M. Josselin de Rohan. Vous n’en savez rien !

M. Jean-Pierre Raffarin. Quel défaitisme !

M. Robert Badinter. Il y a là un déni de justice, un manquement au suffrage universel, à l’aide de ce filtre que constituent les collèges électoraux.

Aussi, à l’époque du gouvernement de M. Jospin, un effort a été accompli pour remédier à cette situation.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Dites plutôt une tentative de destruction !

M. Robert Badinter. C’est alors que le Conseil constitutionnel a rendu une décision que nous connaissons tous parfaitement et que la commission des lois a envisagé un temps de constitutionnaliser, afin de cristalliser la situation actuelle, avant d’y renoncer et de se contenter d’un autre dispositif.

Je laisse ici de côté le problème du nombre de sénateurs par rapport à la population de chaque département, sur lequel nous nous sommes déjà exprimés, même si l’on pourrait encore en parler longuement. En effet, le véritable problème, c’est que la Constitution – je ne parle plus ici de la loi électorale – résulte de l’interprétation de ses différentes dispositions qu’a donnée le Conseil constitutionnel, sous réserve des modifications apportées ultérieurement par le constituant.

Certes, le Conseil constitutionnel ne dispose pas du pouvoir, par lui-même, de créer des normes constitutionnelles, mais il interprète celles qui existent, et tant que la Constitution n’a pas été révisée, c’est cette interprétation du Conseil constitutionnel qui est la Constitution !

M. Michel Charasse. Absolument !

M. Robert Badinter. Par conséquent, je le répète, ce que vous êtes en train de faire, chers collègues de la majorité, c’est de constitutionnaliser implicitement la décision du Conseil constitutionnel,…

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas du tout ! Vos propos sont scandaleux !

M. Robert Badinter. … ce qui constitue, je dois le reconnaître, l’un des tours de passe-passe les plus extraordinaires de l’histoire constitutionnelle !

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Robert Badinter. En effet, vous détenez le pouvoir de révision, car il n’est pas possible de procéder à une révision constitutionnelle si le Sénat ne donne pas son accord, et le Sénat, en définitive, c’est la majorité sénatoriale, nous le constatons à longueur de débats ! (Exclamations sur les travées de lUMP.)

Vous tenez dans vos mains la clef de la porte qui interdit toute modification de la Constitution, et vous êtes d'ailleurs en train de vous en servir !

M. le président. Il faut vraiment conclure, monsieur Badinter ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Robert Badinter. Monsieur le président, nous sommes au cœur d’un débat fondamental, et je vous demande instamment de prendre cet aspect en compte. Permettez-moi de vous dire respectueusement que quand on examine un point crucial, on n’a pas l’œil fixé sur le chronomètre !

Je le rappelle, le comité Balladur avait proposé que le Sénat représente les collectivités territoriales « en fonction de leur population », précisément pour remédier à la situation créée par la décision du Conseil constitutionnel. Le Gouvernement avait souhaité que la répartition des sièges se fasse « en tenant compte de la population ». Vous pouviez choisir l’une ou l’autre rédaction, mais la porte était ouverte à la modification du mode de scrutin !

Or en figeant l’interprétation de la Constitution qu’a donnée le Conseil constitutionnel, et en détenant, car tel est bien le cas, la clef de toute révision constitutionnelle, vous constitutionnalisez et pérennisez une situation qui n’est pas juste. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Monsieur Badinter, puisque vous vous êtes adressé à moi, permettez-moi de vous rappeler que les règles sont les mêmes pour tous les sénateurs. Tous disposent de cinq minutes pour exposer leur vote, quel que le soit le sujet.

En outre, il arrive parfois que des parlementaires écoutent ce qui est dit par leurs collègues : lorsque, dans notre assemblée, le même thème est repris plusieurs fois, il n’est peut-être pas nécessaire d’y revenir ! C'est d'ailleurs la raison pour laquelle certains amendements font l’objet de discussions communes.

Je suis heureux que vous ayez pu vous exprimer jusqu’au bout, mais il est important, me semble-t-il, que nous respections les règles qui ont été fixées et qui s’appliquent à tout le monde, quel que soit le débat.

