Mme Michèle Alliot-Marie, ministre de l'intérieur, de l'outre-mer et des collectivités territoriales. Il fallait commencer par là ! Le reste n'est que prétexte !

M. le président. La parole est à M. Hugues Portelli.

M. Hugues Portelli. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, le budget de la sécurité est en hausse de 1,8 % par rapport à l'exercice précédent, ce dont nous ne pouvons que nous féliciter.

La mission « Sécurité » comprend deux programmes : le programme « Police nationale », dont les crédits augmentent de 2,3 %, et celui de la « Gendarmerie nationale », dont les crédits sont en léger recul, de 0,58 %.

La hausse du budget de la justice est, comparativement, plus importante, mais elle permet de rattraper un retard historique et de donner à la justice une efficacité sans laquelle celle de la police serait vaine. Il est, en effet, primordial que tous les maillons de la chaîne pénale fonctionnent correctement, ce qui passe par plus de moyens pour les tribunaux, les magistrats et les greffes.

Ce budget doit permettre également de concrétiser les quatre grandes priorités que vous avez mises en oeuvre au sein de votre ministère, madame le ministre : consolidation de la baisse de la délinquance générale avec un objectif de diminution de 2 % ; intensification de la lutte contre le terrorisme ; lutte contre le travail illégal et l'immigration clandestine ; enfin, accroissement de la sécurité routière avec un objectif de baisse de 2 % des victimes de la route.

L'effort constant dans la lutte contre la délinquance doit être salué, madame le ministre, puisqu'en 2007 celle-ci a encore reculé en zones police et gendarmerie : une baisse de 50 250 faits a pu être constatée.

Quant au taux d'élucidation global, il a progressé de 31,61 % en zone police et de 41,47 % en zone gendarmerie en 2006.

Toutefois, ces progrès ne doivent pas masquer les difficultés persistantes ; je pense notamment à l'accroissement des violences contre les personnes ou à l'accroissement des dégradations contre les biens, publics ou privés, en zone urbaine, c'est-à-dire les formes de délinquance qui perturbent le plus la tranquillité publique et nourrissent le sentiment d'insécurité des habitants des périphéries des villes, qu'ils soient résidents ou usagers des transports publics.

Vous allez également mettre en oeuvre, au cours de l'année 2008, le regroupement sous votre autorité des forces de police et de gendarmerie

Cette mutualisation des services ne peut être que bénéfique pour le travail à mener par les forces de l'ordre et permettra de parachever l'unification des forces de sécurité.

Par ailleurs, dans la perspective de la présidence française de l'Union européenne, il convient de souligner la forte implication de la gendarmerie française dans la coopération policière européenne et internationale, notamment à travers la coopération transfrontalière et l'espace Schengen, ainsi que dans le cadre de l'Office européen de police EUROPOL.

À l'aube d'une éventuelle communautarisation de la politique de sécurité, la gendarmerie nationale française pourrait constituer une référence, et nous tenons à lui en rendre l'hommage.

S'agissant du cadre de la révision générale des politiques publiques annoncée par le chef de l'État, ce projet de budget parvient à équilibrer, d'une part, l'effort entrepris dans le cadre de la LOPSI, dont la mise en oeuvre s'achève avec le présent projet de loi de finances, et, d'autre part, l'effort de maîtrise des dépenses publiques.

Les dépenses de personnel représentent la majeure partie des moyens de la mission, soit 84 % des crédits, ce qui traduit l'attention particulière que le Gouvernement porte à ces services.

En effet, en ce qui concerne la qualification des personnels et la récompense de la performance individuelle et collective, le Gouvernement s'est engagé - ce dont nous le félicitons - en faveur du respect de la quatrième tranche du protocole du 17 juin 2004 relatif aux corps et carrières de la police, comme de la quatrième annuité du plan d'adaptation des grades aux responsabilités exercées.

Afin de permettre aux policiers et aux gendarmes de se recentrer sur leurs missions liées à la sécurité et au maintien de l'ordre, le présent projet de budget tend à augmenter le nombre des personnels administratifs chargés des tâches de soutien technique et de gestion quotidienne.

Madame le ministre, la sécurité est un enjeu fondamental ; elle n'est pas un sentiment fugace ou une idéologie, contrairement à ce qu'ont pu dire des irresponsables politiques.

