compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Christian Poncelet

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures quarante-cinq.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Articles additionnels après l'article 41 quater (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales - Compte spécial : Développement agricole et rural

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales

Compte d'affectation spéciale : Développement agricole et rural

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 33 et Etat B

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits relatifs à la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » (et articles 41, 41 bis et 41 ter) et au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural ».

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, 3 milliards d'euros en autorisations d'engagement et 2,8 milliards d'euros en crédits de paiement sont demandés, en 2008, pour la mission « Agriculture ».

La moitié de ces montants sont inscrits au titre 6, ce qui démontre à quel point le ministère de l'agriculture est avant tout un ministère d'intervention.

Monsieur le ministre, vous avez déjà indiqué que vos priorités budgétaires pour 2008 concernaient la gestion des aléas, en particulier par le développement de l'assurance récolte, l'encouragement de l'agriculture durable via, notamment, la prime herbagère agro-environnementale et le maintien de la part nationale de la prime au maintien du troupeau de vaches allaitantes, ainsi que la politique de soutien à la pêche.

Je note également qu'un effort particulier est accompli en termes de maîtrise des effectifs du ministère, avec un objectif de deux départs en retraite sur trois non remplacés parmi les personnels administratifs, et que de notables chantiers de modernisation administrative ont été conduits, à l'instar du regroupement des offices agricoles.

Monsieur le ministre, la commission des finances souscrit à ces orientations tout en s'interrogeant sur la portée réelle de l'autorisation parlementaire que nous nous apprêtons à vous donner.

Quel sens y a-t-il à ouvrir 3 milliards d'euros de crédits pour 2008, alors que les reports de charges de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » passeront, entre 2006 et 2007, de 678 millions à 1,17 milliard d'euros ?

Certes, votre gestion n'est pas en cause, mais cela impose des mesures correctrices.

Quel sens y a-t-il, pour le Parlement, à ouvrir des enveloppes limitatives de crédits quand la Cour des comptes relève, dans un récent référé, que le ministère de l'agriculture engage régulièrement des dépenses sans crédits ou en dépassement de crédits, et que certains de ses opérateurs sont contraints de recourir à l'emprunt pour compléter les dotations budgétaires votées en loi de finances ?

Monsieur le ministre, la « soutenabilité » budgétaire de la politique agricole impose de ne plus différer la réforme de certains dispositifs d'intervention coûteux et d'éliminer certaines pratiques budgétairement peu orthodoxes ou entraînant au niveau communautaire de lourdes sanctions pécuniaires, sur lesquelles j'aurai l'occasion de revenir.

J'en viens à quelques considérations déclinées par programme.

Le programme 154 « Gestion durable de l'agriculture de la pêche et développement rural » met notamment en oeuvre des actions correspondant au second pilier de la politique agricole commune, la PAC, dans le domaine du développement rural. Il comprend en particulier les mesures agro-environnementales, de nombreuses aides à l'installation, à la modernisation des exploitations ou à la cessation d'activité, et les dispositifs sur lesquels s'appuie notre politique de la pêche.

À propos de pêche, je souhaite que le Gouvernement éclaire le Sénat, au cours de ce débat, sur les modalités de financement des mesures récemment annoncées par le chef de l'État en faveur de la filière et sur leur compatibilité avec le droit communautaire.

Dans un contexte similaire, les avances remboursables consenties au fonds de prévention des aléas de la pêche, qualifiées de « subventions déguisées » par la Cour des comptes, constituent un précédent fâcheux, qui ne semble d'ailleurs toujours pas soldé. Je vous renvoie à mon rapport écrit pour plus de détails sur cette question.

J'observe ensuite que certains dispositifs du programme 154 fonctionnent selon une logique de « guichet » ou sont susceptibles de voir leur coût augmenter fortement en fonction de facteurs conjoncturels.

Le Gouvernement vient, par exemple, de solliciter de nos collègues députés une augmentation de 5 millions d'euros des crédits dévolus au financement des bonifications des prêts d'installation des jeunes agriculteurs, en raison de la hausse des taux de crédit bancaire et du maintien à un niveau élevé du nombre d'installations.

