compte rendu intégral

PRÉSIDENCE DE M. Adrien Gouteyron

vice-président

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à dix heures.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n'y a pas d'observation ?...

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d'usage.

2

Article additionnel après l'article 48 octies (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Deuxième partie

Loi de finances pour 2008

Suite de la discussion d'un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Développement et régulation économiques

M. le président. L'ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi de finances pour 2008, adopté par l'Assemblée nationale (nos 90 et 91).

Développement et régulation économiques

Deuxième partie
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2008
Article 42

M. le président. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Développement et régulation économiques » (et articles 42 et 43).

La parole est à M. le rapporteur spécial.

M. Éric Doligé, rapporteur spécial de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, avant d'évoquer les crédits eux-mêmes, je tiens à dire quelques mots des évolutions de périmètre les plus significatives ayant affecté cette mission.

Deux programmes ont disparu : le programme « Contrôle et prévention des risques technologiques et développement industriel », ex-« programme des DRIRE » - les directions régionales de l'industrie, de la recherche et de l'environnement -, et le programme « Passifs financiers miniers », transféré vers la mission « Écologie, développement et aménagement durables ».

Ayant critiqué, par le passé, le format de ces programmes, et même la présence du programme « Passifs financiers miniers » dans cette mission, je devrais être satisfait.

Cependant j'observe que tous les changements opérés visent à s'aligner sur la nouvelle architecture ministérielle. La logique en est donc profondément administrative, loin de l'esprit d'objectifs et de performance de la loi organique relative aux lois de finances, la LOLF.

La lisibilité de l'ensemble a été affectée par tous ces changements, ce qu'illustrait le format originel du programme « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique », toujours plus important et difficilement décryptable.

Initialement, le tourisme avait d'ailleurs été intégré dans ce programme, au seul motif qu'il relevait désormais du champ de compétences de Bercy. Heureusement, l'Assemblée nationale a érigé cette action en programme, ce qui améliore la cohérence de l'ensemble et renforcera le pouvoir d'arbitrage du Parlement.

Je conclurai sur ce thème en constatant le transfert de la direction générale des douanes et droits indirects vers la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines », dépendant de M. Woerth.

Bref, le nouveau paysage n'est pas beaucoup plus clair que le précédent.

J'en viens à présent à l'examen des crédits des différents programmes de la mission.

Le programme « Développement des entreprises et des services » regroupe dix actions, assez disparates, et dispose de 852,7 millions d'euros de crédits de paiement.

Le changement le plus notable, par rapport à 2007, est la disparition des 120 millions d'euros affectés à OSEO garantie - ex-OSEO Sofaris -, la filiale d'OSEO chargée de garantir des prêts consentis aux petites et moyennes entreprises. Cette débudgétisation a pour cause la fusion programmée d'OSEO et de l'Agence de l'innovation industrielle, l'AII.

Je profite donc de cette occasion pour souligner à quel point cette fusion, et surtout la méthode employée par le Gouvernement pour la réaliser, est regrettable. Les modalités financières, c'est-à-dire le versement du reliquat de la dotation de l'AII à OSEO, ont fait l'objet de l'article 30 bis de ce projet de loi de finances, inséré, je le rappelle, à la suite de l'adoption d'un amendement du Gouvernement à l'Assemblée nationale. Il s'agit d'un signe d'impréparation préoccupant pour une opération aussi structurante.

De plus, même s'il est vrai que le fonctionnement de l'AII subissait quelques entraves dues à la lourdeur des procédures européennes, j'espère que ce changement annoncé ne signifie pas la mort d'une grande ambition de notre pays en matière d'innovation. Je me permets de préciser que j'ai beaucoup de plaisir à travailler avec M. Beffa, qui a une vision du monde de l'économie particulièrement intéressante.

Par ailleurs, je ferai une observation à propos du fonds d'intervention pour la sauvegarde, la transmission et la restructuration des activités commerciales et artisanales, le FISAC.

