M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce n’est pas notre vocabulaire !

Mme Annie David. C’est celui de M. Serge Dassault !

Mme Raymonde Le Texier. … lesquels fraudeurs et paresseux ne représenteraient, selon les statistiques de Matignon, que 2 % des chômeurs. Pourtant, c’est à tous les chômeurs que ce texte s’appliquera ! Ne pensez-vous pas, monsieur le secrétaire d’État, qu’il faudrait commencer par s’occuper des 98 % de chômeurs qui respectent les règles et n’aspirent qu’à retrouver un emploi ?

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’est pour cette raison que nous leur proposons un projet personnalisé !

Mme Raymonde Le Texier. Votre gouvernement inverse les priorités ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

À moins que ce texte et son étonnant timing ne soient en réalité le fruit d’une nécessité, et d’une nécessité qui n’a rien à voir avec la situation de l’emploi en France ?

Dans un contexte de tensions sociales croissantes et après la défaite aux élections municipales, englué dans d’assez mauvais sondages, ce gouvernement fait ce qu’il sait faire, ce que son candidat à la présidence n’a pas arrêté de faire pendant la campagne : stigmatiser les Français, les diviser, les dresser les uns contre les autres…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Mais non !

M. Guy Fischer. C’est pourtant la vérité !

Mme Raymonde Le Texier. … en pointant du doigt les profiteurs, les abuseurs, ceux qui se repaissent des efforts des « bons citoyens »…

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Tout ce qui est excessif est insignifiant !

Mme Raymonde Le Texier. Bref, la bonne vieille méthode de diversion par la démagogie.

M. Jean-Pierre Fourcade. Vous êtes experts en la matière !

Mme Raymonde Le Texier. Il vous fallait urgemment un texte démagogue, un texte se nourrissant des mécontentements.

Mme Isabelle Debré. Vous n’êtes pas crédible !

Mme Raymonde Le Texier. Comme les filons de l’immigration et de l’insécurité ont déjà beaucoup servi, que le thème du pouvoir d’achat ne vous réussit pas vraiment – à tel point que vous en êtes réduits à dépenser 4,3 millions d’euros de publicité pour tenter de faire croire aux Français que la vie n’est pas si chère et que leur porte-monnaie n’est pas si vide ! -, dans ce contexte, quoi de mieux que le registre des « chômeurs paresseux » ?

Évidemment, quand on joue sur ce registre-là, la négociation est hors de question. Ainsi, ce texte sur les demandeurs d’emploi n’a fait l’objet d’aucune négociation avec les syndicats, pas même d’une consultation avec les associations de chômeurs ! Après toutes les louanges sur le dialogue social, voici venue l’ère du passage en force… et elle a de beaux jours devant elle !

Monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous dire, avant de conclure, que, si nous nous montrons très critiques envers ce texte, c’est à regret et sans en tirer aucune satisfaction, bien au contraire. Nous aurions souhaité croire au dialogue social ; mais ce texte l’ignore, et ceux qui sont en préparation, notamment sur le temps de travail, finiront de l’enterrer. (M. le rapporteur s’exclame.)

Nous aurions aimé débattre ici d’une politique globale de l’emploi comprenant des dispositions ambitieuses sur la formation, en particulier en faveur des jeunes qui sortent du système scolaire sans diplôme ; mais il n’en est rien.

Nous aurions aimé soutenir toute initiative visant à développer l’accompagnement des chômeurs vers le retour à l’emploi. À ce titre, le projet personnalisé d’accès à l’emploi, le PPAE, aurait pu être intéressant, mais il est vidé de son sens par l’« offre raisonnable d’emploi », avec laquelle la police du chômage prend le pas sur l’accompagnement du chômeur.

Comme vous, comme tous les Français, nous souhaitons le retour au plein emploi ; mais le retour à l’emploi à marche forcée n’est pas la solution. Ce système de contrainte, en favorisant les bas salaires, risque d’augmenter considérablement le nombre de travailleurs pauvres.

