M. Bruno Retailleau. C'est bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ensuite, il serait peut-être un peu exagéré d'affirmer qu'il n'y a aujourd'hui aucun pilotage de l'action publique en matière de numérique. Dans ce domaine comme dans d'autres, le Premier ministre assure la cohérence de l'action gouvernementale, notamment à travers le Comité interministériel pour la société de l'information, le CISI.

Monsieur Retailleau, vous avez, comme les orateurs qui vous ont succédé, mentionné les arbitrages nécessaires sur la question du dividende numérique. L'attribution et la dévolution de ce dividende numérique constituent un sujet crucial, mais qui n'est pas symptomatique d'un manque de pilotage dans l'action de l'État, bien au contraire.

M. Jacques Valade. C'est vrai !

M. Pierre Hérisson. C'est tout à fait exact !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En effet, les arbitrages nécessaires ont jusqu'ici été rendus en temps utile.

Fort opportunément, le Premier ministre a publié ce matin même - comme s'il voulait éclairer la Haute Assemblée en temps réel ! - un communiqué dans lequel sont précisées les directives qu'il fixe à l'Agence nationale des fréquences concernant la conférence mondiale des radiocommunications d'octobre 2007. L'Agence, selon ce communiqué, « devra contribuer au processus d'identification d'une sous-bande de fréquences dont la vocation sera définie ultérieurement ».

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Les positions défendues par la France au sein des instances internationales, doivent préserver l'éventail des choix possibles. C'est une condition pour que le débat sur le dividende numérique puisse avoir lieu de manière ouverte le moment venu. »

M. Bruno Retailleau. C'est parfait !

M. Jacques Valade. C'est ce que nous souhaitons !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Pour préparer ce débat, le Premier ministre souhaite une analyse approfondie et partagée. »

M. Jacques Valade. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Celle-ci devra identifier les meilleurs usages possibles des fréquences libérées, en tenant compte de l'intérêt social, économique et culturel ainsi que des perspectives de développement de l'audiovisuel et des technologies de l'information. »

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Cette analyse sera conduite dans le cadre du Comité stratégique pour le numérique (CSN), placé auprès du Premier ministre.

« Enfin, le Premier ministre veut associer dès à présent pleinement le Parlement à ce débat d'importance nationale. » Il a donc demandé « aux présidents du Sénat et de l'Assemblée nationale de constituer la commission parlementaire du dividende numérique, instituée par la loi du 5 mars 2007 relative à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur ».

M. Jacques Valade. Pour nous, c'est fait !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. « Composée de quatre sénateurs et de quatre députés, cette commission devra se prononcer sur l'utilisation des fréquences libérées par l'arrêt de la diffusion analogique de la télévision. »

Je note la célérité du Sénat, qui a déjà décidé, pour la part qui le concerne, de la composition de cette commission, et je voudrais l'en féliciter : le train des sénateurs est assez véloce ! (Sourires.)

M. Bruno Retailleau. Plus que celui des députés, en l'occurrence !

M. Pierre Hérisson. C'est un TGV ! (Nouveaux sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. En fait, on le constate, l'option en faveur de laquelle vient d'arbitrer le Premier ministre maintiendra ouvertes toutes les possibilités, à l'échelon national, sur cette question fondamentale du dividende numérique.

La position retenue ne préjuge en rien l'affectation des fréquences concernées. Celle-ci se fera, après l'extinction de la télévision analogique, dans le plein respect du développement des usages audiovisuels prévu par la loi du 5 mars 2007.

Pour ma part, vous m'autoriserez à formuler le souhait que la décision qui a été prise permette l'ouverture d'un débat clair...

M. Jacques Valade. Et serein !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. ... sur l'utilisation de cette ressource rare, et un choix ambitieux dans l'intérêt de la France et du numérique pour tous.

