M. le président. Merci de nous avoir fait vivre cet instant, monsieur Mauroy !

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, la proposition de loi qui nous est présentée aujourd'hui rénove et simplifie les instruments juridiques de la coopération internationale, ainsi que la coopération interrégionale et transnationale.

Elle est la preuve concrète de la réalité européenne et témoigne de la manière pragmatique dont l'Union européenne peut avancer au plus près des attentes de nos concitoyens et des besoins de nos territoires.

Il s'agit d'inscrire dans notre code des collectivités territoriales les dispositions du règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006 qui crée le Groupement européen de coopération territoriale, souvent appelé GECT.

Les collectivités territoriales françaises disposent, avec ce groupement, d'un outil juridique particulièrement adapté pour développer, au sein de l'Union européenne, avec des collectivités de pays membres, des projets de développement et de partenariats inédits au service de nos concitoyens, dans des domaines aussi divers que la santé, l'environnement, les transports ou l'économie.

De nombreuses structures juridiques existent dans notre droit pour répondre aux besoins de la coopération décentralisée : groupements d'intérêt public, sociétés d'économie mixte locales, districts européens.

Or cette multiplicité d'instruments juridiques est source de complexité et manque de lisibilité pour les citoyens.

Le groupement européen de coopération territoriale a vocation à se substituer à ces différents montages juridiques et a pour ambition de devenir l'instrument de droit commun de la coopération transfrontalière, transnationale ou interrégionale sur le territoire de l'Union européenne ; il constitue donc un facteur de simplification.

Si ce statut juridique est applicable sur le territoire de l'Union européenne depuis le 1er août 2007, date d'entrée en vigueur du règlement communautaire, quelques adaptations du droit français sont, toutefois, nécessaires.

Ainsi, la proposition de loi introduit dans le code des collectivités territoriales une disposition nouvelle qui précise les modalités de création et de fonctionnement d'un tel groupement européen siégeant en France, ainsi que les conditions d'adhésion des collectivités françaises à des groupements européens de droit étranger, dispositions particulièrement utiles.

En outre, elle prévoit que les établissements publics puissent être membres d'un groupement européen de coopération territoriale.

Enfin, pour la première fois en droit français, la possibilité est offerte aux collectivités territoriales de conclure des conventions avec des États étrangers.

L'article unique de la proposition de loi vise également à supprimer la possibilité de recourir à la formule du groupement d'intérêt public, ou GIP, sous réserve du maintien jusqu'à leur terme des groupements existants.

Au regard du nombre trop faible de créations de groupements d'intérêt public, cette suppression est pleinement justifiée et permettra d'éviter la survivance d'une disposition juridique devenue redondante.

Le groupe UMP se réjouit de l'examen de ce texte par le Sénat et se félicite de l'esprit consensuel qui règne sur les travées de notre assemblée concernant les questions de coopération décentralisée, ainsi que l'ont rappelé précédemment mes collègues Claude Biwer et Pierre Mauroy.

Je tiens également à saluer, au nom de l'ensemble de mes collègues, notre rapporteur, Mme Catherine Troendle, qui avait déjà souhaité accélérer le processus de rénovation des instruments de la coopération décentralisée, lors de l'examen du projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de la gestion des fonds structurels européens.

La proposition de loi dont nous discutons constitue, en effet, la reprise, à quelques modifications près, d'un amendement que notre rapporteur avait défendu au nom de la commission des lois et que la Haute Assemblée avait adopté en janvier 2007.

À cet égard, nous pouvons regretter que ce projet de loi dont l'objet principal était de promouvoir la décentralisation de la gestion des fonds structurels européens n'ait jamais été inscrit à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale. Cela soulève une question de fond, monsieur le secrétaire d'État. Il serait, me semble-t-il, opportun - et j'espère que nous en parlerons à l'occasion du prochain débat sur la réforme de la Constitution - que lorsqu'une assemblée adopte une proposition de loi, celle-ci soit obligatoirement inscrite à l'ordre du jour de l'autre assemblée. Il ne sert à rien de donner ce pouvoir au Parlement si cela ne se concrétise pas par un vote commun des deux chambres.

