Mme Marie-France Beaufils. Sauf que le bouclier fiscal, c'est la réalité !

M. Éric Woerth, ministre. Non, la baisse de la dépense publique n'est pas uniquement supportée par les personnes modestes. Non, les crédits d'impôt immobiliers ne sont pas réservés uniquement aux personnes riches.

Mme Marie-France Beaufils. Le bouclier fiscal, si !

M. Éric Woerth, ministre. D'ailleurs, celles-ci sont déjà, très souvent, propriétaires de leur logement. Il s'agit plutôt d'aider celles qui n'ont pas réussi, jusqu'à présent, à le devenir. C'est d'ailleurs là que réside la clé de notre politique. Ce que nous faisons pour les étudiants n'est pas non plus destiné aux personnes aisées.

Cette politique est donc clairement et fondamentalement destinée à ceux qui ont décidé de travailler, d'accéder à la propriété ou de fournir, parallèlement à leurs études, un travail. Il s'agit selon moi d'une politique à la fois économique et sociale.

Monsieur Othily, j'ai beaucoup appris en écoutant votre plaidoyer en faveur d'une politique maritime plus dynamique.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous avons bien navigué !

M. Aymeri de Montesquiou. C'est le Christophe Colomb du Sénat ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. Je n'ai pas compétence pour vous répondre sur ce sujet que vous connaissez parfaitement ; l'un de mes collègues le fera à ma place. Je peux simplement vous dire que, dans le domaine de la lutte contre les stupéfiants, la voie de mer étant très utilisée pour les trafics, tout particulièrement outre-mer, l'ensemble des douanes, qui relève de mon domaine de compétences, est parfaitement mobilisé.

Vous pourrez poursuivre la discussion avec mes collègues du Gouvernement chargé de ce dossier. Je souhaitais pour ma part vous remercier de la qualité de votre intervention.

Monsieur Badré, même si vous avez mis beaucoup de coeur à défendre votre point de vue, je ne partage pas votre pessimisme, qu'il s'agisse de la croissance ou des déficits.

Il m'a semblé que vous voyiez tout en noir. Or il est possible, sans pour autant tout voir en rose,...

Mme Nicole Bricq. Ce serait dur !

M. Éric Woerth, ministre. ... de ne pas tout voir en noir ! Nous devons croire en la capacité de notre pays à revenir à l'équilibre, à retrouver la croissance, à aller vers le plein-emploi.

Il n'est que de voir les bons résultats enregistrés sur le terrain de l'emploi ! Christine Lagarde, qui est en charge de ce secteur, le sait mieux que quiconque. Qui aurait cru, voilà cinq ou six ans, que la France reviendrait à un taux de chômage de l'ordre de 8 % ? Or c'est aujourd'hui une réalité, et l'on peut tout de même s'en féliciter !

Cela signifie bien que l'on peut croire en notre pays et dans sa capacité d'accéder réellement aux réformes.

M. Éric Woerth, ministre. On peut croire aussi au fait que les Français ont envie de réformes, ce que reflètent d'ailleurs les sondages.

Le Gouvernement en tient compte. La fusion de l'ANPE et de l'UNEDIC, celle de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, la réforme du marché du travail, celle des régimes spéciaux, celle des universités : tous ces chantiers, qui ont été lancés depuis près de six mois, ainsi que tous qui vont l'être dans les mois à venir, répondent profondément au déficit structurel du pays.

Ils montrent que, à un moment donné, on est peut-être plus utile en accompagnant les réformes, voire en y participant, qu'en faisant systématiquement preuve de scepticisme !

Pour ma part, j'ai la conviction que nous investissons pour la croissance, que ce budget pour 2008 est fondé sur des hypothèses raisonnables et responsables et qu'il donne une image cohérente de la politique économique de la France.

M. François Marc. Ce n'est pas vrai !

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Fourcade, vous avez lancé trois idées très intéressantes.

Premièrement, s'agissant de la révision des bases d'imposition des collectivités territoriales, sujet très ancien, je prends acte de votre proposition.