La parole est à M. Henri de Raincourt, pour explication de vote.

M. Henri de Raincourt. Lorsque nous avons commencé l’examen de l’article 9 du projet de loi constitutionnelle, notre collègue Bernard Frimat nous a demandé de faire un effort pour ne pas caricaturer la position que ses collègues et lui-même défendaient avec constance. Je pense qu’il avait raison.

Sur cette question comme sur d’autres – nous en avons évoqué un certain nombre hier –, est-il permis de demander la réciprocité ?

En effet, j’appartiens au groupe de l’UMP et je dois dire que mes collègues et moi-même commençons à souffrir de la façon dont on dénature totalement la position qu’avec constance nous défendons. Nous avons la prétention que l’on veuille bien examiner nos arguments avec autant d’objectivité et, si possible, de sérénité que s’ils étayaient des opinions contraires aux nôtres.

M. Jacques Mahéas. Venez-en au fond !

M. Henri de Raincourt. Laissez-moi m’exprimer comme je l’entends, monsieur Mahéas !

Nous en avons assez des leçons de morale que, sans arrêt, on nous inflige ! En matière de légitimité démocratique, la nôtre vaut la vôtre, un point c’est tout !

L’article 24 de la Constitution dispose que le Sénat « assure la représentation des collectivités territoriales de la République », et nous en tirons la conclusion, que vous n’êtes pas obligés de partager, chers collègues de l’opposition, que le collège électoral des sénateurs doit être composé essentiellement d’élus.

Or, voilà déjà un certain nombre d’années que nous ne parvenons pas à définir, les uns et les autres, les modalités correspondant à ce principe qui, pour nous, est essentiel.

Ainsi, en 1999, nous avons émis des propositions sur ce sujet, dont vous n’avez pas voulu. En 2000, vous avez fait voter un texte, qui a été censuré par le Conseil constitutionnel. Vous revenez aujourd'hui avec des propositions identiques, ce qui est tout à fait votre droit, mais souffrez que, nous aussi, nous usions des mêmes arguments.

En l’espèce, nous maintenons donc notre position : nous n’avons aucune objection à débattre de ce sujet s’il est possible d’avoir une discussion sereine, sans qu’on nous instruise en permanence des procès en sorcellerie.

Nous sommes tout à fait disposés à réfléchir à cette question, comme nous le faisons depuis bientôt dix ans désormais. Toutefois, si vous souhaitez que nous en discutions et que nous trouvions des solutions qui soient acceptables par tous, il faut cesser de nous donner des leçons de morale en permanence : nous ne les supportons plus ! (Vifs applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Jacques Mahéas. C’est léger, comme argumentaire !

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je ferai simplement deux remarques.

Tout d'abord, M. Badinter, à qui M. le président a demandé tout à l'heure de conclure son propos parce qu’il avait dépassé son temps de parole, disposait dans la discussion générale de dix minutes et en a utilisé trente. Pourtant, M. le président n’a rien dit …

M. Bernard Frimat. Il faut dire cela à M. Poncelet !

M. Éric Doligé. … et nous avons été patients, nous en tenant pour notre part au temps qui nous était imparti.

M. Josselin de Rohan. C’est un fait !

M. Éric Doligé. Ensuite, la démonstration de M. Badinter revient à soutenir que, puisque les collectivités sont à gauche, le Sénat, qui occupe, si j’ose dire, le sommet de l’édifice institutionnel territorial, doit l’être également.

Je lui ferai la démonstration inverse : dans la région Centre, quatre conseils généraux et cinq chefs-lieux de département sur six sont à droite, alors que le conseil régional est dominé par la gauche. La région devrait-elle être de la même tendance politique que les collectivités qui la composent ?

M. Jacques Mahéas. Cela n’a rien à voir !

M. Éric Doligé. Ce sont les électeurs qui s’expriment ! En l’occurrence, si nous avons été élus au Sénat, c’est parce que nos électeurs l’ont voulu.

Ne développez donc pas des arguments que l’on pourrait retourner contre vous : je puis vous démontrer que l’assemblée de la région où je suis élu ne reflète pas la réalité politique de la population qu’elle représente. (Applaudissements sur les travées de lUMP. – Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Charasse, pour explication de vote.

