6

Conventions internationales

Adoption définitive de deux projets de loi en procédure d'examen simplifiée

M. le président. L'ordre du jour appelle l'examen de deux projets de loi tendant à autoriser la ratification ou l'approbation de conventions internationales.

Pour ces deux projets de loi, la conférence des présidents a retenu la procédure simplifiée.

convention avec le luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise

Article unique

Est autorisée l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise suite, d'une part, à la convention-cadre instituant la coopération relative au développement transfrontalier liée au projet Esch-Belval et, d'autre part, à la convention relative à la réalisation d'infrastructures liées au site de Belval-Ouest, signées le 6 mai 2004 à Esch-Belval et à Metz, signée à Senningen le 20 janvier 2006, ensemble l'échange de lettres du 18 décembre 2006, et dont les textes sont annexés à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation de la convention entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement du Grand-Duché de Luxembourg portant rectification de la frontière franco-luxembourgeoise suite, d'une part, à la convention-cadre instituant la coopération relative au développement transfrontalier liée au projet Esch-Belval et, d'autre part, à la convention relative à la réalisation d'infrastructures liées au site de Belval-Ouest (nos 198 et 232).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière

Article unique

Est autorisée l'approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (ensemble neuf annexes), fait à Göteborg le 30 novembre 1999, et dont le texte est annexé à la présente loi.

M. le président. Je mets aux voix l'article unique constituant l'ensemble du projet de loi, adopté par l'Assemblée nationale, autorisant l'approbation du protocole à la convention de 1979 sur la pollution atmosphérique transfrontière à longue distance relatif à la réduction de l'acidification, de l'eutrophisation et de l'ozone troposphérique (ensemble neuf annexes) (nos 199 et 233).

(Le projet de loi est définitivement adopté.)

7

 
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale
Discussion générale (suite)

Traité relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière contre le terrorisme

Adoption d'un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République Fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale
Article unique (début)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi autorisant la ratification du traité entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale (nos 150 et 231).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Brigitte Girardin, ministre déléguée à la coopération, au développement et à la francophonie. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à votre autorisation la ratification du traité signé à Prüm, le 27 mai 2005, entre le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche, relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, outil novateur visant à lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

La criminalité organisée et le terrorisme ont acquis, avec la libre-circulation des personnes et des biens dans un espace élargi, une dimension internationale toujours plus prononcée. Nos frontières constituent de moins en moins un obstacle aux entreprises des délinquants, qui tirent parti des facilités de communication plus rapidement que les États pour mettre en oeuvre une riposte adaptée. Pour trouver une réelle solution à ces problèmes, il paraît de plus en plus nécessaire d'intensifier la collaboration au sein de l'Union européenne, en particulier en matière d'échanges de données.

C'est en s'appuyant sur ce constat, et pour tenir compte de la difficulté d'agir à vingt-sept, qu'un groupe de sept pays européens a souhaité, grâce à une initiative franco-allemande lancée au début de 2003, mettre en place un outil plus efficient contenant des dispositions novatrices dans plusieurs domaines, en particulier en matière d'échange de données.

Je rappelle que, s'agissant de police et de sécurité, la France connaît déjà une longue tradition de collaboration avec ses voisins. Notre pays a, en son temps, joué un rôle important dans l'élaboration de l'accord de Schengen relatif à la suppression graduelle des contrôles aux frontières intérieures communes. Sur cette base, notre pays a conclu, au cours des dernières années, des traités de coopération policière avec l'Allemagne, la Belgique, le Luxembourg, l'Italie et l'Espagne. Le traité de Prüm constitue donc une nouvelle étape dans le sens de l'intensification de la coopération en matière de police et de sécurité.

Les sept premiers pays signataires, aujourd'hui rejoints par six autres partenaires, s'engagent à jouer un rôle précurseur dans les différents domaines figurant dans le traité, dans un premier temps en matière d'échange de données pour le développement de la coopération dans l'ensemble de l'Union européenne. Les treize parties contractantes ont pris l'engagement de créer les conditions juridiques et techniques nécessaires permettant de faire inclure dans le cadre juridique de l'Union européenne les dispositions du traité de Prüm. Par ailleurs, il s'agit d'une priorité pour la présidence allemande.