La solution que vous préconisez peut cependant créer une nouvelle inégalité entre les collectivités locales qui auraient eu le courage de réviser leurs bases et celles qui ne l'auraient pas eu. Certes, l'inégalité existe déjà puisque les taux d'imposition ne sont pas uniques, mais votre proposition conduirait à considérer, par exemple, dans des communes très proches, où la valeur des biens serait la même, que, à politique fiscale constante, les bases seraient différentes.

À l'évidence, il convient de mener une réflexion sur ce thème des bases, qui a d'ailleurs été évoqué à l'Assemblée nationale la semaine dernière.

Hier, devant le Congrès des maires de France, le Président de la République a également abordé ce sujet, en indiquant qu'il souhaitait aller dans le sens d'une révision des bases au fil des transactions.

Nous allons travailler avec détermination sur la piste qu'il a ainsi fixée et nous étudierons toutes les propositions, notamment la vôtre.

Deuxièmement, l'ensemble des exonérations et allégements de charges qui se sont accumulés avec le temps représente près de 30 milliards d'euros.

Le Conseil d'orientation pour l'emploi estime à 800 000 le nombre d'emplois qui seraient mis en péril si l'on revenait brutalement - mais je sais que ce n'est pas ce que vous proposez - sur ces allégements. Certes, le budget de l'État s'en porterait beaucoup mieux, mais, sur le front du marché du travail, les choses iraient nettement moins bien. Je ne suis donc pas sûr que nous soyons globalement gagnants.

Il convient d'étudier cette question d'une manière très détaillée. Le Premier ministre a rappelé récemment que nous devions lier les exonérations de charges aux politiques salariales menées branche par branche, en proposant une sorte de donnant-donnant ou de contrepartie entre, d'une part, l'exonération de charges, notamment sur les bas salaires, permettant de réduire le prix du travail - mais sans que se constituent des trappes à bas salaires -, et, d'autre part, la capacité des branches professionnelles à mener une politique salariale plus active.

Nous sommes au coeur du débat sur l'équilibre des finances publiques et du débat sur le pouvoir d'achat.

Troisièmement, vous avez évoqué une clarification des compétences entre les différents niveaux de collectivités locales. La mission très importante menée sur ce sujet par votre collègue Alain Lambert, à la demande du Président de la République et du Premier ministre, pour le Conseil de modernisation des politiques publiques, dégagera d'ici quelque temps des pistes qui devraient faire l'objet d'une décision politique lors de la conclusion des travaux de la révision générale des politiques publiques.

Monsieur de Montesquiou, nous ne nous voilons nullement la face sur la situation de nos finances publiques. Je l'ai rappelé à plusieurs reprises, il faut affronter les choses telles qu'elles sont.

La situation est tendue, c'est vrai, mais les mesures que nous prenons dans le cadre de ce budget pour 2008 démontrent notre exigence, ainsi que la conscience que nous avons du chemin qui reste à parcourir.

Vous souhaitez que nous appliquions les recettes d'autres pays. C'est une piste extrêmement intéressante. Pendant des années, il nous a été reproché de ne pas faire comme les Canadiens, les Suédois ou d'autres. Or la révision générale des politiques publiques, à laquelle je me réfère une fois de plus car je fonde sur elle beaucoup d'espoirs, correspond en fait à la démarche canadienne, légèrement modifiée cependant, puisque cette dernière a abouti à une diminution de la qualité du service public.

La révision générale des politiques publiques procède d'une démarche qui n'est pas strictement comptable et qui vise surtout l'organisation du service public et la hiérarchisation des politiques. Elle est le fruit d'une approche profondément politique, qui doit aboutir, une fois les priorités mieux fixées, à une maîtrise de la dépense publique.

Monsieur le sénateur, vous avez également appelé de vos voeux une nouvelle politique managériale dans la fonction publique.

M. Éric Woerth, ministre. À l'évidence, c'est à cela que nous tendons, y compris lorsque, comme c'est le cas actuellement, les relations sociales sont un peu agitées, ce qui est somme toute assez naturel.

Nous ouvrons de nombreux dialogues avec l'ensemble de la fonction publique, qui vont du dialogue social à la politique salariale, en passant par les parcours professionnels et même par les valeurs que porte l'engagement dans la fonction publique.

Monsieur Foucaud, je vous dirai à mon tour que j'aurais du mal à vous suivre, car votre discours tend à l'immobilisme ! Or la France n'a besoin d'immobilisme ou de conservatisme !