Si les autorisations d'engagement qui lui sont affectées sont maintenues à 80 millions d'euros, les crédits de paiement passent à 60 millions d'euros, la différence devant être comblée grâce aux profits financiers du régime social des indépendants. Une telle méthode me paraît discutable, en termes de sincérité budgétaire et parce qu'il ne faudrait pas qu'il s'agisse de vouloir « assécher » le FISAC sans le dire.

Enfin, je serai attentif à la mise en oeuvre du plan de modernisation et de développement en faveur des hôtels, cafés et restaurants, le « plan HCR », qui a été conclu le 17 mai 2006 entre le Gouvernement et les professionnels du secteur et qui trouve sa traduction à l'article 63 du dernier collectif budgétaire. Il faudra s'assurer que ce plan, dont le coût fiscal est important pour l'État, montre son efficacité, en particulier en termes d'emploi. À ce jour, je relève que des accords relatifs à la durée du temps de travail et à la revalorisation des salaires ont été conclus dans cette branche en 2007. Il s'agit là d'avancées sociales notables, susceptibles de rendre plus attractif un secteur pouvant constituer un assez fort gisement d'emplois.

Comme je l'ai indiqué auparavant, la direction générale des douanes et droits indirects ne relève plus du programme « Régulation économique » ; sa présence dans le champ de ce dernier ne paraissait pourtant pas absurde. Ce programme s'est ainsi « allégé » de plus des deux tiers des crédits inscrits en loi de finances de 2007, et ne bénéficie plus que de 313,8 millions d'euros de crédits de paiement à l'issue de l'examen du projet de budget par l'Assemblée nationale.

Il s'agit, pour l'essentiel, à hauteur de 82 %, de crédits de personnel : ceux, très prépondérants, qui sont consacrés aux agents de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, et ceux qui sont alloués aux autorités de régulation relevant de ce programme, à savoir le Conseil de la concurrence, la Commission de régulation de l'énergie, la CRE, et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes, l'ARCEP.

Les autres crédits demandés correspondent aux dépenses de fonctionnement de ces entités, ainsi qu'aux subventions à l'Institut national de la consommation, seul opérateur du programme, auquel sont alloués 3,8 millions d'euros, aux associations nationales de consommateurs, qui bénéficient de 7,4 millions d'euros, et au Centre de recherche pour l'étude et l'observation des conditions de vie, le CREDOC.

Pour 2008, l'enjeu principal concernant ce programme sera la renégociation du contrat d'objectifs et de moyens de la DGCCRF et l'évolution de la masse salariale de cette direction générale, notamment à l'aune de l'objectif de non-remplacement d'un fonctionnaire partant à la retraite sur deux.

Enfin, le programme « Tourisme », créé par l'Assemblée nationale, dispose de 92,4 millions d'euros de crédits de paiement.

Sur ce sujet, je me contenterai de faire miennes des préoccupations déjà exprimées par certains de mes collègues députés et relatives au montant des dettes pour le tourisme social, qui, selon les estimations que nous avait données M. Woerth lors de l'examen du projet de loi de règlement du budget de 2006, s'établissait à 10 millions d'euros au 31 janvier 2007, ainsi qu'à la nécessité d'introduire rapidement la possibilité, pour le personnel des entreprises de moins de cinquante salariés, de bénéficier des chèques-vacances sans condition de revenus, dans les mêmes conditions que le personnel des grandes entreprises.

Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, sous le bénéfice de l'ensemble de ces observations, je vous recommande l'adoption des crédits de la mission « Développement et régulation économiques ».

Il en va de même pour l'article 42, qui définit le taux maximal d'augmentation de la taxe pour frais de chambre de commerce et d'industrie, concernant les chambres de commerce et d'industrie ayant opté pour la mise en oeuvre d'un schéma directeur régional. Je me bornerai à présenter un amendement de précision à cet article, que je détaillerai plus tard.