Autre question importante : M. Valade, M. Lagauche et M. Ralite m'ont demandé pourquoi ne pas attendre 2011 pour permettre une éventuelle utilisation de la bande UHF par des services innovants de téléphonie mobile. C'est que la mise en conformité avec le plan de Genève négocié en 2006 nécessitera, à l'extinction de la télévision analogique, c'est-à-dire à la fin de 2011, de procéder à un large processus de réaménagement des fréquences. Attendre la conférence mondiale de 2011 pour ouvrir la possibilité d'une utilisation éventuelle d'une partie de la bande par les services mobiles empêcherait, le cas échéant, de profiter de ce réaménagement pour la libérer.

À supposer que la libération ultérieure des fréquences correspondantes soit encore possible, elle ne pourrait alors intervenir que largement après 2011, sans compter le temps incompressible de développement des équipements de communications électroniques correspondants. Dans cette course, à n'en pas douter, les industriels européens seraient alors irrémédiablement dépassés par leurs concurrents d'autres zones économiques ayant décidé cette ouverture dès 2011, car ceux-ci disposeraient d'investissements déjà rentabilisés sur leurs marchés domestiques.

Enfin, monsieur Retailleau, je rappelle qu'il s'agit ici de trancher non pas entre des ministres ou entre des autorités indépendantes, mais entre des usages - tous ayant une légitimité - des fréquences que libérera l'arrêt de la télévision analogique.

M. Jacques Valade. Nous sommes d'accord !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Qu'il existe ou non un commissariat au numérique, vous en conviendrez, la question est d'importance et nécessitera une décision du Premier ministre.

Par ailleurs, la question du dividende numérique est complexe et requiert un travail d'instruction. Le Premier ministre, je l'ai dit, vient de confier cette instruction au Comité stratégique pour le numérique ; nul doute que ce temps d'instruction sera mis grandement à profit.

Toujours en ce qui concerne la réorganisation publique, je voudrais souligner, monsieur Retailleau, que, dans le cas de la télévision mobile personnelle, ou TMP, notre organisation ne semble pas avoir été un frein à la prise de décision. J'ai eu récemment l'occasion de réunir l'ensemble des acteurs industriels concernés afin d'accélérer le lancement de ces services de TMP, qui sont particulièrement porteurs d'avenir, et j'ai signé l'arrêté qui fixe les normes de diffusion de la télévision mobile en France et qui permettra au CSA de lancer avant la fin de ce mois un appel à candidatures.

M. Pierre Hérisson. Très bien !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je forme le voeu que, à l'occasion des événements sportifs mondiaux de 2008, nous soyons en situation de recevoir la télévision sur nos téléphones mobiles, ce qui nous permettra de suivre en direct les exploits des équipes de France. (Sourires.)

M. Jacques Valade. Croisons les doigts !

M. Bruno Retailleau. Vive les Bleus ! (Nouveaux sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je me réjouis - et je tenais à le souligner, car nous n'en avons pas si souvent l'occasion - de l'attitude très favorable de la Commission européenne, qui soutient totalement notre action dans ce dossier de la TMP comme dans celui du dividende numérique. J'ai récemment rencontré Viviane Reding, et j'ai pu constater combien elle souhaitait accélérer le mouvement européen dans ce domaine.

M. Hérisson m'a interrogé sur le cadre réglementaire européen. Les évolutions importantes sont à venir. Je partage le souci de la commissaire Viviane Reding de faire en sorte que les régulations nécessaires qui se mettent en place dans les vingt-sept États membres soient mieux harmonisées. Mais je serai vigilant, car je ne souhaite pas, je vous le dis tout net, que cette indispensable harmonisation se traduise par une instance bureaucratique supplémentaire, une sorte de « super-régulateur » européen qui emploierait des centaines de personnes.

M. Pierre Hérisson. Absolument !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Ce qu'il faut faire, c'est harmoniser la position des régulateurs nationaux qui existent déjà : ce sera un premier pas très important !

Plus généralement, si l'on en juge par les résultats, il n'est pas du tout certain, monsieur Retailleau, que l'apparente dispersion de l'action publique nuise à notre efficacité dans le domaine du numérique.

