Mme la présidente. Madame la garde des sceaux, peut-être pourriez-vous présenter votre sous-amendement. Après quoi, nous reprendrions le fil du débat.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Il me paraissait préférable, pour la clarté du débat, de présenter l’article 28 du projet de loi constitutionnelle initial, les évolutions apportées par l’Assemblée nationale, puis le sous-amendement du Gouvernement à l’amendement de la commission des lois. J’expose ainsi le point de départ et l’objectif que nous souhaitons atteindre.

La possibilité offerte à tout justiciable de saisir le CSM constitue la troisième évolution ; c’était le projet du Gouvernement. C’est la raison pour laquelle l’exposé des motifs du projet de loi constitutionnelle annonce une loi organique destinée à permettre la saisine disciplinaire du CSM par les justiciables, sous réserve des filtres utiles.

L’Assemblée nationale a souhaité que cette possibilité soit inscrite dans la Constitution elle-même, et le Gouvernement y a été favorable. Votre commission des lois propose de reprendre cette avancée. La saisine disciplinaire du CSM ne sera donc plus le monopole du garde des sceaux ou des chefs de cour.

Enfin, la dernière évolution concerne le pouvoir disciplinaire. Vous souhaitez que, lorsque les formations du CSM – siège et parquet – ont à connaître de sanctions disciplinaires, les magistrats soient aussi nombreux que les non-magistrats, et ce dans un souci d’équilibre. Cette disposition ne figurait pas dans le projet de loi initial : puisque les magistrats étaient minoritaires quand les formations du CSM se prononçaient sur les nominations, nous souhaitions qu’il en aille de même quand celles-ci statuaient en matière disciplinaire. Mais, dans un souci de consensus, je suis prête à me rallier à votre proposition.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est la norme européenne !

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Toutefois, s’agissant des sanctions prononcées à l’égard des magistrats du parquet, il me semble important de ne pas modifier le dispositif actuel ; le Gouvernement a déposé un sous-amendement en ce sens.

Aujourd’hui, le CSM a le pouvoir de prononcer les sanctions disciplinaires à l’encontre des magistrats du siège. À l’égard des magistrats du parquet, il donne simplement un avis au garde des sceaux.

Pourquoi cette distinction ? Les parquetiers sont des magistrats ; il n’y a aucun débat sur ce point. Avec cette disposition, l’unicité du corps se trouve confirmée, et elle sortira même renforcée de la révision constitutionnelle.

Pour autant, les magistrats du parquet ont un statut différent de celui des magistrats du siège, parce qu’ils sont nommés par le garde des sceaux et reçoivent des instructions de ce dernier. Il est donc normal que le garde des sceaux conserve la responsabilité de la sanction disciplinaire les concernant : si celle-ci se trouve renvoyée au CSM sans que le ministre de la justice puisse intervenir, des problèmes se poseront inévitablement quant à l’appréciation de la responsabilité de ces magistrats, car ceux-ci ne sont pas indépendants ; ils sont placés sous l’autorité du garde des sceaux et ils exécutent la politique pénale du Gouvernement.

D’ailleurs, l’article 5 de l’ordonnance portant loi organique du 22 décembre 1958 dispose : Les magistrats du parquet sont placés sous la direction et le contrôle de leurs chefs hiérarchiques et sous l’autorité du garde des sceaux, ministre de la justice ».

Cette relation hiérarchique est nécessaire, car le parquet agit au nom de la société. Elle a tout son sens, et je voudrais la maintenir, notamment pour ce qui concerne la sanction disciplinaire.

Enfin, je souhaite attirer votre attention, mesdames, messieurs les sénateurs, sur les relations entre le Conseil supérieur de la magistrature et le garde des sceaux.

Le projet de loi constitutionnelle prévoit que le Conseil supérieur de la magistrature ne sera plus présidé par le Président de la République et que le garde des sceaux n’en sera plus le vice-président. Il s'agit d’une avancée importante, qui permettra de marquer l’indépendance du CSM.

Cependant, le garde des sceaux reste chargé de l’organisation du service public de la justice, ainsi que du recrutement, de l’emploi et de la gestion des magistrats. Au sein du ministère, ces tâches sont assurées par le directeur des services judiciaires.