Enfin, je proposerai l'adoption conforme de l'article 43, qui prévoit des augmentations des taxes affectées à certains centres techniques industriels de la mécanique. Je rappellerai simplement que ces centres avaient un financement mixte, comportant des subventions et des taxes affectées, jusqu'en 2007. Ce type de financement disparaissant en 2008, les augmentations de taxes proposées correspondent à la compensation de la disparition de la subvention de l'État, soit 6,5 millions d'euros. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis.

M. Gérard Cornu, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, nous examinons ce matin les crédits d'une mission qui s'intitule encore « Développement et régulation économiques », mais qui n'a plus grand-chose à voir avec la mission du même nom dont nous avions étudié les crédits l'an dernier.

Dotée pour 2008 de 1,3 milliard d'euros en autorisations d'engagement et de presque autant en crédits de paiement, la mission « Développement et régulation économiques » représentait l'an dernier près de 3,95 milliards d'euros : les crédits de la mission ont donc été réduits des deux tiers, en raison d'une révision profonde de son périmètre.

Seuls deux programmes subsistent, et leur périmètre a de surcroît été bouleversé.

Il s'agit, tout d'abord, du programme « Développement des entreprises », qui, enrichi des crédits du tourisme, a en revanche été amputé de l'action « Énergie et matières premières », ainsi que des crédits des administrations du commerce extérieur.

Il s'agit, ensuite, du programme « Régulation économique ». Amputé de la direction générale des douanes et droits indirects, ce programme perd 83 % de ses crédits !

Puisqu'il est difficile de comparer les budgets accordés à cette mission en 2007 et en 2008, je me propose d'aborder ici la problématique du pouvoir d'achat, qui est finalement au coeur de notre sujet. (M. Gérard Longuet approuve.)

Thème de préoccupation majeur pour les Français, le pouvoir d'achat n'est pourtant pas en recul : il s'est même accru, en rythme annuel, de près de 2 % depuis 2002.

Or les ménages le jugent menacé. Cette impression peut s'expliquer par plusieurs facteurs.

Tout d'abord, le passage à l'euro, il y a cinq ans, a provoqué une certaine défiance envers les prix. C'est incontestable.

Ensuite, l'évolution démographique a joué un rôle : si le pouvoir d'achat a progressé pour l'ensemble des ménages, le pouvoir d'achat par ménage a connu une quasi-stagnation, car la décohabitation accroît le nombre de ménages.

On peut aussi évoquer une forme de « myopie » naturelle des consommateurs, qui les rend plus sensibles aux hausses de prix des produits quotidiens, tels que la baguette, le carburant, etc., qu'aux baisses de prix des produits de haute technologie.

Enfin, l'apparition de nouveaux standards de qualité ou de nouvelles offres de biens et services augmente le « vouloir d'achat », ce qui peut nourrir un sentiment de frustration.

Malgré ces explications, il faut aussi admettre les limites de l'indice des prix à la consommation produit par l'Institut national de la statistique et des études économiques, l'INSEE.

Ainsi, les dépenses de logement ne sont prises en compte que sous l'angle des loyers et des charges ; le coût croissant de l'accession à la propriété est donc négligé.

Surtout, les ménages les plus modestes se trouvent plus exposés. Par exemple, la flambée des prix de l'énergie alourdit les factures de chauffage et renchérit le coût des trajets entre le domicile et le travail.

Il faut en outre reconnaître que des menaces pèsent sur le pouvoir d'achat : la hausse des prix des matières premières, énergétiques et agricoles, mais aussi le caractère incompressible des dépenses contraintes, telles que le logement, les transports, les assurances obligatoires, les conventions bancaires, les abonnements aux services de télécommunications, qui représentent globalement 40 % des dépenses totales des Français.

Alors, comment améliorer ce pouvoir d'achat contraint ? La dynamique du pouvoir d'achat est à la fois celle de la croissance, qui induit celle des revenus, et celle de la concurrence, qui pèse sur les prix. C'est sur ces deux tableaux que vous avez entrepris d'agir, messieurs les secrétaires d'État.

