M. Brice Hortefeux, ministre. Oui !

Mme Muguette Dini. ... laquelle a regroupé l'association Forum réfugiés et les services du logement des préfectures, des villes, du conseil général et des bailleurs sociaux. Grâce à ce partenariat, la moitié des personnes inscrites dans le dispositif ont été relogées au bout de huit mois et 38 % l'ont été dans les six mois souhaitables.

En 2006, 51 % des réfugiés accompagnés ont bénéficié d'une mesure emploi-formation au moins. Le programme d'accompagnement de cette population ne s'avère donc efficace que s'il coordonne les différents acteurs.

Il nous paraît fondamental de prévoir en sus, dans le projet de loi, un dispositif renforcé d'accompagnement pour les réfugiés. Par conséquent, nous regrettons que notre amendement sur le sujet ait été rejeté par la commission des finances. Les initiatives locales qui réussissent doivent être reprises ! Mais nous ne désespérons pas de convaincre la commission des finances de revenir sur sa décision, car cette proposition nous semble essentielle.

Je n'évoquerai pas le recours aux tests ADN, sujet sur lequel notre collègue Pierre Fauchon reviendra plus tard, et je laisse à Adrien Giraud le soin d'intervenir sur la situation spécifique de Mayotte.

Nous souhaitons, monsieur le ministre, que soient prises en compte les suggestions que nous présentons dans nos différents amendements. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Pierre-Yves Collombat.

M. Pierre-Yves Collombat. « Les hommes normaux ne savent pas que tout est possible » ; ainsi s'exprimait David Rousset en des temps que l'on pensait révolus. Qui aurait pensé que, en France, la « question immigré » aurait un jour son ministère, qui plus est chargé, pour que nul n'en ignore la gravité, de veiller sur l'identité nationale ?

En version politiquement correcte, cela donne, selon les propos que vous avez tenus devant la commission des lois, monsieur le ministre : « Adopter une politique d'immigration volontariste pour renforcer la cohésion de notre société ». Vous avez également dit tout à l'heure ceci : « L'immigration d'aujourd'hui dessine le visage qu'aura notre pays dans quelques années. »

M. Brice Hortefeux, ministre. Oui !

M. Pierre-Yves Collombat. C'est logique, car, pour vous, notre système d'intégration a fait faillite - c'est la saison ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) - ou, plus exactement, suivant les termes que vous avez utilisés devant la commission des lois, il a « globalement échoué ».

Pourtant, à regarder les chiffres, d'ailleurs variables selon les années et les sources, on se demande ce qui justifie de modifier, en urgence et pour la soixante-douzième fois, l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France. Je rappelle que la soixante et onzième modification a moins de quinze mois !

Selon Eurostat, les non-nationaux représenteraient 5,6 % de la population française. C'est un peu plus qu'en Italie, en Grande-Bretagne ou en Suède, mais largement moins qu'en Allemagne, en Belgique ou en Espagne. Au total, la France se situe dans la moyenne.

Quant aux flux d'entrée, ramenés à la population, c'est en France qu'ils sont les plus faibles en comparaison avec les grands pays développés. Ainsi, en 2004, ils s'élevaient à 0,34 % dans notre pays, contre 1,62 % en Espagne, 0,94 % en Allemagne, 0,87 % en Grande-Bretagne. Le seul pays enregistrant un taux comparable au nôtre est le Japon, dont on connaît la position en matière d'immigration...

On cherche donc la vague migratoire risquant d'emporter, comme un château de sable, notre identité nationale.

Toujours selon Eurostat, entre 1990 et 2000, alors que le nombre de nationaux français a augmenté de 2,5 millions, celui des étrangers sur le territoire français a baissé de 330 000. Parmi les Vingt-Cinq, une telle évolution ne se retrouve qu'aux Pays-Bas.

Selon vous, la concentration des immigrés dans quelques régions et le niveau de chômage de ces derniers seraient la marque de l'échec de notre modèle d'intégration.

