M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 12, présenté par M. Bizet, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-2-1 du code de l'environnement par deux phrases ainsi rédigées :

La définition du « sans organismes génétiquement modifiés » se comprend nécessairement par référence à la définition communautaire. Dans l'attente d'une définition au niveau européen, le seuil correspondant sera fixé par voie réglementaire, sur avis du Haut conseil des biotechnologies, espèce par espèce.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Jean Bizet, rapporteur. La commission partage le souci légitime de l'Assemblée nationale, dès lors que ce projet de loi entend autoriser les cultures d’OGM en plein champ, de se préoccuper non seulement de l'impact sanitaire et environnemental – c’est la stricte transposition de la directive européenne 2001/18/CE –, mais aussi des modalités de la coexistence entre les diverses filières agricoles, qu’elles utilisent des OGM, qu’elles soient conventionnelles ou qu’elles valorisent la qualité et l'origine.

De toute façon, le premier et le dernier alinéa de l'article L. 531-2-1 du code de l'environnement que tend à insérer l’article 1er doivent être appréhendés dans le cadre de l'ensemble du projet de loi et des dispositions communautaires qui organisent les procédures d'autorisation des OGM et prévoient les conditions de coexistence afin de maintenir sous le seuil de 0,9 % la présence accidentelle d'OGM dans les cultures non OGM et de rendre responsables de plein droit – ce n’est pas rien ! – les cultivateurs d'OGM quand ce seuil est dépassé dans la récolte d'un exploitant voisin.

En effet, les principes énoncés à l'article 1er ne peuvent être appréciés indépendamment des dispositions particulières qui les mettent en œuvre : ce sont les règles définies aux articles 2 et suivants qui précisent les conditions de mise en œuvre concrète des principes.

Par conséquent, l'ensemble du projet de loi reste conforme à la directive européenne du fait de la très incertaine, donc très faible portée normative de certains mots introduits par les députés à l'article 1er : « intégrité de l'environnement », « cultures traditionnelles », « structures agricoles », « écosystèmes locaux », « filières […] qualifiées “sans organismes génétiquement modifiés” ».

C’est donc à des fins de précision que la commission vous soumet un amendement rappelant que la définition du « sans OGM » doit respecter la réglementation européenne, qui concerne à ce jour le seul seuil d'étiquetage et qui est simple : un produit doit être étiqueté comme contenant des OGM s'il en comporte plus de 0,9 %, et ne doit pas l'être s'il en contient moins.

Cet amendement permet de soulever la question du seuil du « sans OGM » et de ne pas l'assimiler au seul seuil de détection, ce qui est fondamental.

Enfin, il permettra de réfléchir tranquillement à ce qu'est une filière susceptible d'être qualifiée « sans OGM », en s'appuyant sur les avis du futur Haut conseil des biotechnologies.

M. le président. L'amendement n° 54, présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet, est ainsi libellé :

Compléter le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 531-2-1 du code de l'environnement par une phrase ainsi rédigée :

Ce respect implique la non-présence d'organismes génétiquement modifiés dans d'autres produits pour quelque cause que ce soit.

La parole est à M. Jacques Muller.

M. Jacques Muller. Il s’agit de réfléchir à la cohérence entre les dispositions que nous allons adopter aujourd’hui et les exigences de la directive 2001/18/CE.

Aux termes de ladite directive, il convient d’éviter la présence d’OGM dans d’autres produits, donc d’en rechercher la non-présence. La présence d’OGM est une notion non pas commerciale, mais scientifique. Nous voilà au cœur du sujet : faut-il retenir le seuil d’étiquetage ou le seuil de détection ? Pour ma part, je considère que c’est le seuil de détection qui importe.

Je regrette que certains dans cette assemblée aient entretenu régulièrement la confusion entre un seuil d’étiquetage des produits, certes européens, mais destinés aux consommateurs, qui est une notion commerciale, et le seuil de détection scientifique reproductible, notion technique.

Le seuil d’étiquetage résulte d’un compromis entre des États membres, des firmes agroalimentaires et des entreprises de distribution après négociations et marchandages ; il n’a pas de consistance scientifique.

