M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. … mais il me semble cependant qu'il apporte un complément à ce dernier, sans remettre en cause sa cohérence.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Il est bien dommage qu’un amendement de la commission ne puisse être retiré en séance publique, car sinon c’est ce que j’aurais tenté d’obtenir !

En effet, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, et je vais exposer les raisons de sa position. Je suis convaincu que mon argumentation ira droit au cœur de M. le président About !

Tout d’abord, cet amendement se situe hors du champ de l’accord du 11 janvier 2008, dont l’objet est le seul CDI. Le CDD relève d’un équilibre différent. Nous avons d’ailleurs eu un débat sur ce point tout à l’heure, monsieur Mélenchon.

En tout état de cause, il ne me paraît pas de bonne politique d’introduire dans la transposition de l’accord du 11 janvier 2008 une réforme à caractère ponctuel.

Enfin, dans le cas de CDD très courts, s’agissant notamment des contrats saisonniers, adopter la disposition présentée serait gênant, parce que cela pourrait aboutir à allonger la durée des contrats dans une mesure parfois proportionnellement importante.

Ainsi, un CDD rompu au bout de trois jours devrait être prolongé d’une journée supplémentaire : ce serait porter atteinte à l’équilibre même du système, s’agissant notamment des contrats saisonniers, qui sont particulièrement courts.

Il n’est pas possible à la commission de retirer son amendement, mais j’espère que mon argumentation amènera une évolution de sa position.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Je découvre qu’il y a des contrats de trois jours !

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. On peut aussi envisager une rupture de contrat au bout de deux jours, voire le renvoi d’un salarié avant même son recrutement ! (Sourires.)

Cela dit, nous comprenons votre argumentation, monsieur le ministre. Nous pourrions donc rectifier notre amendement en indiquant par exemple qu’il faudrait tenir compte du cas des contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine.

M. Xavier Bertrand, ministre. Quel serait l’intérêt de cet ajout, monsieur le président de la commission ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Cette précision permettrait par exemple au titulaire d’un contrat d’une durée de cinq semaines, assorti d’une période d’essai d’une semaine au minimum, de bénéficier de quarante-huit heures de préavis en cas de renvoi. C’est une question de respect à l’égard du salarié.

Si notre amendement ainsi rectifié ne donnait pas totalement satisfaction, nous pourrions améliorer ensemble la disposition dans le cadre de la commission mixte paritaire.

M. le président. Je suis donc saisi d’un amendement n° 4 rectifié, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, et ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, après les mots :

aux articles L. 1221-19 à L. 1221-23

insérer les mots :

ou à l'article L. 1242-10 pour les contrats stipulant une période d'essai d'au moins une semaine

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Cette rectification ne me semble pas de nature à faire évoluer la position du Gouvernement.

Monsieur About, viser comme vous le proposez les contrats stipulant une période d’essai d’au moins une semaine ne correspond pas à la logique de proportionnalité propre aux CDD et revient à figer les choses.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Non, j’introduis un plancher !

M. Xavier Bertrand, ministre. La fixation d’un plancher tend précisément à figer les choses et crée, à mon sens, une complexité supplémentaire.

En tout état de cause, l’ANI porte sur les CDI. Or, dans le cas présent, il est question des CDD.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui !

M. Xavier Bertrand, ministre. Certes, il ne s’agit pas d’un « cavalier », mais nous ne sommes pas au cœur du champ de l’accord. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

En outre, j’ajouterai, monsieur le président de la commission, que nous ne pourrons travailler avec vous sur cette disposition en commission mixte paritaire, puisque le Gouvernement n’y participe pas.

Pour toutes ces raisons, le Gouvernement doit maintenir, ce dont je suis sincèrement désolé, l’avis défavorable qu’il a émis sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. La commission maintient son amendement dans sa forme actuelle et s’en remet à la sagesse du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote.

Mme Annie David. M. le ministre affirme que nous nous situons dans le cadre d’un CDI, or une période d’essai n’aboutit pas nécessairement à la conclusion d’un tel contrat. Par conséquent, il ne saurait être uniquement question, dans le cas présent, de CDI.

