M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous aussi !

M. Guy Fischer. C'est de la monnaie de singe !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. Je souhaite maintenant revenir sur les différentes mesures proposées par le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. Elles comprennent trois volets essentiels : les mesures de recettes, les mesures relatives à l'assurance maladie et le renforcement de la lutte contre la fraude.

S'agissant des mesures de recettes, qui devraient se traduire par une augmentation de celles-ci d'environ 2 milliards d'euros, je voudrais notamment relever l'alourdissement des contributions applicables en cas de préretraite ou de mise à la retraite, les aménagements de la fiscalité applicable au secteur du médicament, la révision par l'Assemblée nationale du mode de calcul des allégements généraux de charges sociales défini dans le cadre de la loi du 21 août 2007 en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat, et, enfin, l'instauration de contributions patronale et salariale sur les stock-options et les distributions d'actions gratuites.

Nous reviendrons sur ces trois dernières mesures à l'occasion de l'examen des amendements que je vous proposerai au nom de la commission des finances.

S'agissant de l'assurance maladie, l'ONDAM, si rarement respecté, semble plus réaliste pour 2008 que celui qui avait été retenu en 2007.

Plusieurs mesures visant à réguler les dépenses sont également proposées, comme l'instauration de franchises sur les médicaments, les actes paramédicaux et les transports sanitaires, l'expérimentation de nouveaux modes de rémunération des médecins libéraux, des mesures relatives à la démographie médicale, le passage dès 2008 à la tarification à l'activité à 100 % des établissements de santé du secteur public et, enfin, la réforme de la procédure d'alerte sur l'évolution des dépenses d'assurance maladie.

Compte tenu de ces mesures, la branche maladie devrait voir sa situation s'améliorer en 2008, mais elle conservera un déficit très élevé, évalué à 4,1 milliards d'euros.

Des progrès sont donc encore nécessaires. En particulier, il paraît essentiel d'aller plus loin dans la réforme de l'hôpital. Il semble notamment indispensable de procéder à une réforme de la gouvernance des établissements de santé et d'assurer la mise en oeuvre effective du dossier médical personnel, le DMP, qui sera une source d'amélioration de la qualité des soins et d'économies à moyen terme comme à long terme.

Nous venons d'avoir connaissance des conclusions de la mission de revue de projet sur le DMP, qui ne sont pas bonnes. D'ailleurs, j'en parlerai à Mme Bachelot-Narquin, qui nous a affirmé être une militante du DMP. J'en suis heureux. J'aurais l'occasion de l'aider à cet égard.

En effet, le constat est rude. Permettez-moi de reprendre les termes employés par la mission d'audit : le DMP s'est vu attribuer une série d'objectifs à l'évidence hors d'atteinte mais constamment mis en avant par les décideurs successifs ; l'irréalisme de ces objectifs a en permanence placé les acteurs sous la pression des échéances politiques et sous le contrôle direct des cabinets ministériels ; la stratégie actuelle comporte d'importantes zones de risques et d'incertitudes, qui nuisent à la crédibilité et à la lisibilité du projet ; enfin, l'appel d'offres pour désigner l'hébergeur de référence a été lancé de façon précipitée, et le cahier des charges comporte des impasses.

Ces propos confirment l'analyse que j'avais menée voilà deux ans. Je pourrais me réjouir d'avoir eu raison, mais je regrette surtout qu'on n'ait pas davantage tenu compte de mon analyse, ce qui aurait permis de redresser la barre.

Il est aujourd'hui nécessaire de cesser d'improviser, de se fixer des objectifs clairs et de se doter des moyens nécessaires pour les atteindre. Nous aurons l'occasion d'en débattre lors de l'examen des amendements.

Enfin, j'observe que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2008 introduit des mesures visant à renforcer la lutte contre la fraude, laquelle, selon le dernier rapport du conseil des prélèvements obligatoires, représenterait de 8,4 à 14,6 milliards d'euros.

