M. Yves Détraigne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ma collègue Catherine Morin-Desailly n'ayant pu être des nôtres aujourd'hui, je vais m'exprimer à sa place au nom du groupe de l'Union centriste.

Depuis votre prise de fonction rue de Valois, madame la ministre, le Gouvernement a ouvert de nombreux chantiers de réforme de l'audiovisuel public, à la fois pour l'adapter aux évolutions technologiques, mais aussi pour engager une réforme des structures.

Ces chantiers font, pour le moment, l'objet de consultations, de réflexions ou d'arbitrage. Je pense notamment à la rationalisation de l'audiovisuel extérieur ou encore à la mission confiée à David Kessler et Dominique Richard. Nous attendons les décisions du Gouvernement sur ces questions, qui sont déterminantes pour l'avenir de notre politique audiovisuelle.

Dans cette perspective, et au-delà de l'augmentation de 3,6 % du budget de l'audiovisuel public, je souhaite évoquer devant vous les moyens accordés aux organismes du service public de l'audiovisuel pour faire face à ses objectifs et relever les défis, notamment technologiques, en cours et à venir.

Pour les chaînes, certaines évolutions ont déjà été prises en compte dans les contrats d'objectifs et de moyens.

Ainsi pour le groupe France Télévisions, le contrat signé en avril dernier fixe des obligations et des objectifs ambitieux : le renforcement de la spécificité éditoriale des chaînes du service public, le développement des nouvelles technologies audiovisuelles, la modernisation de la gestion du groupe.

Plus largement, ce secteur est marqué par des bouleversements technologiques nombreux : l'extinction de la diffusion analogique et le passage au numérique induisent de nombreux coûts pour les chaînes du service public, qui doit assurer, de par la loi, la continuité de réception de ses services.

Toutes les chaînes sont également confrontées au développement des programmes en haute définition. Avec la télévision numérique terrestre, la TNT, les chaînes vont progressivement devoir généraliser leur offre de programmes en haute définition. Cet investissement est très coûteux.

En outre, le développement de la télévision par Internet oblige les chaînes à développer des services adaptés à ces nouveaux supports et aux nouveaux usages d'un public habitué à l'interactivité.

C'est le cas, notamment, des offres de vidéo à la demande développées par les chaînes publiques, notamment par Arte avec « Arte Global ».

Enfin, dernière mutation technologique, le développement de la télévision mobile personnelle, la TMP. Son lancement, annoncé pour la Coupe du monde de Rugby, a pris un peu de retard et est désormais attendu à l'occasion des jeux Olympiques de Pékin de 2008. La TMP obligera les chaînes de télévision à concevoir et développer des programmes spécifiques, courts et interactifs adaptés à ce support. À ces coûts de production des programmes, il faut ajouter les coûts de diffusion sur les réseaux des opérateurs de téléphonie mobile.

Ces investissements représentent des coûts importants pour les chaînes et ils n'ont pas toujours été prévus et financés dans les contrats d'objectifs et de moyens conclus entre l'État et les organismes publics.

Parallèlement à ces évolutions technologiques, les chaînes publiques se trouvent confrontées à une concurrence exacerbée.

La présence des dix-huit chaînes gratuites sur la TNT vient affecter l'audience des chaînes dites historiques. La perte d'audience qui s'ensuit se traduit par une perte de leurs ressources publicitaires.

Ainsi, France Télévisions voit ses recettes publicitaires augmenter d'à peine 1,2 % en 2007. On ne peut donc compter sur une augmentation des ressources publicitaires pour assurer le financement de la télévision publique.

Cette concurrence a également des conséquences sur les achats de droits d'oeuvres cinématographiques et télévisuelles, qui connaissent une surenchère, ce qui a pour conséquence d'augmenter le coût de la grille.

Au regard de ces évolutions, les chaînes du service public doivent faire face aux obligations légales précisées dans leurs cahiers des charges, notamment celles qui concernent la création. Je pense, en particulier, à la diffusion d'oeuvres européennes et françaises aux heures de grande écoute ou à la contribution à la production d'oeuvres cinématographiques et audiovisuelles.

Le législateur a également imposé à France Télévisions de se lancer dans une politique de sous-titrage des programmes pour les sourds et malentendants. Ces obligations sont utiles, tant pour la création que pour l'accessibilité des programmes, mais elles sont aussi coûteuses.

L'ensemble de ces investissements pèse sur les charges des organismes de l'audiovisuel public, qui ne voient pas leurs ressources évoluer en conséquence.

