M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les deux amendements identiques ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La disposition que ces amendements visent à supprimer a été élaborée en concertation étroite avec les partenaires sociaux. Elle reflète donc bien la volonté des organisations signataires de l’accord du 11 janvier 2008.

Par conséquent, accepter ces amendements reviendrait à remettre en cause un point important de l’équilibre qui a été négocié. Aussi la commission émet-elle un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 29 et 67.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 3 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-22 du code du travail :

« Art. L. 1221-22. - La période d'essai et la possibilité de la renouveler ne se présument pas. Elles sont expressément stipulées dans la lettre d'engagement ou le contrat de travail. »

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement tend à prévoir que la possibilité de renouveler la période d’essai devra être précisée dans le contrat de travail du salarié ou dans sa lettre d’engagement.

Aujourd’hui, cette exigence est déjà prévue par la jurisprudence. Dans un souci de clarté et de complète information du salarié, il nous paraît utile de l’inscrire dans la loi.

M. le président. L'amendement n° 68, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-22 du code du travail par un alinéa ainsi rédigé :

« À défaut, la durée de la période d'essai est présumée être de un mois. »

La parole est à Mme  Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement a fait l’objet d’un débat intéressant ce matin en commission. Les arguments avancés par M. le rapporteur m’ont quelque peu troublée et presque convaincue de le retirer.

Toutefois, avant de le faire, j’aimerais obtenir une confirmation de la part de la commission et du Gouvernement : dans l’hypothèse où le contrat de travail ou la lettre d’engagement ne stipule pas de période d’essai, le salarié est-il vraiment dispensé d’en effectuer une ? Si tel est bien le cas, notre amendement irait à l’encontre de notre volonté de réduire les périodes d’essai.

Par conséquent, si M. le rapporteur et M. le ministre pouvaient me confirmer ce point en séance publique, j’accepterais de retirer l’amendement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 68 ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Madame David, je maintiens les observations qui ont été faites ce matin en commission. M. le ministre confirmera, je pense, l’interprétation que j’ai alors développée.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 3 rectifié et 68 ?

M. Xavier Bertrand, ministre. La rectification à laquelle tend l’amendement n° 3 rectifié est importante ; aussi le Gouvernement y est-il favorable.

S’agissant de l’amendement n° 68, madame David, je ne voudrais pas abuser du capital de confiance dont vous seriez tentée de créditer le Gouvernement ! (Sourires.)

Cela étant, je confirme les propos de M. le rapporteur : adopter votre amendement reviendrait à figer les choses et à imposer une période d’essai alors même que les deux parties souhaiteraient s’en dispenser.

C’est la raison pour laquelle je vous demande de bien vouloir retirer cet amendement.

M. le président. Madame David, l'amendement n° 68 est-il maintenu ?

Mme Annie David. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 68 est retiré.

Je mets aux voix l'amendement n° 3 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 30, présenté par Mmes Demontès, Le Texier et Schillinger, M. Godefroy et les membres du groupe Socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-23 du code du travail :

« Art. L. 1221-23. - En cas d'embauche dans l'entreprise à la suite d'un stage, la durée de ce stage s'impute sur la période d'essai. Elle est également prise en compte dans le calcul de l'ancienneté du salarié. »

La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy.

M. Jean-Pierre Godefroy. Au travers de cet amendement, nous souhaitons préciser qu’en cas d’embauche dans l’entreprise à la suite d’un stage, la durée de ce dernier s’impute sur la période d’essai et est également prise en compte dans le calcul de l’ancienneté du salarié.

Cet amendement vise donc à intégrer la durée totale des stages dans la période d’essai, indépendamment du fait que ces stages ont été ou non réalisés lors de la dernière année d’études d’un cursus pédagogique.

Cet amendement s’inscrit dans la droite ligne d’une proposition de loi que le groupe socialiste avait déposée et que j’avais soutenue. Sans même évoquer la notion d’abus de stage, ce qui n’est pas notre sujet d’aujourd’hui, je rappellerai brièvement les conditions d’utilisation des stagiaires par les entreprises considérées comme normales.

D’après l’étude menée en 2002 par l’université Paris-I, la plupart des entreprises participent au parcours d’insertion professionnelle des jeunes diplômés. Certaines utilisent les stages comme un mode d’ajustement des effectifs à moindre coût, les stagiaires assistant voire remplaçant temporairement des salariés permanents.

