M. Philippe Marini, rapporteur général. Avec un peu moins de brouillard !

Mme Christine Lagarde, ministre. Vous avez raison, monsieur le rapporteur général.

L'article 2 de notre projet de loi poursuit un objectif semblable. En permettant la transposition de la directive 2005/68/CE relative à la réassurance, il habilite le Gouvernement à moderniser par voie d'ordonnance le cadre juridique applicable aux fonds communs de créances, et notamment à élargir leur objet à la titrisation des risques d'assurance. Ces opérations, déjà pratiquées dans d'autres pays et jusqu'à aujourd'hui malaisées à réaliser en France, permettront aux assureurs de rechercher des garanties au-delà du marché traditionnel de la réassurance, en l'ouvrant à de nouveaux investisseurs et en tirant parti du dynamisme des marchés financiers.

Le coût de la réassurance devrait donc baisser sous l'effet de la concurrence et d'un accès plus large aux marchés financiers. Les différents acteurs du secteur pourront faire en France, dans de bonnes conditions, ce qui suppose aujourd'hui d'effectuer des montages complexes ou de passer par d'autres places financières. À l'heure où la titrisation suscite tant de débats, montrons qu'une bonne titrisation est possible, dès lors qu'un cadre réglementaire sérieux est mis en place.

Par ailleurs, cette même directive crée un « passeport européen ». L'agrément unique par l'autorité du pays d'origine permettra donc d'exercer l'activité de réassurance dans l'ensemble de l'Espace économique européen. Voilà encore un bon exemple d'intégration des marchés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, j'espère vous avoir convaincus que le strict respect des normes européennes ne s'oppose pas, bien au contraire, à l'élaboration d'une véritable politique économique pour notre pays, une politique pragmatique dans ses moyens, mais fondée sur des convictions fortes.

Parce que nous croyons à l'individu, nous voulons lui donner les moyens de s'épanouir. Parce que nous croyons à l'Europe, nous voulons lever les derniers obstacles à la libre circulation des personnes. Parce que nous croyons à l'activité économique dans le cadre d'un marché, nous voulons trouver pour ces marchés la meilleure régulation possible. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le projet de loi dont nous abordons l'examen est d'apparence ingrate. Il se situe entre transposition et habilitation.

Mme le ministre de l'économie, des finances et de l'emploi en a exposé la substance. Je ne reviendrai donc guère sur les aspects descriptifs du projet de loi, car je suis très largement d'accord, pour ne pas dire entièrement, avec ce qu'elle vient d'exposer.

Au début de ce bref propos, je tiens à préciser que, malgré leur caractère ingrat, la commission des finances prend très au sérieux ce type de textes.

Nous considérons que notre place est souvent à Bruxelles, auprès des services de la Commission, quand les idées naissent, qu'elles peuvent exercer une influence et déboucher sur de nouvelles normes.

Notre droit évolue beaucoup. Même s'il est encore dans une large mesure le droit positif auquel nous étions accoutumés, il est de plus en plus influencé par d'autres ordres de normes et par un corpus de jurisprudences qui, chaque année, se précisent davantage.

Notre rôle est d'être au fait de ces sujets et en mesure de comprendre les idées qui s'expriment afin de pouvoir faire état de nos propres priorités. Ainsi, nos intérêts seront mieux pris en compte et, le moment venu, le Parlement, mais aussi le Gouvernement, sera parfaitement informé des enjeux.

La transposition est le bout de la chaîne. Or, aujourd'hui, les enjeux, ce sont les textes communautaires en cours d'élaboration, car, par définition, ils feront l'objet des transpositions de demain et d'après-demain.

Je souhaitais rappeler ces évidences au moment d'aborder les textes qui nous intéressent aujourd'hui.

Je rappelle également que, à plusieurs reprises, la commission des finances a souhaité intervenir dans les débats. Qu'il s'agisse, par exemple, des fonds communs de créances ou de la directive sur les marchés d'instruments financiers, la directive MIF, nous avons à plusieurs reprises exposé nos préoccupations et nous nous sommes efforcés de jouer un rôle dans le processus qui a conduit au texte communautaire, puis à sa transposition aujourd'hui.

Par ailleurs, compte tenu de la gestion si difficile du temps parlementaire, bien des sujets techniques ne peuvent être mis en forme que dans le cadre d'habilitations. Plusieurs articles du projet de loi que nous examinons aujourd'hui visent à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance.