M. Thierry Foucaud. La croissance est en berne !

M. Éric Woerth, ministre. Elle a besoin d'aller de l'avant, de croire aux réformes !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Eh oui ! Au CRC, vous êtes des révolutionnaires conservateurs !

M. Éric Woerth, ministre. La France ne doit pas reproduire systématiquement des schémas anciens qui n'ont pas fonctionné ! Elle n'est pas là pour défendre tel ou tel avantage catégoriel !

Mme Marie-France Beaufils. Le bouclier fiscal, c'est pourtant la défense d'intérêts catégoriels !

M. Éric Woerth, ministre. Bien au contraire, la France est là pour s'ouvrir au monde, ce qui implique qu'elle doit savoir, en même temps, grâce à une meilleure compétitivité, se protéger du monde et tirer parti de cette ouverture ! C'est tout le sens de notre action.

Dans quelques années, à la fin du quinquennat qui vient d'être inauguré, lorsque nous aurons procédé à l'ensemble des réformes, vous pourrez évaluer l'efficacité de nos politiques et vous nous direz si nous avions eu raison ou non de les engager. Mais ne partez pas systématiquement avec un a priori négatif !

Mme Marie-France Beaufils. Ce n'est pas un a priori !

M. Éric Woerth, ministre. Vous aurez peut-être de bonnes surprises !

Monsieur Doligé, vous avez soulevé, avec raison, un point critique, qui est au coeur de la révision générale des politiques publiques : plus de dépenses ne veut pas dire plus de performances. Aussi voulons-nous mettre en place un État avant tout plus efficace. Je sais bien que cette formule est souvent utilisée pour agrémenter les discours, mais il s'agit bien pour nous d'en faire une réalité. J'en veux pour preuve les réformes que nous avons mises en place, tout comme celles que nous mènerons demain, qui visent à mieux maîtriser la dépense, mais aussi à conduire des politiques publiques plus efficaces.

Vous partagez avec M. Fourcade le souci de la rationalisation de l'intervention des administrations publiques. Nous réfléchissons nous-mêmes à une meilleure répartition des compétences entre collectivités territoriales et État et, au-delà, à l'évolution de l'organisation locale de l'État sur le territoire national.

Toutes les pistes doivent être explorées, et il n'existe pas, à l'heure actuelle, un schéma unique susceptible de recueillir un consensus total. À l'évidence, ce chantier tiendra compte du souhait, exprimé hier par le Président de la République devant le Congrès des maires de France, d'avoir une approche globale de la répartition des services publics sur notre territoire national.

Monsieur Bernard-Reymond, je vous remercie de saluer les initiatives et les orientations de ce budget. J'ai noté votre impatience, qui me paraît au demeurant bien naturelle, d'autant que j'ai la même !

S'agissant de l'exemple canadien, auquel vous vous êtes également référé, je me permets de vous renvoyer à la réponse que j'ai apportée tout à l'heure à M. de Montesquiou.

Je partage votre diagnostic au sujet des contraintes - les intérêts de la dette, les pensions - qui ont encadré l'évolution de ce budget. Simplement, il faut que nous sachions nous en extraire.

Tel est d'ailleurs bien le sens de votre message, monsieur Lambert.

Vous avez employé cette extraordinaire formule des « chiffres qui crient » !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Oui, cela marque !

M. Éric Woerth, ministre. Cette expression m'a, en effet, figé à mon banc !

Vous avez raison, monsieur Lambert, les chiffres ne sont pas une opinion de comptable, comme on le dit souvent ; c'est la réalité des choses qui se traduit, à un moment donné, par des chiffres.

Vous avez ajouté que rien n'était perdu. J'ai aussi cette conviction profonde que nous nous devons d'affronter la réalité, de ne pas édulcorer tel ou tel chiffre parce qu'il n'irait pas dans le sens souhaité et, en même temps, nous de dire que rien n'est perdu, à condition de faire les efforts nécessaires.

J'ai essayé de démontrer que nous allions dans ce sens, mais vous connaissez trop la situation politique pour ne pas mesurer les efforts qui sont accomplis.