Au demeurant, la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est attendue avec impatience dans différentes régions transfrontalières ; nous l'avons bien compris à travers les précédentes interventions.

Elle sera tout particulièrement utile pour la coopération entre la France, la Belgique et le Luxembourg, pays qui, comme vous le savez, sont chers à mon coeur et dont j'ai l'honneur de présider le groupe d'amitié.

Je n'évoquerai pas le cas de la Belgique, puisque M.  Mauroy, que nous avons écouté avec beaucoup d'intérêt, nous a fait profiter de son expérience à la fois riche, longue et passionnante en la matière.

Je soulignerai simplement que cette coopération permettra d'accompagner le développement économique du sud du Luxembourg ainsi que les coopérations en matière de transports, de santé et de services au bénéfice de nos deux États.

Plus largement, cette coopération revêt une importance majeure pour notre pays en ce qu'elle contribue à la mise en oeuvre d'une politique ambitieuse et moderne des territoires.

Pour l'ensemble de ces raisons, le groupe UMP adoptera ce texte qui permettra de faire avancer l'Europe des projets et des ambitions au service de tous les citoyens, autrement dit, l'Europe du concret, celle qui crée les solidarités de fait chères à Robert Schuman, et qui sont à l'origine de tout notre travail en vue de la construction européenne, cette Europe que veulent et attendent les peuples de l'Union ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UC-UDF et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Josiane Mathon-Poinat.

Mme Josiane Mathon-Poinat. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après la création du district européen, issu de l'article 187 de la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales, la coopération transfrontalière dispose aujourd'hui d'un nouvel outil juridique d'origine communautaire, le groupement européen de coopération territoriale.

Ce groupement, régi par le règlement du Parlement européen et du Conseil du 5 juillet 2006, et qui était applicable au plus tard le 1er août 2007, renforce l'action internationale des collectivités territoriales en prévoyant un instrument juridique inédit de coopération décentralisée.

La présente proposition de loi a donc pour objet principal, outre le fait d'autoriser l'adhésion des collectivités territoriales françaises à des organismes de droit public étranger et leur participation au capital de personnes morales de droit étranger, de mettre en conformité le code général des collectivités territoriales avec le règlement communautaire de 2006.

Le groupement européen de coopération territoriale vise à réaliser une meilleure cohésion économique et sociale au sein de l'Union européenne, en facilitant la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale entre ses membres.

À cette fin, il a pour vocation d'améliorer la mise en oeuvre de programmes et de projets de coopération territoriale cofinancés par l'Union, notamment au titre des fonds structurels et des nouveaux programmes « Interreg » pour la période 2007-2013.

La réunion de collectivités territoriales des différents États membres au sein de groupes de coopération ne constitue pas en soi une nouveauté. Ce qui est nouveau, en revanche, c'est que ce groupement européen de coopération territoriale sera doté de la personnalité morale et de la capacité juridique, ce qui lui permettra de se doter d'une organisation, de disposer d'un budget, de recruter du personnel, ou encore d'ester en justice. Le droit applicable à l'interprétation et à l'application de la convention qui se trouve à l'origine du GECT sera celui de l'État membre où le groupement a son siège.

L'objectif, pour la Communauté européenne, est de réduire les difficultés qu'éprouvent aujourd'hui les collectivités territoriales des États membres à réaliser et à gérer des actions de coopération territoriale dans le cadre des législations nationales.

Cette conception de l'Europe semble étrangement opposée à celle qui est traditionnellement défendue par les tenants de l'Europe libérale, qui ont fait du dumping social, de la concurrence entre les États - notamment en matière fiscale - et de la disparition des services publics leurs maîtres mots.

Présenté dans les termes du règlement européen de 2006, le groupement européen de coopération territoriale tranche donc quelque peu avec les options libérales que Bruxelles tente d'imposer aux États membres.

Nos concitoyens sont attachés à l'échelon local ; la jeune génération vit aujourd'hui à l'heure européenne. La meilleure façon de construire l'Europe au quotidien, ce n'est pas de développer une Europe technocratique, avec une Commission qui possède tous les pouvoirs sans disposer d'aucun mandat populaire ; c'est, au contraire, de jouer sur ce double attachement, au territoire local et à l'Europe. De même, un nombre croissant d'associations et de syndicats nouent des échanges et coordonnent leurs actions bien au-delà de nos frontières.