Mme Catherine Procaccia. Un CDD ne comporte pas de période d’essai ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Madame David, l’accord portant sur les CDI, seules peuvent nous intéresser, dans le cadre de sa transposition législative, les périodes d’essai qui leur sont liées. Or l’amendement de la commission vise les CDD. Par conséquent, nous sortons ici du champ de l’accord.

C’est la raison pour laquelle, au-delà de questions de méthode, le Gouvernement, qui ne souhaite pas s’engager dans une réforme ponctuelle, n’est pas favorable à cet amendement.

J’ai bien compris que la position de M. le président About était inébranlable, mais le Gouvernement maintient lui aussi la sienne.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. J’indique à Mme Procaccia que les CDD comportent une période d’essai d’une durée proportionnelle à celle du contrat, à concurrence d’un jour ouvré par semaine. C’est dans ce cadre que, s’agissant des CDD, la commission proposait de prévoir un délai de prévenance de quarante-huit heures pour les contrats conclus pour une durée d’au moins cinq semaines. Cela ne nous semblait pas disproportionné et demeurait cohérent avec les textes en vigueur à ce jour.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Xavier Bertrand, ministre. Nous nous livrons à de très longues démonstrations concernant des contrats très courts !

Votre proposition, monsieur About, revient à ajouter un jour supplémentaire par semaine à celui qui était prévu jusqu’à présent, soit un doublement de la durée.

Par conséquent, non seulement cet amendement se situe en dehors du champ de l’accord, mais il introduit de surcroît une rigidité et une complexité supplémentaires, ainsi que je l’expliquais tout à l’heure.

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote.

M. Jean-Luc Mélenchon. À l’heure des sophismes, je ne voudrais pas demeurer en reste ! (Sourires.)

L’accord ne visant que les CDI, le Parlement est parfaitement fondé à traiter, pour sa part, la question des CDD ! M. le président About et M. le rapporteur sont donc parfaitement en droit de faire des propositions dans un domaine qui n’interfère pas avec celui du sacro-saint accord, devant lequel il faudrait s’incliner à tout instant !

En outre, monsieur le ministre, il me semble que vous confondez la durée de la période d’essai et le délai de prévenance. Quoi qu’il en soit, un jour de délai de prévenance avant de jeter quelqu’un dehors, quelle tendresse soudaine ! Quel laxisme ! Quel laisser-aller ! Quel manquement à cette flexibilité si absolument nécessaire à la vigueur de nos entreprises ! Nous n’avions pas été habitués, jusqu’à présent, à une telle sollicitude de la part de nos collègues de la majorité !

Pour une fois, nous pouvions nous accorder sur une disposition qui non seulement ne dérangeait personne, mais encore rendait service à de pauvres diables dont les contrats de travail sont déjà extrêmement peu avantageux. Pourtant, le ministre n’en veut pas. Son argumentation ne tient pas, ni sur le fond ni au regard du contexte.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n’allons pas nous battre inutilement à propos de cette mesure. J’ai indiqué tout à l’heure que la commission s’en remettait à la sagesse du Sénat. Nous avons cherché à rapprocher les positions de M. le rapporteur et de M. le ministre ; si cela se révèle impossible, le Sénat tranchera. Nous aurons simplement eu raison un peu trop tôt, mais un jour viendra où un délai de prévenance sera accordé dans les cas visés par l’amendement de la commission. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Luc Mélenchon. Vous n’êtes pas encore battu, monsieur le président de la commission !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 4 rectifié.

(L'amendement est adopté.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous ne pourrons profiter de ce vote positif que quelques jours !

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L'amendement n° 5, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. - Remplacer le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail par deux alinéas ainsi rédigés :

« 1° Vingt-quatre heures en deçà de huit jours de présence ;

« 2° Quarante-huit heures entre huit jours et un mois de présence ;

II. - En conséquence, dans les troisième et quatrième alinéas du même texte, remplacer respectivement les références :

2° 

et :

par les références :

et :

III. - Compléter le texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-25 du même code par une phrase ainsi rédigée :

Ce délai est ramené à vingt-quatre heures si la durée de présence du salarié dans l'entreprise est inférieure à huit jours.