Le garde des sceaux doit veiller à ce que les besoins des juridictions soient bien pris en considération, pour assurer le bon fonctionnement de la justice sur tout le territoire. Il doit pouvoir développer également dans la magistrature une véritable gestion prévisionnelle des effectifs et des compétences. C’est pour mieux remplir cette mission que nous avons créé une sous-direction des ressources humaines au sein du ministère.

Tous ces éléments supposent un véritable dialogue entre le CSM et le garde des sceaux. De plus, en pratique, ce sont les services de la chancellerie qui connaissent le mieux les magistrats.

C’est pourquoi le Gouvernement souhaite que le garde des sceaux puisse être présent aux séances non seulement de la formation plénière du CSM, mais aussi des formations compétentes à l’égard des magistrats du siège et du parquet, sauf lorsque celles-ci siègent en matière disciplinaire. II faut qu’il puisse dialoguer avec les membres du CSM et expliquer son point de vue, sans voix délibérative, bien entendu. Un véritable échange entre le Conseil supérieur de la magistrature et le ministre de la justice ou son représentant est nécessaire, afin d’aboutir aux meilleures décisions, et ce dans l’intérêt général.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 319, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la deuxième phrase du huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :

Il se prononce, dans la même formation, d'office ou sur saisine du ministre de la justice, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats, ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. La pratique a conduit le CSM à émettre spontanément des avis concernant les grands sujets relatifs à la justice.

Alors que la présente révision constitutionnelle s'apprête à consacrer la formation plénière du CSM, dont l'existence, qui n'était pas prévue dans les textes, s'est imposée de façon prétorienne depuis la réforme de 1993, il importe, nous semble-t-il, de permettre à cette instance de continuer à s'autosaisir, plutôt que de conditionner exclusivement ses avis à des demandes expresses du pouvoir exécutif.

En outre, cette légère évolution serait très appréciée des magistrats et de leurs organisations représentatives.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 287, présenté par Mme Gourault, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :

« Le Conseil supérieur de la magistrature se réunit en formation plénière pour répondre aux demandes d'avis formulées par le Président de la République au titre de l'article 64. Il se prononce, dans la même formation, sur les questions relatives à la déontologie des magistrats ainsi que sur toute question relative au fonctionnement de la justice dont le saisit le garde des Sceaux. La formation plénière élit son président parmi ses membres. Elle statue à la majorité des trois quarts de ses membres. 

La parole est à Mme Jacqueline Gourault.

Mme Jacqueline Gourault. Ce sous-amendement a pour objet la formation plénière du Conseil supérieur de la magistrature.

Je crois qu’il est heureux, comme vous venez de le rappeler, madame le garde des sceaux, que la formation plénière ait désormais un fondement juridique. Toutefois, au travers de ce sous-amendement, je souhaite proposer quelques modifications.

Tout d'abord, mes chers collègues, évitons le trompe-l’œil : le projet de loi constitutionnelle évoque une « formation plénière », alors qu’en réalité celle-ci ne comporte qu’une partie des membres des deux formations. En effet, aux termes de la rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, seuls trois des cinq magistrats du siège et trois des cinq magistrats du parquet participent à cette formation ; le terme « plénière » semble donc quelque peu abusif. Donc, la première modification que je propose, c’est que le CSM siège réellement en formation plénière.

Ensuite, je suggère que le président de cette formation plénière soit élu par ses membres. Notre collègue Pierre Fauchon a très bien expliqué tout à l'heure que la charge de travail du Premier président de la Cour de cassation était très lourde ; il n’est donc pas raisonnable d’en rajouter.

Enfin, le présent sous-amendement tend à modifier le mode de fonctionnement interne de cette formation, en prévoyant que celle-ci statue à la majorité des trois quarts de ses membres. Cette solution contraindrait les magistrats et les non-magistrats à dialoguer. Elle permettrait aux magistrats de participer à cette formation, où d'ailleurs ils ne seraient pas majoritaires, sans être taxés de corporatisme, comme c’est trop souvent le cas de façon injuste. Enfin, elle n’empêcherait pas qu’un magistrat puisse présider la formation plénière.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 149 rectifié, présenté par M. Cointat et Mme Kammermann, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :

Elle désigne son président ainsi que la personne appelée à le suppléer parmi ses membres n'appartenant pas à l'ordre judiciaire.