Comme l'a rappelé le Président de la République le 29 novembre dernier devant les représentants des forces de police et de gendarmerie, « la sécurité a été de tout temps un enjeu fondamental pour l'équilibre de nos sociétés », et il faut la placer « au premier rang des préoccupations de rétablissement de l'autorité de l'État », afin que soit garanti le respect des principes républicains et rétablie la paix sociale dans tous les quartiers.

L'insécurité, vous le savez, est un drame qui touche en premier lieu les Français les plus défavorisés, ceux qui vivent dans les quartiers populaires et qui sont souvent condamnés à y rester.

Dans plusieurs départements, dont le mien, le Val-d'Oise, la situation est parfois explosive dans certaines agglomérations.

Pourtant, rien n'est irréversible. Si la fermeté la plus totale doit prévaloir en matière d'ordre public - car tirer sur des policiers, agresser des personnes vulnérables, incendier des véhicules ou des bâtiments publics ne saurait être toléré et encore moins excusé -, une réponse plus adaptée aux réalités du terrain doit cependant être apportée.

Ainsi, pour fidéliser le personnel policier sur notre territoire, ne serait-il pas envisageable de revoir les conditions d'attribution de la prime de fidélisation, qui est souvent saupoudrée entre les différents services des secrétariats généraux pour l'administration de la police, les SGAP, d'Île-de-France ?

S'agissant du logement de nos policiers, si le fait d'habiter dans la ville où ils exercent leur métier est difficile en raison des pressions auxquelles ils sont souvent confrontés, ne pourrait-on pas les inciter, par le biais de constructions de bâtiments plus importantes - auxquelles il faudra bien entendu associer les collectivités locales - et de l'attribution de places de crèches supplémentaires, à résider dans la circonscription ou l'intercommunalité dans le ressort desquelles ils travaillent ?

De même, l'effort demandé à tous les fonctionnaires en matière de retraite ou de durée du travail effectif doit concerner tous les corps de métier, y compris la police et la gendarmerie. Il serait hautement souhaitable que la durée hebdomadaire du travail y soit appliquée strictement. Les sous-effectifs structurels dans de nombreux commissariats sont souvent renforcés par un absentéisme légal, dont les motifs sont les plus divers, à commencer par les décharges syndicales. Il est d'ailleurs regrettable que les polices municipales aient souvent hérité de ce travers qui pèse lourdement sur la qualité du service public de sécurité, notamment en fin de semaine.

Madame le ministre, le budget de la mission « Sécurité » est conforme aux engagements pris par le chef de l'État, par son gouvernement et sa majorité.

Le groupe UMP votera donc avec détermination ce budget et vous fait personnellement confiance pour rendre encore plus efficace le travail de la police et de la gendarmerie et faire respecter l'ordre républicain sur l'ensemble du territoire national. (Applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. le rapporteur spécial applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Éliane Assassi.

Mme Éliane Assassi. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la mission « Sécurité » pour 2008 traduit bien, une fois n'est pas coutume, la politique sécuritaire menée dans notre pays depuis 2002.

Dénuée de toute réflexion de fond quant aux causes, au traitement social et à la nécessaire prévention de la délinquance, cette politique, axée essentiellement sur la répression et guidée par l'obsession sécuritaire, se révèle telle qu'elle est : contre-productive et inefficace.

Les récents événements de Villiers-le-Bel viennent malheureusement confirmer ce constat. Deux ans après les émeutes de l'automne 2005, un an après celles - d'une moindre ampleur - de l'automne 2006, nous venons de vivre encore des violences urbaines. Combien faudra-t-il d'émeutes, combien faudra-t-il de blessés et de morts pour faire évoluer la situation dans les banlieues et améliorer le quotidien des populations, souvent modestes, qui y vivent ? (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. André Dulait. Un peu de retenue !

M. Henri de Raincourt. Et de dignité !

Mme Éliane Assassi. Malgré les annonces faites depuis 2005, rien n'a changé dans les quartiers dits « sensibles ».

Mme Gisèle Printz. C'est vrai !

Mme Éliane Assassi. En matière de sécurité, d'éducation et de transports publics, la situation des populations écartées des centres urbains n'a guère évolué.

M. Robert Bret. Elle s'est même dégradée !

Mme Éliane Assassi. Le taux de chômage est, dans ces villes, deux fois plus élevé que la moyenne nationale, selon le rapport 2007 de l'Observatoire national des zones urbaines sensibles, l'ONZUS. Tous les habitants des cités et les élus sont inquiets et dressent le même constat : la situation a empiré depuis deux ans. Tous les voyants sont au rouge : précarité, chômage, misère, violence, développement de l'économie parallèle, qui gangrène des quartiers entiers...