Les stagiaires disposant d’une qualification très pointue peuvent même se voir confier des missions de longue durée ou se succéder sur un même poste comportant de vraies responsabilités et à temps complet. Certaines entreprises procèdent ainsi sans objectif de recrutement particulier, mais estiment utile de participer à la formation des étudiants. D’autres, et c’est beaucoup mieux, considèrent le stage comme un outil de prérecrutement ; le stage devient alors une forme de période d’essai informelle.

Dans tous ces cas, le simple bon sens montre que si l’employeur embauche le stagiaire, c’est qu’il considère que l’expérience a été concluante et que le jeune s’est bien intégré.

Il est donc dans la logique de l’accord signé par les partenaires sociaux, ainsi que dans celle de la législation que le Gouvernement a commencé à mettre en place, même si nous la jugeons encore insuffisante, que le stage soit considéré comme une période d’essai.

Contrairement à ce que vous avez dit à l’Assemblée nationale, monsieur le ministre, cette proposition n’est pas généreuse, elle est cohérente.

De plus, si l’équilibre de l’accord national interprofessionnel doit être préservé, notre droit d’amendement nous autorise, et doit même nous conduire, à améliorer l’accord, ne fût-ce qu’à la marge.

C’est donc une nouvelle forme du principe de faveur que nous proposons au Sénat de mettre en œuvre. En cas d’embauche, il est, me semble-t-il, de bon sens de considérer que la totalité du stage est comprise dans la période d’essai.

Je souhaite apporter quelques précisions sur ce point.

Le texte proposé pour l’article L. 1221-23 du code du travail prévoit que la durée du stage est déduite de la période d’essai, à concurrence de la moitié de celle-ci. Cela signifie que, dans les branches où la période d’essai pourra être étendue, pour atteindre jusqu’à huit mois pour les cadres, des jeunes qui seront embauchés à la suite d’un stage devront effectuer une période d’essai, d’une durée de quatre mois pour les cadres et de trois mois pour les techniciens.

Cela ne me semble pas raisonnable. En effet, si l’employeur décide d’embaucher un stagiaire, c’est bien parce qu’il a donné satisfaction ! Il serait donc tout à fait logique que, dans un tel cas, la totalité de la période de stage soit prise en compte et couvre, le cas échéant, la période d’essai.

M. le président. Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 46 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 69 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après les mots :

d'essai

supprimer la fin du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-23 du code du travail.

La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 46.

M. Jacques Muller. Il s’agit d’un amendement de repli, monsieur le président.

Le dix-neuvième alinéa de l’article 2 prévoit que, « en cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue d’un stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié, sauf accord collectif prévoyant des stipulations plus favorables ».

L’amendement n° 46 vise à supprimer cette dernière précision, la période de stage devant à notre sens être déduite intégralement, dans tous les cas, de la période d’essai.

En effet, les stages intégrés à un cursus pédagogique sont longs. Par conséquent, si l’employeur embauche le stagiaire, c’est qu’il estime que l’expérience a été concluante et que la personne fera l’affaire. Dès lors, imposer une période d’essai ne se justifie pas.

En outre, ces stages relèvent non pas de la formation professionnelle, mais d’un autre statut, et ils concernent souvent des cadres. Il est donc plutôt paradoxal de demander à des personnes qui viennent d’effectuer un stage de longue durée de subir une nouvelle période d’essai, pouvant aller jusqu’à huit mois.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l’amendement n° 69.

M. Guy Fischer. Les arguments que je vais développer rejoignent entièrement ceux qui viennent d’être présentés par mes collègues, puisque nous souhaitons nous aussi la déduction intégrale de la durée des stages de la période d’essai.

Je sais, monsieur le ministre, que vous présentez la déduction partielle de la durée des stages de la période d’essai comme une bonne mesure.

M. Xavier Bertrand, ministre. Les syndicats pensent également que c’en est une !

M. Guy Fischer. Je sais également que vous nous objecterez qu’il s’agit là d’une avancée considérable venant combler un vide juridique et que, après tout, cela vaut mieux que rien !

Autant vous dire que nous sommes en désaccord complet avec une telle conception, qui revient à se contenter de demi-mesures ! Il faut dire que, en matière de stages, c’est devenu une habitude !

Que répondez-vous aux stagiaires et aux associations qui les représentent quand ils vous interrogent sur la faiblesse des rémunérations des stages, lesquelles représentent, je vous le rappelle, moins de 30 % du SMIC ? Vous leur dites que c’est une étape ! Et que leur répondez-vous encore quand ils déplorent que cette rémunération n’ait été rendue obligatoire que pour les seuls stages d’une durée supérieure à trois mois ? Vous leur rétorquez qu’une telle disposition n’existait pas auparavant, et que ce n’est déjà pas si mal !