Le niveau actuel de la redevance ne leur permet pas d'assurer convenablement leurs missions et de financer les investissements technologiques nécessaires.

Or, si nous voulons conserver une télévision publique avec des programmes de qualité se distinguant des chaînes privées, il est nécessaire de lui en donner les moyens.

Nous devons continuer la réflexion déjà engagée sur le financement que nous voulons pour l'audiovisuel public.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Très bien !

M. Yves Détraigne. Le système de financement de notre audiovisuel public, comme celui de beaucoup de nos voisins européens, repose, d'une part, sur les recettes publicitaires, et, d'autre part, sur la redevance.

Dans notre pays, ce système s'essouffle parce que ces ressources ne sont pas assez dynamiques ; il est temps de l'adapter à la hausse des coûts et aux exigences des téléspectateurs.

Le montant de la redevance française est l'un des plus bas d'Europe et un des seuls à ne pas être indexé sur l'inflation. Si l'on constate une hausse du produit de la redevance cette année encore, c'est le résultat de l'amélioration du rendement de la redevance à la suite de la réforme de 2004, qui a adossé sa perception à la taxe d'habitation.

Quant aux recettes publicitaires, leurs perspectives d'évolution ne sont pas favorables : elles vont stagner du fait de la baisse d'audience et de la baisse des investissements des annonceurs sur les chaînes de télévision.

S'il est possible et nécessaire de réaliser des économies grâce à des synergies importantes au sein du groupe France Télévisions, ce ne sera pas suffisant pour dégager de nouvelles ressources à destination du service public.

Il n'existe que deux solutions : soit augmenter les ressources publicitaires, soit augmenter les recettes issues de la redevance.

La première option impose de revoir les règles actuellement applicables à la publicité télévisée.

Parmi les solutions possibles, sont régulièrement évoquées, à l'occasion de la transposition de la directive « Services de médias audiovisuels sans frontières », l'augmentation du volume horaire publicitaire pour les chaînes du service public, le passage de l'heure glissante à l'heure d'horloge ou encore l'augmentation de la publicité dans les émissions de flux, évoquée par le Président de la République et reprise par le président de France Télévisons.

Si ces propositions méritent réflexion, il faut néanmoins avoir à l'esprit qu'augmenter la publicité sur ces chaînes risque de conduire à leur assimilation à leurs concurrents privés.

La seconde option consiste à augmenter les recettes tirées de la redevance, qui permet aux organismes de l'audiovisuel public d'affirmer leur identité et leur différence. Trois pistes sont envisageables pour rendre cette ressource plus dynamique.

La première piste serait l'augmentation du montant de la redevance et son indexation sur l'inflation : cette année, comme depuis 2002, elle est à 116 euros. En outre, contrairement à d'autres impôts, elle n'est pas indexée sur l'inflation, ce qui n'est aucunement justifié.

C'est pourquoi les commissions des affaires culturelles de l'Assemblée nationale et du Sénat ont défendu, d'une part, une augmentation de la redevance, mais légère, afin de ne pas grever le budget des ménages et, d'autre part, son indexation sur l'indice des prix.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Yves Détraigne. La redevance serait aujourd'hui à environ 128 euros si elle avait suivi l'indice des prix depuis 2002.

La deuxième piste résiderait dans la stricte application du principe de remboursement intégral des exonérations pour motifs sociaux par l'État : il n'est pas normal que le budget de l'audiovisuel public finance des politiques sociales.

La troisième piste, enfin, consisterait à taxer les nouveaux supports. Aujourd'hui, une instruction fiscale exonère les ordinateurs équipés pour la réception des chaînes de télévision, alors qu'ils constituent un « dispositif assimilé permettant la réception de la télévision pour l'usage privatif» tel que défini par l'article 1605 du code général des impôts.

À l'instar de l'Allemagne, et conformément au principe de neutralité technologique, il faut élargir l'assiette de la redevance à tous les supports permettant la réception des programmes télévisés.

M. Nicolas Sarkozy, conscient des mutations technologiques et de l'accroissement de la concurrence dans ce secteur, a admis, pendant la campagne présidentielle, le manque de moyens de l'audiovisuel public pour se développer.

Madame la ministre, vous vous dites attachée à l'augmentation des ressources financières de l'audiovisuel public. Il est donc difficile de comprendre la fin de non-recevoir adressée au président de France Télévisons qui demandait de pouvoir augmenter ses ressources publicitaires par le biais de la coupure publicitaire dans les émissions de flux.

Cette mesure, en étant conditionnée, aurait pu être favorable à la création et aux programmes culturels.

