M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. De même, un projet très intéressant, le projet CAREX, ou Cargo Rail Express, prévoit la création d'une plate-forme de fret express à proximité de l'aéroport de Roissy, permettant de récupérer les conteneurs d'opérateurs privés, comme DHL ou FedEx, arrivant la nuit par avion pour les expédier sur des TGV spécialement adaptés au fret, et ce vers de grandes villes européennes, afin de réduire le nombre des vols de nuit et les nuisances qui en résultent pour la plate-forme de Roissy.

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. Dominique Bussereau, secrétaire d'État. La réalisation de ce projet est en bonne voie.

Je terminerai mon intervention en abordant la question des infrastructures.

À l'issue du Grenelle de l'environnement, le Gouvernement a annoncé le lancement de la réalisation d'un certain nombre d'infrastructures nouvelles. Il s'agit non pas seulement de lignes à grande vitesse, mais aussi de lignes mixtes. M. Haenel prend souvent l'exemple, à cet égard, de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône, infrastructure qui sera ouverte au trafic fret.

En outre, quand on réalise une ligne à grande vitesse, on libère des sillons pour le fret sur les lignes classiques.

Ainsi, la nouvelle ligne mixte entre Perpignan et Figueras, le contournement ferroviaire de Nîmes et de Montpellier, la ligne à grande vitesse Sud Europe Atlantique qui reliera Tours à Bordeaux, avant un éventuel prolongement vers l'Espagne, contribueront à libérer des sillons sur ces axes nord-sud pour les TER, mais aussi pour les trains de fret classiques. Ce point est extrêmement important.

S'agissant de la nouvelle liaison entre Lyon et Turin, Jean-Louis Borloo et moi-même avons signé récemment le décret d'utilité publique.

Ce projet répond à un triple objectif : développer le fret ferroviaire, améliorer la sécurité dans les tunnels routiers du Mont-Blanc et du Fréjus et participer à la préservation de l'environnement.

Cela étant, nous entendons aussi poursuivre nos efforts pour moderniser le réseau existant, conformément aux préconisations du rapport, paru en 2005, de Robert Rivier, lequel nous a, hélas ! récemment quittés.

Comme je l'ai rappelé lors de la discussion budgétaire, nous avons accru, au titre du projet de loi de finances pour 2008, les crédits inscrits pour l'entretien et la régénération du réseau classique. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.) Je remercie les régions qui participent à cet effort ; tel est, en particulier, le cas de la région Midi-Pyrénées. Vendredi dernier, j'ai eu l'occasion de souligner, devant le congrès de l'Association des régions de France réuni à Strasbourg, que lorsque les régions participent à ce type d'investissement, l'effet de levier est naturellement très important.

S'agissant toujours de l'action des régions et pour être complet sur ce sujet, j'ajouterai, à l'adresse notamment de M. Haenel, dont la région, l'Alsace, est en tête pour le développement des TER, qu'il y a aussi parfois des choix à faire : pour certains sillons, à certaines heures, ne vaut-il pas mieux remplacer le TER par un autocar afin de libérer le passage pour plusieurs trains de fret ? Il faut savoir étudier si, en termes d'économie collective, il ne serait pas quelquefois intéressant de libérer des sillons au profit du fret ferroviaire. En effet, les régions ont parfois tendance à saturer les sillons par la circulation d'un grand nombre de TER, qui pourraient être avantageusement remplacés par des trains de fret, du moins à certaines heures.

Mesdames, messieurs les sénateurs, la portée du Grenelle de l'environnement ne serait pas celle que nous avons présentée à nos concitoyens si nous ne favorisions pas le développement du fret ferroviaire dans notre pays, si nous ne réalisions pas de nouvelles infrastructures, si nous n'instaurions pas une taxe sur les poids lourds, et nous aurons bientôt l'occasion de vous soumettre un projet de loi en ce sens.

Nous avons besoin d'un réseau de fret ferroviaire de qualité : il n'y a aucune fatalité à ce que la voie ferrée perde des parts de marché. À cet égard, je rappelle que, dans le passé, notre réseau fluvial perdait du terrain par rapport aux autres modes de transport. Or les choses ont changé, et la voie fluviale regagne désormais des parts de marché.

Nous avons la chance d'avoir en la SNCF une entreprise publique de très grande qualité, des opérateurs privés qui s'intéressent à ce marché et, demain, je le souhaite, beaucoup d'acteurs de proximité interviendront pour aller chercher des wagons là où les grands opérateurs ne peuvent le faire, sinon en perdant de l'argent. Nous devons donc pouvoir relever le double défi qualitatif et quantitatif que représente le développement du fret ferroviaire.

En tout cas, le Gouvernement sera présent et actif auprès des opérateurs du système ferroviaire français pour renforcer la place du fret ferroviaire. Je suis reconnaissant à M. Reiner d'avoir posé publiquement ce problème cet après midi, et je remercie les différents intervenants de leur contribution. Même si nous ne sommes pas tous d'accord sur tout, nous avons au moins en commun la volonté de développer dans notre pays un réseau de fret ferroviaire performant, qui soit en mesure de reprendre la place qu'il a perdue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. En application de l'article 83 du règlement, je constate que le débat est clos.

Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à dix-sept heures trente-cinq, est reprise à dix-huit heures.)

M. le président. La séance est reprise.

8

Rôle d'Eurojust et du réseau judiciaire européen

Discussion d'une question orale européenne avec débat

(Ordre du jour réservé)

M. le président. L'ordre du jour appelle la discussion de la question orale européenne avec débat n° 1.

Cette question est ainsi libellée :

À la suite de la communication adoptée par la Commission européenne, le 23 octobre 2007, sur le rôle d'Eurojust et du réseau judiciaire européen dans le cadre de la lutte contre le crime organisé et le terrorisme dans l'Union européenne, M. Hubert Haenel interroge Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur le jugement que porte le Gouvernement sur le bilan de l'activité d'Eurojust depuis sa création par une décision du Conseil en date du 28 février 2002, sur les missions assumées par le réseau judiciaire européen et sur les perspectives de cette coopération judiciaire au niveau européen.

Il lui demande, en particulier, si les propositions formulées par la Commission européenne, en vue d'accorder des pouvoirs plus étendus aux membres nationaux d'Eurojust, de renforcer les pouvoir du collège d'Eurojust et d'encourager une coopération accrue avec le réseau judiciaire européen, lui paraissent satisfaisantes.

Il lui demande également si le renforcement d'Eurojust ne doit pas être d'ores et déjà envisagé dans la perspective, ouverte par le « traité modificatif », de l'institution d'un véritable parquet européen et si la mise en place d'une coopération renforcée entre les États membres adhérant à cet objectif ne serait pas la voie la plus efficace pour avancer dans ce domaine.

La parole est à M. le président de la délégation pour l'Union européenne, auteur de la question.

M. Hubert Haenel, président de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, en février 2008, Eurojust fêtera ses six années d'existence. En juin 2008, le réseau judiciaire européen aura derrière lui dix années d'activité. Faire un bilan d'étape, réfléchir aux perspectives de cette coopération judiciaire européenne, apparaît donc nécessaire. Je vous remercie, madame le garde des sceaux, d'avoir répondu favorablement à notre demande de question orale européenne avec débat à laquelle vous allez apporter, si j'en crois vos collaborateurs, des réponses tout à fait intéressantes.

L'enjeu est d'importance puisqu'il s'agit de la protection des citoyens. Face aux menaces que représentent la grande criminalité et le terrorisme, la coopération judiciaire constitue une exigence. Pendant la campagne référendaire, les Français nous ont certes dit que l'Europe en faisait trop dans certains domaines, mis ils nous ont aussi dit qu'elle n'en faisait pas assez dans d'autres. C'est le cas pour la lutte contre la grande criminalité et le terrorisme.

Une récente communication de la Commission européenne a ouvert des pistes. La perspective de la présidence française de l'Union européenne, au deuxième semestre 2008, doit nous inciter à agir avec résolution pour avancer dans ce domaine.

Créé en 2002, Eurojust a pour objectifs essentiels d'améliorer la coordination des enquêtes et des poursuites, de faciliter la mise en oeuvre de l'entraide judiciaire internationale et de renforcer l'efficacité des enquêtes et des poursuites. Concrètement, Eurojust apporte une contribution très utile dans des affaires complexes, comme celle du pétrolier Le Prestige qui a coulé à la fin de 2002 au large des côtes espagnoles et françaises. Son activité progresse régulièrement : plus de 1 000 dossiers ont été enregistrés au 30 novembre 2007, soit une hausse de 30 % par rapport à 2006.

Quant au réseau judiciaire européen, il a été mis en place en 1998 afin de faciliter la coopération judiciaire en matière pénale entre les États membres.

Les magistrats de liaison, créés en 1996, jouent également un rôle très important pour développer la coopération judiciaire. La France a treize magistrats de liaison, dans les États membres de l'Union européenne mais aussi dans d'autres pays, comme les États-Unis, la Chine ou le Maroc. Lors d'un déplacement que j'ai effectué à Prague la semaine dernière, les Tchèques m'ont fait part de leur regret que le magistrat de liaison qui était en poste là-bas, Jean-Michel Peltier, ait été nommé en Pologne. Il a certes toujours compétence pour suivre les affaires concernant la République tchèque, mais ils étaient très heureux d'avoir sur place ce magistrat, qui les a d'ailleurs aidés à intégrer l'Union européenne le 1er mai 2004.

Lors de mes déplacements dans les pays membres de l'Union européenne, je demande d'ailleurs à chaque fois à l'ambassade de France de m'organiser une rencontre avec le magistrat de liaison, qui est toujours une personne de grande qualité.

Après six ans d'existence d'Eurojust et près de dix ans pour le réseau judiciaire européen, nous souhaitons savoir, madame le garde des sceaux, quelle appréciation le Gouvernement porte sur cette coopération judiciaire.