À cet égard, je tiens une nouvelle fois à rappeler, mes chers collègues, que la procédure des ordonnances n'est ni un renoncement ni un dessaisissement total du Parlement, car il lui appartient, d'une part, d'habiliter le Gouvernement sur le fondement de principes et non point à l'aveugle, d'autre part, de ratifier, le moment venu, éventuellement après les avoir amendés, les textes issus du travail de l'exécutif.

Le présent projet de loi comporte deux séries de dispositions : les unes sont d'ordre économique, et non d'ordre financier à proprement parler ; les autres sont véritablement au coeur de nos systèmes financiers.

Les articles 3 et 4 ne présentent que des avantages puisqu'ils permettront aux Français et aux résidents des collectivités d'outre-mer de bénéficier de meilleures conditions tarifaires pour leurs communications, notamment téléphoniques.

L'article 10, qui tire opportunément les conséquences du règlement communautaire d'octobre 2004, vise à protéger les consommateurs. Madame le ministre, les explications de vos services concernant les conséquences de cet article sur les pouvoirs, les moyens de travail et les modes d'investigation de la DGCCRF nous ont convaincus.

En revanche, en l'état actuel des choses, nous ne sommes pas tout à fait convaincus par la demande d'habilitation de l'article 5 - il concerne un très grand nombre de professions, probablement plus d'une centaine -, car nous n'en connaissons pas le contour exact.

De plus, cet article concerne non pas les conditions d'établissement définitif sur notre territoire, mais celles dans lesquelles un professionnel d'un autre pays de l'Union peut exercer son métier à titre temporaire sur notre sol. Il s'agit donc de la question de la libre prestation de services. Aussi voudrions-nous être assurés, madame le ministre, que nous ne démonterons pas nos défenses ou nos protections plus que les autres et à un rythme plus rapide que celui qui a été choisi par les autres.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour l'heure, nous ne disposons pas de toutes les informations qui nous seraient utiles.

Par nature, nous sommes méfiants sur ce type de sujets, car nous savons quelles difficultés peuvent poser les approches corporatives. Nous savons aussi que le contexte dans lequel travaille la commission de Jacques Attali fait un peu peur à certaines professions dans notre pays.

Il est donc nécessaire que vous nous éclairiez sur la portée exacte de cette habilitation, que vous nous indiquiez les principes sur lesquels le Gouvernement compte s'appuyer pour rédiger les textes et que vous nous rassuriez sur la nécessaire concertation avec les professionnels. Si vous vous montrez suffisamment convaincante, madame le ministre, nous pourrons aller au-delà de l'amendement de suppression que nous avons adopté en commission.

J'en viens aux aspects financiers à proprement parler de ce texte. Nous abordons par plusieurs aspects les questions relatives à la supervision du système bancaire et financier, ainsi qu'à celle des marchés, dans un contexte caractérisé par l'insécurité résultant de ce que j'appellerai la « crise financière de l'été ». Pour ma part, je préfère cette expression à celle de « crise des subprimes », car j'ai le sentiment que si l'onde n'était pas venue de cette catégorie d'actifs, la crise aurait pu se produire un autre jour, à partir d'une autre catégorie d'actifs.

S'agissant des propositions qui nous sont faites en vue de transposer la législation communautaire, nous vous soutiendrons, madame le ministre, et ce au nom de la compétitivité. À cet égard, je tiens à rappeler, particulièrement aujourd'hui, après le vote de la commission des finances de l'Assemblée nationale sur un sujet lié à la fiscalité des valeurs mobilières, que la commission des finances du Sénat a, en la matière, un objectif essentiel, qui mérite beaucoup de sacrifices, à savoir la compétitivité et l'attractivité de notre territoire.

Si nous avons parfois quelques doutes sur ce qu'il convient de faire, nous donnons la priorité à la compétitivité, à l'attractivité. Nous pensons en effet que c'est la seule solution pour élargir la masse globale des richesses sur laquelle notre pays peut compter et que l'État peut taxer. Il vaut mieux en effet taxer une assiette large plutôt qu'une assiette étroite.

M. Charles Pasqua. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur le fondement de ce vieux principe, nous nous convainquons chaque jour davantage, madame le ministre, que c'est bien une politique de compétitivité et d'attractivité qu'il faut mener. Vous devez donc être totalement soutenue dans vos efforts pour renforcer les caractères propres et l'attractivité de la place financière de Paris.

Je reviens un instant sur la supervision, qui est un élément clé en termes d'attractivité, car celle-ci est le fruit d'un équilibre entre l'activité, ou la fluidité, et la sécurité. S'il faut beaucoup de mouvements, il faut également une grande transparence. Aux yeux des observateurs internationaux et de l'ensemble des investisseurs, l'efficacité de la supervision est une variable clé. Les systèmes de supervision sont mis en concurrence les uns avec les autres, comme tout aujourd'hui dans le monde global.