Alors, l’emploi, oui, évidemment ! Mais pas dans ces conditions.

Enfin, avec ce texte, sous couvert de mesures pour le retour à l’emploi, vous œuvrez pour une France de la stigmatisation. Nous ne voulons pas de cette France qui oppose les bons citoyens, qui contribueraient à la solidarité, et les mauvais, qui en profiteraient. Nous ne voulons pas de cette France où ce sont toujours les plus modestes qui sont délibérément sacrifiés.

Pour ces raisons, le groupe socialiste votera contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Guy Fischer. Le ton va changer !

Mme Isabelle Debré. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, notre assemblée examine aujourd’hui le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi.

Ce texte est important pour une double raison. D’une part, il met en œuvre les engagements du Président de la République exprimés pendant la campagne pour l’élection présidentielle et approuvés par une large majorité de nos compatriotes. (Applaudissements sur les travées de lUMP.).

M. Guy Fischer. Oh, ça !

Mme Isabelle Debré. D’autre part, il s’inscrit dans le droit fil de la politique active qui est mise en œuvre par le Gouvernement pour tendre vers le plein emploi. (M. Guy Fischer s’exclame.)

S’agissant de la lutte contre le chômage, beaucoup a été fait, et les statistiques publiées par l’INSEE démontrent la pertinence de la politique que nous menons pour mettre fin à cette anomalie qui fait de la France l’un des derniers pays d’Europe confrontés au chômage de masse.

Je le rappelle, mes chers collègues, le taux de chômage a baissé de 1,2 point en un an, ce qui ramène à 2 millions le nombre de chômeurs en France métropolitaine. Je ne mentionnerai pas le chiffre que nous avons connu à une certaine époque, sous M. Jospin…

M. Adrien Gouteyron. C’est dommage !

Mme Isabelle Debré. Quoi qu’il en soit, mes chers collègues, ce sont les meilleures statistiques depuis 1980.

Mme Annie David. Était-ce le même mode de calcul ?

Mme Isabelle Debré. La première étape de la réforme du marché du travail engagée par notre majorité dans un but d’efficacité a été la fusion de l’ANPE avec les ASSEDIC, fusion qui doit être effective le 1er janvier 2009.

Permettez-moi ici de saluer le travail remarquable de notre collègue Catherine Procaccia concernant ce dossier.

M. Laurent Wauquiez, secrétaire d'État. Tout à fait !

Mme Isabelle Debré. Le nouvel opérateur né de cette fusion sera le fer de lance du service public de l’emploi, un service public plus attentif à la situation des demandeurs d’emploi, un service public également plus performant dans l’accompagnement vers l’emploi.

Nous lui avons assigné trois objectifs. D’abord, il devra améliorer le service rendu aux usagers, avec un réseau de guichets uniques accessible en tout point du territoire ; il s’agit d’améliorer le service rendu non seulement aux demandeurs d’emploi, mais aussi aux entreprises qui veulent recruter. Ensuite, il devra offrir une gamme de prestations complète et pour tous les demandeurs d’emploi, c’est-à-dire sans distinction de statut, indemnisés comme non indemnisés. Enfin, il devra organiser un accompagnement renforcé, notamment pour les demandeurs d’emploi qui sont le plus en difficulté, grâce à la mutualisation des moyens qui permettra de déployer plus d’agents sur le terrain.

Le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi constitue la deuxième étape de cette réforme en permettant de rendre parfaitement clairs les engagements réciproques des parties, ceux du nouvel opérateur comme ceux du demandeur d’emploi.

Il s’agit pour nous de rendre précis ce qui était auparavant imprécis : je pense tout particulièrement à la notion d’offre valable d’emploi, à laquelle sera substituée celle d’offre raisonnable d’emploi.

Il s’agit également de mettre de l’équité là où l’imprécision des règles engendrait des interprétations variables et parfois divergentes, source d’iniquité et d’inefficacité.

