M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il existe de nombreux articles du même genre ! Tout est déjà prévu par le code !

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. De ce point de vue, les dispositions proposées par cet amendement n’apporteraient aucune protection supplémentaire aux pères dans leur activité professionnelle. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 18.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 4 rectifié est présenté par Mme Dini, au nom de la commission.

L'amendement n° 19 est présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 39 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste, républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer l'avant-dernier alinéa de cet article.

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur, pour présenter l’amendement n° 4 rectifié.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la possibilité, prévue dans le texte, d’organiser des enseignements scolaires par regroupement des élèves en fonction de leur sexe, car celle-ci paraît contraire à la volonté de lutter contre les discriminations sexistes.

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour présenter l'amendement n° 19.

Mme Bariza Khiari. La navette parlementaire nous a permis de constater que l’exception au principe de non-discrimination qui est posée par cet article ne figurait dans aucune des directives à transposer.

En effet, la directive 2004/113/CE mettant en œuvre le principe de l’égalité de traitement entre hommes et femmes dans l’accès à la fourniture de biens et de services ne s’applique pas au champ de l’éducation.

Cette exception au principe de non-discrimination n’est donc pas d’origine européenne : nous ne sommes nullement obligés d’inscrire dans nos textes la possibilité d’organiser des enseignements non mixtes.

Nous nous interrogeons donc sur l’origine de cette exception, en quelque sorte sortie de nulle part ! Faut-il la mettre au compte de travaux menés dans la précipitation, ou bien d’une orientation idéologique en phase avec les nostalgiques de l’uniforme et les détracteurs de Mai 68 ? (Sourires.)

En 2004, la délégation aux droits des femmes du Sénat avait consacré ses travaux à la mixité. Il était apparu que celle-ci, en dépit des apparences, n’était pas une donnée ou un fait universellement partagé, et qu’elle n’était pas unanimement acquise.

Parmi les détracteurs de la mixité, trois arguments, de nature fort différente, se trouvaient invoqués. Le premier, d’ordre pédagogique, soulignait que la mixité constituait un frein à la performance des filles et des garçons ; le deuxième, d’ordre social, mettait en avant la montée des violences, notamment sexuelles, dans les écoles ; le troisième, d’ordre religieux, émanait des milieux intégristes.

Des réponses étayées ont été apportées aux deux premiers arguments. Il est vrai que l’introduction de la mixité à l’école n’avait jamais été pensée ; elle n’est pas même le fruit d’un principe volontariste : elle s’est imposée davantage en fonction de contingences économiques que d’un projet de société. Pour autant, il n’est plus possible aujourd’hui de distinguer laïcité, égalité et mixité : ces trois notions forment un continuum.

Les réponses apportées à l’argument pédagogique et à l’argument social résident non pas dans la ségrégation, mais dans la formation des enseignants, dans les méthodes pédagogiques, dans les manuels scolaires et dans la volonté politique d’accompagner les jeunes femmes dans d’autres choix d’orientation professionnelle, notamment vers la filière scientifique, dont elles ont tendance à s’auto-exclure.

La réponse à l’argument religieux fut le vote de la loi sur les signes religieux à l’école.

Mes chers collègues, l’apprentissage du vivre-ensemble commence à l’école ; aucune considération ne saurait justifier la remise en cause de ce principe. Aussi, je vous demande d’adopter cet amendement.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 39.

Mme Annie David. Je dois vous dire, mes chers collègues, combien je suis choquée par l’insertion dans ce projet de loi de la mesure prévue à l’avant-dernier alinéa de cet article. Celle-ci autorise ni plus ni moins la généralisation du principe de discrimination en fonction du sexe dans le milieu scolaire, alors que rien de tel n’est exigé par les directives, ainsi que l’a rappelé Bariza Khiari.

Ainsi, aux termes de cet alinéa, ne fera pas obstacle aux principes de discrimination « l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe ».

Cette disposition appelle deux réflexions, l’une juridique, l’autre politique.

D’un point de vue juridique, d’abord – et le rapport d’information réalisé par la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes le souligne à juste titre –, le code de l’éducation dispose, en son article L. 121-1, que les établissements qui accueillent des élèves « contribuent à favoriser la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes ».

L’avant-dernier alinéa de l'article 2 est en contradiction totale avec cet article du code de l’éducation. Comment, en effet, peut-on poser dans un code que le rôle de l’éducation est de favoriser la mixité quand, dans le même temps, une autre disposition législative autorise, sans le moindre encadrement ni la moindre limitation, la séparation des élèves en fonction de leur sexe ?