L'originalité de la crise financière de l'été, c'est le mécanisme à la fois transversal et global de diffusion de l'onde de choc. Pour prendre un exemple, une Landesbank, celle de Saxe, a perdu l'essentiel de ses fonds propres après avoir souscrit à un fonds monétaire dynamique, ou à une série d'instruments de cette nature, dont les actifs comportaient des dérivés de crédits, eux-mêmes représentatifs de risques pris sur des emprunteurs qui se sont révélés non solvables. C'est le fait que les risques ne connaissent plus de frontières qui nous conduit à rappeler, mais vous en êtes convaincue, madame le ministre, que les principes de la régulation doivent évoluer.

Notre système de régulation, même s'il a fait beaucoup de progrès ces dernières années et au fil des lois que nous avons votées, notamment la loi de sécurité financière de 2003, se caractérise par une certaine verticalité.

Les banques sont contrôlées par la Commission bancaire, les assurances par l'Autorité de contrôle des assurances et des mutuelles, les marchés, les entreprises de marché ainsi que les organismes de placement divers et variés étant contrôlés par l'Autorité des marchés financiers.

Nous savons que ces autorités correspondent entre elles, qu'elles ont des rendez-vous réguliers, mais il n'en demeure pas moins que, malgré cette coordination, les règles appliquées sont celles de chaque secteur, ce qui peut, le cas échéant, faire obstacle à une prise en compte globale et réaliste des risques.

Madame le ministre, la commission des finances, qui s'est penchée plusieurs fois sur ces sujets et a exprimé ses convictions, souhaite que l'on veuille bien réfléchir à une évolution de l'architecture de notre système de régulation.

Certes, le président Arthuis et moi n'avons pas toujours les mêmes approches sur l'organisation européenne. En revanche, s'agissant du sujet que je viens d'aborder, nous considérons tous les deux que les régulateurs devront se rapprocher non seulement sur le plan national, mais également à l'échelon européen.

En effet, la Banque centrale européenne a besoin de disposer de tous les tableaux de bord, de tous les éléments d'appréciation et de toutes les données issues du système de régulation, afin que ses interventions soient bien proportionnées, suffisamment réactives et de nature à susciter la confiance des marchés et de l'ensemble des professionnels.

Or deux difficultés structurelles existent encore. Certes, il n'est naturellement pas question ici de critiquer la Banque centrale européenne dans l'exercice de ses responsabilités, responsabilités qui sont précisément décrites par les traités et qu'elle ne peut qu'appliquer. Mais des difficultés réelles existent bien. Je pense notamment, d'une part, au caractère relativement diffus des systèmes de régulation et, d'autre part, au flou, voire au vide, où peuvent se trouver certains interlocuteurs importants pour apprécier la réalité des risques. C'est en particulier le cas pour les agences de notation.

À ce propos, je me permets de vous faire part d'un souvenir tout à fait précis. En 2003, à l'occasion de l'examen du projet de loi de sécurité financière, au nom de la commission des finances, j'avais sollicité un renforcement des compétences de l'AMF à l'égard des professions que je viens d'évoquer. Il s'agissait essentiellement de permettre à cette instance d'examiner leurs activités et de délivrer périodiquement un rapport.

Or, madame la ministre, votre prédécesseur m'avait rétorqué que les analystes financiers et les agences de notation étaient des prestataires privés rémunérés par les entreprises ayant besoin de leurs services, et non des acteurs du système de régulation. Ainsi, et je regrette de le dire, sa réponse revenait en quelque sorte à déclarer : « Circulez, il n'y a rien à voir. »

Or, aujourd'hui, nous sommes éclairés par l'observation de certains phénomènes récents, comme les événements de l'été dernier.

Aussi le rapport que l'AMF diffusera prochainement sur les agences de notation sera-t-il, je le crois, très intéressant. Selon les renseignements dont je dispose, ce document, qui n'aurait pas été simple à rédiger, devrait aborder un certain nombre de questions de fond importantes.

De ce point de vue, demander aux agences de notation de conserver leur dossier de travail pendant quelques années me semble parfaitement logique. En effet, dans certaines circonstances, il sera peut-être utile de réexaminer les conditions d'une appréciation de risques ayant conduit à adopter telle ou telle note pour une créance ou un titre quelconques.