Les groupements européens doivent traduire toutes ces évolutions. Ils doivent permettre la réalisation de l'objectif de cohésion économique, sociale, territoriale, culturelle et environnementale qui fait justement défaut à l'Europe d'aujourd'hui.

Cette coopération transfrontalière entre collectivités territoriales étrangères a bénéficié d'outils innovants, tels que le district européen, prévu par la loi d'août 2004, qui constitue un outil juridique de coopération pour l'ensemble des zones frontalières françaises.

En revanche, ce n'est que plus récemment, avec le développement des programmes interrégionaux financés par l'Union européenne, que se sont développées des coopérations interrégionales.

Espérons que cet instrument commun à la coopération transfrontalière, interrégionale et transnationale que constitue le groupement européen de coopération territoriale améliorera réellement les liens entre les collectivités.

En effet, le GECT constitue une structure cohérente d'association entre les collectivités de différents États. Il devrait répondre à l'une des principales difficultés, à savoir la réalisation et la gestion d'actions de coopération dans le cadre de procédures nationales et d'ordres juridiques différents. Il n'est jamais simple, en effet, de connaître les règles applicables à la coopération ; nous avons fait l'expérience de plusieurs imbroglios juridiques.

Nos collègues élus de départements transfrontaliers ont évoqué cette coopération. M. Mauroy, en particulier, nous a brillamment fait sentir ce que pouvait être cette Europe des peuples, et nous a donné envie de la développer.

Toutefois, les groupements européens de coopération territoriale ne peuvent constituer les seuls moteurs de cette solidarité dont nous avons tant besoin. Ils ne doivent pas être les tickets modérateurs d'une Europe libérale : ces entités territoriales ne peuvent d'ailleurs à elles seules justifier la politique de Bruxelles.

Ce qui montre de façon évidente leur utilité, c'est l'absence d'une Europe des peuples. Bruxelles continue, hélas ! d'appliquer sa politique d'exhortation aux mouvements de capitaux, aux délocalisations, et de soutien à la libre concurrence. Or c'est justement cette politique qui fait des ravages.

Le groupe communiste républicain et citoyen votera donc cette proposition de loi, tout en espérant que c'est au travers des collectivités et de leurs élus que se réalisera l'Europe des peuples. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur des travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Roland Ries.

M. Roland Ries. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame le rapporteur, mes chers collègues, le texte qui nous est proposé aujourd'hui a pour objet, je le répète, d'adapter à notre droit national le règlement européen du 5 juillet 2006 relatif au Groupement européen de coopération territoriale, ou GECT, et de rénover les instruments de la coopération transfrontalière et territoriale en Europe, dont l'importance n'échappera pas à l'élu de l'Est que je suis.

En tant qu'européen convaincu, je me réjouis de voir un texte permettre la levée d'un certain nombre d'obstacles juridiques ; en tant qu'élu alsacien, je suis plus satisfait encore, tant il est vrai que la coopération transfrontalière a été au coeur de la vitalité économique, sociale et culturelle de l'Alsace en général et de Strasbourg en particulier.

Par le passé, la signature d'accords de coopération avec l'ensemble des pays limitrophes avait permis la création, à la suite de l'accord de Karlsruhe de 1996, du Groupement local de coopération transfrontalière, ou GLCT.

De même, la loi du 13 août 2004 relative aux libertés et responsabilités locales avait institué le district européen. La région Alsace avait pris toute sa part dans cette réforme, avec la création de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau et du district Mulhouse-Colmar-Fribourg-en-Brisgau.

Quelle sera la plus-value juridique et politique - si j'ose m'exprimer ainsi - du GECT ? Tout d'abord, ce dispositif permettra de résoudre l'une des principales difficultés de la coopération entre collectivités territoriales, c'est-à-dire, bien sûr, l'articulation entre des ordres juridiques différents, qui rend toujours difficile la mise en oeuvre de la coopération.