Ils sont plutôt le résultat de l'absence d'une politique d'aménagement du territoire et de la mise en oeuvre d'une politique économique ayant délibérément sacrifié l'emploi à la rente.

À regarder la situation de nos partenaires européens, le modèle français d'intégration ne souffre pas de la comparaison, bien au contraire.

Les immigrés ne sont pas plus concentrés que les cadres et les professions intellectuelles supérieures, dont 40 % résident en Île-de-France et 25 % dans trois départements : Paris, les Hauts-de-Seine et les Yvelines. Leur taux d'activité est d'ailleurs comparable à celui des nationaux. Le chômage, quant à lui, est un problème qui relève d'abord de la politique économique.

Un taux de croissance de 3 %, ce qui semble être l'objectif du Président de la République, ferait plus pour l'intégration que tous vos contrats, vos stages et votre Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité.

Quant au taux actuel de fécondité en France, même porté à deux enfants par femme, il ne permettra pas le renouvellement des générations.

Certes, il appartient à la France de définir sa politique d'immigration, mais encore faut-il que ses finalités ne soient pas idéologiques et qu'elle ait quelque chance de réussir.

Le distinguo entre migration économique et migration pour raisons familiales est moins clair que vous ne le pensez. D'ailleurs, si j'ai bien compris, M. le rapporteur n'a pas dit autre chose. En effet, 70 % des migrants familiaux travaillent, et 50 % ont un emploi dès six mois de présence sur le territoire.

Certains pays, comme le Canada, pourtant cité comme modèle, classent dans la même catégorie les migrants économiques et leur famille. À mode de calcul identique, ils représentent dans ce pays un peu plus de 21 % du total des migrants, avec un flux migratoire double du nôtre. On est donc loin de l'objectif de 50 % qui vous a été fixé par le Gosplan migratoire présidentiel, monsieur le ministre !

« L'immigration choisie », ce n'est pas celle que nous choisirons, mais celle des migrants qui nous choisiront.

Ceux que nous recherchons iront là où ils seront accueillis correctement avec leurs familles, là où ils pourront se loger, disposer des moyens d'effectuer leurs études ou leurs recherches, travailler dans de bonnes conditions et, d'une manière générale, là où on ne les prendra pas pour des délinquants potentiels.

Penser pouvoir recueillir la crème du flux migratoire en le faisant aigrir avec la levure des obstacles administratifs et des pratiques vexatoires est un non-sens.

En outre, c'est un non-sens inutile, puisque les flux de ceux qui sont indésirables à vos yeux se révèlent faibles. En effet, selon les chiffres que vous nous avez fournis, sur les quelque 94 000 autorisations de séjour délivrées en 2005, au titre du regroupement familial, la moitié concerne des conjoints de Français, qu'il faudra bien vous résoudre à accueillir, et seulement 8 600 enfants, ceux dont vous tenez tant à prouver la filiation biologique.

Dès lors, pourquoi tout ce bruit ? Pourquoi risquer de ternir, pour si peu, notre image à l'étranger de patrie des droits de l'homme ? Pour une question de stratégie électorale, tout le monde l'a compris !

Le présent projet de loi ne sera pas le dernier d'une longue série, car, entre un texte relatif à la délinquance et un autre sur les chiens dangereux (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.), il est là pour rappeler aux Français qu'il y a une « question immigré » et, surtout, un gouvernement qui les protège.

Les dispositions que le bon sens considérera comme inutiles ou inapplicables par manque de moyens -  s'agissant des consulats, par exemple -, celles que les juristes analyseront comme source de confusion et de contentieux, celles que les hommes normaux tiendront pour une provocation ou de la mesquinerie - notamment l'extension de l'usage des tests génétiques, la suppression de la possibilité pour les conjoints de Français d'obtenir en France un visa de long séjour sans avoir à retourner dans leur pays pour le demander - constituent, dans leur ensemble, non pas des imperfections, mais bien le coeur du texte.

Ce projet de loi n'est pas fait pour apporter durablement une réponse à une vraie question ; il ne fera qu'entretenir la confusion et l'inquiétude, qui appelleront d'autres lois et mobiliseront « du temps de cerveau rendu disponible ». (Mme Bariza Khiari et M. Jean-Luc Mélenchon applaudissent.)