Monsieur le ministre, vous avez souligné tout à l'heure que nous débutions en la matière, mais il faudra peut-être presser le pas : dans les conditions que nous connaissons aujourd'hui, nous ne pouvons absolument plus tolérer qu'un certain nombre d'assurés sociaux utilisent la sécurité sociale pour s'enrichir !

M. Guy Fischer. Et les dépassements d'honoraires !

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis. L'amélioration des échanges d'informations entre les organismes de sécurité sociale et l'administration fiscale, le renforcement des contrôles des arrêts de travail et de certaines dépenses d'assurance maladie, notamment celles qui sont relatives à l'aide médicale d'État, enfin le renforcement de la lutte contre le travail dissimulé, grâce à une meilleure coordination des services de contrôle et à l'instauration d'un redressement forfaitaire, s'inscrivent dans cette perspective.

Si, de façon générale, j'accueille favorablement ces mesures, je pense néanmoins indispensable de poursuivre dans la voie de la maîtrise médicalisée des dépenses d'assurance maladie, de régler la question du dynamisme des prestations de retraites, qui contribue à dégrader dangereusement le solde de la branche vieillesse, évoqué par M. Dominique Leclerc, enfin de réfléchir à un mode de financement de notre système de protection sociale qui soit à la fois pérenne et adapté aux mutations de l'économie.

Alain Vasselle évoque souvent devant nous l'illusion que constituent des recettes non pérennes. Il en est ainsi du tabac : si nous voulons que les Français fument moins, comme c'est déjà le cas aujourd'hui, les recettes diminueront !

De ce point de vue, le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale ne peut apparaître que comme un PLFSS de transition, me semble-t-il. En effet, il doit être replacé dans le cadre des chantiers annoncés par le Président de la République, à savoir la réforme du financement de la protection sociale et la redéfinition du périmètre de cette dernière, la question de la couverture du risque dépendance et les réflexions sur l'avenir des régimes de retraite.

Si ces réformes d'ordre structurel étaient mises en oeuvre, elles pourraient invalider les prévisions pluriannuelles proposées dans ce projet de loi de financement pour 2008 et déboucher, à terme, sur une modification substantielle de l'architecture de notre système de protection sociale.

Alain Vasselle affirme souvent qu'il ne souhaite pas de recettes nouvelles si nous ne nous sommes pas auparavant assurés de la maîtrise des dépenses. Toutefois, compte tenu du vieillissement de la population et du coût des dépenses de santé, il faudra tout de même, à mon avis, chercher très vite une assiette plus large, monsieur le ministre. Sur ce point, le Parlement, et singulièrement le Sénat, pourra vous apporter son aide, me semble-t-il.

Sous réserve de l'adoption par le Sénat des amendements qu'elle a déposés, la commission des finances a émis un avis favorable sur le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce stade du débat, je souhaite m'exprimer sur les questions qui me concernent le plus directement. Valérie Létard et Roselyne Bachelot-Narquin feront sans doute de même tout à l'heure s'agissant de leurs propres dossiers.

Monsieur Vasselle, vous avez signalé que nous souhaitions clarifier les rapports entre l'État et la sécurité sociale. Je reviens sur cette question, car elle me semble très importante, et je concède bien volontiers à M. Jean-Jacques Jégou que nous devons aller plus loin.

Vous soulignez que nous devrions présenter un projet de loi de financement de la sécurité sociale établi en millions d'euros, de la même façon et avec la même précision de chiffrage que le projet de loi de finances.

Je suis assez d'accord avec vous : plus les chiffres sont précis et mieux c'est. Toutefois, vous le savez, les deux dispositifs ont un caractère différent : le projet de loi de finances mesure des dépenses exactes et précises, qui sont réalisées dans le périmètre de l'État, tandis que le projet de loi de financement de la sécurité sociale fixe des objectifs et des orientations. Il est plus difficile d'entrer dans les détails pour le PLFSS, dont l'exécution est d'ailleurs très difficile à contrôler, on le voit bien.

