M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, il vous faut, à vous, apprendre à être discipliné ! Vous êtes au Sénat, ici !

M. Charles Revet. C'est à M. Signé qu'il faut dire cela !

M. le président. Cela vaut pour tout le monde !

réflexion sur les réformes des collectivités locales

M. le président. La parole est à M. Philippe Nogrix.

M. Philippe Nogrix. Ma question s'adresse à M. le secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales.

Le Président de la République a présenté mardi, à Cahors, une réforme de l'administration territoriale qui aborde plusieurs domaines.

Tout d'abord, elle vise à une meilleure clarification des compétences entre l'État et les collectivités locales et entre les différentes collectivités.

Cet effort de clarification est indispensable pour permettre une meilleure coordination et donc une plus grande efficacité des politiques publiques.

Toutefois, si nous sommes tous d'accord sur cette clarification, je souhaite insister sur la difficulté pour les élus locaux de mener à bien leur mission quand l'exécutif multiplie les annonces dans des secteurs de compétences qui sont désormais dévolus aux collectivités locales.

M. Jean-Pierre Sueur. Ça, c'est vrai !

M. Philippe Nogrix. Il ne pourra y avoir de véritable clarification des compétences sans une meilleure concertation entre l'État et les représentants des collectivités.

Le Président de la République a également annoncé que les concours de l'État aux collectivités n'augmenteraient pas plus vite que les dépenses que le Gouvernement consacre aux politiques concernées. Nous comprenons bien que la situation financière de l'État ne permet pas de miracles. Toutefois, est-il bien nécessaire de le rappeler, l'État n'a pas rempli ses obligations en matière de compensation des compétences transférées, contrairement à ce que la loi relative aux libertés et responsabilités locales prévoyait. (C'est bien vrai ! sur les travées socialistes.)

Comment se feront les rattrapages ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Il n'y en a pas !

M. Philippe Nogrix. C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'État, nous souhaitons savoir si ces annonces auront un effet sur le cadre général des transferts aux collectivités locales dès le projet de loi de finances pour 2009.

Par ailleurs, si nous sommes favorables à la clarification des compétences, nous estimons qu'elle doit aller de pair avec une clarification, voire une refonte de la fiscalité locale.

M. Robert Hue. Le serpent de mer !

M. Philippe Nogrix. Une remise à plat de la fiscalité locale est-elle prévue ?

Enfin, le Président de la République a annoncé une nouvelle organisation de l'État autour de huit directions régionales. Les préfets auront un rôle crucial à jouer, notamment dans la réforme de la carte hospitalière et dans la réforme de la carte militaire. Dans ce cadre, l'État prendra-t-il le soin de préparer les reconversions nécessaires pour remédier aux disparitions d'emplois ? Dans les entreprises, je vous le rappelle, tout licenciement massif est accompagné d'un plan social. Le Gouvernement prévoira-t-il une démarche similaire ?

M. Philippe Nogrix. Je souhaiterais savoir, monsieur le secrétaire d'État, comment les élus seront associés à cette démarche.

Sans porter de jugement de valeur sur la réforme de la carte judiciaire, il me semble important de ne pas répéter les mêmes erreurs et de privilégier la concertation avec les acteurs locaux, au premier chef les élus. C'est une question de reconnaissance, de respect et d'efficacité. (Applaudissements sur les travées de l'UC-UDF et du RDSE, ainsi que sur plusieurs travées du groupe socialiste. -  M. Adrien Gouteyron applaudit également.)

M. André Rouvière. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur. C'est intéressant !

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Alain Marleix, secrétaire d'État à l'intérieur et aux collectivités territoriales. Monsieur Nogrix, vous m'avez interrogé sur les différentes réflexions actuellement menées concernant l'avenir de nos collectivités territoriales.

Vous ne l'ignorez pas, la conférence nationale des exécutifs locaux se réunira dans une quinzaine de jours sous la présidence de M. le Premier ministre. Les grandes pistes de réflexion ont été définies avant-hier par le chef de l'État lors de son discours de Cahors, auquel vous avez fait allusion.

Si l'État donne aujourd'hui l'exemple de la réforme, il doit bien entendu, vous en conviendrez, être accompagné par l'ensemble des collectivités territoriales. C'est l'intérêt national.