Nous regrettons également la position du Gouvernement et de la commission des finances rejetant l'amendement d'équité de la commission des affaires culturelles du Sénat visant à fixer le montant de la redevance à 120 euros, sous prétexte de ne pas affecter le pouvoir d'achat.

Certes, cette année, le produit de la redevance augmente de 3,6 %. Cela s'explique principalement par la fin des exonérations dont bénéficiaient certaines personnes âgées.

Il n'en sera pas de même en 2009. En effet, sauf ressources nouvelles, les contrats d'objectifs et de moyens ne pourront pas être honorés par les organismes de l'audiovisuel public.

Le groupe de l'UC-UDF souhaite que vous meniez à bien l'ensemble de ces réformes, madame la ministre. Cependant, il juge essentiel que la question des moyens de l'audiovisuel public soit rapidement traitée. Il votera donc les crédits des missions « Médias » et « Avances à l'audiovisuel public » pour 2008 en espérant voir ces réformes aboutir dans le cours de l'année 2008. (MM. le président et le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Serge Lagauche.

M. Serge Lagauche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, cette année encore, nous ne pouvons que faire le constat du sous-financement chronique de notre audiovisuel public.

Ainsi, France Télévisions n'aura pas les moyens de faire face aux bouleversements en termes de technologie et de concurrence. Prenons l'exemple du passage au numérique : non seulement les coûts induits sont mal évalués - je pense en particulier aux réaménagements de fréquences et au financement du GIP France Télé numérique -, mais l'on sait d'ores et déjà que le calendrier pour 2011 ne pourra être tenu, ce qui risque de surenchérir les coûts de double diffusion analogique et numérique. Nous n'avons d'ailleurs pas manqué de le souligner lors de l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur.

Quant à la TMP, la télévision mobile personnelle, elle est absente du contrat d'objectifs et de moyens, qui court jusqu'en 2010, alors même que les frais de diffusion sont évalués à 8 millions d'euros par an et par chaîne à partir de 2009, sans parler des coûts de production de contenus spécifiques.

C'est pourquoi, cette année encore, je regrette que tout amendement visant à augmenter notre redevance audiovisuelle, pourtant l'une des plus basses d'Europe, donne lieu systématiquement à un avis défavorable du Gouvernement et qu'il soit donc immanquablement retoqué.

À l'invite de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles, arrêtons l'hypocrisie. D'une manière ou d'une autre, nettement moins visible ou ressentie, nos concitoyens payent la publicité.

M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Serge Lagauche. L'argument du pouvoir d'achat des ménages, avancé par le Gouvernement et le groupe UMP pour refuser cette augmentation, est à géométrie variable.

Bizarrement, le pouvoir d'achat des 780 000 personnes âgées aux revenus modestes, exonérées jusqu'alors de la redevance audiovisuelle, mais qui ne le seront plus dès 2008, ne vous soucie guère. Mais il est vrai que le maintien de ces exonérations aurait exigé un relèvement à due concurrence du plafond des exonérations. Si tel avait été le cas, nous n'aurions alors pas manqué de le rappeler, car l'audiovisuel n'a pas à financer la politique sociale du Gouvernement ; cela doit relever du budget de l'État.

À ce titre, l'adoption, à l'article 21, de l'amendement du Gouvernement tendant au relèvement du plafond est une bonne chose, mais on est encore bien loin du compte pour respecter le principe du remboursement intégral des dégrèvements pour motifs sociaux introduit par la loi, en 2000, sur l'initiative du gouvernement Jospin.

Avec la réforme de 2004, on a tout misé sur une augmentation significative du recouvrement. Mais les économies induites n'ont pas été à la hauteur des prévisions, et les écarts entre les montants de redevance votés et les encaissements réalisés ont même augmenté ces dernières années.

Plus largement - et sur ce point encore je rejoindrais l'avis de M. le rapporteur pour avis de la commission des affaires culturelles -, à l'heure de la diversification des supports de réception de la télévision, nous ne pourrons faire l'impasse beaucoup plus longtemps sur un réel débat autour de l'élargissement de l'assiette de la redevance audiovisuelle.

D'ores et déjà, 3,5 millions de Français regardent la télévision sur Internet et la TMP sera bientôt lancée. Ne taxer que les téléviseurs devient, chaque année, de plus en plus obsolète. Mais nous attendons de voir le contenu des réformes que vous avez annoncées, madame la ministre.

À l'instar des professionnels de l'audiovisuel, nous considérons le report des décrets d'application des obligations patrimoniales, votées sur l'initiative du Sénat lors l'examen du projet de loi relatif à la modernisation de la diffusion audiovisuelle et à la télévision du futur, comme un très mauvais signe.