La détection d’OGM dans un produit varie en fonction de la nature de l’OGM. Il existe non pas un seuil, mais des seuils. Aujourd’hui, selon l’OGM, la fourchette se situe entre 0,05 % et 0,005 %. Les laboratoires ne s’engagent que sur les chiffres qu’ils peuvent reproduire ; c’est ce que l’on appelle le seuil de détection technique reproductible, fixé à 0,1 %. C’est à ce seuil que se réfère en France la DGCCRF pour qualifier les produits sans OGM. C’est sur ce seuil que certains pays, notamment l’Autriche, ont construit leur législation pour transcrire la directive 2001/18/CE.

Dans ce contexte, le seuil d’étiquetage commercial, à destination des consommateurs, de 0,9 % n’a pas de fondement juridique. S’il en avait eu, la Commission européenne aurait « retoqué » la législation autrichienne, eu égard à son attachement à la liberté de commerce, à l’entrave à la libre concurrence.

Aujourd’hui, il ne suffit pas de dire « l’Europe, l’Europe » et de se référer au taux de 0,9 % : il faut engager le débat ! La seule réalité scientifique, technique, juridique, c’est le seuil de 0,1 %. Éviter la présence d’OGM dans les produits consiste bien à rechercher la non-présence de ces organismes, avec les moyens juridiques et techniques adaptés.

M. le rapporteur a indiqué que la notion de seuil était fondamentale. Évidemment, du seuil qui sera choisi découle tout le reste, qu’il s’agisse des modalités d’indemnisation des victimes de contaminations, des périmètres d’isolement des cultures.

C’est une question centrale : le seuil de 0,1 % est le seul à reposer scientifiquement et juridiquement sur des bases cohérentes avec l’Europe.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par MM. Pastor, Raoul et Bel, Mme Herviaux, MM. Courteau, Repentin, Saunier et Dussaut, Mme Schillinger et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-2-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Est “sans organismes génétiquement modifiés”, tout produit dans lequel ne peut être détecté à l'analyse un organisme dont le matériel génétique a été modifié d'une manière qui ne s'effectue pas naturellement par multiplication et/ou par recombinaison naturelle. »

La parole est à Mme Odette Herviaux.

Mme Odette Herviaux. La réglementation européenne définit l'obligation d'étiquetage pour les produits obtenus à partir de productions d'OGM. Elle établit un seuil de présence de 0,9 %.

Il convient de définir légalement la production « sans organismes génétiquement modifiés », afin d'éclairer complètement les consommateurs sur les produits qu'ils acquièrent.

Le présent amendement prend appui sur la définition retenue par les services de la DGCCRF. Celle-ci n'entre aucunement en contradiction avec le droit communautaire qui impose l'étiquetage des produits contenant 0,9% d'OGM, sans jamais interdire aux États membres de définir le « sans organismes génétiquement modifiés » en s'appuyant sur un quelconque autre seuil, dont le seuil de détectabilité, qui apparaît le plus informatif, au regard de la qualité du produit pour les consommateurs.

Il faut rappeler que, dès 1999, le représentant de la Fédération des entreprises du commerce et de la distribution expliquait, dans un colloque au Sénat intitulé Biotechnologies : quels enjeux pour les Français ? Quelle place pour la France ? : « Il y a une chose que les Français ne peuvent admettre, c'est que l'on cache des choses que l'on sait. ». Cet amendement vise à éviter toute suspicion en se calant sur le seuil de détection à l'analyse, tel que le préconise la DGCCRF, pour qualifier les produits sans OGM.

M. le président. L'amendement n° 93, présenté par MM. Darniche et Retailleau et Mme Keller, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article L. 531-2-1 du code de l'environnement par un alinéa ainsi rédigé :

« Peut être étiqueté “sans organismes génétiquement modifiés” tout produit dans lequel aucune trace d'organisme génétiquement modifié ne peut être détectée. »

La parole est à Mme Fabienne Keller.

Mme Fabienne Keller. M. le rapporteur nous propose une modification qui semble constituer un progrès puisqu’il s’agit de donner une nouvelle définition aux produits sans OGM. Il fait toutefois référence à une définition communautaire qui n’existe pas. Il le reconnaît d’ailleurs lui-même puisqu’il prévoit de s’en remettre à l’avis du futur Haut conseil des biotechnologies.