La parole est à M. Christian Cointat.

M. Christian Cointat. Cet amendement concerne la présidence de la formation plénière du CSM, qui a déjà été évoquée par certains de nos collègues.

Si la formation compétente pour les magistrats du siège est présidée par le Premier président de la Cour de cassation et celle qui est compétente à l’égard des magistrats du parquet par le procureur général près la Cour de cassation, il semble anormal que la formation plénière soit également présidée par un magistrat, et ce pour trois raisons.

Tout d'abord, il ne faut pas surcharger de tâches ces magistrats de très haut niveau que sont le Premier président de la Cour de cassation et le procureur général près ladite cour.

Ensuite, il importe de ne pas donner l’impression qu’un certain corporatisme est de retour, que les magistrats président toutes les formations et que les non-magistrats sont, sinon de simples figurants, du moins des personnalités de peu de poids.

Enfin, il me paraît gênant, compte tenu de l’unicité du corps judiciaire et de l’égalité de ses composantes, que l’une d’elles prime l’autre. En effet, qu’on le veuille ou non, cette rédaction revient à subordonner le procureur général au Premier président.

C'est pourquoi, dans l’intérêt de tous, il semble beaucoup plus logique et sain, si nous voulons donner une meilleure image du CSM et renforcer l’exercice autonome de ses compétences, que la formation plénière – car il ne s’agit que d’elle – soit présidée par un non-magistrat, qui serait choisi librement en son sein par l’ensemble des autres membres.

Mme la présidente. Le sous-amendement n° 153, présenté par M. Lecerf, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la dernière phrase du huitième alinéa du texte proposé par l'amendement n° 129 pour l'article 65 de la Constitution :

Son président est désigné par la formation plénière parmi les personnalités qualifiées.

La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Dans le même esprit que pour le sous-amendement précédent, il vous est ici proposé, mes chers collègues, de faire désigner le président de la formation plénière parmi les personnalités qualifiées de cette formation

Là encore, il s'agit d’éviter tout reproche de corporatisme, mais aussi toute polémique sur une prétendue hiérarchie entre les magistrats du siège et ceux du parquet

En outre, cette disposition permettrait au président de la formation plénière de consacrer tout le temps nécessaire à sa fonction, ce que ne pourraient faire, me semble-t-il, ni le Premier président de la Cour de cassation ni le procureur général près ladite cour, qui exercent tous deux de lourdes responsabilités.

Comme nombre de mes collègues, j’ai reçu, s’agissant de ce projet de loi constitutionnelle, de très nombreux magistrats et organisations représentatives. Or personne n’a exprimé le souhait que la formation plénière du CSM soit présidée par un magistrat !

Mme la présidente. L'amendement n° 416, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après les mots :

présidée par

rédiger comme suit la fin de la première phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :

un magistrat du siège élu en son sein.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Madame la garde des sceaux, vous nous avez placés dans une situation un peu particulière, car vous avez détaillé les dispositions de l’article lors de la présentation du sous-amendement du Gouvernement, répondant ainsi aux propositions qui vont suivre.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Je suis prête à répondre de nouveau !

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Vous dites vouloir à la fois faire respecter le principe d’indépendance de la justice et éviter le corporatisme. Tout le monde s’accorde sur cet objectif, mais la réforme qui nous est proposée ne l’atteint que partiellement, me semble-t-il.

En effet, si le Président de la République ne préside plus le CSM, ce qui constitue un acquis majeur, l’exécutif réapparaît avec le garde des sceaux, puisque celui-ci pourra, sauf en matière disciplinaire, assister aux séances des formations du CSM en tant que membre de droit.

Il est normal que le garde des sceaux soit entendu par cette instance et puisse venir s’exprimer devant elle, mais de là à en faire un membre de droit, il y a une nuance de taille !