En matière de soutien aux revenus, le Gouvernement a commencé cet été par la loi en faveur du travail, de l'emploi et du pouvoir d'achat pour encourager le recours aux heures supplémentaires, dispositif en vigueur depuis octobre.

Du côté des prix, le projet de loi pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, qui nous sera soumis dans une semaine, tend à modifier le calcul du seuil de revente à perte. La concurrence par les prix entre opérateurs devrait ainsi s'effectuer sur une base plus réaliste, incluant les marges arrière. Je m'en félicite.

Je veux toutefois insister sur le risque de fragilisation des très petites entreprises, notamment dans le milieu rural, et sur la nécessité d'un soutien public à ces entreprises. Les propos de notre rapporteur spécial Éric Doligé allaient d'ailleurs tout à fait dans ce sens.

Je m'inquiète de l'évolution budgétaire du FISAC : c'est un outil précieux que nous connaissons bien. Or, le Gouvernement propose de baisser de 25 % les crédits de paiement du FISAC, qui seraient ainsi ramenés de 80 millions à 60 millions d'euros en 2008. Les crédits du FISAC ne sont peut-être que partiellement consommés, mais cet état de fait devrait plutôt constituer une incitation à moderniser le fonds et à en simplifier l'accès, par des procédures allégées, qu'à en diminuer la dotation budgétaire. Ce point me paraît essentiel pour l'équilibre du paysage économique français et pour un très bon aménagement du territoire.

Je conclurai en vous proposant de donner, bien sûr, un avis favorable à l'adoption des crédits de cette mission et des articles 42 et 43 qui y sont rattachés, conformément au vote de la commission des affaires économiques. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis.

M. Pierre Hérisson, rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, après cette présentation globale des crédits de la mission, je souhaiterais, pour ma part, m'attarder sur une action financée par cette mission : le développement des télécommunications, des postes et de la société de l'information.

Je me focaliserai sur La Poste, qui se trouve face à d'importantes échéances. Si le transport de presse constitue la part la plus importante du budget que l'État consacre à La Poste, avec 160 millions d'euros, l'action de l'État en matière postale dépasse largement cette ligne budgétaire.

Je voudrais commencer par dresser un bilan du partenariat entre l'État et La Poste.

Le contrat de performances et de convergences, signé en janvier 2004, m'apparaît rempli pour l'essentiel.

La Poste a entrepris de rénover son outil de travail. Elle a lancé en 2005 un plan de modernisation industrielle à l'horizon 2010, intitulé Cap qualité courrier, doté de 3,4 milliards d'euros, ce qui a permis une amélioration de la qualité de service. Pour autant, avec 81 % des lettres distribuées le lendemain de leur dépôt, l'objectif du contrat de plan, qui est de 85 %, n'est pas encore atteint.

La présence postale a été réinventée : s'appuyant toujours sur 17 000 points de contact, le réseau s'adapte à la France d'aujourd'hui grâce à 5 000 partenariats. Les élus accompagnent donc ce mouvement, même si certains s'inquiètent de la transformation des directions départementales de La Poste en directions régionales.

Surtout, la contribution de La Poste à l'aménagement du territoire a été reconnue par la loi adoptée en 2005, dont j'ai eu l'honneur d'être le rapporteur. Un fonds postal national de péréquation territoriale a été créé, et sa répartition a fait l'objet d'une convention, signée le 19 novembre dernier, entre La Poste, l'État et l'Association des maires de France.

Il reste que le coût de l'aménagement du territoire ne sera pas couvert par les 140 millions d'euros d'allégement de fiscalité locale dont bénéficie La Poste aujourd'hui. Ce sont encore 240 millions d'euros qui pèsent annuellement sur les comptes de La Poste.

La question des retraites a été réglée pour La Poste en décembre 2006 et, je le rappelle, la solution validée au plan communautaire. Ainsi, La Poste se trouvera placée à partir de 2010 en situation d'équité concurrentielle. Mais, parallèlement, la charge des retraites de La Poste va s'accroître très sensiblement pour le budget de l'État. Messieurs les secrétaires d'État, pouvez-vous nous dire où en est le projet d'adossement d'une partie du financement de ces pensions sur les régimes de retraites de droit commun ?

