Mme Christine Lagarde, ministre. L’Assemblée nationale a choisi de renforcer l’obligation pour les banques d’utiliser pour le financement des PME les ressources du livret A et du livret de développement durable – l’ancien CODEVI – qui ne sont pas centralisées à la Caisse des dépôts et consignations. C’est une bonne chose. Je vous expliquerai en détail lors de l’examen du titre IV de quelle manière nous garantissons au minimum la collecte actuelle et, de toute façon, plus que le financement nécessaire au logement social.

M. Jean Desessard. Et comment ?

Mme Christine Lagarde, ministre. Le projet de loi précise bien que l’épargne collectée sur le livret A restera utilisée pour financer en priorité le logement social et la politique de la ville, et ensuite les PME. Les contrôles à cet égard seront renforcés.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

Mme Christine Lagarde, ministre. L’Assemblée nationale a également renforcé le droit opposable au compte, qui existait déjà mais dont l’application n’était pas satisfaisante. Grâce aux nouvelles dispositions du projet de loi, que vous serez, je l’espère, nombreux à voter, ce droit pourra s’apprécier dans toute sa portée. Demain, un consommateur ne pourra plus sortir d’une agence bancaire sans avoir pu ouvrir un compte ou s’être engagé dans une procédure de « droit au compte en 24 heures ».

L’article 41 prévoit une réforme mesurée de la Caisse des dépôts et consignations, réforme qui me paraît essentielle non seulement pour améliorer le circuit de financement du logement social, mais, au-delà, pour renforcer la participation de cette institution publique à notre économie. Nous allons donc préciser le rôle de la Caisse des dépôts et consignations comme investisseur de long terme au service du développement des entreprises, et moderniser sa gouvernance, quasi inchangée depuis 1816, sans remettre en cause d’une quelconque manière le contrôle et l’autorité du Parlement sur cette noble institution.

J’en viens au circuit international du financement de l’économie, visé par l’article 42. Nous voulons moderniser la place financière française, dans le droit fil du travail d’amélioration de l’attractivité de notre pays entrepris depuis près d’un an, avec notamment la suppression de l’impôt de bourse votée dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2007 et pour laquelle je rends hommage à la persévérance de M. Philippe Marini, rapporteur général du Sénat.

Mme Christine Lagarde, ministre. Nous mettons aujourd’hui en œuvre les mesures préparées dans le cadre du Haut comité de place que j’ai installé dès mon arrivée au ministère de l’économie, de l’industrie et de l’emploi. Nous sommes à un moment particulièrement critique sur la scène internationale, en particulier européenne, pour entrer en véritable concurrence avec la place de Londres. Nous devons saisir cette occasion maintenant. Il n’est plus l’heure d’attendre, il est temps d’agir !

L’enjeu principal auquel nous sommes confrontés est celui de la simplification de notre réglementation et de la mise en conformité de cette dernière avec les standards internationaux connus des investisseurs dans le cadre d’un système de supervision et de coordination entre les régulateurs qui est particulièrement exemplaire en Europe.

C’est pourquoi j’ai souhaité engager avec ce projet de loi une réforme en profondeur de la notion historique qui fonde notre droit financier : l’appel public à l’épargne. Il faut nous adapter pour que notre longue tradition financière ne devienne pas un handicap. C’est ainsi que nous pourrons attirer les capitaux de pays émergents qui sont de nouveaux acteurs sur la scène financière internationale, qu’il s’agisse de fonds détenus et administrés par les États ou de fonds souverains gérés de manière plus ou moins indépendante.

Dans la même optique, je vous propose également d’habiliter le Gouvernement à moderniser par ordonnance le cadre juridique de la gestion d’actifs, afin de faciliter l’exportation de fonds d’investissement depuis la France. La France est l’un des champions d’Europe de la gestion d’actifs : nous devons garder cette position et surtout lui donner une dimension internationale.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Christine Lagarde, ministre. Concrètement, nous allons simplifier les règles de fonctionnement des fonds qui sont réservés aux investisseurs avertis, en laissant plus de place à la liberté contractuelle et en éliminant un certain nombre de contraintes qui ne sont pas nécessaires.

L’Assemblée nationale a proposé de renforcer le contrôle interne des banques, afin d’empêcher que ne se reproduisent des défaillances comme celles que la Société générale a connues l’an dernier. Elle a également adopté un amendement habilitant le Gouvernement à transposer par ordonnance la directive européenne anti-blanchiment, ce qui va nous permettre, je l’espère, de rejoindre rapidement les standards européens en matière de lutte contre l’argent sale.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les trente principales mesures du projet de loi de modernisation de l’économie qui correspondent aux engagements pris par le Président de la République en matière économique et sur la base desquels il a été élu.