Pour poser les termes du débat, et tout en saluant les résultats que cette coopération a déjà permis d'obtenir, je voudrais évoquer plusieurs difficultés qui l'empêchent d'atteindre sa pleine efficacité. À cette fin, je m'appuierai, en particulier, sur les enseignements de la réunion que la délégation pour l'Union européenne a tenue au siège d'Eurojust, à La Haye, en mars dernier.

Lors de leur rencontre avec le représentant français à Eurojust, les sénateurs présents, une douzaine, dont certains n'étaient pas particulièrement des juristes, ont été très étonnés et agréablement surpris des résultats de cette unité.

La première difficulté tient à la très grande diversité de statut des membres nationaux qui composent le collège d'Eurojust. On a pu parler d'une mosaïque de compétences. Cette disparité est encore plus grande depuis le dernier élargissement de l'Union.

Beaucoup de pays ont tardé à transposer la décision de 2002 dans leur droit interne. En outre, cette transposition n'a pas été uniforme. L'étendue des pouvoirs conférés aux membres nationaux est inégale. Cette situation ne peut avoir que des effets négatifs sur la capacité d'Eurojust à accomplir sa mission, par exemple pour émettre des commissions rogatoires ou pour exercer des pouvoirs spécifiques en cas d'urgence.

Ainsi, lors de la transposition de la décision instituant Eurojust dans notre droit, le Gouvernement français avait retenu une conception minimaliste du rôle de cette instance. La commission des lois, Pierre Fauchon en particulier, en sait quelque chose ! Je me félicite que le Sénat, grâce à sa commission des lois, ait alors adopté plusieurs amendements visant à renforcer les pouvoirs de notre représentant national au sein d'Eurojust.

J'ajouterai à ce constat que de nombreux membres nationaux travaillent seuls. Cette situation est manifestement inadaptée à la charge de travail opérationnelle qu'ils doivent assumer et qui doit se concilier avec leur participation aux activités du collège. Disons-le tout net : aucun bureau national ne devrait compter moins de deux personnes.

Par ailleurs, la nomination de correspondants nationaux n'a pas été mise en oeuvre dans tous les États membres, alors que c'est à l'évidence le moyen de renforcer la qualité des relations entre Eurojust et les autorités nationales.

La deuxième difficulté concerne les attributions d'Eurojust.

Les magistrats de liaison et du réseau judiciaire européen sont plus spécialement chargés de faciliter l'entraide judiciaire. Eurojust devrait se concentrer sur les dossiers les plus complexes, c'est-à-dire impliquant plus de deux États membres et concernant les infractions les plus graves comme le terrorisme ou le crime organisé. C'est là qu'Eurojust peut apporter une réelle valeur ajoutée.

Le nombre de saisines d'Eurojust augmente, mais, selon le rapport annuel d'Eurojust pour 2006, sur 361 dossiers ouverts, un quart seulement pouvaient être considérés comme complexes.

Pouvez-vous nous dire, madame le garde des sceaux, si l'augmentation sensible du nombre de dossiers traités par Eurojust en 2007 se conjugue avec une plus grande concentration sur les dossiers complexes ?

Par ailleurs, l'implication d'Eurojust dans les équipes communes d'enquête semble se heurter à des réticences. C'est aussi malheureusement le cas dans notre pays, même si la France a créé quatorze équipes communes depuis la loi du 9 mars 2004. Cela est très regrettable.

Ne peut-on, madame le garde des sceaux, remédier rapidement à cette situation en faisant en sorte qu'Eurojust soit désormais pleinement impliqué dans les équipes communes d'enquête mises en place par la France ?

Eurojust pourrait par ailleurs apporter un appui appréciable dans des situations d'urgence, en autorisant ou en coordonnant certaines mesures.

La dernière difficulté tient aux relations entre Eurojust et les autres organismes européens, comme Europol, l'Office européen de police, et l'OLAF, l'Office européen de lutte anti-fraude. En dépit de certains progrès et d'accords de coopération, les problèmes d'Eurojust pour obtenir des informations sur les fichiers d'analyse d'Europol demeurent, et les contacts opérationnels avec l'OLAF restent très compliqués.

Il faudrait aussi évoquer la complémentarité qui doit être renforcée entre Eurojust et le réseau judiciaire européen. Les deux organisations ont d'ailleurs mené des réflexions communes dans ce sens.

À partir de ce rapide bilan sur lequel nous vous entendrons avec intérêt, madame le garde des sceaux, il faut définir des perspectives. Cela me paraît d'autant plus indispensable à l'approche de la présidence française de l'Union européenne, au deuxième semestre 2008.

C'est pourquoi nous souhaitons savoir, madame le garde des sceaux, si les propositions formulées par la Commission européenne, qui tendent à accorder des pouvoirs plus étendus aux membres nationaux d'Eurojust, à renforcer les pouvoirs du collège et à encourager une coopération accrue avec le réseau judiciaire européen, vous paraissent aller dans la bonne direction.

À la lumière des travaux conduits par la délégation pour l'Union européenne, permettez-moi d'évoquer les questions prioritaires.