Par ailleurs, la Banque centrale européenne a certainement besoin de s'appuyer sur un dispositif plus complet et plus pertinent que le dispositif actuel, mais elle gagnerait beaucoup, me semble-t-il, à faire preuve de plus de transparence dans ses appréciations, à livrer les comptes rendus de ses réunions internes, à l'instar d'autres banques centrales, ainsi qu'à faire connaître régulièrement son analyse de l'évolution des marchés et à la faire peser non seulement sur la satisfaction de l'objectif de contrôle des prix, mais également sur le niveau de valorisation des actifs à risque.

En outre, madame le ministre, et nous en revenons à la crise financière de l'été dernier et à l'immobilier américain, sommes-nous certains qu'il n'y ait pas, au sein de la zone euro, des poches à risques ou des bulles susceptibles d'éclater sur tel ou tel territoire ou segment de marché ? Le devoir de la Banque centrale européenne n'est-il pas d'examiner régulièrement de tels risques et de communiquer sur les appréciations issues de la délibération de ses instances ? À mon sens, il y aurait là matière à plus ample débat.

Je conclurai en souhaitant que l'on ne caricature pas les propos relatifs aux modes d'action et aux interventions de la Banque centrale européenne. Trop souvent, il existe une sorte de « non-dialogue » convenu entre chacun des pôles. Pourtant, qui oserait affirmer que tout est aujourd'hui parfait dans la mise en oeuvre du système de l'euro ? Qui oserait affirmer que nous n'avons pas besoin de plus transparence et de pluralisme d'opinions dans l'analyse des situations économiques ?

C'est, je le crois, par une telle approche que nous devrions normalement pouvoir sortir de débats trop souvent convenus et, surtout, préparer pour notre pays une place originale au coeur de l'Europe, notamment dans la perspective de l'exercice de la présidence de l'Union européenne au second semestre de l'année 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. J'indique au Sénat que, compte tenu de l'organisation du débat décidée par la conférence des présidents, les temps de parole dont disposent les groupes pour cette discussion sont les suivants :

Groupe Union pour un mouvement populaire, 19 minutes ;

Groupe socialiste, 14 minutes ;

Groupe communiste républicain et citoyen, 7 minutes ;

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, par construction, un texte législatif comportant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire est forcément disparate.

Le présent projet de loi n'échappe pas à la règle. Ainsi, il comporte des mesures qui sont positives, des mesures qui le sont moins, des mesures qui ne le sont pas du tout et des mesures qui sont carrément dangereuses.

Parmi les avancées positives figurent les dispositions relatives à l'extension des droits des consommateurs. Il est vrai que l'Union européenne oblige très souvent notre pays - c'est également le cas en matière environnementale - à évoluer dans le bon sens. Je pense notamment aux articles 1er, 3 et 10 du projet de loi.

L'article 6 concerne un sujet qui avait fait couler beaucoup d'encre, à savoir la rémunération des comptes courants bancaires. Le dispositif proposé a pour objet de permettre à notre pays d'être pleinement en conformité avec les principes du marché communautaire en la matière.

D'ailleurs, monsieur le rapporteur général, dans votre rapport, vous mentionnez l'arrêt de la Cour de justice des Communautés européennes du 5 octobre 2004 Société Caixa Bank France c/ Ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

Mme Nicole Bricq. Toutefois, et je tenais tout de même à le rappeler, s'il s'agit de protéger les consommateurs, on attend toujours que la banque de détail - je ne mentionne que ce seul exemple -, dont les frais ne cessent d'augmenter, soit en capacité d'adresser un relevé annuel des frais à chaque titulaire d'un compte courant. Comme vous ne l'ignorez pas, madame la ministre, pas très loin de chez nous, au Royaume-Uni, les tarifs sont plafonnés à l'année. Notre pays a donc encore beaucoup de progrès à accomplir.

En matière de contrats d'assurance, je voudrais à présent évoquer la disposition figurant à l'article 9 et qui est destinée à faire perdurer la discrimination, fût-elle positive, en faveur des conductrices - il s'agit essentiellement des jeunes conductrices -, lesquelles sont plus prudentes que leurs homologues masculins.

Une telle mesure est contraire au principe d'égalité entre les femmes et les hommes tel qu'il est affirmé par les directives européennes. D'ailleurs, dans son rapport, M. le rapporteur général souligne que la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité, la HALDE, n'a pas été consultée sur le sujet.