La logique qui prévaut dans cette réforme peut se résumer ainsi : davantage de droits pour les demandeurs d’emploi ; des engagements renforcés dans le cadre de leur recherche d’emploi.

Davantage de droits, tout d’abord.

Le demandeur d’emploi bénéficiera d’un suivi très personnalisé. Un référent unique l’orientera, s’engagera à mettre en œuvre toutes les actions jugées nécessaires pour faciliter son retour à l’emploi et l’accompagnera dans ses recherches d’un emploi durable.

M. Jacques Gautier. Très bien !

Mme Isabelle Debré. Dans ce cadre, il élaborera avec lui un projet personnalisé d’accès à l’emploi qui précisera tout à la fois les objectifs à atteindre et les moyens à mettre en œuvre, notamment les formations utiles pour parvenir au retour à l’emploi dans les meilleurs délais possibles.

Le projet personnalisé devra identifier la nature et les caractéristiques de l’emploi recherché, la zone géographique privilégiée ainsi que le niveau de salaire attendu.

L’offre raisonnable d’emploi tiendra compte de la formation de l’intéressé, de ses compétences et de ses qualifications, de sa situation professionnelle antérieure, mais également de sa situation personnelle et familiale.

Notre ambition est parfaitement claire : nous voulons offrir aux demandeurs d’emploi les meilleures chances de réinsertion sur le marché du travail grâce à une approche très fine de leurs besoins et à une écoute personnalisée.

Le Gouvernement mobilisera tous les outils nécessaires à cette ambition. Je saisis cette occasion pour souligner le fait que nous sommes nombreux au sein de la Haute Assemblée à souhaiter une réforme profonde de la formation professionnelle. (Applaudissements sur les travées de lUMP ainsi que sur certaines travées du RDSE.) Nous sommes convaincus que la formation est la meilleure garantie offerte aux individus de pouvoir s’adapter à l’évolution des métiers et à celle du marché du travail. Je souhaiterais, monsieur le secrétaire d’État, que vous évoquiez cette question devant nous, car je sais que ce chantier vous tient à cœur.

Revenant au projet de loi qui nous est soumis, je voudrais bien faire comprendre qu’il ne s’agit pas, comme j’ai pu le lire ou l’entendre ici et là, d’obliger les demandeurs d’emploi à accepter des offres d’emploi sans rapport aucun avec leur talent propre et leurs compétences particulières.

Il s’agit pour nous non pas de contraindre, mais bien d’accompagner et de favoriser la progression de celui qui recherche un emploi.

Parce que la dignité humaine l’exige, parce que la motivation des individus est intrinsèquement liée à la qualité du projet professionnel qu’on leur propose, nous nous engageons fermement sur ce point.

Toutefois, le projet personnalisé d’accès à l’emploi ne doit pas être figé. Il pourra être adapté périodiquement afin d’accroître les perspectives du retour à l’emploi, ne serait-ce que parce que la réalité du marché local de l’emploi s’impose à nous.

Parce que le texte qui nous est proposé offre davantage de droits aux demandeurs d’emploi, il exige d’eux le respect d’un certain nombre de devoirs. En effet, dans la mesure où nous mobilisons davantage de moyens humains et matériels au service des usagers, nous sommes en droit d’attendre d’eux une motivation et un investissement personnels accrus dans les démarches qu’ils accomplissent en vue de retrouver un travail.

Mme Annie David. Ce n’est pas possible !

Mme Isabelle Debré. Participer activement à l’élaboration du projet personnalisé est une évidence qui s’impose à nous. Se rendre disponible pour un emploi correspondant à ses compétences est une exigence.

Sommes-nous déraisonnables lorsque nous prévoyons qu’un demandeur d’emploi devra accepter, après trois ou six mois de recherches infructueuses, l’emploi qui s’offre à lui et qui correspond à son expertise professionnelle,…

Mme Annie David. Non ! qui sera « compatible » !