La parole est à M. le rapporteur.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Cet amendement vise à réduire la durée du délai de prévenance quand la durée de présence du salarié dans l'entreprise est très brève, soit moins de huit jours, ce qui est une manière d'encourager les périodes d'essai courtes.

M. le président. L'amendement n° 70, présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par le I de cet article pour l'article L. 1221-24 du code du travail, remplacer les mots :

quarante-huit heures

par les mots :

cinq jours ouvrés

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. L’alinéa visé de l’article 2 a pour objet de créer un délai de prévenance lorsque l’employeur décide, durant la période d’essai, de se séparer de son salarié.

Évidemment, les sénatrices et les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen ne sont pas hostiles par principe à cette mesure, qui confère une certaine dignité à des situations parfois difficiles sur le plan humain.

Toutefois, nous considérons que le délai de prévenance de quarante-huit heures actuellement prévu dans le cas des salariés présents dans l’entreprise depuis moins d’un mois est trop court. C’est pourquoi nous proposons de le porter à cinq jours ouvrés.

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur l’amendement n° 70 ?

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. Les partenaires sociaux ont négocié la durée du délai de prévenance, qui est proportionnée à la durée de présence du salarié dans l’entreprise. Il est utile de conserver cet équilibre voulu par les partenaires sociaux. C’est pourquoi la commission émet un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les amendements nos 5 et 70 ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis favorable sur l’amendement n° 5, mais je voudrais indiquer à la commission que la logique qu’elle a retenue pour les CDI se situe aux antipodes de celle qu’elle vient de défendre s’agissant des CDD. Le présent amendement tend en effet à réduire le délai de prévenance dans le cas d’un CDI, alors même que l’amendement n° 4 rectifié de la commission visait à créer un délai de prévenance s’agissant des CDD. Je tenais à le souligner !

S’agissant de l’amendement n° 70, le Gouvernement émet un avis défavorable.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour explication de vote sur l'amendement n° 5.

Mme Annie David. Mon groupe s’abstiendra sur l’amendement de la commission.

Si nous sommes d’accord pour moduler le délai de prévenance en fonction du temps passé par le salarié dans l’entreprise, nous ne pouvons pour autant accepter que ce délai ne soit que de quarante-huit heures pour un salarié dont la durée de présence dans l’entreprise varie entre huit jours et un mois. C’est pourquoi nous avons présenté un amendement tendant à porter ce délai à cinq jours ouvrés. Il est dommage que nous n’ayons pu nous mettre d’accord sur ce point.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 5.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, l'amendement n° 70 n'a plus d'objet.

Je suis saisi de trois amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

Les deux premiers sont identiques.

L'amendement n° 47 est présenté par MM. Muller et Desessard et Mmes Blandin, Boumediene-Thiery et Voynet.

L'amendement n° 71 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Supprimer le II de cet article.

La parole est à M. Jacques Muller, pour présenter l’amendement n° 47.

M. Jacques Muller. Cet amendement vise à supprimer le vingt-sixième alinéa de l’article 2, qui prévoit que tout accord conclu avant la date de publication de la présente loi et fixant des durées d’essai plus courtes devra être renégocié avant le 30 juin 2009.

Cette disposition ne figure pas dans l’accord. Si l’ANI a prévu le maintien des accords fixant des durées plus longues que celles qui seront inscrites dans la loi, il n’a, en revanche, rien précisé à propos des durées plus courtes, pour la simple raison que le texte fixe des maxima. Dès lors, il est normal que des accords de branche puissent prévoir des durées inférieures.

Alors que, jusqu’à présent, nous n’avions pas eu le droit de toucher à la moindre virgule de ce sacro-saint accord, il est surprenant que l’on nous demande soudainement d’ajouter l’alinéa visé. Cela laisse à penser que l’objectif du Gouvernement est bien de porter la durée des périodes d’essai au maximum de chaque catégorie, et non plus de la maintenir dans une fourchette comprise entre zéro et le maximum.

