M. le président. La parole est à M. Pierre Bernard-Reymond.

M. Pierre Bernard-Reymond. Madame la ministre, monsieur le ministre, dans le cadre d'un projet de loi de finances globalement positif, vous avez choisi de présenter un budget qui, du point de vue de l'équilibre des finances publiques, n'aggrave pas la situation, mais qui ne l'améliore pas beaucoup non plus.

S'il s'agit de donner le temps nécessaire au Gouvernement pour réaliser les deux grandes revues générales indispensables des politiques publiques et des prélèvements obligatoires, je souscris à cette stratégie.

Si vous en attendez également une relance, je suis plus réservé. En fait, ce choix pose tout le problème de l'importance respective que l'on accorde à la politique de l'offre, à la politique de la demande, à la compétitivité et à l'équilibre des finances publiques dans la construction de notre croissance.

J'ai voté sans aucune arrière-pensée en juillet - et je ne le regrette pas - la loi dite TEPA, tout en pensant qu'elle créerait davantage un état de confiance qu'un choc de relance. À vrai dire, les politiques de relance sont-elles encore adaptées à la situation présente ?

Nous sommes dans une économie ouverte.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Pierre Bernard-Reymond. Une grande partie des sommes que nous pouvons injecter - au demeurant, nécessairement modestes - s'évanouissent dans l'économie mondiale en déséquilibrant de surcroît un peu plus notre commerce extérieur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Exact !

M. Pierre Bernard-Reymond. Une autre partie se réfugie dans l'épargne, si bien que la part utile à la relance n'est pas aussi importante qu'on pourrait l'espérer.

En supposant même que les deux-tiers de la loi TEPA aient une influence sur la conjoncture française, que représentent 5 milliards d'euros au regard des 1 791 milliards d'euros du produit intérieur brut français ?

Le rapport coût-rentabilité d'une politique de relance devient de plus en plus faible. Nous devons donc nous interroger sur les leviers de croissance actuels.

Ayons d'abord la modestie de considérer que le taux de croissance ne dépend pas que de nous. La conjoncture internationale y est pour beaucoup, et ce sera de plus en plus vrai au fur et à mesure que les économies s'intégreront.

Or la conjoncture pour 2008 ne se présente malheureusement pas sous les meilleurs auspices. L'augmentation du prix du pétrole et des matières premières agricoles, le niveau de l'euro, les tensions inflationnistes, la crise des subprimes - qui ne s'est certes pas encore diffusée à l'économie réelle, mais dont l'inventaire n'est pas terminé -, l'inquiétude des bourses, la perturbation du marché du crédit, la crainte de voir monter les taux d'intérêt ainsi que les risques géopolitiques dessinent un tableau qui a conduit les conjoncturistes à faire des estimations du taux de croissance mondial à la baisse, c'est-à-dire en dessous de 5 %.

En revanche, quels sont les domaines dans lesquels nous pouvons avoir une politique réellement volontariste entraînant à terme notre taux de croissance et nous permettant de profiter au maximum de la croissance mondiale lorsqu'elle est là ?

Globalement, il y en a au moins deux : je pense certes à la politique de l'offre, de l'accroissement de notre compétitivité, mais également à la gestion équilibrée de nos finances publiques.

Nous savons tous que notre pays a besoin de profondes réformes de structure, qui doivent à moyen et long terme débrider notre économie et lui rendre sa productivité et sa compétitivité. Tout ce que vous avez rappelé ce matin, madame la ministre, monsieur le ministre, va dans le bon sens et reçoit mon total soutien. Le pays, dans ses profondeurs, a ressenti cette nécessité et a élu le Président de la République capable de conduire et d'entraîner ce changement.

Depuis, le travail du Gouvernement, soutenu par une majorité solide, a été considérable. II faut poursuivre cette politique dans tous les domaines, dans la concertation, en expliquant clairement à l'opinion publique la réalité de la situation et les enjeux qu'elle représente, tout en l'assortissant d'un constant souci de répartition équitable des efforts afin que la plus grande partie de la nation y adhère.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Pierre Bernard-Reymond. Mais cette politique de rupture ne sera pas complète si cette ambitieuse action réformatrice s'arrête aux portes du budget, lequel présente, par ailleurs, de très bonnes orientations et décisions.