Mme Isabelle Debré. … même si l’emploi proposé impose une légère, voire très modeste diminution de ses prétentions financières ? (M. Jacques Gautier applaudit.)

Sommes-nous déraisonnables lorsque nous demandons qu’après être resté une année au chômage, et malgré les actions déployées en sa faveur, un demandeur d’emploi soit tenu d’accepter un emploi rémunéré à hauteur du revenu de remplacement dont il bénéficie ?

M. Jean Desessard. C’est déraisonnable !

Mme Isabelle Debré. Sommes-nous déraisonnables, enfin, lorsque nous suggérons que le demandeur d’emploi pourra être amené à accepter un emploi situé à trente kilomètres au plus de son domicile ou à une heure de trajet en transports en commun ?

Je ne le crois pas.

Mme Isabelle Debré. Le projet de loi qui nous est soumis est un texte équilibré, positif et, surtout, incitatif.

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Très bien !

Mme Isabelle Debré. Il est équilibré, car il favorise le dialogue direct entre le demandeur d’emploi et son conseiller dédié du service public de l’emploi.

Il est positif, car il vise systématiquement le meilleur résultat pour le demandeur d’emploi, c’est-à-dire une réinsertion rapide sur le marché du travail, avec, à la clé, le cas échéant, une formation qualifiante qui lui permettra de mieux négocier ses évolutions professionnelles futures.

Il est, surtout, incitatif, car il place chacun devant ses responsabilités et impose de donner le meilleur de soi-même pour se sortir de situations parfois délicates et enfin rebondir.

À l’heure où de nombreux entrepreneurs s’inquiètent de ne pouvoir trouver les salariés dont ils ont besoin pour compenser les départs à la retraite, à l’heure où tant d’emplois, qualifiés ou non, demeurent non pourvus faute de candidats en nombre suffisant, le projet de loi relatif aux droits et aux devoirs des demandeurs d’emploi représente une chance.

Il nous offre la possibilité de réduire les tensions qui pèsent sur le marché du travail dans des secteurs clés comme ceux du bâtiment, des travaux publics, de la restauration, de la mécanique, de l’informatique, du gardiennage, de la sécurité… Je rappelle que ce ne sont pas moins de quinze métiers qui sont affectés par des difficultés techniques et chroniques de recrutement !

Il offre aux entreprises de nouvelles perspectives de s’attacher les services des salariés dont elles ont besoin pour se développer et conforter leurs marchés.

Enfin, il offre à la France la possibilité, depuis longtemps espérée, de retrouver un niveau d’emploi qu’elle n’a plus connu depuis trente ans.

Grâce au projet de loi qui nous est aujourd’hui proposé, nous avons l’espoir que la France se mette enfin au niveau des pays européens qui ont réformé, avec un volontarisme et une efficacité remarquables, leur marché du travail.

Il est en parfaite cohérence avec les textes récents consacrant la fusion de l’ANPE avec les ASSEDIC et la modernisation du contrat de travail.

Il s’inscrit dans un ensemble de réformes, déjà engagées ou à venir, qui concernent l’école, l’université, la recherche, la formation professionnelle, et qui conditionnent l’avenir de nos enfants.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Très bien !

Mme Isabelle Debré. Telles sont les raisons pour lesquelles, monsieur le secrétaire d’État, le groupe UMP sera à vos côtés et votera le projet de loi que vous nous proposez. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Annie David. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Mme Annie David. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, comme il en a pris visiblement l’habitude pour les textes concernant les droits des salariés, le Gouvernement a décidé de déclarer l’urgence sur ce projet de loi.

Pourtant, rien ne la justifie.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ah bon ?