M. Bruno Retailleau. C'est le travers gaulois ! (Sourires.)

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Je ne vous apprendrai pas, monsieur le sénateur - vous êtes trop averti de ces questions et la qualité de votre rapport d'information en témoigne -, que nous figurons aujourd'hui dans les premiers rangs en Europe pour ce qui est du haut débit et bientôt du très haut débit. Nous sommes également bien placés pour tout ce qui touche à l'administration électronique, ne serait-ce qu'avec le succès toujours croissant de la télédéclaration d'impôts, même s'il y a eu quelques bugs.

Il reste certes des domaines dans lesquels il est vital de progresser. Nous savons tous que la faiblesse de l'investissement de nos entreprises en matière de technologies de l'information et de la communication nous coûte chaque année plusieurs dixièmes de point de croissance, comme je l'ai indiqué au début de mon propos, et que l'équipement des Français en informatique doit encore progresser. La question est de savoir si un Commissariat au numérique nous permettrait d'apporter une meilleure réponse à ces défis.

Ne sous-estimons pas non plus les difficultés qui pourraient naître de la création d'un tel organisme.

Il s'agit d'abord du risque d'une complexité accrue si ce commissariat ne faisait que se surajouter aux structures existantes sans apporter de simplification.

M. Bruno Retailleau. On supprimerait les structures existantes : il y en a une dizaine à supprimer !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Monsieur le sénateur, vous savez très bien que chaque fois que l'on décide de créer un guichet unique, un lieu unique de rassemblement des structures - vous évoquiez à l'instant le « travers gaulois » -, on aboutit malheureusement trop fréquemment à une superposition supplémentaire.

M. Bruno Retailleau. J'espère que ce ne sera pas le cas pour l'ANPE et l'UNEDIC !

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État. Nous verrons !

Il s'agit ensuite du risque de perdre les synergies qu'autorise l'organisation actuelle. Je pense notamment à celles qui découlent du lien entre le pilotage du développement de l'administration électronique et la réforme de l'État ainsi qu'à celles qui naissent de la conjugaison entre l'action de réglementation et de régulation des marchés et le soutien à la recherche et au développement dans le secteur des communications électroniques.

C'est pour exploiter ces synergies qu'ont été rapprochées en 1998, au sein de la direction générale des entreprises, la direction générale des postes et télécommunications et la direction générale des stratégies industrielles.

En conclusion, je voudrais dire que la question de l'organisation de l'action publique dans le domaine du numérique mérite d'être examinée, et je vous remercie, monsieur Retailleau, de l'avoir fait de façon aussi claire et argumentée, tant dans votre rapport d'information qu'aujourd'hui.

J'ai cependant essayé, à mon niveau, de présenter certains arguments qui nous conduisent à privilégier la présence du numérique au sein des missions de l'État et à rester prudent avant d'engager une modification de l'organisation du Gouvernement.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au terme de ce débat, je tiens à vous remercier de votre contribution éminente à ce qui me semble être un débat fondamental pour l'avenir de notre économie, mais plus encore de notre société.

C'est bien un débat de société qui est posé, mais on ne pourra, à mon sens, le trancher qu'en ayant présents à l'esprit tous les défis qu'il nous faudra surmonter, sur le dividende, sur les nouvelles technologies, car ce qui est avant tout en question, c'est la difficulté de notre société et de notre économie à relever le défi de la mondialisation.

Pour ma part, je suis persuadé que nous y répondrons si nous savons utiliser à plein les potentialités que nous donnent aujourd'hui ces nouvelles technologies de l'information et de la communication.

Tout le monde constate aujourd'hui la faiblesse ou l'atonie de la croissance française. Ce n'est pas uniquement affaire de chiffres, monsieur Ralite, car une croissance supérieure permettrait de créer des emplois, d'augmenter le pouvoir d'achat et de fournir des revenus à l'ensemble de nos concitoyens, notamment aux plus modestes. Ce n'est donc pas une question médiocre. Le Gouvernement et sa majorité ont décidé ensemble de surmonter tous ces défis et d'aller pleinement et clairement vers l'avenir que nous offrent ces nouvelles technologies. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Retailleau. Très bien !