Ce mouvement de réforme nécessite notamment une meilleure clarification des compétences entre, d'une part, l'État et les collectivités territoriales, et, d'autre part, entre les collectivités territoriales elles-mêmes, régions, départements, communes, établissements publics de coopération intercommunale. C'est essentiel pour que les choses se passent bien dans le futur et que l'on aille vers cette clarification souhaitée, me semble-t-il, de façon consensuelle.

Il est clair que, dès lors qu'une compétence a été transférée, il n'y a plus pour l'État matière à intervenir.

M. René-Pierre Signé. Et le financement ?

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Je rappellerai d'ailleurs ce principe aux différents ministères.

C'est le sens de la révision générale des politiques publiques, la RGPP, menée par le Gouvernement. D'ailleurs, l'excellent rapport de votre collègue M. Alain Lambert est un outil à partir duquel nous allons, tous ensemble, travailler.

Je vous rappelle également, monsieur le sénateur, que la commission consultative d'évaluation des normes, rattachée au Comité des finances locales, sera mise en place dès l'automne 2008. Elle aura justement pour objet d'évaluer l'incidence financière des normes réglementaires susceptibles de s'imposer aux collectivités territoriales, démarche d'ailleurs amorcée par mon excellent prédécesseur, ici présent, et que je salue. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. On se passe la brosse !

M. Robert Hue. C'est le tableau d'honneur !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. Comme il est aussi un compatriote d'Auvergne, j'ai double raison de le saluer ! (Sourires.)

Je partage également, monsieur le sénateur, votre point de vue en ce qui concerne la nécessaire refonte de la fiscalité locale, tout en soulignant l'extrême complexité ...

M. le président. Monsieur le secrétaire d'État, votre temps de parole est épuisé !

M. Alain Marleix, secrétaire d'État. ...de ce sujet sur lequel il est très difficile de dégager des consensus et de mesurer précisément l'impact des décisions. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

mouvement lycéen

M. le président. La parole est à Mme Brigitte Gonthier-Maurin.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Ma question s'adresse à monsieur le ministre de l'éducation nationale.

Monsieur le ministre, la mobilisation dans les établissements scolaires s'amplifie.

M. Paul Raoult. C'est important !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Aux manifestations et actions qui se succèdent la violence policière n'est pas la réponse qui convient.

Partout en France, des conseils d'établissement scolaire se sont prononcés contre la dotation horaire globale. La protestation monte également contre les nouveaux programmes du primaire. C'est la preuve que la méthode choisie d'annonces et de mesures en cascade, sans réflexion préalable concertée sur la globalité d'un projet pour l'école, a des limites.

Enseignants, lycéens, parents d'élèves découvrent les conséquences catastrophiques des 11 200 suppressions de postes et de vos mesures. Ils commencent à en percevoir la cohérence.

Vous supprimez des postes au nom de la baisse démographique. Du simple pragmatisme, dites-vous ! Mais comment comptez-vous assurer un enseignement de qualité aux jeunes de demain alors que la courbe démographique est déjà repartie à la hausse dans le premier degré...

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. ... et qu'il faut cinq ans pour former un enseignant ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est le cadet de leurs soucis !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Pas d'idéologie ? Mais supprimer des postes au nom de la seule logique comptable de réduction des dépenses publiques, n'est-ce pas justement de l'idéologie ?

Pragmatisme encore et non idéologie, sans doute, quand vous proposez aux enseignants de travailler plus pour gagner plus en faisant exploser les heures supplémentaires ? Du reste, jusqu'à présent, celles-ci n'ont pas remporté un franc succès et, fait nouveau, des enseignants commencent à s'engager collectivement et par écrit à ne pas les effectuer.

Comment, dès lors, pouvez-vous affirmer que ces suppressions de postes ne modifieront en rien l'offre éducative et ne seront qu'une « goutte d'eau » ?

Les enseignants, les chefs d'établissement, les directeurs d'école savent, eux, que, dès la rentrée prochaine, ils seront confrontés à un véritable casse-tête. Et cette austérité éducative ne va pas s'arrêter là !

M. Gérard Cornu. La question !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Si, comme le veut la révision générale des politiques publiques, on applique dès 2009 à l'éducation nationale le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux, ce sont 16 000 postes d'enseignant par an qui seront supprimés pendant cinq ans !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et que dire du récent audit de Bercy qui recommande 100 000 suppressions dans les trois ans à venir ?