C’est un texte courageux, qui examine sans tabous les problèmes structurels de l’économie française.

C’est un texte bien peu coûteux au regard du retour sur investissement que nous envisageons puisqu’il se chiffre à 450 millions d’euros en l’état actuel du projet de loi et à 0,3 % de point de croissance en année pleine à partir de l’exercice 2009.

Sur ce montant, 100 millions d’euros vont à la baisse des droits de mutation, 60 millions d’euros au gel des seuils financiers, 60 millions d’euros aux sociétés en amorçage à responsabilité limitée et 60 millions d’euros au prélèvement fiscal et social de l’auto-entrepreneur.

Les amendements adoptés par l’Assemblée nationale – je pense notamment au dispositif relatif au relèvement des seuils de l’auto-entrepreneur, qui passent dorénavant à 80 000 euros par an et à 32 000 euros par an selon les cas – entraînent un surcoût de 150 millions d’euros, parmi lesquels 125 millions d’euros consacrés au relèvement et à l’indexation du seuil micro et 25 millions d’euros affectés à la transformation du seuil de 300 000 euros en un abattement pour les droits de mutation.

Vous le voyez, ces 450 millions d’euros sont bien dépensés. Cette loi, outre le retour sur investissement qu’elle nous procurera en termes de croissance et de créations d’emplois, profitera clairement à tous nos concitoyens. En effet, la vie des entrepreneurs sera simplifiée, les consommateurs auront plus de choix et bénéficieront – nous l’espérons – de prix plus bas ; les petits fournisseurs disposeront de plus de marges de manœuvre et, surtout, de délais de paiement raccourcis. Quant aux petits commerçants, ils profiteront de remises de la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA, qui s’appellera peut-être différemment si certains amendements sont adoptés, d’aides complémentaires du FISAC ou de la réforme des baux commerciaux.

Comme vous pouvez le constater, de telles mesures bénéficieront donc à tous nos concitoyens.

M. Jean Desessard. Tout va très bien ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme Christine Lagarde, ministre. Elles sont le fruit d’un travail de coproduction important que je vous invite à poursuivre tout au long de l’examen de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF.)

M. le président. La parole est à M. Laurent Béteille, rapporteur. (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

M. Laurent Béteille, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi qui nous est aujourd’hui proposé s’inscrit dans la continuité des mesures prises dès le début de la législature en faveur de la croissance et du pouvoir d’achat.

S’appuyant sur une réflexion menée depuis plusieurs mois, ce texte ambitionne d’offrir à nos concitoyens des dispositifs novateurs, afin de développer notre économie. À ce titre, il concerne à la fois les petites et moyennes entreprises, dont le tissu constitue l’une des caractéristiques principales de l’économie française, et des entreprises plus importantes de secteurs très différents de notre économie, qu’il s’agisse de la distribution, de la finance ou des nouvelles technologies.

Après son examen par l’Assemblée nationale, le projet de loi a été considérablement étoffé. Pour autant, ses grandes orientations ont été maintenues. Il s’agit de simplifier – à mon sens, c’est le maître-mot – l’exercice par nos concitoyens d’une activité économique, d’assurer une protection aux consommateurs et de renforcer l’attractivité de notre pays dans un contexte marqué par la mondialisation.

La commission spéciale m’a confié la charge des dispositions du présent projet de loi relatives à trois thèmes.

S’agissant tout d’abord de la simplification des conditions d’exercice de l’entrepreneur individuel – c’est le premier point –, le texte du Gouvernement, tel qu’il a été adopté par les députés, est particulièrement novateur.

Cela a été souligné, le projet de loi crée un véritable statut de l’auto-entrepreneur, dont il définit les conditions d’exercice. En pratique, il s’agit d’inciter nos concitoyens à entreprendre une activité économique dans des conditions simples et souples, afin que l’envie d’entreprendre ne soit pas bridée par des contraintes ou des complexités inutiles et rebutantes, comme nous en avons souvent l’habitude.

Dans cette perspective, le statut de l’auto-entrepreneur se caractérise essentiellement par des mesures d’allégement en matière fiscale, sociale et administrative.