Mme Annie David. Après l’adoption du texte actant la fusion entre l’ANPE et les ASSEDIC, la nouvelle instance doit voir le jour le 1er janvier 2009. D’ailleurs, à ce jour, on ne connaît ni son statut ni son nom (M. Jean Desessard applaudit.), M. le secrétaire d’État nous ayant dit lors de son audition ne pas vouloir trahir le secret…

M. Dominique Leclerc, rapporteur. C’est un cachottier !

Mme Annie David. Les parlementaires apprécieront !

Aussi, s’il faut engager une bataille contre le temps pour permettre aux salariés privés d’emploi de redevenir actifs, ce n’est pas avec ce texte que vous engagez les hostilités.

Bien au contraire, de l’avis unanime des organisations syndicales que j’ai rencontrées, non seulement ce texte vise à stigmatiser les demandeurs d’emploi, mais il aborde le problème à l’envers : il faut d’abord définir l’offre de service proposée par la nouvelle instance !

Donc, oui, il y a urgence pour des milliers de nos concitoyennes et concitoyens à sortir de la précarité, de l’accumulation des petits boulots mal payés, du chômage dans lequel des employeurs, parfois peu scrupuleux ou malhonnêtes, les ont plongés ou que le marché de l’emploi maintient dans cette insupportable situation.

Mais rien dans votre projet de loi ne fait référence à cette réalité, dans lequel on ne tient pas compte non plus du calendrier des négociations sociales en cours. Je pense à la négociation sur la formation professionnelle, sur la pénibilité ou encore à la convention d’assurance chômage, qui doit être renégociée, les partenaires sociaux devant non pas seulement négocier les conditions d’indemnisation mais aussi les conditions de recherche d’emploi.

L’urgence ainsi déclarée ne sera donc d’aucun recours pour les demandeurs d’emploi.

Mon collègue Guy Fischer présentera dans un instant une motion tendant à opposer la question préalable, je ne m’attarderai donc pas plus sur le sujet, sauf pour relever que cette procédure d’urgence s’accompagne de la « non-intervention » parlementaire, au prétexte soit du respect d’accords interprofessionnels - je pense à l’accord national interprofessionnel, l’ANI, du 11 janvier 2008 -, soit au contraire, comme aujourd'hui, au prétexte de « non-accord » et du respect cette fois du Gouvernement et de sa prise de responsabilité ; monsieur le secrétaire d’État, vous nous l’avez rappelé tout à l’heure encore.

À quoi sert donc le Parlement ?

Mais j’en viens au projet de loi proprement dit.

L’article 1er vise à apporter une définition à l’offre raisonnable d’emploi, venue se substituer à l’offre valable d’emploi, après une annonce fracassante et médiatique du Président de la République.

Certes, cette notion non définie en droit interne devait faire l’objet d’une précision législative. Mais on ne peut que regretter votre façon de faire, dans la mesure où vous en profitez pour renforcer les obligations à l’égard des demandeurs d’emploi et renforcer votre politique de contrôle.

Cet article 1er détaille également les obligations à la charge du demandeur d’emploi : faire la preuve de sa recherche active continue et répétée d’un emploi– comme si ce n’était pas le cas jusqu’à présent –, accepter de se soumettre à une forme de dégressivité de ses droits, quitte à accepter un emploi très en deçà de ses qualifications et de ses compétences, très en deçà aussi de son ancienne rémunération, alors même qu’un rapport du Conseil économique et social sur la sécurisation des parcours professionnels, voté à la quasi-unanimité, repousse clairement cette solution !

De plus, vous envisagez de brader le « capital humain » – vous entendez bien les guillemets – en prévoyant qu’un salarié privé d’emploi inscrit depuis plus d’un an au chômage ne pourrait refuser un emploi rémunéré du montant de l’indemnisation perçue, au motif qu’un emploi sous-payé, c’est mieux que rien !

Mais mieux pour qui ? Pour le salarié ainsi embauché ? Un salarié à qui on explique que ses compétences et sa force de travail ne valent pas plus que la plus faible des allocations de substitution ? Mieux pour ce senior licencié à cinquante-cinq ans parce que trop cher, car trop « expérimenté » ?

