M. le président. La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat, pour explication de vote.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous avons toutes les raisons, me semble-t-il, de soutenir le sous-amendement n° 53.

Bien que l’amendement n° 8 soit tout à fait louable, je dois dire que la question n’avait malheureusement pas été traitée lors de l’examen de la proposition de loi portant réforme de la prescription en matière civile.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C’était regrettable de plusieurs points de vue. Pour ma part, je m’étais abstenue, en raison de cette prescription quinquennale et du refus de prendre en considération l’indemnisation des victimes de l’amiante. En définitive, j’aurais mieux fait de voter contre ! Cela dit, il est vrai que la question n’avait pas été soulevée, que ce soit par moi-même ou par d’autres.

Il faut bien noter que la jurisprudence établissait une exception à la prescription quinquennale en matière de salaires.

M. Laurent Béteille. Cela ne change rien !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Par conséquent, conservons cette exception, pour les raisons énoncées par M. Béteille lui-même !

Bien sûr, l’amendement n° 8 vise à préciser que la prescription ne court qu’à partir du moment où les faits sont connus. Malheureusement, le flou concernant la connaissance des faits et la possible contestation de la non-connaissance des faits par l’employeur risquent de rendre cette disposition complètement inopérante.

Par ailleurs, les salariés, qui ont justement conquis certains droits, grâce aux prud’hommes et à la consécration par la Cour de cassation de la prescription trentenaire, laquelle, je le rappelle, est une exception à la prescription quinquennale pour les salaires, nous ont fait remarquer, peut-être tardivement, mais ils l’ont tout de même fait, et ce à juste titre, que, très souvent, c’est en fin de carrière ou de mandat syndical, c’est-à-dire quand ils se sentent en capacité de faire valoir leurs discriminations, qu’ils engagent une action. C’est ainsi. Cette observation pourrait nous faire réfléchir sur les rapports dans l’entreprise, mais nous ne sommes pas là pour traiter des rapports entre les salariés et les patrons !

Nous devons donc soutenir le sous-amendement n° 53, car il est juste de traiter de cette question dans le cadre du présent projet de loi. En effet, il serait très regrettable que nous ayons parlé de discrimination, et ce jusque fort tard dans la nuit, sans avoir au moins corrigé l’erreur de la commission des lois, qui n’a pas tenu compte de la jurisprudence existante en la matière.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Hyest, pour explication de vote.

M. Jean-Jacques Hyest. Je suis désolé de vous le dire, madame Borvo Cohen-Seat : il ne s’agissait pas du tout d’une erreur. Nous avions tout à fait conscience de ce que nous faisions. L’objectif était effectivement de réduire le délai de droit commun de la prescription à cinq ans et de le faire courir à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.

Il s’agissait d’une réduction volontaire de la durée de prescription, ce qui correspond à la tendance générale du droit européen.

Nous avons tenu compte exactement de la jurisprudence de la Cour de cassation. D’ailleurs, je vous renvoie aux travaux du président de la chambre sociale, qui avait abouti aux mêmes conclusions que nous.

Pourquoi avons-nous employé le terme « révélation » dans le domaine des discriminations au travail ? Il s’agit d’indiquer que le délai de cinq ans pour agir en justice court à compter du moment où la discrimination a été révélée. Si une discrimination a duré vingt ans, trente ans, voire trente-cinq ans, c’est sa révélation qui compte, moment à partir duquel la victime dispose d’un délai de cinq ans pour agir.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Bien sûr !

M. Jean-Jacques Hyest. L’autre branche de l’alternative consisterait à retenir un délai de trente ans à compter de la commission des faits. Elle me paraît moins bonne.

Mieux vaut qu’une personne qui aurait été victime de discrimination et aurait quitté l’entreprise, par exemple à la suite d’un départ à la retraite ou, malheureusement, d’un licenciement, dispose d’un délai de cinq ans à compter de la révélation de la discrimination pour constituer un dossier et assigner son ancien employeur en justice. Une fois l’assignation effectuée, la victime pourra encore alimenter le dossier en apportant notamment des preuves et des témoignages.