Madame la secrétaire d'État, avec cet alinéa, vous ouvrez une véritable boîte de Pandore juridique, et l’on verra une disposition aux contours flous entrer en conflit avec une autre disposition sans contour du tout ! Vous demandez en somme à ces deux dispositions de se contenir, de se limiter, voire de s’annuler, un peu comme si toutes deux avaient la même valeur.

Cette question de la valeur m’amène précisément à ma seconde réflexion, politique celle-là, sans pour autant constituer un sujet de polémique, car je veux croire que, au sein de cette assemblée, nous avons toutes et tous la même idée d’une société démocratique moderne, fondée sur l’égalité devant les droits et les devoirs.

Vous conviendrez avec moi, mes chers collègues, que la mixité et l’égalité entre les hommes et les femmes sont des combats permanents. Il nous appartient à tous, à tous les niveaux, de multiplier les initiatives en sa faveur.

Je rappelle à ce propos l’une des recommandations de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité entre les hommes et les femmes, qui met en garde contre l’organisation d’enseignements distincts risquant de reproduire des stéréotypes sexués contre lesquels il convient au contraire de lutter.

Or nous savons tous que, pour réussir le vivre-ensemble, il nous faut intervenir dès l’école, pour casser certains stéréotypes tenaces et apprendre à construire une vie commune. C’est précisément cela que vous remettez en cause avec cet alinéa, madame la secrétaire d'État.

Je vous demande donc, mes chers collègues, d’adopter notre amendement, dont l’objet est de supprimer une disposition qui prive de l’un de ses fondements notre école publique et n’ajoute rien de positif au droit français.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur ces trois amendements identiques?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. La directive européenne promeut des valeurs identiques à celles qui sont déjà enseignées à l’école, au collège et au lycée, dans le cadre des programmes, notamment en éducation civique.

La convention interministérielle que Valérie Létard a relancée avec Xavier Darcos vise d’ailleurs à favoriser la mixité en incitant les jeunes filles à diversifier leurs choix professionnels pour qu’elles s’orientent vers des métiers techniques et scientifiques dans lesquels elles sont encore minoritaires.

L’action du Gouvernement auquel j’appartiens porte aussi sur la question du respect mutuel au sein des établissements scolaires, et ce dès le plus jeune âge. À cet égard, la mixité scolaire est fondamentale et nous sommes déterminés, Xavier Darcos et moi-même, à tout mettre en œuvre pour avancer rapidement sur ce sujet.

Cette priorité est d’ailleurs rappelée dans la circulaire de préparation de la rentrée scolaire de 2008, en date du 4 avril dernier, qui vient de parvenir aux recteurs d’académie. Elle est structurée autour de dix grandes orientations, parmi lesquelles la lutte contre toutes les violences et toutes les discriminations, notamment l’homophobie.

Enfin, s’agissant plus spécifiquement de la vie scolaire dans les lycées, le ministre de l’éducation nationale a engagé une réflexion afin d’aboutir, d’ici à la fin de l’année scolaire, à l’élaboration d’une charte de la paix scolaire, destinée notamment à prévenir les attitudes sexistes envers les élèves.

En définitive, le principe de mixité ne doit pas empêcher que, de façon ponctuelle, un enseignement soit organisé uniquement avec des jeunes filles ou avec de jeunes garçons. Ce mode d’organisation existe dans l’enseignement public – les maisons d’éducation de la Légion d’honneur, par exemple –comme dans l’enseignement privé, en France, mais aussi dans d’autres États de l’Union européenne. Il y va de la liberté de l’enseignement, à laquelle nous sommes tous très attachés.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi répond déjà aux objectifs que les amendements identiques visent. Ceux-ci sont donc satisfaits.

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. C’est pourquoi le Gouvernement en demande le retrait, madame le rapporteur.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous gagnons beaucoup à entendre l’avis du Gouvernement sur ces amendements identiques. Nous sommes également globalement d’accord avec les propos qu’a tenus Annie David en présentant l'amendement identique n° 39, à savoir que la loi française doit être sauvegardée et qu’il faut que l’enseignement soit le même pour tous.

Il me semble toutefois nécessaire d’ajouter une précision dans le cadre de la transposition de cette directive pour éviter que les autres mesures ne s’appliquent à l’enseignement avec la même rigueur et les mêmes contraintes.