D'où l'intérêt d'user de notions vagues, plutôt que de concepts juridiques précis.

La formulation de l'article 8-1 de la Convention européenne des droits de l'homme, aux termes duquel « toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance », est univoque.

En revanche, qu'est-ce qu'une « intégration républicaine dans la société française ? » Un artiste de variété se produisant en France, mais vivant de l'autre côté de la frontière pour échapper à son devoir, fixé par l'article XIII de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, de participation aux dépenses publiques en raison de ses facultés contributives, fait-il preuve d'une bonne intégration républicaine ? (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste.)

Les valeurs de la république sont-elles univoques ? Par exemple, la laïcité, symbole souvent avancé, signifie-t-elle l'acceptation « du fait religieux dans l'espace public », comme l'a souhaité Jean-Paul II dans un célèbre discours au corps diplomatique, et telle qu'elle est pratiquée dans les départements concordataires français ? C'est une notion qui n'est pas univoque !

Sait-on précisément ce que sont aussi « les principes essentiels qui, conformément aux lois de la République, régissent la vie familiale en France », selon la formulation du Conseil constitutionnel ?

Toutes ces notions, sources d'interprétations et de contentieux futurs, sont pourtant au coeur du projet de loi.

Un seul point appelait une modification législative : l'institution d'un droit de recours suspensif contre les refus d'admission sur le territoire français. On aurait pu s'attendre à ce que le projet de loi tire toutes les conséquences de la condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme, ce qui aurait impliqué deux dispositions.

Premièrement, il aurait fallu étendre le droit de recours suspensif, au-delà des demandeurs d'asile, à toutes les personnes retenues en zone d'attente, pouvant se prévaloir des articles 2, 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l'homme, à savoir des étrangers dont l'état de santé permet d'invoquer l'article 2 de ladite convention, les mineurs isolés ou les personnes dont la famille vit en France, relevant de l'article 8 de la convention.

Deuxièmement, il aurait été nécessaire d'éviter de se mettre en défaut au regard de l'article 13 - droit à un recours effectif - et de l'article 6 - droit à être entendu équitablement, publiquement, par un tribunal indépendant, droit à être informé dans une langue que l'on comprend et de se faire assister d'un interprète, droit de disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense.

La limitation du bénéfice du recours suspensif aux seuls demandeurs d'asile, la brièveté des délais de recours, le risque d'un jugement par ordonnance, malgré le progrès que constitue l'abandon de la procédure du référé-liberté, les conditions matérielles de l'exercice de la justice en zone de police et de la préparation de la défense permettent de penser que l'arrêt Gebremedhin ne constituera pas la dernière condamnation de la France par la Cour européenne des droits de l'homme.

Aujourd'hui, ce n'est plus l'administration qui règle le gros des affaires, en s'appuyant sur des textes clairs et des règles incontestables, les organes juridictionnels s'occupant de l'exception. Désormais, c'est la situation inverse : le contentieux est devenu le mode normal de régulation des flux migratoires. Pas étonnant s'il est en train d'exploser !

M. Pierre-Yves Collombat. Ce serait pourtant peu de chose, si des hommes, des femmes, des enfants bien concrets n'étaient l'enjeu de ces stratégies tordues.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois. Oh !

M. Pierre-Yves Collombat. Les Français ayant un conjoint étranger viennent dans nos permanences nous dire, entre deux sanglots réprimés, leur angoisse d'être séparés de ce dernier, de le voir embarqué, menottes aux poignets, devant les enfants, leur attente infinie d'un visa qui permettra enfin de le retrouver. Je pense à tous ceux dont vous allez alourdir les peines, au nom d'un faux pragmatisme et d'une idéologie totalement étrangère au génie français.

Personne n'a le monopole du coeur. Montrez-le, monsieur le ministre ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Patrick Courtois.