Au plus tard trois ans après l'entrée en vigueur du traité, une initiative législative sera mise en oeuvre et aura pour objectif d'inclure les dispositions du traité dans le cadre juridique de l'Union européenne, en s'appuyant sur une évaluation de la coopération et de l'expérience acquise lors de l'exécution du traité de Prüm.

Naturellement, la coopération au titre de ce traité doit s'opérer dans l'esprit des traditions constitutionnelles communes des pays concernés et dans le respect des droits fondamentaux qui découlent de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Avant d'entrer plus avant dans les stipulations du traité, je soulignerai ses aspects les plus novateurs : une coopération policière renforcée et des procédures de consultation mutuelle automatisée de diverses banques de données.

S'agissant des échanges de données, le traité de Prüm prévoit, pour les profils ADN et les données dactyloscopiques, la possibilité d'une consultation mutuelle automatisée des banques nationales de données comportant des profils ADN et des données dactyloscopiques.

Le traité autorise, en outre, un accès automatisé direct et mutuel des registres d'immatriculation de véhicules, tel qu'il est déjà mis en oeuvre entre les pays du Benelux.

L'objectif consiste surtout à permettre que l'échange de ce type de données s'opère à l'avenir de manière plus rapide et plus ciblée et que la fiabilité, pour l'utilisateur comme pour la personne concernée, croisse par le biais de l'automatisation des procédures.

Un tel échange de données constitue à la fois une avancée opérationnelle incontestable et le symbole d'une confiance réciproque grandissante entre les pays de l'Union.

Les parties contractantes s'engagent également, en vue de prévenir des infractions pénales et de maintenir l'ordre et la sécurité publics lors de manifestations de grande envergure à dimension transfrontalière, à se transmettre mutuellement des données pertinentes à caractère non personnel. Seraient ainsi concernés les grands événements sportifs ou les sommets européens. Dans ce cadre, l'échange s'opère soit après une demande expresse émanant d'un autre pays, soit spontanément ou sur initiative propre, dans l'hypothèse où l'information est disponible et peut se révéler utile. Il s'agit, par exemple, d'itinéraires, de nombres de personnes, de moyens de transport, de caractéristiques des groupes, etc.

Les parties contractantes peuvent encore échanger, en vue de prévenir des infractions terroristes, des données à caractère personnel, pour autant que certains faits justifient la présomption que les personnes concernées vont commettre des infractions pénales. L'autorité transmettant les données peut, en vertu du droit national, fixer des conditions relatives à l'utilisation de ces données par l'autorité destinataire. Cette dernière est liée par ces conditions.

Outre les échanges de données, le traité de Prüm développe la coopération entre forces de police. C'est le second aspect novateur de ce texte. Concernant la lutte contre les migrations illégales, les parties contractantes conviennent, sur la base d'évaluations communes, de l'envoi de conseillers en faux documents dans certains pays d'origine ou de transit.

La police aux frontières dispose actuellement d'un certain nombre de fonctionnaires de l'immigration, qui peuvent intervenir à ce titre dans des aéroports à risque de pays tiers.

Les autorités compétentes des parties contractantes peuvent aussi, en vue de maintenir l'ordre et la sécurité publics et de prévenir des infractions pénales, constituer des patrouilles communes et organiser d'autres formes d'intervention commune en matière policière, comme des actions de contrôle communes ou l'accompagnement de groupes de supporters de football. Contrairement aux dispositions de Schengen, ces formes de coopération ne doivent plus se limiter aux régions frontalières. Et les parties contractantes peuvent, dans ce cadre, confier à leurs fonctionnaires respectifs des compétences opérationnelles, conformes au droit de l'État d'accueil et avec l'approbation de l'État d'envoi.

Il incombe à chaque partie contractante de déterminer les compétences qui peuvent être exercées par des fonctionnaires étrangers sur son territoire. Ces compétences sont adaptées aux missions fixées par les autorités compétentes et répondent aux principes de proportionnalité et de réciprocité, pour autant que le droit national autorise ce dernier. Elles sont toujours exercées sous le commandement de fonctionnaires de l'État d'accueil et, en règle générale, en présence de fonctionnaires de cet État.