M. Gérard Cornu. La question !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. J'y arrive, cher collègue !

M. le président. Rapidement, s'il vous plaît !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Destructions de postes, réforme du lycée, généralisation du bac pro en trois ans, programmes du primaire, école maternelle... Quand allez-vous dire la vérité aux Français ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Nous l'avons toujours dite !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Quand allez-vous leur dire que, derrière ces mesures, se dessine une réforme globale de l'école qui ne dit pas son nom, un projet profondément inégalitaire qui ne répondra pas au défi de l'élévation des connaissances. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC. - M. André Vallet applaudit également)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre de l'éducation nationale. Madame Gonthier-Maurin, si nous faisons l'effort de regarder objectivement ce qui s'est passé au cours de ces vingt dernières années, que constatons-nous ?

M. David Assouline. Les six dernières années suffisent pour nous éclairer !

M. Xavier Darcos, ministre. Durant cette période, le nombre d'enseignants et d'emplois publics a systématiquement été augmenté.

M. Gérard Cornu. Et pour quel résultat !

M. Xavier Darcos, ministre. Tandis que le premier degré perdait 200 000 élèves, 12 000 professeurs supplémentaires y ont été affectés. Et contrairement à ce que vous avez dit, nous augmenterons encore le nombre de professeurs du premier degré à la rentrée prochaine.

Quant au second degré, il a perdu 150 000 élèves ces trois dernières années et va en perdre 40 000 de plus à la rentrée prochaine.

Mmes Nicole Borvo Cohen-Seat et Annie David. Ce n'est pas vrai !

M. René-Pierre Signé. Alors, pourquoi les lycéens sont-ils dans la rue ?

M. Xavier Darcos, ministre. De ce point de vue, l'augmentation systématique des postes est-elle la seule réponse possible ? Je vous répondrais volontiers oui si les résultats étaient au rendez-vous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. David Assouline. C'est la première fois que vous le reconnaissez : vous voulez punir les enseignants !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. En augmentant les suppressions de postes !

M. Xavier Darcos, ministre. Toujours sur cette même période, les études comparatives internationales sur le niveau scolaire le montrent : la France a systématiquement reculé dans le classement mondial.

Plusieurs sénateurs de l'UMP. Mais si !

M. David Assouline. Vous voulez punir les professeurs et les étudiants !

M. Xavier Darcos, ministre. De même, nous n'avons pas non plus progressé dans le domaine de la justice sociale. Ce sont toujours les mêmes populations qui sont aujourd'hui en difficulté.

Autre constat : l'échec à l'université est tel qu'un étudiant sur deux, au bout de trois ans, n'a aucun diplôme.

Par conséquent, madame Gonthier-Maurin, nous ne pouvons affirmer, sauf à mentir, qu'une réponse purement quantitative est la seule solution aux problèmes de l'école. (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP. - M. Jean Arthuis applaudit également.)

Plusieurs sénateurs du groupe socialiste et du groupe CRC. Qui ment ?

M. Xavier Darcos, ministre. Si tel était le cas, nous serions aujourd'hui à la première place mondiale. Or nous en sommes bien loin !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Nous ne sommes pas non plus les derniers !

M. David Assouline. Osez dire que les professeurs ne sont pas bons ! Au fond, vous ne les aimez pas !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous leur ôtez tout moyen !

M. Xavier Darcos, ministre. La question de la justice sociale nous préoccupe autant que vous. C'est elle qui guide notre action.

M. Paul Raoult. Allons bon !

M. Jacques Mahéas. Vous supprimez les emplois-jeunes !

M. Xavier Darcos, ministre. Mais la justice sociale, c'est quoi ? Ajouter un professeur dans un lycée où il y en a déjà cent ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous supprimez les postes dans les lycées des quartiers populaires ! Voilà la vérité !

M. Paul Raoult. Et l'enseignement technique ?

M. Xavier Darcos, ministre. Pensez-vous vraiment qu'en faisant passer le nombre de professeurs de cent à cent un dans un lycée on y réglera tous les problèmes ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Pas en supprimant vingt postes, en tout cas !

M. Xavier Darcos, ministre. Bien sûr que non, ce n'est qu'un prétexte !

La vérité, c'est que nous avons agi là où il fallait agir.

Ainsi avons-nous créé 150 000 heures supplémentaires pour les études surveillées destinées aux collégiens de l'éducation prioritaire. Cela marche très bien ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Adrien Gouteyron. Très bien !