D'abord, je crois qu'il est indispensable d'harmoniser le statut des membres nationaux et de renforcer leurs compétences propres. La communication de la Commission européenne contient des propositions en ce sens. La question mériterait aussi examen pour ce qui est des pouvoirs de notre représentant national à Eurojust en l'accompagnant de moyens adéquats.

L'échange d'informations entre les États membres et les membres nationaux doit par ailleurs être amélioré pour qu'Eurojust dispose de ces informations le plus tôt possible. Actuellement, beaucoup de membres nationaux ne reçoivent pas systématiquement les informations pertinentes. En dépit de certains progrès, l'information de notre représentant national doit encore être renforcée.

J'évoquerai plus spécifiquement les informations relatives au terrorisme : le dernier rapport d'activité d'Eurojust mentionne l'existence de différents obstacles dans le processus d'échange d'informations. La décision du 20 septembre 2005 prévoit pourtant l'information systématique d'Eurojust sur les affaires de terrorisme. Outre des informations sur les personnes suspectées ou recherchées, les commissions rogatoires doivent être communiquées.

Ne peut-on, madame le garde des sceaux, améliorer la situation actuelle pour ce qui est de notre pays ? Ne faudrait-il pas envisager de compléter notre dispositif législatif pour clarifier cette question ?

Ensuite, il paraît souhaitable de renforcer les pouvoirs du collège d'Eurojust. La Commission, dans sa communication, trace des pistes dans cette direction, notamment pour développer le rôle décisionnel du collège et améliorer sa fonction de médiateur dans les conflits de juridiction.

Il est aussi indispensable de réfléchir à la manière d'assurer une coordination plus étroite entre Eurojust et Europol. La police et la justice doivent progresser de concert dans la lutte contre la criminalité transnationale.

Il faut parvenir à une meilleure articulation entre Eurojust et le réseau judiciaire européen. Dans ce but, pourquoi ne pas rapprocher le coordonnateur national du réseau judiciaire européen et le correspondant national d'Eurojust ?

Enfin, nous devons nous demander par quels moyens il est possible de faire avancer concrètement cette coopération judiciaire et jusqu'où nous voulons aller dans ce domaine.

Nous souhaitons savoir, madame le garde des sceaux, si le renforcement d'Eurojust ne doit pas d'ores et déjà être envisagé dans la perspective, ouverte par le traité modificatif, de l'institution d'un véritable parquet européen, et si la mise en place d'une coopération renforcée entre les États membres adhérant à cet objectif ne serait pas la voie la plus efficace pour avancer dans ce domaine.

Le traité de Lisbonne renforce les pouvoirs d'Eurojust, notamment en mentionnant expressément le déclenchement d'enquêtes pénales et la résolution des conflits de compétence. Ce renforcement des prérogatives d'Eurojust va de pair avec un plus grand contrôle démocratique sur cet organisme puisque le traité de Lisbonne prévoit, à juste titre, que les parlements nationaux participeront à l'évaluation - pas au contrôle - des activités d'Eurojust. Le traité de Lisbonne ouvre par ailleurs la perspective de la création d'un parquet européen à partir d'Eurojust. À l'évidence, un parquet européen donnerait à la coopération judiciaire européenne bien plus d'efficacité.

Si l'on s'inscrit dans cette perspective, la coopération renforcée entre les États qui partagent cette vision n'est-elle pas la seule voie réaliste ?

Pour conclure, madame le garde de sceaux, je ferai deux remarques de méthode.

D'abord, je souligne que les initiatives qui seront prises, le cas échéant, avant et durant la présidence française de l'Union, devront nécessairement intégrer la perspective de l'entrée en vigueur du traité de Lisbonne, prévue, si tout se passe bien, le 1er janvier 2009, et des avancées qu'il permet dans ce domaine.

Ensuite, je souligne que, au-delà des textes, nous devons veiller à développer une véritable culture européenne dans nos juridictions et dans tous les services de la Chancellerie. J'ai moi-même dû intervenir à plusieurs reprises auprès de l'un de vos prédécesseurs, non sans rencontrer certaines résistances au sein de la Chancellerie, pour que la circulaire informant les procureurs de l'existence d'Eurojust soit enfin publiée, ce qui fut fait le 31 mai 2005, au moment où le garde des sceaux d'alors quittait ce poste pour devenir ministre des transports, de l'équipement, du tourisme et de la mer.

C'est le réflexe européen qu'il faut promouvoir pour que la coopération à l'échelon européen soit systématiquement mise en oeuvre, dès lors que les affaires en cause la justifient.

Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, l'objectif est clair : il faut tirer le meilleur profit de la prochaine présidence française pour répondre aux attentes légitimes des citoyens dans un domaine qui concerne directement leur sécurité. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Fauchon, représentant de la délégation pour l'Union européenne.

M. Pierre Fauchon, représentant de la délégation pour l'Union européenne. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, la question d'Eurojust peut-être examinée de deux points de vue différents, qui sont apparemment liés. S'ils le sont certainement dans leurs aspects techniques, ils sont ou risquent d'être antinomiques dans leur aspect politique, mais seulement en apparence.