La stabilisation de la dépense publique à assiette élargie, même si cette année ce sont l'Europe et les collectivités locales qui y contribuent le plus, la réserve importante mais nécessaire de 7 milliards d'euros, l'effort réalisé au profit de la justice, de la recherche et de l'innovation, l'aide au logement, la réglementation des parachutes dorés ainsi que l'annonce d'un budget pluriannuel dès 2009, sont autant de mesures extrêmement positives. Mais nous restons un peu sur notre faim en matière de rééquilibrage des finances publiques !

Je suis de ceux qui pensent que l'équilibre budgétaire est l'un des éléments constitutifs de la croissance et que notre dette leste trop lourdement l'essor de l'économie française. Des exemples étrangers viennent conforter mes propos.

Ainsi, après avoir adopté des mesures difficiles et courageuses, le Canada profite aujourd'hui du résultat de ses efforts : ce pays attendait pour 2007 un excédent de 3 milliards ; il sera de 16 milliards ! II consacrera sagement 10 milliards à l'allégement de la dette, qui passera en dessous de 25 % du produit intérieur brut dans trois ou quatre ans,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

M. Pierre Bernard-Reymond.... alors que nous aurons le plus grand mal à passer de 64 % à 60 % en 2012. Avec ce qui lui reste, le Canada allégera les impôts, ce qui est pour lui une promesse de croissance encore plus forte pour demain. Non seulement ce pays a cassé l'effet boule-de-neige de l'endettement, mais il est entré dans un cercle vertueux.

Dans le même temps, la France, depuis 1986, n'a consacré qu'un quart du produit des privatisations au désendettement, soit 99 milliards d'euros. Or cet effort est aujourd'hui d'autant plus nécessaire que les taux d'intérêt risquent d'être à nouveau orientés à la hausse et que notre dette coûtera de plus en plus cher ; déjà cette année, vous avez dû inscrire 1,6 milliard d'euros supplémentaires afin de faire face aux remboursements, contre 200 millions d'euros l'année dernière.

Ce rétablissement ne sera pas facile.

Lorsque vous avez annoncé la suppression d'un emploi sur trois libérés par les fonctionnaires partis à la retraite, soit 23 000 emplois, cette décision a été perçue par beaucoup - dont je suis - comme forte et très courageuse. Mais cela ne représente qu'un gain de 450 millions d'euros - ce qui équivaut à la perte de moins de deux jours de grève -, dont la moitié servira à l'amélioration des revenus des fonctionnaires en activité.

Mis en regard de 1,6 milliard d'euros d'augmentation de l'annuité de la dette, des 2 milliards d'euros nécessaires pour payer les nouveaux retraités, des 40 milliards d'euros de remboursement de la dette, des 42 milliards d'euros du déficit budgétaire, cela met en lumière l'extraordinaire difficulté qui nous attend. Raison de plus pour ne pas trop tarder à faire entrer le budget dans la politique de rupture !

À cela s'ajoutent deux raisons.

La première tient à notre responsabilité vis-à-vis des générations futures : nous devons bâtir des « budgets durables », c'est-à-dire des budgets qui laissent à nos petits-enfants toutes les chances pour leur propre avenir.

La seconde raison tient à la place de la France en Europe. Nous avons signé un pacte de stabilité. Nous avons le devoir de le respecter ! Au demeurant, c'est notre intérêt tant économique que diplomatique. Plus la France sera sans reproche, mieux elle sera écoutée.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Certes !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Pierre Bernard-Reymond. Madame la ministre, monsieur le ministre, je voterai bien sûr ce budget, qui n'a pas dû être facile à réaliser. Sans vouloir employer de mots qui fâchent, dans l'optique du renforcement de notre croissance, j'appelle de mes voeux une politique dynamique et déterminée visant à un retour à l'équilibre budgétaire et à une réduction de notre endettement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Philippe Marini, rapporteur général. Bravo !

M. le président. La parole est à M. Alain Lambert.

M. Alain Lambert. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, tous les orateurs de référence se sont exprimés : le Gouvernement - excellemment -, le président de la commission des finances et le rapporteur général - avec beaucoup de pédagogie, comme chaque année, ce qui nous éclaire beaucoup -, et les représentants des groupes, dont M. de Raincourt - magnifiquement - pour l'UMP.