Un autre sujet d’insatisfaction pour nous concerne les deux formations compétentes à l’égard des magistrats du siège et des magistrats du parquet, qui seront présidées respectivement par le Premier président de la Cour de cassation et par le procureur près ladite cour. Notre amendement porte sur ce premier point de désaccord que nous avons avec le texte proposé pour l’article 65 de la Constitution.

Nous souhaitons, comme d’autres, que la formation compétente à l’égard des magistrats du siège élise son président en son sein parmi ses membres qui sont magistrats. En effet, il semble difficile de prévoir que le Premier président de la Cour de cassation assure, en plus de ses fonctions, la présidence de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège.

Outre que ce magistrat est très occupé, la compatibilité de ces deux fonctions ne me semble pas évidente. Car peut-on envisager que le Premier président de la Cour de cassation préside le CSM à temps partiel ?

De même, il est étrange de prévoir que le CSM, qui a pour compétence la désignation du Premier président de la Cour de cassation, soit présidé, pour sa formation compétente à l’égard du siège, par ce même haut magistrat.

Toutefois, ce ne sont pas les seuls effets pervers de ce dispositif. En effet, la disposition confiant la présidence de la formation compétente pour le siège au Premier président de la Cour de cassation pose un problème au regard des nominations des magistrats à cette cour, et, à ce titre, ne semble pas opportune.

Autre effet pervers, la présidence de la formation compétente pour le siège serait réservée au Premier président de la Cour de cassation et celle de la formation compétente pour le parquet au procureur général près ladite cour, ce qui risque de précipiter la séparation entre ces deux carrières, en contradiction avec le principe de l’unité du corps judiciaire.

D’ailleurs, dans son avis rendu sur ce projet de loi constitutionnelle, le Conseil d’État a estimé que la double présidence du CSM était « contraire au principe constitutionnel d’unité du corps judiciaire ». Pourtant, le Gouvernement, qui a bien sûr reçu communication de cet avis, a décidé de maintenir la version initiale de ce texte.

Enfin, la présidence de la formation compétente pour le siège sera rattachée non pas au mandat de ses membres, mais à la fonction de son président, autrement dit à la charge de Premier président de la Cour de cassation. Il y aura donc un décalage entre la durée de la présidence et celle du mandat des membres de cette formation, ce qui paraît incongru.

En confiant la présidence de la formation compétente pour les magistrats du siège au Premier président de la Cour de cassation, le projet de loi constitutionnelle accentue le poids de la hiérarchie au sein du CSM. C'est pourquoi, au travers de cet amendement, nous proposons que cette formation soit présidée par un magistrat du siège élu en son sein.

Mme la présidente. L'amendement n° 405 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer les deuxième et troisième phrases du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution par une phrase ainsi rédigée :

Elle comprend, en outre, cinq magistrats du siège et un magistrat du parquet, trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État, ainsi que trois personnalités désignées respectivement, à la majorité qualifiée, par l'Assemblée nationale, le Sénat et par le Président de la République.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement tend à établir la parité entre les magistrats et les non-magistrats au sein de la formation du CSM compétente à l’égard des magistrats du siège.

Nous souhaitons que cette formation élise son président en son sein. En plus des cinq magistrats du siège et du magistrat du parquet, nous proposons que cette formation comprenne trois personnes désignées à la majorité qualifiée par le Président de la République, le président de l’Assemblée nationale et le président du Sénat, ainsi que trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d’État.

Mme la présidente. L'amendement n° 92, présenté par MM. Gélard, Portelli et Lecerf, est ainsi libellé :

Dans la deuxième phrase du deuxième alinéa du  65 de la Constitution, remplacer les mots :

«, le Défenseur des droits des citoyens et le Président du Conseil économique et social

par les mots :

« et le Défenseur des droits des citoyens »

La parole est à M. Patrice Gélard.

M. Patrice Gélard. Je pense que cet amendement n’aura plus d’objet si l’amendement de la commission est adopté.

Je considère donc qu’il est défendu.

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements identiques.

L'amendement n° 35 rectifié est présenté par M. Charasse, Mme N. Goulet et M. Fortassin.