Il me semble donc que, s'agissant du projet de loi de financement de la sécurité sociale, ce niveau de détail est suffisant aujourd'hui, compte tenu des outils dont nous disposons pour réguler la dépense sociale, même si je suis prêt à aller plus loin sur cette question si vous le souhaitez.

Vous avez aussi abordé le problème très important des recettes, en suggérant d'instaurer une taxe à taux faible - 2 %, je crois - sur l'ensemble des niches sociales. Ce sera l'objet de l'un des amendements que vous présenterez, me semble-t-il, monsieur Vasselle.

André Lardeux a également évoqué cette question, que moi aussi j'aborderai volontiers. Toutefois, au-delà du coût des niches sociales, il faut examiner les raisons pour lesquelles ces dernières ont été votées par le Parlement. Avant de revenir sur ces dispositifs, il est nécessaire de mesurer le coût économique et souvent social d'une telle opération.

Certes, nous sommes confrontés à un problème de financement de la protection sociale, mais celui-ci ne sera pas résolu si la suppression des niches « tue », d'une certaine façon, l'assiette des ressources, par exemple en provoquant du chômage. En effet, si nous revenons sur une partie des dispositifs permettant l'exonération des cotisations sociales, nous augmentons le coût du travail, ce qui provoque un accroissement du chômage, et donc une diminution des recettes liées à l'activité.

L'assiette de la protection sociale constitue pour nous une question majeure, sur laquelle notre réflexion doit évoluer dans les prochains mois.

Vous le savez, mesdames, messieurs les sénateurs, le Conseil économique et social a été saisi de cette question et il se prononcera d'ici à la fin de l'année - je ne diffère donc pas de six mois ou d'un an la prise en compte du problème ! Ses conclusions nous éclaireront et nous permettront de mener à bien la tâche que nous a confiée le Président de la République, à savoir rendre les arbitrages nécessaires pour assurer à la protection sociale un financement pérenne, en suscitant un consensus, ou du moins un débat politique approfondi, entre ses différents acteurs.

S'agissant de l'hôpital, monsieur Vasselle, le Gouvernement partage votre souci de ne pas remettre en cause le principe de convergence entre les établissements publics et les établissements privés, et nous mènerons ce rapprochement jusqu'à son terme. Si nous supprimons l'objectif intermédiaire de convergence à 50 % des tarifs en 2008, c'est par souci de sincérité, pour ne pas continuer à afficher un objectif qui, aujourd'hui, n'est pas réalisable.

Toutefois, comme Roselyne Bachelot-Narquin le rappellera sans doute, nous avons bien l'intention d'atteindre cet objectif de convergence en 2012, car c'est tout à fait essentiel.

Monsieur Vasselle, nous aurons sans doute l'occasion de revenir sur les autres points de votre riche intervention lors de nos débats.

Monsieur Lardeux, vous avez souligné que les excédents à venir de la branche famille devraient nous permettre d'alléger les cotisations et de faire face aux besoins des autres branches. Cette piste, que j'avais déjà évoquée lors du débat sur les prélèvements obligatoires et leur évolution, doit être explorée avec soin, me semble-t-il. Là encore, il faudra en discuter : j'ignore si cette solution sera choisie in fine, mais le débat mérite d'avoir lieu, et il faudra arbitrer entre les différentes utilisations des excédents.

Vous avez également évoqué la clarification des rôles entre l'État et la sécurité sociale, que vous considérez comme une priorité. Je me suis moi-même exprimé sur ce sujet, et je partage votre opinion. Nous allons poursuivre l'apurement de la dette de l'État à l'égard du BAPSA pour des montants qui ne sont certes pas suffisants, mais qui seront clairement établis, au moins dans la loi de finances rectificative.

S'agissant des ressources pérennes destinées au FFIPSA, j'ai pris, avec le ministre de l'agriculture, des engagements plus précis que ceux de mes prédécesseurs, afin qu'une solution pérenne soit trouvée en 2008.

J'ai regretté d'ailleurs qu'Yves Censi ait démissionné de la présidence du comité de surveillance du FFIPSA, comme Jean-Jacques Jégou l'a rappelé. Pour ne rien vous cacher, mesdames, messieurs les sénateurs, je n'ai pas très bien compris son geste, et je le lui ai dit.