En matière fiscale, le régime fiscal et social des micro-entreprises sera amélioré par la création d’un prélèvement fiscal et social libératoire calculé en pourcentage du chiffre d’affaires.

En outre, le texte réactualise les seuils définissant les micro-entreprises, « statut » fiscal permettant de bénéficier d’un régime d’imposition particulier, de contraintes déclaratives allégées et d’une franchise de TVA. Il prévoit également que ces seuils seront désormais actualisés chaque année dans des proportions identiques à la première tranche de l’impôt sur le revenu.

En matière sociale, le projet de loi élargit le champ du rescrit social bénéficiant aux employeurs du régime général de sécurité sociale et du régime agricole, et institue un rescrit social au bénéfice des ressortissants du régime social des indépendants, le RSI. L’Assemblée nationale a complété fort utilement ces dispositions par un dispositif de rescrit fiscal élargi. Au regard du droit social et du droit fiscal, ces mesures de sécurisation de l’activité économique profitent non seulement aux micro-entreprises, mais également à l’ensemble des entreprises.

En matière administrative, des personnes exerçant à titre complémentaire une activité artisanale ou commerciale pourront être dispensées de s’immatriculer au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers. Pour autant – je le précise dans un souci de clarté –, les auto-entrepreneurs ne seront pas affranchis des règles de base qui s’imposent à tout commerçant ou artisan, notamment en matière de protection des consommateurs, de qualification professionnelle et d’assurance.

Le projet de loi comporte également plusieurs mesures qui concernent l’ensemble des entrepreneurs individuels.

Pour faciliter l’exercice professionnel des entrepreneurs individuels, le texte vise à assouplir le régime des changements d’usage des locaux, ainsi que celui des usages mixtes, en particulier dans les locaux situés au rez-de-chaussée des immeubles. Il élargit le champ des biens pouvant être déclarés insaisissables par l’entrepreneur individuel et permet à ce dernier de bénéficier de la procédure de surendettement des particuliers lorsqu’il engage ses biens personnels pour garantir son activité entrepreneuriale. Il prévoit l’extension, par voie d’ordonnance, de la qualité de constituant d’une fiducie aux personnes physiques.

Par ailleurs – c’est le deuxième thème que je souhaite aborder –, le projet de loi comporte également de nombreuses dispositions en faveur de la simplification du fonctionnement des petites et moyennes entreprises. À cet égard, je mentionnerai cinq mesures particulières.

Premièrement, une simplification fondamentale consiste à neutraliser, à titre expérimental, les effets de seuil.

Mes chers collègues, vous savez combien le droit français souffre incontestablement d’une multiplication des seuils, qui sont souvent des obstacles à la croissance des PME. C’est pourquoi le projet de loi permet de geler, puis d’étaler les conséquences du franchissement par les entreprises des seuils de dix et de vingt salariés en matière de financement de la formation professionnelle, de cotisations sociales sur le salaire des apprentis, de cotisations patronales de sécurité sociale, d’exonérations de charges au titre des heures supplémentaires, de contribution au fonds national d’aide au logement et de contribution au financement des transports en commun.

Deuxièmement, le projet de loi prévoit, notamment depuis son adoption par l’Assemblée nationale, de simplifier quelques aspects de la réglementation des baux commerciaux, dont tout le monde s’accorde pour condamner la complexité, qui en fait, nous le savons, un véritable nid à contentieux.

Troisièmement, plusieurs mesures de simplification du droit des sociétés sont prévues. Cet effort est mené depuis plusieurs années. Le texte qui nous est soumis poursuit cette tâche, avec quelques mesures qui sont particulièrement utiles. Les sociétés à responsabilité limitée, ou SARL, auront la possibilité de recourir à la visioconférence lors de la tenue des assemblées d’associés. Pour les sociétés anonymes, ou SA, l’obligation de la détention d’actions par les administrateurs et les membres du conseil de surveillance sera supprimée. Et, dans le cas des sociétés par actions simplifiées, ou SAS, les apports en industrie seront autorisés et le contrôle des comptes sera assoupli.

Quatrièmement, afin d’assouplir le régime des incapacités commerciales, celles-ci seront soumises à un principe de proportionnalité. Le Gouvernement est ainsi autorisé à assouplir par ordonnance le régime des incapacités commerciales en permettant au juge de prononcer une peine complémentaire d’interdiction d’exercer une activité industrielle ou commerciale, ainsi qu’une peine alternative d’interdiction.