Je crois indispensable d'assortir le recours à de tels dispositifs de conditions d'octroi plus rigoureuses et de dotations budgétaires mieux calibrées.

Je conclurai sur le programme 154 en évoquant la situation des Haras nationaux, qui, vous le savez, font l'objet de l'attention constante et bienveillante de la commission des finances.

Les Haras nationaux voient leur subvention pour charges de service public baisser de 2,5 millions d'euros à périmètre constant, ce qui semble les inciter à dynamiser leur politique de cessions immobilières.

Cette orientation est conforme aux préconisations que j'avais formulées dans mon rapport d'information de novembre 2006, et j'indique au Sénat que la commission s'assurera de leur mise en oeuvre au cours d'une audition de suivi programmée pour le premier semestre de 2008.

J'en viens au programme 227 « Valorisation des produits, orientation et régulation des marchés », qui constitue le pendant national des aides communautaires du premier pilier de la PAC, c'est-à-dire des aides de marché.

Les crédits finançant les dépenses d'intervention des offices agricoles accusent une baisse de 67 millions d'euros par rapport à 2007, baisse compensée en cours d'année par le produit, estimé à 50 millions d'euros, de la vente du siège de l'ancien Office national interprofessionnel des céréales, l'ONIC, avenue Bosquet.

Nous avons déjà eu un débat à ce sujet au moment du vote de l'article d'équilibre. C'est pourquoi je ne m'y appesantirai pas. Je considère cependant que cette opération, qui consiste à financer des dépenses récurrentes par des recettes ponctuelles, doit demeurer exceptionnelle. Je me félicite d'ailleurs que les observations de la commission aient été entendues quant au portage de l'opération, qui pourrait être assumé par la société de valorisation foncière et immobilière, la SOVAFIM, plutôt que par un acteur privé.

Permettez-moi, par ailleurs, de revenir sur ce qui me semble constituer deux sous-budgétisations au sein du programme 227.

La première, classique, concerne l'absence de dotation au fonds national de garantie des calamités agricoles, alors que cette dotation, en moyenne de 80 millions d'euros par an, est obligatoire aux termes du code rural.

J'aurai l'occasion d'y revenir lors de la présentation de l'amendement de la commission sur les crédits de la mission.

La seconde sous-budgétisation résulte de l'absence de crédits pour faire face aux refus d'apurement communautaires, qui seront vraisemblablement compris entre 50 millions et 200 millions d'euros en 2008.

Au risque de paraître technique, mes chers collègues, je vous rappelle que le refus d'apurement consiste, pour la Commission européenne, à ne pas payer la contrepartie communautaire des aides préfinancées par les États membres lorsqu'ils les ont versées en infraction avec la réglementation communautaire. Cette contrepartie est, dès lors, supportée par le budget de l'État.

Monsieur le ministre, vos services expliquent cette absence de budgétisation par la forte incertitude qui pèse sur les montants que l'État aura à acquitter au titre du refus d'apurement et par le « signal négatif » que l'inscription de tels crédits constituerait pour la Commission européenne, dans la mesure où ils vaudraient, en quelque sorte, « reconnaissance préalable de culpabilité ». J'avoue être assez peu convaincu par cette argumentation et j'indique d'ailleurs à nos collègues que la commission des finances a confié à la Cour des comptes, pour 2008, sur ce sujet une enquête, qui permettra sans doute d'analyser ces points en détail.

Je passerai très rapidement sur le programme 149 « Forêt », dont les crédits servent majoritairement à subventionner des opérateurs, et notamment à payer le « versement compensateur » à l'Office national des forêts. Il en résulte une gestion contrainte et l'absence de marges de manoeuvre substantielles pour le responsable de programme.

Pour autant, je crois que notre politique forestière est à la croisée des chemins. Nous devons passer d'une approche de la forêt comme patrimoine à une approche de la forêt comme ressource exploitable, et les enjeux liés au développement des énergies renouvelables et à la limitation des émissions de gaz à effet de serre militent pour une mobilisation accrue de la ressource de bois.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Très bien !