En effet, ce n'est pas au moment où nous nous efforçons de susciter un débat de fond sur la pérennité du FFIPSA, débat qui sera lancé dès que nous aurons achevé l'examen du projet de loi de financement de la sécurité sociale et du projet de loi de finances pour 2008, que le président du comité de surveillance de cet organisme doit démissionner !

Il y a eu, me semble-t-il, un malentendu entre nous sur les dispositions de l'article 65 de la loi de financement de la sécurité sociale, qui portent sur la gouvernance de la caisse centrale de la Mutualité sociale agricole, sans aucun lien, par conséquent, avec le financement du FFIPSA, et qui tiennent pleinement compte des souhaits des organisations agricoles. Je crois qu'en réalité Yves Censi se trouve dans le même état d'esprit que nous. J'espère en tout cas qu'il continuera de contribuer à ce chantier - en fait, je ne doute pas qu'il le fera.

Enfin, monsieur Dominique Leclerc, vous avez salué les orientations qu'a prises le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale en faveur de l'emploi des seniors, et je vous en remercie. Il s'agit là, il est vrai, de la clef du retour à l'équilibre de la branche vieillesse et d'un défi majeur, que nous devrons relever collectivement en 2008, après le rendez-vous relatif aux régimes spéciaux de retraire.

Une fois encore, le débat aura lieu, et Valérie Létard et Xavier Bertrand apporteront toutes les réponses aux questions que vous avez posées, messieurs les rapporteurs.

De même, Valérie Létard répondra à M. Gérard Dériot, qui s'est interrogé sur la branche accidents du travail et maladies professionnelles, notamment sur les enjeux essentiels liés au FCAATA ; nous observons d'ailleurs tous les jours les conséquences dramatiques de l'amiante.

Monsieur Jégou, j'ai déjà répondu en partie à votre intervention, qui était extrêmement riche. Je reviendrai seulement sur le remboursement de la dette de l'État à la sécurité sociale, puisque cette question nous oppose amicalement. Il ne s'agit pas d'une opération magique, et l'argent qui est versé n'est ni de la pacotille ni de la monnaie de singe, comme je l'ai entendu affirmer.

M. Guy Fischer. Mais si !

M. Éric Woerth, ministre. Il s'agit de sommes sonnantes et trébuchantes ! Ce remboursement est clair et net, et des ressources tirées des privatisations ont été consacrées à l'apurement de la dette de l'État à l'égard de la sécurité sociale.

Pour ma part, j'aurais préféré que cette opération fasse l'objet d'un vote et soit inscrite dans la loi, solution qui n'a pas été retenue, et vous le reprochez à juste titre, monsieur Jégou. Toutefois, je souhaite surtout que ces sommes ne s'accumulent pas année après année, comme ce fut le cas dans le passé.

Confronté à ce problème, j'ai souhaité le résoudre le plus vite possible, afin de soulager la trésorerie de l'ACOSS et d'éviter que cette dernière ne dépasse le plafond de trésorerie et d'emprunt voté par le Parlement. Nous ferons donc en sorte que ce phénomène ne se reproduise pas.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur. On vous y aidera monsieur le ministre, si vous le voulez bien !

M. Éric Woerth, ministre. Je ne doute pas, monsieur Jégou, que nous emploierons nos forces dans le même sens !

Il y a donc bien une diminution de la dette de la sécurité sociale, qui se traduit par une réduction des frais financiers.

Cela dit, vous avez évoqué également les problèmes posés par la CADES, sur lesquels nous reviendrons au cours de nos débats.

Aujourd'hui, la dette de 2007 est logée au sein de l'ACOSS, de même que quelques autres, notamment le reliquat du déficit de 2006. Elle y prospère, mais ni plus ni moins que la dette gérée par la CADES ! Les frais financiers qu'elle suscite, et qui sont remboursés, sont à peu près les mêmes (M. .Jean-Jacques Jégou, rapporteur pour avis, manifeste son scepticisme.), et au sens du traité de Maastricht, ces sommes, qu'elles pèsent sur la CADES ou sur l'ACOSS, constituent toujours de la dette publique.