À ce propos, permettez-moi de vous rappeler les termes d'une délibération de la HALDE, qui avait alors été saisie par l'une de nos collègues du groupe socialiste, Mme Patricia Schillinger. En l'espèce, une société d'assurances avait lancé une campagne publicitaire à destination des jeunes conductrices selon laquelle celles-ci étant plus prudentes et ayant moins d'accident que leurs homologues masculins, elles pouvaient bénéficier de tarifs préférentiels. Dans sa délibération du 23 avril 2007, la Haute autorité a appelé l'attention du ministère chargé de l'économie et des finances sur la « nécessité de veiller », lors des travaux de transposition de la directive concernée - nous y sommes -, « à la prohibition de la pratique des écarts de tarification à raison du sexe, en matière d'assurance, notamment lorsque les assurances visées sont rendues obligatoires par le législateur ».

Certes, il y a une petite astuce dans le dispositif proposé, puisque l'on peut considérer les actuaires comme une preuve plutôt favorable aux femmes et de nature à justifier une discrimination.

Mais, lorsque j'étais députée, j'ai veillé - cela m'a d'ailleurs valu bien des soucis - à faire en sorte que les dispositions communautaires relatives à l'égalité entre les femmes et les hommes soient rigoureusement respectées, en particulier en matière de droit du travail. Ainsi, à l'époque du gouvernement Jospin, je suis intervenue sur un dossier lourd, à savoir le travail de nuit. Vous me permettrez donc de souhaiter que les principes communautaires s'appliquent partout, y compris dans le domaine des assurances.

Je passe rapidement sur l'amendement tendant à insérer un article additionnel après l'article 8. Il s'agit d'une proposition de M. le rapporteur général et je lui en laisse la paternité. L'amendement vise à introduire une faculté de récusation, par toute personne mise en cause, d'un membre de la commission des sanctions de l'Autorité des marchés financiers. Lors de nos travaux en commission, j'avais demandé à M. le rapporteur général de me préciser les cas qui étaient visés. La lecture du rapport ne m'ayant pas apporté de réponse claire, peut-être son auteur me fournira-t-il quelques éléments d'explication tout à l'heure.

Pour ma part, je concentrerai mon propos sur les articles 2 et 5, qui ont tous les deux pour objet d'amener le Sénat à autoriser le Gouvernement à légiférer par voie d'ordonnance.

C'est une procédure qu'aucun parlementaire n'aime beaucoup, même si elle se révèle quelquefois utile - je le reconnais - pour satisfaire l'intérêt général. Encore faut-il que l'habilitation soit suffisamment encadrée, que son objet ne soit pas laissé à une appréciation technicienne et que la portée en soit pleinement appréciable par le Parlement.

Ainsi, évoquant l'article 5 du projet de loi, qui concerne la reconnaissance des qualifications professionnelles, M. le rapporteur général déclare, à mon sens à juste titre, qu'une telle habilitation est à la fois « tardive et hâtive » et regrette que « le Parlement ait été tenu à l'écart des travaux réalisés par les services » de l'État. Il relève notamment les incertitudes concernant la libre prestation de services, l'absence d'éléments comparatifs de la variable de transposition qu'utilisent les autres États membres, dans la mesure où la directive laisse une latitude à leur appréciation. Il note également que l'on ne connaît ni la liste exhaustive des professions, réglementées ou non, qui seront visées par la transposition ni le lien entre les modifications de la prestation de services et le principe de non vérification des qualifications professionnelles, certaines qualifications pouvant toutefois être soumises à une telle obligation.

Toutes ces raisons le conduisent à relever l'absence de garantie sur les principes retenus par le Gouvernement et à proposer au Sénat, au nom de la commission des finances, la suppression de l'article 5. Nous partageons ce point de vue et nous ne saurions mieux faire que nos collègues du groupe CRC, qui ont également déposé un amendement de suppression.

J'en viens à l'article 2, qui vise à habiliter le Gouvernement à adopter par voie d'ordonnance les dispositions législatives nécessaires à la transposition de la directive 2005/68/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 novembre 2005 relative à la réassurance et à moderniser le régime de fonds communs de créances, ceux-ci devenant des fonds communs de « titrisation ».

Dans l'attente de la directive dite « Solvabilité II », qui devrait refondre la régulation prudentielle de l'assurance dans l'Union européenne, la directive 2005/68/CE a un caractère transitoire.

Tout au long des négociations, la France a insisté sur l'importance d'un tel secteur pour la stabilité financière et sur le degré élevé de sécurité qu'elle souhaitait. L'activité de réassurance étant internationale, notre pays insistait notamment sur l'harmonisation du traitement des réassurances extérieures à l'Union européenne. Or la question n'est pas évoquée par la transposition. Madame la ministre, qu'en est-il ? De même, la clause de nantissement est-elle ou non maintenue dans la transposition ?