C’est pourquoi je suis convaincu que l’option de précision que nous avons apportée dans le droit du travail en matière de discrimination est plus pertinente que celle consistant à prévoir un délai de trente ans.

Cela étant, on le sait très bien, plus on avance dans le temps, plus on s’éloigne de la date des faits et plus il est difficile de prouver ces derniers. La tendance à la réduction des délais correspond à un mouvement général, et les éminents spécialistes auxquels la Chancellerie avait fait appel pour la réforme du code civil préconisaient sur ce point, dans leur avant-projet, un délai de trois ans.

Pour notre part, nous avons estimé que le délai de cinq ans était plus équilibré, d’autant qu’il correspond au délai de prescription en matière de salaires.

Quant à la réparation du préjudice causé par la discrimination, elle doit être intégrale. L’amendement le précise, mais cela n’était sans doute pas nécessaire.

Je répète ma position sur la question : la proposition de loi a été votée à la quasi-unanimité par le Sénat le 21 novembre 2007, avec l’avis favorable du Gouvernement. Or, si l’Assemblée nationale avait bien voulu examiner le texte dans les huit jours, je ne vous aurais pas proposé cet amendement. Mais, sachant que nous sommes déjà au mois d’avril et que, depuis novembre, l’Assemblée nationale n’a toujours pas discuté de ce texte, je considère que, compte tenu de l’émotion qui a été suscitée et du mauvais sort fait aux travaux du Sénat, ce dernier doit rétablir lui-même ce qui était sa volonté.

M. le président. Je mets aux voix le sous-amendement n° 53.

(Le sous-amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 8.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 4.

Article additionnel après l’article 4
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Article 5

Article additionnel avant l'article 5

M. le président. L'amendement n° 5, présenté par Mme Dini, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Avant l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. - Le dernier alinéa de l'article L. 123-1 du code du travail est supprimé.

II. - En conséquence, le second alinéa de l'article L. 1142-2 du code du travail, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2007-329 du 12 mars 2007 relative au code du travail (partie législative), est supprimé.

La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement vise à supprimer la liste des professions qui ne sont pas soumises au régime d’interdiction des discriminations fondées sur le sexe.

L’article L. 123-1 du code du travail dispose que, « sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si l’appartenance à l’un ou l’autre sexe est la condition déterminante de l’exercice d’un emploi ou d’une activité professionnelle », les discriminations liées au sexe sont interdites.

L’article prévoit par ailleurs qu’« un décret en Conseil d’État détermine, après avis des organisations d’employeurs et de salariés les plus représentatives au niveau national, la liste des emplois et des activités professionnelles pour l’exercice desquels l’appartenance à l’un ou l’autre sexe constitue la condition déterminante. Cette liste est révisée périodiquement dans les mêmes formes ».

Or, comme le souligne la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, le principe d’une liste énumérant de manière exhaustive les professions pour lesquelles une discrimination liée au sexe est légitime est inopérant, car impossible techniquement à mettre en pratique.

Faisant suite à une recommandation de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes, la commission vous propose donc de supprimer cette liste.

La protection des femmes n’en sera pas pour autant moins assurée, grâce à la nouvelle rédaction de l’article L. 123-1 adoptée par l’Assemblée nationale et prévoyant que les discriminations fondées sur le sexe sont interdites, sauf si elles répondent « à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ».

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. L’article L. 123-1 du code du travail, dans sa rédaction actuelle, énonce que certaines différences entre sexes peuvent être autorisées « si l’appartenance à l’un ou l’autre sexe est la condition déterminante de l’exercice d’un emploi » et qu’un décret en Conseil d’État détermine la liste des professions pour lesquelles ces critères sont satisfaits.

Le projet de loi prévoit d’ajouter, conformément au droit européen, une condition selon laquelle une telle différence doit résulter d’« une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ».