La question fondamentale est bien sûr celle des moyens qu'il faut déployer pour financer les associations, développer l'accompagnement social, favoriser l'éducation, l'emploi, la formation, permettre le désenclavement des cités, etc.

Après le plan Borloo, dont on ne voit toujours pas les effets pratiques, on nous a annoncé un plan « banlieues » rebaptisé plan « anti-glandouille » par une secrétaire d'État étrangement silencieuse sur les événements survenus à Villiers-le-Bel, mais qui veut distinguer les quartiers populaires avec des petites pastilles de couleur. (M. Charles Gautier s'exclame.) Sans commentaire !

Mais je doute fort de la portée d'un tel plan. Les caisses de l'État étant vides, je vois mal comment le Gouvernement aura les moyens financiers de faire quoi que ce soit en la matière, à moins, bien sûr, qu'il ne décide d'aller prendre l'argent là où il est.

À cet égard, il est utile de souligner que la dotation de solidarité urbaine, la DSU, qui a été créée spécialement pour venir en aide aux villes pauvres de la banlieue, est d'ores et déjà amputée de 30 millions d'euros dans le projet de loi de finances pour 2008, et ce alors même que le plan Borloo prévoyait de l'augmenter de 120 millions par an jusqu'en 2009 !

La situation nécessite pourtant de mobiliser tous les secteurs de l'État, lequel doit jouer un rôle régulateur. Il est indispensable de débloquer des moyens considérables pour engager des actions dans la continuité. Ce n'est pas de moins d'État que nous avons besoin, c'est de plus d'État !

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Étonnant !

Mme Éliane Assassi. Or le Gouvernement suit la démarche exactement inverse. Le projet de loi de finances pour 2008 en est malheureusement une parfaite illustration.

Votre prédécesseur, madame la ministre, n'a eu de cesse, pendant cinq ans, de ressasser les mêmes slogans sécuritaires, prétendument pour faire baisser la délinquance. Avec quels résultats ? Pour quel bilan ? À part faire voter des lois plus répressives les unes que les autres, à part provoquer les jeunes des cités, à part faire des cadeaux fiscaux à ses amis du grand patronat, asséchant ainsi de manière drastique les caisses de l'État, qu'a-t-il réellement fait ?

En réalité, la droite récolte aujourd'hui ce qu'elle sème depuis des années : accentuation de la fracture sociale, multiplication des lois répressives, accentuation des injustices, stigmatisation des jeunes, en particulier de ceux qui sont issus de l'immigration et qui vivent dans les cités, discriminations à leur égard, provocations en tout genre.

Alors que Nicolas Sarkozy s'est toujours vanté d'avoir fait baisser la délinquance, la première enquête de victimation réalisée par l'Observatoire national de la délinquance, l'OND, portant sur les années 2005 et 2006, montre que les statistiques du ministère de l'intérieur ne reflètent pas du tout le niveau réel de la criminalité en France et que le nombre des violences intrafamiliales est très élevé.

M. Robert Bret. Comme celui du chômage, d'ailleurs !

Mme Éliane Assassi. Malgré l'important arsenal législatif mis en place depuis 2002, malgré les limites évidentes de toutes les lois modifiant le code pénal et le code de procédure pénale, malgré l'échec patent de cette politique répressive, demain, nous devrons encore légiférer sur la rétention de sûreté, comme si l'enfermement à vie était la solution !

Admettez-le, madame la ministre : pas plus que vos prédécesseurs, vous n'avez réussi à prévenir la délinquance et la récidive, à lutter efficacement contre l'insécurité, encore moins à rétablir l'égalité républicaine sur l'ensemble de notre territoire.

Pourtant, au sortir de l'automne 2005, tout le monde était d'accord - jusque dans les rangs de l'UMP - pour remettre sur les rails la police de proximité. Souvenons-nous du rapport sénatorial qui a été élaboré à la suite des émeutes de 2005 : lui aussi préconisait la réactivation de cette police. Vous-même, madame la ministre, vous avez évoqué la nécessité d'une police localisée ou territorialisée ; peu importe le nom qu'on lui donne, l'important étant les missions qu'on lui attribue.

