Mme Éliane Assassi. Vous ne pouvez pas comparer !

M. Jean-Guy Branger, rapporteur pour avis. Les communistes français sont des conservateurs !

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur Othily, je voudrais remercier le groupe RDSE d'avoir, par votre intermédiaire, apporté son soutien à la politique que je conduis. Les accords que nous envisageons de signer avec Haïti et le Brésil, qui correspondent à votre préoccupation territoriale, devraient comporter, à mon sens, des dispositions spécifiques afin de tenir compte de la particularité des flux migratoires dans les Caraïbes et en Amérique latine. J'y veillerai.

Vous savez que je me suis rendu récemment en Guyane : la réalité des chiffres de l'immigration clandestine y est extrêmement préoccupante. La totalité des élus, quelle que soit leur sensibilité, y compris la nouvelle députée, nous rejoignent pour constater la nécessité de ne pas laisser la situation se dégrader davantage. Nous aurons l'occasion d'y réfléchir.

Vous m'avez enfin interrogé sur le droit de la nationalité et son incidence sur les flux migratoires outre-mer. Cette question extrêmement complexe et délicate appelle naturellement une analyse juridique très pointue et un débat de principe. D'ailleurs, François Baroin, lorsqu'il était ministre de l'outre-mer, avait évoqué certains de ces sujets. Je ne peux pas développer aujourd'hui ma position, au détour de ce débat budgétaire. Cependant, j'ai pris note de votre préoccupation ; je ne compte pas laisser cette question sans réponse, mais souhaite l'aborder dans le calme et la sérénité.

Monsieur Dominati, je vous remercie tout d'abord de vos encouragements. Vous m'avez interrogé sur la politique d'intégration du ministère : pas plus que tous mes prédécesseurs et - j'imagine - mes successeurs, je n'ai ou je n'aurai de solution miracle en poche ! Nous devons cependant progresser avec pragmatisme dans la réalisation de trois chantiers concrets.

Le premier consiste à en finir avec les ghettos urbains qui, comme vous le savez, concentrent un million d'immigrés, sans compter leurs familles. Je propose donc aux bailleurs et aux institutions - l'Association des maires de France, l'AMF, le 1 % logement, sujet que vous connaissez bien, et l'Union sociale pour l'habitat - qui gèrent des contingents de logements sociaux, de mieux les réguler. Ils pourront me présenter des propositions dans ce domaine, ce qui n'est pas toujours simple. Une discussion devra être engagée avec les élus locaux, car rien ne doit être imposé d'en haut, mais il nous faut agir si nous voulons combattre l'émergence des communautarismes. J'imagine que cette préoccupation est partagée.

Le deuxième chantier consistera à aider les étrangers qui arrivent en France et ceux qui y vivent à donner un sens à leur démarche et à trouver des repères. C'était l'objet de la loi n° 2007-1631 du 20 novembre 2007 relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, validée le 15 novembre par le Conseil constitutionnel.

Le troisième chantier doit permettre aux immigrés et aux Français issus de l'immigration de travailler. J'ai proposé la réalisation de bilans de compétences, car la situation actuelle ne peut pas perdurer : le taux de chômage de la population française tourne autour de 8 % et celui de la population d'origine immigrée, autour de 22 %. Tous les ingrédients sont réunis pour que nous connaissions de graves difficultés à l'avenir, si nous ne réagissons pas à temps !

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, telles sont les réponses que je souhaitais apporter aux préoccupations que vous avez exprimées. Je suis sûr qu'avec ce budget et son identification nous ferons progresser les causes de l'immigration et de l'intégration. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le ministre, je voudrais saluer votre engagement dans la constitution de ce nouveau ministère. La mission dont les crédits vont être votés tout à l'heure permet d'en apprécier l'envergure.

Je voudrais toutefois exprimer ce qui s'apparente à un regret. Pour réussir dans votre action, vous avez besoin de mobiliser, au sein de cette mission, l'ensemble des moyens nécessaires. Or, il nous est apparu, sur la base des travaux du rapporteur spécial André Ferrand, que les crédits informatiques du « réseau mondial visa » auraient eu leur place au sein de la mission « Immigration, asile et intégration » dont vous avez la charge.