En définitive, il n’est à mon sens ni correct ni cohérent de demander au Parlement d’entériner sur de telles bases une modification de l’accord, d’autant que le Gouvernement et M. le rapporteur n’ont cessé de nous répéter ce soir qu’il fallait nous en tenir à celui-ci. Il n’est qu’à voir le nombre d’amendements déposés par nos soins qui ont été rejetés pour ce motif.

M. le président. La parole est à M. Guy Fischer, pour présenter l'amendement n° 71.

M. Guy Fischer. Au travers de cet amendement, nous voulons faire en sorte que les accords de branche plus favorables aux salariés que le texte qui nous est soumis, c'est-à-dire ceux qui prévoient des périodes d’essai plus courtes que celles qui sont fixées par le présent article, continuent à prévaloir.

L’alinéa visé de l’article 2 nous apporte la triste confirmation de ce que nous ne cessons de dénoncer ici, à savoir le déséquilibre profond de ce projet de loi, qui fait droit à toutes les exigences du patronat et renvoie à plus tard, quand il ne les nie pas, les attentes des salariés.

En l’occurrence, cet alinéa prévoit tout simplement l’extinction en 2009 des mesures instituant des périodes d’essai plus courtes que prévu aux alinéas précédents, et qui sont donc plus favorables aux salariés.

Cette disposition est bien curieuse, puisque vous avez décidé au contraire, monsieur le ministre, d’autoriser le maintien des périodes d’essai plus longues que celles qui auront été légalement instituées dès lors que des accords de branche les prévoient.

En l’espèce, il s’agit donc d’une mise en œuvre des règles à deux vitesses, et l’on comprend que la loi doit s’appliquer dans tous les cas, sauf si les dispositions des accords de branche sont plus favorables aux employeurs.

Cette distinction, sauf à considérer qu’elle n’a d’autre objet que de satisfaire le patronat, ne peut nullement se justifier. C’est la raison pour laquelle je propose au Sénat d’adopter cet amendement.

M. le président. L'amendement n° 6, présenté par M. Bernard-Reymond, au nom de la commission, est ainsi libellé :

Au début du II de cet article, supprimer les mots :

Par dérogation aux dispositions du deuxième alinéa de l'article L. 1221-21 du code du travail,

La parole est à M. le rapporteur, pour le présenter et pour donner l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 47 et 71.

M. Pierre Bernard-Reymond, rapporteur. L’amendement n° 6 est purement rédactionnel.

L’adoption des deux amendements identiques réduirait grandement la portée de l’article 2, qui a pour objet de contraindre certaines branches où l’on applique des périodes d’essai particulièrement courtes à renégocier celles-ci.

Par conséquent, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement sur les trois amendements ?

M. Xavier Bertrand, ministre. Le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements identiques nos 47 et 71, et un avis favorable sur l’amendement n° 6.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 47 et 71.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 6.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Luc Mélenchon, pour explication de vote sur l’article 2.

M. Jean-Luc Mélenchon. Chacun aura bien compris les raisons de notre extrême vigilance concernant la question de la période d’essai. Je les rappelle pour le cas où elles auraient échappé à certains de nos collègues.

La période d’essai est une période pendant laquelle sont mis entre parenthèses la quasi-totalité des droits du travailleur. L’employeur peut décider d’interrompre l’essai sans que le salarié bénéficie d’aucune contrepartie ; il n’est pas obligé de fournir une justification ni tenu de verser une quelconque indemnisation.

Il s’agit donc d’un moment juridique extrêmement sensible qu’il convient d’examiner avec beaucoup de soin, puisque la dépendance du salarié est alors totale.

L’idée d’une période d’essai est en elle-même justifiée, comme l’ont expliqué tout à l’heure plusieurs de nos collègues. Il est parfaitement admissible que l’employeur veuille vérifier l’adaptation au poste de travail du candidat à l’embauche, dont la qualification est au demeurant incontestable du fait des indications fournies sur son CV, qu’il s’agisse des diplômes qu’il a obtenus ou de l’expérience qu’il a acquise en occupant un poste de travail comparable dans une autre entreprise.

La notion de période d’essai n’est donc pas le sujet de notre discussion ; ce qui nous préoccupe depuis le début, c’est la durée de cette période.