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, permettez-moi de débuter mes propos en citant le Président de la République, alors ministre d'État, ministre de l'intérieur, lors de la présentation au sein même de cette assemblée, en 2006, du texte relatif à l'immigration et à l'intégration : « Mon intention est de bâtir une nouvelle politique par laquelle l'arrivée des migrants en France sera voulue, acceptée, préparée par les autorités de l'État , soit parce que le migrant aura fait valoir son droit à venir s'installer en France pour des raisons familiales, soit parce que le Gouvernement aura souhaité la venue d'un étranger, étudiant ou professionnel, en raison de sa compétence, de son talent et de sa motivation ».

Force est de constater aujourd'hui que les engagements pris sont tenus et que nous nous approchons concrètement de cette immigration choisie que les Français ont appelée de leurs voeux lors de l'élection présidentielle.

Les engagements sont tenus car, pour la première fois sous la Ve République, est créé un ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du codéveloppement.

Monsieur le ministre, permettez-moi, au nom de l'ensemble de mes collègues de l'UMP, de me réjouir de cette réforme fondamentale et novatrice, souhaitée et rendue possible par le Président de la République.

Désormais, sont réunies au sein d'une même entité l'ensemble des administrations concernées par les flux migratoires.

Comme vous l'avez souligné, le parcours d'un étranger, candidat à l'immigration en France, est maintenant suivi en totalité par un seul ministère regroupant des administrations jusqu'alors dispersées.

Cette nouvelle organisation témoigne de votre volonté d'appréhender la question de l'immigration dans sa globalité, en lien direct avec celle de l'intégration et de la coopération, notions étroitement imbriquées.

Elle témoigne également de votre volonté de privilégier, conformément aux engagements du Président de la République, une immigration choisie et concertée, qui est le contraire de l'immigration zéro et de l'immigration subie.

Elle témoigne enfin de votre volonté de poursuivre et d'amplifier la politique volontariste de maîtrise des flux migratoires engagée lors de la précédente législature.

La politique que vous nous proposez, monsieur le ministre, est équilibrée, car elle est à la fois ferme et juste.

Elle est ferme à l'endroit de ceux qui ne respectent pas les règles de la République et juste à l'égard de ceux qui font des efforts pour s'intégrer et réussir leur installation durable en France, en se conformant aux règles d'admission que nous fixons.

Les règles sont parfaitement claires, et nous les partageons avec force : le candidat à l'immigration en France doit être autorisé à venir s'y installer avant son entrée sur le territoire national. Si l'on désire devenir résident en France, il faut s'engager à connaître et à respecter les lois et les valeurs de la République.

La politique que vous nous proposez, monsieur le ministre, est également responsable et courageuse. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Elle est responsable et courageuse lorsqu'elle se fixe pour objectif de parvenir à une maîtrise globale de l'immigration et d'atteindre un équilibre entre les composantes économiques et familiales ainsi qu'entre les grandes régions du monde.

En effet, l'immigration choisie, c'est d'abord la possibilité pour un État de se fixer des objectifs quantifiés d'immigration pour déterminer la composition des flux migratoires.

Que de chemin parcouru en moins de cinq ans ! Une véritable remise en ordre a été engagée ; une réelle rupture a été amorcée.

Depuis 2002, l'action pragmatique, cohérente et déterminée de Nicolas Sarkozy a démontré qu'il était possible d'avoir un vrai débat de fond, rationnel et dépassionné, sur l'immigration,...

M. Jean-Luc Mélenchon. Ah bon ? Quand ?

M. Jean-Patrick Courtois. ... sujet particulièrement complexe et sensible.

Elle a démontré qu'il était possible de mener une politique volontariste et décomplexée, une immigration choisie par un contrôle rigoureux des entrées étant le pendant légitime des mesures tendant à une intégration réussie.

Sous l'impulsion de Nicolas Sarkozy, le Parlement a adopté de grandes réformes qui ont posé les premiers jalons d'une véritable immigration choisie.

Mme Éliane Assassi. Tout est à la gloire de Nicolas Sarkozy !