Dans une situation d'urgence, les fonctionnaires d'une partie contractante peuvent franchir sans autorisation préalable la frontière commune en vue de prendre les mesures provisoires nécessaires, dans le respect du droit national de l'autre partie contractante, afin d'écarter tout danger présent pour la vie ou pour l'intégrité physique des personnes.

Ils sont alors tenus d'aviser sans délai les autorités compétentes de la partie sur le territoire de laquelle l'intervention a lieu. Ils sont naturellement liés par les instructions données par la partie contractante sur le territoire de laquelle ils agissent, et les mesures qu'ils prennent sont également considérées comme relevant de la responsabilité de cette dernière.

Les parties contractantes s'engagent à se soutenir mutuellement, dans le respect de leur droit national, lors d'événements de grande envergure, de catastrophes ainsi que d'accidents graves présentant un caractère transfrontalier.

Les fonctionnaires d'une partie contractante qui, dans le cadre d'une intervention commune, se trouvent sur le territoire d'une autre partie contractante peuvent y porter leur uniforme de service national, y compris leurs armes de service, munitions et objets d'équipement admis en vertu du droit national. L'utilisation de ces moyens est soumise au droit du pays d'intervention.

Les autorités compétentes des parties contractantes peuvent conclure un ou des accords portant sur l'exécution du traité. Il s'agit, en l'occurrence, d'accords ayant un caractère opérationnel et technique qui devront être signés par les ministres compétents ou par de hauts représentants des autorités relevant des ministères compétents. Ils ne devront donc pas être ratifiés. Un accord d'exécution a déjà été signé le 5 décembre 2006.

À ce jour, l'Autriche, l'Espagne, l'Allemagne, la Belgique et le Luxembourg ont ratifié le traité. La procédure est achevée en Finlande et aux Pays-Bas. Le traité est entré en vigueur entre l'Autriche, l'Espagne et l'Allemagne le 23 novembre 2006.

S'agissant d'un instrument qui organise une coopération transfrontalière exemplaire en matière d'échanges de données et qui servira vraisemblablement de référence pour de futures normes européennes, il est essentiel, mesdames, messieurs les sénateurs, que la France soit rapidement en mesure de coopérer pleinement avec ses partenaires.

C'est la raison pour laquelle, après l'avis favorable du Conseil d'État et celui de la CNIL, je vous demande de bien vouloir autoriser la ratification du traité de Prüm à votre tour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Robert del Picchia, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, après Maastricht et Schengen, c'est Prüm, petite ville du Land de Rhénanie-Palatinat qui on sortir de l'anonymat géographique grâce à l'adoption d'un traité, qui sera, en quelque sorte, un « Schengen + », un « Schengen III ».

Ce texte s'inspire des dispositions de l'article 39 de la convention d'application de l'accord de Schengen pour renforcer la coopération intergouvernementale en matière policière transfrontalière. Il instaure également des procédures d'échanges de données, nominatives ou non, entre les États partenaires pour renforcer les capacités de répression des nouvelles formes de criminalité, qui se jouent des frontières nationales.

Ce traité constitue un texte-cadre qui respecte les législations nationales des États signataires. Ce point doit en effet être précisé : la loi du pays en cause s'appliquera.

Ce traité retient comme axes de travail et de coopération les principaux défis actuels à la sécurité que constituent, chacun dans leur domaine, le terrorisme, la criminalité organisée et les migrations illégales, qui se développent de plus en plus.

Il comporte donc deux volets principaux.

D'une part, il instaure une coopération policière renforcée contre la criminalité transfrontalière, le terrorisme et l'immigration clandestine par le biais d'échanges d'informations en matière d'empreintes ADN, d'empreintes digitales, ainsi que de numéros de plaques d'immatriculation des véhicules. Ces échanges s'effectuent soit dans un cadre répressif - ils s'appuient alors sur une enquête judiciaire -, soit dans un cadre préventif.

D'autre part, ce traité organise également la coopération policière transfrontalière, en autorisant, dans des cas précis, les forces de police d'un État à agir dans un autre État.

Il s'agit là de deux domaines sensibles, en matière tant de protection de la personne que de souveraineté nationale. Les rédacteurs du traité se sont donc employés à concilier le renforcement de la coopération policière avec la nécessaire préservation de ces domaines.