M. Joël Bourdin, rapporteur spécial. Je sais, monsieur le ministre, que vous êtes particulièrement sensibilisé à cette question, et vous pourrez compter sur le soutien de la commission pour agir dans cette direction.

Le programme 215 constitue enfin le « programme soutien » de la mission. Comme je l'indiquais en préambule de mon intervention, ce programme traduit un effort réel de maîtrise des dépenses de personnel.

J'observe toutefois qu'il achève de concentrer les dépenses de personnel en se voyant rattacher, en 2008, les moyens des directions départementales de l'agriculture et de la forêt, auparavant inscrites au programme 154. Si ce regroupement est de nature à faciliter la gestion des budgets opérationnels de programme, il est une entrave à l'exercice, au sein de chaque programme de politique publique, de la fongibilité asymétrique.

Enfin, quant au compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », le CAS-DAR, je relève que ses prévisions de recettes ne prennent pas en compte les effets du déplafonnement, au 1er janvier 2008, de la taxe sur le chiffre d'affaires des exploitants agricoles, dite « taxe ADAR », qui l'alimente.

Monsieur le ministre, faut-il y voir l'indice qu'une énième reconduction du plafonnement de la taxe ADAR est en préparation ? Je ne crois pas me tromper en affirmant qu'un nouvel opus de ce « feuilleton fiscal », auquel je viens de consacrer un rapport d'information, serait assez mal perçu par la commission des finances du Sénat.

En ce qui concerne les dépenses du compte, je crois enfin qu'une justification au premier euro plus circonstanciée permettrait de s'assurer que les crédits vont aux actions de développement agricole plutôt qu'aux structures, comme les instituts techniques ou les chambres d'agriculture.

Sous réserve de ces remarques et de l'amendement que je vous présenterai lors de la discussion de l'état B, je vous propose, mes chers collègues, d'adopter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales » et du compte d'affectation spéciale « Développement agricole et rural », ainsi que les articles 41, 41 bis et 41 ter rattachés à la mission. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard César, rapporteur pour avis.

M. Gérard César, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le budget de l'agriculture pour 2008 pourrait être qualifié de budget de « transition », comme celui de l'année 2007. Je souhaiterais dire quelques mots du contexte général, avant de donner une analyse rapide des crédits et d'évoquer la réforme de l'organisation commune de marché vitivinicole, qui fait l'objet d'un développement thématique dans notre rapport pour avis.

En ce qui concerne, tout d'abord, le contexte général de ce budget, je dirai que nous sommes à la croisée des chemins, en termes tant économiques qu'institutionnels.

Les fondamentaux du marché agricole mondial sont en passe d'être bouleversés, et d'une façon qui pourrait être durable. Le recul de l'offre de produits agricoles bruts destinés à l'alimentation, du fait de conditions météorologiques défavorables et de la concurrence des productions non alimentaires, allié à une forte croissance de la demande mondiale sous la poussée des pays émergents, a provoqué une véritable flambée des cours de nombreux produits, qui pourrait se poursuivre à l'avenir.

Sur un plan plus institutionnel, la transition est celle de la politique agricole commune, dont le bilan de santé sera réalisé dans le courant de l'année prochaine. La Commission en a déjà esquissé les pistes il y a peu de temps. Pourriez-vous nous dire, monsieur le ministre, de quelle façon vous les appréhendez et comment vous concevez dans ce cadre la présidence française de l'Union européenne au second semestre de 2008 ?

Enfin, la transition concerne notre vision globale de l'agriculture, de ses objectifs et de ses méthodes. Le « Grenelle de l'environnement » a été l'occasion de faire ressortir les attentes de nos concitoyens vis-à-vis du monde agricole, mais aussi les engagements que les agriculteurs étaient prêts à prendre. Des propositions, ambitieuses pour certaines, ont finalement été actées. Quel en sera, monsieur le ministre, le calendrier d'adoption et comment se fera la coordination avec les assises de l'agriculture, que vous avez opportunément lancées à l'automne ?

Dans ce contexte global de transition, le budget du ministère de l'agriculture et de la pêche se présente, c'est indéniable, comme fortement contraint, faisant les frais de la discipline budgétaire demandée aux ministères par le Gouvernement, sous la pression de la Commission européenne.