Je reconnais bien volontiers qu'il existe, d'une part, un instrument qui est fait pour la dette et, d'autre part, un outil de gestion ; mais, quoi qu'il en soit, cette dette est bien logée et visible.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur. Il y a tout de même un spread entre les deux !

M. Éric Woerth, ministre. Certes, mais l'écart est aujourd'hui positif en faveur de l'ACOSS, où la dette coûte un peu moins cher qu'à la CADES, pour des raisons qui tiennent à la structure actuelle des taux.

M. Jean-Jacques Jégou, rapporteur. Mes informations sont différentes !

M. Éric Woerth, ministre. Je vous donnerai les chiffres précis si vous le souhaitez, monsieur Jégou !

Tels sont les éléments que je souhaitais apporter en réponse aux interventions des rapporteurs. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi qu'au banc des commissions.)

M. le président. Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. Paul Blanc.

M. Paul Blanc. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, qui, on l'a déjà souligné, est le premier de la législature, prouve que le Gouvernement est déterminé à lutter contre les déficits. Nous ne pouvons qu'applaudir la volonté ainsi mise en oeuvre, qui permettra de redresser les comptes à hauteur de près de 4 milliards d'euros.

Je le rappelle, sans la réforme de l'assurance maladie engagée en 2004 et poursuivie par Xavier Bertrand, alors ministre de la santé, le déficit aurait augmenté de plus de 6 milliards d'euros en 2006.

Ce redressement nous prouve que, avec la volonté nécessaire, la gestion des deniers publics peut échapper à la fatalité de déficits toujours croissants. Le présent projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit résolument dans cette perspective, en confortant les efforts déjà entrepris et en posant les fondations d'une gestion renouvelée.

Nous devons tout faire pour permettre aux générations futures, dont nous ne pouvons hypothéquer l'avenir, de préserver une protection sociale fondée sur la redistribution. Cette responsabilité, je n'en doute pas, est présente à l'esprit de chacun d'entre nous.

Nos concitoyens sont légitimement attachés à leur modèle social, construit autour d'un principe fondamental, la solidarité nationale. Mais le maintien d'une protection sociale de qualité ne peut être garanti par l'immobilisme ou l'aggravation des dépenses. D'autres voies sont possibles, et, en élisant le Président de la République, nos compatriotes ont affirmé clairement qu'ils étaient prêts à les emprunter. Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale traduit leurs aspirations en proposant de refonder notre système de protection sociale sur des bases assainies.

Cette volonté de refondation transparaît dans des mesures destinées à remettre la sécurité sociale sur la voie du redressement financier.

Permettez-moi de revenir sur quelques mesures fortes du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

S'agissant de l'emploi des seniors, je rappelle que le travail est au coeur de notre solidarité. Or, contrairement à ce qu'on a voulu faire croire, le travail n'est ni une punition ni une denrée rare. Il est la condition première de création de richesses : sans richesses, le financement de notre protection sociale ne peut être assuré, tant il est évident qu'on ne peut distribuer l'argent que l'on n'a pas ! (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Bernard Cazeau. C'est vrai ! Lapalisse n'aurait pas dit autre chose !

M. Paul Blanc. Pourtant, au lieu d'encourager le travail et l'esprit d'entreprise, notre système les bride. En témoigne le taux d'emploi des personnes âgées de cinquante-cinq ans à soixante-quatre ans : alors qu'il s'élève à 45,3 % en moyenne dans l'Europe des Quinze, il n'atteint que 37,6 % en France et est bien éloigné de l'objectif de 50 % fixé pour l'horizon 2010 par la stratégie de Lisbonne.

Alors que l'espérance de vie ne cesse d'augmenter et que les jeunes entrent dans la vie active de plus en plus tard, nous ne pouvons plus nous permettre de traiter les quinquagénaires et les sexagénaires comme des parias. Ils méritent d'avoir une place dans la société active, et la société active a besoin d'eux.

