissements publics de coopération culturelle.

Cette réforme doit aussi être l'occasion de conforter les moyens, notamment budgétaires, de l'association pour remplir ses missions. Espérons que la transformation en EPIC permettra la stabilisation financière de CulturesFrance et la pérennisation des projets. Lors de son audition par la commission, M. Jacques Blot a évoqué un déficit de 900 000 euros à la suite de la décision prise par le Sénat, en décembre dernier, de réduire le montant de la subvention du ministère des affaires étrangères, et il a exprimé ses inquiétudes quant à la dotation qui serait allouée pour 2008, si les tutelles devaient reconduire les montants accordés en 2007.

Tout en permettant le transfert des personnels de l'association dans de bonnes conditions, le changement de statut renforce la légitimité de l'institution en améliorant son fonctionnement et sa gestion. Cette légitimité est également accrue parce que, une fois la proposition de loi adoptée, l'établissement public CulturesFrance sera inscrit dans la loi et ne verra plus son existence contestée.

Nous sommes également satisfaits de la modification du texte initial, la commission ayant ajouté, parmi les missions de CulturesFrance, l'organisation des « saisons culturelles » et des « Années croisées ». Ces manifestations participent pleinement, par l'accueil de cultures étrangères, à la promotion de la diversité culturelle que la France a fortement défendue.

Pour y avoir participé à plusieurs reprises en tant qu'élue locale, je peux témoigner de l'intérêt de ces manifestations pour favoriser l'ouverture aux autres, l'échange entre les peuples, ce que l'on appelle désormais un peu pompeusement « le dialogue interculturel ».

Nous ne pouvons encore une fois que nous féliciter de l'adoption de cette réforme qui renforce l'opérateur CulturesFrance dans ses missions et participe au développement de la diplomatie culturelle de la France sur le modèle des grands opérateurs étrangers assurant la promotion de la culture nationale comme le Goethe-Institut, l'Instituto Cervantes ou le British Council. Il faut souhaiter que CulturesFrance évolue dans ce sens.

Je conclurai en remerciant notre collègue Louis Duvernois pour la qualité de son travail et sa persévérance sur ce sujet, ainsi que mes collègues membres de la commission des affaires culturelles qui ont participé à la réflexion sur cette proposition de loi. (Applaudissements.)

M. le président. La parole est à Mme Monique Cerisier-ben Guiga.

Mme Monique Cerisier-ben Guiga. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je rentre d'Amérique andine - Venezuela, Colombie et Équateur - où j'ai constaté une fois de plus que, là-bas comme à Bamako ou à Dakar, comme à Hong-Kong ou à Delhi, c'est son action culturelle qui donne à la France une visibilité, un prestige et une influence auprès des peuples.

Grâce à l'action culturelle qu'elle mène dans des pays lointains, la France n'est pas seulement un pays d'Europe parmi d'autres ; elle reste un pays dont on souhaite parler la langue - même si cela n'apporte aucun avantage de carrière -, un pays où l'on rêve d'aller, un pays dont on connaît quelques oeuvres littéraires et quelques monuments.

En ayant cela présent à l'esprit et au coeur, j'exprime toute ma reconnaissance à l'AFAA et à l'ADPF pour les actions qu'elles ont accomplies et pour les spectacles, les expositions, et les conférenciers qu'elles ont fournis aux centres culturels et aux Alliances françaises. Je rends hommage à la manière dont elles ont permis que, partout dans le monde, des artistes de France puissent communier avec les spectateurs et avec d'autres artistes dans le bonheur de produire du beau et de l'émotion, concourant ainsi à la culture universelle.

J'approuve donc l'initiative de notre collègue Louis Duvernois, car donner le statut d'EPIC à CulturesFrance, cette association issue de la fusion de l'AFAA et de l'ADPF, garantit à cette dernière les moyens de poursuivre, dans des conditions juridiques et financières consolidées, son oeuvre au service de notre culture, de notre langue et de la diversité culturelle mondiale.

Cette nouvelle structure juridique correspond mieux à la réalité de son fonctionnement que le statut associatif, maintes fois critiqué. Nous pouvons espérer que le statut d'EPIC permette d'assurer une gestion plus dynamique, plus transparente et plus satisfaisante de CulturesFrance.