Ils ont établi le constat qu'une répression efficace d'une criminalité en expansion nécessite le recours aux atouts nouveaux offerts à la police scientifique.

C'est le cas des empreintes ADN - leur efficacité lors de la recherche de criminels est incontestable -, qui s'ajoutent aux empreintes digitales pour permettre d'identifier un suspect. Ces deux sortes de données, considérées par la CNIL comme des données personnelles, ne peuvent être échangées entre les États qu'en fonction d'un protocole précis, qui diffère selon que l'on se trouve dans un cadre répressif ou dans un cadre préventif. L'interconnexion entre bases de données - c'est un sujet toujours très sensible - est donc ainsi strictement encadrée. Chaque pays désigne un unique point de contact, seul habilité à procéder à l'interrogation des bases des pays partenaires. Pour la France, il s'agit du service chargé de la gestion du fichier national automatisé des empreintes génétiques, qui relève de la Direction générale de la police nationale.

Cette consultation, réalisée pour résoudre une affaire précise et portant, par exemple, sur des traces ADN inconnues des services de police de l'État où l'enquête se déroule, s'opère en deux temps et au moyen de deux fichiers. Le premier d'entre eux contient des données ADN provenant de traces biologiques trouvées sur un lieu de crime, mais déconnectées des éléments d'identification ; les données identifiantes sont contenues dans un fichier annexé et ne sont communiquées à l'État requérant que si la trace ADN fournie correspond à une donnée déjà enregistrée Ces consultations au cas par cas sont soumises au droit du pays requérant.

Autrement dit, lorsqu'un État recherchant un criminel et disposant d'une trace ADN n'obtient pas lui-même de résultat fructueux, il transmet à un pays tiers les données en sa possession. Si la recherche effectuée par cet État n'aboutit pas davantage, l'État requérant gérera seul le dossier. Dans le cas inverse, c'est dans le cadre d'une enquête judiciaire qu'il est demandé au pays tiers, par l'intermédiaire du point de contact, de transmettre les données en sa possession.

Des dispositions identiques s'appliquent aux fichiers d'empreintes digitales, qui doivent être scindées entre un fichier d'empreintes rendues anonymes et un fichier annexé permettant leur identification nominative.

En revanche, les consultations automatisées des données récapitulées dans les registres d'immatriculation de véhicules s'opèrent par consultation directe d'un fichier unique.

Au total, le traité ne prévoit pas la création de bases de données spécifiques en matière d'empreintes digitales, génétiques ou d'immatriculation des véhicules, mais s'appuie sur celles qui existent déjà dans chaque État. Des liens informatiques, destinés à permettre à chaque État signataire de consulter les bases de données identiques de ses homologues étrangers, seront mis en place.

L'architecture des échanges retenue par le traité vise à restreindre les coûts de réalisation et devrait se limiter à l'interconnexion au réseau de communication choisi pour Prüm, réseau déjà existant au sein de l'Union européenne, dénommé TESTA II. L'Allemagne, qui a déjà mis en place cet accord avec l'Autriche, a fait savoir que le coût s'élève à 900 000 euros, ce qui n'est pas énorme eu égard aux besoins en la matière et aux résultats attendus.

Les échanges de données peuvent également se faire dans un cadre préventif, pour éviter les risques inhérents à des manifestations de grande envergure à dimension transfrontalière. Il peut s'agir de manifestations politiques organisées à l'occasion de sommets européens ou internationaux, ou de manifestations sportives.

Dans ces cas, les États partenaires doivent transmettre, sur leur propre initiative ou à la requête de l'État organisateur, toutes les données pertinentes de nature à aider les autorités compétentes. Ces données peuvent être ou non de caractère personnel. La communication de données ne peut concerner que des personnes ayant été déjà condamnées. Il est impossible, bien évidemment, de transmettre, par exemple, la liste comportant le nom des personnes ayant acheté un billet pour assister à un match de football !

Quant à la coopération policière, elle est régie par les dispositions de la législation nationale de l'État dans lequel elle s'exerce, notamment en matière d'usage des armes de service.