M. Michel Charasse. Je serai très bref. Ce débat m’inspire la réflexion suivante : nous devons être vigilants, mais il y aura une navette,…

M. Bernard Frimat. Pas sur cet article !

M. Michel Charasse. … et je considère donc que la question peut rester ouverte, dès lors que la commission des lois, au travers de l’amendement n° 103 rectifié, propose un texte différent de celui qui est issu des travaux de l’Assemblée nationale.

Je le dis tout simplement : un jour viendra, peut-être plus vite qu’on ne le croit, où l’opinion jugera cette situation insupportable et où les circonstances du débat public nous amèneront à un référendum dirigé contre le Sénat (M. Henri de Raincourt s’exclame.), qui ira beaucoup plus loin que ce que demandent, au sujet de la loi électorale, les plus exigeants d’entre nous ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Gérard Delfau. Très bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 103 rectifié.

Je suis saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l’UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

(Il est procédé au comptage des votes.)

M. le président. Voici le résultat du dépouillement du scrutin n° 110 :

Nombre de votants 327
Nombre de suffrages exprimés 325
Majorité absolue des suffrages exprimés 163
Pour l’adoption 198
Contre 127

Le Sénat a adopté.

En conséquence, les amendements nos 334, 182, 434 et 180 rectifié n’ont plus d’objet.

L'amendement n° 249, présenté par Mme N. Goulet, est ainsi libellé :

Au dernier alinéa de cet article, supprimer les mots :

« à l'Assemblée nationale et »

La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Cet amendement a trait à la proposition qui nous est faite, inspirée directement par la promesse du Président de la République, de créer des sièges de député des Français de l’étranger.

Tout à l’heure, nous avons évoqué le nombre des députés. Or je rappellerai que le comité Balladur était tout à fait hostile à la création de ces sièges, sauf à maintenir constant l’effectif actuel des députés, qui est de 577, d’où, certainement, l’inscription de ce chiffre dans le texte.

Si cette disposition a évidemment toute sa place dans la Constitution, ce qui n’était pas forcément le cas d’un certain nombre d’autres mesures que nous avons examinées ces derniers jours, et si le principe de la création de sièges de député des Français de l’étranger est tout à fait admissible, il reste que les modalités d’application me semblent à ce point compliquées que je propose, dans l’immédiat, la suppression du dispositif.

Certes, l’on peut comprendre que nos collègues sénateurs représentant les Français de l’étranger soient attachés à la création de ces sièges de député des Français de l’étranger, notamment ceux d’entre eux qui sont candidats à une éventuelle réélection dans quelques mois et comptent, au sein de leur corps électoral, un certain nombre de personnes qui, ne parvenant pas à accéder au siège tant convoité de sénateur représentant les Français de l’étranger, se voient déjà députés des Français de l’étranger… (Murmures sur les travées de l’UMP.)

Cela étant, le problème de la définition des circonscriptions électorales va se révéler extrêmement compliqué à résoudre, de même que celui du mode de scrutin.

Par ailleurs, si l’effectif maximal des députés est maintenu tel qu’il a été voté à l’Assemblée nationale et confirmé ici même cet après-midi, il faudra supprimer un certain nombre des sièges actuels afin que puissent être élus entre douze et quatorze députés des Français de l’étranger.

Compte tenu de ces très grandes imprécisions, je propose donc, au travers de cet amendement, la suppression de cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je ferai d’abord remarquer que la création de députés des Français de l’étranger ne coûtera rien, étant donné que le nombre de députés a été plafonné. C’est déjà quelque chose !

Cela étant dit, il s’agit là d’un engagement pris par le Président de la République et d’une demande ancienne de beaucoup de nos amis.

M. Michel Charasse. Du Conseil supérieur des Français de l’étranger !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Pas seulement, mon cher collègue !

Je comprends que les Français établis hors de France puissent souhaiter élire des députés, même s’ils étaient très bien représentés jusqu’à présent par leurs sénateurs.

M. Christian Cointat. Ils le sont toujours !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Certes, mais ils le seront encore mieux s’ils peuvent désigner des députés.