Cette rigueur de gestion sera d'autant plus nécessaire que la majorité de la Haute Assemblée a déstabilisé CulturesFrance en diminuant de 500 000 euros sa subvention pour 2007. Je suis heureuse de voir ce soir que ce mauvais moment semble oublié.

Mais avec un fonds de roulement réduit à quarante jours et un déficit de 900 000 euros, CulturesFrance débute dans la pénurie, comme d'ailleurs toutes les autres structures de notre action culturelle dont le dynamisme et la pérennité sont aussi menacés, ainsi que le soulignait Yves Dauge.

S'il est souhaitable de développer l'autonomie financière de CulturesFrance en accroissant la part des partenaires extérieurs à travers l'appel au mécénat, le développement de partenariats avec les collectivités locales et la participation aux appels d'offres internationaux - notamment dans le cadre de l'Union européenne -, il nous faudra cependant rester vigilants à la fin de cette année quant à la base qui sera retenue pour le calcul de la dotation de CulturesFrance pour 2008. En aucun cas, ce ne pourrait être la subvention amputée pour 2007. J'espère que nous retrouverons en décembre prochain la même unanimité que ce soir.

L'efficacité de CulturesFrance devenue un EPIC continuera de dépendre des hommes et des femmes qui l'animent, de leur culture, de leur savoir-faire et de leur entregent, alliés à un sens aigu des contraintes techniques et financières. Nous avons constaté que les contrats de travail des personnels de l'association seront reconduits dans l'EPIC. Nous serons attentifs à l'évolution de leur situation.

Nous comptons sur CulturesFrance pour continuer à travailler au développement des échanges artistiques dans le cadre de la réciprocité et de l'enrichissement mutuel des cultures.

L'action culturelle à l'étranger et l'action culturelle en France sont complémentaires ; sur ce point, nous n'étions pas d'accord avec certains de nos collègues. Les esprits évoluent, et nous souhaitons que CulturesFrance continue de jouer un rôle dans la valorisation des cultures des pays du Sud, en particulier africaines, et de participer ainsi à la lutte pour le développement.

Dans le prolongement de son action internationale et au vu du texte que nous allons, j'espère, voter ce soir à l'unanimité, CulturesFrance continuera à être en charge d'actions d'échanges visant à promouvoir le dialogue des cultures, notamment l'organisation des saisons françaises à l'étranger et des saisons culturelles étrangères en France.

Je conclurai sur ce point. Il n'y a pas de diplomatie sans échanges, et c'est notamment vrai dans le domaine de la culture. La France a fait triompher le principe de la réciprocité en prenant l'initiative de la Convention sur la protection et la promotion de la diversité des expressions culturelles. Le mauvais procès fait à l'AFAA au sujet de l'organisation des saisons culturelles en France se referme avec ce texte. Ce sera le rôle de CulturesFrance de promouvoir la diversité culturelle en organisant en France des manifestations culturelles en faveur de pays qui accueillent les nôtres.

C'est pourquoi le groupe socialiste, fidèle à son engagement en faveur de l'action culturelle extérieure de la France et du dialogue des cultures, votera les conclusions de la commission des affaires culturelles sur la proposition de loi de Louis Duvernois. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à souligner combien le moment que nous partageons ensemble, que nous soyons membre de la commission des affaires culturelles ou simple sénateur présent dans cet hémicycle, est privilégié. Madame la ministre, je suis ravi que vous puissiez le vivre avec nous.

Voilà peu de temps, la Cour des Comptes et la commission des finances formulaient des critiques à l'égard de CulturesFrance. Je me souviens d'une audition de la commission des finances qui avait permis de rassembler, sur l'initiative de son président, tous les protagonistes, les censeurs comme les acteurs. Elle nous avait permis de nous forger une opinion bien que, je le reconnais bien volontiers, certaines critiques, même si elles étaient fondées, étaient sans doute particulièrement sévères.

À l'issue de ces travaux, des recommandations ont été présentées, notamment la transformation en EPIC, ce que notre collègue Louis Duvernois a traduit dans sa proposition de loi.

À cet égard, je souligne combien la réaction du Sénat, qui a pris l'initiative en ce domaine, a été rapide dès lors qu'est apparue la nécessité de modifier le statut juridique de CulturesFrance, après les critiques formulées à son encontre. Nous n'avons en effet pas attendu que le Gouvernement nous soumette ce texte.