La discussion générale pouvait donc s'arrêter là. Toutefois, puisque j'ai la possibilité de dire quelques mots, je voudrais aborder deux sujets qui me semblent devoir être traités de façon urgente, et poser les principes qui permettraient de leur apporter une réponse. L'un pourrait être considéré comme mineur, c'est la réforme constitutionnelle, et l'autre comme plus important, puisqu'il s'agit de la gestion des ressources humaines de l'État.

Avant de poser les principes, je voudrais vous faire part d'une intuition à laquelle je crois profondément. Mais je ne voudrais surtout pas qu'elle soit prise en mauvaise part.

Au regard des comptes publics - et seulement dans ce domaine, car je ne veux pas m'élever au-dessus de ma condition -, je pense que nous entamons le quinquennat de la dernière chance. À défaut de réformes majeures, la descente de la France en seconde division serait inévitable.

M. Philippe Marini, rapporteur général. C'est clair !

M. Éric Doligé. C'est vrai !

M. Alain Lambert. Le risque, c'est celui d'une crise, qui ne serait plus seulement financière, mais qui toucherait notre démocratie. Ce n'est pas un soudain pessimisme qui me fait parler ainsi : ce sont les chiffres qui parlent et même qui crient, mais nous ne les entendons pas.

L'an prochain, nous fêterons les cinquante ans de la Ve République, dont trente années de déficit de nos comptes publics. Où en sommes-nous aujourd'hui ?

Nos prélèvements sont parmi les plus élevés et n'offrent aucune marge de manoeuvre. Notre déficit peine à se réduire et alimente une dette qui n'a jamais atteint un tel montant, pas même au lendemain des deux guerres mondiales.

Cependant, rien n'est perdu ! Il y a en effet l'énergie exceptionnelle du Président de la république - soyons clairs, c'est la raison du choix des Français -, la détermination du Premier ministre et la qualité du Gouvernement. C'est une chance à saisir sans attendre et sans faiblesse !

Des décisions lourdes et structurantes doivent être prises. L'an prochain, il sera déjà trop tard, car les mauvaises habitudes auront à nouveau contaminé le nouveau logiciel public voulu par le Président de la République !

La première décision que je préconise est de faire en sorte que ce soit la dernière fois que nous examinions séparément la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale.

Monsieur le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique, votre nomination est le signal fort d'une nouvelle conception au sein de l'exécutif - et vous savez que je milite depuis longtemps en ce sens -, conception qui doit impérativement se traduire symétriquement au Parlement.

Après que l'Académie des sciences morales et politiques a bien voulu reconnaître quelques mérites aux travaux que Didier Migaud et moi-même avons conduits, nous avons ensemble demandé solennellement au Premier ministre de saisir l'opportunité de la prochaine réforme constitutionnelle pour réformer l'article 34 de notre Constitution,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Absolument !

M. Alain Lambert.... et permettre la fusion de la première partie du projet de loi de finances et de la troisième partie du projet de loi de financement de la sécurité sociale. C'est une nécessité absolue pour éclairer enfin le consentement à l'impôt.

Ainsi, en première partie du projet de loi de finances, l'ensemble des dispositions qui ont une incidence sur les recettes de l'État comme sur celles de la sécurité sociale serait enfin unifié. Cela permettrait aussi d'introduire dans l'article d'équilibre - je parle sous le contrôle du rapporteur général - un tableau d'équilibre social évaluant chacune des recettes sociales et de fixer un plafond global de dépenses, la répartition de ce plafond continuant évidemment à relever de la loi de financement de la sécurité sociale.

Cette proposition, qui émanait donc du rapport que nous avons présenté conjointement au Gouvernement en octobre 2006, Didier Migaud et moi, supposait une réforme constitutionnelle. Une révision s'annonce, saisissons l'occasion !

Cette réforme, qui ne remettrait nullement en cause la participation des partenaires sociaux à la gestion des organismes de sécurité sociale, serait le seul moyen d'éviter le chevauchement des mesures fiscales et sociales ayant une incidence sur le budget.

Permettez-moi de rappeler un fait un peu triste et inquiétant.

Voilà une semaine, alors que la commission des finances auditionnait Mme Dati sur les crédits de la justice, étaient discutés en séance publique les transferts de l'État à la sécurité sociale dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale. Ainsi, ce sujet d'importance était traité alors qu'il était difficile aux membres de la commission des finances d'être présents dans l'hémicycle ! Il est donc d'une urgente nécessité de mieux coordonner les discussions pour gagner en clarté et garantir une meilleure cohérence du pilotage global de nos finances.