M. le président. Ce débat fut tout à fait intéressant, bien que parfois un peu technique.

En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quinze heures.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures vingt, est reprise à quinze heures, sous la présidence de M. Roland du Luart.)

PRÉSIDENCE DE M. Roland du Luart

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

6

Rappel au règlement

M. le président. La parole est à M. Thierry Foucaud, pour un rappel au règlement.

M. Thierry Foucaud. Monsieur le président, mon rappel au règlement est fondé sur l'article 32 relatif à l'organisation de nos travaux.

Aux alentours de midi, les membres de la commission des finances du Sénat ont été avisés par voie électronique de l'audition ce soir, dans le cadre des auditions publiques organisées sur le rôle de l'État dans l'affaire EADS, de Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, qui nous fait d'ailleurs l'honneur d'être présente cet après-midi en séance publique.

Même si ce rendez-vous a sans doute été pris en fonction des disponibilités de Mme la ministre, vous ne pouvez pas nous empêcher d'élever la plus vive protestation à l'encontre d'une décision tendant, de fait, à priver la majorité de nos collègues de pouvoir assister à cette audition publique.

Alors même que nous pouvons nous étonner qu'il n'ait fallu qu'une semaine aux services de l'État pour examiner une situation qui n'avait préoccupé personne, ou presque, pendant cinq ans, nous apprenons, par voie de presse, que le produit des investigations de Bertrand Schneiter, missionné à cet effet par Mme la ministre, sera rendu public à cette occasion.

La méthode retenue pour organiser ces auditions est, à notre avis, particulièrement discutable. Plus que jamais, dans cette affaire, les conditions de la transparence ne sont pas réunies.

Par ailleurs, l'apparente précipitation dont certains ont fait preuve ne favorise pas un travail efficace du Parlement, pourtant porteur de l'intérêt général et expression de la représentation populaire.

Comment ne pas pointer également le fait que, dans le document public concernant la présentation de ses résultats au premier semestre 2007, le groupe Lagardère annonce que la cession des titres EADS lui a procuré une plus-value nette de 472 millions d'euros, somme qu'il convient sans doute de rapprocher des pertes subies par la Caisse des dépôts et consignations sur les obligations convertibles qu'elle a acquises ?

En tout état de cause, la demande de constitution d'une commission d'enquête que nous avons formulée voilà deux jours trouve ici, plus que jamais, toute sa raison d'être. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. Je vous donne acte de votre déclaration, mon cher collègue.

Je rappelle que la commission des finances est souveraine, qu'elle organise son travail comme elle l'entend et qu'elle est particulièrement honorée d'entendre, à tout moment, Mme Lagarde.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Je souhaite, au nom de la commission des finances, répondre à ce rappel au règlement.

Je suis particulièrement surpris des propos de notre collègue Thierry Foucaud, car c'est bien la commission des finances du Sénat qui, la première, a réagi, en organisant des auditions publiques, ouvertes à tous. Tous les sénateurs intéressés ont donc pu entendre, vendredi dernier, Thierry Breton, puis, cette semaine, le directeur général de la Caisse des dépôts et consignations et son directeur des finances, ainsi que le président de la SOGEADE, le holding qui détient les participations françaises dans EADS. Nous travaillons en temps réel et de manière tout à fait transparente.

Vous le savez bien, mon cher collègue, et le président Jean Arthuis l'a rappelé hier en commission, le processus de constitution d'une commission d'enquête est long et lourd. En effet, il faut au moins trois semaines, voire un mois, pour mettre en place le bureau d'une commission d'enquête, disposer d'un secrétariat et être opérationnels pour commencer les auditions de telle ou telle personnalité.

À preuve, référez-vous à la commission d'enquête que l'Assemblée nationale vient seulement de mettre en place sur les conditions de libération des infirmières bulgares...

M. Philippe Marini, rapporteur général. ...et rappelez-vous la date à laquelle ces malheureuses ont été libérées. Voyez la lourdeur du processus !

Ce que nous faisons est à la fois beaucoup plus concret, plus utile, tout aussi ouvert, et beaucoup plus opérationnel.

Monsieur Foucaud, vous êtes intervenu lors de chacune des séances de commission,...