Quant à votre proposition de réforme constitutionnelle, il faut en débattre, mais j'ai le sentiment que la commission des affaires sociales ne partage pas votre point de vue, même si les deux commissions des finances du Sénat et de l'Assemblée nationale ont à peu près la même approche. On retrouve probablement là une sorte de déséquilibre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Comme dans l'exécutif, d'ailleurs ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. En effet !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Les lois doivent être un terrain de rapprochement !

M. Éric Woerth, ministre. On peut améliorer tous les systèmes et tous les modes de gouvernance. Une telle réforme permettrait d'introduire plus de clarté, ce qui est souhaitable à partir du moment où les comptes sont « consolidés » dans mon ministère sur le plan national, par rapport au reste du monde et surtout à nos partenaires européens.

Néanmoins, le problème des déséquilibres des finances publiques se résoudra avant tout par la maîtrise réelle de la dépense, et non pas uniquement par la gouvernance, quelle que soit l'organisation de cette dernière.

Je vous propose de travailler ensemble sur ce sujet dans le cadre de la mission que vous avez demandée, avec votre collègue député M. Migaud, afin que nous puissions avancer rapidement sur ce point.

En ce qui concerne les ressources humaines, bien sûr, il faut lutter contre l'ankylose. Mais il importe d'aller plus loin aussi bien en termes de gestion du volume des effectifs que de valorisation des ressources humaines.

Ce point est extrêmement important, car on a trop souvent tendance à caricaturer le statut des fonctionnaires. Il faut leur redonner leur fierté, leur montrer que nous les aimons, parce qu'ils sont au service de l'État, tout comme nous, les politiques, parce qu'ils exercent un métier difficile.

En même temps, nous ne devons pas nous extraire de la réalité, celle du poids que représentent dans la dépense publique les salaires, les traitements et des pensions des fonctionnaires.

Nous allons voir si nous pouvons répondre à votre demande de stabiliser ce vaste ensemble, de mieux utiliser la fongibilité asymétrique. C'est un exercice très difficile, sachant que les pensions connaissent une dérive de 2 milliards d'euros cette année. Cela étant, il fallait rétablir la réalité des chiffres sur les pensions.

En outre, à partir du moment où il ne sera pas procédé au remplacement d'un fonctionnaire au moins sur deux partant à la retraite, sans que soit pour autant affectée la qualité du service public, grâce aux résultats de la révision générale des politiques publiques, nous parviendrons à mieux maîtriser la masse salariale.

Enfin, la loi de finances pluriannuelle doit être au coeur de nos préoccupations pour éclairer la trajectoire pluriannuelle des finances publiques. C'est celle qui a été présentée par Christine Lagarde devant nos partenaires européens et que nous vous avons exposée lors du débat d'orientation budgétaire. Elle soutiendra, à partir de 2009, un rythme plus soutenu d'assainissement de nos finances publiques, pour parvenir en 2012 à l'équilibre de l'ensemble de notre sphère publique. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi. Monsieur le président, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi tout d'abord de me féliciter de l'excellent dialogue qui s'est engagé durant cette première journée d'examen du projet de loi de finances pour 2008.

Éric Woerth m'a chargée de répondre à certaines questions qui lui ont été posées. Je le ferai selon le schéma suivant : les questions macroéconomiques, d'abord ; les questions relatives à l'endettement, ensuite ; les questions de nature fiscale, enfin.

Concernant les questions macroéconomiques, plusieurs d'entre vous ont commenté l'évolution du prix des produits pétroliers.

Il faut se souvenir que celle-ci dépend, d'une part, de la demande, d'autre part, d'un phénomène de spéculation qu'on n'observait pas il y a encore quelques mois. Si le prix de ces produits a fortement augmenté ces derniers temps, il a aussi varié de manière très erratique au cours d'un même mois et, parfois, au cours d'une même semaine, allant jusqu'à perdre entre 8 % et 12 % en l'espace de quelques jours.

C'est pourquoi il faut demeurer prudent. En novembre, la Commission européenne, dans ses prévisions, tablait sur un cours moyen du baril à 78,8 dollars en 2008, soit 5 dollars de plus que notre propre prévision.