M. Jean-Patrick Courtois. La loi du 26 novembre 2003 relative à la maîtrise de l'immigration, au séjour des étrangers en France et à la nationalité, tout d'abord, a forgé de nouveaux outils de lutte contre l'immigration clandestine. Ce texte a permis de mettre un premier frein à la dérive des flux d'immigration et d'augmenter significativement le taux des reconduites à la frontière.

La loi du 10 décembre 2003 modifiant la loi n° 52-893 du 25 juillet 1952 relative au droit d'asile a réformé la procédure de ce dernier et a permis d'améliorer les conditions de gestion de la demande d'asile.

Rompant avec les erreurs du passé, la loi du 24 juillet 2006 relative à l'immigration et à l'intégration a engagé une reforme fondamentale du droit d'entrée et de séjour des étrangers en France. Le regroupement familial a été mieux encadré, et la signature d'un contrat d'accueil et d'intégration permettant de recevoir une formation civique et linguistique a été rendue obligatoire pour tout étranger qui souhaite s'installer durablement en France.

Ainsi, les premiers instruments d'une immigration choisie ont été définis, et une transformation en profondeur de la politique d'immigration a été amorcée.

Ces dispositifs ont produit leurs effets. De fait, depuis 2002, la France a retrouvé la maîtrise de ses flux légaux d'immigration. Les chiffres parlent d'eux-mêmes : plusieurs dizaines de milliers d'étrangers en situation irrégulière ont été raccompagnés dans leur pays d'origine.

Mme Éliane Assassi. Ou se sont défenestrés !

M. Jean-Patrick Courtois. En 2006, le renforcement des contrôles aux frontières dans les aéroports et les ports a permis de refouler 35 000 migrants illégaux avant leur entrée sur le territoire national. En 2006, 24 000 étrangers en situation irrégulière ont quitté la France, ce qui représente une augmentation de 140 % par rapport à 2002 et de 20 % par rapport à 2005.

Évidemment, personne ne croit que tout est réglé et que les problèmes sont derrière nous. En revanche, nos concitoyens ont acquis la certitude suivante : lorsque les politiques se donnent les moyens de prendre à bras-le-corps les problèmes qui se posent, sans idées préconçues et avec une volonté indéfectible, les solutions ne sont jamais bien loin.

Si nos concitoyens retrouvent la confiance dans l'action publique, c'est parce que les engagements pris sont tenus, c'est parce que les bases solides qui ont été jetées produisent leurs effets.

Après ce rappel historique, venons-en au présent projet de loi. En effet, nous ne sommes pas réunis aujourd'hui pour nous adresser des félicitations. Si les choses vont mieux, nous avons encore du chemin à parcourir.

M. Jean-Patrick Courtois. Notre profil en matière d'immigration est en effet déséquilibré. L'immigration pour motif familial occupe une place très importante dans les flux migratoires, alors que l'immigration pour motif de travail reste à un niveau marginal. Seulement 7 % des titres de séjour sont accordés pour des raisons professionnelles, loin derrière l'immigration familiale, qui demeure prépondérante.

Il nous faut inverser cette tendance. Il faut favoriser la venue sur notre territoire de ceux qui peuvent et qui veulent travailler. Inversement, il faut s'opposer à la venue de ceux qui n'ont aucune perspective d'intégration.

L'objectif du Président de la République est clair : à terme, l'immigration économique devra représenter 50 % du flux total des entrées à des fins d'installation durable en France. Il convient donc de se donner les moyens d'atteindre cet objectif.

Le projet de loi qui nous est soumis nous permet de franchir une nouvelle étape. Il confirme, en l'amplifiant, la réforme engagée en 2006. Il confirme le choix d'une immigration choisie. Il confirme l'affirmation d'un lien étroit entre intégration et immigration, tant il est vrai que l'immigration n'a de sens que si elle débouche sur une vraie intégration. Enfin, il confirme la nécessité d'inscrire notre politique d'immigration dans une véritable stratégie de codéveloppement.

Ce projet de loi, monsieur le ministre, a deux objectifs.