En tout état de cause, de nombreux stagiaires se trouvent aujourd’hui dans une situation difficile parce que les entreprises ne veulent pas les rémunérer. On s’aperçoit ainsi que, pour beaucoup d’entre elles, les stagiaires étaient, et resteront en partie, une bonne source d’économies ! Quoi qu’il en soit, il faut faire respecter la loi, monsieur le ministre, et je souhaite que vous soyez très attentif à cette question.

Par conséquent, mes chers collègues, je vous propose d’adopter l’amendement n° 69, qui vise à compléter la mesure prévue par le projet de loi en instaurant la déduction totale de la durée des stages de la période d’essai.

C’est là une des attentes des stagiaires et de leurs représentants, qui y voient une mesure utile « pour redonner au stage toutes leurs vertus d’insertion professionnelle » et « lutter contre la précarité des jeunes travailleurs ».

En effet, dans certains cas, les jeunes chercheurs qui sortent par exemple de l’École normale supérieure de Lyon ou d’une autre grande école et qui effectuent des stages à Lyon biopôle ou dans de grands laboratoires occupent des emplois qui devraient relever de contrats à durée indéterminée.

Adopter la mesure que nous préconisons permettrait de dessiner des perspectives d’avenir pour les jeunes concernés, en contribuant véritablement à les intégrer dans les entreprises et les laboratoires qui acceptent des stagiaires, mais les exploitent parfois.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 30, ainsi que sur les amendements identiques nos 46 et 69 ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Tous les stages ne permettent pas nécessairement d’apprécier les compétences du salarié, certains étant de simples stages de sensibilisation au monde du travail. Il est donc peu raisonnable d’imposer aux entreprises une obligation aussi générale que celle qui est présentée par M. Godefroy.

Par ailleurs, une telle disposition est contraire à l’accord national interprofessionnel. La commission est donc défavorable à l’amendement n° 30.

Les mêmes arguments valent contre les amendements identiques nos 46 et 69, sur lesquels la commission a également émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement est défavorable à ces trois amendements.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote sur l’amendement n° 30.

M. Jean-Pierre Godefroy. Votre réponse, monsieur le rapporteur, ne me satisfait pas ! Vous nous parlez de stages de découverte du monde du travail, alors qu’il s’agit ici non pas de cela, mais de stages réalisés lors de la dernière année d’études. Or chacun sait que, dans un certain nombre de cursus, notamment ceux des écoles d’ingénieurs ou des écoles de commerce, de longs stages sont prévus. Certaines écoles d’ingénieurs demandent même que leur durée soit allongée !

Pour les embauches faisant suite à une longue période de stage, il serait donc logique que ce dernier soit considéré comme une période d’essai. Pourquoi remettre en situation précaire un stagiaire qui a donné satisfaction et que l’employeur souhaite embaucher pendant les trois, quatre ou cinq mois d’une période d’essai ? C’est tout à fait déraisonnable, car il ne s’agit pas du tout, monsieur le rapporteur, de stages d’initiation au monde de l’entreprise !

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. Je vais m’exprimer sur ce sujet en tant qu’ancien ministre délégué à l’enseignement professionnel.

J’observe comment mes camarades du groupe socialiste essaient, avec beaucoup d’énergie, de vérifier la « sincérité » de la période d’essai. Il ne doit pas être question de période d’essai à l’issue d’un stage de qualification.

En effet, un stage constitue un exercice à l’intérieur d’un parcours pédagogique à vocation qualifiante. Cela signifie que, à la fin du stage, lorsque le diplôme est validé, la personne possède une qualification. Elle a les connaissances requises pour l’exécution d’un ensemble de tâches de haut niveau. Nier cela, c’est nier le caractère qualifiant du stage et remettre en cause la notion même de diplôme ! Cela revient à prendre le risque très grave de déstabiliser tout le système.

Cela étant, la période d’essai est aussi destinée à vérifier que la personne embauchée est apte à occuper le poste de travail précis pour lequel elle est recrutée. En effet, les qualifications liées aux diplômes sont extrêmement amples dans notre pays et couvrent des champs de connaissances très étendus. Il faut donc également vérifier que la personne présente l’aptitude au poste de travail, notion différente de celle de qualification.

Cependant, dès lors qu’un employeur prend la décision d’embaucher une personne ayant effectué un stage qualifiant dans son entreprise, cela signifie qu’il a pu vérifier son aptitude à occuper le poste de travail qui lui est destiné.