Cela prouve d’ailleurs qu’il est possible de s’écarter légèrement de la directive.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Ah ? Ce n’est pas ce que disait le Gouvernement !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout à l’heure, il nous a été expliqué qu’en aucun cas il n’était possible d’ajouter ou de supprimer une quelconque mesure : il fallait en rester à la directive, toute la directive, rien que la directive. Nous avons la preuve que nous pouvons faire mieux. Il ne faut donc pas hésiter et, de ce point de vue, le Gouvernement a eu raison.

Nous avons l’obligation de sauvegarder l’équilibre, fragile et durement gagné, de notre système scolaire et de la liberté d’enseignement qu’il garantit.

Compte tenu des propos de Mme la secrétaire d'État, je retire l'amendement n° 4 rectifié et souhaite que notre assemblée repousse les deux amendements identiques restants. (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié est retiré.

La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Je suis déçue par ce revirement de la commission des affaires sociales. Nous avons voté à l’unanimité ces amendements identiques lors de la réunion de la commission ce matin et avons eu une discussion très intéressante et très importante à cette occasion. Je ne comprends donc pas le retrait qui vient d’intervenir ni la consigne que vous venez de donner, puisque c’est bien ainsi qu’il faut comprendre vos propos, monsieur le président de la commission des affaires sociales.

Pour ma part, j’estime au contraire que ces amendements doivent être adoptés. J’ai rappelé le code de l’éducation, qui régit le fonctionnement de nos écoles.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Justement, l’école est hors du champ de la directive !

Mme Annie David. Effectivement ! Pourtant, vous l’intégrez dans le texte que nous sommes en train d’examiner, ce qui rend possible l’organisation d’enseignements séparés en fonction du sexe des élèves.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’est incroyable !

Mme Annie David. Nous allons revenir aux cours de couture pour les filles et aux cours de mécanique pour les garçons. Il en ira de même à la piscine, avec les filles d’un côté et les garçons de l’autre, et pourquoi pas aussi pour les cours de mathématiques ? Tout cela par peur que toute autre organisation ne risque de perturber les élèves et ne les empêche d’apprendre !

Mme Bariza Khiari. C’est incroyable !

Mme Annie David. Cet alinéa signifie, par rapport aux fondements mêmes de notre école républicaine, un véritable retour en arrière.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas du tout !

Mme Annie David. Dans les écoles privées où des enseignements sont déjà dispensés en fonction du sexe des élèves, les parents signent un document par lequel ils acceptent le règlement de l’établissement et donc les enseignements séparés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est interdit !

Mme Annie David. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, vous évoquez la liberté d’enseignement au sein de l’école publique : préservez-la ! Contentons-nous de ce que prévoit le code de l’éducation, qui régit et permet cette mixité nécessaire.

Je ne vous rappellerai pas toutes les difficultés que connaissent déjà aujourd'hui nos écoles. Est-il vraiment besoin d’aller aggraver encore la situation avec des dispositions aussi négatives ?

Mes chers collègues, je serais navrée de vous voir suivre la consigne de la commission des affaires sociales. Je le répète, une telle possibilité d’enseignements séparés n’est pas dans la directive. Jusqu’ici, tous les amendements que je vous ai proposés ont été repoussés au prétexte que les mesures qu’ils tendaient à instaurer ne figuraient pas dans la directive ou ne correspondaient pas à l’esprit de cette dernière. Où est la logique ?

Et d’où vient cet alinéa ? Nous ne le savons pas, ou plutôt nous ne le savons que trop ! Je trouve très grave que le Gouvernement veuille nous imposer une disposition de ce type, qui met à mal l’un des fondements de notre République.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Monsieur le président de la commission des affaires sociales, l’argumentation que vous avez développée m’étonne fortement et me semble particulièrement spécieuse.

Alors que l’éducation est hors du champ de la directive, par ce simple alinéa, vous l’y intégrez. C’est très grave, car cela constituera un point d’appui pour tous ceux qui non seulement souhaitent revenir sur la mixité scolaire, mais également font pression – d’aucuns soutiennent sans doute cette action, mais nous ne pouvons l’accepter – pour que des cours d’éducation physique ou des séances de piscine séparés soient organisés et que, dans les hôpitaux, le sexe des médecins entre en ligne de compte.

Puisque rien ne vous oblige à introduire l’enseignement dans le texte, je vous en prie, ne le faites pas !