Les services financiers ont été transformés en banque postale au 1er janvier 2006 : ce succès doit être confirmé même si, depuis 2002, La Poste a amélioré sa rentabilité, qui est passée de 0,6 % à 4,7 % en 2006. Elle réalise désormais 70 % de son chiffre d'affaires dans le secteur concurrentiel.

Or, La Poste doit encore affronter plusieurs défis. Le contrat 2008-2012 que le Gouvernement élabore avec elle doit lui permettre de les relever.

Il s'agit, d'abord, de la concurrence totale sur le marché du courrier. Elle devrait donc intervenir au 1er janvier 2011, ce qui donne à La Poste l'opportunité de bénéficier de deux années supplémentaires pour se préparer, en achevant la modernisation de son outil industriel, en développant des services associés au courrier et en améliorant l'accueil du client. Vous comprendrez la satisfaction des sénateurs, qui avaient formulé le voeu que la situation actuelle soit prolongée jusqu'en 2011 et que l'ouverture à la concurrence totale soit reportée.

C'est aussi pour la France une chance de conforter le service public postal avant d'envisager la fin de son financement par le secteur réservé. Sur ce point, je me félicite que la résolution européenne adoptée par le Sénat en février 2007 ait porté ses fruits. J'insiste sur ce point, nous n'avons certes pas été les seuls à intervenir en ce domaine, mais nous avons, à ce moment-là, accompli notre travail.

Les missions de service public complémentaires au service universel, comme l'aménagement du territoire, sont prises en compte. Le périmètre du service universel est assuré, et la possibilité d'une sixième levée par semaine incluse dans le service universel est même prévue dans le texte, alors que la plupart des pays européens n'assurent une distribution que cinq jours sur sept.

Ensuite, La Poste doit à l'avenir relever le défi important de dynamiser la Banque Postale. Si son activité est en croissance, de 6,3 % en 2006, elle aurait tout de même perdu des parts de marché sur la plupart de ses produits. À ces résultats mitigés, il faut ajouter la menace d'une distribution banalisée du livret A, décidée en mai dernier par la Commission européenne avec effet le 10 février prochain.

Si la banalisation du livret A - auquel La Banque postale doit aujourd'hui 13 % de son produit net bancaire - devait intervenir malgré le recours que le Gouvernement a intenté, elle ne pourrait pas s'envisager sans une gamme bancaire complète : le droit commun doit jouer dans les deux sens. Un certain nombre de dispositions doivent être prises d'urgence, notamment en matière de crédit à la consommation. Une décision de principe a été prise, mais les délais fixés me paraissent trop importants. Il est temps de passer à la banalisation de l'ensemble du système et à l'ouverture au droit commun, afin que la Banque Postale soit une banque comme les autres.

Mme Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'emploi, a déjà décidé le 19 novembre dernier d'autoriser la Banque Postale à distribuer du crédit à la consommation,...

M. Hervé Novelli, secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur. Tout à fait !

M. Pierre Hérisson. ...ce qui est un levier de rajeunissement de sa clientèle et un gisement de rentabilité.

Mais n'enterrons pas trop vite le livret A ! Un certain nombre de précautions doivent être prises rapidement. Je le rappelle, ce livret concourt au financement du logement social et à l'accessibilité aux services bancaires. Les deux sont largement portés par la Banque postale.

Enfin, La Poste doit encore affronter une dernière incertitude relative à la garantie de couverture par l'État de ses obligations financières. Cette garantie publique permet à La Poste, personne morale de droit public, de se financer de manière avantageuse, même pour ses activités en concurrence, ce que Bruxelles dénonce comme un avantage déloyal à la veille de l'ouverture totale des marchés postaux. Le précédent d'EDF en 2003 doit nous inciter à la prudence.