Monsieur Marc, vous nous dites qu'une augmentation de 20 dollars du prix du baril de pétrole a pour conséquence une diminution de un point de la croissance. Je crois que c'est inexact, d'une part, en raison de ce mouvement extrêmement erratique des prix que je viens d'évoquer, d'autre part, parce que les effets d'une hausse se font sentir plusieurs trimestres après que celle-ci s'est produite. Ce phénomène tient non seulement à l'engagement pris par les pays producteurs de lisser les hausses, mais encore, tout simplement, à l'existence de stocks.

Le récent regain inflationniste est, bien sûr, étroitement lié à l'augmentation du prix des produits pétroliers. Bien qu'il n'y ait là matière ni à consolation ni à satisfecit, on doit néanmoins apprécier que la France parvienne, mieux que ses voisins européens, à maîtriser son inflation. C'est d'ailleurs ce que confirment les prévisions de la Commission.

Monsieur le président de la commission, vous avez évoqué la question des fonds souverains. Vous savez que nous sommes très attentifs au développement de ce phénomène, qui pose avec acuité la question des grands équilibres mondiaux, celle des grands investissements et de la manière dont ceux-ci sont financés.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Bien sûr !

Mme Christine Lagarde, ministre. Les fonds souverains trouvent en effet leur origine dans les excédents de la balance des paiements de certains pays. Certes, ces pays sont généralement performants, mais il convient aussi de souligner que beaucoup d'entre eux gèrent leurs changes non par des mécanismes de marché, mais selon des régimes administrés. En outre, leurs bons résultats sont aussi dus aux excédents de leur balance commerciale, mais ceux-ci résultent dans bien des cas d'une rente, notamment pétrolière.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Christine Lagarde, ministre. Il faut être extrêmement attentif à la réponse qu'il convient d'apporter à ces fonds souverains.

À cet égard, comme en matière de changes, la France a adopté une position très affirmative. Tant nos partenaires de l'Eurogroupe que ceux du G7 et du G20 sont conscients de ce que cette question doit être abordée en concertation avec les pays dont sont originaires ces fonds souverains. Tel est l'objet de la résolution qui a été transmise par l'ensemble des pays membres du Fonds monétaire international à son nouveau directeur, ainsi qu'à l'OCDE, résolution dans laquelle ils demandent à ces deux institutions de faire des propositions visant à de meilleures pratiques et à la mise en place de codes.

Il ne faut pas se servir des fonds souverains comme d'un épouvantail. Je rappelle que certains fonds singapouriens existent depuis plus de vingt-cinq ans, qu'il existe un fonds norvégien très ancien, que la plupart des fonds des pays du Golfe comme le Koweït ou les Émirats ont été créés il y a plus de vingt ans, et que les uns et les autres se comportent comme des investisseurs parfaitement légitimes : ils ne doivent donc susciter aucune appréhension particulière.

Plus fondamentalement, ces fonds peuvent probablement mieux participer à la « formation professionnelle » des fonds nouveaux issus de pays émergents, afin que ceux-ci répondent aux caractéristiques que j'évoquais à l'instant.

Nous allons poursuivre le travail pédagogique que nous avons engagé au sein des instances internationales pour demander plus de transparence sur les stratégies d'investissement de ces fonds, ainsi qu'une meilleure communication.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Et davantage de réciprocité !

Mme Christine Lagarde, ministre. Mais nous devons nous garder de les englober tous et d'en faire les épouvantails d'un nouveau capitalisme prédateur qui remettrait en cause notre économie.

Monsieur le rapporteur général, monsieur le président de la commission des finances, vous avez évoqué, respectivement dans votre rapport et dans votre intervention, la question du commerce extérieur et de sa contribution à la croissance.

Tout comme l'INSEE et les économistes de Morgan Stanley, qui sont encore plus optimistes, je crois que, en 2008, le commerce extérieur sera au pis neutre pour la croissance, au mieux légèrement contributeur, contrairement à ce qu'il s'est passé en 2007. J'espère que la croissance de 3,8 % des exportations que nous avons observée au cours du troisième trimestre de cette année perdurera. Et l'on sait à quel point les troisième et quatrième trimestres d'une année n-1 sont importants pour la détermination de la croissance de l'année n.