Tout d'abord, le traité prévoit que les policiers étrangers ne peuvent exercer de compétences de puissance publique dans l'État d'accueil que « sous le commandement et, en règle générale, en présence de fonctionnaires de l'État d'accueil ». Ainsi, des policiers allemands qui viendraient en France devraient prévenir leurs homologues français, et devraient être accompagnés de l'un de ces derniers. C'est uniquement en cas de « situation d'urgence » que les fonctionnaires de police peuvent intervenir au-delà de leur territoire national, sans autorisation préalable, pour « prendre les mesures provisoires nécessaires afin d'écarter tout danger pour la vie ou l'intégrité physique de personnes ». Cette situation se présenterait, par exemple, en cas de chute d'un avion dans une zone frontalière : ce sont les forces de police les mieux à même d'intervenir au plus vite qui se porteraient les premières au secours des victimes, tout en prévenant leurs collègues de l'État où s'est produit l'accident.

Dans le cas de poursuite de malfaiteurs, l'usage de leurs armes par les forces de police d'un État frontalier est soumis aux dispositions de l'État dans lequel elles interviennent. En France, cet éventuel usage est ainsi soumis au strict cas de la légitime défense, telle que définie par le code pénal et la jurisprudence.

Ce traité a déjà été ratifié en premier par l'Allemagne et l'Autriche, puis par le Luxembourg. Il constitue l'une des priorités de l'actuelle présidence allemande. Il est déjà entré en vigueur entre l'Allemagne et l'Autriche qui l'appliquent depuis le mois de décembre 2006. Ces pays peuvent donc croiser leurs données ADN respectives. Au cours des six premières semaines, le croisement des données allemandes et autrichiennes a révélé environ 3 000 concordances. Dans de nombreuses enquêtes, ces résultats ont permis de mettre en relations les traces génétiques relevées sur le lieu d'un crime avec des personnes désormais identifiées.

Lorsque ce traité sera applicable dans notre pays, il devrait donc permettre de faciliter l'identification d'auteurs d'infractions jusqu'ici impunies. Je rappelle en effet que, actuellement, 150 000 empreintes digitales sur deux millions et 5 000 empreintes génétiques sur 68 000 n'ont pas encore pu être identifiées en France.

C'est l'Allemagne qui a pris l'initiative des négociations qui ont conduit à la conclusion du traité au mois de juin 2005, deux jours avant le référendum français sur la Constitution européenne. Le fait qu'aux sept États signataires se soient ajoutés six nouveaux pays, depuis le mois de décembre dernier, constitue un signe encourageant pour cette démarche intergouvernementale, qui a été jugée plus rapide et plus efficace qu'une négociation européenne.

Cependant, l'Allemagne espère que, sur le modèle du traité de Schengen, le traité de Prüm pourra être intégré ultérieurement dans l'acquis communautaire. C'est le côté positif des coopérations concertées.

Quel que soit son avenir, ce traité constitue une avancée au regard de la situation antérieure, et manifeste la volonté de plusieurs États européens de répondre plus efficacement aux défis constitués par l'expansion des réseaux criminels sur le continent.

Voilà pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d'adopter ce texte, comme l'a fait la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Jean Bizet.

M. Jean Bizet. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas ici sur le contenu du traité de Prüm, qui a été présenté par notre excellent collègue M. Robert del Picchia. Si la délégation pour l'Union européenne a souhaité s'exprimer dans ce débat, ce n'est pas tant sur le fond que sur la méthode.

À l'image des premiers accords de Schengen, ce traité représente, en effet, une forme de coopération intergouvernementale, négociée en dehors du cadre de l'Union européenne, mais ouverte à la participation de tous les États membres et ayant vocation à être intégrée dans l'Union européenne.

L'Allemagne a d'ailleurs fait de l'intégration de ce traité l'une des priorités de sa présidence, et, lors du dernier conseil « justice et affaires intérieures », le 15 février, cette idée a fait l'objet d'un accord de l'ensemble des États membres.

Nous devrions donc être saisis prochainement d'un projet de texte européen visant à intégrer tout ou partie du traité de Prüm dans le cadre juridique de l'Union européenne.