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On n'a pas fini de le faire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. ... et vous êtes le bienvenu ce soir. Nous connaissons votre assiduité et votre intérêt pour ces sujets. La commission souhaite bien entendu que vous-même et les membres du groupe CRC preniez toute votre part dans les débats qui ne manqueront pas de s'instaurer.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Je ne veux pas prolonger le débat, mais, puisque l'opposition est en quelque sorte interpellée, je souhaite dire quelques mots.

Les sénateurs savent très bien qu'une commission d'enquête et une audition par la commission des finances, ce n'est pas la même chose.

Reconnaître les droits des parlementaires, c'est non pas leur offrir la possibilité d'assister à des auditions organisées selon le bon vouloir de la commission des finances, mais répondre favorablement à une demande de constitution d'une commission d'enquête quand des problèmes graves se posent. Le fonctionnement d'une commission d'enquête est fort différent, notamment avec le serment prêté par les personnes auditionnées et les moyens d'investigation dont bénéficient les parlementaires.

J'ajoute qu'interrogé ce matin sur la commission d'enquête que l'Assemblée nationale a décidé de créer sur les conditions de la libération des infirmières bulgares, Axel Poniatowski, à qui l'on demandait si la majorité avait bien fait d'accepter la demande formulée par l'opposition, a répondu : quand on n'a rien à cacher, il n'y a aucune raison de refuser une commission d'enquête. Votre exemple était donc mal choisi, monsieur le rapporteur général. Si vous avez refusé la création d'une commission d'enquête sur EADS, c'est que vous avez des choses à cacher et que vous ne voulez pas donner au Parlement les moyens de mener des investigations.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. J'en donne acte à la commission des finances, le président Jean Arthuis a annoncé hier matin, à l'issue tardive de l'audition des responsables de la Caisse des dépôts et consignations, qu'il examinait la possibilité d'auditionner Mme Lagarde à propos du rapport qu'elle avait demandé sur l'action des services de son ministère et qui devait être publié aujourd'hui même. Nous sommes convenus de le faire, dans la mesure du possible, au moment où Mme le ministre serait disponible.

Il n'en demeure pas moins que je partage complètement, au nom du groupe socialiste, la revendication de la création d'une commission d'enquête, bien que cette procédure soit lourde à mettre en place, et même si je salue la diligence de la commission des finances, qui a pris une initiative heureuse au moment où il le fallait.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Merci !

Mme Nicole Bricq. Hier matin, au nom de mon groupe, j'ai demandé l'audition des partenaires privés, les représentants du groupe Lagardère et ceux d'Ixis, qui a servi d'intermédiaire entre le vendeur et l'acheteur de ce fameux paquet d'actions de EADS. Or ma demande est encore sans réponse.

Si une commission d'enquête était créée, il est évident que nous pourrions entendre tous les protagonistes de cette affaire. Tant que nous ne saurons pas si nous pouvons les auditionner, nous continuerons à demander la constitution d'une commission d'enquête. En effet, il n'est pas vrai que cette affaire sera bouclée, comme vous semblez le croire, en une semaine !

7

 
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier
Discussion générale (suite)

Droit communautaire dans les domaines économique et financier

Adoption d'un projet de loi déclaré d'urgence

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier
Article 1er

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, après déclaration d'urgence, portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier (n° 443, 2006-2007 ; n° 11).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, à l'heure où la France fait son retour en Europe, je suis heureuse de venir présenter devant vous un projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans les domaines économique et financier.

Ce texte nous permettra non seulement de transposer plusieurs directives dont les délais arrivent à échéance, mais également de nous mettre en conformité avec le droit européen, en tirant les conséquences dans notre droit interne de règlements déjà en vigueur.

La meilleure preuve de notre attachement à l'Europe et au droit européen, c'est tout simplement de respecter ses règles. On ne peut pas, d'un côté, faire de grands discours sur la construction européenne et, de l'autre, prendre de mauvaises habitudes. Si nous voulons que nos concitoyens respectent l'État français comme un État de droit, celui-ci se doit de montrer l'exemple. Voilà pourquoi nous avons déclaré l'urgence sur ce texte.