Il nous semble, à cet égard, que la réforme de l'État n'est pas un long fleuve tranquille et que le Quai d'Orsay n'a pas vraiment joué le jeu. Notre collègue Adrien Gouteyron, en sa qualité de rapporteur spécial de la mission « Action extérieure de l'État », avait déposé un amendement tendant à transférer ces crédits vers votre mission. Malheureusement, nous avons compris que nous ne parviendrions pas à faire voter cet amendement, et je le regrette.

J'observe que le ministère de l'intérieur, s'agissant des cartes de séjour, a totalement joué le jeu de cette synergie. Je déplore donc que le Quai d'Orsay soit resté à l'écart de cette dynamique. Peut-être partagez-vous ce regret, monsieur le ministre ?

M. Christian Cambon. Très bien !

Immigration, asile et intégration

Immigration, asile et intégration
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 45

M. le président. Nous allons procéder à l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » figurant à l'état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

Immigration, asile et intégration

611 388 329

602 688 329

Immigration et asile

418 170 159

409 470 159

Dont titre 2

18 363 514

18 363 514

Intégration et accès à la nationalité française

193 218 170

193 218 170

Dont titre 2

13 159 686

13 159 686

M. le président. L'amendement n° II-16 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asileDont Titre 2

Intégration et accès à la nationalité françaiseDont Titre 2

- 500 000

- 500 000

TOTAL

500 000

500 000

SOLDE

- 500 000

- 500 000

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. M. le ministre a bien voulu nous éclairer sur l'accueil qu'il comptait réserver aux trois amendements que j'ai déposés, au nom de la commission des finances. J'apprécie son sens de l'efficacité et son souci de nous faire gagner du temps !

L'amendement n° II-16 rectifié vise à permettre à la tutelle sur l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations, l'ANAEM, de faire prévaloir les modalités de la nouvelle gestion publique introduites par la LOLF, qu'il s'agisse de comptabilité d'engagement, de comptabilité analytique et de définition du fonds de roulement au niveau strictement nécessaire à l'exercice des missions.

Il tend à diminuer la subvention pour charges de service public à l'Agence nationale de l'accueil des étrangers et des migrations à hauteur de 500 000 euros. Nous nous inquiétons en effet de l'important fonds de roulement de l'ANAEM, qui s'élève à 62,3 millions d'euros pour un budget de 134 millions d'euros en 2007. Cette situation pose la question de la qualité de la gestion et de la justification au premier euro. Le Parlement est sollicité pour voter une subvention importante à l'ANAEM, de 44,6 millions d'euros, sans savoir précisément si celle-ci correspond aux besoins réels de l'organisme, d'autant que l'article 45 du projet de loi de finances relève significativement le montant de la taxe perçue par l'Agence pour validation de l'attestation d'accueil.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Comme je l'avais annoncé, le Gouvernement s'en remet à la sagesse de la Haute Assemblée.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Je mets à profit la discussion de cet amendement pour interroger M. le ministre sur le rôle de l'ANAEM.

Il semble que cette agence ait développé une mission d'encouragement à l'expatriation. Cette activité correspond-elle bien à la vocation de l'ANAEM ? Nous entendons parler d'un « espace emploi international » qui mobilise trente-cinq emplois en équivalent temps plein travaillé afin de permettre à des Français d'aller travailler dans un certain nombre de pays, comme le Québec.

À l'heure où nous voulons accroître le pouvoir d'achat des Français, nous devons nous demander comment il est possible de travailler plus en France. Je comprends que certains de nos compatriotes souhaitent s'expatrier, mais faut-il pour autant les y encourager et cette mission relève-t-elle de la compétence de l'ANAEM ?

Peut-être pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, si cette ligne d'action et les moyens qu'elle mobilise correspondent bien à la vocation de votre ministère.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Brice Hortefeux, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, nous n'allons pas engager un débat trop long à cet instant sur le rôle et l'activité de l'ANAEM.