L'amendement n° 64 est présenté par MM. Virapoullé et Lecerf.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

À la fin de la seconde phrase du deuxième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution, remplacer les mots :

« Conseil économique et social »

par les mots :

« Conseil économique, social et environnemental »

La parole est à M. Michel Charasse, pour présenter l'amendement n° 35 rectifié.

M. Michel Charasse. C’est un amendement de coordination. Je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 35 rectifié est retiré.

La parole est à M. Jean-René Lecerf, pour présenter l'amendement n° 64.

M. Jean-René Lecerf. Cet amendement n’aura plus d’objet si l’amendement de la commission est adopté ou, à défaut, l’amendement de M. Gélard.

Mme la présidente. L'amendement n° 415, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Après les mots :

« présidée par »

rédiger comme suit la fin de la première phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :

« un magistrat du parquet élu en son sein. »

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. L’amendement n° 415 est, bien évidemment, un amendement de coordination avec l’amendement n° 416.

Nous proposons que la formation compétente à l’égard des magistrats du parquet puisse élire son président en son sein.

Mme la présidente. L'amendement n° 406 rectifié, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit la seconde phrase du troisième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :

Elle comprend, en outre, cinq magistrats du parquet et un magistrat du siège, trois représentants élus des avocats, des universitaires et du Conseil d'État et trois personnalités désignées respectivement, à la majorité qualifiée, par l'Assemblée Nationale, le Sénat et par le Président de la République.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement a le même objet que l’amendement n° 405 rectifié.

Mme la présidente. L'amendement n° 404, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Remplacer le cinquième alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution par deux alinéas ainsi rédigés :

« Les procureurs généraux près la Cour de cassation et les cours d'appel sont nommés après avis de la formation du conseil compétente à l'égard des magistrats du parquet. Les autres magistrats du parquet sont nommés sur son avis conforme.

« La formation compétente à l'égard des magistrats du parquet statue comme conseil de discipline des magistrats du parquet. Elle est alors présidée par le procureur général près la Cour de cassation.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement vise à aligner, d’une part, les conditions de nomination des magistrats du parquet sur celles qui valent pour les magistrats du siège et, d’autre part, les pouvoirs des deux formations en matière disciplinaire.

Mme la présidente. L'amendement n° 407, présenté par Mmes Borvo Cohen-Seat, Assassi, Mathon-Poinat et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit l'avant-dernier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article 65 de la Constitution :

« Le ministre de la justice peut consulter le Conseil supérieur de la magistrature sur toute question relative au fonctionnement de la justice. Il est entendu par le Conseil chaque fois qu'il en fait la demande. Il peut solliciter une nouvelle délibération sur les propositions ou avis en matière de nomination.

La parole est à Mme Nicole Borvo Cohen-Seat.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Cet amendement entend sortir de l’ambigüité induite par la proposition du garde des sceaux de participer aux réunions du Conseil supérieur de la magistrature. Il vise donc à écarter l’intervention possible du ministre dans les processus de nomination.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur Avant de donner l’avis de la commission, je formulerai quelques observations.

Par exemple, savez-vous, mes chers collègues, qu’en moyenne la formation disciplinaire, siège et parquet, traite dix dossiers par an ? Or qui saisit le Conseil supérieur de la magistrature ? Ce n’est pas lui qui se saisit lui-même ! C’est soit la chancellerie, soit les Premiers présidents, soit les procureurs généraux. Certaines années, les Premiers présidents et les procureurs généraux ne saisissent pas le CSM. Pourtant, on dénonce son mauvais fonctionnement ! Ainsi n’est-il pas rare d’entendre des propos évoquant des magistrats qui ne feraient pas leur travail, etc. Mais où se situe la responsabilité ? Il ne s’agit pas là de la responsabilité du Conseil supérieur de la magistrature ! C’est la gestion du corps judiciaire qui est ici en cause !

Il en est de même, madame le garde des sceaux, vous le savez bien, dans d’autres secteurs : ainsi, 4 % des magistrats sont nommés sur l’initiative du Conseil supérieur de la magistrature, alors que 96 % le sont sur proposition de la direction des services judiciaires.