Cette rigueur contraint inévitablement le ministère à choisir des priorités, et donc à moins soutenir certaines actions.

C'est le cas des actions relatives à la valorisation des produits, à l'orientation et à la régulation des marchés, dont les crédits sont en recul de près de 10 %. Ces baisses touchent surtout, il est vrai, les offices agricoles, dont les moyens sont censés avoir diminué du fait de leur regroupement en trois pôles, conformément à la dernière loi d'orientation.

Plutôt que de rigueur, c'est d'incertitude qu'il faut parler en ce qui concerne les dispositifs de gestion des crises. Mais notre président de commission, M. Jean-Paul Emorine, grand expert de ces questions, vous en dira sûrement plus.

Au-delà de la seule assurance récolte, qui pourra obtenir un financement européen dans les prochaines années, on remarquera par ailleurs que les mécanismes d'appoint conjoncturels, tels que le dispositif « Agriculteurs en difficultés et le fonds d'allègement des charges, sont en recul inquiétant.

Toutefois, cette rigueur générale qui affecte le budget ministériel doit être très largement nuancée, et cela pour plusieurs raisons.

Premièrement, le budget du ministère ne représente qu'une partie minoritaire - moins d'un tiers - de « l'effort public » en faveur de l'agriculture, qui s'élève tout de même à plus de 16 milliards d'euros.

Deuxièmement, cette rigueur est l'occasion pour le ministère dans un contexte de réforme de l'État de procéder à des ajustements structurels nécessaires, tels que la suppression de plusieurs centaines d'emplois, lui permettant d'économiser quelque 17 millions d'euros cette année.

Troisièmement, enfin, ces contraintes budgétaires n'empêchent pas le ministère de concentrer ses efforts sur certains axes majeurs du développement agricole et rural.

Les mesures agroenvironnementales, dont on a vu l'importance dans le contexte actuel, sont reconduites en crédits de paiement et presque doublées en autorisations d'engagement. Cela permet de bénéficier de très importantes sommes au titre du cofinancement communautaire, et d'oeuvrer très concrètement en faveur d'une agriculture durable.

Le secteur de la pêche, comme le développera sans doute notre collègue Alain Gérard, fait aussi l'objet d'une attention budgétaire toute particulière du ministère, afin de l'aider à traverser la crise.

Par ailleurs, monsieur le ministre, comment satisfaire les justes revendications des anciens agriculteurs à propos des retraites agricoles dont le montant est très insuffisant ? Cette question revient tous les ans, et il est aujourd'hui temps d'en discuter.

J'évoquerai également l'économie forestière et reprendrai un thème qui a déjà été examiné l'année dernière et qui me tient particulièrement à coeur : la mise en place du plan épargne forêt.

Il n'existe en France aucune procédure de financement adapté aux contraintes de la sylviculture, en ce qui concerne notamment la durée, le taux et la garantie. La défiscalisation des travaux agricoles va dans le bon sens, mais ne suffit pas.

Afin d'encourager une politique de mobilisation des bois pour répondre aux besoins des industries, la propriété forestière doit être assimilée et traitée comme une véritable entreprise sylvicole. Elle devrait disposer d'un système de financement organisé autour de plusieurs produits financiers adaptés à la sylviculture. Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre sentiment sur ce sujet.

En ce qui concerne l'Agence française d'information et de communication agricole et rurale, l'AFICAR, elle a été créée par la loi relative au développement des territoires ruraux, dite « loi DTR », qui a prévu le financement de ses actions. Elle a mené des opérations visant à améliorer la connaissance du monde agricole et rural, à promouvoir l'image de l'agriculture après des consommateurs et à valoriser les métiers et les produits issus des territoires ruraux

Les opérations grand public, comme l'exposition itinérante « Train de la terre », qui a reçu 500 000 visiteurs, les actions en direction des jeunes et des scolaires prévues pour l'an prochain, la présence de l?agence pour la première fois au salon de l'agriculture imposent de reconduire la subvention pour 2008.