Je souhaiterais tout d'abord vous communiquer une information formelle. Le poste de président de cet organisme étant vacant, j'ai proposé au Président de la République et au Premier ministre le nom d'une personnalité que vous connaissez bien, puisqu'elle s'est exprimée pendant deux ans devant les parlementaires : il s'agit de M. Philippe Bas, l'ancien ministre de la santé, qui s'intéresse à ces sujets.

M. Alain Gournac. Très bien !

M. Brice Hortefeux, ministre. Concernant les missions de l'ANAEM, il est vrai que cette agence a eu tendance, ces derniers temps, à développer son activité en faveur de la situation des expatriés. Vous avez raison, monsieur le président de la commission des finances, une réflexion devra être menée sur ce sujet.

Une mission importante de l'ANAEM, qui a été adoptée lors de la discussion du récent projet de loi relatif à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile, consistera à assurer une partie de la formation linguistique des candidats à l'entrée en France en amont de leur venue sur le territoire national.

Nous souhaitons que l'ANAEM soit présente dans un plus grand nombre de pays. Je vous indique d'ailleurs que nous allons travailler en commun avec certains de nos voisins européens. Par exemple, nous allons mettre en place, conjointement avec le ministre de l'intérieur et le ministre chargé de l'intégration allemands, un système d'accueil et de formation linguistique commun, puisque le dispositif allemand est à peu près identique au nôtre. Ainsi, nous utiliserons à cette fin les locaux de l'ANAEM à Tunis, parce que nous sommes plus présents et mieux organisés que les Allemands en Tunisie, alors que nous sommes en revanche sans doute moins bien placés qu'eux en Turquie. Nous allons donc mettre en oeuvre un partenariat.

Il n'en demeure pas moins que je suis attentif à la démarche que vous avez évoquée, monsieur le président de la commission des finances. Pour essayer de vous répondre le plus précisément possible, j'indiquerai que l'analyse que vous avez développée peut être intégrée, à mon avis, dans la revue générale des politiques publiques. Cela permettrait sans doute d'y voir un peu plus clair.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-16 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. L'amendement n° II-17 rectifié, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Modifier comme suit les crédits des programmes :

(en euros)

Programmes

Autorisations d'engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Immigration et asileDont Titre 2

+500.000

+ 500.000

Intégration et accès à la nationalité françaiseDont Titre 2

 

- 500.000

 

- 500.000

TOTAL

500.000

500.000

500.000

 500.000

SOLDE

0

0

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. Nous connaissons la réticence de M. le ministre devant notre proposition, réticence fondée avant tout sur les problèmes que l'adoption de cet amendement pourrait éventuellement poser au ministre chargé de la ville. Les circonstances sont telles que nous comprenons votre préoccupation, monsieur le ministre.

Cela étant, je vais tout de même défendre cet amendement, qui vise à permettre à la tutelle sur l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances de faire prévaloir les modalités de la nouvelle gestion publique introduites par la LOLF, afin de définir un plafond d'emplois au niveau strictement nécessaire à l'exercice des missions.

L'amendement tend à diminuer la subvention pour charges de service public versée à l'Agence nationale pour la cohésion sociale et l'égalité des chances de 500 000 euros au titre de l'action n° 12 « Intégration et lutte contre les discriminations » du programme n° 104 « Intégration et accès à la nationalité française », ce qui représente le coût moyen de dix emplois en équivalent temps plein travaillé, selon le projet annuel de performances. Il s'agit de répercuter dans la définition du plafond d'emplois de l'Agence une partie des conséquences de la diminution d'activité liée au transfert de la gestion du contrat d'accueil et d'intégration à l'ANAEM, qui correspondrait à trente-sept équivalents temps plein travaillé.

L'amendement vise enfin à augmenter les crédits de l'action n° 4 « Soutien au programme ?Immigration et asile ? », afin de conforter le développement de l'application informatique TRINAT/PRENAT, à hauteur de 500 000 euros.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Je confirme la demande de retrait que j'ai formulée tout à l'heure.

M. le président. Monsieur le rapporteur spécial, l'amendement est-il maintenu ?

M. André Ferrand, rapporteur spécial. Étant donné ce que je viens de dire, on aura compris que la commission des finances est disposée à tenir compte de l'actualité.