Or que constatons-nous deux ans plus tard ? On n'a toujours pas mis en place une police plus proche des habitants, on n'a toujours pas permis de retisser les liens de confiance entre les populations, singulièrement celles des quartiers dits « sensibles », et les forces de l'ordre. Au contraire, tout est fait pour que ces quartiers deviennent les angles morts de notre société.

On est toujours dans cette confrontation entre le monde policier et les jeunes, voire la population des quartiers populaires. Il est temps de passer d'une police d'ordre au service de l'État à une police au service du citoyen, car, soulignons-le, la police est un service public essentiel, qui garantit la liberté de chaque citoyen.

À cet égard, je voudrais vous faire part de ma profonde indignation face à la prime de quelques milliers d'euros offerte par la police en contrepartie de témoignages recueillis après les événements de Villiers-le-Bel. Le témoignage sous X existe dans notre droit depuis 2002, mais sans rémunération. Chacun sait qu'il peut s'adresser à la police. Ce n'est donc pas la peine d'en rajouter en instituant cette prime à la délation à la mode américaine, au risque de mettre de l'huile sur un feu à peine éteint et d'entraîner des débordements ou encore des témoignages « bidons ».

Il faut impérativement donner une nouvelle orientation aux missions de la police nationale afin de mettre en oeuvre une véritable politique de prévention et de dissuasion. En outre, il convient de veiller à l'utilisation démocratique de la force publique dans le respect des règles déontologiques, et ce dans l'intérêt des citoyens comme des policiers.

Ce n'est pas dans cette voie que vous vous dirigez avec votre projet de création de compagnies zonales de sécurisation. Polyvalentes, constituées pour partie d'effectifs redéployés venant des CRS, ces compagnies pourraient, nous dit-on, être rapidement disponibles là où leur présence est requise et intervenir en matière de lutte contre les violences urbaines. Je ne vois pas où est la nouveauté en la matière, encore moins quel en est l'intérêt !

J'ajoute, madame la ministre, que vos solutions, telles que la vidéosurveillance ou les drones survolant les sites sensibles, ne sauraient remplacer la présence humaine sur le terrain. Vous envisagez ainsi de tripler le nombre de caméras sur la voie publique. La vidéosurveillance, ou « vidéoprotection », comme vous la nommez pudiquement à présent, sert essentiellement à la résolution des affaires, permettant ainsi de faire évoluer le taux d'élucidation.

Or il me semble qu'il aurait été utile, avant de déployer autant de caméras, de procéder à une évaluation de ces systèmes de vidéosurveillance afin de prouver leur éventuelle efficacité !

M. Éric Doligé. Cela marche très bien !

Mme Éliane Assassi. Et l'on nous dit de surcroît que le programme national d'installation coûterait entre 5 milliards et 6 milliards d'euros. C'est faramineux ! L'État en prendrait une partie à sa charge à hauteur de 800 000 euros, dans le cadre du fonds interministériel de prévention de la délinquance. Le principal obstacle au développement de ces dispositifs de surveillance reste financier. Où allez-vous trouver les financements ?

Mme Gisèle Printz. Les communes !

Mme Éliane Assassi. Madame la ministre, vous ne pouvez plus vous contenter de répondre par des discours sécuritaires, comme vient encore de le faire le Président de la République. En l'espèce, la répression ne sert strictement à rien, car la plupart de ces jeunes n'ont rien à perdre : ils n'ont rien !

L'État doit donner des signes d'espoir à cette jeunesse dont l'avenir est bouché et proposer des mesures concrètes en termes d'éducation, d'action sociale, de travail...

« Travailler plus pour gagner plus » ? Mais ces jeunes n'ont pas de travail ! Il faut restaurer un climat de confiance et de justice, ce qui est certainement plus difficile que de se lancer dans des discours populistes ultra-répressifs.

Mme Éliane Assassi. Plus que jamais, la mise en oeuvre du triptyque « prévention, dissuasion, répression » est nécessaire. Ce n'est pourtant pas ce que privilégient vos orientations budgétaires.

Le malaise est par ailleurs palpable au sein même de la police et de la gendarmerie : pour les policiers, heures supplémentaires non payées, problème du passage au statut de cadre des officiers de police ; pour les gendarmes, hausse de la charge de travail, baisse du niveau de vie, conditions de casernement difficiles.

En outre, les membres des forces de l'ordre sont de plus en plus nombreux à exprimer leur malaise quant au rôle que le Gouvernement leur fait jouer en matière de traque aux personnes sans papiers.