M. le président. La parole est à Mme Bariza Khiari, pour explication de vote.

Mme Bariza Khiari. À mon tour, je voudrais marquer mon étonnement et dire à quel point je suis choquée. Il me semblait qu’un consensus s’était dégagé autour de la suppression de cet alinéa, qui surgit d’on ne sait où, cela a été répété.

L’éducation n’est pas du tout dans le champ de cette directive. D’où cela sort-il ?

Mme Bariza Khiari. La raison de cette décision intempestive contre la mixité scolaire n’est pas avouée et, madame la secrétaire d'État, le plaidoyer que vous avez prononcé en faveur de la mixité me laissait à penser que le Gouvernement serait favorable à cette suppression.

Je rappelle qu’une telle mesure n’est pas d’origine européenne – même si le Gouvernement cherche à nous le faire croire –, pas plus qu’elle n’est justifiée par le cas particulier de l’éducation physique. Elle ne répond manifestement qu’à un choix politique du Gouvernement, qui utilise ce texte pour ouvrir la voie à une prise en compte des particularismes religieux dans l’organisation du service public.

Mme Bariza Khiari. Les statistiques ethnoraciales ont répondu à la volonté d’ethniciser la question sociale. Aujourd'hui, on cherche à confessionnaliser la société française. Cela vient de loin : il n’est qu’à penser au discours prononcé au palais de Latran ou à celui de Ryad. Aujourd'hui, on porte atteinte à la mixité.

Il s’agit d’une atteinte au vivre-ensemble. Laïcité, égalité, mixité ne peuvent être distingués : la mixité est un vecteur d’émancipation.

Madame la secrétaire d'État, vous qui êtes chargée de la famille, réfléchissez-y à deux fois, car, sur ce point, tous les laïcs de ce pays vont vous donner du fil à retordre !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je souhaite répondre aux remarques qui ont été formulées par Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Bariza Khiari.

Il est vrai que l’enseignement est hors-champ. Pour vous dire le fond de ma pensée, je pense que le Gouvernement n’a pas fait le bon choix en introduisant cette notion. A priori, il n’y avait aucune raison à cela.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Alors, enlevons-la !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. En revanche, à partir du moment où le Gouvernement a fait ce choix, en déposant ces amendements identiques, vous travaillez en creux...

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. ...et risquez de porter atteinte à ce que Mme David appelait tout à l’heure l’équilibre de notre système d’enseignement. Notre collègue affirmait d’ailleurs qu’il ne fallait pas toucher à l’enseignement en France, que tout allait bien, qu’il n’avait besoin de rien.

Mme Annie David. Je n’ai pas dit cela !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. L’adoption de ces amendements permettrait de revenir sur l’existant, c'est-à-dire sur un équilibre extrêmement fragile.

Je n’approuve pas forcément l’introduction de cette notion dans le texte, parce que l’enseignement était hors du champ de la directive, mais je suis tout aussi contre l’adoption de ces deux amendements identiques, sur lesquels je confirme l’avis défavorable de la commission.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 19 et 39.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements identiques.

L'amendement n° 9 rectifié bis est présenté par Mmes Hummel, G. Gautier, Kammermann, Lamure, Payet, Debré et Bout, M. Gournac et Mmes Procaccia, Desmarescaux et Sittler.

L'amendement n° 20 est présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 40 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le dernier alinéa de cet article.

La parole est à Mme Christiane Hummel, pour présenter l’amendement n° 9 rectifié bis.

Mme Christiane Hummel. Le présent amendement a pour objet de supprimer le dernier alinéa de l’article 2, dont je rappelle les termes : « Le contenu des médias et de la publicité n’est pas considéré comme un accès aux biens et services ni comme une fourniture de biens et services » au sens de la loi.

Le sens et la portée de cette disposition ne nous paraissent pas clairs, et le président de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, nous a d’ailleurs avoué, au cours de son audition, le 25 mars dernier, qu’il partageait notre perplexité.

Certes, cette disposition ne fait apparemment que démarquer l’article 3 de la directive 2004/113/CE qui, définissant son champ d’application, indique qu’elle ne s’applique « ni au contenu des médias et de la publicité ni à l’éducation ».

Fallait-il reprendre cette formule dans la loi française et, surtout, fallait-il la reprendre mot à mot ? Je note, tout d’abord, que la transposition de cette disposition ne nous est imposée, du moins actuellement, par aucune mise en demeure de la Commission européenne. Peut-être disposons-nous donc, en ce domaine, d’une marge de manœuvre que nous aurions tort de ne pas exploiter.