Or, sur ce point, les constatations que nous avons faites jusqu’à présent nous inquiètent. Nous sommes partis de l’idée – nombre de nos collègues la partagent certainement ! – que cette période d’essai sert uniquement à vérifier l’aptitude du salarié au poste de travail occupé et qu’elle n’a aucune visée économique. C’est totalement différent !

Or nous nous sommes aperçus que la période d’essai était utilisée comme un substitut au contrat à durée déterminée, système intermédiaire qui se justifie lorsque le travail à accomplir n’est pas toujours le même et que la production exigée varie. Les objectifs économiques peuvent être atteints par le biais du CDD, mais pas par celui de la période d’essai.

Les propositions figurant dans le présent article entérinent ce glissement, conformément à la note de problématique qui a été transmise au début du mois de septembre 2007 aux syndicats par le MEDEF, la CGPME et l’UPA. Les organisations patronales justifiaient la création d’une « période d’essai cohérente et suffisamment longue » non pas pour améliorer les conditions de vérification de l’aptitude du salarié au poste de travail, mais pour réduire le recours au CDD à l’embauche. Il y a bien un changement de nature du contenu de la période d’essai. C’est ce que décrit la note du patronat.

C’est pourquoi, depuis le début de cette discussion sur l’article 2 du projet de loi, nous avons fait deux tentatives.

La première visait, par le biais des amendements que Christiane Demontès a défendus tout à l’heure, à vérifier la sincérité de cette période d’essai, en prévoyant que celle-ci soit précisée individuellement pour chaque travailleur.

La seconde tentative avait pour objet, dans le même souci de clarification, de déduire de cette période d’essai la durée du stage de fin d’études, qui est censé permettre de s’assurer de l’aptitude au poste concerné.

L’examen de ces amendements était pour nous l’occasion d’ouvrir ce débat et de procéder à la vérification du sens de la période d’essai.

Nous avons donc écouté avec attention tous les arguments qui ont été avancés. Or, comme l’ont fait valoir MM. Muller et Fischer, une disposition figurant à l’article 2 ne se trouvait pas dans l’accord national interprofessionnel : il s’agit de l’allongement généralisé de la période d’essai, que personne ne réclamait.

M. le rapporteur nous a alors dit que cet ajout avait été prévu pour « contraindre » les branches ayant recours à des périodes d’essai « particulièrement courtes » – dans son esprit, cela semble être une chose odieuse ! – à reconsidérer leur point de vue. Il s’agit de les obliger à allonger la période d’essai, et donc à en modifier complètement le contenu.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Pas nécessairement !

M. Jean-Luc Mélenchon. Dans ces cas, les professionnels, ceux qui sont en état de vérifier l’aptitude du salarié au poste de travail visé, estiment que la formule de la période d’essai adaptée à chaque salarié en fonction des caractéristiques dudit poste est satisfaisante. Or on leur dit que, dorénavant, ce système ne fonctionne plus et qu’il leur faudra mettre en place une flexibilité nouvelle à la place de l’ancienne sécurité. La flexibilité au lieu de la sécurité, ce n’est plus la « flexisécurité » !

Tout cela permet de comprendre pourquoi, depuis le début de ce débat, personne n’a répondu à la question que nous avons posée sur l’utilité de l’allongement de la période d’essai, tant du point de vue de la constatation de la qualification du salarié qu’au regard de l’intérêt économique.

À nos yeux, la seule justification de ces mesures réside dans le fait qu’elles permettent aux employeurs de disposer à leur guise des travailleurs. En réalité, le rapport de subordination qui est inhérent au contrat de travail est encore accentué. Autrefois, le code du travail et l’ordre public social garantissaient à la partie la plus faible un rééquilibrage du rapport qui la liait à la partie la plus forte. Avec le présent texte, il n’en est plus du tout ainsi ! Nous ne nous situons plus dans le cadre où la loi affranchit le faible dans ses relations avec le fort ; désormais, c’est la liberté qui opprime !

M. le président. Je mets aux voix l'article 2, modifié.

(L'article 2 est adopté.)