Mais je veux insister surtout sur la titrisation en matière d'assurance, et ce dans le contexte des turbulences financières de l'été, turbulences que l'on peut - je crois que M. le rapporteur général a raison d'employer un tel vocable - qualifier de « crise financière ».

Tel le battement d'ailes du papillon, la crise commence par le défaut de paiement des ménages à Sacramento, à Detroit et dans d'autres citées des États-Unis, mais elle aboutit à contraindre les banques centrales - et notamment la Banque centrale européenne - à injecter plusieurs centaines de milliards d'euros sur le marché monétaire.

Au moment même où nous débattons, nous ne pouvons encore apprécier les conséquences de cette crise sur l'économie réelle,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est vrai !

Mme Nicole Bricq. ...mais tous les conjoncturistes s'accordent sur le fait que la croissance, pour 2008 et 2009, s'en trouvera affectée, sans pour autant pouvoir chiffrer avec exactitude cet impact.

En la matière, la Banque centrale européenne, en injectant de la liquidité, s'est portée au secours des banques et des établissements de crédit qui ne pouvaient plus échanger cette liquidité entre eux ; les places bancaires s'en trouvent affectées durablement aujourd'hui.

L'extrême sophistication du traitement du risque par les prêteurs prend une place essentielle dans l'enchaînement fatal dont le déroulement est désormais bien connu. L'inventivité financière étant sans limite, on en arrive à des produits qui sont faits comme une pâte feuilletée, où chaque couche présente un niveau de risque différent, et plus le risque est élevé, meilleure est la rémunération du preneur.

L'opacité est à la mesure de cette sophistication. Le fait de ne plus savoir ce que l'on a en portefeuille conduit à la défiance, dans un secteur où la confiance est vitale. C'est dans un tel contexte que l'on nous demande d'ouvrir en grand les vannes de la titrisation dans le secteur de l'assurance et de la réassurance.

M. le rapporteur général nous invite à ne pas jeter l'opprobre sur une catégorie d'acteurs et de faire « la part des choses » entre la mutualisation et la diffusion ou la dispersion des risques. Il nous propose d'adopter l'article 2 au nom de la compétitivité de la place de Paris. Vous avez utilisé le même argument, madame la ministre.

En tant que Francilienne, je n'ignore pas que la région d'Île-de-France et la Ville de Paris sont partenaires au sein du pôle de compétitivité qui a reçu le label mondial « finance innovation ». Cela ne justifie pas pour autant que nous approuvions ce texte alors que les leçons de la crise bancaire en matière de régulation publique n'ont pas été tirées. Nous ne saurions faire le dos rond en attendant la prochaine crise ; nous savons que chaque année qui se termine par un « 7 », depuis plusieurs décennies, donne lieu à une crise financière et nous avons vraiment l'impression qu'une bulle chasse l'autre, notamment dans le domaine de l'hyperfinanciarisation de l'économie.

Je veux en effet rappeler le principe de la titrisation. Celle-ci a dévié de sa destination originelle qui répondait à une logique de financement. Dans son usage actuel, sa fonction première consiste à éloigner le risque de celui qui le couvre initialement. Dans le domaine de l'assurance, la titrisation existe déjà avec les « cat bonds » du groupe Axa, titres affectés aux risques de catastrophes naturelles. La même compagnie a lancé un programme de couverture du risque de surmortalité en 2006 et une génération nouvelle de titrisation du portefeuille automobile.

Évidemment, le marché n'a pas explosé et la directive pour laquelle vous nous demandez l'habilitation va ouvrir des horizons autrement plus larges que le marché de l'assurance et de la réassurance, en permettant un total accès de ces produits aux marchés financiers.

Ce mouvement banalise le transfert du risque pour les sociétés d'assurances. Au motif du rapprochement des techniques bancaires et assurantielles, il s'agit de sélectionner les risques les plus profitables et de permettre une appréciation de la valeur boursière des sociétés d'assurances. Dans l'attente de la directive Solvabilité II, doit-on bouleverser avec une telle hâte le schéma traditionnel de réassurance ? Nous ne le pensons pas.

Nous mettons en garde le Gouvernement et la majorité qui le soutient, qui veulent légiférer par ordonnance parce qu'ils savent l'important travail législatif qui les attend. Ce faisant, ils encouragent la recherche du gain boursier sans avoir réglé la question de la responsabilité des agences de notation - elles ne sont pas seules en cause, ne cherchons pas de boucs émissaires dans cette affaire -, sans donner les moyens aux autorités publiques de connaître la réalité des bilans en temps réel, sans convaincre nos partenaires européens de la nécessité de nous doter d'un superviseur à l'échelle de l'Union européenne.