Le GECT sera par ailleurs doté de la personnalité juridique ; il pourra se doter d'une organisation, disposer d'un budget, acheter et vendre des biens et des services, mais aussi employer du personnel.

Pour autant, cet outil ne constitue pas la panacée. En effet, la création du GECT ainsi que les modifications de ses statuts restent soumises à l'approbation des États membres, même si ceux-ci n'appartiennent pas au groupement. De plus, les statuts du GECT, ainsi que leurs modifications, sont soumis à la règle de l'unanimité, alors que ceux des GLCT issus de l'accord de Karslruhe sont adoptés à la majorité qualifiée des deux tiers.

Il faut ajouter que la mise en place d'un GECT ne permettrait pas d'éviter le lourd recours aux accords interétatiques pour certains équipements transfrontaliers, alors même que la question serait purement d'intérêt local.

Enfin, et surtout, l'étendue des missions du GECT, si elle est appropriée à un cadre de coopération transfrontalière, ne permet pas la prise en compte des problèmes spécifiques à Strasbourg ; vous me permettrez, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, de vous livrer à présent quelques réflexions sur cette question en ma nouvelle qualité de maire de cette ville.

Tout le monde le sait, la présence à Strasbourg des institutions européennes, et notamment du Parlement européen, est fragile. Chaque année, le vote du calendrier parlementaire en session plénière est l'occasion d'une nouvelle démonstration de force du lobby des partisans d'un recentrage des activités sur Bruxelles. Les « anti-Strasbourg » ont trouvé, dans le litige qui a opposé fortement le Parlement européen et la ville de Strasbourg à propos de la vente de certains bâtiments, de nouveaux arguments allant à l'encontre du siège strasbourgeois.

Pour nous, les questions de sièges et de capitales ne sont pas annexes, et elles ne peuvent être réglées uniquement selon des critères d'ordre financier ou technique. Ce sont des questions politiques, qui appellent des décisions du même ordre, et une vision à long terme.

Il serait utile, et même urgent, que la France comprenne enfin l'exacte portée, pour l'un des pays fondateurs de l'Union, de la présence du Parlement européen sur son sol national.

La seule solution pour faire de nouveau de Strasbourg la capitale parlementaire de l'Europe serait, à mon sens, de permettre l'émergence d'un territoire transfrontalier à statut spécifique, attractif à la fois pour les institutions politiques et pour les sièges sociaux de grandes entreprises européennes.

L'idée de fond serait ainsi de passer d'une logique de coopération à une logique d'intégration et de codécision, autrement dit de dépasser les barrières juridiques et mentales entre les communautés, ce qui permettrait de créer les fondements d'une nouvelle forme de gouvernance et d'une réelle démocratie transfrontalière.

Nous sommes convaincus que seule cette ambition politique forte de création d'une entité transfrontalière à statut juridique et fiscal spécifique peut garantir aujourd'hui que la métropole Strasbourg-Kehl-Ortenau gardera son statut de capitale parlementaire de l'Europe.

Notre ambition est donc de faire, à terme, de l'Eurodistrict Strasbourg-Ortenau un symbole au moins aussi fort pour les Européens que peut l'être Washington DC pour les Américains.

La ville de Strasbourg est consciente que l'initiative politique doit revenir d'abord aux acteurs locaux. C'est la raison pour laquelle j'engagerai personnellement de nouvelles discussions avec nos partenaires allemands, afin de relancer l'Eurodistrict avec ce nouveau cadre juridique.

J'entends donc, au cours des prochains mois, organiser la consultation des populations concernées. Fort du résultat obtenu - car il ne fait pas de doute, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, que les Strasbourgeois et les habitants de Kehl et de ses environs apporteront massivement leur soutien à une telle ambition -, les autorités politiques de l'Eurodistrict se rendront en délégation à Paris et à Berlin afin de soumettre notre projet aux autorités nationales.

Toutefois, monsieur le secrétaire d'État, la présidence du Conseil européen offre une « fenêtre de tir » à la France pour donner un appui décisif et concret à l'enjeu national que représente « Strasbourg, capitale européenne ». C'est pour cela que, dès maintenant, il importe que le Gouvernement français apporte son soutien à cette initiative ambitieuse qui, de mon point de vue, constitue la seule manière de conforter définitivement la vocation européenne de Strasbourg.