Le dernier alinéa de l’article L. 123-1 du code du travail offre une protection supplémentaire en limitant l’utilisation d’une telle dérogation à certaines professions seulement, limitativement énumérées dans un décret en Conseil d’État.

Sa suppression risquerait d’être analysée comme une régression, car il appartiendrait aux employeurs, sous le contrôle du juge, de décider quel emploi peut faire l’objet d’un recrutement exclusif d’hommes ou de femmes.

De plus, la liste des professions concernées est dressée par les partenaires sociaux et révisée périodiquement. Si une lacune devait se faire jour, le décret pourrait être révisé à la demande des partenaires sociaux.

Par conséquent, le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 5.

M. le président. Madame le rapporteur, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. Cet amendement me semblait raisonnable et aurait à mon avis rendu les choses plus faciles à vivre pour les victimes. Mais nous verrons ce qu’il en sera à l’usage. En attendant, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L’amendement n° 5 est retiré.

Article additionnel avant l'article 5
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Article additionnel après l'article 5

Article 5

I. - Les articles 1er à 4 et 8 à 11  s'appliquent à toutes les personnes publiques ou privées, y compris celles exerçant une activité professionnelle indépendante.

II. - Ils s'entendent sans préjudice des dispositions et conditions relatives à l'admission et au séjour des ressortissants des pays non membres de l'Union européenne et des apatrides. – (Adopté.)

Article 5
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Article 6

Article additionnel après l'article 5

M. le président. L'amendement n° 23, présenté par Mmes Khiari et Alquier, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Après l'article 5, insérer un article additionnel ainsi rédigé

L'article 11 de la loi n° 77-2 du 3 janvier 1977 sur l'architecture est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Les personnes physiques ressortissantes des États non membres de l'Union européenne sont inscrites à leur demande sur un tableau régional, sous les mêmes conditions de diplôme, certificat, titre d'architecte ou de qualification, de jouissance des droits civils et de moralité que les citoyens français, si elles sont titulaires du diplôme d'État français d'architecture et titulaires de l'habilitation d'architecte diplômé d'État à l'exercice de la maîtrise d'œuvre en son nom propre délivré par l'État. »

La parole est à Mme Bariza Khiari.

Mme Bariza Khiari. Cet amendement s’inscrit dans une réflexion plus générale sur les emplois dits « fermés ». Près de 30 % des emplois en France ne sont pas accessibles aux ressortissants étrangers non communautaires. Ces emplois fermés, qui représentent près de 600 000 emplois dans le secteur privé, constituent une forme autant massive que légale de discrimination.

Comme je l’ai dit lors de la discussion générale, les fondements de ces restrictions législatives et réglementaires sont historiquement datés et connotés, économiquement obsolètes et moralement condamnables. Surtout, ces discriminations légales tendent à donner, par effet de système, une légitimité sociale aux discriminations illégales. L’heure est venue de mettre fin à ces obstacles réglementaires, sans naturellement revenir sur les conditions de diplômes exigées pour chaque profession.

C’est pourquoi cet amendement vise à permettre aux étudiants étrangers extracommunautaires ayant obtenu leur diplôme d’architecture en France de s’inscrire, sans autre procédure dérogatoire, à l’ordre des architectes.

La profession d’architecte, à l’instar de toutes les autres professions libérales, est une profession réglementée où la condition de nationalité et de citoyenneté européennes prévaut sur la condition de nationalité de diplôme.

Dès lors, un étudiant étranger ayant obtenu son diplôme en France ainsi que son habilitation peut s’inscrire à l’Ordre par voie dérogatoire. Une fois l’ordre des architectes saisi, celui-ci transmet la demande au ministère de la culture, qui la transmet à son tour au ministère des affaires étrangères, et le retour se fait dans l’autre sens.

Cette procédure dérogatoire concerne plus d’une centaine de dossiers par an. D’après les informations données par l’ordre des architectes, cette procédure n’a jamais rencontré de refus. Rien ne s’oppose aujourd’hui à ce que la condition de nationalité du diplôme prévale sur celle de la citoyenneté. Cette inversion serait d’ailleurs conforme aux valeurs méritocratiques et de justice sociale de la République.