Invoquer les réformes à venir, qui ne concernent pas à proprement parler la définition de l'oeuvre audiovisuelle, pour ne pas appliquer les sous-quotas patrimoniaux, constitue, d'ores et déjà, un recul pour la création, dans un contexte où les diffuseurs privés réclament tout bonnement la remise en cause des obligations d'investissement et de diffusion.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. Absolument !

M. Serge Lagauche. De fait, madame la ministre, avec ce report, vous avez déjà accepté que ces obligations deviennent un élément de marchandage sur d'autres sujets.

La lettre de mission que M. le Président de la République vous a adressée l'été dernier vous enjoignait de permettre l'émergence de groupes de communication audiovisuelle français de premier plan, mais tout en tenant compte de la nouvelle donne du marché comme des exigences de la création. J'ai bien peur que cette dernière recommandation ne passe par pertes et profits, et que vos réformes à venir ne visent qu'exclusivement la première.

De plus, les derniers aléas de la crise de la presse, avec le rachat du journal Les Échos, nous ont démontré que la défense du pluralisme et de l'indépendance journalistique n'était pas non plus une des priorités de votre politique en matière de médias.

Si la presse est en crise, elle ne l'est pas pour tout le monde, et en tout cas ni pour les publicitaires orientés sur les « gratuits » ni pour les investisseurs.

Le dispositif des aides à la presse ne peut à lui seul permettre au secteur d'inverser une tendance de fond, liée à la révolution numérique et à celle des « gratuits » financés par la publicité.

De même, celui-ci ne peut être dissocié des questions soulevées par la concentration et la financiarisation des groupes multimédias et devrait prendre en compte des critères d'indépendance. Que Bernard Arnault se « paye » un des rares quotidiens français bénéficiaires, qui est l'une des plus importantes sources d'information du pays pour les milieux d'affaires, dont LVMH est un des fleurons, qu'il soit en mesure de choisir l'identité de son principal concurrent au travers de la revente de La Tribune, et ce avec la plus grande bienveillance du Gouvernement et de la Présidence de la République, tout cela en dit long sur la convergence idéologique du pouvoir actuel et des grands groupes industriels détenteurs de médias. Les journaux se font d'abord avec des actionnaires ; à eux, donc, de donner la ligne éditoriale. L'information n'est plus qu'une simple marchandise !

Mais, m'objectera-t-on, pourquoi ce secteur resterait-il à l'écart de cette normalisation économique, à l'écart du primat de l'économique ?

S'il est des secteurs où le « non lucratif » et le « hors marché » doivent encore avoir un sens, s'il est des secteurs qui doivent être protégés du « tout libéral » au profit du pluralisme et de l'indépendance, la presse d'opinion ne devrait-elle pas en faire partie ?

Car c'est de l'information des citoyens, et donc de la vitalité de notre démocratie, qu'il est question. Peut-être que ce sujet mériterait également un Grenelle, ou un Valois, comme le propose M. de Broissia. Finalement, peu importe l'appellation retenue !

Vous le comprendrez donc aisément, madame la ministre, dans un tel contexte, le groupe socialiste votera contre les crédits de la mission « Médias ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Albanel, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires culturelles, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur spécial, madame, monsieur le rapporteur pour avis, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d'abord remercier tous les orateurs de leurs interventions très intéressantes, très documentées et, souvent, très précises. Elles ont permis de dresser un tableau finalement assez complet de notre audiovisuel public, de la presse et, bien sûr, de l'audiovisuel extérieur, sujet qui préoccupe particulièrement M. Duvernois et Mme Cerisier-ben Guiga.

S'agissant de notre audiovisuel public, j'ai été sensible au fait que M. Belot, rapporteur spécial, et M. Louis de Broissia, rapporteur pour avis, aient insisté sur l'effort important consenti par l'État. En effet, les contrats d'objectifs et de moyens conclus en la matière sont la marque d'un engagement fort de sa part.

Ainsi, dès mon arrivée rue de Valois, je me suis battue pour que ces contrats soient évidemment maintenus en l'état, dans la mesure où ils prévoient tout de même une augmentation significative des crédits alloués à France Télévisions et à ARTE, en hausse respective de 3,5 % et de 4,1 % pour 2008.

L'objectif sous-tendu par un tel effort est double : veiller au respect de l'identité propre à nos chaînes publiques, mais aussi négocier le virage décisif des nouvelles technologies, évoqué par M. Assouline, notamment la TNT, la haute définition, ainsi que la télévision mobile personnelle. C'est la raison de l'engagement de l'État au début de l'été, que j'ai constamment rappelé depuis.