M. Xavier Darcos, ministre. En ce moment même, alors que vous ne faites que protester, se déroulent des stages de soutien en français et en mathématiques pour les élèves de CM1 et de CM2 qui rencontrent des difficultés. Dans la zone B, 40 000 élèves y participent, encadrés par 8 000 professeurs. Au total, pour les seules vacances de Pâques, 22 000 modules de stage seront ainsi mis en place.

M. le président. Veuillez conclure, monsieur le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Nous allons offrir gratuitement à ces jeunes ce que leurs camarades plus riches peuvent s'offrir en payant des officines spécialisées. Vous ne pouvez tout de même pas être contre une telle mesure de justice sociale !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Si, nous sommes contre !

M. Xavier Darcos, ministre. Enfin, je vous confirme notre souhait d'engager la réforme des lycées.

M. le président. Il faut terminer, monsieur le ministre.

M. Xavier Darcos, ministre. Nous entendons le message des lycéens.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous n'entendez rien du tout !

M. Xavier Darcos, ministre. Ils ont raison de s'inquiéter pour leur avenir, et nous allons dialoguer avec eux.

Mais c'est un mensonge de leur faire croire que la question du lycée ne doit être abordée que sur le plan purement quantitatif.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. C'est vous qui faites du quantitatif !

M. Xavier Darcos, ministre. Il faut réformer le lycée. Ce n'est pas avec un professeur de plus ou de moins que les choses changeront !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Personne n'a dit le contraire !

M. Xavier Darcos, ministre. Ne laissons pas les lycéens se faire piéger en reprenant les slogans syndicaux ou en s'abritant derrière les mouvements populaires. Il faut discuter, ensemble, de cette réforme qui s'avère nécessaire. Je le répète, celle-ci n'est pas quantitative, elle est qualitative ! (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur le ministre, vous avez parlé pendant quatre minutes !

M. Xavier Darcos, ministre. C'est l'actualité qui commande, monsieur le président !

M. le président. Si chacun se permet de tels débordements, les dernières interventions ne pourront être télévisées. À vous de choisir !

sécurité alimentaire

M. le président. La parole est à M. Dominique Mortemousque.

M. Dominique Mortemousque. Monsieur le ministre de l'agriculture et de la pêche, depuis plusieurs semaines, la hausse du prix des matières premières s'amplifie, provoquant celle du prix des produits alimentaires.

Selon la FAO, l'organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture, les prix de ces produits ont augmenté de près de 40 % en 2007 à l'échelle mondiale.

Les « émeutes de la faim » se multiplient à travers la planète : au Sénégal, au Burkina Faso ou encore au Cameroun. Nous ne pouvons pas fermer les yeux sur la situation dramatique de ces populations, en Afrique ou en Asie. (Marques d'approbation sur les travées de l'UMP.)

Ces émeutes de la faim me conduisent à vous interroger sur la sécurité alimentaire en Europe et à travers le monde. La population mondiale augmente : nous devons nous préparer à être 9 milliards d'humains en 2050. Monsieur le ministre, que pouvons-nous faire pour répondre à ce nouveau besoin alimentaire ?

L'une des réponses consisterait à augmenter la productivité des agricultures, d'autant que la surface agricole diminue constamment.

M. Dominique Mortemousque. Comment faire et quels sont les leviers dont vous disposez dans le cadre des négociations que vous menez avec nos partenaires européens ?

Enfin, monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement quant à la libéralisation des échanges agricoles ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UC-UDF.)

M. le président. Voilà une question précise et concise. Bavo, mon cher collègue ! (Très bien ! sur les travées de l'UMP.)

La parole est à M. le ministre.

M. Michel Barnier, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur Mortemousque, nous sommes tous touchés par la détresse qui s'est exprimée à Yaoundé, à Haïti et dans d'autres endroits du monde.

On voit bien les tragédies que peut provoquer la faim. Le manque d'eau est également un véritable fléau, susceptible d'entraîner des guerres dans les temps à venir.

M. Charles Revet. Tout à fait !

M. Michel Barnier, ministre. Il importe donc que nous regardions les choses de très près.

En réalité, tout cela est dû, d'une part, à une certaine indifférence des organisations internationales à l'égard de l'agriculture, de la production agricole et des bailleurs de fonds, et, d'autre part - je n'hésite pas à le dire -, à un trop grand libéralisme (Marques d'approbation sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC), qui a encouragé toutes les spéculations locales et internationales.