J’aimerais obtenir des informations complémentaires sur ce sujet. Est-il admis que c’est un seuil autre que celui de 0,9 % qui serait alors appliqué ? L’explication de M. le rapporteur m’a inquiétée, je l’avoue, car il a longuement fait référence à ce dernier taux, donnant ainsi l’impression que le Haut conseil allait l’avaliser à son tour.

Je tiens à préciser le sens de notre amendement, même s’il est très proche de celui des deux amendements qui viennent d’être présentés.

Le règlement européen n° 1829/2003 contient essentiellement de longues explications quant à la nécessité d’informer le consommateur sur la présence d’OGM dans un produit, rendant l’étiquetage obligatoire lorsque ces produits comportent plus de 0,9 % d’OGM : autrement dit, l’étiquetage n’est pas obligatoire si les traces d’OGM ne dépassent pas ledit seuil de 0,9 %, mais également si la présence d’OGM est involontaire et techniquement inévitable ; outre le seuil, d’autres conditions entrent donc en ligne de compte, et la présence accidentelle d’OGM est un point important du règlement.

Quant à la notion de « sans OGM », elle existe déjà dans la réglementation nationale. La DGCCRF indique très clairement, dans sa note n° 2004-113, que le seuil à retenir est la limite de détection à l’analyse, ce qui est logique : seuls peuvent justifier de la mention « sans OGM » ou « non OGM » les produits dans lesquels il n’est détecté scientifiquement aucun OGM, c'est-à-dire des produits dans lesquels on ne peut pas mesurer d’OGM.

Notre amendement me semble plus explicite : il y est précisé qu’un produit est défini comme étant « sans OGM » dès lors qu’on ne peut pas y détecter d’OGM. Cela correspond à la protection qu’est en droit d’attendre toute personne lisant, sur l’emballage d’un produit, quel qu’il soit, la mention « sans organisme génétiquement modifié ».

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements autres que celui qu’elle a déposé ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Mon avis vaudra pour l’ensemble de ces trois amendements puisqu’ils sont quasiment identiques.

L’amendement n° 54 a une connotation « jusqu’au-boutiste » : il vise à empêcher toute dissémination d’OGM sur le territoire, ce qui n’est absolument pas conforme à la directive 2001/18/CE, qu’invoquent pourtant ses auteurs.

Il y a une différence entre l’objet de la directive, qui est d’« éviter la présence d’OGM dans d’autres produits », et la requête des rédacteurs de cet amendement, qui est d’exiger « la non-présence d’organismes génétiquement modifiés » dans d’autres produits.

Je rappelle que l’interdiction d’OGM sur un territoire n’est pas conforme à la directive. M. Muller et ses collègues oublient un point fondamental, à savoir que l’homologation d’un OGM par les instances communautaires demande près d’une décennie. Elle ne peut être accordée qu’après la réalisation d’analyses scientifiques quasiment aussi rigoureuses que celles qui sont effectuées pour la mise au point d’un médicament, en tout cas beaucoup plus strictes que celles qui sont effectuées pour la mise sur le marché d’un aliment conventionnel.

S’il ressort de ces analyses que l’OGM en question est dangereux pour la santé et nuisible pour l’environnement, il est alors formellement interdit et ne vient jamais sur le marché. Cela s’est déjà produit à la suite de l’essai en laboratoire d’un maïs qui devait être enrichi en méthionine : cet OGM, développé par une firme internationale que je ne nommerai pas, ayant démontré une certaine nocivité en matière d’allergénicité, il n’est jamais sorti du laboratoire.

Il en fut de même pour un autre type d’OGM ayant eu des effets néfastes sur des animaux de laboratoire : lui non plus n’est jamais sorti du laboratoire.

En résumé, par définition, un OGM fait l’objet pendant une dizaine d’années d’une étude très rigoureuse et de multiples tests scientifiques : ou bien il se révèle néfaste pour l’environnement et dangereux pour la santé humaine, auquel cas il ne sort pas du laboratoire et nul n’en entend parler, ou bien il subit les tests avec succès, et les instances européennes peuvent alors l’homologuer.