Pour conclure, j'évoquerai les pistolets à impulsion électrique, de type Taser. Plus de 3 000 policiers et gendarmes en sont déjà équipés et vous vous apprêtez à en autoriser l'usage pour les 17 000 policiers municipaux.

Aux États-Unis et au Canada, ces armes auraient été à l'origine de plusieurs dizaines de morts. Récemment, le Comité contre la torture de l'ONU a dénoncé clairement l'usage de ces pistolets, estimant que la douleur aiguë provoquée par ces armes constituait une forme de torture...

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. Cela ne fait pas mal !

Mme Éliane Assassi. ...et que, dans certains cas, il pouvait même provoquer la mort.

M. Christian Cambon. Et les balles des voyous à Villiers-le-Bel ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À la délinquance, faut-il répondre par des actes délinquants ?

Mme Éliane Assassi. Le comité a d'ailleurs demandé à la capitale portugaise de renoncer à en équiper sa police et les unités d'élite. Et vous, madame la ministre, quelle suite entendez-vous donner à ce rapport ?

À la lumière de ces observations, vous comprendrez que les sénateurs du groupe CRC votent contre les crédits de cette mission. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Éric Doligé. Tant mieux !

M. Christian Cambon. Et les tirs à balles réelles contre les forces de l'ordre ?

Mme Éliane Assassi. Le parallèle est osé !

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le même raisonnement que pour la peine de mort !

M. Robert Bret. Quand on est réactionnaire, on est réactionnaire !

M. Christian Cambon. Mieux vaut être un réactionnaire qu'un assassin !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. À qui parlez-vous ?

M. le président. Restons calmes, mes chers collègues ! M. Charles Gautier a seul la parole !

M. Charles Gautier. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, au mois de juin 2002, lorsque Nicolas Sarkozy est devenu ministre de l'intérieur, il nous a expliqué, dans cet hémicycle, combien la gauche avait été laxiste, faible et naïve en matière de sécurité, et comment il résoudrait tout en un temps record, avec des méthodes fortes.

Aujourd'hui Président de la République, il continue d'expliquer aux Français comment il faut agir. Pourtant, tout le monde en a la démonstration chaque soir, la situation est loin d'avoir changé !

Pour l'année 2007, les chiffres montrent une très légère baisse de la délinquance de voie publique - autour de 1,3 % - et une évolution plutôt inquiétante des crimes et délits contre les personnes.

La Cour des comptes observe, quant à elle, que la signification des indicateurs retenus - nombre total de faits élucidés et taux d'élucidation - doit être relativisée : « La fiabilité de l'enregistrement statistique des faits constatés est imparfaite. D'une part, l'état 4001 ne fournit qu'une mesure partielle et hétérogène de la délinquance ; d'autre part, les services territoriaux ne respectent pas de façon homogène et rigoureuse les règles d'enregistrement des informations. »

Les chiffres qui nous ont été communiqués tout à l'heure sont donc certainement en dessous de la réalité ! Mais, alors que l'on peut faire dire aux chiffres ce que l'on veut, les faits sont là, et je ne pense pas que vous puissiez remettre en cause les remarques de la Cour des comptes !

Chaque année, j'interviens dans ce débat sur les crédits consacrés à la sécurité et, chaque année, je dénonce les choix politiques faits depuis 2002. Chaque année, la violence dans nos banlieues croît.

La semaine dernière, à Villiers-le-Bel, des jeunes gens allaient même jusqu'à tirer à balles réelles sur les forces de l'ordre.

M. Christian Cambon. Dites-le à Éliane Assassi !

M. Charles Gautier. Madame le ministre, lors de votre audition par la commission des lois, vous avez indiqué que les priorités de votre ministère allaient aux investissements plutôt qu'aux personnels. Vous insistez depuis plusieurs mois sur les moyens techniques dont il faut doter les services de maintien de l'ordre.

Certes, les caméras de vidéosurveillance, les technologies modernes sont indispensables dans un État moderne et réactif à toute menace intérieure ou extérieure. Pourtant, que constate-t-on aujourd'hui ? Un fossé s'est creusé depuis 2002 entre les habitants de certains quartiers, notamment les jeunes, et les forces de l'ordre. Le lien entre eux, que le gouvernement de Lionel Jospin avait réussi à renouer lentement, grâce à la mise en place de la police de proximité, vous l'avez brisé net !