Vous avez raison, monsieur Mortemousque, nous ne pouvons pas laisser l'alimentation des gens aux seules lois du marché et à la spéculation internationale. (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Vive le socialisme !

M. Paul Raoult. C'est un bolchevik ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Un dangereux révolutionnaire !

M. Robert Hue. Attention aux gros mots ! (Même mouvement sur les mêmes travées.)

M. René-Pierre Signé. Il va prendre sa carte !

M. Michel Barnier, ministre. Voilà pourquoi il est urgent, à mon sens, d'imaginer d'autres solutions. Je travaille d'ailleurs actuellement avec Bernard Kouchner à ce que j'appellerais une initiative européenne de sécurité alimentaire. Pas plus tard que lundi prochain, j'évoquerai cette idée devant les ministres européens de l'agriculture et de la pêche qui seront réunis à Luxembourg.

Notre initiative est construite autour de cinq objectifs principaux.

Premièrement, il faut produire plus et mieux, et consacrer la priorité de la production agricole à l'alimentation.

Deuxièmement, il convient d'abonder le Fonds alimentaire mondial, auquel il manque d'urgence 500 à 600 millions d'euros.

Troisièmement, il importe d'aider les pays touchés à se construire une autonomie agricole.

M. Charles Revet. Tout à fait ! C'est le plus important !

M. Michel Barnier, ministre. Nous pouvons leur apporter notre expertise dans ce domaine pour les aider à disposer d'une production autonome qui leur fait aujourd'hui cruellement défaut.

M. Charles Revet. Très bien !

M. Paul Raoult. Et les biocarburants ?

M. Michel Barnier, ministre. Quatrièmement, il s'agit de réorienter nos programmes d'aide au développement vers l'agriculture. Cette dernière a été délaissée aussi bien par le Fonds européen de développement, ce qu'a reconnu le commissaire européen au développement et à l'aide humanitaire lui-même, M. Louis Michel, que par notre propre coopération bilatérale. Pour la France, en effet, l'agriculture n'est devenue que la cinquième ou sixième priorité dans le domaine de l'aide au développement.

M. Jean-Marc Pastor. Avec quelle enveloppe budgétaire ?

M. Paul Raoult. Vous diminuez les aides publiques !

M. Michel Barnier, ministre. Enfin, cinquièmement, il est urgent de donner la priorité à l'alimentation. C'est un objectif très précis.

Du reste, ce qui vaut pour les pays les plus pauvres vaut aussi pour nous, car il nous faut préserver notre capacité de production.

Monsieur Mortemousque, dans le cadre de l'OMC, nous n'accepterons pas un mauvais accord, où l'agriculture et l'alimentation serviraient de variable d'ajustement. Nous préférons ne conclure aucun accord plutôt qu'un mauvais accord, car, nous le savons, les pays les plus pauvres qui souffrent de la faim en seraient les premières victimes. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Paul Raoult. Supprimons les biocarburants !

pollution aux hydrocarbures dans l'estuaire de la loire

M. le président. La parole est à M. Charles Gautier.

M. Charles Gautier. Ma question s'adresse à M. le ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. (Ah ! sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. René-Pierre Signé. Où est Mme Kosciusko-Morizet !

M. Charles Gautier. Monsieur le ministre, le dimanche 16 mars, en fin d'après-midi, une nouvelle marée noire a touché l'estuaire de la Loire. La pollution est due à la rupture d'une canalisation aérienne permettant de charger les navires à la raffinerie Total située à Donges, en Loire-Atlantique.

Plus de 450 mètres cubes de fuel lourd, particulièrement toxique, se seraient déversés avant que Total ne s'aperçoive de la catastrophe.

Les pompiers, la marine nationale et les professionnels du secteur, en tout plus de 300 personnes, ont été mobilisés afin de contenir la catastrophe. Les dirigeants de Total assuraient, dès le lendemain, que l'entreprise prendrait en charge les coûts de nettoyage. C'est bien la moindre des choses !

Monsieur Borloo, pour vous être déplacé vous-même sur les lieux de la catastrophe, vous avez pu noter que cette pollution touchait une zone particulièrement sensible et remarquable, classée Natura 2000, qui comprend des zones humides et une réserve ornithologique.