Premièrement, il vise à mieux contrôler les conditions du regroupement familial pour favoriser la réussite de l'intégration.

C'est un bon projet, car il accentue le processus d'intégration des immigrés réguliers.

Trois mesures permettront d'atteindre cet objectif.

En premier lieu, les personnes souhaitant rejoindre la France dans le cadre du regroupement familial seront désormais soumises, dans les pays de résidence, à une évaluation de leur connaissance de la langue française et des valeurs de la République. Il s'agit d'une mesure de bon sens, car comment espérer s'intégrer en France, trouver un travail et organiser une vie sociale sans parler un mot de français ?

Un débat a eu lieu en commission des lois pour savoir si les conjoints étrangers de Français résidant à l'étranger et souhaitant rejoindre leur conjoint français devaient passer ou non un test de langue et suivre dans leur pays d'origine une formation linguistique et civique.

Le mariage d'un étranger avec un Français peut parfois représenter un signe d'intégration. Mais tel n'est pas toujours le cas. Les conjoints étrangers de Français résidant à l'étranger ne sauraient bénéficier d'une présomption d'intégration.

Un amendement déposé par notre collègue Robert Del Picchia me paraît intéressant. Il prévoit explicitement que des conventions internationales pourront dispenser les conjoints de Français du test et de la formation dans le pays où ils sollicitent le visa. Cette évaluation et cette formation pourront se faire à l'arrivée en France.

Cet amendement me paraît raisonnable, car il permet de prendre en compte la situation particulière des couples binationaux qui, vivant à l'étranger, décident de rejoindre la France pour des raisons professionnelles.

En deuxième lieu, ce projet de loi vise à créer un « contrat d'accueil et d'intégration pour la famille », qui s'ajoute au contrat d'accueil et d'intégration.

Signé entre les parents d'enfants ayant bénéficié du regroupement familial et l'État, ce nouveau contrat obligera les premiers à veiller à la bonne intégration de leurs enfants arrivant en France.

La création de ce nouvel outil au service de l'intégration ne constitue pas un signe de défiance à l'égard des parents étrangers arrivant en France, pas plus qu'il ne s'agit d'entraver le droit d'un enfant à vivre une vie familiale normale avec ses parents. Il s'agit, là aussi, d'une mesure de bon sens destinée à favoriser l'intégration des enfants dont les parents s'installent sur notre sol et à accroître leurs chances de réussir leur vie en France.

En troisième lieu, l'étranger souhaitant faire venir son conjoint et ses enfants en France devra prouver qu'il dispose de revenus adaptés à la taille de sa famille.

Conformément à l'engagement pris par le Président de la République, les étrangers qui font une demande de regroupement familial doivent pouvoir disposer de revenus suffisants pour subvenir aux besoins de leur famille sans recourir aux prestations sociales.

Le projet de loi initial du Gouvernement prévoyait que les ressources exigées puissent varier, selon la taille de la famille, entre le SMIC et 1,2 fois le montant de ce dernier.

L'Assemblée nationale a décidé de durcir les conditions de ressources en proposant que, pour une famille de plus de six personnes, il soit possible d'exiger jusqu'à 1,33 fois le SMIC.

Le seuil retenu nous semble ignorer les dispositions constitutionnelles qui protègent le regroupement familial. C'est pourquoi la commission des lois du Sénat, sur l'initiative de notre excellent rapporteur, proposera une voie médiane. Le SMIC demeurerait la référence et le plafond serait fixé à 1,2 SMIC pour les seules familles de six enfants ou plus.

L'équilibre trouvé me semble satisfaisant, car il concilie la position de principe du Sénat, arrêtée par deux fois en 2003 et en 2006, et celle du Gouvernement.

Cette mesure me paraît être de bon sens, car les dépenses nécessaires à l'intégration d'une famille de plus de six enfants sont nécessairement plus importantes que pour une famille de trois enfants.

Elle me paraît également être utile, car elle vise à mettre fin au système intolérable des marchands de sommeil qui logent des familles entières dans des hôtels insalubres.