Pour inverser la logique infernale qui les exclut toujours plus du marché du travail, le Gouvernement propose de décourager toute mise à la retraite subie en supprimant les incitations au départ prématuré à la retraite. Afin de détourner les employeurs du recours systématique aux préretraites, le taux de la contribution patronale est doublé pour atteindre 50 %, alors que les allocations de préretraite sont soumises à un taux de CSG identique à celui d'un revenu.

Le même principe est retenu pour les retraites d'office : les indemnités versées au salarié ne sont plus exonérées de contribution patronale. Le départ à la retraite doit aussi correspondre à une logique économique, et non plus uniquement à une aubaine fiscale pour les salariés ou pour les employeurs.

En effet, toutes ces incitations au départ à la retraite anticipé allaient à contre-courant de la volonté du Gouvernement de modifier les comportements pour conforter notre système de retraite par répartition.

La commission des affaires sociales, sur l'initiative de son rapporteur pour l'assurance vieillesse, Dominique Leclerc, a souhaité aller plus loin. Le débat aura lieu à l'occasion de l'article 10. Mais il est aujourd'hui indispensable de clarifier l'avenir des retraites. Ce sera l'objet central du rendez-vous de 2008, qui ne saurait être réduit à un simple rendez-vous d'ajustement financier destiné à rétablir l'équilibre des comptes.

En ce qui concerne la franchise, comme il se doit, le Gouvernement met en oeuvre, à travers ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, la volonté du Président de la République. Celui-ci a en effet rappelé que la solidarité nationale devait fournir un effort particulier pour combattre la maladie d'Alzheimer et poursuivre la lutte contre le cancer.

Toutefois, il ne s'agit en aucune manière de pénaliser nos concitoyens. C'est pourquoi la franchise médicale ne dépassera pas 50 euros par personne et par an. C'est également pour cette raison qu'elle ne concernera ni les titulaires de la CMU, ni les enfants, ni les femmes enceintes, comme vient de la rappeler M. le ministre. Au total, 15 millions de nos compatriotes en seront exonérés.

Dans le même esprit, à l'occasion de l'examen de l'article 35, je défendrai avec plusieurs de mes collègues un amendement de bon sens visant à exonérer de franchise les médicaments à bas prix, ainsi qu'à dispenser de la franchise les personnes handicapées percevant l'allocation aux adultes handicapés. (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Paul Blanc. Concernant les mesures relatives aux professionnels de santé et à l'hôpital, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie a été fixé à 2,8 % pour 2008.

M. Alain Vasselle, rapporteur. L'article 40 !

M. Paul Blanc. Comme vous l'avez souligné, monsieur le ministre, cet objectif est tout à fait réaliste, grâce non seulement aux mesures structurelles du projet de loi de financement de la sécurité sociale, mais aussi à celles qui ont été prises dès le second semestre de l'année 2007.

Pour parvenir à cet objectif, le Gouvernement propose d'inciter les acteurs de notre système de santé à modifier leurs comportements en se préoccupant autant de la nécessaire qualité des soins et des services apportés au patient que de l'impact économique de leur acte professionnel.

Il faut en finir avec la vision absurde qui oppose systématiquement la santé et l'économie, comme si les deux étaient irréconciliables. (M. Guy Fischer s'exclame.) À force de rester bloqués sur ce schéma idéologique, nous en avions oublié qu'une couverture santé généreuse passe nécessairement par une bonne gestion des ressources qui lui sont consacrées.

Par ailleurs, le Gouvernement prévoit d'instaurer des mécanismes conventionnels pour responsabiliser les acteurs de notre système de santé. Loin d'impliquer leur soumission forcée à des exigences abstraites, cette responsabilisation sera bien sûr fondée sur leur consentement. À titre personnel, je suis très favorable à la politique de conventionnement. Elle sera volontaire et pragmatique. L'accord sera proposé à tout praticien dont le taux de prescriptions - notamment les arrêts de travail - se révélera largement supérieur au taux moyen de sa région.