Bien sûr, madame le ministre, vous me répondrez encore que la police n'est pas faite pour jouer au football avec les jeunes de banlieue... Mais cette réponse vous sert surtout à nier la réalité. Et cette réalité, c'est que l'instauration d'une police de proximité avait permis de renouer des liens sociaux, d'humaniser ces quartiers, d'y replacer l'État et ses représentants à visage humain.

Les nouvelles répartitions des effectifs de police ne privilégient plus ces quartiers, alors que ce sont eux qui en ont le plus besoin. Au contraire, lorsque s'y déroule un nouvel événement, vous y envoyez les CRS, qui ne connaissent ni le terrain ni les habitants. De cette manière, vous creusez encore le fossé entre les plus faibles et l'État.

L'escalade des violences depuis 2002 démontre bien l'échec de votre politique en matière de sécurité. Pis, cela démontre le danger que cette politique représente.

Aux quartiers riches, les rondes policières nocturnes, aux quartiers pauvres, les CRS !

Loin de moi l'idée de jeter le discrédit sur les compagnies républicaines de sécurité ou sur les gendarmes mobiles. Ils remplissent toujours de façon efficace et courageuse leur mission de maintien de l'ordre public. Néanmoins, la réorientation de leurs missions vers des actions de lutte contre la délinquance et contre l'insécurité semble douteuse. Elle constitue, en fait, une mesure de gestion des effectifs pour réaliser des économies d'échelle.

Progressivement, ces forces mobiles sont devenues des forces d'appoint pérennes et non plus ponctuelles aux unités de base de la police et de la gendarmerie. Elles les aident en matière de sécurité publique, notamment dans la lutte contre les violences urbaines, et pour les interventions nocturnes. La dernière expérience est un échec : leur intervention à Villiers-le-Bel a fini par prendre la forme d'un véritable traquenard à leur encontre, allant même jusqu'à les contraindre à se replier pour protéger leur matériel contre le vol !

Dans ce contexte, au vu des résultats et de la tension permanente qui règne dans les quartiers difficiles, le débat sur le format et la formation adéquats des forces mobiles est plus que d'actualité. L'intervention des forces mobiles dans ces conditions ne poserait-elle pas plus de problèmes qu'elle n'est censée en résoudre ?

M. Charles Gautier. Madame la ministre, ces violences sont le résultat des inégalités qui s'accroissent chaque année, et vous refusez d'y répondre. (Protestations sur les travées de l'UMP.) Vous préférez, encore une fois, privilégier les dépenses d'investissement plutôt que la présence humaine. C'est si vrai que M. le rapporteur spécial vient de confirmer la baisse générale de 1253 emplois de policiers prévue dans le projet de loi de finances que nous examinons.

De façon concomitante, la frénésie législative continue. Cette année, la loi renforçant la lutte contre la récidive des majeurs et des mineurs, la loi relative à la maîtrise de l'immigration, à l'intégration et à l'asile et la loi relative à la prévention de la délinquance constituent encore des durcissements de la loi pénale. Et le Gouvernement annonce un nouveau projet de loi relatif à la rétention de sûreté et à la déclaration d'irresponsabilité pénale pour cause de trouble mental.

Pourtant, toutes ces mesures sont bien, comme nous le prédisions chaque fois, des mesures d'affichage. Certaines ne sont même pas effectives, faute de décrets d'application. Ainsi, vous annoncez également une loi « post-LOPSI », alors même que les objectifs de la LOPSI ne sont pas atteints.

Mme Michèle Alliot-Marie, ministre. C'est faux !

M. Charles Gautier. Vous nous promettez la mise en place de nouvelles technologies permettant de « démultiplier l'efficacité de la présence sur la voie publique, de réduire les délais moyens d'intervention ». Permettez-moi d'être sceptique.

Je ne conteste pas l'efficacité de la vidéosurveillance en termes de prévention de la délinquance ou d'élucidation des actes commis, mais il faut des personnels derrière les écrans de contrôle pour que tel soit le cas !

De même, les objectifs de la LOPSI en termes de tâches indues ne sont pas atteints. Les fonctionnaires de la police nationale et les gendarmes continuent d'effectuer des tâches d'assistance pénitentiaire, d'éloignement des personnes en situation irrégulière, ou même des tâches administratives, comme plusieurs orateurs précédents l'ont souligné. Cela perturbe fortement les services.

Madame la ministre, vous l'aurez compris, nous sommes très fermement opposés aux choix politiques et budgétaires de votre gouvernement.

M. Henri de Raincourt. C'est rassurant !

M. Charles Gautier. Les faits sont d'ailleurs là pour nous conforter dans notre analyse. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie.