Madame la ministre, j'ai bien noté qu'en vue de la prochaine réunion du G7, les 18 et19 octobre prochains, vous appelez à une réglementation plus contraignante sur ces fameux véhicules non comptabilisés dans les bilans et que vous souhaitez une standardisation des degrés de sécurité. Nous ne pouvons que souhaiter que la France soit entendue. Toutefois, compte tenu des intérêts en jeu et des oppositions, madame la ministre, cela demandera du temps.

À notre sens, il faut remettre de la régulation publique dans le jeu des acteurs privés. Je ne suis pas d'accord avec vous, madame la ministre, quand vous affirmez que la régulation existe. Non, il s'agit d'une autorégulation des marchés, et il faut que la puissance publique, sous une forme ou sous une autre, y remette la main. Il convient selon nous de contrôler étroitement les acteurs financiers pour s'assurer qu'ils ne prennent pas des risques excessifs que la collectivité devrait prendre en charge par la suite, comme cela s'est passé avec l'injection de liquidités effectuée par les banques centrales, notamment la BCE, dans la dernière partie de la crise financière.

En attendant que nous y parvenions, vous nous demandez de donner un blanc-seing à une nouvelle marche dans une financiarisation déjà trop excessive : c'est très nettement que nous le refusons !

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, le projet de loi de transposition qui nous est présenté aujourd'hui est complexe et technique.

Madame la ministre, je tiens tout d'abord, au nom du groupe UMP et en mon nom personnel, à vous donner acte de votre volonté d'accélérer quelque peu la transposition de certaines directives européennes et ainsi de rattraper le retard qui nous est préjudiciable au sein de l'Union européenne et qui nous est souvent reproché par nos partenaires. Nous sommes en effet souvent parmi les derniers en matière de transposition.

Le champ d'application de ce texte, présenté de manière très précise par Mme la ministre et complété par M. le rapporteur général, couvre divers domaines : la responsabilité civile résultant de la circulation des véhicules automoteurs, l'égalité de traitement entre les hommes et les femmes dans l'accès à des biens et services et la fourniture de biens et services, ainsi que la réassurance. J'eusse aimé que nous abordions aussi la question de l'égalité de traitement entre les jeunes et les moins jeunes, car notre système d'assurance surtaxe les jeunes,... tout au moins leurs parents. (Sourires.)

Dans le domaine financier, le texte tire les conséquences législatives d'une jurisprudence de la Cour de justice des Communautés européennes concernant la rémunération des comptes courants et tente d'améliorer le dispositif en matière d'information sur tous les émetteurs dont les valeurs mobilières sont admises à la négociation sur les marchés réglementés.

Dans le domaine des télécommunications, ce projet de loi permet, comme vous l'avez justement indiqué, madame la ministre, d'améliorer la circulation des informations et la garantie des individus.

Enfin, et j'y suis particulièrement sensible, ce texte améliore les pouvoirs de la direction que j'ai eu jadis l'honneur de diriger. Il lui est permis désormais d'intervenir en dehors des problèmes pénaux pour assurer une meilleure protection des consommateurs.

Ce projet de loi est donc intéressant, mais ce serait une erreur de n'y voir qu'un texte technique, sans réelle portée normative ou conséquence concrète.

En effet, la politique européenne est encore trop isolée de la vie politique nationale, alors que l'une et l'autre sont de plus en plus imbriquées et que la première pèse de plus en plus sur la seconde. Cette tendance lourde conduit à une forme de « marginalisation » des parlements nationaux, qui voient leur champ de compétence et leur pouvoir législatif se réduire.

Vous nous proposez d'élargir le domaine gouvernemental de transposition par ordonnance. Ma collègue, Mme Nicole Bricq, vous a expliqué que le Parlement n'était guère favorable à ce genre d'initiative. Une telle transposition convient lorsqu'il s'agit de directives qui s'imposent à tout le monde et qui permettent d'améliorer le fonctionnement des marchés.

Toutefois, cela nous oblige, en tant que parlementaires, à nous impliquer plus en amont dans le processus de décision communautaire. Nous disposons déjà d'une antenne à Bruxelles et d'une délégation pour l'Union européenne. En outre, chaque commission, bien au-delà de la commission des finances, est obligée de tenir compte de la dimension européenne et de l'adaptation de la législation française lorsqu'on lui soumet un projet de loi.

Dans le cadre de la modernisation des institutions et du travail parlementaire que nous appelons de nos voeux, conformément aux engagements du Président de la République, nous attendons sur ce point les propositions de la commission présidée par M. Balladur. Il y aura sans doute là quelques éléments nouveaux.