Cependant, la commission insiste sur le fait que le message qu'elle entendait faire passer doit demeurer, nonobstant le retrait de l'amendement.

Il s'agit d'encourager l'ACSÉ à encore mieux suivre, évaluer, contrôler et animer les nombreux opérateurs.

Cela étant précisé, la commission retire l'amendement.

M. le président. L'amendement n° II-17 rectifié est retiré.

La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. À l'appui de ce que vient de dire excellemment M. Ferrand, j'ajouterai que nous avons pu disposer des résultats d'une enquête de la Cour des comptes sur la politique de la ville qui avait été demandée par notre ancien collègue Roger Karoutchi et par Philippe Dallier.

Cette enquête a mis en évidence le rôle de l'ACSÉ et certaines lacunes dans son action, notamment l'absence d'évaluation des actions conduites par les quelque 4 800 associations qui reçoivent des fonds de l'Agence.

La commission a donc retiré l'amendement pour ne pas compliquer la tâche du Gouvernement ni brouiller le message, mais qu'il soit clair que nous attendons une action vigoureuse tendant à obtenir une évaluation effective de l'exercice des missions confiées par cet opérateur de l'État à des associations.

Nous attendons aussi de la performance : comme l'a rappelé M. Ferrand, le transfert d'une partie de l'activité à l'ANAEM libère des équivalents temps plein travaillé, ce qui doit correspondre à un surcroît d'efficacité.

Au bénéfice du souhait que vous avez exprimé, monsieur le ministre, nous retirons donc l'amendement, mais nous serons particulièrement vigilants quant à l'action conduite par l'ACSÉ.

M. le président. Nous allons procéder au vote des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration » figurant à l'état B.

Je n'ai été saisi d'aucune demande d'explication de vote avant l'expiration du délai limite.

Je mets aux voix, modifiés, les crédits de la mission.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe socialiste.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?...

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 48 :

Nombre de votants 328
Nombre de suffrages exprimés 327
Majorité absolue des suffrages exprimés 164
Pour l'adoption 201
Contre 126

Le Sénat a adopté.

J'appelle en discussion l'article 45, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Article 33 et Etat B
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article additionnel après l'article 45

Article 45

Dans l'article L. 211-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le montant : « 30 € » est remplacé par le montant : « 45 € ».

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi, sur l'article.

Mme Éliane Assassi. Il me paraît important de préciser pourquoi nous voterons contre cet article.

Tout d'abord, l'article 45 vise à augmenter de 50 % le montant de la taxe perçue au profit de l'ANAEM au titre des validations des attestations d'accueil. De 30 euros, cette taxe, mise à la charge des hébergeants qui veulent faire venir leur famille en France, passera donc à 45 euros, ce qui me semble inadmissible.

Cette augmentation va servir à financer la mise en place du contrat d'accueil et d'intégration familiale et l'évaluation de la connaissance de la langue française et des valeurs de la République, mesures introduites par la récente loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile promue par M. Hortefeux.

Ainsi, on fait financer une politique restrictive en matière de droit de séjour par les personnes directement soumises à ces nouvelles obligations, qui deviennent de véritables obstacles.

Cette démarche nous semble démontrer qu'aucun financement n'était prévu. C'est un peu la même façon de procéder que pour le financement du développement : le compte épargne développement a été créé afin d'inciter les étrangers résidant en France à financer le développement de leur pays d'origine.

Voilà pourquoi nous voterons contre cet article.

M. le président. Je mets aux voix l'article 45.

(L'article 45 est adopté.)

M. le président. J'appelle en discussion l'amendement n° II-18, tendant à insérer un article additionnel après l'article 45, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Article 45
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Outre-mer

Article additionnel après l'article 45

M. le président. L'amendement n° II-18, présenté par M. Ferrand, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Après l'article 45, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le 11° du I de l'article 128 de la loi n° 2005-1720 du 30 décembre 2005 de finances rectificative pour 2005, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

12° Politique française de l'immigration et de l'intégration

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. André Ferrand, rapporteur spécial. Le présent amendement vise à donner au Parlement une vision complète et exhaustive des crédits alloués à la politique de l'immigration et de l'intégration, par le biais d'un document de politique transversale qui constitue une version modernisée des « jaunes » budgétaires.