Mme Annie David. Mieux pour ce jeune, diplômé ou non, à qui l’on reproche son manque d’expérience ? Ou bien mieux pour l’employeur, qui pourra enfin bénéficier d’un salarié à bien moindre coût ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit : poursuivre votre politique libérale de l’offre, dont on constate pourtant l’échec économique et social, en pesant à travers les demandeurs d’emploi sur les salaires !

À terme, ce ne sont pas seulement les chômeurs qui vont être pénalisés, mais bien l’ensemble des salariés ! Et je ne parle pas des dispositions scandaleuses, certes anciennes, mais maintenues ici, qui veulent qu’un demandeur d’emploi refusant un contrat d’apprentissage ou de professionnalisation soit radié !

Mais j’y reviendrai lors de la présentation de l’amendement visant à supprimer cet alinéa.

En somme, cet article 1er vise à contraindre les demandeurs d’emploi à accepter toutes les propositions. Et ce n’est pas l’architecture de la nouvelle institution, nommée temporairement « France emploi » – encore une fois, le secret est bien gardé – qui nous rassure, ni même la rédaction « conjointe » du PPAE, ce fameux projet personnalisé d’accès à l’emploi.

Là encore, comme dans d’autres textes, vous mettez les salariés, cette fois-ci ceux qui sont privés d’emploi, à égalité avec la nouvelle institution, alors que vous savez bien que tel n’est pas le cas.

M. le rapporteur nous présentera dans un instant un amendement qui donnera le ton de ce projet personnalisé d’accès à l’emploi, en prévoyant des sanctions dès sa conclusion ou plutôt sa non-conclusion !

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Oui, c’est logique !

Mme Annie David. L’article 2 fait écho à l’article 1er : après avoir contraint un demandeur d’emploi à accepter n’importe quelle offre sous peine de sanction, vous en précisez les causes et les modalités.

Rien de bien nouveau il est vrai, puisque les sanctions existaient déjà, si ce n’est l’apparition de l’offre raisonnable d’emploi, et sans doute l’adoption de l’amendement de M. le rapporteur !

Selon vous, ce texte devrait participer de manière active à la diminution du nombre de demandeurs d’emploi, permettant à la France d’atteindre la barre symbolique des 5 % à l’horizon 2012,…

M. Guy Fischer. Comme par hasard !

Mme Annie David. … année durant laquelle – cela n’aura échappé à personne – devrait avoir lieu la prochaine élection présidentielle.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Il faut savoir rendre des comptes !

M. Dominique Leclerc, rapporteur. Cela s’appelle un bilan !

Mme Annie David. On risque donc fort d’assister à l’instrumentalisation des chiffres du chômage.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Ce qui vous gêne, c’est que les chiffres seront bons !

Mme Annie David. Votre gouvernement, monsieur le secrétaire d’État, est d’ailleurs devenu maître en la matière. J’en veux pour exemple le chiffre de 300 000 emplois créés que vous avancez. Ce chiffre me paraît, comme à beaucoup d’experts, être bien supérieur à la réalité. Vous vous gardez toutefois de préciser la nature de ces emplois ; il vous faudrait alors avouer qu’il s’agit principalement de contrats atypiques, précaires, à temps partiel imposé, particulièrement conclus dans le secteur des services à la personne.

Mme Annie David. Ce secteur a d’ailleurs enregistré une hausse de 1,5 % au premier trimestre 2008,…

Mme Annie David. … principalement dans les « services personnels et domestiques », alors que, dans le secteur de l’industrie, l’emploi régresse de 0,4 % pendant cette même période, avec 12 100 postes supprimés ! Et ce n’est pas l’offre raisonnable d’emploi qui va inverser cette tendance !

Quels sont les emplois pourvus ? Quelle est la nature des contrats proposés ? Pour quelle durée ? Pour quelle rémunération ou encore pour quelle sécurité, tant juridique que sanitaire ?