Avant d'en terminer sur ce premier point, faisant écho à des propos que j'ai déjà entendus dans la bouche de certains de nos collègues, je voudrais que nous prenions la mesure de la croissance inévitable, d'une part, des dépenses sociales, notamment des dépenses de santé, et, d'autre part, du rôle des collectivités territoriales.

Pris en étau entre les deux, la part et le rôle de l'État dans l'action publique doivent d'urgence s'adapter et se concentrer sur ses fonctions stratégiques. À défaut, l'État deviendrait une sorte de squelette, sans moyens d'agir, voulant conserver jalousement ses effectifs. Il produirait alors de la réglementation, du contrôle et du papier, cela avec une conséquence inévitable et tragique : l'ankylose de l'économie tout entière. Un processus économique mortel serait en marche. Évitons-le à tout prix !

Cela me conduit tout naturellement à la question essentielle et d'actualité : la gestion des ressources humaines de l'État.

Les agents de l'État sont avant tout des personnes et non des effectifs. Nul n'envisage qu'ils deviennent une variable d'ajustement des déficits publics. Ils doivent être fiers d'être la première richesse de l'État et savoir qu'ils sont aussi sa première dépense. Or cette dépense ne peut continuer à croître indéfiniment. Elle doit, au contraire, décroître. En vingt ans, l'emploi public a augmenté plus vite que l'emploi total.

Disons-le, notre nation ne peut plus continuer à consacrer autant de moyens aux dépenses de personnel ! Il serait bon d'ailleurs que les salaires et les pensions soient rassemblés en une masse commune. M. le rapporteur général a dressé, de ce point de vue, un tableau très intéressant et, là encore, très pédagogique !

Ces dépenses représenteront ensemble pour l'État - je parle sous le contrôle du rapporteur général - presque 120 milliards d'euros en 2008, dont 73,5 milliards d'euros pour les rémunérations et 45,9 milliards d'euros pour les pensions. Comme vous le disiez ce matin, monsieur le rapporteur général, la baisse très légère des rémunérations ne couvre pas l'augmentation mécanique des pensions liée à la démographie.

Pourtant, selon moi, le total de la dépense de 120 milliards d'euros devrait impérativement ne pas varier en valeur pendant cinq ans si nous voulons enfin assainir nos comptes et faire face aux dépenses inéluctables liées au vieillissement et aux dépenses d'avenir.

C'est impossible, me direz-vous. Non, c'est possible, c'est même nécessaire ! Si nous utilisons bien la fongibilité asymétrique, je suis certain que nous y parviendrons.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui !

M. Alain Lambert. Si nous ne nous fixons pas un tel objectif, le coût des pensions ne cessera d'augmenter.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Alain Lambert. Il deviendra, dès lors, inéluctable de faire baisser violemment le total des rémunérations, car nous ne pourrons pas faire autrement.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Tout à fait !

M. Alain Lambert. Cela ne peut évidemment se faire à effectifs constants ; c'est pourquoi les non-remplacements de départs à la retraite sont d'une évidente nécessité.

Mais il faut aller plus loin et dire franchement que l'amélioration du pouvoir d'achat des fonctionnaires ne peut passer que par la réduction de leur nombre. Ces tendances structurent profondément nos comptes publics, et ce bien au-delà des clivages idéologiques ; la France ne pourra échapper à l'épreuve de vérité qui l'attend.

Vous noterez que, pour éviter tout tracas aux séniors, je n'ai pas envisagé l'hypothèse dans laquelle des comptes de l'État trop dégradés ne permettraient plus d'honorer les retraites des fonctionnaires à leur niveau actuel. Mais un tel scénario pourrait toujours être imaginé.

Madame la ministre, monsieur le ministre, l'équilibre de nos comptes publics à la fin de la législature est donc - et je pèse mes mots - un vrai quitte ou double. S'il est atteint, tous les espoirs sont permis ! S'il est à nouveau reporté, alors je vous le dis, c'est la menace de la fin d'un régime, peut-être même de la fin d'une République.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Absolument !