M. Marc Laménie. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la discussion que nous avons aujourd'hui sur la mission « Sécurité » nous permet de rendre hommage à l'ensemble des policiers et des gendarmes, qui, tous les jours, assurent la tranquillité publique et la sécurité de nos concitoyens. (M. Jacques Gautier applaudit.)

Comme vous le souligniez avec force, madame la ministre, « la sécurité est la première préoccupation des Français, elle est un droit de l'homme, qui conditionne tous les autres ».

Le projet de budget pour 2008 montre que la sécurité reste une priorité de l'action gouvernementale puisque près de 16 milliards d'euros sont prévus pour financer la mission « Sécurité », qui regroupe l'ensemble des crédits de la police nationale et de la gendarmerie nationale.

La répartition entre les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » est équilibrée et démontre la volonté de ne pas faire de différence entre ces deux corps qui ont tous deux pour tâche de lutter contre la délinquance et la criminalité et de les réduire. À ce titre, la création, en 2002, des groupes d'intervention régionaux, les GIR, prouve que policiers et gendarmes travaillent en partenariat étroit. Le bilan qui peut en être fait aujourd'hui est tout à fait positif. Les GIR ont connu une activité très soutenue, tout en s'appuyant sur une démarche interministérielle réussie et particulièrement innovante.

Ce budget alloué à la sécurité est le premier budget intervenant après l'exécution de la LOPSI du 29 août 2002. On ne peut que se réjouir du bilan établi, qui, il faut bien le dire, est très positif.

M. Jean-Patrick Courtois, rapporteur pour avis. Tout à fait !

M. Marc Laménie. La LOPSI a, tout d'abord, permis de refonder les principes régissant l'organisation de la sécurité intérieure sur le territoire national. Les objectifs fixés ont été quasiment atteints, les taux de réalisation de création d'emplois étant de l'ordre de 95,4 % pour la police nationale - 6 200 emplois créés - et de 86,4% dans la gendarmerie - plus de 6 000 emplois créés.

Les moyens alloués à la sécurité, grâce à la LOPSI, se sont concrétisés sur le terrain par une réussite incontestable sur le plan de la lutte contre la délinquance. Les indicateurs de performance retracés dans les programmes « Police nationale » et « Gendarmerie nationale » font, en effet, état d'une baisse sensible de toutes les formes de délinquance, d'une amélioration des taux d'élucidation et d'une diminution du nombre de blessés et de tués sur la route.

Les résultats sont révélateurs. Entre 2002 et 2006, la délinquance a diminué de 9,6 %, permettant aux auteurs du rapport sur l'exécution de la LOPSI d'écrire que le premier objectif de la loi a été atteint. Ces chiffres sont, non pas le fruit du hasard, mais bel et bien le résultat de la politique efficace et courageuse engagée par le précédent gouvernement et qui est perpétuée aujourd'hui, grâce à votre ferme détermination, madame la ministre.

Depuis votre prise de fonctions, ce mouvement s'est, en effet, poursuivi et même amplifié. Au mois de septembre 2007, les faits constatés par les services de police et de gendarmerie ont baissé de 7,65 % par rapport à ceux de septembre 2006. Outre la baisse globale de la délinquance, le taux d'élucidation était de 36,2 % au mois de septembre dernier, soit une hausse de près de 10 points en cinq ans.

Le budget de la sécurité pour 2008 est un budget intermédiaire, qui poursuit le financement de nombreux programmes prévus dans le cadre de la LOPSI 1, tout en annonçant la prochaine loi de programmation centrée sur la recherche de la performance.

Les objectifs quantitatifs figurant dans la LOPSI 1 ayant été remplis, il est particulièrement légitime qu'ils cèdent désormais la place à des objectifs davantage qualitatifs, dans le cadre de la LOPPSI 2.

Les membres de mon groupe et moi-même nous réjouissons de la présentation prochaine de ce nouveau projet de loi d'orientation et de programmation, qui mettra l'accent sur la modernisation, la mutualisation et le management.

Votre budget pour 2008 est bon, madame la ministre, car il vous donne les moyens de mettre en oeuvre l'ensemble des objectifs prévus dès votre prise de fonctions, à savoir doter la France d'un grand ministère moderne de la sécurité intérieure. Un milliard d'euros seront, en effet, consacrés à la modernisation de nos systèmes de sécurité, soit un doublement des moyens actuels.