Le premier point de vue est celui du réalisme, terrain sur lequel se situe très normalement la question posée par le président de la délégation pour l'Union européenne et qui tend à faire le point, une fois de plus - ce n'est certainement pas la dernière ! - sur cette institution, sur ses conditions d'existence, sur les résultats de son action, sur ses perspectives et sur les améliorations susceptibles d'être apportées en vue de développer cette action.

Un autre point de vue - s'il est moins réaliste en apparence, il l'est davantage en réalité - consiste à considérer non pas la menace, mais la réalité que constitue le développement de la criminalité transfrontalière et à se demander si les moyens mis en place pour la combattre, Eurojust en premier lieu, mais aussi Europol et les autres instances existantes, sont non seulement une réponse adaptée à ce phénomène mais aussi et surtout une réponse à la hauteur de celui-ci, et si elles sont en état non seulement de le combattre et, si cela se peut, de le vaincre, ou du moins de le réduire.

Sur le premier point, je n'ai rien à ajouter à ce qui a été excellemment vu, analysé et dit par le président de la délégation pour l'Union européenne, auteur de la question, ou le sera dans quelques minutes par le non moins excellent François Zocchetto, au nom de la commission des lois.

Je me réjouis moi aussi de constater les résultats acquis et d'enregistrer les progrès, comme je me réjouis de voir la Commission s'inquiéter des moyens d'améliorer le fonctionnement de l'institution, en dépit de la complexité incroyable et véritablement décourageante du système - mais elle fait la joie des spécialistes !

Je tiens surtout à rendre hommage à celles et à ceux qui oeuvrent pour améliorer la coopération judiciaire dans les affaires dont ils sont saisis et qui, du même coup, explorent ce domaine si difficile en raison de sa complexité, de sa diversité, du poids des cultures nationales abritées, bien entendu, derrière le rempart des langues, qui suffit, à lui seul, à tout embarrasser.

Je veux, plus encore, rendre hommage à l'esprit de mission qui anime notre magistrat, M. Falletti, ainsi que ceux qui l'entourent, et qui, tous, font la preuve quotidienne - quotidienne, mes chers collègues ! - d'un savoir-faire et d'une volonté d'agir. Ils méritent pleinement notre confiance.

Pour autant, sommes-nous dispensés de poser la question essentielle, qui est de savoir si les dispositifs mis en place, Eurojust ou Europol, sont à la hauteur de l'objectif ?

Qui peut le croire, madame le garde des sceaux, alors que nul ne saurait ignorer les ravages provoqués par cette criminalité, depuis les actions terroristes, sans doute exceptionnelles, mais néanmoins atroces, jusqu'aux trafics de drogues ou de substances interdites universellement répandus, en passant par les trafics d'êtres humains et les fraudes aux politiques communautaires, toutes formes de délinquance dont aucun spécialiste ne doute qu'elles ne soient en voie de propagation ou d'aggravation ?

Qui peut le croire, madame le garde des sceaux, alors que les actions dites « européennes », que leur multiplicité affaiblit plus souvent qu'elle ne les renforce, sont aussi embryonnaires dans leur conception, limitées dans leurs moyens matériels et plus encore juridiques ?

Pour s'en tenir à Eurojust, faut-il rappeler que cette unité ne dispose d'aucune autorité véritable, que le recours à son intervention n'est que facultatif, comme n'est que facultative la mise en oeuvre de ses préconisations, et que, enfin, le statut de chacun des magistrats qui en font partie relève de l'État d'origine et est en conséquence différent d'un membre national à l'autre ?

Il est difficile d'imaginer quelque chose de plus mal bâti et il est encore plus difficile de s'en satisfaire !

Le fait que dans telles ou telles circonstances - heureusement qu'il y a eu l'affaire du Prestige ! -, dont le nombre semble d'ailleurs en augmentation - tant mieux !-, Eurojust ait pu faire preuve d'une remarquable efficacité signifie que la coopération judiciaire en matière pénale est parfaitement possible dès lors qu'elle est acceptée par les autorités concernées. Cela ne signifie pas pour autant que cette coopération soit assez générale pour que l'on puisse considérer qu'elle constitue une réponse adaptée à l'ensemble du domaine concerné, lequel est immense et d'ailleurs aux limites inconnues. En effet, il n'est pas dans les habitudes des délinquants de déclarer leurs activités !

Si le volontariat et la bonne volonté d'organismes ou d'autorités multiples, concurrentes et parfois peu soucieuses de coopération, suffisaient à lutter contre la criminalité, cela se saurait et on se demanderait alors pour quelles raisons les parquets ou les polices sont organisés d'une manière de plus en plus rigoureuse dans les cadres nationaux.

On a peine à garder son sérieux, madame le garde des sceaux, à l'énoncé de tels truismes. En vérité, on oscille entre le rire et la colère. Nul ne peut ignorer que la guerre contre la criminalité suppose, comme les autres guerres, unité d'organisation, unité de commandement, et que, en attendant que soit mise sur pied une telle unité, les dispositifs mis en place ne peuvent avoir qu'un caractère exploratoire et expérimental, ce qui ne diminue en rien leurs mérites, d'ailleurs.