M. Alain Lambert. Ne jouons pas avec une si funeste extrémité ! Restons-en à la première hypothèse, celle où nous réussissons. Mais elle exige une trajectoire de redressement claire, ferme et responsable qui ne reporte pas sur la dernière année les efforts nécessaires.

C'est pourquoi j'aimerais connaître, année après année, vos prévisions de solde des comptes publics : les recettes que vous anticipez et les dépenses que vous envisagez. Chaque année, nous pourrions voir si votre feuille de route est tenue.

Puisque vous devez envoyer dans quelques semaines votre programmation à Bruxelles, communiquez-la nous dès aujourd'hui, même si les projections sont, comme chaque année, quelque peu différentes des documents qui nous sont fournis au cours de la discussion de la loi de finances. Cette programmation sera le message d'espoir et de responsabilité que la France attend.

La France n'a besoin ni de larmes ni de sang. Elle a simplement besoin de vérité, de transparence et d'une volonté sans faille.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Alain Lambert. Peu importe que nous soyons mal jugés en cours de chemin. L'essentiel est d'être au rendez-vous de l'équilibre en 2012, pour passer du quinquennat de l'espoir à celui de la renaissance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Je vous remercie, monsieur Lambert. Vous avez été très écouté ; j'espère que vous serez entendu !

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames et messieurs les sénateurs, je vais vous faire une première série de réponses qui sera suivie de celles que Christine Lagarde souhaite vous apporter. À défaut de répondre à tout - tant de choses ont été dites ! -, je m'efforcerai de balayer l'ensemble des sujets abordés. Ils sont nombreux, tout comme vos prises de position. J'ai entendu les appels que vous avez parfois adressés au Gouvernement, notamment l'appel d'Alain Lambert, lancé avec tant de talent !

Je tiens à le dire à Jean Arthuis et à Philippe Marini, la commission des finances du Sénat, comme à son habitude, a travaillé en profondeur. J'ai apprécié son approche à la fois positive et vigilante - notamment ses appels à la prudence - du budget que nous présentons.

Dans les jours qui viennent, nous aurons l'occasion de débattre de façon approfondie de chaque sujet : les collectivités locales, la politique fiscale, les questions de gouvernance. Je suis sûr que nous progresserons et que nous parviendrons à corriger un certain nombre d'éléments que vous avez soulignés.

Je pense entre autres aux sous-budgétisations résiduelles sur certains postes. Monsieur le président de la commission des finances, je tiens à dire qu'elles n'ont jamais été aussi peu nombreuses. Certes, compte tenu des principes sur lesquelles elles sont fondées, il est bien difficile de procéder à une évaluation précise. Le rapporteur général et vous-même l'avez souligné, nous avons d'ores et déjà pris en compte - nous aurons l'occasion d'en discuter - la problématique des opérations extérieures, OPEX, et des opérations de maintien de la paix. À l'issue de cette discussion générale, je vous confirme ce que je vous ai dit dans mon discours introductif.

Je pense également aux modalités de mise en oeuvre de la nouvelle indexation du contrat avec les collectivités locales. Nombre d'entre vous ont bien évidemment rappelé à cette tribune la sensibilité particulière du Sénat pour tout ce qui concerne ces collectivités. Étant moi-même un élu local, j'ai la même sensibilité.

Aujourd'hui, l'État souhaite que le taux d'indexation du contrat de stabilité des dotations aux collectivités locales soit aligné sur le taux d'inflation. L'effort s'est donc porté sur la base de ce contrat. Certes, les rapports entre les collectivités locales et l'État sont plus larges que ce seul et unique contrat.

Pourquoi avoir choisi l'inflation ? En raison de l'extrême importance de la masse des dotations. Il semblait assez naturel de demander des efforts aux collectivités locales, au même titre que l'État s'impose un effort supplémentaire de maîtrise de ses propres dépenses courantes.

Une fois ce principe partagé, il faut bien évidemment lui donner vie. Sa mise en oeuvre est plus compliquée, car vous ne souhaitez pas - c'est en tout cas ce qui est ressorti des discussions préalables que nous avons eues - toucher à la dotation globale de fonctionnement, DGF, dont bénéficient nombre de petites communes ; on peut le comprendre !