Pour finir, je dirai quelques mots de la réforme de l'OCM vitivinicole, à propos de laquelle nous avons adopté une résolution ici même à l'unanimité, voilà quelques jours. Monsieur le ministre, vous étiez présent, et vous avez pris un engagement concernant notre proposition.

Le Conseil agriculture des 26 et 27 novembre, où a longuement été débattu le sujet, a fait apparaître plus particulièrement deux points de friction : la libéralisation des droits à plantation après la politique d'arrachage - c'est totalement incohérent - et le régime d'enrichissement, problème que vous connaissez bien, monsieur le ministre.

Pouvez-vous nous dire quelle stratégie de négociation vous souhaitez adopter lors du prochain conseil agriculture le 17 décembre prochain ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les éléments que je souhaitais vous soumettre en complément de l'excellent rapport de Joël Bourdin.

Je terminerai en appelant naturellement à voter les crédits de cette mission, que nous avons adoptés au sein de la commission des affaires économiques et qui représentent, au vu des contraintes actuelles un budget cohérent au service du monde agricole et rural. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis.

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention aura pour objet la partie « Affaires rurales » de la mission.

Évoquer ce sujet, c'est à la fois faire le point sur les politiques engendrées et apprécier les masses financières projetées.

Le développement rural, c'est un cadre de vie, une économie dynamique et des besoins en services. C'est le problème de la ruralité qui est ainsi posé.

L'équilibre financier de bon nombre de ces services, publics ou privés, en danger depuis toujours, ne pourra continuer à exister qu'avec une véritable péréquation, une vraie solidarité nationale.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis. Très bien !

M. Jean-Marc Pastor, rapporteur pour avis. Il y a donc deux conditions pour que vive la ruralité.

La première est une péréquation de solidarité nationale. La seconde est une méthodologie, une gouvernance appropriée au monde rural.

Au titre de la péréquation nationale, les autorisations d'engagement, d'un montant de 70 millions d'euros, sont en baisse de 16 %, et les crédits de paiement de 8 %. Cette tendance est très inquiétante, monsieur le ministre.

À cela s'ajoute le changement de périmètre dans la présentation des crédits, qui rend leur lecture totalement opaque.

Quant à la méthodologie et à la gouvernance rurale, on distingue deux niveaux : chaque projet peut faire l'objet soit d'une approche verticale, soit d'une approche horizontale, plus globale et liée au cadre de vie.

À ce sujet, les pôles d'excellence rurale, créés par la loi de 2005 relative au développement des territoires ruraux, ont été une heureuse initiative, monsieur le ministre. Sur les 700 dossiers qui ont été déposés autour de l'économie, de l'emploi ou de l'innovation notamment, 379 ont été arrêtés. La dotation varie entre 300 000  euros et 1 million d'euros par projet, avec un taux de financement public de 33 %.

Après un an et demi de vie, ces pôles suscitent plusieurs remarques.

Première remarque : il s'agit d'un dispositif beaucoup trop complexe. On peut aussi déplorer la concurrence entre les divers projets de développement à l'échelle locale. Alors que les pôles ont été créés à l'origine pour être portés par différents acteurs de terrain, comme les membres des groupements d'action locale, 80 % de ces projets sont maintenant mis en oeuvre par les collectivités locales.

Deuxième remarque : la durée de l'accompagnement est de trois ans. Or, le développement rural ne s'arrête pas à trois ans. Qui prendra le relais si ce ne sont les collectivités territoriales ? La ruralité s'appuie sur une animation permanente des projets. Mais les pôles d'excellence rurale ne financent ni l'animation, ni la recherche, ni l'innovation ; c'est une erreur.

Troisième remarque : le redéploiement de 235 millions d'euros sur 379 pôles s'apparente à du saupoudrage.

Quatrième remarque : il est très difficile, monsieur le ministre, de saisir pour ces projets les mécanismes de suivi et d'évaluation qu'il convient de mettre en oeuvre.

J'en viens maintenant à la méthodologie et à la gouvernance du monde rural.