Cela signifie, en clair, que seule l'unification des moyens de poursuites par la création d'un parquet européen constituerait une réponse appropriée, accompagnée, bien évidemment, de l'unification des règles de droit et de la création d'une instance judiciaire européenne supérieure chargée d'en contrôler et d'en garantir le respect.

De telles affirmations ne sont pas nouvelles et voilà des années, pour ne pas dire des lustres, que tant la commission des lois que la délégation pour l'Union européenne, par la voix en particulier de son président, les ont formulées, comme elles viennent de le faire encore il y a quelques instants.

Si je les rappelle, ce n'est pas seulement pour le principe ou parce qu'il est nécessaire de ne pas limiter notre réflexion au champ des réalités actuelles et aux améliorations possibles auxquelles il faut naturellement travailler. C'est aussi parce que j'ai la double préoccupation, d'une part, de ne pas donner à penser que la démarche actuelle est tout à fait satisfaisante - on pense souvent que parce que l'on entame une démarche, on résout le problème, or ce n'est pas suffisant, il faut le dire et le répéter -, et, d'autre part, si vous me le permettez, d'inviter le Gouvernement à faire figurer cette ambition au rang de ses préoccupations pour la présidence française qui se prépare.

Je n'ignore pas, madame le garde des sceaux, que le Gouvernement a déjà retenu d'autres priorités, en particulier l'immigration, la défense ou l'environnement, et je n'en sous-estime naturellement pas l'importance. Je sais que l'on ne peut pas courir plusieurs lièvres à la fois. Il me semble cependant que cette liste peut être complétée par l'objectif de créer un parquet européen, car il s'agit aussi d'une urgence et que la lutte contre la criminalité européenne intéresse directement les populations, spécialement les plus faibles et les plus vulnérables.

N'oublions pas qu'il peut arriver au cours d'une négociation que les mêmes partenaires qui refusent de donner leur accord sur tel ou tel point considéré comme primordial se montrent au contraire plus coopératifs sur tel autre, en quelque sorte par compensation. C'est souvent ainsi que se terminent les négociations : on obtient gain de cause, mais pas forcément sur ce qui était la priorité. Pourquoi le projet de parquet européen ne bénéficierait-il pas, à l'occasion, d'un tel transfert ?

Bien entendu, ce débat s'inscrit dans le cadre nouveau créé par le traité de Lisbonne, dont l'entrée en vigueur sera alors imminente. Il s'agit donc soit d'un accord unanime, soit d'une coopération renforcée. Pour rendre l'idée plus acceptable et plus pratique, on peut imaginer un parquet européen à compétences limitées, par exemple limitées à une délinquance déterminée comme la fraude aux intérêts communautaires, qui est expressément prévue, ou encore au trafic d'êtres humains ou au trafic d'armes, de substances ou d'objets interdits. Un tel objectif aurait le mérite de toucher plus directement les populations européennes.

Le dernier alinéa de l'article 86 du nouveau traité prévoit expressément ces diverses modalités. Encore faut-il le lire entièrement, car son libellé actuel ne manque pas d'interroger. Sans doute est-ce, comme toujours, le résultat d'une subtile négociation !

Pour conclure, madame le garde des sceaux, en cette semaine que j'oserai dire placée sous le signe de la Realpolitik, avec ce que cela comporte de nécessités - je suis de ceux qui les comprennent -, mais aussi d'inquiétudes, avouons-le, je me risquerai, à titre personnel, à souhaiter que le Gouvernement propose la création d'un parquet européen au nom de ce même réalisme politique. Sa création, qui aurait l'avantage de n'inquiéter que les délinquants, est nécessaire pour la protection des populations, qui sont en droit - je reprends la conclusion de mon prédécesseur - de nous juger et de juger l'Europe sur ce terrain, celui de leur sécurité dans leur vie quotidienne. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. François Zocchetto, représentant de la commission des lois.

M. François Zocchetto, représentant de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, madame le garde des sceaux, mes chers collègues, notre collègue Pierre Fauchon vient d'exposer sa légitime insatisfaction concernant le fonctionnement des institutions chargées de la coopération judiciaire européenne.

Toutefois, Eurojust peut présenter un bilan positif. Cet organisme s'affirme en effet progressivement comme un acteur judiciaire à part entière, de plus en plus sollicité par les autorités judiciaires des États membres, comme le montre le nombre croissant de saisines enregistrées depuis sa création.

Au-delà des chiffres, on peut mettre en avant la « valeur ajoutée » apportée par cette unité. J'indique que cette expression ayant été utilisée plusieurs fois par notre représentant, M. Falletti, lors de son audition par la commission, c'est sans doute ce qui explique qu'elle soit reprise dans plusieurs de nos interventions.