Par conséquent, quel peut être, dans un tel cas, le sens d’une période d’essai ? Une période d’essai est en effet destinée à vérifier une qualification et une aptitude. Or ces deux vérifications ont d’ores et déjà eu lieu ! La qualification est attestée par l’éducation nationale au travers du diplôme remis, l’aptitude est validée par la décision d’embauche de l’employeur !

Mes collègues socialistes, verts ou communistes ont donc raison de vouloir instaurer une équivalence entre stage et période d’essai : c’est une proposition qui relève du pur bon sens.

Cela va d’ailleurs au-delà de la seule question du contrat de travail : il y va de la valeur que nous attribuons à un diplôme, qu’il s’agisse d’un diplôme d’ingénieur ou de chercheur ou de n’importe quelle qualification.

Refuser d’intégrer le stage à la période d’essai met en cause soit l’ensemble du système que je viens d’évoquer, soit la sincérité et l’honnêteté du concept même de période d’essai lorsque cette dernière est effectuée dans de telles conditions.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Monsieur Godefroy, vous avez affirmé que votre amendement vise une certaine catégorie de stages. Cependant, son texte concerne tous les stages, y compris ceux que j’ai qualifiés tout à l’heure de stages de sensibilisation.

Il n’est donc pas possible d’émettre un avis favorable sur un tel amendement, qui porte sur l’ensemble des stages.

M. le président. La parole est à Mme Christiane Demontès, pour explication de vote.

Mme Christiane Demontès. Monsieur le rapporteur, permettez-moi, à cet instant, de donner lecture du texte proposé pour l’article L. 1221-23 du code du travail :

« En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue du stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai. »

Ce sont donc non pas les stages de sensibilisation ou de découverte qui sont visés, mais les stages de qualification intégrés à un cursus pédagogique et effectués à la fin de celui-ci.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. Le texte que vient de citer Mme Demontès vise expressément les stages effectués lors de la dernière année d’études. Il s’agit donc non pas de tous les stages, mais de ceux qui marquent le terme d’études supérieures. Je tenais à insister sur ce point.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. La rédaction du projet de loi fait en effet référence aux stages effectués lors de la dernière année d’études, mais cette précision ne figure pas dans le texte de l’amendement !

Mme Christiane Demontès. Non, puisqu’elle figure dans la rédaction du projet de loi !

M. le président. La parole est à M. Michel Bécot, pour explication de vote.

M. Michel Bécot. Je suis quelque peu navré de constater que certains de nos collègues semblent considérer qu’un chef d’entreprise n’a d’autre préoccupation que de profiter du stagiaire et de le maintenir dans un emploi précaire. Il n’en est pas du tout ainsi !

Ne perdons pas de vue le fait qu’il est impossible de confier des responsabilités importantes à un jeune stagiaire, fût-il en fin de formation. Ce n’est qu’à partir du moment où il est embauché que l’entreprise pourra progressivement, lors de la période d’essai, lui donner des responsabilités. Il faut donc bien analyser la situation.

J’ajouterai qu’un jeune embauché a souvent reçu une formation générale. Supposons, par exemple, que l’entreprise engage un titulaire d’un diplôme de niveau « bac+4 » en tant que cadre technique ou commercial. Elle met une voiture à sa disposition et prend en charge, outre son salaire, ses frais d’hôtel et de repas, or des mois pourront s’écouler sans qu’il rapporte quoi que ce soit à son employeur ! Cela peut finalement contraindre l’entreprise à annoncer au jeune embauché qu’il ne fait pas l’affaire, ce dont il a d’ailleurs souvent lui-même conscience.

Telle est la réalité que nous devons garder à l’esprit, au-delà des discours.

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe, pour explication de vote.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. J’aimerais pouvoir souscrire aux propos tenus par MM. Godefroy, Mélenchon et Mme Demontès selon lesquels il convient de déduire intégralement de la période d’essai les stages effectués en fin de formation, car ils paraissent frappés au coin du bon sens.

Toutefois, il faut tenir compte de la réalité suivante : les missions confiées à un stagiaire ne sont pas toujours comparables à celles qu’effectue un salarié « ordinaire ». Il est donc parfois difficile de considérer que le stage équivaut à une période de travail effectif.

En fin de compte, la sagesse me paraît donc plutôt résider dans la rédaction prévue par le projet de loi, aux termes de laquelle la durée du stage est déduite de la période d’essai, sans que cela ait pour effet de réduire cette dernière de plus de la moitié. De surcroît, le chef d’entreprise pourra toujours supprimer la période d’essai s’il considère qu’elle n’est pas nécessaire pour confirmer les aptitudes du stagiaire.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Absolument !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 30.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 46 et 69.