Certes, l'augmentation éventuelle du financement de France Télévisions par l'octroi d'une seconde coupure publicitaire a fait débat, mais n'a finalement pas été retenue. Personnellement, j'étais réservée sur ce sujet, compte tenu de l'aspect très « imbriqué » de notre marché publicitaire et du fait qu'une mesure isolée, ne concernant pas les autres médias, radio et presse écrite, pouvait avoir des conséquences dangereuses.

Cela étant, je suis bien décidée à mener les réflexions et à ouvrir les chantiers qui s'imposent, en ayant évidemment à l'esprit - disant cela, je veux rassurer M. Ralite - le nécessaire respect des missions essentielles de France Télévisions. Certes, nous ne sommes plus à l'époque de Claude Santelli, mais nous attendons tous beaucoup de notre télévision publique, qui doit préserver autant que faire se peut son identité.

C'est le sens des réformes engagées sur plusieurs sujets d'importance.

Nous avons, tout d'abord, commencé à travailler avec les responsables de France Télévisions sur une évolution des structures du groupe, lequel comprend, d'un côté, la holding et, de l'autre, les chaînes. De notre point de vue, certaines fonctions « support » pourraient être davantage développées au sein de la holding, ce qui entraînerait sans doute une meilleure utilisation des ressources et une gestion plus rationnelle.

C'est l'une des voies à creuser, mais certainement pas la seule, pour apporter une réponse aux problèmes de financement de l'audiovisuel public. Un tel mouvement a d'ores et déjà été initié au sein de France Télévisions, et nous souhaitons qu'il puisse se développer.

Par ailleurs, il conviendrait que le groupe prenne un virage éditorial plus marqué, car nous avons la conviction que cela correspond à l'attente d'une certaine partie du public. Bien sûr, M. Assouline l'a souligné, les publics sont multiples et les pratiques évoluent. Néanmoins, dans le même temps, nous pensons qu'il existe un public prêt pour une télévision de qualité. Nous avons pu le constater au travers des succès d'audience des grandes séries ou de la pièce de Sacha Guitry Faisons un rêve, le public répond présent quand on lui propose justement des produits de qualité.

Telle est la direction dans laquelle nous entendons travailler avec les responsables de France Télévisions.

Au-delà de ce mouvement vers une meilleure mutualisation des moyens, il importe de s'interroger sur le développement des ressources propres et, partant, sur le niveau de la redevance audiovisuelle et sur son mode de recouvrement. Pour 2008, la question a été réglée, puisque toute augmentation a été complètement écartée. Cela étant, la démarche peut être poursuivie, d'autant que les remarques formulées autour de la redevance sont très intéressantes et méritent de nourrir notre réflexion.

En outre, j'entends ouvrir le dossier de la publicité.

Nous sommes en train de réaliser un audit du paysage publicitaire au cours de l'année écoulée, qui porte notamment sur les modes de répartition des flux et sur les suites données à la mise en oeuvre des dispositions prises sur la grande distribution. Nous souhaitons nous faire l'idée la plus précise possible de la situation sur le plan publicitaire, en ayant à l'esprit qu'il s'agit effectivement d'un marché imbriqué. Il faut donc nous abstenir de toute initiative de nature à déstabiliser le secteur dans son ensemble, et notamment la presse écrite.

En même temps, plus d'argent, c'est aussi plus de souplesses et plus de possibilités offertes aux producteurs pour la création audiovisuelle.

Pour répondre aux observations faites par MM. Lagauche et Ralite, je tiens à souligner que les grands groupes télévisuels privés contribuent puissamment à la production et à la création. Nous ne pouvons que nous réjouir de ce que ces grands groupes offrent au public des chaînes gratuites, financées, naturellement, par la publicité. Il y a tout un éventail de programmes dont nous pouvons être fiers, et ce grâce à la très grande qualité des producteurs, des documentaristes et des animateurs. À cet égard, je le rappelle, TF1 consacre chaque année à des oeuvres de fiction et de création une part extrêmement importante de son chiffre d'affaires - 16 %, soit 240 millions d'euros !

Un autre chantier a été lancé concernant les relations entre les producteurs et les diffuseurs.

Les décrets de 2001 de Mme Catherine Tasca et, parallèlement, le sous-quota d'oeuvres patrimoniales au sein des obligations d'investissement dans la production audiovisuelle imposées aux diffuseurs, ont été évoqués.