Compte tenu du maintien des règles d'indexation spécifiques de la DGF, il faut jouer sur les autres dotations intégrées dans le périmètre du contrat. La diminution des variables d'ajustement que constituent la dotation de compensation de la taxe professionnelle, DCTP, ou la taxe foncière sur les propriétés non bâties, TFNB, - déjà modifiée à l'Assemblée nationale, ce qui a donné lieu à pas mal de discussions ! - peut s'avérer difficile à absorber pour certains départements ruraux ou pour certaines communes, cela pour des raisons tenant souvent à leur histoire.

À partir du moment où nous réussissons à arrêter un certain nombre de principes et que nous les respectons, le Gouvernement étant ouvert sur ce sujet, ce système s'inscrivant dans l'appel à la sagesse que j'ai entendu au cours de ces trois heures et auquel je souscris tout à fait et s'agissant de plus, me semble-t-il, d'un effort raisonnable et raisonné que nous pouvons partager ensemble, je suis convaincu que nous parviendrons à trouver les ajustements qui permettront de corriger les situations les plus difficiles. Ne revenons donc pas sur l'idée d'indexer sur les prix le contrat avec les collectivités !

De plus, comme l'a annoncé le Premier ministre aux différentes associations d'élus, progressons, avant le projet de loi de finances pour 2009, sur une vision différenciée des rapports entre les collectivités et l'État, une vision peut-être plus adulte - l'État imposant moins de contraintes aux collectivités -, une vision renouvelée de la fiscalité locale.

Tous ces sujets qui font l'objet de débats depuis des années - je pense aux valeurs cadastrales évoquées par M. Fourcade - doivent maintenant être mis sur la table. À nous de trancher sur des points qui ne l'ont pas été jusqu'à présent, car ce ne sont pas des sujets faciles.

Je le répète, le Gouvernement est ouvert pour trouver les ajustements nécessaires - et je sais combien vous y êtes sensibles, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général -, ajustements qui nous permettront de modifier le texte issu de l'Assemblée nationale sur ce contrat.

Si vous en décidez ainsi, ce que je souhaite, je vous demande seulement de respecter un certain nombre de principes, car s'en écarter rendrait difficile la constitution d'un socle solide fixant pour les années qui viennent les rapports entre l'État et les collectivités territoriales.

Vous avez également évoqué l'extension de la norme de dépense. Il faut que l'examen de ce projet de loi de finances - c'est un objectif que nous avons en commun, monsieur le rapporteur général - n'accentue pas, bien évidemment, le solde déficitaire. Ce point de vue est partagé, me semble-t-il, par l'ensemble d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs. En effet, le solde est déjà très lourd, bien qu'il soit en légère diminution par rapport à celui qui avait été présenté l'année dernière.

S'agissant de l'exécution, j'ai bien l'intention de faire en sorte que les choses soient encore plus serrées. Nous verrons ce qu'il en est pour le budget de 2007. Nous avons évoqué cette question au moment de la présentation du projet de loi de finances rectificative en conseil des ministres, malgré l'incertitude concernant les ressources engendrées par l'impôt sur les sociétés au mois de décembre 2007. Évidemment, plus nous nous approchons de la fin de l'année, plus les prévisions deviennent sérieuses.

Je vous engage donc à souscrire à ce principe d'un solde non dégradé par rapport à ce qui a été voté à l'Assemblée nationale, voire à vous inscrire dans une perspective un peu plus ambitieuse en adoptant - pourquoi pas ? - un solde amélioré.

Comme M. le président de la commission des finances et M. le rapporteur général l'ont noté, l'extension du périmètre du budget ne résulte pas d'un intérêt conjoncturel. Je tiens à le dire, car, en l'occurrence satisfaire à un intérêt conjoncturel ne servirait à rien !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Cela reviendrait à brûler ses vaisseaux ! Il s'agit au contraire d'une décision mûrement réfléchie permettant d'encadrer par une norme un périmètre élargi de dépenses, ce qui est bien naturel.

J'en viens aux dépenses fiscales, et plus particulièrement aux niches. Vous l'avez très bien dit, monsieur le rapporteur général, en tant que ministre du budget, je rêverais que les dépenses fiscales soient intégrées dans la norme de dépense. Il faut examiner cette proposition, qui permettrait de mieux contrôler l'ensemble de la dépense.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

M. Éric Woerth, ministre. Et, s'il existe des ministres sensibles à cet aspect, ce sont bien les ministres responsables du budget et de l'économie ! Une telle mesure n'est pas simple à mettre en place, mais cela n'est pas impossible. Au demeurant, vous connaissez parfaitement bien les termes de ce débat technique, la dépense fiscale étant, par principe, difficile à appréhender et à piloter. Peut-être pouvons-nous nous fixer le début de l'année prochaine pour réfléchir en commun sur l'opportunité d'une telle décision, puis, le cas échéant, sur la manière de procéder. Pour ma part, je suis tout à fait ouvert au débat.