L’Assemblée nationale, qui est concernée au premier chef, ayant accepté que des députés représentent les Français de l’étranger, je ne saurais contester son choix, eu égard à la bonne règle républicaine qui veut qu’une assemblée ne remette pas en cause les décisions qu’a prises l’autre sur des questions qui ne concernent qu’elle.

La commission est donc défavorable à cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement est tenté de vous demander de bien vouloir retirer cet amendement, madame Goulet.

En effet, vous proposez de supprimer la disposition du projet de loi prévoyant que les Français établis hors de France seront représentés non seulement au Sénat, mais aussi à l’Assemblée nationale.

Or, comme l’a rappelé M. le rapporteur, cela répond à une demande ancienne, qui a d’ailleurs été renouvelée par l’Assemblée des Français de l’étranger en septembre 2007.

Je rappelle que les Français de l’étranger sont environ 2 millions, dont un peu plus de 1,3 million sont immatriculés dans les consulats. S’ils sont aujourd’hui représentés au Sénat par douze sénateurs, ils ne sont, en revanche, pas représentés du tout à l’Assemblé nationale.

Certes, ils peuvent être inscrits sur les listes électorales en France, mais encore faut-il qu’ils aient une commune de rattachement. Surtout, nous savons tous que ce type d’inscription, quelque peu artificiel, est souvent facteur d’abstention.

En réalité, le projet de loi vise à mettre fin à cette singularité. Les Français établis hors de France seront désormais, comme tous les autres Français, représentés au Sénat et à l’Assemblée nationale. C’est une mesure à laquelle le Président de la République est, à juste titre, très attaché, en ce qu’elle concerne des Français qui, je le rappelle, assurent, pour une grande part, le rayonnement de notre pays à l’étranger.

S’agissant du dispositif proprement dit, nous envisageons la création d’une douzaine de sièges de député représentant les Français de l’étranger. Il appartiendra, bien sûr, au législateur organique de fixer précisément le nombre de ces sièges.

J’ai déjà dit très clairement, même si mes propos ont pu être quelque peu déformés, que ces députés seraient probablement élus par le biais d’un scrutin majoritaire par zones géographiques. Je n’ai jamais parlé d’un scrutin uninominal,…

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. … ce qui laisse un peu de marge quant à la manière dont la loi organique pourra être élaborée. S’agissant du mode de scrutin, il appartient naturellement au Parlement, et non pas au constituant, de le définir.

Nous serons extrêmement vigilants quant au déroulement d’opérations électorales qui se tiendront dans des circonscriptions géographiques très étendues si le principe du scrutin majoritaire est retenu.

Il nous faudra donc ensemble, dans le cadre de la loi organique, définir ce que devront être les modalités de contrôle de ce scrutin.

M. le président. Madame Goulet, l’amendement est-il maintenu ?

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, compte tenu des précisions qui viennent de m’être apportées, et puisque nous pourrons rediscuter de cette disposition, je retire mon amendement.

M. le président. L’amendement n° 249 est retiré.

L'amendement n° 348, présenté par Mmes Boumediene-Thiery, Blandin et Voynet et MM. Desessard et Muller, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Le mandat de membre de l'Assemblée nationale ou du Sénat est incompatible avec l'exercice de tout mandat de maire dans une commune de plus de 20 000 habitants, de fonction de président de conseil général ou de conseil régional ainsi que de toute fonction exécutive locale. Cette disposition est applicable à compter de la quatorzième législature en ce qui concerne l'Assemblée nationale, et à compter du second renouvellement partiel suivant l'entrée en vigueur de la présente loi constitutionnelle en ce qui concerne le Sénat. »

La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery.

Mme Alima Boumediene-Thiery. Je vais sans doute une nouvelle fois provoquer la colère de mes collègues, mais je tiens à revenir sur la question du cumul des mandats. (Exclamations sur les travées de lUMP.)

M. Josselin de Rohan. C’est l’amendement Voynet !

M. Gérard Longuet. C’est l’amendement Montreuil !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Vous pouvez l’appeler comme vous le voulez, cela ne me dérange pas ; je continuerai à défendre le non-cumul des mandats !