Les États nationaux conservent évidemment une marge de manoeuvre, notamment par le jeu des options. Or, chacun le sait, dans le domaine financier comme dans beaucoup d'autres, « le diable se niche souvent dans les détails ». (Exclamations sur le banc des commissions.) Comme nous y invite notre excellent rapporteur général, M. Philippe Marini, il est clair qu'il faut examiner très précisément les conséquences des directives que vous nous demandez de transposer, afin de comprendre quelles en seront les conséquences pratiques.

En ce qui concerne notamment les consommateurs, les clients des banques et les assurés automobiles, les dispositions que vous nous proposez vont dans le bon sens en termes de mobilité et de garanties.

En revanche, pour ce qui est de l'article 5 concernant les qualifications professionnelles et, surtout, la remise en cause partielle, à plus ou moins brève échéance, de l'ensemble des professions réglementées, la formule retenue me semble un peu lapidaire. Nous savons bien qu'il faudra un jour avoir le courage de s'attaquer à cette question, mais il nous paraît prématuré d'autoriser le Gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires pour transposer par ordonnance la directive du 7 septembre 2005. Madame la ministre, comme le rapporteur général vous l'a suggéré de manière très courtoise et habile, nous attendons que le Gouvernement nous apporte des précisions sur ce qu'il envisage concernant ces problèmes de qualifications professionnelles.

Dans le même esprit, vous avez traité la question de la régulation des marchés financiers en évoquant l'importante crise financière de l'été dernier. Comme vous l'avez justement souligné, madame la ministre, notre pays a été relativement épargné par cette crise, notre système bancaire ayant été moins imprudent que d'autres en matière de fonds communs et de prises de risques sur l'immobilier américain.

À cet égard, notre rapporteur général a tracé la perspective d'une coopération renforcée entre les autorités de régulation nationales et proposé d'associer formellement l'Autorité des marchés financiers au processus de reconnaissance des organismes externes d'évaluation de crédit par la Commission bancaire.

Après les événements que nous avons subis, la chute des cours boursiers, l'assèchement des liquidités bancaires et l'augmentation des taux - je pense notamment à l'Euribor 3 mois qui est passé de moins de 4 % à 4,75 %, ce qui fait beaucoup pour ceux qui travaillent avec des crédits de trésorerie -, il est clair que les organismes de notation doivent modifier leur approche des différents marchés et leurs méthodes de jugement.

J'attends le rapport qui doit prochainement être publié sur le sujet. J'espère qu'un certain nombre de ses recommandations pourront être prises en compte.

Est traitée enfin la question de l'amélioration de la gouvernance des marchés financiers sur le plan tant européen que mondial. M. Marini a abordé ce point sous un angle très habile : il a parlé de l'insuffisante information de la Banque centrale européenne sur les problèmes qui se font jour sur les marchés financiers. Je pense que l'on pourrait pousser plus loin l'analyse.

Nous manquons de réactivité dans le cadre de l'euro et de la Banque centrale européenne. Si l'on compare objectivement la FED, la Réserve fédérale américaine, et la BCE, on constate qu'aux États-Unis cette réactivité existe année après année et sur de longues périodes. Il nous reste donc des progrès à faire. À défaut d'émettre des critiques, on peut suggérer des adaptations : M. Marini songe à une amélioration de l'information ; moi, je penche pour un accroissement de la réactivité.

Certes, la Banque centrale européenne a réagi rapidement pour réinjecter des liquidités sur le marché monétaire. C'est bien, mais insuffisant, car les taux du crédit à court terme sont encore très élevés. À mon sens, elle est encore quelque peu paralysée par un attachement à des doctrines chères, en leur temps, à la Deutsche Bank et à la Banque de France.

Madame la ministre, nous savons pouvoir compter, dans ce domaine, sur votre volonté de transparence et de dialogue avec la représentation nationale. Nous soutenons l'action que vous conduisez dans le cadre du G8 et des réunions avec vos homologues européens.

Soyez également assurée du soutien du groupe UMP du Sénat, non seulement pour l'adoption du projet de loi, mais aussi, plus généralement, pour la mise en oeuvre de la politique ambitieuse de modernisation économique et fiscale que vous menez, conformément aux engagements pris devant les Français par le Président de la République.

Nous avons passé sans trop de difficulté la turbulence qui a affecté tous les marchés. Nous devons en tirer les conséquences afin d'améliorer la régulation, l'information et la transparence de tous les opérateurs. Le texte que vous nous proposez aujourd'hui, en dépit de son apparence très technique, apporte une meilleure information et plus de transparence. C'est la raison pour laquelle nous le voterons. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)