L'Europe offre à la France de formidables opportunités de développement économique.

Notre projet de loi porte sur des domaines aussi divers que les assurances, la finance ou les télécommunications. On y retrouve cependant les grandes lignes du projet européen : plus de garanties pour les individus, plus de mobilité pour les personnes et une meilleure régulation pour les marchés. C'est à travers ce triple prisme que j'aimerais vous présenter ce texte.

Plus de garanties pour les individus, ce doit être une évidence pour des sociétés aussi prospères, aussi libres, en un mot aussi civilisées, que les nôtres. Qu'est-ce que l'Europe, sinon la patrie des individus ?

On consomme aujourd'hui, on épargne pour demain et on s'assure pour après-demain. Nous allons renforcer sur ces trois plans les garanties déjà existantes.

L'article 10 du projet de loi, en adaptant le code de la consommation aux exigences du règlement communautaire 2006/2004/CE, va permettre aux services de l'État d'agir davantage dans l'intérêt des consommateurs, en mettant en oeuvre leurs pouvoirs d'injonction et d'action en cessation devant la juridiction civile, quand bien même aucune sanction pénale n'est prévue par la loi.

La France, première destination touristique au monde, aura les moyens de coopérer pleinement avec les autres États membres de l'Union européenne pour faire cesser les pratiques illicites, notamment en matière de publicité mensongère, de forme et de reconduction des contrats, de garantie des produits, et de clauses abusives.

Je vais vous donner un exemple. Des consommateurs français ont acheté des meubles sur Internet à un antiquaire anglais, qui a encaissé l'argent mais n'a pas délivré la marchandise. Désormais, ces consommateurs pourront s'adresser directement à la DGCCRF, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, qui se mettra alors en relation avec son homologue britannique. La réciproque est bien sûr vraie, par exemple pour des touristes de l'Union européenne qui seraient victimes d'une escroquerie en France.

Plus largement, l'article 10 donne davantage de moyens à la DGCCRF pour remplir ses missions. Dans le domaine de l'immobilier, si sensible pour beaucoup de nos concitoyens, ce sont les professionnels eux-mêmes qui ont demandé un renforcement des procédures de contrôle, afin d'assainir leur réputation qui est, selon eux, quelquefois entachée. Les agents de la DGCCRF pourront demander, à tout moment, la carte professionnelle des agents immobiliers, et vérifier que les propriétaires leur ont bien octroyé un mandat en bonne et due forme pour chaque bien mis en vente.

Ce qu'on ne consomme pas aujourd'hui, on pense bien souvent à le mettre de côté pour demain. Voilà pourquoi l'article 6 vise à supprimer toute base légale à la non-rémunération des dépôts. Certes, un arrêté du 8 mars 2005 a déjà tiré les conséquences de la jurisprudence communautaire qui a prohibé le principe de la non-rémunération des comptes courants. Mais la Commission européenne a confirmé dans un avis récent que la France ne doit pas se contenter de cet arrêté mais doit aller plus loin en inscrivant dans la loi le principe selon lequel la rémunération des comptes courants ne peut être interdite.

Désormais, le droit rejoindra la pratique. Les banques pourront proposer à leurs clients de rémunérer leurs comptes courants conformément aux nouvelles dispositions législatives.

Chacun et chacune d'entre nous consacre une partie de ses revenus à s'assurer contre les risques à venir. En transposant l'article 5 de la directive 2004/113/CE, dite « directive homme-femme », l'article 9 de ce projet de loi rappelle ainsi le principe de non-discrimination en fonction du sexe dans le domaine des assurances.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je ne vous détaillerai pas les différences existant irrémédiablement entre les hommes et les femmes, que la loi ne saurait abolir. Elles justifient en tout cas d'inscrire dans notre droit la possibilité qu'ont les assureurs de proposer des contrats distincts aux représentants des deux sexes. C'est une pratique tarifaire courante dans notre pays, que partagent d'autres États membres de l'Union, comme l'Allemagne ou le Royaume-Uni. Bien entendu, il n'est pas question d'en faire une obligation : les assureurs restent libres de leur choix en ce domaine, et peuvent décider de n'exercer aucune discrimination.