En 2006, M. Dominique Bussereau m'avait invité, avec un certain nombre de vos collaborateurs ici présents, monsieur le ministre, à participer à une mission sur la ruralité. Il s'agissait d'apprécier les différences d'approche des politiques de développement et d'utilisation des fonds européens de certains Etats membres de l'Union.

La copie a été rendue, des pistes proposées, la plupart d'entre elles étant d'ailleurs peu, voire pas coûteuses. Où en est-on, monsieur le ministre ?

Le constat fait apparaître que la France est parmi les plus mauvais utilisateurs des fonds européens. L'Espagne et l'Autriche ont mis en place des mécanismes de management rural portés par des systèmes associatifs, coopératifs, regroupant tous les partenaires acteurs en les responsabilisant. Cela devient une force et les coopératives rurales telles que nous avons pu les observer, regroupant des collectivités territoriales, des socioprofessionnels, diverses personnalités, représentent une vraie locomotive pour la démocratie participative.

À l'époque, cette démarche avait reçu l'adhésion de tous les participants. Comment a-t-elle évolué, monsieur le ministre ?

Cette réflexion intègre d'autres pistes. Ainsi en est-il de l'élevage ovin en montagne, qui fait l'objet d'une mission d'information confiée à MM. Gérard Bailly et François Fortassin. Je pourrais également citer le pastoralisme.

Monsieur le ministre, après le Grenelle de l'environnement, que deviendront ces pistes agroenvironnementales et les ouvertures qui ont été faites ?

Cette intervention ne me permet d'aborder qu'une faible partie des problèmes de la ruralité. Je n'ai pas le temps d'évoquer les services privés ou publics, qui suscitent une véritable interrogation.

La baisse des crédits, le défaut d'engagement politique fort, l'absence de réponse sur les attendus de la mission de 2006, tout cela n'appelle pas un grand enthousiasme de ma part. Je regrette, à titre personnel, le manque d'ambition de la politique du Gouvernement en matière de développement rural. Néanmoins, selon une tradition bien établie au Sénat, je m'en rapporte à la sagesse de la commission qui propose bien sûr de voter les crédits de la mission « Agriculture, pêche, forêt et affaires rurales ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du RDSE.)

La parole est à M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis.

M. Gérard Delfau, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, au même titre que les rapporteurs pour avis, je scinderai mon intervention en deux parties : une analyse de l'évolution des crédits consacrés à la forêt dans le projet de budget, puis un éclairage plus développé sur un thème d'actualité, la valorisation de la ressource forestière.

Dans le présent projet de budget pour 2008, les crédits consacrés à la forêt semblent a priori épargnés par les restrictions budgétaires puisqu'ils affichent une hausse de 3,8 % en crédits de paiement, le programme « Forêt » étant doté cette année de 322 millions d'euros.

Une fois déduite la dotation de l'État à l'Office national des forêts, qui, bien que nécessaire pour compenser l'augmentation des taux de cotisation des pensions civiles, ne correspond à aucune action nouvelle, ce projet de budget marque, hélas ! une baisse de 4,8 %.

Monsieur le ministre, comment envisagez-vous de financer les mesures nécessaires à l'amplification de la politique de la forêt, notamment en matière de source d'énergie, que de tous côtés on réclame ?

Si le développement économique de la filière et la mise en oeuvre du régime forestier, objets des actions 1 et 2, sont en hausse formelle, les crédits destinés à l'amélioration de la gestion de la forêt et ceux qui sont affectés à la prévention des risques, d'incendie notamment, sont en recul respectivement de 7,7 % et de 4,3 %. Mon inquiétude, vous me l'accorderez, est légitime.

Certes, cette baisse est à nuancer dans la mesure où elle intègre la diminution des besoins de financement du plan chablis, engagé à la suite des tempêtes de 1999, qui arrivera à son terme en 2009. Cependant, elle conduit à s'interroger dans la mesure où la mobilisation de la ressource bois est proclamée par le ministère, et au-delà par le Gouvernement, comme une priorité dans un contexte de prise en considération accrue des contraintes environnementales.

Monsieur le ministre, pouvez-vous nous indiquer où en est la réalisation du plan chablis et quelles sont les perspectives pour 2008 ?