Je pense que le véritable enjeu de cette réforme constitutionnelle est de rompre avec des traditions, pour ne pas dire des tolérances, qui n’ont plus lieu d’être aujourd’hui et qui deviennent des exceptions françaises : je veux parler de ce fameux cumul des mandats, sur lequel je ferai deux commentaires.

D’une part, le cumul de deux mandats entraîne souvent un conflit d’intérêts. En effet, est-il concevable qu’un parlementaire vote dans l’une des assemblées le budget des collectivités territoriales, alors qu’il en est, en tant qu’élu local, le premier bénéficiaire ? Peut-on être à la fois juge et partie ?

D’autre part, le maintien de l’importance de notre fonction, de la qualité de nos travaux, de notre disponibilité, ainsi que le respect que nous devons aux citoyens, passent par la limitation du nombre de mandats.

J’estime, pour ma part, que l’on ne peut être à la fois le maire d’une grande ville et un parlementaire impliqué, sauf à avoir le don d’ubiquité !

Le cumul des mandats a un effet désastreux sur le travail parlementaire : il nourrit l’absentéisme, il donne de notre fonction une image qui ne nous honore pas et, souvent, il crée une crise de confiance et jette le discrédit sur le personnel politique.

C’est la raison pour laquelle je pense que, puisque nous est donnée l’occasion de moderniser notre Constitution, il convient de mettre fin au cumul des mandats, ou à tout le moins de le limiter, afin que cessent les abus que nous connaissons aujourd’hui. Ce serait aussi une manière de démocratiser nos assemblées.

Certains collègues sont en même temps maire, président de conseil général ou de conseil régional et parlementaire. Or il me semble qu’il faut savoir, à un moment donné, poser des limites, car on ne peut tout simplement pas tout faire !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je rappellerai d’abord que le régime des incompatibilités des parlementaires relève non pas de la Constitution, mais de la loi organique.

M. David Assouline. Mais pas le nombre des députés ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Monsieur Assouline, si la Constitution fixe un effectif maximal, c’est la loi organique qui détermine le nombre des députés. Contrairement à ce que pensent certains, rien n’empêche de prévoir un tel plafond, comme l’ont d’ailleurs fait beaucoup d’autres constitutions. Nous n’allons pas revenir sur ce débat !

Par ailleurs, madame Boumediene-Thiery, après avoir longuement discuté de ces incompatibilités, nous avons abouti à un équilibre qui paraît satisfaisant. Il ne convient donc pas, à mon sens, d’aller plus loin aujourd’hui, mais nous aurons peut-être ultérieurement l’occasion de revenir sur ces sujets qui sont, certes, importants.

En tout état de cause, et soit dit sans vouloir provoquer l’ire de qui que ce soit, avouez tout de même qu’il est quelque peu paradoxal qu’un tel amendement soit cosigné par Mme Voynet !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. L’avis du Gouvernement sur cet amendement est évidemment défavorable.

Les explications données par M. le rapporteur me paraissent très claires. J’ajouterai un élément qui, particulièrement dans cette assemblée, fait sens : on ne peut en même temps assigner au Sénat la mission de représenter les collectivités territoriales et interdire aux sénateurs de briguer un mandat local ! Il faut tout de même un peu de logique !

Quant à prévoir, comme cela a d’ailleurs été proposé dans le passé, d’interdire un tel cumul aux seuls députés, cela nous ferait entrer dans un débat qui n’est pas près d’aboutir !

Je pense que, dans l’immédiat, il faut maintenir la situation actuelle. Il est possible de cumuler deux mandats ; restons-en là. En effet, il n’est, selon moi, pas inutile pour un élu national d’avoir un ancrage territorial, lui permettant de côtoyer au quotidien la population.

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Je fais miens les propos que vient de tenir M. le secrétaire d’État.

Je n’évoquerai pas les cas de Mme Voynet ou de M. Montebourg, car cela ne me paraît pas très sympathique. Cela étant, il me semble que l’on trouve davantage de parlementaires présidents de conseil régional ou de conseil général à gauche qu’à droite…

Par conséquent, madame Boumediene-Thiery, cela devrait vous inciter à réfléchir avant de déposer un tel amendement avec vos collègues.