Dès lors, il est bien évident que nous avons affaire à une loi de coexistence. Or les amendements qui nous sont présentés promeuvent plutôt une forme d’ostracisme et sortent de la transposition de la directive.

La notion de « sans OGM » est, à l’heure actuelle, définie à l’échelon communautaire par défaut, puisqu’elle n’est déterminée que par référence au seuil de 0,9 %, résultat d’un consensus politique mis au point en 2003. Il appartiendra au futur Haut conseil de préciser, s’il le souhaite, cette notion de « sans OGM » – tel est d’ailleurs l’objet de l’amendement de la commission – mais, pour le moment, on ne connaît que l’approche communautaire.

M. Daniel Raoul. Mais quelle est-elle ?

M. Jean Bizet, rapporteur. Les choses me semblent assez claires, même si elles sont un peu compliquées, tout simplement parce que nous sommes dans un environnement communautaire. Mais, encore une fois, l’amendement que j’ai déposé au nom de la commission a pour objet de confier au futur Haut conseil le soin d’étudier cette question.

La commission est donc défavorable aux amendements nos 54,26 et 93.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. C’est avec bonheur que je donnerai cet avis, que Nathalie Kosciusko-Morizet et moi-même avons mis au point.

M. Henri de Raincourt. Avec beaucoup de soin !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Je tiens tout d’abord à préciser que, contrairement à ce que j’ai pu lire ici ou là, le Sénat ne met pas en cause les amendements contributifs de l’Assemblée nationale. Car il y a tout de même sur ce point une campagne de presse assez invraisemblable ! (Manifestations d’approbation sur les travées de lUMP.)

Monsieur Le Cam, vous venez de nous expliquer que vous voyiez arriver un texte plein de précautions, que c’était extraordinaire, mais que ce texte transcrivait une directive prévoyant qu’il puisse un jour y avoir, parfois, des OGM, moyennant, là encore, beaucoup de précautions. Cependant, monsieur Le Cam, qui était au gouvernement lorsqu’a été prise cette directive de 2001 ? N’était-ce pas un gouvernement que vous souteniez ? (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Qui a transféré à l’Europe le droit d’autoriser en son sein, sans clause de sauvegarde, les OGM, notamment le MON 810 ?

Tout cela est tout de même stupéfiant !

Vous avez pris vos responsabilités ! Vous savez que la transcription de la directive doit être entourée des précautions les plus grandes.

En fin de compte, les auteurs des deux fameux amendements de l’Assemblée nationale débusquent l’hypocrisie de la manipulation. En effet, quel est l’objet de ces deux amendements ? Ils visent simplement à ce que le nouvel arrivant ne puisse pas travailler au détriment de l’existant : si, un jour, par extraordinaire, du fait des évolutions des biotechnologies, un certain nombre d’organismes génétiquement modifiés viennent à être produits, avec toutes les précautions que la France a prévues, cela ne pourra pas se faire au détriment des cultures traditionnelles, des AOC, des filières professionnelles.

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Je rappelle que l’amendement de M. Grosdidier a été adopté à l’unanimité par l’Assemblée nationale, mais, pas plus que dans l’autre amendement, celui de M. Chassaigne, n’y est définie la notion de « sans OGM ».

M. Henri de Richemont. Voilà ! C’est le problème !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. M. le rapporteur propose une méthodologie qui correspond tout à fait à l’esprit des rédacteurs du texte : elle fait une distinction entre étiquetage et détection ainsi qu’entre les différentes formes d’OGM. Compte tenu du fait que ces dernières sont multiples, il ne peut pas y avoir une réponse unique.

M. Jean-Marc Pastor. C’est vrai !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Mme Keller, pour laquelle j’ai la plus grande admiration, indique simplement, dans son amendement : « Peut être étiqueté “sans organismes génétiquement modifiés” tout produit dans lequel aucune trace d’organisme génétiquement modifié ne peut être détectée. » Cela signifie qu’un bœuf dans la viande duquel aucune trace d’OGM n’est détectable, même s’il a été nourri aux OGM toute sa vie, pourrait être considéré comme étant « sans OGM » !