Monsieur le rapporteur général, permettez-moi d'attirer votre attention sur le fait que, si la balance commerciale est un indicateur de la compétitivité de la France vis-à-vis du reste du monde, notre balance des paiements courants est excédentaire ; or, vous le savez, elle retrace, outre les échanges de marchandises, les échanges de services, notamment les transactions liées au tourisme, domaine dans lequel la France est actuellement en position de champion, dirai-je pour éviter de recourir à un anglicisme qui serait en l'occurrence de mauvais aloi. Quoi qu'il en soit, si nous devons consolider notre position, nous devons aussi tenir compte de ces apports à la croissance française.

J'ai entendu M. Bourdin soutenir une politique de la demande, cependant que M. Bernard-Reymond soutenait quant à lui une politique de l'offre productive. Les différentes mesures votées au cours du mois d'août et celles qui sont contenues dans ce projet de loi de finances répondent à l'un comme à l'autre.

Je crois indispensable de soutenir l'offre productive, à l'amélioration de laquelle le crédit impôt recherche me paraît répondre précisément.

Merci, monsieur le président de la commission, d'avoir souligné - et avec quel style ! - que le Gouvernement ne cédait pas aux « enchantements éphémères », mais avait fait le choix, avec une « détermination calme et résolue », d'engager des réformes durables qui contribueront à renforcer l'offre des entreprises françaises.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est ce que je pense !

Mme Christine Lagarde, ministre. On parle souvent à ce sujet d'une simple politique d'amélioration de la demande- comme si une politique pouvait être simple ! - par le biais du financement des mesures associées aux heures supplémentaires, de la défiscalisation et des exonérations de charges.

Pour l'essentiel, ces dispositions visent effectivement à soutenir la demande dès lors que, profitant à celui qui effectue des heures supplémentaires, elles lui permettront de consacrer son surplus de pouvoir d'achat, pour une partie, à des produits importés,...

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui !

Mme Christine Lagarde, ministre. ...mais aussi, pour une autre partie, à des biens et des services produits et facturés en France ; je pense notamment aux dépenses contraintes, qu'on évoque si souvent actuellement.

Cependant, n'oublions pas que la diminution des charges sociales patronales contribue, elle aussi, à l'amélioration de l'offre dans la mesure où elle est de nature à rendre plus compétitif le travail des salariés français au sein des entreprises.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C'est vrai !

Mme Christine Lagarde, ministre. J'ajoute que le financement d'heures supplémentaires ne peut que contribuer à la réalisation de notre ambition de réduire le chômage et d'augmenter l'offre d'emplois disponibles.

La politique économique du Gouvernement est pragmatique plutôt que dogmatique. Elle n'est pas « 100 % offre » ou « 100 % demande ». Compte tenu des nuages qui se sont accumulés ces dernières semaines sur l'économie mondiale, et donc sur les facteurs exogènes de notre croissance, il n'était peut-être pas de mauvaise politique que d'avoir pratiqué peu ou prou une relance par la demande. Même ceux qui prônent exclusivement une relance par l'offre pourraient en convenir.

Au titre des mesures pragmatiques, je voudrais citer notamment le crédit d'impôt sur les intérêts d'emprunt.

Monsieur Badré, vous avez annoncé l'intention du groupe de l'UC-UDF de proposer la suppression pure et simple de l'article 7 du projet de loi de finances pour 2008. Vous savez mon attachement au retour à l'équilibre des finances publiques, au plus tard en 2012. En général, c'est moi qui, à Bruxelles ou ailleurs, devant l'Eurogroupe, défends la position de la France et rappelle la rigueur - j'ose le mot - de nos engagements.

Là, il ne s'agit pas de dépenser pour dépenser : il s'agit de permettre à nos concitoyens, en particulier les ménages qui sont parfois les plus modestes, d'accéder à la propriété de leur logement. On le sait, la cohésion sociale passe très souvent par l'accession à la propriété et cette mesure me paraît de nature à renforcer cette détermination.

J'en viens maintenant à la politique en matière d'endettement de l'État.

Monsieur le rapporteur général, vous avez évoqué la possibilité de fixer en loi de finances un plafond d'emprunt à moyen et long terme de l'État.