M. le président. Quel est l'avis du Gouvernement ?

M. Brice Hortefeux, ministre. Le Gouvernement émet un avis très favorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-18.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi de finances, après l'article 45.

Mes chers collègues, nous avons achevé l'examen des crédits de la mission « Immigration, asile et intégration ».

Outre-mer

Article additionnel après l'article 45
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Outre-mer ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Henri Torre, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je souhaite que la discussion des crédits de la mission « Outre-mer » soit pour nous l'occasion, comme chaque année, d'avoir un débat constructif sur la politique de l'État en direction des collectivités territoriales ultramarines.

Les crédits de la mission « Outre-mer » que je vais vous présenter aujourd'hui ne représentent toutefois qu'une partie de l'effort budgétaire total de l'État en faveur de l'outre-mer.

En effet, les crédits de la mission proprement dite sont de 1,73 milliard d'euros pour 2008, montant à comparer aux 15,3 milliards d'euros consacrés à la politique transversale de l'État pour l'outre-mer.

Mes remarques sur la mission « Outre-mer » s'articuleront autour de deux points.

Le premier point, qui est essentiel, a trait à l'avenir du secrétariat d'État à l'outre-mer, à la suite notamment des modifications de structure mises en oeuvre cette année.

Le second problème tient à la sous-budgétisation récurrente de différents dispositifs concernant l'outre-mer.

En propos liminaire, je souhaiterais revenir très brièvement sur la faible qualité des informations qui ont été fournies au Parlement. Outre le mauvais taux de réponse aux questionnaires budgétaires - il n'est que de 37 % -, le problème essentiel en ce domaine est le manque total d'évaluation des dispositifs de la mission.

Ainsi, par exemple, le projet de loi de finances prévoit que les exonérations de charges patronales coûteront 867 millions d'euros en 2008. Ce chiffre est, en réalité, sous-évalué. La mission d'audit qui a évalué le dispositif d'exonérations a conclu qu'elle n'était « pas en mesure d'apporter un jugement global, précis et probant, sur les effets d'un tel mécanisme outre-mer ».

Par ailleurs, le montant des dépenses fiscales dépasse largement celui des crédits de la mission, puisqu'il s'élève à 2,86 milliards d'euros. Or, nous n'avons pas de dispositifs fiables permettant d'analyser l'efficacité de ces dépenses.

Si je voulais être négatif, monsieur le secrétaire d'État, j'affirmerai que cette somme, rapportée au nombre d'emplois créés, représente 800 000 euros par emploi. Je sais que tout cela est discutable, mais le résultat est extrêmement faible.

Nous devons être très attentifs dans la prochaine discussion de la loi de programme à tout ce qui concerne la défiscalisation. Des abus sont commis en ce domaine. Il y a énormément de « perte en ligne ». Je suis sûr que nos concitoyens sont choqués lorsqu'ils voient des publicités, notamment à la télévision, qui promettent un gain en capital important sans aucun risque - en prenant simplement, quelquefois, une assurance contre le changement éventuel de législation -, alors que nous traversons des périodes difficiles : sincèrement, cela n'est pas très clair !

Il faudra s'en préoccuper de manière très ferme au moment de l'examen de la loi de programme, d'autant que la défiscalisation a aussi des effets pervers. Elle a provoqué la hausse des prix de l'immobilier dans les territoires où elle s'est exercée. Nous devons donc examiner cela de très près, et nous souhaitons la plus grande clarté sur cette question.

Cette situation est d'autant plus regrettable que la part du budget de l'État consacrée à l'outre-mer est de 5,5 %, alors que la population ultramarine ne représente que 4,2 % de la population française.

L'ensemble de ces dépenses, qui sont importantes, mériteraient donc d'être mieux justifiées. C'est ce que nous demandons. Or, comme nous l'avons vu, le manque d'évaluation de l'efficacité de nombreux dispositifs destinés à l'outre-mer ne le permet pas.