Je le dis très clairement : je suis attachée à ce sous-quota. Si son instauration a été quelque peu différée, ce n'est pas parce que je souhaite le voir disparaître au profit de grands groupes dont je voudrais faciliter le développement. La raison en est que les décrets Tasca, dont la motivation était intéressante et certains effets tout à fait positifs, ont aussi produit des effets pervers concernant la circulation et la diffusion des oeuvres.

Chacun s'accorde à dire qu'il faut moderniser ces décrets. C'est dans cet esprit que nous avons confié à des personnalités très engagées sur le plan culturel, David Kessler et Dominique Richard, la mission de mener une réflexion à cet égard. La question du sous-quota d'oeuvres patrimoniales doit faire partie de cette problématique globale. Nous présenterons prochainement, dès le début de 2008, des propositions tendant à moderniser le système, tout en respectant les intérêts des divers acteurs, qu'il s'agisse des producteurs, des auteurs ou des diffuseurs.

En revanche, le dossier des seuils de concentration, qui concerne la question plus globale du développement des grands groupes, n'est pas encore ouvert. Il faut avoir présent à l'esprit que ceux que nous considérons, dans le domaine de l'audiovisuel, comme de grands groupes, ne le sont pas du tout si on les compare avec des groupes de télécommunications ou des groupes étrangers.

Telles sont les perspectives pour notre paysage audiovisuel.

Louis de Broissia a évoqué, plus particulièrement, les décrochages régionaux de France 3 et leur financement ; nous y réfléchissons actuellement. J'ai d'ailleurs été saisie de cette question par les responsables de France Télévisions. On pouvait considérer, en effet, que ces décrochages étaient financés par le COM, mais ce document mentionne un financement ad hoc. Nous évoquerons cette question importante très prochainement avec M. le Premier ministre, que j'ai déjà saisi du sujet.

M. Jacques Valade, président de la commission des affaires culturelles. C'est le Sénat qui a soulevé cette question !

Mme Christine Albanel, ministre. M. Lagauche a affirmé que nous ne tiendrions pas le calendrier des évolutions technologiques futures. Je tiens à le rassurer : tout se déroule comme prévu et chaque étape est franchie en temps et en heure. Le passage au numérique aura lieu dans les délais prévus. Les appels d'offres ont, d'ores et déjà, été lancés par le CSA, et M. le Premier ministre présentera, au printemps, le schéma, comme cela avait été annoncé.

Pour les chaînes, le passage au numérique permettra des économies de diffusion qu'il est difficile, pour l'instant, d'évaluer de façon très exacte, mais qui pourraient atteindre les 200 millions d'euros. Certes, les nouvelles technologies coûtent de l'argent mais, parallèlement, le passage au numérique permet d'en économiser, et il est important de le souligner.

La télévision mobile personnelle n'était pas prévue dans le COM de France Télévisions. Mais elle peut assurer son financement en engendrant ses propres ressources, par exemple par le biais des abonnements, si l'on retient ce modèle-là.

L'audiovisuel extérieur, source d'interrogation, voire de perplexité, est un dossier fort complexe depuis longtemps, et encore plus depuis la création de France 24. Nous y consacrons au total 360 millions d'euros. Ce chiffre est, en fait, assez comparable à celui des investissements réalisés par nos voisins européens. Cependant, nos investissements sont plus éparpillés. La démarche qui a inspiré le rapport dont il est question aujourd'hui dans la presse vise précisément à donner plus de cohérence à l'ensemble.

Ce rapport, qui a été coordonné par l'Élysée - toutes les auditions s'y sont déroulées - a été lancé lors d'une réunion chez M. le Premier ministre, en raison de l'aspect interministériel du dossier. La Direction du développement des médias, la DDM, les services de la Direction de l'audiovisuel extérieur du ministère des affaires étrangères ainsi que les cabinets de ce ministère et de celui de la culture ont participé à son élaboration. Il s'agit donc d'un travail collectif.

Pour autant, nous en sommes seulement au stade du rapport et les décisions ne sont pas prises. Nous choisirons avec le Président de la République, le Premier ministre et le ministre des affaires étrangères, au cours d'une réunion de travail, les propositions qu'il conviendra de conserver.

L'idée retenue est la constitution d'une holding. On ne pourra cependant pas avancer très vite sur ce dossier de l'audiovisuel extérieur, dont M. Duvernois a rappelé toute la complexité, à cause de la diversité des historiques, des actionnariats et des objectifs poursuivis, sans omettre la diversité des statuts, notamment ceux des journalistes.