Je tiens à ajouter que, dans le cadre d’une réflexion globale sur les emplois fermés, j’ai eu l’occasion d’auditionner les représentants de l’ordre des architectes. Ces derniers sont partisans d’une telle réforme, qui supprimerait une procédure administrative inutile et discriminatoire, tout en préservant la qualité du diplôme d’architecte.

À l’heure où nous souhaitons faire des économies, cet amendement nous en offre l’occasion.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission s’en remet à l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable.

L’amendement n° 23 aborde la question de l’accès des ressortissants de pays non membres de l’Union européenne aux emplois réglementés.

Or le projet de loi qui vous est soumis ne traite pas de la question des discriminations en raison de la nationalité en matière d’emploi pour la bonne et simple raison que celle-ci est expressément exclue du champ d’application des directives que nous transposons ; je vous invite à vous reporter à cet égard à l’article 3 de la directive 2000-43 et à l’article 3 de la directive 2000-78.

En outre, cette question ne saurait être abordée de manière satisfaisante au travers du cas particulier des architectes. Elle doit faire l’objet d’un traitement global et être posée pour l’ensemble des professions réglementées.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Article additionnel après l'article 5
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Article 7

Article 6

Le code du travail est ainsi modifié :

1° Dans le premier alinéa de l'article L. 122-45, après les mots : « directe ou indirecte, », sont insérés les mots : « telle que définie à l'article 1er de la loi n°          du                    portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, » ;

2° Après le troisième alinéa du même article, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Ces dispositions ne font pas obstacle aux différences de traitement, lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée. » ;

3° Le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 est ainsi rédigé :

« Les différences de traitement fondées sur l'âge ne constituent pas une discrimination lorsqu'elles sont objectivement et raisonnablement justifiées par un but légitime, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi, et lorsque les moyens de réaliser ce but sont nécessaires et appropriés. » ;

3° bis Après l'article L. 122-45-5, il est inséré un article L. 122-45-6 ainsi rédigé :

« Art. L.  122-45-6. - Le texte des articles L. 122-45 à L. 122-45-5 et du présent article est affiché dans les lieux de travail ainsi que dans les locaux ou à la porte des locaux où se fait l'embauche.

« Il en est de même pour les textes pris pour l'application desdits articles.

« Il en est de même pour le texte des articles 1er à 5 de la loi n°          du                    portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations. » ;

3° ter Le premier alinéa de l'article L. 123-1 est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions particulières du présent code et sauf si ces mesures répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée, nul ne peut : » ;

4° L'article L. 411-5 est ainsi rédigé :

« Art. L. 411-5. - Tout salarié peut librement adhérer au syndicat professionnel de son choix et ne peut être écarté pour l'un des motifs visés à l'article L. 122-45. »

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 54, présenté par Mme Dini, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 3° de cet article, supprimer les mots :

, notamment par le souci de préserver la santé ou la sécurité des travailleurs, de favoriser leur insertion professionnelle, d'assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d'emploi,

La parole est à Mme Muguette Dini, rapporteur.

Mme Muguette Dini, rapporteur. La rédaction proposée par le projet de loi pour l’article L. 122-45-3 du code du travail est inutilement lourde : elle précise dans l’article ce que l’on peut entendre par « but légitime » sans renforcer la protection des travailleurs contre les discriminations. Il serait préférable de supprimer cette partie afin que l’article soit plus clair tout en étant aussi protecteur.

M. le président. L'amendement n° 24, présenté par Mmes Alquier et Khiari, MM. Madec et Michel, Mme Demontès, M. C. Gautier et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 3° de cet article, remplacer les mots :

notamment par le souci de

par les mots :

visant à

La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Cet alinéa du projet de loi dispose que « les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles sont […] justifiées par un but légitime ».