Cinquièmement, le projet de loi devrait permettre l’adaptation du droit des procédures collectives et du droit des sûretés. La loi du 26 juillet 2005 de sauvegarde des entreprises pourrait être toilettée par voie d’ordonnance, afin de la rendre plus attractive, tout en conservant les traits fondamentaux des procédures collectives que nous avions imaginées voilà trois ans. Le renforcement de l’efficacité de certaines sûretés, comme la fiducie et le gage sans dépossession, est également prévu par le projet de loi.

J’en viens à présent au troisième thème de mon intervention : plusieurs dispositions du projet de loi tendent à renforcer l’activité économique de notre pays. Mais celles-ci devant en majeure partie être évoquées par mon collègue rapporteur Philippe Marini, j’aborderai seulement deux mesures.

D’une part, le droit au séjour pour les étrangers pouvant apporter une contribution économique exceptionnelle à la France sera aménagé. Le projet de loi prévoit la délivrance d’une carte de résident d’une durée de dix ans pour des étrangers susceptibles d’apporter à la France une telle contribution.

D’autre part, une base légale pour la délégation de la gestion des fonds structurels européens sera instaurée.

La commission spéciale a souhaité enrichir ce texte sur plusieurs points.

Tout d’abord, elle a cherché à rendre plus cohérents les dispositifs adoptés par nos collègues députés.

Ainsi, s’agissant du champ d’application de la dispense d’immatriculation au registre du commerce et des sociétés ou au répertoire des métiers, elle a préféré prévoir une voie générale plutôt que l’énumération des bénéficiaires du régime ; elle a en effet considéré que cette dernière était longue et laissait de côté des catégories de personnes pour lesquelles un tel dispositif pouvait se révéler utile, comme les étudiants et les chômeurs.

En matière de changements d’usage et d’usages mixtes, la commission spéciale s’est attachée à simplifier le dispositif adopté à juste titre par les députés, qui transfère la compétence des autorisations du préfet vers les élus locaux. Nous avons souhaité faire du maire le véritable pivot du système, en le rendant seul responsable de ces autorisations et en donnant compétence aux conseils municipaux pour fixer les conditions générales de délivrance de ces dernières. Enfin, nous avons rétabli la suppression de l’autorisation pour les locaux situés au rez-de-chaussée.

Nous avons également estimé que l’examen de ce projet de loi nous offrait une occasion bienvenue de nous pencher sur les entreprises de taille moyenne, dont la spécificité par rapport aux grandes entreprises, avec lesquelles on a souvent tendance à les assimiler, méritait d’être affirmée. Si une entreprise cesse d’être une moyenne entreprise à partir de deux cent cinquante salariés, elle ne devient pas pour autant une major internationale ni même une grande entreprise. Nous devons le reconnaître pour pouvoir en tirer ensuite les conséquences. En effet, le problème de la croissance des PME et du manque d’entreprises de taille moyenne se pose de façon de plus en plus aiguë. Il est important que la France rattrape son retard et surmonte son déficit en la matière. Nous proposons de nous donner les moyens de mieux les connaître pour mieux les accompagner.

Enfin, par souci de simplification et par cohérence avec la position du Sénat en 2006, la commission spéciale a entendu élargir la faculté de délégation par l’État aux collectivités territoriales de la gestion des fonds structurels européens, sans que cette mesure remette en cause les programmations déjà intervenues pour la période 2007-2011.

La commission spéciale a ensuite entendu assouplir certaines contraintes pesant sur les entreprises.

Sur le fondement des propositions émises dans un rapport datant de 2004, elle a adopté plusieurs améliorations juridiques au statut des baux commerciaux, afin de moderniser ce régime en le débarrassant d’un certain nombre de scories, tout en ayant le souci de ne pas déstabiliser ses grands équilibres entre les bailleurs et les preneurs.

La commission spéciale a également supprimé la prohibition pour une entreprise unipersonnelle à responsabilité limitée, ou EURL, d’en détenir une autre.

Elle a élargi la possibilité de faire des apports en industrie dans le cadre d’une société par actions simplifiée.

Elle a ouvert aux avocats la possibilité d’être fiduciaires, en précisant que, dans le cadre de cette activité, ces professionnels seraient soumis à l’ensemble des obligations incombant à tout fiduciaire en termes de lutte contre le blanchiment.