Je forme le voeu, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, qu'à l'occasion de la présidence française soit signé un traité entre la France et l'Allemagne, afin d'attribuer à l'Eurodistrict une pleine autonomie politique, opérationnelle et financière, tout en garantissant, bien entendu, le maintien et le respect de la souveraineté nationale.

Ce traité pourrait, notamment, fixer l'étendue exacte des compétences réglementaires de l'Eurodistrict, en particulier la soumission aux règles de droit public de l'État sur le territoire duquel la réglementation adoptée s'applique, ou encore les modalités de fixation et de réversion de la part « Eurodistrict » de la taxe professionnelle, du montant des taxes aéroportuaires - il s'agit d'un vaste sujet ! -, et d'éventuelles écotaxes locales.

Voilà l'ambition qui est la nôtre. J'espère, monsieur le secrétaire d'État, pouvoir compter sur le soutien du Gouvernement à ces initiatives. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur des travées de l'UC-UDF et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Madame le rapporteur, je tiens tout d'abord, à vous remercier une nouvelle fois du travail approfondi que vous avez accompli sur cette proposition de loi.

Vous aviez engagé cette réflexion dès 2007, au travers d'un amendement parlementaire relatif au projet de loi relatif à l'expérimentation du transfert de gestion des fonds structurels européens, et vous l'avez poursuivie avec ce texte.

Vous avez évoqué la question de la gestion des fonds structurels européens, qui avait d'ailleurs été débattue à cette occasion. L'État a engagé avec les régions une démarche tout à fait claire : il a confirmé sa volonté de garder la gestion de ces programmes, à la définition et à la conduite desquels les présidents de région se trouvent néanmoins étroitement associés, sous l'autorité du préfet de région.

Enfin, je partage votre volonté de continuer l'expérimentation qui est en cours en Alsace et qui, j'y insiste, sera naturellement poursuivie.

Monsieur Biwer, vous avez évoqué la région Lorraine et son programme de reconversion des friches industrielles du site d'Esch-Belval.

L'ampleur de l'opération d'aménagement engagée favorisera la création d'une véritable agglomération transfrontalière. Elle contribuera, j'en suis certain, à redynamiser un bassin d'emploi durement touché par les lourdes restructurations industrielles qui furent nécessaires au début des années quatre-vingt.

Monsieur le sénateur, vous avez également évoqué votre projet de zones franches rurales. Je vous rappelle que la loi du 23 février 2005 visait à développer l'activité dans le monde rural. Avant d'envisager une réforme nouvelle des dispositifs qu'elle a mis en place, il me paraît nécessaire de procéder à une évaluation précise de leurs résultats.

Dans cet objectif, le nouveau secrétaire d'État chargé de l'aménagement du territoire, M. Hubert Falco, que chacun ici connaît bien - et pour cause ! -, a d'ores et déjà engagé une évaluation des zones de revitalisation rurale, les ZRR. Dès que ce travail sera achevé, des initiatives pourront être envisagées dans le sens que vous souhaitez, monsieur le sénateur.

Quant à l'adhésion d'intercommunalités au GECT, elle est prévue par la proposition de loi pour les établissements publics de coopération intercommunale tant français qu'étrangers.

Monsieur Mauroy, je sais que ce débat est important pour vous, car il intervient au moment où aboutit un projet que vous portez depuis de très nombreuses années.

L'eurométropole Lille-Courtrai(Kortrijk)-Tournai - ville natale de Clovis, si mes souvenirs sont exacts ! (Sourires) - a été créée le 28 janvier dernier, anticipant en cela l'adoption de cette proposition de loi. Ce projet se fonde sur un accord franco-belge du 16 septembre 2002 et constitue d'ailleurs le premier GECT français.

Aujourd'hui, l'eurométropole rassemble deux millions d'habitants et marque une étape majeure dans la construction de cette Europe concrète que nous évoquons depuis le début de cette discussion. Pour faire court, nous pourrions intituler cette réalisation Bienvenue chez les Ch'tis-belges ! (Nouveaux sourires.)