Le Gouvernement semble en être lui-même convaincu, et je remarque qu’il n’a pas réservé le même traitement, dans son exercice de transposition, à l’éducation, d’une part, et au contenu des médias et de la publicité, d’autre part, notions qui sont pourtant englobées par la directive dans une même formule. En effet, il ne s’est pas contenté de répéter littéralement dans le projet de loi que « l’éducation n’est pas considérée comme un bien ou service », mais il s’est efforcé de trouver à cette exception une traduction mieux circonscrite, en précisant que l’interdiction du principe de la discrimination en ce domaine ne faisait pas obstacle « à l’organisation d’enseignements par regroupement des élèves en fonction de leur sexe. » Cette formulation plus précise est, pour nous, moins choquante, même si elle appelle de notre part les réserves que j’ai exprimées.

Pourquoi n’avoir pas fait bénéficier l’exception relative aux médias et à la publicité d’un même effort d’adaptation à notre droit ? La formulation retenue par le projet de loi est si vague et si générale qu’elle nous paraît dangereuse. Devons-nous comprendre, madame la secrétaire d’État, qu’elle tend à dispenser purement et simplement les médias et la publicité de toute obligation en matière de lutte contre les discriminations fondées sur le sexe des personnes ? Pourrait-elle donc avoir pour effet d’autoriser des représentations discriminatoires de la femme, voire de l’homme, dans les médias ou dans la publicité ?

Nous souhaitons obtenir des éclaircissements sur ces points qui nous paraissent graves et nous ne pouvons qu’être hostiles à une disposition qui prend le contre-pied des conclusions auxquelles ont abouti nos récents travaux sur l’image de la femme dans les médias, travaux dans le prolongement desquels s’inscrit la réflexion confiée par le Gouvernement à la commission présidée par Mme Michèle Reiser.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Deux poids, deux mesures !

Mme Christiane Hummel. Alors qu’aucune urgence ne s’attache à la transposition de cette disposition, nous pensons qu’il conviendrait d’attendre les conclusions de la commission précitée pour mieux cibler les mesures dérogatoires adaptées à ces services, certes d’un genre particulier, que sont la publicité et les médias. Car si la liberté d’expression peut justifier, jusqu’à un certain point, un traitement dérogatoire, nous croyons et affirmons que ce principe ne doit pas nous conduire à en oublier d’autres, de valeur constitutionnelle.

Nous avons évoqué tout à l’heure la dignité des personnes âgées, des personnes malades ou handicapées. Il faut tout simplement sauvegarder la dignité de la personne humaine et le principe de l’égalité de traitement entre les femmes et les hommes.

M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier, pour présenter l'amendement n° 20.

Mme Jacqueline Alquier. La Haute Assemblée semble unanime pour vouloir supprimer cet alinéa que rien ne justifie. En effet, la directive ne contient pas une telle disposition. Il s’agit d’un texte imprécis, dangereux, qui recèle des possibilités de représentations discriminatoires et sans doute peu flatteuses de la femme dans la publicité et les médias.

Plusieurs publicités ont déjà fâcheusement attiré l’attention par leur mauvais goût et leur caractère proche de la pornographie. Il n’y a pas lieu d’ouvrir dans notre droit une brèche qui permettrait qu’une telle situation perdure.

Le fait que des intérêts commerciaux et financiers importants soient en jeu et fassent pression doit au contraire nous alerter et nous conduire à la plus grande vigilance pour protéger l’intérêt général.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 40.

Mme Annie David. Bien que cet amendement soit identique aux deux précédents, je vais le défendre, parce que, n’appartenant pas au même groupe que mes deux collègues, je parle d’une voix différente et j’exprime ici l’opinion d’un grand nombre de personnes.

Madame la secrétaire d’État, l’examen de l’avant-dernier alinéa de l’article 2 n’avait pas manqué de m’interpeller quant à l’intention réelle de votre gouvernement, et j’ai été saisie d’une grande colère quand j’ai compris l’objectif non avoué. Cette colère a été décuplée tout à l’heure par le revirement de la commission des affaires sociales et par le rejet des deux amendements identiques.

Autant vous dire d’emblée que le dernier alinéa du même article n’est pas mieux. Il prévoit en effet d’exclure le contenu des médias et des publicités des domaines affectés par cet article, à savoir l’interdiction de toute discrimination fondée sur le sexe. L’industrie des médias pourrait donc continuer à discriminer à loisir les femmes, trop grosses, trop vieilles, trop maigres, à les humilier, à les placer dans des situations dégradantes, offensantes, à porter atteinte à leur dignité pour de l’argent ! Autrement dit, les médias et la publicité seraient une zone de non-droit au regard de la législation relative à la lutte contre les discriminations.