Comme vous le soulignez, le plafond d'emprunt ne couvre que les emprunts à moyen et long terme de l'État, c'est-à-dire ceux dont la durée est supérieure à une année.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Eh oui ! Cela ne va pas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Comme l'avait souligné Alain Lambert devant la Haute Assemblée lors de l'examen de la loi organique relative aux lois de finances, ce plafond ne peut concerner les emprunts à court terme, qui sont utilisés essentiellement pour couvrir les besoins de trésorerie de l'État.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Là, ce n'est pas le cas !

Mme Christine Lagarde, ministre. Instaurer un plafond pour ces titres ferait courir à l'État le risque de ne pas être en mesure de couvrir ses engagements en cas d'aléas de trésorerie.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Fiction !

Mme Christine Lagarde, ministre. L'augmentation des emprunts à court terme revêt un caractère exceptionnel et correspond à un double souci de bonne gestion.

D'une part, il permet d'éviter un ressaut brutal, en 2008, des émissions à moyen et long terme de l'État, compte tenu des amortissements élevés constatés pour 2008. Un tel ressaut pourrait dégrader les conditions de financement de l'État, comme vous l'avez d'ailleurs vous-même souligné.

D'autre part, l'État dispose de marges de manoeuvre sur le compartiment des titres à court terme, dont l'encours a baissé de près de 30 milliards d'euros l'an dernier. Une augmentation de l'encours des titres à court terme permettra de maintenir la liquidité de ce compartiment de marché, condition nécessaire au maintien d'un taux de refinancement attractif pour l'État à court terme.

Le recours à un financement de court terme est certes plus volatil, mais il se révèle, en moyenne, moins coûteux pour l'État, même dans le contexte actuel d'aplatissement de la courbe des taux. Il est vrai que la charge budgétaire associée à l'émission de la dette à court terme a un impact immédiat, alors qu'il existe un décalage de l'ordre d'un an pour la dette à moyen et long terme. Il s'agit cependant d'un effet purement budgétaire, sans lien avec le coût financier réel pour l'État.

Vous évoquez enfin la difficile distinction entre emprunt et trésorerie : le tableau de financement associé au projet de loi de finances l'expose très clairement puisqu'il présente, d'une part, les émissions et les remboursements de dette à moyen et long terme et, d'autre part, la variation de la dette à court terme. L'information de la représentation nationale et de l'ensemble de nos concitoyens est complète et j'entends bien qu'elle le demeure.

Je regrette, comme vous, l'écart entre les taux français et allemand. Il convient toutefois de rester prudent dans l'interprétation de ces données financières, car des facteurs techniques, qui concernent l'ensemble des dettes publiques européennes, en expliquent l'essentiel.

J'en viens maintenant aux questions à caractère purement fiscal et, pour commencer, au coût du bouclier fiscal institué par la loi du 21 août 2007,...

M. Philippe Marini, rapporteur général. Coût très surestimé !

Mme Christine Lagarde, ministre. ...ainsi qu'à la question accessoire de l'autoliquidation.

Monsieur le rapporteur général, vous le savez, lorsque les services procèdent à l'évaluation du bouclier fiscal, ils retraitent les fichiers reprenant les données fiscales des contribuables et retiennent tous ceux qui ont objectivement intérêt à demander le bénéfice du bouclier fiscal.

Toutes les personnes qui ont théoriquement droit au bouclier fiscal ne demandent pas à en bénéficier, ce qui explique l'écart entre son coût estimé pour 2007 et son coût réel, environ deux fois moins élevé.

M. François Marc. C'est qu'elles ne croient pas en vous !

Mme Christine Lagarde, ministre. Éric Woerth a demandé que l'administration fiscale procède à une information des contribuables pouvant bénéficier du bouclier fiscal. Je vois là une excellente démarche pour leur permettre de jouir de leurs droits.

Vous avez aussi évoqué l'autoliquidation du bouclier fiscal.

Le Gouvernement n'y est toujours pas favorable, bien entendu pour un motif budgétaire : quelle que soit l'évaluation que nous retenions, monsieur le rapporteur général, l'autoliquidation conduirait de toute façon à enregistrer deux années de coût de la mesure lors de l'année de transition.