Aussi, que certains parlent de corporatisme, soit ! Mais le corporatisme, où est-il ? Ce n’est certainement pas le fait du seul Conseil supérieur de la magistrature et la modification de la composition du Conseil supérieur de la magistrature ne changera rien. D’ailleurs, je me suis réjoui, et je vous en félicite, madame le garde des sceaux, qu’il y ait enfin une sous-direction des ressources humaines.

Mme Rachida Dati, garde des sceaux. Qui n’est pas dirigée par un magistrat !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est encore mieux !

En effet, on avait parfois l’impression que de nombreux reproches étaient adressés au Conseil supérieur de la magistrature, qui n’en pouvait mais ! En fait, c’était la tradition de la direction des services judiciaires qui était en cause et qui entraînait un certain corporatisme au sein du monde judiciaire.

Je tenais à le dire, car on a raconté tellement de choses sur les dysfonctionnements du service public de la justice – je pense notamment à l’affaire d’Outreau – en rendant le CSM responsable de la situation, alors qu’il n’en est rien. Je dirais même que, au fil des années, ceux qui ont observé le fonctionnement du Conseil supérieur de la magistrature ont pu constater qu’il y avait plutôt un progrès. Et c’est au moment où un progrès est enregistré que l’on veut changer le système !

Je suis favorable à la présence de nombreuses personnalités extérieures – cela nourrit le débat concernant, notamment, les nominations, ainsi, bien sûr, que les avis rendus par la formation plénière –, à condition toutefois que l’on fasse appel à des personnalités qui s’y connaissent un peu en matière de justice. Franchement, je ne vois pas pourquoi le Défenseur des droits du citoyen et le président du Conseil économique et social seraient plus avisés que le Président de la République ou les présidents des deux assemblées pour nommer des membres du CSM. J’ajoute que les nominations effectuées par les autorités politiques seront désormais soumises à un contrôle parlementaire, défini à l’article 13 de la Constitution.

Que je sache, le président du Sénat a nommé des membres du Conseil supérieur de la magistrature qui se sont révélés des personnalités tout à fait remarquables…

M. Michel Charasse. L’un d’eux est même actuellement président de la formation plénière !

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. …et qui, je crois, ont bien servi le Conseil au cours des années précédentes. Je pense, notamment, à deux anciens secrétaires généraux du Sénat qui ont fait honneur au Conseil supérieur de la magistrature, plutôt qu’ils n’ont dégradé la fonction !

Madame le garde des sceaux, un point nous gênait au sujet du régime disciplinaire des magistrats du siège et des magistrats du parquet. Il nous semble que les conditions d’exercice du droit au recours – cassation devant le Conseil d’État pour le siège et recours pour excès de pouvoir pour le parquet – doivent être unifiées. En effet, compte tenu de la disparité actuelle entre les modalités de recours contre les décisions disciplinaires relatives aux magistrats, les magistrats du parquet pourraient apparaître comme étant mieux défendus que ceux du parquet, ce qui est paradoxal !

Mais je n’insiste pas sur ce point. Vous prônez le statu quo, soit !

Concernant les magistrats du parquet, puisque le CSM va donner un avis en matière disciplinaire, ils vont pouvoir immédiatement introduire un recours pour excès de pouvoir.

Dois-je vous rappeler une affaire extrêmement délicate où la défaillance de la justice a été réelle ? Et je ne parle pas ici de l’affaire d’Outreau ! Il n’y avait pas eu excès de zèle, bien au contraire : des dossiers s’étaient perdus, des cabinets d’instruction étaient en déshérence, et l’on pouvait même dire qu’une juridiction entière était en déshérence, sans jamais d’ailleurs que l’inspection des services judiciaires, le parquet général, ou la première présidence aient vu quoi que soit ! Et pourtant, alors que le Conseil supérieur de la magistrature avait pris des sanctions justifiées, le Conseil d’État les a cassées. Telle est la réalité !