Monsieur le ministre, le contrat 2008-2012 est en mesure d'offrir à La Poste française un avenir en Europe, tout en confortant le service public postal auquel nous sommes tous tellement attachés. Nous comptons donc sur votre vigilance. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. Mes chers collègues, je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d'intervention générale et celui de l'explication de vote.

En outre, en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Enfin, le Gouvernement dispose au total de vingt-cinq minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Georges Mouly.

M. Georges Mouly. « Celui qui ose, s'il échoue, doit pouvoir rebondir. Le Gouvernement propose donc un réel statut de l'entrepreneur individuel intégré à la loi. Il s'agit de reconnaître l'évidence : l'artisan est un entrepreneur avec tous les courages que cela nécessite. Il faut donc minimiser les risques de l'audace et pérenniser cette performance. »

Ces propos, monsieur le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, que vous avez tenus lors des Assises régionales de l'artisanat, ont été repris, voilà quelques semaines, par le président de la chambre des métiers et de l'artisanat de mon département, qui a conclu ainsi son intervention : « Acceptons-en l'augure ! »

C'est le premier souhait que je formule en faveur de celles et ceux qui préservent l'ancrage national et participe au maillage territorial.

L'entreprise individuelle reste, avec 63 % du total d'immatriculations, la forme d'exploitation la plus retenue lors du démarrage d'activité. À l'évidence, la mise en forme d'un statut de l'entrepreneur individuel à la hauteur de l'effort humain et économique qu'il représente dans la richesse nationale est une nécessité.

J'évoquerai maintenant la question de l'apprentissage. Les contrats d'apprentissage connaissent dans mon département une progression très significative. Mais on constate une nette différence entre le jeune entré directement en apprentissage et celui qui y accède après être passé par une classe préparatoire à l'apprentissage. Il y a eu rupture de contrat pour 10 à 15 % des jeunes en cours de formation dans le premier cas contre 5 % environ dans le second cas. L'écart entre les deux chiffres est significatif.

Je voudrais prendre l'exemple d'un centre de formation d'apprentis de mon département dont la classe de pré-apprentissage, qui compte 63 élèves, favorise la découverte des multiples métiers et permet de déterminer et de conforter l'orientation future. C'est un véritable vivier pour l'apprenti. Cet établissement porte un projet qui sera placé sous le double signe de l'innovation et de la flexibilité des parcours de formation professionnelle. Ce projet vise à faire du CFA concerné un établissement de référence sur le plan académique. Puisque toutes les instances concernées, nationales et régionales, doivent être contactées, j'espère que ce projet recevra, s'il doit passer par votre ministère, monsieur le secrétaire d'État, ce qui me semble être le cas, un écho favorable. Je tiens à souligner l'importance de ce projet.

Je rappellerai que la réforme des heures supplémentaires, qui est, de mon point de vue, la bienvenue, a entraîné une extrême complexité du calcul et de l'élaboration de la fiche de paie, toutes choses confiées souvent, en conséquence, à des prestataires extérieurs. Cette situation est d'autant plus navrante que de nombreuses entreprises artisanales étaient déjà pénalisées par le paiement des heures supplémentaires au taux de majoration de 10 %. Nous sommes en plein paradoxe, monsieur le secrétaire d'État, et la situation est particulièrement difficile pour le secteur de la coiffure, s'il fallait citer un corps de métier. Je souhaite que puissent être apportés tous les ajustements possibles pour aboutir à une simplification et à une sécurisation du dispositif. N'est-ce pas aussi votre ambition, monsieur le secrétaire d'État ?

Une autre réflexion concerne les aides apportées aux créateurs d'entreprise dans les zones de revitalisation rurale. Des modifications qui rendraient la réglementation plus contraignante sont envisagées. Cela, conjugué aux taux d'aides pratiqués sur les aides à finalité régionale, risque fort de pénaliser les installations en zone rurale, ce qui est difficile à admettre, vous en conviendrez, monsieur le secrétaire d'État.

Par ailleurs, le soutien de l'État aux corps intermédiaires de l'artisanat est jugé insuffisant, notamment dans le cadre du programme « Développement des entreprises, des services et de l'activité touristique ».