M. Duvernois, qui est orfèvre en matière de relations extérieures, sillonne sans cesse le monde avec les autres représentants des Français de l'étranger, qui ont tous une grande expérience dans ce domaine. Je voudrais donc que l'on prenne acte du fait que le Sénat n'est pas aussi inerte qu'on veut bien le faire croire et que, lorsqu'il s'agit de gérer un dossier difficile mais qui lui paraît fondamental, il fait preuve d'une capacité d'innovation et de proposition que le Gouvernement veut bien de temps en temps lui reconnaître.

Nous nous sommes donc mis au travail, et la commission des finances, compte tenu des remarques qui avaient été formulées, a suivi nos efforts avec sympathie et attention. Nos différentes commissions savent se réunir lorsqu'il s'agit de faire avancer des sujets qui nous paraissent mériter notre attention !

Je remercie M. le rapporteur pour son excellent travail, mais également nos collègues pour les jugements de valeur qu'ils ont portés tant sur les efforts effectués par la commission que j'ai l'honneur de présider que sur les propositions formulées par cette dernière.

J'espère que le statut d'EPIC que nous allons maintenant mettre en place sera confirmé le plus rapidement possible par nos collègues de l'Assemblée nationale.

Cette réforme est nécessaire et urgente. À cet égard, je voudrais revenir sur les propositions qui sont contenues dans cette proposition de loi.

Tout d'abord, il faut préciser les objectifs de l'établissement, comme le rappelait Yves Dauge, et étendre ses compétences, notamment au patrimoine cinématographique. Madame la ministre, vous êtes mieux placée que quiconque pour savoir ce que cela signifie, puisque vous avez dirigé récemment le Centre national de la cinématographie.

Par ailleurs, si la diversité culturelle doit naturellement faire l'objet d'une promotion et d'une diffusion essentiellement à l'étranger, le territoire national ne doit pas être négligé, comme cela a été excellemment rappelé.

À cet égard, je tiens à dire combien les « Années croisées » - je le sais pour y avoir participé -, qu'il s'agisse de l'Année croisée avec la Chine, de l'Année croisée, bientôt, avec la Lettonie, de l'Année croisée avec le Brésil, ont un écho considérable non seulement à l'étranger - vous le rappeliez, madame Cerisier-ben Guiga -, mais également en France. Ces manifestations favorisent tant la promotion de la diversité culturelle qu'une meilleure connaissance par nos concitoyens de la culture du pays ainsi mis en valeur et nos capacités par rapport à ce pays.

La question de savoir s'il faut se concentrer uniquement sur l'extérieur me paraît donc être un faux problème, une fausse querelle. Une organisation logique et rationnelle s'impose donc, même s'il ne faut bien sûr pas trop en faire.

Je reviendrai maintenant sur un point de l'article 2 qui a suscité certaines réactions et quelques inquiétudes. Cet article prévoit que, parmi les missions de CulturesFrance, figure « le soutien à la création et au développement des expressions artistiques africaines et francophones contemporaines, leur promotion et leur diffusion en Afrique et dans le monde ».

Cette disposition ne signifie pas l'abandon des actions que nous devons conduire dans les pays de la zone de solidarité prioritaire, bien au contraire. Elle ne signifie pas non plus que les moyens supplémentaires et spécifiques à destination de ces pays doivent être englobés dans je ne sais quel magma qui interdirait de les privilégier. C'est en effet le Gouvernement qui décide, c'est lui qui établit la liste des pays faisant partie de cette zone.

Par conséquent, même si l'exercice de cette mission n'est pas limité au seul continent africain ou aux zones francophones, dans la mesure où l'échange culturel est bénéfique dans tous les pays, les ministères de tutelle, par l'intermédiaire du contrat d'objectifs et de moyens, pourront toujours définir des zones prioritaires pour mettre en oeuvre cette action. Le Gouvernement faisant ses choix, la réciprocité des actions entre l'extérieur et le territoire national étant respectée, l'accent pourra être mis plus particulièrement sur des zones prioritaires.

S'agissant maintenant des moyens, nous avons vécu, c'est vrai, des moments difficiles, avec une réduction des crédits pour CulturesFrance. Notre collègue Ivan Renar, citant Jean Cocteau, disait tout à l'heure qu'il n'y a pas d'amour, qu'il y a seulement des preuves d'amour. J'espère donc que les prochains budgets nous permettront de vérifier cette parole ! (Sourires. - Applaudissements.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion des articles.