Je rappelle en outre qu'environ un demandeur du bouclier sur six voit sa demande refusée. On peut imaginer ce que serait ce ratio en cas d'autoliquidation. Il ne faut donc pas sous-estimer l'intérêt d'une démarche déclarative pour la mise en oeuvre du bouclier, dans la mesure où, par ailleurs, Éric Woerth et moi-même avons demandé aux services de l'administration fiscale dont nous assurons respectivement la tutelle de se placer vis-à-vis des contribuables, fussent-ils redevables de l'impôt de solidarité sur la fortune, dans un rapport de conseil plutôt que de contrôle, de confiance plutôt que de défiance.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ce n'est pas très convaincant !

Mme Christine Lagarde, ministre. Autre mesure que vous avez évoquée : le prélèvement libératoire pour les dirigeants non salariés, quelle que soit leur participation au capital.

Cette proposition est pertinente, car elle me semble notamment nous prémunir contre tout risque d'optimisation entre dividende et salaire, puisque l'amendement de la commission ne vise que les dirigeants non salariés.

Vous avez par ailleurs proposé le relèvement du seuil d'imposition des cessions de valeurs mobilières à 25 000 euros et, au-delà, le prélèvement libératoire à 18 %.

C'est encore une proposition très intéressante de la commission des finances. Nous devons rechercher une fiscalité équilibrée sur les dividendes, et votre solution, monsieur le rapporteur général, me paraît à cet égard aller dans le bon sens.

Vous avez suggéré la mise en oeuvre d'un régime de résident fiscal temporaire sur agrément.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !

Mme Christine Lagarde, ministre. Je vous le dis comme je le pense, j'aimerais que nous travaillions ensemble sur cette proposition extrêmement judicieuse, elle aussi, et que nous prenions le temps de comparer le régime fiscal applicable aux non-résidents en France et en Grande-Bretagne, par exemple.

La fiscalité britannique est actuellement en cours d'évolution, et il y a lieu de s'interroger sur les raisons de ces changements. Ainsi, nous pourrions tirer parti des meilleures pratiques britanniques pour renforcer la compétitivité et l'attractivité de notre territoire, d'autant que ces régimes sont souvent invoqués par ceux qui contribuent généralement à faire d'un endroit particulier une bonne place financière, et je vous rappelle que j'ai cette ambition pour Paris et l'ensemble de notre pays.

Le dernier point que vous avez évoqué concerne la déductibilité des cotisations dépendance versées sur un contrat couplé à un contrat d'épargne retraite.

Nous avons, vous le savez, un rendez-vous important en 2008 sur ce sujet : il s'agit de la couverture d'un cinquième risque, celui de la dépendance. Nous devrons à cette occasion, avec Xavier Bertrand, nous poser la question de savoir où est la ligne de partage, le point d'équilibre entre un financement fondé essentiellement sur la solidarité et un financement qui reposerait sur la gestion du risque par l'individu, y compris grâce à l'intervention des compagnies d'assurance et des mutuelles.

Enfin, je répondrai à M. Alain Lambert, qui souhaite que nous passions du quinquennat de l'espérance à celui de la renaissance. J'avais, quant à moi, parlé de rigueur et de vigueur. Je vois que nous nous inspirons des mêmes sources, qui sont d'ailleurs de nature présidentielle, puisque c'était le candidat Sarkozy qui avait invoqué l'esprit de la Renaissance. (Exclamations sarcastiques sur les travées du groupe socialiste.)

Il est parfaitement opportun d'évoquer l'esprit de la Renaissance et d'appeler à ce qu'il souffle sur la France.

Souvenons-nous que c'est d'ailleurs dans des villes italiennes magnifiquement gérées que sont nés et ont prospéré un certain nombre d'instruments financiers qui sont encore en usage aujourd'hui, à commencer par la lettre de change.

Dans ces mêmes villes, croissance se mariait allègrement avec culture, rigueur avec vigueur, espérance avec renaissance, et c'est dans cet esprit de la Renaissance, fondé sur des finances publiques solides, sur une ingénierie financière intelligente et créative que, comme les Médicis et les Pazzi en leur temps, nous ferons en sorte que se lève sur la France cet esprit de renaissance que vous appelez de vos voeux.

Je conclurai en vous indiquant que la trajectoire des finances publiques que je soumettrai au début de décembre à nos partenaires européens sera évidemment communiquée auparavant à votre Haute Assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)