Sont aussi insuffisants les crédits dévolus à l'artisanat dans le cadre des aides aux groupements et des aides de l'État en direction des organisations professionnelles.

On me dira que nous pointons toujours les insuffisances. C'est vrai, mais permettez-moi d'insister sur ce point. Nous assistons à un accroissement des missions dévolues aux organismes et aux professions concernés, notamment en matière d'insertion des publics en difficulté, de création ou de reprise d'entreprise, et de sécurité sanitaire.

Enfin, je voudrais aborder la question, qui n'est certes pas nouvelle et que j'ai déjà abordée ici, du respect des droits et devoirs en matière de pluri-activité agricole.

Point n'est besoin d'épiloguer, mais l'artisan est, vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, très sensible à tout risque de concurrence anormale. Je pense aux premières réactions de l'artisanat lors de la mise en place des services à la personne, du moins certains d'entre eux. On peut le comprendre.

Telles sont les observations, monsieur le secrétaire d'État, que je tenais à faire, bien que je n'aie pas épuisé le sujet de l'artisanat et de la petite entreprise tant il est riche.

Monsieur le secrétaire d'État, sensible à la façon dont vous prenez les choses en main, je vous accorde toute ma confiance ainsi que mon total soutien, et j'approuve les crédits de votre ministère. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Bernard Dussaut.

M. Bernard Dussaut. Monsieur le président, messieurs les secrétaires d'État, mes chers collègues, le périmètre de la mission « Développement et régulation économiques » a été cette année à ce point modifié qu'aucun des rapporteurs n'a omis de souligner la difficulté, voire l'impossibilité, de comparer les performances et les objectifs avec l'exercice précédent. Cette modification n'est pas l'expression d'un souci de réajustement ou de clarification, mais elle est une réponse à une logique administrative liée à l'évolution des compétences des ministères. C'est plus que regrettable ; d'autres axes auraient pu être choisis pour remédier au manque de cohérence de cette mission.

Il semble que même le rapporteur pour avis de la commission des affaires économiques ait déclaré forfait en n'exposant que très partiellement les crédits de la mission au cours de la réunion de la commission, comme lors de la présentation de son rapport aujourd'hui. Il a préféré saisir l'occasion pour traiter de la question du pouvoir d'achat, prenant ainsi un peu d'avance sur la discussion que nous aurons dans quelques jours lors de l'examen du projet de loi de M. Luc Chatel et des nouvelles propositions du Gouvernement. (Sourires.)

En ce qui concerne l'action 2 du programme 134, vous défendez, monsieur le secrétaire d'État chargé des entreprises et du commerce extérieur, la volonté du Gouvernement « d'insuffler une nouvelle dynamique aux petites et moyennes entreprises ». Les moyens mis à disposition pour une nouvelle dynamique ne figurent assurément pas dans les dotations budgétaires qui nous sont présentées aujourd'hui.

Si l'on tient compte de la suppression de la subvention Oseo-Sofaris et de la subvention pour prêts et garanties, les crédits proposés stagnent par rapport aux dotations de l'an passé.

En revanche, vous avez fait le choix de multiplier les dépenses fiscales. Pour 2008, le montant de ces dépenses à prendre en considération s'élèvera à plus de 12,5 milliards d'euros, soit treize fois plus que les demandes d'autorisations d'engagement du programme 134 pour 2008.

Pourtant, non seulement ce type de dispositif prive l'État de recettes budgétaires importantes, mais son efficience économique n'est pas démontrée. L'État, dans ce cas de figure, se place dans une perspective globale non pas de développement de projets qu'il financerait, mais de cadeaux au coup par coup, qui seront totalement insuffisants pour renforcer notre tissu de PME.

Enfin, aucune évaluation de la pertinence de ce choix n'a été effectuée, comme l'a largement dénoncé la Cour des comptes dans son dernier rapport annuel sur les aides nationales destinées à favoriser la création, le développement et la transmission des petites et moyennes entreprises, dans lequel elle s'inquiète des « risques de dérive de l'outil fiscal ».