Cet alinéa me met également très en colère, et pour plusieurs raisons. Madame la secrétaire d’État, vous balayez d’un revers de main le rapport rendu sur ce thème l’an dernier par Mme Gautier, au nom de la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes, dont l’avant-propos est intitulé « L’image de la femme dans les médias et plus particulièrement dans la publicité : des atteintes persistantes à la dignité de la personne humaine et des représentations souvent stéréotypées. » L’une de ses sept recommandations est d’« accroître les moyens d’actions des associations de défense des droits des femmes en matière de lutte contre la publicité sexiste ». Ce rapport a mis en évidence des situations inacceptables contre lesquelles nous ne pourrons pas lutter si le Sénat adopte ce texte en l’état.

Comme nous le savons toutes et tous, le rôle des médias et de la publicité, dans une logique purement commerciale, consiste à accroître les bénéfices des sociétés pour lesquelles ils travaillent, de provoquer l’accroche, et certainement pas d’élever les consciences. Qui n’a jamais croisé de publicité dans laquelle une femme, à moitié nue, est réduite à jouer, au choix, le rôle d’esclave sexuelle ou de femme soumise ? Qui n’a jamais vu de publicité, dans le métro, aux arrêts de bus, dans laquelle une femme est réduite à un corps, magnifique de préférence, plutôt qu’à une tête ? Et encore cette femme n’aurait-elle pas à se plaindre par rapport à telle autre qui serait réduite à une seule partie de son anatomie, ses jambes, ses fesses ou sa poitrine, bref, une femme objet ! Or, réduire les femmes à un rôle utilitaire, qu’il soit sexuel ou « ménager » –  sur ce sujet, il y aurait encore de quoi dire –, participe directement au machisme ambiant de notre société.

L’association La Meute dénonçait d’ailleurs déjà en 2002 l’argument esthétique utilisé par bon nombre de publicitaires pour justifier le recours à des femmes objets. Il me semble important de citer ses propos, anciens, certes, mais, malheureusement, toujours de grande actualité: « Si une publicité sexiste semble belle, elle n’en est que plus efficace, mais la beauté n’est pas son but. Il ne s’agit pas d’art, et, s’il est invoqué, c’est comme alibi. La publicité relève du commerce : il s’agit de vendre un objet, de faire connaître un nom. D’ailleurs, si la publicité n’avait aucun impact, pourquoi des entreprises dépenseraient-elles autant d’énergie et d’argent ? ». Tout est dit, je crois.

Une chose cependant reste à préciser. Le dernier alinéa de l’article 2 est en total décalage avec les évolutions de notre société. Le Bureau de vérification de la publicité, le BVP, qui, en 2007, a rendu son rapport d’activité pour l’année précédente, révélait un paradoxe : une baisse notable de la publicité litigieuse, mais des publicités toujours plus provocantes autour de la construction appelée « porno chic », qui ressemble plus, en fait, à du « porno choc ».

Alors que la logique voudrait que l’on renforce les pouvoirs du BVP – une autre des recommandations du rapport de la délégation –, en faisant en sorte, notamment, que son contrôle soit a priori et non a posteriori, en rendant ses avis obligatoires et incontournables, et également publics, vous nous proposez, au contraire, une disposition rétrograde, qui limite considérablement l’intérêt de cette transposition.

Nous savons pourtant tous, dans cette enceinte, que les premiers à être marqués dans leur imaginaire par la télévision –  premier vecteur médiatique – et par les affiches sont précisément les plus jeunes. Là encore, le rapport préconisait de prévoir « dans les programmes scolaires une sensibilisation aux stéréotypes véhiculés par les médias sur les rôles respectifs des femmes et des hommes ».

Parce que nos jeunes sont l’avenir de notre pays, nous nous devons de leur offrir un autre schéma, débarrassé des stéréotypes sexués. De telles évolutions ont eu lieu au Canada et en Suède où, sous la pression des consommateurs, les publicitaires ont dû réviser leurs méthodes de communication.

Avec l’alinéa en question, vous passez un grand coup de torchon sur toutes les études que nous avons pu réaliser sur ce sujet, faisant fi du travail parlementaire accompli, de notre implication sur ce thème bien connu et dont il n’est plus à prouver qu’il concerne l’un des secteurs les plus discriminants, peut-être même aussi discriminant que le domaine politique !