Venons-en au premier point - il est essentiel - de ma présentation : la question de l'avenir du secrétariat d'État à l'outre-mer.

Au printemps 2007, le ministère de l'outre-mer a été transformé en secrétariat d'État sous la responsabilité du ministère de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Ce changement s'est accompagné du transfert au ministère de l'intérieur des fonctions de soutien à la politique de l'outre-mer, auparavant inscrites au sein de la mission « Outre-mer » proprement dite.

On ne peut que se féliciter de ce changement qui peut préfigurer une meilleure coordination entre le secrétariat d'État à l'outre-mer et le ministère de l'intérieur, ainsi qu'une meilleure gestion globale du secrétariat d'État.

Par ailleurs, le secrétariat d'État s'est vu dépossédé de dispositifs d'aide à l'emploi et à la création d'entreprise. Ceux-ci ont été affectés à la délégation générale à l'emploi et à la formation professionnelle et ne figurent donc plus dans le périmètre de la mission « Outre-mer ».

Je me réjouis aussi de cette modification, le ministère en charge du travail disposant d'une meilleure expertise pour gérer l'ensemble des crédits relatifs à l'emploi.

Toutefois, il en résulte que le programme « Emploi outre-mer » est dorénavant composé dans sa majeure partie - à 86 % - du seul dispositif d'exonération de charges sociales. Ni les actions ni les objectifs de performances du programme « Emploi outre-mer » ne permettent donc d'avoir une vision claire et globale de la situation de l'emploi en outre-mer et des résultats des efforts réalisés pour améliorer cet emploi.

Ces éléments plaident selon moi pour une réorientation du secrétariat d'État vers des fonctions non plus de gestion du dispositif, mais de coordination des mécanismes gérés par les autres administrations pour les adapter à l'environnement spécial, que nous ne contestons nullement, des collectivités territoriales d'outre-mer.

En effet, le secrétariat d'État à l'outre-mer peut apporter une réelle plus-value du fait de sa connaissance des territoires ultramarins. Ceux-ci ont des spécificités propres par rapport à la métropole - notamment le taux de chômage des jeunes et le problème du logement - qui doivent être prises en compte pour une meilleure gestion des crédits.

Mon second point est quelque peu inquiétant, puisqu'il porte sur les sous-budgétisations récurrentes de la mission.

À la suite des conclusions de mon rapport d'information sur le logement outre-mer présenté l'année dernière, je note que des efforts ont été réalisés cette année.

Je constate aussi que le Gouvernement a tenu les engagements pris pour 2007, les crédits ayant en effet été augmentés. Par ailleurs, l'écart entre les autorisations d'engagement et les crédits de paiement a été réduit en 2008 par rapport à 2007, ce dont je me félicite. Cet écart reste toutefois important : de l'ordre de 35 millions d'euros, ce qui paraît beaucoup au regard du montant cumulé des engagements non encore couverts par des crédits de paiement qui s'élèverait à environ 800 millions d'euros. Tout cela est trop important et nécessite une attention toute particulière.

Une autre sous-budgétisation inquiétante concerne les crédits affectés au financement des contrats de plan État-région. Bien que le montant de ces crédits soit déterminé à l'avance, la dotation, vous le savez très bien, est sous-évaluée de 80 millions d'euros en 2008, ce qui représente une somme importante comparée aux 110 millions d'euros qui y sont consacrés. Une rallonge de 38 à 40 millions d'euros pourrait, semble-t-il, être accordée au moment de l'examen du projet de loi de finances rectificative. Nous aimerions tous que vous puissiez nous apporter des précisions sur ce point et, éventuellement, nous confirmer cette possibilité.

Enfin, la troisième sous-budgétisation, tout aussi préoccupante, concerne les montants affectés aux organismes de sécurité sociale, dont j'ai déjà parlé, pour la compensation des exonérations de charges sociales. Ces montants sont connus à l'avance ; ils sont pourtant sous-dotés en 2007 comme en 2008, avec un manque estimé à 300 millions d'euros, ce qui représente un montant très important. La dette de l'État, qui avait finalement été honorée fin 2006, risque donc à nouveau de s'accumuler auprès des organismes de sécurité sociale outre-mer.