Je pense donc qu’il ne faut exagérer ni dans un sens ni dans un autre. Pour notre part, nous avons décidé d’aller tout à fait dans votre sens, madame le garde des sceaux, pour que, s’agissant des formations exerçant des compétences en matière de nomination, il y ait une majorité de non-magistrats, avec notamment un avocat. C’est souhaitable, car les avocats connaissent bien le droit. D’ailleurs, certains magistrats siègent dans les conseils de discipline du barreau. Cela me paraît tout à fait justifié.

S’agissant des formations disciplinaires, nous nous sommes référés à ce qui se passait à l’étranger. Vous avez vous-même cité les conseils supérieurs de la justice identiques dans les pays d’Europe ; or aucun pays ne va en deçà de la parité. Dès lors, il nous a semblé qu’il convenait de se mettre aux normes européennes dans ce domaine.

Par ailleurs, le Président de la République a souhaité ne plus siéger au CSM, ce qui est compréhensible. Auparavant, il y siégeait en tant que garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Or il s’agissait là d’une une situation quelque peu ambiguë : le Président de la République écoutait et entérinait d’ailleurs les décisions du Conseil supérieur de la magistrature.

Mais je comprends très bien que cela soit mal compris par l’opinion publique qui se dit : voilà un Président élu qui préside aussi le Conseil supérieur de la magistrature. Où est l’indépendance ?

Je comprends aussi, madame le garde des sceaux, que vous souhaitiez, en ce qui concerne les avis que vous demandez, participer à la formation plénière et aux formations en matière de nomination afin de favoriser le dialogue. D’ailleurs, vous n’y siégerez pas souvent puisque, en fait, vous y enverrez le directeur des services judiciaires ou le nouveau directeur des ressources humaines du ministère de la justice.

Pour ce qui est du dialogue entre les services du ministère et le CSM, cela ne me paraît pas du tout choquant.

C’est pourquoi, mes chers collègues, la commission a tenu compte des travaux de l’Assemblée nationale. Mais je tenais à faire cette réflexion sur le Conseil supérieur de la magistrature, car il y a encore beaucoup à faire pour favoriser la mobilité et l’ouverture du corps des magistrats.

Vous avez eu raison, madame le garde des sceaux, de faire allusion à la formation ; quant à nous, nous avons raison de dire depuis toujours que la formation ne saurait être unique, qu’il faut des apports extérieurs, car cela a toujours enrichi la magistrature.

Par conséquent, nous pensons que vos décisions et vos propositions, madame le garde des sceaux, permettront d’améliorer les choses. Le CSM tel qu’il sera demain pourra contribuer à cette amélioration, nous en sommes d’accord. C’est la raison pour laquelle la commission est favorable au sous-amendement n° 506 rectifié bis.

J’en viens aux différents amendements et sous-amendements qui correspondent à autant de propositions concernant la présidence et la composition des formations du CSM. En fait, tout le monde a apporté quelque chose et je vais m’efforcer de donner l’avis de la commission sur l’ensemble de ces textes.

En ce qui concerne l’amendement n° 489, présenté par M. Badinter, il ne correspond pas tout à fait – je dirais même pas du tout – à l’avis de la commission. Par conséquent, je ne puis qu’émettre un avis défavorable.

S’agissant du sous-amendement n° 342, je rappelle qu’aux termes du premier alinéa de l’article 64 le Président de la République est garant de l’indépendance de l’autorité judiciaire. Il paraît important de conserver ce lien entre le Président de la République, élu de la nation tout entière, et la justice, rendue au nom du peuple français.

Dès lors, la place du Conseil supérieur de la magistrature est reconnue. Quant à ses missions, elles sont détaillées à l’article 65 et précisées par la loi organique. Il n’est donc pas utile de rappeler par ailleurs ses missions fondamentales.

Je souhaiterais, sur ce point, connaître l’avis du Gouvernement.

Votre sous-amendement n° 288 rectifié, monsieur Fauchon, aboutit à une présence très minoritaire de magistrats dans les deux formations : six magistrats contre huit non-magistrats au sein des formations spécialisées exerçant des compétences de nomination et sept magistrats contre huit non-magistrats pour les compétences disciplinaires.

Cela conduit à un déséquilibre…