C'est justement la mobilisation de la ressource forestière que je souhaite à présent évoquer.

Comme je le soulignais à l'instant, ce sujet est parfaitement en phase avec les préoccupations environnementales actuelles. Nous savons que la forêt, en séquestrant d'importantes quantités de C0², participe fortement à la lutte contre le réchauffement climatique.

Or, cette ressource est aujourd'hui sous-utilisée. Bien que, couvrant près de 28 % de notre territoire, notre forêt connaît un prélèvement de bois qui n'excède pas 60 % de sa production biologique.

Cette thématique a été abordée largement lors du récent « Grenelle de l'environnement », qui a notamment abouti à des préconisations visant à valoriser le bois comme source d'énergie et matériau de construction.

Le Gouvernement et vous-même, monsieur le ministre, semblez avoir bien pris conscience du formidable gisement d'activité et d'emplois que recèle l'exploitation durable de cette ressource. Ainsi, les trois premiers axes du programme forestier national pour la période 2006-2015 sont entièrement orientés vers ces préoccupations.

Par ailleurs, les assises de la forêt, que vous avez ouvertes voilà deux semaines, devraient traiter abondamment de la mobilisation de la ressource forestière, avec l'objectif ultime de « produire plus en préservant mieux ».

À cette occasion, vous avez retenu l'objectif d'extraire de nos forêts 21 millions de mètres cubes supplémentaires à moyen terme. Cet objectif, vous l'avez indiqué, appelle « tous les acteurs [...] à un vrai changement d'échelle dans leurs réflexions, leurs actions et leurs investissements » et rend nécessaire une révision des outils d'intervention. Monsieur le ministre, pouvez-vous d'ores et déjà nous exposer les principales mesures que vous envisagez de prendre afin d'accompagner ce mouvement, nous préciser quand et comment vous comptez parvenir à cet objectif ambitieux de 21 millions de mètres cubes supplémentaires ?

Par ailleurs, vous projetez de faire figurer plusieurs éléments de ce dispositif dans des projets de loi qui feront suite au « Grenelle de l'environnement ». Pouvez-vous, là encore, nous en dire un peu plus sur le calendrier prévisionnel et le contenu de ce dispositif ?

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, tels sont les quelques éléments que je souhaitais vous livrer au regard des orientations du projet de budget agricole pour 2008, sur le programme « forêt », et de l'actualité qui s'y rapporte.

Comme je m'y suis engagé devant la commission des affaires économiques lors de l'examen du rapport pour avis, je transmets fidèlement l'avis favorable de la commission à l'adoption des crédits de la mission, bien que, vous le comprendrez, je sois à titre personnel plus circonspect.

En conclusion, monsieur le ministre, je ne peux que vous encourager à poursuivre de façon volontariste une politique en faveur de la valorisation de la ressource forestière. Les échéances à venir - les assises de la forêt notamment - en seront une excellente occasion.

L'ensemble de la filière, et d'une manière générale nombre d'élus locaux et de nos concitoyens, nourrissent à cet égard de fortes attentes. J'espère très sincèrement, monsieur le ministre, que vous serez en mesure d'y répondre, et nous suivrons avec intérêt le déroulement de cette démarche que nous appuyons. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Alain Gérard, rapporteur pour avis.

M. Alain Gérard, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon intervention concerne spécifiquement les crédits de la pêche au sein du projet de budget du ministère de l'agriculture et de la pêche pour 2008.

Je souhaite tout d'abord vous livrer mon analyse de ces crédits, avant d'évoquer la crise que connaissent actuellement les pêcheurs, et les mesures auxquelles elle a donné lieu.

Avec 60,5 millions d'euros mobilisés en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement, soit une progression de près d'un million d'euros, les crédits consacrés au secteur de la pêche pour 2008 sont confirmés. Cela nous paraît très satisfaisant sachant, d'une part, que ces crédits avaient été doublés l'année dernière et, d'autre part, que les contraintes s'exerçant sur le budget du ministère sont particulièrement fortes cette année, comme l'a rappelé M. Gérard César.