J'ai noté néanmoins avec intérêt vos deux suggestions.

Il s'agit tout d'abord de faire des lois de finances le point de passage obligé de toute nouvelle mesure dérogatoire en matière fiscale. Une telle disposition me semble relever du domaine constitutionnel, mais elle mérite d'être sérieusement explorée, comme je vous l'avais déjà indiqué lors du débat d'orientation budgétaire.

Ensuite, le fait d'introduire une distinction entre les niches « horizontales » à durée indéterminée et les niches « verticales », sectorielles, à durée déterminée me semble une idée neuve très intéressante, qui, d'une certaine façon, enfoncerait un coin entre les 600 ou 700 niches fiscales, qui sont plus ou moins bien évaluées et dont certaines, selon les circonstances, sont plafonnées.

D'autres ministres - et pas des moindres ! - se sont attachés à mieux maîtriser l'ensemble de ces niches fiscales. Nous pourrions, me semble-t-il, essayer d'utiliser les mois qui viennent pour adopter une réponse plus concrète sur ce sujet, compte tenu de l'existence du bouclier fiscal et d'un certain nombre de circonstances. Nous devons travailler sans tabou et en toute transparence, car, dans ce domaine, il existe une véritable marge d'amélioration.

Concernant les emplois des opérateurs, sujet sur lequel vous avez, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, fait porter une partie de vos interventions, je veillerai - je donnerai des instructions en ce sens à l'ensemble de mes collaborateurs qui participent aux conseils d'administration - à ce qu'on ne sape pas ailleurs les efforts que nous nous fixons nous-mêmes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, et M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. S'agissant de la reprise de la dette de la sécurité sociale, je suis d'accord avec vous, monsieur le président de la commission des finances, pour considérer qu'il s'agit d'un progrès.

L'opération d'apurement a été effectuée dans de bonnes conditions. Il ne s'agit pas d'un montage financier : l'argent a été versé et la dette réduite. Évidemment, cela conduit à désendetter la sécurité sociale à partir d'une ressource claire. Peut-être cette mesure aurait-elle pu être examinée par le Parlement, puisqu'elle répondait à un certain nombre de critères, mais cela n'a pas été le cas. Cependant, tout a été parfait d'un point de vue juridique. L'important, me semble-t-il, était d'annoncer une telle décision, ce que j'ai fait au mois de juin. J'ai également indiqué devant la commission des comptes de la sécurité sociale, le Parlement et la commission des finances du Sénat que cette opération aurait lieu au mois d'octobre.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tout cela est clair.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Massion, j'ai l'impression, avec tout le respect que je vous dois, que votre vision de la fiscalité et de l'économie est un peu datée. (Mme Nicole Bricq proteste.) Vous contestez en effet toutes les mesures fiscales qui dynamisent nos entreprises.

S'agissant des dépenses publiques, vous adhérez systématiquement au principe du « toujours plus ». En tant que responsable politique, j'ai également toujours envie de faire plaisir, et, d'une certaine façon, cela passe souvent par plus de dépenses. Il est plus facile de dépenser plus : c'est vrai dans son ménage ; c'est également vrai en tant qu'élu ou chef d'entreprise.

Mme Marie-France Beaufils. Bien des ménages ne peuvent dépenser plus !

M. Éric Woerth, ministre. Mais, en l'occurrence, les circonstances ne le permettent pas. Comme je l'ai dit à plusieurs reprises, les seules dépenses que nous avons programmées sont des dépenses d'investissement. Mme Lagarde reviendra certainement sur ce point.

Que vous ne croyiez pas à ces dépenses, c'est votre droit. Nous sommes en démocratie et je respecte votre position. Il est d'ailleurs heureux qu'il existe une majorité et une opposition !