Le texte énumère ensuite les objectifs visés : « préserver la santé ou la sécurité des travailleurs », « favoriser leur insertion professionnelle », « assurer leur emploi, leur reclassement ou leur indemnisation en cas de perte d’emploi ».

L’ensemble de ces objectifs va en effet dans le sens de l’intérêt des travailleurs. Toutefois, la mention « notamment », qui précède l’énumération, permet d’introduire d’autres objectifs qui n’auraient pas nécessairement pour finalité réelle de préserver l’intérêt des travailleurs.

On peut imaginer l’introduction de dispositions qui, dans le contexte actuel, auraient pour finalité d’obliger les travailleurs âgés à poursuivre leur activité professionnelle en contrat précaire, malgré un état de santé lui aussi précaire à la suite de l’exercice d’un métier pénible. Mais la pénibilité ne peut exister puisque le patronat ne veut pas la reconnaître.

On peut aussi imaginer des dispositions comme le SMIC jeune de M. Balladur ou le contrat première embauche. De telles dispositions n’ont rien à voir avec l’intérêt des travailleurs, mais beaucoup à voir avec celui des employeurs.

Il est donc primordial que le texte soit précisé et que la liste des buts légitimes soit limitative afin que des objectifs nouveaux, éventuellement contraires à l’intérêt des travailleurs, ne puissent y être introduits.

M. le président. L'amendement n° 42, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le second alinéa du 3° de cet article, après les mots :

notamment par

insérer les mots :

des objectifs de politique de l'emploi,

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement tend à modifier la rédaction du 3° de l’article 6, alinéa qui vise à réécrire le premier alinéa de l’article L. 122-45-3 du code du travail.

La rédaction envisagée par le Gouvernement ne porte que sur les discriminations « négatives » des salariés, notamment en leur interdisant l’accès à l’emploi sous le prétexte de protéger leur santé.

Elle aurait pour second effet de supprimer la référence passée aux objectifs des politiques de l’emploi.

Il nous paraît important de réintégrer cette disposition, qui permet de protéger davantage les salariés âgés tout en ne privant pas les pouvoirs publics de la possibilité d’adopter des mesures de protection supplémentaires, à l’image de la contribution Delalande, par exemple.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Muguette Dini, rapporteur. La commission demande le retrait de l’amendement n° 24 et s’en remet à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 42.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Nadine Morano, secrétaire d'État. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur l’amendement n° 54, considérant que la formulation du projet de loi est plus précise et plus proche du texte de la directive 2000/78.

Il est également défavorable aux amendements nos 24 et 42

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des affaires sociales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Je déposerai un jour un amendement visant à interdire l’utilisation de l’adverbe « notamment » dans les textes de loi.

Même si le texte en vigueur comportait certaines dispositions stupides, est-il pour autant nécessaire de persévérer en employant l’adverbe « notamment » suivi de deux ou trois points ? Pourquoi pas un quatrième et un cinquième points ? Les différences de traitement fondées sur l’âge ne constituent pas une discrimination lorsqu’elles reposent sur des motifs légitimes. Pourquoi donc introduire une liste de motifs au moyen de l’adverbe « notamment » ? Cela signifie-t-il que, ne pouvant tous les envisager, le législateur s’en remet au juge ? Voilà pourquoi la commission a souhaité, par l’amendement n° 54, supprimer cette liste de motifs, qui ne présente absolument aucun intérêt.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 54.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 24 et 42 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 41, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après le 3° de cet article, insérer deux alinéas ainsi rédigés :

...° Après le premier alinéa de l'article L. 122-45-3 du code du travail, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« Les différences de traitement à raison de l'âge prises sur le fondement de la santé ou de la sécurité des travailleurs doivent être exercées sous le contrôle des services de la médecine du travail. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. La rédaction proposée par le projet de loi pour le premier alinéa de l’article L. 122-45-3 permettra d’excuser par avance la discrimination à l’embauche de ce qu’il est convenu d’appeler pudiquement aujourd’hui les seniors !