Monsieur le sénateur, je saisis cette occasion pour rendre un hommage tout particulier à l'action continue que vous menez avec beaucoup de détermination en faveur de la coopération transfrontalière. Vous oeuvrez en ce sens depuis très longtemps, surtout en tant que président de la Mission opérationnelle transfrontalière, la MOT, qui a servi et sert toujours d'appui juridique et méthodologique à la réalisation de projets dont l'efficacité est reconnue.

Il me semble d'ailleurs que la première initiative prise dans ce domaine l'avait été par vous-même, monsieur le sénateur, dans les années quatre-vingt-dix, pour l'établissement d'une ligne d'autobus interfrontalière entre Roubaix, Wattrelos et Moutron.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. C'était une première, qui a marqué le début d'une coopération beaucoup plus développée, que nous concrétisons aujourd'hui avec l'adoption de ce texte.

Je vous remercie, monsieur le sénateur, de ce rôle pionnier que vous avez joué dans la construction de cette politique transfrontalière.

Monsieur Cointat, vous avez souligné l'esprit consensuel qui préside à l'examen de ce texte, ce dont je me réjouis également. Vous avez par ailleurs rappelé que ce texte était très attendu dans les régions transfrontalières, qui vous sont chères. Le Gouvernement y est particulièrement attentif. Je souhaite comme vous que notre droit national puisse être modifié au plus vite.

Pour ce qui est de l'inscription d'une proposition de loi adoptée par une assemblée à l'ordre du jour de l'autre assemblée, vous connaissez mon attachement aux droits du Parlement. La réforme constitutionnelle qui a été adoptée dernièrement en conseil des ministres et qui sera soumise au Congrès dans quelques semaines vise notamment à permettre au Parlement d'améliorer la maîtrise de son ordre du jour. Cette disposition est de nature à répondre à votre interrogation.

Madame Mathon-Poinat, vous avez mis l'accent, au nom du groupe CRC, sur les progrès concrets que peuvent permettre ces groupements européens de coopération territoriale pour des opérations contribuant à améliorer les services à nos concitoyens. À l'évidence, je partage ce point de vue.

Je souhaite cependant revenir sur vos propos relatifs à l'action de l'Union européenne. Je tiens à insister sur l'importance des fonds structurels du Fonds social européen en termes de cohésion sociale pour notre pays et pour la construction européenne. Pour la France, ces fonds européens représentent chaque année pour les régions périphériques une manne de 10 milliards d'euros, ce qui est, vous en conviendrez, une somme considérable.

Enfin, je rappellerai le rôle que le Gouvernement a joué pour encourager l'élaboration de ces groupements européens de coopération territoriale.

Monsieur Ries, vous souhaitez faire de l'eurodistrict Strasbourg-Kehl-Ortenau une véritable agglomération transfrontalière, dotée d'un statut spécifique.

L'exemple de l'eurométropole Lille-Courtrai-Tournai, projet porté par votre collègue Pierre Mauroy, est à cet égard important et intéressant. Nous disposons là d'un fabuleux laboratoire d'application du GECT, qui pourrait guider utilement votre réflexion en la matière. Vous le savez, les services de l'État vous apporteront toute l'aide nécessaire dans votre réflexion, comme ils l'ont fait à Lille.

L'idée d'un statut juridique particulier pour l'eurodistrict, que vous souhaitez voir adopter pour renforcer encore son intégration, mérite un examen approfondi. Les perspectives d'autonomie politique et fiscale que vous évoquez sont ambitieuses. Il va de soi que je suis disposé à en discuter avec vous quand vous le souhaiterez.

Soyez certain que la présence du Parlement européen à Strasbourg constitue bien un enjeu majeur pour la France, car c'est là son siège historique. Cela fait d'ailleurs l'objet d'un protocole annexé au traité d'Amsterdam. Bien évidemment, le Gouvernement n'entend pas voir le rôle de Strasbourg remis en cause par qui que ce soit, et il sera en première ligne dans cette affaire. Je tenais à vous l'assurer de façon solennelle aujourd'hui, mais, je le sais, nous aurons l'occasion d'en reparler.