Eurojust joue un rôle d'intermédiaire appréciable lorsque les magistrats ordonnent l'exécution de commissions rogatoires internationales ou lorsqu'ils demandent la mise en oeuvre de demandes d'extradition. De même, par son approche transfrontalière des enquêtes, l'intervention d'Eurojust permet d'engager des actions plus ambitieuses pour démanteler les réseaux transnationaux de grande criminalité, puisqu'il s'agit essentiellement de traiter des questions d'escroquerie, de fraude, de trafic de drogue, de délit contre la propriété, de blanchiment d'argent ou encore de trafic d'êtres humains.

Il est important de souligner, comme l'a fait M. Falletti, que les méthodes de travail de l'unité Eurojust préservent le caractère confidentiel des informations échangées dans le cadre de chaque affaire. Les informations qui lui sont soumises sont en effet partagées non pas entre les Vingt-Sept, mais seulement entre les représentants des États directement impliqués.

Ce bilan encourageant ne doit cependant pas faire oublier les limites et les difficultés auxquelles Eurojust est confronté. Tout cela justifie que nous en débattions aujourd'hui.

Madame le garde des sceaux, des évolutions concernant, d'une part, le statut et les attributions d'Eurojust au niveau de l'Union européenne et, d'autre part, le positionnement du représentant national de cette instance dans le paysage judiciaire français nous paraissent souhaitables.

Tout d'abord, le statut d'Eurojust appelle de nécessaires améliorations.

Certes, et il faut s'en réjouir, à l'exception de la Grèce, tous les États membres de l'Union européenne ont transposé dans leur droit national la décision du Conseil du 28 février 2002 ayant institué Eurojust. Mais on observe de grandes disparités dans la mise en oeuvre du dispositif, s'agissant des règles relatives au statut - ainsi, la durée du mandat du représentant national varie entre une année et cinq années, selon les pays - ou des prérogatives des membres nationaux.

À cet égard, je voudrais évoquer le cas de notre représentant national. Il faut le signaler, nous avons transposé a minima la décision du Conseil du 28 février 2002 ayant institué Eurojust, en dotant le représentant français de pouvoirs opérationnels peu étendus. Ce dernier, contrairement à son homologue suédois, ne dispose pas de prérogatives judiciaires propres sur le territoire national.

Certes, la situation est encore pire dans certains pays - je pense notamment à la Grèce, à la Hongrie, à l'Irlande et à l'Estonie - où le représentant national n'a même pas la possibilité de recevoir et de transmettre des demandes d'entraide.

En outre, et cela a été souligné par M. le président de la délégation pour l'Union européenne, les moyens attribués aux membres nationaux diffèrent fortement d'un pays à l'autre. Ainsi, le bureau de la représentation française, qui se compose de trois magistrats et de deux assistants juristes, n'est pas le plus mal loti. En effet, certains représentants nationaux, comme celui de la Pologne ou celui de la Lituanie, ne disposent même pas d'une résidence permanente à La Haye, siège d'Eurojust.

Une telle diversité des situations soulève souvent des difficultés entre les membres nationaux. Dès lors, une harmonisation minimale des règles statutaires des membres nationaux nous semble nécessaire.

Par ailleurs, le moment n'est-il pas venu de doter les membres nationaux de prérogatives plus larges ? De ce point de vue, le traité modificatif en cours d'adoption n'envisage qu'une modeste évolution. En l'occurrence, il s'agirait de donner à Eurojust la possibilité de déclencher des enquêtes pénales. Cela va un peu au-delà du droit actuel, qui autorise seulement l'unité à demander aux autorités compétentes d'« envisager d'entreprendre une enquête ».

Ainsi, nous pourrions nous demander s'il ne serait pas opportun, dans certaines situations d'urgence, d'attribuer des pouvoirs propres à Eurojust pour autoriser des opérations transnationales de livraisons surveillées ou favoriser l'émission de demandes d'entraide judiciaire. Une telle évolution ne serait pas de nature à remettre en cause l'autorité des parquets nationaux, et elle nous semblerait particulièrement utile.

En outre, on observe également un déficit très important en matière de transmission des informations communiquées à Eurojust, ce qui est très préjudiciable à l'efficacité de son action. Selon nous, la mise en place d'un dispositif plus efficace et plus contraignant dans ce domaine s'impose.

L'échange d'informations entre Eurojust et certains organes communautaires, tels qu'Europol ou l'Office européen de lutte anti-fraude, l'OLAF, est encore très loin d'être systématique, en dépit des accords de coopération respectivement conclus avec ces deux instances en 2004 et en 2005. Ainsi, Eurojust n'a toujours pas accès à certains fichiers d'analyse d'Europol.

De surcroît, les informations fournies par les autorités nationales demeurent encore trop lacunaires et souvent tardives, car les textes ne sont pas suffisamment contraignants. À cet égard, et malgré la décision du Conseil de 2005 évoquée tout à l'heure, les informations en matière de terrorisme sont particulièrement rares, ce qui est inquiétant. Il conviendrait donc de définir un mécanisme contraignant de transmission de l'information qui serait régi par des critères précis.