M. le président. La parole est à Mme Alima Boumediene-Thiery, pour explication de vote.

Mme Alima Boumediene-Thiery. J’énonce aujourd’hui un principe que nous aimerions précisément voir appliquer. Malheureusement, il n’existe aujourd’hui aucun dispositif adéquat et, que vous le vouliez ou non, nos collègues se trouvant dans cette situation ne sont pas dans l’illégalité.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Nous sommes d’accord !

M. Josselin de Rohan. Il ne faut pas être hypocrite !

Mme Alima Boumediene-Thiery. Il serait donc souhaitable de légiférer sur ce point.

Par ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, exercer un mandat local ne signifie pas forcément appartenir à l’exécutif.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 348.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 13 rectifié bis, présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et MM. Fortassin, Laffitte, Marsin et A. Boyer, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Les règles relatives à l'autonomie administrative et financière des assemblées parlementaires sont fixées par une loi organique. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Michel Debré, en 1958, a reconnu qu’il avait oublié d’introduire certaines dispositions dans la Constitution, notamment celles qui précisent que les assemblées bénéficient de l’autonomie administrative et financière, élément essentiel de la séparation des pouvoirs.

Il a oublié aussi les commissions d’enquête et il a fallu renvoyer tout cela à une ordonnance du 17 novembre 1958 qui n’a pas valeur organique afin d’essayer de rattraper les choses en urgence.

Puisque nous sommes dans la refonte partielle de la Constitution de 1958, j’ai pensé que l’on pourrait, à l’article 24 qui concerne le Parlement, rappeler que les assemblées parlementaires bénéficient de l’autonomie administrative et financière, parce que cette notion est quelquefois contestée par certaines juridictions.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. L’expérience de M. Michel Charasse et ses responsabilités dans la gestion de notre assemblée font que je comprends parfaitement ce qu’il veut dire !

Mais franchement, si, depuis cinquante ans, sauf sur un ou deux points, le dispositif, corrigé par l’ordonnance du 17 novembre 1958, a bien fonctionné, mieux vaut me semble-t-il ne pas le rigidifier. En ce qui concerne l’autonomie des assemblées, la grande souplesse permise par le règlement me paraît préférable à une loi organique qui risquerait d’encadrer sévèrement notre autonomie.

Voilà pourquoi la commission demande le retrait de l’amendement. À défaut, elle émettra un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Roger Karoutchi, secrétaire d'État. Le Gouvernement partage l’avis de la commission.

M. le président. Monsieur Charasse, l’amendement n° 13 rectifié bis est-il maintenu ?

M. Michel Charasse. Je ne souhaite pas que le Sénat, suivant la commission et le Gouvernement, vote contre cette disposition. Il faut que nous tenions bon là-dessus : c’est un élément fondamental de la séparation des pouvoirs.

Je pensais que c’était l’occasion de reclasser une disposition de l’ordonnance du 17 novembre 1958 dans la Constitution. On n’en veut pas, cette disposition demeure cependant dans l’ordonnance précitée, et nous devons, mes chers collègues, veiller à ce qu’elle soit toujours strictement respectée.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. Je suis d’accord !

M. Michel Charasse. Je retire l’amendement.

M. le président. L’amendement n° 13 rectifié bis est retiré.

L'amendement n° 306, présenté par M. Charasse, est ainsi libellé :

Compléter le texte proposé par cet article pour l'article 24 de la Constitution par un alinéa ainsi rédigé :

« Les dispositions du présent article pourront être précisées et complétées par une loi organique. »

La parole est à M. Michel Charasse.

M. Michel Charasse. Comme on a tenu, contre vents et marées, à inscrire le nombre de députés et de sénateurs dans l’article 24, j’ai pensé que l’on pourrait peut-être transposer dans ce même article la souplesse de la fin de l’article 34, qui, de peur que l’on ait oublié quelque chose en 1958, prévoit que les dispositions concernant le domaine de la loi pourront être précisées et complétées par une loi organique.

Or, je propose de faire la même chose à l’article 24, ce qui serait une sage précaution et qui nous permettrait peut-être, dans certaines circonstances, de proposer certaines adaptations sans être obligés d’aller prendre une chambre à Versailles ! (Sourires.)