Il faut donc avancer prudemment, mais avancer tout de même et trouver des synergies, car ce sujet est à l'ordre du jour depuis longtemps.

Ce dossier contient des points forts : la distribution et la diffusion pour TV 5, l'information pour France 24 - une petite chaîne qui commence à s'affirmer -, mais aussi, cela a été justement souligné, l'implantation de RFI et la force de ses réseaux.

M. Belot a fait remarquer que le système, cependant, ne fonctionnait pas bien et que les acteurs ne se connaissaient pas : les ambassadeurs ne connaissent pas les responsables, et ceux-ci ne se connaissent pas les uns les autres. Cela marque une faiblesse du paysage actuel.

TV 5 et France 24 seraient donc réunies au sein d'une holding, qui assumerait les fonctions de support. Par ailleurs, un groupement d'intérêt économique serait chargé de gérer la ressource Internet, et un autre l'agence auprès de laquelle les journalistes des chaînes pourraient puiser l'information, la traiter et l'éditorialiser en fonction de la culture propre à chaque chaîne.

Il ne s'agit, à ce stade, que d'un projet. On pourrait d'ailleurs imaginer une structure de préfiguration dont la mission serait de travailler sur ce projet et, notamment, sur sa faisabilité. Différents problèmes, comme celui du partenariat, doivent en effet être réglés.

TV 5 est, clairement, une chaîne francophone. Nos partenaires ont d'ailleurs fait connaître leurs interrogations, à Lucerne. Nous ne devons pas gâcher ce qui fait la force et l'originalité de TV 5, c'est-à-dire sa nature d'espace francophone. Il nous faudra, de toute façon, avancer avec nos partenaires.

D'autres problèmes, d'ordre financier et social, sont également à résoudre.

Le rapport apporte donc de bonnes bases et des pistes de réflexion intéressantes dans ce dossier, qui n'est pas simple. Il reste, ensuite, à prendre des décisions, auxquelles il est souhaitable que la représentation nationale - notamment le Sénat, très concerné par ces sujets - soit associée. Nous pourrons ainsi avancer dans la transparence, en nous inspirant des réflexions des uns et des autres.

Mme Cerisier-ben Guiga a souligné l'intérêt que représentent Internet et les pôles multimédias pour l'audiovisuel extérieur. Internet peut être effectivement une solution particulièrement intéressante dans certaines zones. Quant à la télévision et à la radio - pour cette dernière, dans le cas de l'Afrique, par exemple -, elles peuvent représenter une très bonne réponse dans d'autres zones.

S'agissant du financement de France 24, il est vrai que le montant figurant dans le budget est de 70 millions d'euros, alors que la convention passée avec l'État prévoit une somme de 88,5 millions d'euros. Le Premier ministre s'est engagé, dans un courrier dont je dispose, à trouver ce financement complémentaire en cours d'année. Cet engagement sera tenu au cours de l'année 2008. (M. David Assouline sourit.)

Il existe, par conséquent, une large palette de solutions et de nombreuses missions à préciser. Il ne s'agit, là encore, que de pistes, car nous en sommes toujours au stade de la réflexion, les décisions n'étant pas encore prises, je le répète.

M. Duvernois a évoqué la chaîne RFI, qui pose, il est vrai, un problème particulier. Plusieurs orateurs ont également souligné que, depuis plusieurs années, le financement de RFI n'était pas satisfaisant.

Nous travaillons à l'élaboration d'un COM pour RFI, afin que s'engagent une réforme et une réflexion, et que soient clarifiés les objectifs et les moyens. Il est important que ce travail préalable soit mené en concertation avec RFI, avant d'envisager l'intégration de cette chaîne au sein de la nouvelle structure de l'audiovisuel extérieur.

Monsieur Ralite, il n'y a eu, naturellement, aucune vente aux enchères de fréquences hertziennes ! S'agissant du « dividende » numérique ou de ce qu'il pourra être, j'ai au contraire personnellement défendu l'idée qu'il fallait garder toutes les possibilités de développements futurs, très gourmands en fréquences, de notre audiovisuel.

Il ne faut donc rien préempter, car le dividende numérique doit d'abord servir au développement de notre audiovisuel, avant celui des télécommunications.

La mise aux enchères de fréquences hertziennes a lieu dans certains pays, comme l'Angleterre. Cette idée est d'ailleurs défendue par Vivian Reading, la commissaire européenne pour la société de l'information et les médias. C'est une idée que je combattrais avec force, pour ma part, si l'occasion m'en était donnée, mais elle n'est pas à l'ordre du jour dans notre pays.