Les différenciations objectives entre les deux sexes s'appuient sur des critères statistiques. Par exemple, si la prime d'assurance décès peut être moins chère pour les femmes, c'est parce que, statistiquement, elles vivent plus longtemps que les hommes. Autre exemple : si la prime d'assurance automobile peut être plus élevée pour les hommes, c'est parce que les accidents qui les concernent sont en moyenne plus graves que ceux des femmes.

Vous le constatez, il y a des injustices de nature dont il est juste que les assureurs puissent tenir compte.

M. le président. C'est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre. Plus de mobilité pour les personnes, c'est sans doute pour nos concitoyens la traduction la plus évidente du projet européen. Elle implique de pouvoir se déplacer sans inconvénients, travailler à l'étranger dans de bonnes conditions et bien sûr, communiquer à des prix raisonnables d'un pays à l'autre.

Se déplacer, ce n'est pas seulement franchir des frontières. C'est aussi pouvoir bénéficier des mêmes services sur l'ensemble du territoire européen. Voilà pourquoi l'article 1er de notre projet de loi achève la transposition de la directive 2005/14/CE relative à l'assurance des véhicules automobiles. Un assureur ne pourra plus désormais résilier un contrat de responsabilité civile automobile ou modifier la prime correspondante au motif que le véhicule séjourne, pendant la durée du contrat, dans un autre État membre.

Travailler à l'étranger, c'est possible depuis longtemps. Les diplômes et l'expérience professionnelle sont reconnus partout en Europe.

Mais à l'heure actuelle, ce ne sont pas moins de quinze directives différentes qui assurent la reconnaissance des qualifications professionnelles.

L'article 5 du projet de loi habilite donc le Gouvernement à transposer la directive 2005/36/CE, qui harmonise et simplifie tous les textes précédents. Grâce à quelques aménagements mineurs, ce sont plus de cent professions, couvrant tous les secteurs d'activité, qui relèveront désormais de la même base juridique et pourront être reconnues dans n'importe quel pays membre. Aussi la circulation des personnes qualifiées en Europe deviendra-t-elle à la fois plus simple pour les citoyens et plus sûre pour les États.

La nouvelle directive a également l'intérêt d'organiser la libre prestation de services à l'échelon européen.

Pour téléphoner d'un pays européen à l'autre sans se ruiner, le règlement (CE) 717/2007 du 27 juin dernier impose déjà aux opérateurs de téléphonie mobile des plafonds tarifaires. Mais ce règlement ne s'applique pas au sein d'un même pays, alors que plusieurs milliers de kilomètres peuvent séparer les territoires ultramarins de la métropole, faisant considérablement augmenter les factures de téléphone portable. Par exemple, un Roumain en vacances en Martinique paye aujourd'hui ses appels vers Paris moins cher qu'un commerçant nantais venu pour affaires !

Afin de remédier à cette situation pour le moins paradoxale, les articles 3 et 4 du projet de loi étendent la portée des plafonds tarifaires à l'itinérance entre la métropole et l'outre-mer.

Une meilleure régulation pour les marchés, c'est peut-être la tâche la plus urgente des gouvernements européens. Je tire deux grandes leçons de la crise financière - ou des turbulences financières, selon la formulation que l'on souhaite employer - de cet été, qui vous sembleront au premier abord contradictoires.

Première leçon, notre place financière a montré ses atouts, en résistant mieux que d'autres. Les efforts de sécurité et de stabilité que nous avons menés se sont révélés payants. Ce qui prouve que la régulation n'entrave pas le bon fonctionnement du marché, mais que, au contraire, sur des marchés aussi sophistiqués que les marchés financiers, elle peut s'avérer extrêmement favorable.

Seconde leçon, les turbulences n'ont épargné personne. Aucune réglementation, aucun barrage, aucune frontière ne met aujourd'hui un pays à l'abri, d'autant qu'elles se propagent rapidement, en particulier par la voie des nouvelles technologies.