Malheureusement, la pollution n'a pas vraiment été maîtrisée et, aujourd'hui, nous ne pouvons plus parler de « mini-marée noire ».

Malgré barrages, filets et pompages, toutes les communes riveraines de la Loire ont été souillées. Les accès aux plages de Saint-Brévin-les-Pins, Pornichet et La Baule ont été interdits. La pêche à pied est toujours prohibée. Les pêcheurs en mer sont restés à quai plusieurs jours. Les paludiers sont inquiets, les ostréiculteurs aussi. Plus d'un millier d'oiseaux mazoutés auraient été recensés. Les agriculteurs ayant des terrains en bordure de l'estuaire subissent, eux aussi, les conséquences de la pollution.

Monsieur le ministre, les retombées économiques, touristiques, écologiques de la catastrophe doivent être soigneusement étudiées, et ce sur une période de plusieurs mois.

Il semble que Total n'en ait pas tiré toutes les leçons de sa condamnation à la suite de la catastrophe de l'Erika.

Une enquête judiciaire a été ouverte. Total reconnaît dans son enquête interne que la catastrophe est due à la corrosion d'une de ses canalisations datant de 1964 ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Or il s'agit d'un site industriel classé pour sa dangerosité et sa localisation. Comment est-il possible, dans ce cas, que la vétusté de l'installation ait pu échapper au contrôle des services de l'État ?

M. François Autain. Très bien !

M. Charles Gautier. À nos yeux, la responsabilité de l'État est donc engagée, au même titre que celle de la société Total.

Monsieur le ministre, nous voulons nous assurer de l'ouverture d'une information judiciaire, afin que tous les responsables soient poursuivis pénalement. Pour tous les préjudices subis, qui va payer ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre d'État.

Mmes Nicole Bricq et Raymonde Le Texier. Où est Nathalie ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État, ministre de l'écologie, de l'énergie, du développement durable et de l'aménagement du territoire. Je me réjouis que ma secrétaire d'État préférée soit si appréciée ! (Sourires.)

Monsieur le sénateur, pour en revenir à un sujet plus grave et pour dire les choses simplement, ce qui s'est passé à Donges est affligeant : 400 tonnes de fuel se sont déversées sans que quiconque s'en aperçoive. Et encore est-ce une personne extérieure à la raffinerie, un marin en l'occurrence, qui a le premier alerté les autorités.

Ainsi que vous l'avez rappelé, je me suis moi-même rendu sur le site dès le lendemain.

À ce jour, 320 tonnes ont été récupérées et stockées dans des conditions de sécurité absolue. Au total, 700 personnes sont mobilisées. Avec les communes riveraines, qui, malheureusement, ont une grande expérience de ce genre de catastrophes, ainsi qu'avec le conseil général et le conseil régional, la collaboration est parfaite.

Monsieur le sénateur, j'apporterai trois éléments d'information complémentaires.

Premièrement, je le confirme, une information judiciaire est bien ouverte.

Deuxièmement, la DRIRE, la direction régionale à la recherche et à la technologie, mène en parallèle une enquête. En ce moment même, a lieu une réunion chez le préfet entre les services du ministère de l'intérieur et ceux de la DRIRE pour évoquer un certain nombre de points.

En effet, par un arrêté préfectoral du 24 mars dernier, Total s'est vu signifier l'obligation d'assurer avant le 28 avril prochain une identification complète des dommages et une indemnisation intégrale. Pour ce faire, l'entreprise n'est pas isolée puisqu'elle est entourée par un comité scientifique mis en place par le préfet. C'est d'ailleurs ce dernier qui pilote l'ensemble des opérations.

Troisièmement, il nous faut tirer les leçons de cette affaire pour l'avenir. Instruction a donc été donnée aux différents services concernés et à la DRIRE d'engager, au cours de l'année 2008, une nouvelle inspection de la totalité des centres de dépôt et de traitement des hydrocarbures.

M. Jacques Mahéas. Pourquoi, alors, ne pas remplacer un fonctionnaire sur deux qui part à la retraite ?

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat et M. François Autain. Il va falloir recruter, monsieur le ministre !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. À cet égard, nous ne sommes jamais assez vigilants. Nous poursuivrons donc nos efforts. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur quelques travées de l'UC-UDF.)