Voilà, mes chers collègues, les quelques remarques que je souhaitais formuler. Rassurez-vous, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, je vais tout de même proposer l'adoption des crédits de la mission « Outre-mer ».

Mais avant de terminer, je voudrais rappeler que, samedi dernier, lors de l'examen de la mission « Régimes sociaux et de retraite », le président de la commission des finances a défendu un amendement reprenant une proposition de loi présentée notamment par nos collègues Dominique Leclerc et Catherine Procaccia concernant les suppléments de retraite outre-mer. J'avais espéré qu'une solution favorable pourrait intervenir. M. Arthuis m'a indiqué que M. le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique s'était montré tout à fait ouvert à une réforme de ce système qui est, je dois le dire, choquant, injuste et anachronique.

Madame la ministre, j'aimerais que vous puissiez nous confirmer que le Gouvernement veut aller, totalement et sans réserves, dans le sens de ce qui nous a été annoncé par M. le ministre du budget. Cette question est extrêmement importante. À une époque où nous sommes mobilisés pour faire passer de grandes réformes telles que les régimes spéciaux, nous ne pouvons tolérer la survivance de tels systèmes qui sont, je le répète, injustes, coûteux et choquants.

Sous le bénéfice de ces observations, je vous confirme que la commission des finances m'a chargé de recommander au Sénat d'adopter les crédits de la mission « Outre-mer » pour 2008. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Claude Lise, rapporteur pour avis.

M. Claude Lise, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, c'est un budget pour l'outre-mer un peu particulier dont nous sommes appelés à débattre cette année, dans la mesure où la mission « Outre-mer » correspond non plus à un ministère de plein exercice, mais à un secrétariat d'État.

J'espère que ce changement n'aura pas pour conséquence une moindre prise en compte des spécificités des collectivités situées outre-mer, qui comptent certes de réels atouts mais aussi des handicaps structurels constituant une contre-indication évidente à tout désengagement financier.

Je voudrais débuter mon analyse en rappelant que le budget de l'outre-mer ne représentera cette année encore que 0,6 % du budget général de l'État.

En ce qui concerne l'examen proprement dit des crédits, je constate une baisse de 220 millions d'euros par rapport à 2007 qui s'explique en fait, comme cela a déjà été souligné, par la disparition du programme « Intégration et valorisation de l'outre-mer » et le transfert vers la mission « Travail et emploi » de 158 millions d'euros consacrés aux aides directes a l'embauche.

Ces transferts me paraissent comporter un certain risque de voir le département ministériel chargé de l'outre-mer se vider peu à peu de sa substance. Or, je souhaite que l'examen de ce budget soit l'occasion de rappeler toute l'importance des défis spécifiques que l'outre-mer doit encore relever.

Aussi, j'évoquerai tout d'abord les crédits consacrés à l'emploi.

Vous le savez, mes chers collègues, les économies ultramarines sont confrontées à des fragilités particulières du fait des contraintes d'éloignement, du dynamisme démographique, des pressions migratoires, et surtout du différentiel de coût du travail avec les pays avoisinants.

Le décalage de développement avec la France se mesure à l'aune du taux de chômage. Ce dernier est plus de deux fois supérieur à celui de l'hexagone. Le rapport est même de un à trois lorsque l'on se concentre sur les départements d'outre-mer où le taux de chômage s'élève en moyenne à 28 %.

Face à cette situation, le dispositif d'exonérations de cotisations patronales de sécurité sociale, qui a été lancé dès 2000 par la loi d'orientation pour l'outre-mer et parachevé par la loi de programme pour l'outre-mer de 2003, me paraît essentiel pour restaurer la compétitivité du travail.

Je m'inquiète en revanche de la réduction de plus de 25 millions d'euros du financement des contrats aidés, lesquels jouent, dans un contexte économique et social particulièrement difficile, un rôle indispensable.