Comme l'illustre l'exemple des accords de Schengen, l'expérience montre que, lorsqu'une coopération intergouvernementale a réussi, elle a ensuite été élargie à d'autres États membres et intégrée dans le cadre des traités.

En réalité, comme le soulignait M. Hubert Haenel dans un rapport d'information adopté récemment par la délégation pour l'Union européenne, seul le recours à des « coopérations renforcées », dans le cadre du traité ou en dehors, peut permettre, dans les circonstances actuelles, de réaliser de véritables avancées dans l'« espace de liberté, de sécurité et de justice ».

En donnant aux États membres qui le souhaitent les moyens d'aller plus vite et plus loin dans la voie de l'intégration, le recours à cette formule permet, en effet, de surmonter l'obstacle de l'unanimité pour les aspects normatifs et de développer des formes de coopération souples pour les aspects opérationnels.

D'ores et déjà, cette avancée majeure de la construction européenne qu'a été la création de la monnaie unique n'a été possible que par le recours à la différenciation.

Dans une Europe à vingt-sept États membres aujourd'hui, trente demain, comment imaginer que l'Europe pourra progresser sans accepter une différenciation au moins temporaire ?

Les ministres de l'intérieur des cinq pays les plus peuplés, rejoints récemment par la Pologne, ont pris l'habitude de se réunir dans le cadre d'un « G6 » pour évoquer les questions concrètes relatives aux contrôles aux frontières, à l'immigration et à la coopération policière.

Dans le domaine de la coopération judiciaire, la France et l'Allemagne, rejointes par l'Espagne et la Belgique, ont engagé un projet d'interconnexion de leurs casiers judiciaires respectifs, afin de permettre la transmission immédiate, à chacun des États participants, des avis de condamnations concernant leurs ressortissants.

N'est-ce pas par cette voie que l'on pourrait imaginer un jour la création d'un Parquet européen collégial, compétent pour lutter contre certaines formes graves de criminalité transnationale, comme le terrorisme, le trafic de drogue ou la traite des êtres humains ?

Renforcer la coopération opérationnelle pour les questions de justice et de sécurité est une impérieuse nécessité pour la crédibilité de l'Europe.

Au moment où l'Europe doit se rapprocher davantage des citoyens, c'est par des solutions pragmatiques telles que celle-ci que l'on pourra dépasser les blocages actuels et réaliser des avancées concrètes pour répondre aux préoccupations des citoyens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à Mme Hélène Luc.

Mme Hélène Luc. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd'hui a pour objet l'approbation parlementaire du traité multilatéral de Prüm, signé le 27 mai 2005 par le Royaume de Belgique, la République fédérale d'Allemagne, le Royaume d'Espagne, la République française, le Grand-Duché de Luxembourg, le Royaume des Pays-Bas et la République d'Autriche.

Il est relatif à l'approfondissement de la coopération transfrontalière, notamment en vue de lutter contre le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

Tout d'abord, je regrette que l'intitulé du texte reprenne des grands thèmes aussi profondément différents que le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale.

Certes, il s'agit là de trois phénomènes qui sont transfrontaliers, mais la similitude s'arrête là.

Nous ne pouvons accepter le tournant sécuritaire de la politique d'immigration européenne : l'Europe est présentée comme un continent agressé qui doit défendre ses frontières contre les migrants.

Nous refusons cette vision d'une Europe « forteresse », incapable de relever les grands défis, notamment celui du codéveloppement Nord-Sud.

Nous considérons au contraire que l'Union européenne doit tenir le premier rôle dans la promotion de véritables partenariats et, surtout, dans la coopération internationale, en particulier avec l'Afrique, qui représente une chance pour l'Europe si celle-ci se donne les moyens d'une réelle politique de codéveloppement avec les pays de ce continent.

Le traitement simultané des trois thèmes que sont le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale conduit à un amalgame entre criminel et migrant qui n'est pas acceptable.

Nous connaissons le même phénomène en France puisque, sous l'impulsion du ministre d'État, ministre de l'intérieur et de l'aménagement du territoire, M. Nicolas Sarkozy, le Gouvernement n'a eu de cesse de nous asséner des projets de lois anxiogènes, sécuritaires et surfant allègrement sur la confusion entre le terroriste et l'immigré.