Les deux tiers de ces crédits - soit 39 millions d'euros - sont affectés au développement durable de la filière halieutique et aquacole, ce qui apparaît effectivement comme une priorité quand on sait que l'âge moyen de nos bateaux de pêche est de vingt-quatre ans.

Un quart de l'ensemble des crédits de la pêche, soit 15 millions d'euros, sert à promouvoir une gestion responsable de la ressource, la France s'étant engagée à atteindre, d'ici à 2015, le rendement maximum durable de ressources halieutiques.

Monsieur le ministre, voilà quelques jours, alors que la Commission européenne présentait son plan de quotas pour 2008, vous avez annoncé la présentation, dans les deux mois, d'un plan de pêche durable. Pouvez-vous nous donner quelques éléments sur ce plan, nous indiquer notamment comment la France, qui conteste les avis scientifiques sur l'état des ressources et la volonté de la Commission de réduire les prises, va se positionner sur ce point ?

Enfin, cinq millions d'euros seront mobilisés au service du contrôle des pêches. Ces moyens, qui s'ajouteront à ceux qui sont dégagés par d'autres administrations centrales, devraient nous permettre de mieux respecter la législation communautaire sur les pêches, pour laquelle nous avons déjà été condamnés à de lourdes sanctions.

Après avoir rappelé l'essentiel de ce bon projet de budget pour la pêche, je m'attarderai sur la crise du monde de la pêche, très médiatisée ces derniers temps.

Cette crise a été provoquée en grande partie par l'augmentation du coût du carburant. Depuis le début de l'année, le litre de gazole est passé de 30 à 50 centimes d'euros. La dépense en carburant est passée de 15,7 % du chiffre d'affaires en 2003 à 27 % aujourd'hui. Ainsi, un navire de pêche hauturière partant en mer pendant quinze jours et embarquant 20 tonnes de gazole a déjà coûté à son propriétaire 10 000 euros en carburant, ce malgré l'exonération de taxe intérieure sur les produits pétroliers dont bénéficient les marins pêcheurs.

Les conséquences sur les comptes d'exploitation sont brutales : la part du chiffre d'affaires dévolue au revenu d'un armateur de chalutier est passée de 17 % voilà dix ans à 7 % aujourd'hui. La moitié des navires de pêche français serait de ce fait dans une situation très délicate, leurs exploitants ne parvenant plus à payer leur équipage, ou alors à des salaires non attractifs.

Face à cette crise d'une ampleur sans précédent pour le monde de la pêche, le Gouvernement, et vous-même, monsieur le ministre, avez fait preuve de réactivité.

Ainsi, à la fin du mois d'octobre, vous annonciez un plan de soutien au secteur de plus de 25 millions d'euros, dont l'essentiel était destiné à financer des plans de sortie de flotte pour les navires qui ne sont plus compétitifs.

Se rendant au Guilvinec le 6 novembre, le Président de la République vous demandait de mettre en place des mesures d'urgence en faveur des marins pêcheurs. Dès le lendemain, monsieur le ministre, vous annonciez, outre la mise en place de deux groupes de travail consacrés respectivement à la modernisation de la flottille et à la garantie d'une rémunération mensuelle minimale, l'exonération provisoire des charges patronales et salariales et, surtout, la prise en charge du surcoût du gazole supporté par les entreprises au-delà de 30 centimes d'euros par litre.

Cette dernière mesure, a-t-on appris, devrait prendre la forme d'une taxe à la consommation, appelée « écocontribution », dont le produit serait affecté aux pêcheurs en proportion de leur consommation de gazole. Pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que cette piste est toujours privilégiée, nous en livrer les modalités plus précises, et nous dire si vous pensez que cette mesure sera considérée comme « eurocompatible » ?

Tels sont, monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, les éléments et questionnements dont je tenais à vous faire part s'agissant des crédits consacrés à la pêche dans le projet de loi de finances pour 2008.

Vu à la fois l'orientation favorable de ces crédits et la bonne prise en compte par le Gouvernement de la crise des pêcheurs, je vous proposerai, mes chers collègues, conformément à l'avis très favorable qu'a émis la commission des affaires économiques, d'adopter ce projet de budget. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)