Ce paradoxe apparent entre la capacité de résistance qui découle d'une bonne régulation et la potentielle diffusion internationale de la crise s'évanouit si l'on considère que la régulation est par nature transnationale. Pour être bien protégé, il faut s'ouvrir à ces mécanismes de régulation. Pour tirer son épingle du jeu, il faut jouer à plusieurs.

Notre politique de régulation doit donc reposer sur trois piliers : l'intégration des marchés, la transparence des transactions et la compétitivité de la Place, en particulier de celle de Paris. Intégration, parce que la régulation est plus efficace sur un marché non cloisonné. Transparence, parce que la régulation doit pouvoir s'appuyer sur des informations connues de tous. Compétitivité, parce qu'une régulation intelligente et conférant un niveau suffisant de sécurité intéressera les investisseurs et les opérateurs internationaux.

Le projet de loi qui vous est soumis répond parfaitement à cette triple logique.

Plus d'intégration, d'abord : l'article 7 de notre projet de loi vient ratifier quatre ordonnances de transposition, dont celle qui concerne les marchés d'instruments financiers, mieux connue sous la dénomination MIF, et celle qui porte sur les règles prudentielles applicables au secteur bancaire, dénommée « Bâle II ».

La directive MIF améliore l'intégration des marchés européens en supprimant la possibilité pour les États membres d'édicter un principe de centralisation des ordres sur les marchés réglementés. La concurrence entre les différentes bourses européennes sera donc accrue pour permettre une meilleure négociabilité des actions ; et qui dit concurrence dit évidemment, et nous la souhaitons, réduction des frais de transaction pour les investisseurs.

La place de Paris, notamment grâce à la fusion entre NYSE et Euronext, se situe en bonne position. Nous devons y prendre garde. D'autres places européennes veillent ; nous ne sommes pas seuls.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

Mme Christine Lagarde, ministre. Moins de réglementation ne signifie pas moins de régulation : la directive MIF renforce les moyens de coopération entre superviseurs européens en matière d'échange d'informations. Cette coordination a été l'un des ressorts essentiels de la capacité de réaction des places financières françaises, et en particulier du système bancaire et du système d'accès à la liquidité dans les jours qui ont suivi les effets en Europe des turbulences du marché américain des subprimes.

Au niveau non plus européen, mais international, la directive « Bâle II » modernise les règles prudentielles appliquées au système bancaire, en garantissant une meilleure adéquation entre l'exigence de fonds propres et le niveau de risque. À terme, grâce à cette directive, toutes les banques du monde devraient être soumises aux mêmes principes fondamentaux, que l'on pourrait appeler des « principes de précaution universels ».

Plus de transparence, ensuite : l'article 8 de notre projet de loi a pour objet de compléter la transposition de la directive dite « Transparence », transposition déjà menée à bien dans la loi du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie, mais qui nécessite quelques précisions, notamment sur le champ territorial des pouvoirs de l'Autorité des marchés financiers en matière de contrôle des franchissements de seuil. Ces modifications sont rendues d'autant plus nécessaires que l'ensemble des grands acteurs ignorent les frontières et que, en la matière, les franchissements de seuil doivent faire l'objet d'une déclaration extrêmement rigoureuse.

Plus de compétitivité, enfin : c'est dans cette optique que j'ai décidé de mettre en place un Haut Comité de Place, chargé d'identifier les freins au développement de la Place de Paris comme place financière d'excellence, de proposer des solutions pour les lever et d'élaborer une stratégie de développement.

Pour peu que l'on fasse un petit effort, Paris dispose de tous les atouts pour redevenir la grande place financière qu'elle était encore voilà quelques années, en offrant un environnement plus agréable. Mais est-il besoin de vanter la qualité de Paris ? Nous sommes, aux yeux des investisseurs, en concurrence avec la place de Londres ; nous la devançons même si l'on en croit certaines enquêtes. Paris offre en tout cas un environnement plus sûr, plus stable, et mieux coordonné qu'ailleurs.