Dans le même esprit, le traité prévoit que le terrorisme, la criminalité transfrontalière et la migration illégale seront poursuivis et sanctionnés avec la même intensité, ce qui contrevient au principe de proportionnalité, principe fondamental du droit pénal.

Ensuite, la méthode de négociation choisie me semble inappropriée.

En effet, il s'agit d'un traité négocié et rédigé non pas à l'échelon de l'Union européenne, mais dans le cadre d'une négociation intergouvernementale.

Les parties ont voulu reproduire le scénario originel de Schengen : une coopération restreinte avait ensuite été étendue aux autres États membres et intégrée à l'acquis communautaire:

Cependant, cela n'est pas simple, car les domaines visés dans le traité ne relèvent pas tous du même pilier.

Si les mesures relatives à la politique d'immigration ressortissent aux politiques de la Communauté européenne - premier pilier -, en revanche, la coopération policière et judiciaire en matière pénale relève du troisième pilier. Or, les modes de prise de décision ne sont pas les mêmes entre le pilier communautaire et le troisième pilier, pilier intergouvernemental.

Aussi, le traité soumis à notre approbation risque de poser des difficultés de compatibilité avec le droit de l'Union européenne.

Certes, les rédacteurs du traité de Prüm ont entendu prévenir tout conflit normatif en prévoyant, à l'article 47, paragraphe 1, ceci : « Les dispositions du présent traité ne sont applicables que dans la mesure où elles sont compatibles avec le droit de l'Union européenne. Si l'Union européenne établit à l'avenir des réglementations touchant le domaine d'application du présent traité, le droit de l'Union européenne prévaudra sur les dispositions concernées du présent traité quant à leur application ».

Il restera à observer si, dans l'application du traité, de tels conflits seront effectivement évités.

En tout état de cause, le choix du procédé de négociation dudit traité ne me paraît pas judicieux. Les difficultés juridiques guettent, et, à nouveau, le beau rôle risque de revenir à la Cour de justice des communautés européennes, qui aura certainement à interpréter ce traité et à trancher les questions de droit.

D'une manière générale, on peut se poser la question de savoir si la multiplication d'accords bilatéraux ou multilatéraux en marge du droit dérivé communautaire, voire du droit communautaire directement applicable, est réellement de nature à faciliter la coopération internationale.

Ce traité accroît le désordre normatif européen.

Enfin, je suis plus que circonspecte au regard des garanties apportées à la protection de la vie privée.

Le traité a pour objet de contribuer à la réduction de l'obstacle que constituent, pour les organes répressifs, les frontières intérieures en Europe.

Il vise principalement à faciliter et à accélérer l'échange d'informations entre les autorités de poursuite des parties contractantes.

L'aspect principal du traité de Prüm réside dans le renforcement de la coopération par l'échange d'informations.

Cet échange d'informations porte sur les profils ADN, les données dactyloscopiques, les données des registres d'immatriculation de véhicules, les données relatives à des personnes pour lesquelles la présomption est justifiée qu'elles puissent commettre des infractions pénales lors de manifestations de grande envergure à dimension transfrontalière ou qu'elles puissent présenter un danger pour l'ordre et la sécurité publics, les données et les informations sur des personnes, si certains faits justifient la présomption que les personnes concernées vont commettre des infractions relevant du terrorisme.

En tout état de cause, la transmission des données à caractère personnel est de nature à poser problème au regard des droits et libertés fondamentaux.

En effet, il faut souligner le caractère peu précis des critères qui sont fixés pour le traitement des données dont il s'agit : transmission de données relatives à des personnes lorsque d'autres faits, en dehors des condamnations définitives, justifient la présomption que ces personnes vont commettre des infractions pénales lors de manifestations de grande envergure dont il est question à l'article 14, transmission dans des cas particuliers, sans demande, de données à caractère personnel, « pour autant que ce soit nécessaire parce que certains faits justifient la présomption que les personnes concernées vont commettre des infractions telles que visées aux articles 1 à 3 inclus de la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil de l'Union européenne du 13 juin 2002 relative à la lutte contre le terrorisme » - il s'agit de l'article 16 du traité.

En raison des critiques que je viens d'exposer, le groupe communiste républicain et citoyen s'abstiendra.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.