La méthodologie proposée par le rapporteur est la suivante : puisque c’est très complexe, il convient de procéder espèce par espèce, en distinguant étiquetage et détection. En fonction des avis rendus par le Haut conseil après une analyse tout à fait sérieuse, les pouvoirs publics, par voie réglementaire, définiront les taux. Je le répète : il ne peut y avoir un taux unique, compte tenu de la multiplicité des formes d’OGM, qu’il s’agisse des espèces végétales ou des espèces animales.

Il s’agit là d’une méthodologie démocratique, scientifique, pluraliste, qui sera effective dans quelques semaines. N’est-ce pas cela aussi, la démocratie : la possibilité de disposer d’avis éclairés ? De grâce, respectons-la !

M. Henri de Raincourt. Très bien ! Quel talent !

M. Jean-Louis Borloo, ministre d'État. Le Gouvernement est donc favorable à l’amendement de la commission et défavorable aux trois autres.

M. le président. La parole est à Mme Marie-Christine Blandin, pour explication de vote sur l'amendement n° 12.

Mme Marie-Christine Blandin. M. le rapporteur propose, au nom de la commission, un amendement qui vient, certes, se greffer sur l’ajout qualitatif et nécessaire apporté par l’Assemblée nationale, mais en le « dévitalisant » totalement. Il ne l’éclaire pas, il l’érode. Il renvoie la définition de la notion de présence ou de non-présence d’OGM au réglementaire et à la part d’arbitraire que celui-ci comporte.

M. Martin Hirsch, en 2005, alors qu’il était directeur général de l’AFSSA, l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments, s’était clairement expliqué sur la notion de seuil, lors d’une audition à l’Assemblée nationale. Il parlait alors de l’alimentation et non de champs cultivés, mais le présent texte ne tend-il pas à recycler le seuil alimentaire pour l’appliquer au seuil de présence dans les récoltes ?

Il se disait persuadé que, s’agissant de l’étiquetage, le seuil de 0,9 % ne tiendrait pas longtemps, car l’on s’apercevait déjà que l’on était incapable de le vérifier matrice alimentaire par matrice alimentaire. Il jugeait très probable que, dans un, deux ou trois ans, on s’apercevrait que les aliments en contenaient en fait 1,5 %, 2 % ou 3 % : on crierait alors au scandale et il serait demandé aux fabricants de redescendre à 0,9 %, mais ces derniers rétorqueraient que séparer les filières coûterait une fortune, et laisseraient entendre que les consommateurs n’accepteraient jamais une hausse des prix de grande ampleur. « Vous en avez mangé et vous n’êtes pas morts », objecteraient-ils. Et ce seuil serait accepté.

Cette fiction a de grandes chances de devenir une prédiction et de se réaliser. Il faut avoir conscience que c’est le seuil qui fait franchir la porte.

Ainsi, monsieur le rapporteur, avec votre proposition de seuil, vous ouvrez la porte aux OGM dans les ruches et dans les champs, et donc dans les assiettes de ceux qui n’en veulent pas.

Nous voterons par conséquent contre cet amendement.

M. Jean-Marc Pastor a eu raison de nous alerter sur la dévalorisation du rôle du Parlement : la commission, en refusant globalement les quatre-vingt-seize amendements qui lui étaient présentés, a ramené la double navette au régime maigre de l’urgence. Si, de surcroît, l’amendement adopté à l’Assemblée nationale devait être érodé davantage encore, ce texte aurait alors autant de légitimité démocratique qu’une ordonnance. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. En relisant attentivement le texte de l’amendement proposé par M. le rapporteur, il m’apparaît que les deux phrases qui le composent se contredisent.

Alors qu’il est fait référence, dans la première, à une « définition communautaire », aussitôt après, dans la seconde, on nous renvoie à « l’attente d’une définition au niveau européen ». Cela mérite tout de même des explications !

En définitive, cet amendement n’est aucunement destiné à améliorer le texte. Il s’agit bien plutôt d’un amendement « guérisseur », pour mettre un peu de baume sur les blessures de certains membres de la majorité. Eh oui, chers collègues de l’UMP, on est en plein psychodrame ! Mais celui-ci n’est pas chez nous, il est chez vous ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Henri de Raincourt. Je vous rassure, nous sommes en bonne santé !