Elle a enfin étendu le champ d’application de la norme simplifiée d’exercice professionnel des commissaires aux comptes au-delà des seules sociétés par actions simplifiées, afin qu’elle s’applique, en dessous de certains seuils fixés par décret, aux sociétés à responsabilité limitée, aux sociétés en nom collectif et aux sociétés en commandite simple. Seules sont écartées les sociétés par actions.

Votre commission a ensuite souhaité assurer un équilibre entre les mesures favorables à l’entrepreneur et la nécessaire protection des tiers.

Cette volonté s’est traduite par une acception plus stricte des biens de l’entrepreneur individuel pouvant faire l’objet d’une déclaration d’insaisissabilité.

La commission spéciale a également cherché à renforcer notre droit des sûretés, avec l’attribution d’un droit de rétention au créancier titulaire d’un gage sans dépossession et avec la possibilité pour l’agent des sûretés de constituer lui-même des sûretés réelles pour le compte d’une collectivité de créanciers. Pour autant, elle s’est efforcée de concilier la mise en œuvre de ces sûretés avec les objectifs des procédures de sauvegarde et de redressement judiciaire qui visent à assurer la pérennité de l’activité de l’entreprise en difficulté.

La commission a également entendu prendre en compte la spécificité du contrôle des comptes dans la société par actions simplifiée, en élargissant l’obligation de désigner un commissaire aux comptes lorsque la société par actions simplifiée est contrôlée ou contrôle une ou plusieurs sociétés.

Enfin, du point de vue de la procédure parlementaire, la commission spéciale a souhaité, chaque fois que cela était réalisable, substituer des dispositions d’application directe aux habilitations à légiférer par ordonnance.

Tel est le cas, en particulier, de l’habilitation concernant l’extension de la qualité de constituant d’une fiducie aux personnes physiques. Il en est de même de l’habilitation concernant le régime des incapacités commerciales, car il n’est pas acceptable que des modifications de notre droit pénal interviennent par voie d’ordonnance. Notre assemblée ne saurait se satisfaire d’une telle solution.

Telles sont les mesures que je souhaitais vous présenter concernant le domaine qui m’a été réservé par la commission spéciale. Nous nous sommes efforcés de faire entendre la voix de la simplification, tout en écoutant les nombreuses observations qui sont parvenues jusqu’à nous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale.

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur de la commission spéciale. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, il me revient de rapporter des dispositions qui se répartissent entre les titres Ier, II, III et V du projet de loi. Sans revenir sur les objectifs de ces dispositions, qui ont été très bien exposés par Mme la ministre, j’insisterai sur quelques points saillants.

Concernant tout d’abord le titre Ier, la commission a prêté la plus grande attention à l’une de ses mesures essentielles : le plafonnement légal des délais de paiement, proposé à l’article 6.

La commission spéciale est pleinement convaincue du bénéfice macroéconomique que la France et particulièrement ses PME peuvent retirer d’une réduction des délais de paiement, que ce soit en matière de compétitivité, d’investissement ou de croissance.

Le délai de paiement est un élément central de la relation commerciale, dont il reflète le déséquilibre, et c’est pourquoi seule la loi est en mesure d’obtenir sa réduction effective. Le succès concret de la disposition spécifique adoptée en 2006 pour le secteur des transports en apporte la preuve.

Toutefois, la commission spéciale tient à ce que le passage d’une moyenne de soixante-sept jours de délai de paiement à un plafond, et non plus à une moyenne, de soixante jours se fasse de manière progressive. Il n’est pas possible, en effet, de bouleverser en six mois le modèle économique autour duquel se sont construites plusieurs filières en France. La réduction à soixante jours calendaires du délai de paiement va mécaniquement accroître le besoin en fonds de roulement des entreprises, et donc leurs frais financiers dans un contexte où le financement bancaire coûte cher et n’est pas facile d’accès.

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission spéciale. Tout à fait !

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. Le choc que constitue le transfert de milliards d’euros de trésorerie, spécialement pour les entreprises dont la structure de bilan est construite sur un délai fournisseur supérieur au délai client, ne peut être absorbé qu’en plusieurs années.

C’est pourquoi la commission se montre particulièrement attachée aux dérogations que le Gouvernement a heureusement prévues pour permettre à des secteurs qui en ont objectivement besoin de n’appliquer le délai de soixante jours calendaires qu’au 1er janvier 2012.

Dans cet esprit, la commission vous proposera un amendement permettant aux signataires d’un accord interprofessionnel autorisant cette dérogation de bénéficier d’emblée du délai de paiement supérieur qui a fait l’objet de cet accord.