En conclusion, et même si beaucoup d'entre vous l'ont déjà souligné, je rappellerai que le groupement européen de coopération territoriale contribue à construire une Europe du quotidien, qui la rapproche des préoccupations de nos concitoyens. C'est ainsi qu'il faut concevoir l'Europe : une Europe qui puise ses sources dans la proximité et dans des réalisations concrètes. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le secrétaire d'État, puisque vous avez évoqué l'avant-projet de révision constitutionnelle et les dispositions visant à renforcer l'initiative du Parlement, je ne peux résister au plaisir d'y revenir.

Pour que les législations aboutissent, encore faut-il que chaque assemblée puisse examiner les propositions de loi adoptées par l'autre ! L'histoire de la proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est, de ce point de vue, remarquable ; il faut la rappeler.

Une proposition de loi avait d'abord été votée par le Sénat, mais elle n'a jamais été reprise par l'Assemblée nationale. Ensuite, une proposition de loi améliorée, mais sur le fond identique, a été proposée à l'Assemblée nationale. Le Sénat, parce que, comme le Gouvernement, il juge ce sujet important, l'a inscrite à son ordre du jour.

La Haute Assemblée est toujours heureuse de voter des propositions de loi adoptées par l'Assemblée nationale. Je ne vous en citerai que quelques-unes, monsieur le secrétaire d'État - vous pourrez en faire part à l'ensemble du Gouvernement et aux ministres concernés -, car elles témoignent de ce souci du Sénat de faire voter les propositions de loi de l'Assemblée nationale : proposition de loi relative à la simplification du droit, proposition de loi visant au contrôle de la vente et de l'utilisation des mini-quads, mini-motos et engins assimilables -  c'est un problème considérable -, proposition de loi créant de nouveaux droits pour les victimes et améliorant l'exécution des peines, notamment en matière d'assurance pour les voitures brûlées.

Le Sénat a, quant à lui, adopté une proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile. J'espère qu'elle sera prochainement inscrite à l'ordre du jour de l'Assemblée nationale, d'autant que le Gouvernement a reconnu l'importance du sujet et que Mme le garde des sceaux a défendu ce texte.

Si nous voulons vraiment que l'initiative parlementaire devienne réalité, encore faut-il qu'une coopération existe entre les deux assemblées ! De ce point de vue, je dois avouer que le Sénat a toujours joué le jeu.

J'évoquerai enfin la proposition de loi relative à la législation funéraire que notre assemblée a votée à l'unanimité. C'est un sujet auquel elle porte une attention toute particulière, car il est important tant pour les collectivités que pour les familles. Je ne voudrais pas que ce texte soit enterré définitivement à l'Assemblée nationale.

Monsieur le secrétaire d'État, en cas de blocage, il faudrait que le Gouvernement prenne l'initiative et inscrive à l'ordre du jour prioritaire les textes qui lui semblent importants.

On parle beaucoup de la réforme des méthodes de travail du Parlement. Pour que le Parlement soit efficace, il faut que les deux assemblées collaborent et que chacune reconnaisse les vertus de ce qui a été accompli par l'autre. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. Monsieur le président de la commission, le suivi des initiatives parlementaires est au coeur des travaux de la conférence des présidents. Les propositions de loi sénatoriales, bien qu'elles soient importantes, semblent souvent traitées d'une manière critiquable ; nous partageons votre point de vue.

Aujourd'hui, il faut non seulement mettre en oeuvre l'initiative parlementaire, mais aussi la respecter.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Bien entendu, je me ferai l'interprète auprès du Premier ministre et du secrétaire d'État chargé des relations avec le Parlement de vos inquiétudes concernant l'inscription à l'ordre du jour des textes d'initiative parlementaire.

La réforme constitutionnelle en cours, dont l'avant-projet a été adopté par le conseil des ministres voilà une quinzaine de jours, et qui devrait être soumise au Congrès dans les prochaines semaines, comporte un volet sur l'ordre du jour du Parlement. Cela me paraît de nature à répondre à vos préoccupations légitimes.

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de l'article unique.