Enfin, c'est une mesure opportune, car l'étranger qui fait une demande de regroupement familial doit pouvoir vivre sur notre territoire du revenu de son travail et non des revenus de l'assistance. Nous aurons l'occasion d'y revenir au cours de nos débats.

Ce texte est bon, car il est à la fois juste et humain.

M. Brice Hortefeux, ministre. Très bien !

M. David Assouline. Il fallait oser !

M. Jean-Patrick Courtois. Il est juste et humain, car il conforte l'intégration des immigrés en situation légale sur notre territoire en instaurant une carte de résident à durée indéterminée.

M. David Assouline. Nous n'avons pas la même conception de l'humanité !

M. Jean-Patrick Courtois. De quoi s'agit-il ? Il s'agit de donner à l'étranger qui a le statut de résident depuis plus de dix ans une carte de résident à durée illimitée et non plus décennale, comme c'est actuellement le cas.

Ce texte est juste et humain, car il facilite la vie des étrangers qui séjournent depuis longtemps en France et qui ont accompli un parcours d'intégration exemplaire.

Il est juste et humain, car il encourage les bonnes pratiques en favorisant le maintien sur notre territoire de ceux qui jouent le jeu de l'intégration.

Mme Éliane Assassi. C'est surtout cela qui vous intéresse !

M. Jean-Patrick Courtois. Je souhaiterais vous faire part de mes observations sur les intenses et, parfois, vifs débats que le recours aux tests ADN a pu susciter.

Nous ne devons plus avoir, lors d'un débat sur un thème aussi majeur que l'immigration, de sujets et de questions tabous. La discussion doit être ouverte et toujours rester constructive.

Les inquiétudes légitimes des sénateurs ont conduit la commission des lois à supprimer la possibilité introduite par l'Assemblée nationale de recourir aux tests ADN pour prouver la filiation d'un candidat au regroupement familial.

Un amendement présenté par M. Jean-Jacques Hyest vise à introduire un nouveau dispositif assorti de garanties s'ajoutant à celles qui ont déjà été apportées par le Gouvernement à l'amendement de Thierry Mariani. Bien qu'il n'ait pas été adopté ce matin par la commission des lois, cet amendement me paraît bon dans la mesure où le dispositif qu'il vise à mettre en place est particulièrement protecteur.

Mme Éliane Assassi. Quel bel alibi !

M. Jean-Patrick Courtois. Il place en effet le juge au coeur du dispositif afin de garantir le respect et la sauvegarde des droits individuels.

Mme Catherine Tasca. Les juges ont autre chose à faire !

M. Jean-Patrick Courtois. Saisis, par le demandeur d'un visa ou par son représentant légal, d'une demande d'identification par empreintes génétiques, les agents diplomatiques ou consulaires devront en effet avertir sans délai le président du tribunal de grande instance de Nantes afin qu'il statue sur la nécessité de faire procéder à une telle identification. C'est une avancée notable et majeure.

Le dispositif proposé est également protecteur, car la faculté de recourir au test ADN sera strictement limitée à la recherche d'une filiation déclarée avec la mère du demandeur de visa. Ainsi, seule la filiation avec la mère pourra être prouvée par le test et produite en soutien d'une demande de visa.

Le dispositif proposé est également protecteur, car - j'insiste sur ce point -.le consentement des personnes dont l'identification est recherchée doit être préalablement et expressément recueilli.

Sa mise en oeuvre sera, en outre, progressive et transparente. L'usage du test génétique sera en effet expérimenté dans quelques pays pour une durée qui ne pourra pas excéder dix-huit mois suivant la publication du décret d'application. Ainsi, le débat parlementaire sur l'évaluation du dispositif coïncidera avec celui qui sera consacré à la révision des lois relatives à la bioéthique.

Ce dispositif est également protecteur, car il sera évalué par un organe indépendant. Ainsi, des garde-fous sont posés (M. David Assouline s'exclame.) et les conditions sont réunies pour garantir une utilisation strictement encadrée des tests ADN.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. N'en jetez plus !