Ces mécanismes conventionnels visent également à encourager les bonnes pratiques des médecins libéraux. Ceux qui souhaitent aller plus loin en matière de prescription, de participation à des actions de prévention et de dépistage au bénéfice de leurs patients, d'amélioration de la continuité et de la coordination des soins, ainsi que de la participation à la permanence des soins pourront eux aussi conclure des accords d'amélioration de leur pratique.

Mais le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne se limite pas à ces seuls aspects conventionnels. La maîtrise des dépenses de sécurité sociale passant nécessairement par l'incitation de chaque assuré à contrôler les siennes, le texte prévoit une obligation d'information qui imposera aux professionnels de justifier les compléments d'honoraires facturés à leurs patients.

J'en viens maintenant à la problématique de l'hôpital et à la T2A. Les praticiens ne sont pas les seuls concernés. Le système hospitalier, dont chacun sait le malaise qui le mine, fait lui aussi l'objet de mesures spécifiques dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale. Il s'agit même de l'un de ses aspects fondamentaux, à la hauteur de la place qu'occupent les hôpitaux dans notre système de santé.

Dans son allocution du 16 octobre dernier au CHU de Bordeaux, le Président de la République a affirmé sa détermination à ne pas laisser l'hôpital stagner dans l'immobilisme et le conservatisme au détriment de la qualité des soins fournis.

Or la meilleure garantie de qualité des soins fournis par un hôpital tient à l'efficacité de son fonctionnement. Pour l'encourager, le Gouvernement modifie le mode de financement des hôpitaux. Celui-ci dépendra désormais à 100 % de la T2A. Cette mesure a pour conséquence pratique immédiate l'autonomie de gestion de l'hôpital. Concrètement, elle incite l'hôpital à réorganiser ses services, la gestion de carrière de ses personnels, sa recherche, bref, à repenser l'ensemble de son fonctionnement afin qu'il accomplisse au mieux les lourdes missions qui lui incombent.

Notre groupe approuve cette mesure forte pour l'hôpital public. Nous souhaitons que cette réforme réponde au voeu qu'a formé le Président de la République pour qu'aucun établissement public de santé ne soit en déficit à la fin de son mandat.

Nous suivrons avec intérêt les résultats de la mission confiée à notre collègue Gérard Larcher par le Président de la République, et les mesures concrètes de modernisation de l'hôpital que le Gouvernement sera amené à prendre.

S'agissant de la branche famille, notre groupe soutiendra la proposition du rapporteur André Lardeux, qui vise à mettre en place un système expérimental d'information recensant toutes les possibilités de garde d'enfant sur un territoire donné, informant les parents des coûts correspondants et facilitant l'inscription des enfants. Vous n'êtes pas sans savoir, madame la secrétaire d'État, que les parents rencontrent de grandes difficultés pour faire garder leurs enfants. (Mme la secrétaire d'État acquiesce.)

Il est donc urgent de développer les modes de garde moins chers et plus faciles à mettre en oeuvre que les structures d'accueil collectives.

M. Guy Fischer. Et voilà ! On régresse !

Mme Odette Terrade. C'est le retour à la nourrice !

Mme Annie David. Si les mères pouvaient rester chez elles pour garder leurs enfants !

M. Paul Blanc. Certains enfants sont gardés dans des conditions moins onéreuses : ils n'en sont pas pour autant moins bien gardés !

Sur ce point, nous saluons l'effort du Gouvernement : 72 000 places en crèche et en halte-garderie ont été financées depuis 2002.

En ce qui concerne la sanction des abus, la raison d'être du projet de loi de financement de la sécurité sociale est de maintenir et développer une couverture sociale de qualité pour nos concitoyens. La préservation de ces prestations, qui font de notre système l'un des meilleurs au monde, est cependant fragile, et une multiplication des abus pourrait le fragiliser dangereusement.

Mme Raymonde Le Texier. C'est marginal !