M. le président. La parole est à M. Henri de Richemont.

M. Henri de Richemont. Je participe avec un grand intérêt à ce débat, dans lequel il convient donc de distinguer, d’un côté, l’étiquetage des produits « avec OGM », et, de l’autre, la définition du « sans OGM ». Or, pour cette dernière, on nous dit qu’il faut attendre une « définition communautaire ». Mais qu’est-ce que cela peut bien signifier ? (Murmures ironiques sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

La Commission européenne doit-elle se prononcer sur le sujet et, si oui, dans quel délai ? A-t-elle, au moins, exprimé une quelconque intention en ce sens ? Les États membres sont-ils prêts à accepter une nouvelle directive ? Sinon, pourquoi parler d’une « définition communautaire » ? En tout état de cause, j’aimerais avoir des précisions, car je ne vois pas très bien ce que cela recouvre.

Si l’Union européenne n’est pas décidée à se prononcer sur cette question de la définition du « sans OGM », il serait plus logique d’inscrire ladite définition dans la loi, sans attendre ce qui sera décidé au niveau européen. (M. Jean Desessard applaudit.)

M. Daniel Raoul. Voilà un UMP génétiquement modifié ! (Rires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Henri de Raincourt. C’est la diversité !

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Monsieur le ministre, vous êtes un magicien ! (Sourires.)

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État chargé des relations avec le Parlement. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Et vous êtes très fort !

Plusieurs sénateurs de l’UMP. C’est vrai !

M. Jean Desessard. Selon vous, ce projet de loi aurait donné lieu à une campagne de communication et à des comportements très désagréables. Et puis, vous tournant vers nos collègues communistes, vous leur avez dit : « C’est de votre faute ! » Certes, vous n’êtes pas remonté jusqu’à Staline, comme cela se faisait à une certaine époque (Sourires), mais vous avez tout de même évoqué ce qui s’est passé en 2001.

En réalité, vous déplacez le problème, car c’est bien au sein de la majorité à l’Assemblée nationale que celui-ci s’est posé.

Plusieurs sénateurs de l’UMP. Mais non !

M. Jean Desessard. Chacun sait que la crise traversée par les députés UMP est née de l’avis de sagesse que Mme la secrétaire d’État chargée de l’écologie a émis, à l’Assemblée nationale, sur un amendement.

Ce n’est donc la faute ni des communistes, ni des socialistes, ni des Verts,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d’État. Un peu, tout de même !

M. Jean Desessard. …même si ces derniers peuvent être parfois « jusqu’au-boutistes », pour reprendre le terme employé par M. le rapporteur.

Apparemment, monsieur le ministre d’État, cette crise – bien réelle ! – vécue au sein de la majorité, vous l’avez réglée. Tant mieux !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Réglée… pas tant que ça !

M. Jean Desessard. Vous vous félicitez de ce que le Sénat ne remette pas en cause les décisions de l’Assemblée nationale. Tant mieux !

Vous avez salué les deux amendements adoptés par l’Assemblée nationale, en soulignant qu’ils avaient « débusqué » la réalité. Je tiens à vous le dire, j’ai particulièrement apprécié ce terme ! Mais pourquoi ne pourrions-nous pas, nous, sénatrices et sénateurs, faire de même ?

Lorsque la commission des affaires économiques s’est réunie en fin d’après-midi pour examiner les amendements, à part celui-ci, présenté par M. le rapporteur, tous les autres ont été « fauchés » ! (Sourires.) En tout cas, ils ont été rejetés par le rapporteur et la majorité de la commission !

Par conséquent, monsieur le ministre d’État, si vous voulez vraiment débusquer la réalité, cessez de jouer au magicien et laissez la Haute Assemblée s’exprimer, en ne rejetant pas systématiquement les propositions que nous vous faisons ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marc Pastor.

M. Jean-Marc Pastor. Monsieur le président, mes chers collègues, en intervenant sur cet amendement n° 12, je l’avoue très franchement, je suis un peu ému. Rendez-vous compte : dans un texte portant sur un sujet aussi important que les OGM, tout le monde sait que c’est le seul qui va être adopté, le seul sur la centaine d’amendements qui ont été déposés. C’est incroyable !

M. Roland Courteau. À quoi servons-nous ?