Au demeurant, ces dépenses ne doivent pas être confondues avec des dépenses courantes, à l'instar de celles que nous avons proposées au mois de juillet dernier. Je pense notamment au dispositif fiscal et de cotisations sociales lié à la possibilité de travailler plus. Vous connaissez parfaitement nos positions dans ce domaine.

Ne confondez donc pas ces deux types de mesures et n'opposez pas systématiquement les politiques d'offre et de demande. Il faut souvent un équilibre entre les deux et, dans le projet de loi dit TEPA, il n'y pas d'opposition entre ces deux approches. (Mme Nicole Bricq proteste.) Nous menons - Mme Lagarde l'a parfaitement expliqué concernant le crédit d'impôt recherche - une politique de l'offre, tournée vers les entreprises. Parallèlement, les mesures en faveur des heures supplémentaires s'inscrivent dans une politique de la demande. L'économie, me semble-t-il, ne peut pas être caricaturée comme vous le faites, monsieur Massion, même si vos propos reflètent probablement votre sentiment.

Le projet de loi de finances pour 2008 tend à prévoir d'importants moyens en faveur de la rémunération des fonctionnaires. Plus de 2,5 milliards d'euros y sont destinés. Comme je l'ai dit à l'Assemblée nationale, une part sera consacrée à la progression des carrières, une autre part sera affectée à la rémunération des heures supplémentaires prévues dans le texte et une dernière part permettra de financer des mesures catégorielles au titre de l'intéressement des fonctionnaires. Ces dépenses seront réparties entre les différents ministères.

Monsieur de Raincourt, je vous remercie d'avoir souligné, au début de votre intervention, les difficiles contraintes auxquelles est soumis ce projet de budget. Celles-ci sont de plus en plus lourdes, comme j'ai essayé de l'expliquer en évoquant le double objectif de croissance et de maîtrise de la dépense publique.

Nous avons fixé à 2012, monsieur Lambert, la nécessité absolue de revenir à l'équilibre de nos finances publiques, M. Fourcade nous ayant rappelé qu'il était le dernier des ministres de l'économie à avoir fait voter un budget en équilibre. (M. Jean-Pierre Fourcade approuve.) Nous souhaiterions que ce témoin soit transmis, après toutes les années écoulées !

Je vous remercie également, monsieur de Raincourt, d'avoir témoigné votre confiance en la politique menée par le Gouvernement. En effet, on entend souvent, dans les travées de l'opposition, une évocation caricaturale de cette politique. Au nom du groupe UMP, avec le talent et le pouvoir de conviction qui vous animent, vous avez mis en évidence l'important travail mené dans notre pays pour rétablir la confiance qui a souvent manqué entre les dirigeants politiques et les citoyens.

Vous avez également souligné l'importance du travail de contrôle du Parlement et la volonté de celui-ci d'exercer ce rôle. À cet égard, la qualité des documents budgétaires que nous rédigeons est absolument fondamentale pour aider les parlementaires à mieux contrôler l'action du Gouvernement et à en évaluer les résultats, dans la mesure où il s'agit non pas de politiques de routine, mais de politiques nouvelles, comme c'est le cas de la politique menée par le gouvernement de François Fillon.

Vous avez également noté le caractère crucial de la RGPP, la révision générale des politiques publiques, et de la RGPO, la revue générale des prélèvements obligatoires. Vous avez raison, ces exercices se font aujourd'hui avec beaucoup de sérieux et d'implication de la part du Gouvernement et une large participation du Parlement. Nous en reparlerons dans les mois et les années à venir, lors des annonces qui seront faites et des orientations politiques qui seront données, mais aussi au moment de l'exécution de certaines mesures.

Madame Beaufils, nous n'avons pas, c'est vrai, la même évaluation de l'effet des mesures que nous prenons. Non, la loi dite TEPA n'est pas destinée aux riches, je tiens à le redire, car vous ne cessez de caricaturer ce texte. Il ne suffit pas de répéter un mensonge pour qu'il devienne vérité, ça ne se passe pas comme ça ! Ce n'est pas parce que vous répétez dix fois la même erreur ou le même mensonge, que cela les transforme, la onzième fois, en vérité. Je ne vous vise pas personnellement, mais je retrouve souvent ce type d'attitude chez les parlementaires de votre groupe, ici comme à l'Assemblée nationale. Non, les heures supplémentaires ne sont pas réservées à une catégorie de Français que vous nommez, dans vos formations politiques, les « riches ».