Sur un autre point, on pourrait également valoriser le rôle stratégique d'Eurojust dans la résolution des conflits de compétences juridictionnelles entre les autorités judiciaires de deux États membres. Ainsi, après plusieurs réunions de coordination, le représentant français d'Eurojust a été suivi dans sa suggestion de centraliser en Espagne la procédure liée à l'affaire du pétrolier le Prestige, qui concernait les autorités françaises et espagnoles.

Mais si la plupart des États suivent aujourd'hui les recommandations d'Eurojust, celui-ci n'émet qu'un simple avis totalement dénué de pouvoir contraignant. On peut donc se demander s'il ne faudrait pas aller plus loin et lui attribuer un véritable pouvoir d'arbitrage des conflits. Ce serait d'ailleurs compatible avec les dispositions du traité modificatif européen, qui mentionne, en son article 69 H, la résolution des conflits parmi les missions d'Eurojust.

En outre, le statut d'Eurojust ne peut pas être actualisé sans qu'une réflexion soit en parallèle engagée sur la mise en place d'un parquet européen. Cette réflexion apparaît incontournable à la lumière du traité modificatif.

Certains estiment impossible la coexistence d'Eurojust et d'un parquet européen. En revanche, pour d'autres, comme pour notre représentant, M. François Faletti, ces deux structures peuvent être complémentaires.

Madame le garde des sceaux, le développement d'un parquet européen figurera-t-il dans l'agenda de la présidence française ? Si oui, quel rôle pourrait jouer Eurojust par rapport à cette autorité judiciaire européenne ?

Je souhaite également évoquer le statut du membre national français qui siège à Eurojust. Après trois années d'application de la loi du 9 mars 2004 portant adaptation de la justice aux évolutions de la criminalité, dite loi Perben II, qui a défini le statut du représentant français d'Eurojust, le dispositif mériterait d'être complété sur plusieurs points pour lui permettre d'exercer au mieux ses missions.

Comme je l'ai signalé, en matière de transmission des informations à Eurojust, les États membres ne jouent qu'imparfaitement le jeu, et la France n'échappe malheureusement pas à cette tendance. Certes, me direz-vous, pourquoi communiquerions-nous des informations, alors que les autres pays ne le font pas ? C'est juste, mais il faut bien que certains prennent une première initiative.

Le 31 mai 2005, le ministère de la justice a diffusé une circulaire à l'ensemble des juridictions pour les sensibiliser à l'importance du rôle d'Eurojust. Mais cette initiative mériterait d'être complétée.

En effet, selon les informations que nous avons collectées, si la situation s'est nettement améliorée avec les juridictions interrégionales spécialisées, les JIRS, puisque celles-ci saisissent régulièrement le membre national d'un certain nombre de dossiers, c'est loin d'être le cas pour les autres juridictions, à l'exception de celle de Paris.

Comme l'a signalé notre représentant, le recueil d'informations sur les affaires en cours est très irrégulier, voire inexistant dans certains parquets généraux.

Je souhaite revenir sur le thème du terrorisme. Dans ce domaine, l'échange d'informations devrait, selon nous, être systématique. Or, en dépit des obligations qui résultent des textes communautaires, il est très limité.

Plusieurs mesures très concrètes pourraient être adoptées. Ainsi, il serait souhaitable que le service intranet du ministère prévoie une rubrique à disposition des magistrats. Cela permettrait d'éclairer ces derniers sur le soutien qu'ils sont susceptibles d'obtenir d'Eurojust. En outre, ne conviendrait-il pas de rappeler aux parquets généraux, à travers une nouvelle circulaire ou des instructions de politique pénale générale, l'obligation qui est prévue par la loi d'informer Eurojust dans les matières relevant de sa compétence, notamment lorsqu'une affaire concerne au moins deux États membres de l'Union européenne ?

L'action de sensibilisation des magistrats pourrait également être menée dans le cadre des formations qui leur sont à présent délivrées.

De surcroît, le code de procédure pénale pourrait être enrichi pour prévoir que les juges d'instruction souhaitant l'exécution coordonnée d'une commission rogatoire internationale sont tenus d'en informer notre représentant national au sein d'Eurojust.

Comme cela a déjà été souligné, la collaboration entre Eurojust et les équipes communes d'enquête a été jusqu'à présent - et on ne peut que le déplorer - « inexistante », pour reprendre les termes de notre représentant et d'un certain nombre de personnes que nous avons auditionnées.

Telles sont, madame le garde des sceaux, les quelques suggestions que nous nous permettons de formuler.

Vous l'avez bien compris, nous souhaitons attribuer des pouvoirs opérationnels plus importants à notre représentant au sein d'Eurojust, y compris en renforçant sa compétence judiciaire sur le territoire français. Je pense notamment - je n'énumérerai pas toutes nos idées - à l'émission ou à l'exécution de commissions rogatoires internationales, ou encore au gel des avoirs dans certaines situations d'urgence. Vous le voyez, nous pouvons faire nombre de propositions.

En définitive, si la présidence française place l'avenir d'Eurojust au rang de ses priorités, nous devrons également réfléchir au moyen de doter notre représentant national d'un statut plus ambitieux dans notre ordre interne. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)