Elle vous proposera également d’ouvrir une ultime voie de recours aux secteurs qui échoueraient à conclure un accord interprofessionnel d’ici à la fin de l’année, mais qui seraient néanmoins prêts à améliorer les délais de paiement au bénéfice des PME.

Sur ce point, je conclurai en invitant le Gouvernement à laisser le temps nécessaire à la négociation et à l’adaptation des différents secteurs au nouveau cadre légal qui sera issu du présent texte.

En outre, la commission spéciale, notamment son président, considère qu’il serait risqué de précipiter le passage à une seconde étape législative qui ramènerait trop brutalement le plafond légal de paiement à trente jours.

L’article 9 permettra aux associés des jeunes sociétés de capitaux d’opter, sous certaines conditions, pour le régime fiscal des sociétés de personnes, et ce pour une durée de cinq ans. Il s’agit là encore d’une bonne proposition, susceptible de soulager la trésorerie des entrepreneurs pendant la période délicate des premières années de leur entreprise, souvent déficitaire.

J’en viens maintenant au titre II, qui a largement retenu l’attention de l’opinion publique, des professionnels concernés et de nos collègues députés. Le Gouvernement a conçu ce titre du projet de loi dans un souci d’équilibre : équilibre entre la libéralisation de la négociabilité, et l’accroissement du contrôle et de la sanction des abus – il s’agit de donner plus de liberté, mais avec plus de responsabilités ; équilibre entre cette évolution des relations commerciales et la modernisation du dispositif d’aménagement commercial ; équilibre, au sein des dispositions sur le commerce, entre l’assouplissement et la simplification du contrôle de l’aménagement commercial, d’une part, et le renforcement du FISAC, d’autre part ; équilibre de l’ensemble, enfin, avec la perspective proche de la création d’une autorité de la concurrence dotée des moyens correspondants.

L’Assemblée nationale s’est inscrite dans ce souci d’équilibre en enrichissant d’abord le début de ce titre de dispositions relatives à la protection des consommateurs ; nous vous proposerons du reste d’aller plus loin dans cette voie.

Deux amendements auront ainsi respectivement pour but, l’un de rendre directement applicables en droit interne les mesures de suspension de mise sur le marché des produits dangereux prises par la Commission européenne, l’autre de faire financer le coût des tests et des expertises sur les produits importés par les personnes responsables de la mise sur le marché.

Concernant ensuite l’article 21 et la négociabilité, votre commission spéciale a considéré que l’équilibre auquel l’Assemblée nationale était parvenue était, pour l’essentiel, satisfaisant. C’est pourquoi je ne vous proposerai pas de modifications très importantes à cet article, il s’agira simplement d’en améliorer encore la rédaction.

De même, sur l’article 22, relatif au contrôle et à la sanction des abus dans la relation commerciale, et sur l’article 24, qui modifie le régime des soldes, nous nous satisfaisons pour l’essentiel du texte adopté par l’Assemblée nationale.

S’agissant de la création de l’autorité de la concurrence, nous nous sommes longuement interrogés sur l’opportunité de recourir à une ordonnance pour procéder à une réforme aussi lourde politiquement que fondamentale sur le plan économique.

Nous avons, en effet, estimé qu’un débat parlementaire en bonne et due forme s’imposait sur ce sujet. Surtout, nous avons considéré que le renforcement du système de régulation de la concurrence, qui repose essentiellement sur la transformation du Conseil de la concurrence en autorité dotée de compétences élargies, constituait la clé de voûte de l’édifice législatif présenté au Parlement par le titre II du projet de loi, contrepartie essentielle à d’autres dispositions du texte renforçant la concurrence dans de nombreux secteurs économiques.

C’est pourquoi, compte tenu du caractère quasi abouti du projet d’ordonnance transmis par le Gouvernement, nous avons procédé à l’insertion de deux articles additionnels avant l’article 23.

Le premier propose la création de cette autorité de la concurrence et définit sa composition et son organisation. Dans le même temps, nous renforçons les pouvoirs du Parlement en matière de suivi des activités de cette instance.

Le second procède au transfert du contrôle des concentrations économiques du ministre chargé de l’économie vers cette autorité. En conséquence, nous proposons de réduire de manière concomitante le périmètre de l’ordonnance prévue à l’article 23 pour le limiter à la seule réforme du contrôle des pratiques anticoncurrentielles, afin notamment de mieux articuler cette compétence entre l’autorité et la DGCCRF.