M. Guy Fischer. Pour quel salaire !

Mme Annie David. Tout cela, naturellement, vous le passez sous silence, parce que vos outils statistiques ne vous permettent pas ces précisions !

Le Conseil national de l’information statistique, le CNIS, vient à ce propos de vous remettre un rapport dans lequel il demande d’enrichir les indicateurs existants en cernant mieux la précarité, par exemple, et d’en créer de nouveaux, notamment en matière d’« emploi insatisfaisant ».

Au moment où l’Organisation internationale du travail lance une campagne pour promouvoir le travail décent partout et pour toutes et tous les salariés, la question de l’emploi doit être analysée sous l’angle qualitatif et non pas seulement quantitatif.

Je vous invite à ce propos à lire un article de presse en date du 10 juin, où l’on apprend que, face à un taux de chômage dépassant les 11 %, le gouvernement allemand avait fait adopter les lois Hartz relatives au marché du travail, M. le rapporteur et M. le secrétaire d’État les ont évoquées. Le quatrième volet de cette législation était relatif aux demandeurs d’emploi et prévoyait de diminuer par deux la durée de l’indemnisation, mais surtout, de contraindre le demandeur d’emploi, sous menace de radiation, à accepter toute offre de travail, là-bas qualifiée d’ « acceptable », même inférieure à son niveau de qualification ou à ses exigences salariales.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Nous n’en sommes pas encore à ce niveau !

Mme Annie David. Quelles en ont été les conséquences outre-Rhin, monsieur le rapporteur ? Voici la réponse : 6 millions de travailleurs pauvres, soit 22 % du total des actifs, percevant moins de 70 % du revenu moyen allemand !

M. Guy Fischer. Et la France s’achemine dans cette direction …

Mme Annie David. Une personne sur huit est pauvre ; les inégalités se creusent, alors que le pays bénéficie d’une forte croissance et que le taux de chômage est en baisse depuis deux ans ! quand on pense que, en France, la croissance n’est même pas au rendez-vous…

M. Guy Fischer. Ce sera donc pire !

Mme Annie David. Quant à l’annonce d’un chômage à 5 % d’ici à 2012, elle n’est qu’illusion, car ce taux sera d’abord et avant tout le fait d’une politique de radiations massives, entamée dans les lois précédentes – je pense au PARE – qui sera renforcée ici.

Lors de son audition jeudi dernier, M. Geoffroy Roux de Bézieux, nouveau « patron » de l’UNEDIC, nous a parlé d’amélioration de la « productivité » de la part de la nouvelle institution, mais je n’ai pas eu de réponse claire sur la manière d’obtenir cette amélioration ! Je crains que ce ne soit par la multiplication non seulement des radiations mais aussi de ce que l’on appelle les « bad jobs ». (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

Bien que je n’apprécie pas du tout cet anglicisme, il n’empêche que chacune et chacun en comprend parfaitement le sens !

Comme le confirme M. Tito Boeri, professeur d’économie, il faut regarder de plus près les flux pour cesser de se focaliser sur les stocks du marché du travail.

En disant ces mots, mes chers collègues, je pense à celles et ceux dont il s’agit et à l’inhumanité avec laquelle ces femmes et ces hommes sont traités.

Pour M. Boeri donc, si le chômage diminue, tel n’est pas le cas du taux d’entrée dans le chômage.

D’autre part, cette baisse du taux sera le fait du jeu démographique, qui ne doit rien à vos différentes réformes !

Si ce projet de loi précise les devoirs des demandeurs d’emploi, inclus dans son intitulé, il est bien silencieux sur leurs droits.

Droit à la formation, me direz-vous ? On en a beaucoup parlé. Encore faut-il que le demandeur d’emploi y ait accès. Car, curieusement, votre gouvernement, si prompt à créer des droits opposables, cantonne la formation à une simple éventualité.