M. Jean-Patrick Courtois. Enfin, ce dispositif est protecteur car, grâce au sous-amendement du Gouvernement, les analyses d'identification seront, dans tous les cas, réalisées aux frais de l'État, et pas seulement lorsque le visa est accordé.

M. David Assouline. Ils veulent se faire pardonner !

M. Jean-Patrick Courtois. Il s'agit d'une réelle avancée qui devrait permettre de répondre aux inquiétudes exprimées par certains de nos collègues. C'est pourquoi je soutiendrai ce dispositif et appellerai l'ensemble de mes collègues du groupe de l'UMP à l'adopter.

Mme Éliane Assassi. C'est un scoop !

M. Jean-Patrick Courtois. J'en viens au second objectif du texte : ce projet de loi vise à conforter le droit d'asile en France par un respect plus grand des droits fondamentaux et de la dignité des étrangers.

Le droit d'asile est l'un des plus beaux principes de notre République, l'un de ceux qui honorent le plus notre nation et qui participent à son aura sur la scène internationale. Le droit d'asile demeure pour notre pays une exigence morale.

La France, fidèle à sa tradition humaniste, doit continuer à être une terre d'accueil pour tous les persécutés du monde. On ne saurait toutefois tolérer que cette procédure généreuse soit détournée de son objet par ceux qui ne subissent aucune menace, mais qui se tournent vers l'asile politique parce qu'ils se sont vu refuser toutes les autres formes d'immigration.

M. David Assouline. Toutes les générosités sont toujours détournées !

M. Jean-Patrick Courtois. Le texte que vous nous proposez, monsieur le ministre, est juste et humain, car, loin de restreindre le droit d'asile, il offre de nouvelles garanties juridictionnelles aux demandeurs d'asile.

Les étrangers qui demandent l'asile à leur descente d'avion pourront désormais, lorsqu'ils estiment que la France leur refuse à tort le statut de réfugié, rester dans la zone d'attente jusqu'à ce qu'un juge ait statué en urgence.

Selon le dispositif remanié par l'Assemblée nationale, l'intéressé pourra contester le refus d'entrée sur le territoire français au titre de l'asile en exerçant un recours en annulation de plein droit suspensif, recours qui se substitue au référé-liberté, non suspensif.

Ainsi, les droits des demandeurs d'asile à la frontière sont non seulement confortés, mais également renforcés, conformément à une jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme du 26 avril 2007.

Enfin, ce projet est bon, car il s'inscrit dans une véritable stratégie de codéveloppement pragmatique et ambitieuse. Pour la première fois dans l'histoire de la Ve République, le codéveloppement fait l'objet d'un ministère.

Ce texte est généreux, car il vise à encourager la participation des migrants au développement de leur pays d'origine.

Mme Éliane Assassi. On aura tout entendu !

M. Jean-Patrick Courtois. Ce texte est généreux, car il entend favoriser une meilleure mobilisation de l'épargne des migrants vivant en France pour leur permettre d'investir dans leur pays d'origine.

Ce texte est généreux, car, grâce à l'amendement de notre collègue député Frédéric Lefebvre, adopté à l'unanimité, un livret d'épargne pour le codéveloppement est créé. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Un message fort est ainsi adressé aux étrangers qui souhaiteraient éventuellement retourner dans leur pays d'origine ou aider leurs proches.

M. David Assouline. La face de l'Afrique s'en trouvera changée !

M. Jean-Patrick Courtois. Monsieur le ministre, parce que ce texte répond avec pragmatisme à la problématique de l'immigration et de l'intégration, parce qu'il poursuit et conforte la politique d'immigration choisie grâce à laquelle chacun sera gagnant, parce qu'il renforce les instruments juridiques d'une politique volontariste de l'immigration, notre groupe le votera tel qu'il sera enrichi par nos travaux, plus particulièrement par les pertinentes propositions de notre excellent rapporteur, François-Noël Buffet, et du président de la commission des lois. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - MM. Adrien Giraud et Georges Othily applaudissent également.)