M. Paul Blanc. Non seulement la fraude déstabilise économiquement notre système, mais elle porte aussi atteinte à la solidarité nationale, ce que nous ne pouvons tolérer.

M. Guy Fischer. Et les dépassements ?

M. Paul Blanc. J'en parlerai en présentant mes amendements, monsieur Fischer !

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale prévoit donc, pour y faire face, des moyens que nous soutiendrons.

Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, la sécurité sociale fait partie du patrimoine commun des Français depuis la Libération. L'étendue exceptionnelle de ses prestations a contribué à la renommée de la France dans le monde. Afin de nous montrer dignes de cet héritage, nous devons faire preuve de volonté et de créativité pour le préserver et pouvoir le transmettre à notre tour. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Alain Vasselle, rapporteur. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer.

M. Guy Fischer. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, avec en toile de fond un climat social plus que tendu et un mouvement revendicatif qui s'est déjà exprimé et qui est sur le point de s'exprimer de nouveau, le rejet de la réforme des régimes spéciaux de retraite, le refus des réductions massives d'effectifs dans la fonction publique, la défense du pouvoir d'achat, de l'emploi et du service public, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s'inscrit dans la droite ligne de l'accélération sans précédent de la politique antisociale du Gouvernement. Il accentue la mise en oeuvre d'une maîtrise hypocritement dite « médicalisée » des dépenses de protection sociale, au détriment des familles qui vont débourser plus encore, alors même que l'on poursuit les allégements de charges pour les entreprises.

Je schématiserai ce texte ainsi : refus de dégager les moyens du financement de la protection sociale, démantèlement « pierre après pierre » de notre système solidaire et marche bien entamée vers une société individualiste et inégalitaire.

Vous me direz, comme souvent, que je suis provocateur. Mais, en la matière, vous détenez la palme ! Comment osez-vous prétendre ne pas vouloir léguer la dette aux générations futures en laissant courir 30 milliards d'euros de déficits et dettes cumulés pour l'ensemble des régimes et des fonds, avec un plafond d'avances que l'on n'a jamais connu à cette hauteur, et en octroyant parallèlement 15 milliards d'euros de nouveaux cadeaux fiscaux avec la loi TEPA ?

Comment osez-vous prétendre mettre en place une politique de prévention ambitieuse, en instaurant de nouvelles franchises, ces impôts sur la maladie que vous ne craignez pas d'imposer aux plus démunis de nos concitoyens, ceux-là mêmes qui, déjà, renoncent aux soins les plus élémentaires ?

M. Alain Vasselle, rapporteur. C'est faux ! Ils en sont exonérés !

M. Guy Fischer. Malgré la preuve faite de l'inefficacité, donc du lamentable échec, du plan Douste-Blazy censé rétablir l'équilibre en 2007, que l'on nous promet à présent pour 2012, vous n'en continuez pas moins avec les mêmes recettes, la même logique et une dose de cynisme supplémentaire, comme nous le verrons en commentant les mesures que vous proposez.

Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Pour la totalité du régime général, le déficit devrait s'établir, cette année, à près de 12 milliards d'euros ! Il s'agit d'une prévision a minima qui aurait dépassé les 14 milliards d'euros si l'on avait intégré les fonds de financement, à savoir le FFIPSA et le FSV, et si l'État ne s'était enfin résolu à compenser une partie de sa dette à la sécurité sociale à hauteur de 5,1 milliards d'euros, au lieu des 6,7 milliards d'euros effectifs car des dettes demeurent. Nous ne pouvons certes que nous réjouir d'avoir été enfin entendus, mais gardons à l'esprit que cela concerne la dette au titre de 2006 et des années précédentes.

La branche maladie accuse un déficit de 6,2 milliards d'euros, au lieu des 3,9 milliards d'euros attendus. En ce domaine, toutes les mesures prises confirment votre volonté de pressurer plus encore les assurés sociaux. Le ton a été donné, dès le mois de juillet, lorsque le Gouvernement, avec le soutien du MEDEF,...