Ainsi le levier essentiel de la politique en faveur des petites et moyennes entreprises utilisé par le Gouvernement est un outil critiqué, critiquable et non évalué.

On sait que, pour des raisons démographiques, nous allons assister à un grand mouvement de cessation d'activité des chefs d'entreprises artisanales et commerciales : 40 % des entrepreneurs vont cesser leur activité d'ici à trois ans, 55 % dans les dix ans.

Ce mouvement est déjà amorcé. Il semble incontournable de mettre l'accent sur la transmission de ces entreprises. Or vous prévoyez pour 2008 une dotation de 31 millions d'euros seulement pour couvrir la prime à la transmission et le financement du tutorat mis en place par la loi Dutreil. Cette somme sera tout à fait insuffisante pour que ces dispositifs aient une réelle incidence sur la viabilité et la pérennité des entreprises dans le cadre d'une transmission-reprise et pour qu'il y ait une incitation à la transmission plutôt qu'à la cessation.

Ce sujet suscite une inquiétude chez vous, monsieur le secrétaire d'État, puisque vous allez sans doute nous annoncer un texte qui pourrait être examiné au cours du premier semestre 2008. Il faut donc faire quelque chose dans ce sens.

Les crédits de l'action 2 sont, pour l'essentiel, constitués de la dotation au fonds d'intervention pour la sauvegarde de l'artisanat et du commerce, le FISAC. Ces crédits représentent près de 60 % de l'action en autorisations d'engagement comme en crédits de paiement. Toutefois, là encore, on s'interroge, et même on s'inquiète.

On nous annonce une différence de 20 millions d'euros entre les autorisations d'engagement, qui s'élèvent à 80 millions d'euros, et les crédits de paiement, qui s'établissent à 60 millions d'euros, différence qui devrait être financée par une partie des excédents du régime social des indépendants, le RSI !

Pouvez-vous nous rassurer, monsieur le secrétaire d'État, sur la pérennité de l'engagement financier de l'État dans le financement du FISAC, dispositif qui ne peut que monter en puissance si on le lui permet ?

La clarification de ses missions et la rationalisation de sa gestion doivent être engagées. Chaque année, le constat est le même. Chaque année, parlementaires, rapporteurs, ministres semblent s'accorder sur cette nécessité et, pourtant, le dysfonctionnement perdure. Les crédits ne sont pas attribués dans leur totalité, alors que les demandeurs, bien que découragés par la complexité des démarches, sont nombreux dans nos départements.

Pourtant, il y a urgence dans un contexte de déréglementation qui ne manquera pas de déstabiliser un peu plus l'équilibre entre la grande distribution et les commerces de proximité et où les aides accordées au commerce indépendant seront probablement encore plus sollicitées.

Et que dire enfin de la taxe d'aide au commerce et à l'artisanat, la TACA, qui continue de pénaliser les commerces non alimentaires, dont seulement un dixième des recettes fiscales permet d'abonder le FISAC, la ventilation des sommes restantes demeurant totalement mystérieuse : 600 millions d'euros collectés pour la TACA !

En ce qui concerne le programme 199 « Régulation économique », j'insisterai vivement sur les inquiétudes que suscite le manque criant de moyens de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF avec, cette année, des baisses très significatives sur les missions en direction de la protection des consommateurs.

La DGCCRF a besoin de crédits d'investissements et de recrutement. Actuellement, ce sont seulement 3 812 agents répartis sur l'ensemble du territoire qui conduisent des enquêtes sur les nouveaux modes de consommation avec des moyens quasi inexistants. Le champ des enquêtes dépasse désormais le domaine alimentaire pour porter notamment sur la téléphonie et l'électroménager. Or les laboratoires ne sont pas équipés pour traiter ces missions qui ont évolué.

Les crédits de la mission « Développement et régulation économiques » étant peu lisibles et traduisant un manque d'ambition, nous ne les voterons pas. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)