Mme Annie David. Je veux bien entendre l’argument de M. le rapporteur concernant l’amendement n° 30 que le Sénat vient de rejeter, puisque la rédaction présentée par celui-ci pour l’article L. 1221–23 du code du travail ne spécifiait pas, en effet, que seuls étaient visés les stages effectués en fin de cursus pédagogique.

Toutefois, je voudrais attirer l’attention sur le fait que les amendements identiques tendent non pas à réécrire en totalité la rédaction proposée pour l’article précité, mais simplement à en supprimer la fin, pour l’établir comme suit : « En cas d’embauche dans l’entreprise à l’issue d’un stage intégré à un cursus pédagogique réalisé lors de la dernière année d’études, la durée de ce stage est déduite de la période d’essai. » Par conséquent, il est bien fait référence à une catégorie spécifique de stages.

Je soulignerai également qu’il ne s’agit nullement de prévoir une obligation d’embauche par l’entreprise à l’issue du stage. Ce n’est que si l’employeur décide d’embaucher le stagiaire que la durée de stage sera déduite en totalité de la période d’essai, car une telle décision signifie que l’intéressé a été jugé apte à remplir la fonction qui lui sera confiée en tant que salarié.

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Godefroy, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Godefroy. Je me rallie aux amendements identiques nos 46 et 69, car il est vrai que l’amendement n° 30 visait la totalité des stages. Ces amendements sont beaucoup plus ciblés et devraient répondre aux inquiétudes exprimées par M. le rapporteur, puisqu’il est bien précisé que seuls les stages effectués lors de la dernière année d’études sont concernés.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

M. Jean-Pierre Godefroy. Cela étant, pourquoi ne voulez-vous pas prendre en compte l’intégralité de la durée des stages ? Dès lors que l’employeur souhaite embaucher un stagiaire qui lui a donné satisfaction, pourquoi voulez-vous à tout prix imposer une période d’essai de plusieurs mois, source d’insécurité pour l’intéressé ? N’est-ce pas pour donner une marge de manœuvre à l’entreprise afin de lui permettre, le cas échéant, de se débarrasser rapidement du nouvel embauché à l’issue des trois ou quatre mois de la période d’essai, lorsqu’il aura achevé le travail commencé en tant que stagiaire ?

On sait très bien, en effet, que certains stagiaires se voient confier des missions ordinairement dévolues à des salariés relevant d’un contrat de travail classique. Tous les employeurs ne se comportent certes pas ainsi, monsieur Bécot, mais de tels cas existent ; nous en avons tous en tête.

Lorsque l’employeur décide d’embaucher un stagiaire, il le fait en connaissance de cause. Dès lors, pourquoi remettre ce jeune dans une situation précaire en lui imposant une période d’essai ? D’un côté, vous prêchez pour le recours aux contrats conventionnels, de l’autre, vous tentez d’introduire une nouvelle dose d’incertitude. Une telle démarche est complètement incohérente, je me permets de vous le dire.

M. le président. La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Tout d’abord, je vous remercie, monsieur Godefroy, d’avoir confirmé l’analyse que j’avais faite de votre amendement.

Cela étant, vous venez d’indiquer qu’il s’agissait d’imposer à tout prix une période d’essai. Il n’en est rien !

M. Jean-Pierre Godefroy. C’est dans la loi !

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. S’il y a accord entre le salarié et l’employeur, il n’y aura pas de période d’essai à l’issue du stage. Elle n’a rien d’obligatoire !

En revanche, notamment pour les raisons évoquées tout à l’heure par M. Vanlerenberghe, il est bon à mon sens de prévoir la possibilité – et nullement l’obligation – de faire suivre le stage par une période d’essai.

Cette flexibilité a été voulue par les partenaires sociaux avec juste raison, me semble-t-il, et nous entendons respecter leur souhait en la matière.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 46 et 69.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. L'amendement n° 4, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, après les mots :

aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23

insérer les mots :

ou à l'article L. 1242-10

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à imposer le respect d'un délai de prévenance quand le contrat d'un salarié en CDD est rompu pendant la période d'essai. Dans sa rédaction actuelle, le projet de loi prévoit le respect d’un tel délai seulement quand le salarié est titulaire d'un CDI.

Cette différence de traitement entre deux catégories de salariés nous paraît difficile à justifier : pourquoi le salarié en CDD, qui souffre déjà d'une certaine précarité de l'emploi, ne bénéficierait-il pas de cette protection élémentaire que constitue un délai de prévenance, même si ce délai est très bref ?

Il est vrai que cet amendement va au-delà des stipulations de l'accord national interprofessionnel,…