Les membres du groupe UMP se félicitent du recours intensif aux nouvelles technologies, qui permettra de renforcer l'efficacité des forces de sécurité. Les systèmes d'information et de communication doivent, en effet, être améliorés en permanence pour résister aux performances croissantes des criminels. Comme vous l'avez à juste titre signalé, la délinquance change de nature et les forces de police et de gendarmerie doivent s'adapter à ses formes nouvelles, voire anticiper les défis de demain.

À cet égard, nous nous félicitons du programme de développement accéléré de la vidéosurveillance qui apporte une pierre supplémentaire à un édifice majeur pour la sécurité de nos concitoyens. Son efficacité en ce qui concerne l'amélioration significative de la sécurité quotidienne n'est plus à démontrer. Des expériences étrangères l'ont largement prouvé, notamment au Royaume-Uni, avec l'élucidation de meurtres d'enfants et de crimes terroristes. Des expériences locales en France le montrent quotidiennement.

L'opinion publique est aujourd'hui prête à la mise en place de la vidéosurveillance, d'autant que de nombreux progrès ont été accomplis pour protéger la vie privée. C'est pourquoi, madame la ministre, nous soutenons votre objectif de tripler en deux ans le nombre de caméras de vidéosurveillance sur la voie publique, afin de le faire passer de 20 000 à 60 000.

Nous nous félicitons également des efforts engagés pour poursuivre la modernisation de la police technique et scientifique, qui constitue l'une de vos priorités. Les fichiers automatisés des empreintes digitales et des empreintes génétiques ont largement prouvé leur grande utilité en favorisant très largement l'élucidation. Ils doivent être adaptés à l'accroissement considérable du volume de données traitées, point pris en compte dans ce projet de budget.

Une autre ambition de ce budget vise le regroupement des moyens humains qui agissent pour la protection des Français et le renforcement des coopérations entre la police et la gendarmerie. Le travail en commun de ces deux corps, engagé depuis 2002, doit effectivement s'amplifier afin qu'il puisse mieux s'adapter aux nouveaux enjeux de la délinquance. Pour des raisons d'efficacité, mais aussi de bonne utilisation de l'argent public, des synergies doivent, en effet, être recherchées. Ce rapprochement doit toutefois se faire dans le respect des spécificités et de l'identité de ces deux corps, qui doivent demeurer.

De multiples rumeurs courent actuellement sur la fermeture d'un certain nombre de brigades de gendarmerie, pourtant souvent regroupées dans des communautés de brigades. Je souhaiterais savoir, madame la ministre, si ces rumeurs, qui sèment actuellement le trouble non seulement parmi les agents de ces forces, mais aussi parmi les élus, sont fondées. Je souhaiterais également connaître vos propositions, afin de procéder à une répartition plus claire des tâches entre les forces de police et de gendarmerie sur le plan territorial.

D'une manière générale, ce projet de budget montre qu'un effort sensible sera fait en faveur de la formation permanente, du déroulement des carrières et d'un recentrage des missions sur les tâches qui ne peuvent être assurées que par des agents en uniforme.

Ce volet est particulièrement important, car la police et la gendarmerie sont composées d'hommes et de femmes dont les compétences doivent être renforcées et valorisées.

Vous l'avez vous-même souligné : « La sécurité, ce sont d'abord des hommes et des femmes. Aucun matériel, aucune technologie ne saurait remplacer la compétence, le dévouement, le courage, de celles et ceux qui servent la police, la gendarmerie, les services d'incendie et de secours. »

Une attention particulière est ainsi accordée, dans ce projet de budget, au déroulement des carrières, aux rémunérations et à l'accompagnement dans l'exercice des missions. Nous nous en réjouissons.

Pour conclure, j'insisterai sur le fait que le recentrage des missions est absolument nécessaire, car trop de policiers et de gendarmes exercent aujourd'hui des tâches administratives qui ne relèvent pas de leur compétence.

Les événements récents de violences urbaines qui se sont déroulés dans le Val-d'Oise démontrent qu'il convient de renforcer la présence vigilante des forces de l'ordre sur le terrain. En effet, si la mission prioritaire des forces de police est de permettre l'arrestation et la traduction devant les tribunaux des délinquants et des criminels, leur mission de prévention est n'a rien de secondaire.

Sous le bénéfice de ces quelques observations, avec l'ensemble de mon groupe, je voterai naturellement les crédits de la mission « Sécurité ». (Bravo ! Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)