Quant aux dépenses fiscales, elles me paraissent fondamentales pour la compensation de nos handicaps de compétitivité. Au dispositif actuel de défiscalisation, viendra prochainement s'ajouter celui des zones franches globales d'activité. Il faudra toutefois, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, que la définition sectorielle et le découpage de ces zones soient envisagés dans le cadre d'une large concertation avec l'ensemble des acteurs économiques locaux. À cet égard, une attention particulière devra être réservée aux très petites entreprises, qui représentent, en moyenne, 95 % des entreprises du secteur marchand dans les départements d'outre-mer.

Après l'emploi, j'en viens aux crédits consacrés aux conditions de vie outre-mer.

La priorité est toujours accordée au logement. Dans ce domaine, les collectivités situées outre-mer sont, comme vous le savez, confrontées à des difficultés spécifiques : une insuffisance de l'offre, en particulier dans le secteur du logement social ; un habitat insalubre encore trop important et une prolifération de l'habitat spontané ; des risques sismiques et climatiques ; la rareté et la cherté du foncier.

Face à cette réalité, les moyens sont, cette année encore, largement insuffisants, d'autant que persiste l'épineux problème de la dette de l'État envers les entreprises du secteur du bâtiment et des travaux publics oeuvrant dans le domaine de l'amélioration de l'habitat et de la construction très sociale. L'augmentation de seulement 25 millions d'euros des crédits de la mission ne suffira même pas à résorber cette dette.

Sur les autres actions du programme « Conditions de vie outre-mer », je mentionnerai tout d'abord l'action « Continuité territoriale » pour souligner l'insuffisance notoire des moyens qui lui sont alloués.

Enfin, s'agissant de l'action « Insertion économique et coopération régionales », je regrette que les collectivités d'outre-mer n'aient pas été pleinement associées aux négociations sur les futurs accords de partenariat économique entre l'Union européenne et les pays d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique. Je m'inquiète surtout de l'impact réel de ces accords sur la situation économique et sociale des outre-mers.

Je voudrais enfin, madame le ministre, monsieur le secrétaire d'État, évoquer deux dossiers majeurs qui sont au coeur de l'actualité.

Le premier dossier concerne l'indemnisation des victimes de l'ouragan Dean. Je m'inquiète du décalage entre les évaluations des dégâts effectuées sur place et les sommes prévues pour compenser les préjudices. À cet égard, serait-il possible de disposer d'un chiffre fiable sur le montant prévu pour indemniser les sinistres ? Je voudrais souligner que les collectivités territoriales de Martinique et de Guadeloupe ont déjà fait beaucoup en matière d'indemnisation et qu'elles ne pourront pas supporter des charges financières supplémentaires.

Le second dossier, celui des pesticides, a récemment fait beaucoup de bruit et quelque peu terni l'image des Antilles. S'il faut condamner les excès médiatiques auxquels on a pu assister, il convient néanmoins de mesurer la gravité de la situation créée par l'utilisation intensive de produits phytosanitaires toxiques jusqu'en 1993 - et, pour certains, jusqu'en juillet dernier -, alors qu'ils auraient dû être interdits depuis longtemps. Des moyens importants doivent être accordés à la recherche, notamment pour évaluer les risques encourus par les populations.

Enfin, je souhaiterais pouvoir formuler, au nom de la commission des affaires économiques, deux recommandations à l'attention du Gouvernement.

La première tend à faire figurer dans le « bleu budgétaire » annuel de la mission tous les crédits affectés à l'outre-mer par les autres ministères, ainsi que les crédits relevant des divers fonds d'intervention européens.

La seconde recommandation vise, dans un souci de transparence, à établir chaque année un document retraçant la ventilation des crédits entre les différentes collectivités territoriales d'outre-mer.

C'est sur ces deux propositions que je me permettrai de conclure, mes chers collègues, en soulignant que la commission des affaires économiques a émis un avis favorable à l'adoption des crédits de l'outre mer pour 2008, votre rapporteur pour avis ayant, pour sa part, exprimé un avis contraire. (Applaudissements au banc des commissions. -M. François Trucy applaudit également.)