En effet, si nous adoptions cet article sans modification, nous autoriserions un employeur à opérer une discrimination à l’égard d’un salarié candidat à l’embauche en raison de son âge. Bien sûr, l’employeur le ferait au nom de l’intérêt du candidat à l’embauche, justifiant sa décision par le souci de préserver la santé de ce dernier.

Nous ne sommes pas habitués à une telle bienveillance du patronat, qui, voilà peu de temps encore, n’hésitait pas à exposer les salariés aux pires polluants et à l’amiante pour accroître ses bénéfices !

Et si rien ne vous heurte dans cette disposition, mes chers collègues, tel n’est pas mon cas. Si l’on parle de santé et de protection de la santé du candidat à l’embauche, nous devons nécessairement nous poser la question de l’évaluation. Qui décidera si la santé d’un salarié âgé le rend apte à occuper le poste auquel il est candidat ?

En l’absence de précision, on devine que cette mission incombera à l’employeur ou au service des ressources humaines. Mais sur quel fondement ? L’apparence physique ? Pis, la réponse à un questionnaire de santé, digne de ceux qui sont exigés par les assureurs ?

Cet article vise une même logique : dans la loi de financement de la sécurité sociale pour 2008, vous avez autorisé le médecin de l’employeur à vérifier le bien-fondé de la maladie du salarié et à faire connaître son analyse à la sécurité sociale, qui peut ainsi décider de suspendre ou non les indemnités journalières.

Avec cet article, vous franchissez une nouvelle étape, faisant de l’employeur un médecin capable de jauger l’état de santé du candidat.

Il est également fait référence à la notion de « but nécessaire et approprié ». Mais, là encore, à qui appartiendra-t-il de définir précisément ce but nécessaire et approprié ? À une commission spécifique ? Sera-t-elle indépendante de l’employeur et de la hiérarchie ?

Madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, vous ne pouvez ignorer cette inquiétude ! La HALDE, dont tout le monde, dans cet hémicycle, s’accorde à vanter les mérites, a souhaité, dans son tableau comparatif commenté du projet de loi, que cette notion pour le moins abstraite de « but nécessaire et approprié » soit précisée.

Si notre amendement n° 41 n’est pas parfait, il ne permet en tout cas pas de justifier la discrimination à l’emploi des seniors au nom d’un motif apparemment généreux ! En outre, il s’inspire de l’avis du collège de la HALDE en date du mois de novembre 2007, avis relatif au projet de loi que nous examinons aujourd’hui et que mon groupe a d’ailleurs eu bien du mal à se procurer.

Et que dit cet avis ? Ni plus ni moins ce que nous vous proposons. Je ne résiste pas au plaisir de vous donner lecture du point numéro 20 : « La Haute autorité renouvelle son souhait que les différences de traitement fondées sur l’âge ne soient autorisées que sous réserve de la proportionnalité et de la nécessité de leur mise en œuvre. À cet égard, la Haute autorité rappelle que la sécurité des travailleurs est placée sous le contrôle de la médecine du travail. C’est pourquoi des différences de traitement à raison de l’âge, prises sur le fondement de la sécurité des travailleurs, ne pourraient être nécessaires et proportionnées que si elles sont adoptées sous le contrôle de la médecine du travail. »

Madame la secrétaire d’État, le Gouvernement prétend vouloir accroître la lutte contre le chômage des seniors. Pourtant, dès que vous en avez la possibilité, vous permettez la discrimination des salariés les plus âgés, soit en supprimant la contribution Delalande, soit, comme c’est ici le cas, en opérant une discrimination à leur égard dès la candidature d’embauche.

Si vous avez réellement à cœur de protéger la santé des travailleurs, mes chers collègues, alors adoptez cet amendement, qui dispose qu’il appartient à la médecine du travail de statuer sur la compétence physique du candidat.

Voilà la seule sécurité acceptable en matière de santé au travail. Là encore, lorsque l’on prétend lutter contre les discriminations, encore faut-il aller jusqu’au bout !