Louis de Broissia a souligné l'effort important fait en faveur de la presse, soit 288 millions d'euros, ce qui représente une augmentation de plus de 6 % par rapport à 2007. Ces crédits sont destinés à la modernisation de la presse et à l'amélioration de sa diffusion.

Nous nous sommes ainsi fortement engagés dans la réforme des Nouvelles messageries de la presse parisienne, les NMPP, auxquelles nous consacrons 12 millions d'euros, contre 8 millions d'euros auparavant, ce qui permettra de multiplier les points de vente et de rendre la presse plus accessible. La première force des journaux gratuits, je le rappelle, c'est justement qu'on peut les trouver un peu partout. L'augmentation de 500 points de vente a, d'ores et déjà, entraîné une hausse des ventes de journaux.

Une réflexion d'ensemble sur la presse est certainement à mener. De nombreuses questions se posent, notamment celles qui sont liées au développement de la presse sur Internet et, par conséquent, au problème des droits d'auteur. J'ai d'ailleurs reçu, ce matin, une intersyndicale de journalistes, avec lesquels nous avons évoqué divers sujets.

Je ne sais pas s'il faut réunir un « Valois » de la presse, mais une réflexion globale est nécessaire, car ce secteur est en pleine mutation. Nous sommes tout à fait prêts à nous associer à cette réflexion.

Nous avons, d'ores et déjà, engagé une démarche de développement de la presse. Dans les deux affaires concernant Les Échos et La Tribune, de nombreuses garanties ont été données. Celles qui avaient été spécifiées par Pearson, lors de la vente de La Tribune, ont été reprises par l'acheteur. Le combat mené par les rédactions en vue de l'affirmation de leur indépendance constitue d'ailleurs un gage très explicite de la préservation de cette indépendance. Le Gouvernement a suivi de près cette affaire et la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes examine actuellement l'ensemble du dossier.

M. Claude Belot a posé une question sur les décrets d'application de l'article 14 de la loi de finances pour 2007. Nous recherchons actuellement une solution afin de rendre applicable cette disposition que vous avez adoptée l'année dernière. Un amendement en ce sens a été voté, hier, par la commission des finances de l'Assemblée nationale, dans le cadre de l'examen de la loi de finances rectificative pour 2007. Nous espérons que ce problème sera bientôt résolu.

Nous vivons une période de grandes mutations, mutations que nous voudrions accompagner en réalisant les modernisations nécessaires tout en respectant les équilibres dans un secteur difficile, dont les acteurs - auxquels, je le disais, je suis très attentive - sont très fortement engagés et qui tient terriblement à coeur à chacun, car, comme le disait Jack Ralite, il représente une part très importante de notre vie quotidienne.

Vouloir développer des grands groupes n'est pas mal en soi. En revanche, il faut développer parallèlement notre audiovisuel public, veiller à ce que l'audiovisuel extérieur ait une voix plus forte et plus cohérente, accompagner aussi, bien sûr, la presse et les radios dans leurs évolutions.

C'est donc un mouvement d'ensemble qu'il faut conduire et c'est dans cet esprit que j'aborde les différents chantiers qui ont été ouverts. Ces chantiers sont d'ailleurs confiés à des personnalités qui connaissent bien les questions et qui sont susceptibles d'entendre assez finement les attentes fortes des uns et des autres.

Pour terminer, je ne crains pas de dire que nous pouvons être fiers de notre audiovisuel, qui reste exemplaire comme l'on peut s'en rendre compte dès que l'on voyage ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

médias

Médias - Compte spécial : avances à l'audiovisuel public
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article additionnel avant l'article 62

M. le président. Nous allons procéder à l'examen de l'amendement portant sur les crédits de la mission « Médias » figurant à l'état B.

État B

(En euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Médias

511 881 188

506 881 188

Presse

284 561 337

279 561 337

Chaîne française d'information internationale

70 000 000

70 000 000

Audiovisuel extérieur

157 319 851

157 319 851

M. le président. L'amendement n° II-15, présenté par M. Belot, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

I. Créer le programme : « Action audiovisuelle extérieure »

II. Supprimer les programmes : « Chaîne française d'information internationale, Audiovisuel extérieur »

III. En conséquence, modifier comme suit les crédits des programmes :

(En euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

+

-

+

-

Presse

Chaîne française d'information internationale

70.000.000

70.000.000

Audiovisuel extérieur

159.191.844

159.191.844

Action audiovisuelle extérieure

229.191.844

229.191.844

TOTAL

229.191.844

229.191.844

229.191.844

229.191.844

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.