Mme Nicole Bricq. C’est sage !

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. J’en viens maintenant à l’article 25, qui a pour objet de réformer la taxe d’aide au commerce et à l’artisanat, la TACA. Nous savons tous que de nombreux magasins ont souffert du quasi-triplement de cette taxe, depuis 2004, pour compenser l’abandon de la taxe sur les achats de viande.

La réforme proposée se ferait à produit constant pour l’État mais rééquilibrerait l’effort entre catégories d’assujettis. Les « petits » magasins, les plus fragiles et les moins rentables, bénéficieraient ainsi de diminutions parfois conséquentes de leur taxe, alors que les très grandes surfaces, essentiellement alimentaires, contribueraient davantage. C’est d’autant plus normal que ce sont ces mêmes magasins qui étaient auparavant assujettis à la taxe sur les achats de viande.

À la suite de l’Assemblée nationale, je vous proposerai un ultime ajustement de ce dispositif, afin d’exclure de l’assiette de la taxe les petits magasins indépendants de toute enseigne nationale situés dans un centre commercial. Je vous suggérerai également de tirer la conséquence du caractère budgétaire de cette taxe en changeant son nom : elle deviendrait alors la taxe sur les surfaces commerciales, ou TASCOM.

Sur l’article 26, la commission spéciale vous présentera une modification qu’elle juge très importante. Le Gouvernement, puis les députés ont tâché de conforter le FISAC. Nous vous proposons d’aller beaucoup plus loin dans cette logique, d’une part en garantissant le financement de ce fonds en lui affectant par la loi une fraction de la TASCOM, d’autre part en lui adjoignant un conseil stratégique assez resserré et une commission d’orientation plus élargie, afin de doter cet outil très important d’un véritable pilotage politique.

Ces deux points sont l’occasion de mieux associer le Parlement à l’orientation du FISAC.

Quant à l’article 27, il va de soi que nous aurons l’occasion d’y revenir de façon très approfondie, puisque l’ensemble des sénateurs a déposé près d’une centaine d’amendements sur cet article, à la fois très long et très important, qui porte une réforme de l’ensemble du dispositif relatif à l’équipement commercial.

Je voudrais insister sur plusieurs points qui me paraissent essentiels et qui expliquent les propositions que j’ai été amenée à formuler à votre commission spéciale.

Tout d’abord, il nous faut bien prendre en compte le fait que la Commission européenne a établi de façon assez claire que notre dispositif actuel est contraire au droit européen, en particulier à la liberté d’établissement.

Il est donc logique et souhaitable de nous réformer nous-mêmes avant d’être condamnés par la Cour de justice des Communautés européennes. Il me semble qu’il faut saluer le courage du Gouvernement sur ce point.

Sans vouloir intervenir trop longuement sur ce sujet, sur lequel nous reviendrons au cours de la discussion des articles, je vous dirai cependant qu’il est de notre responsabilité de parlementaires de ne pas laisser croire aux Français en général, et au monde du commerce en particulier, que nous pouvons tout simplement ignorer le cadre juridique européen, car nous sommes inscrits dans ce cadre, et nous le sommes parce que nous l’avons choisi.

Pour ces raisons, il ne me semble ni réaliste ni souhaitable de vouloir repousser la réforme proposée par le Gouvernement qui tire les conséquences des évolutions du droit européen.

Il est un fait qui s’impose à nous : notre législation sur le commerce ne peut plus reposer sur ce que l’on appelle les tests économiques, c’est-à-dire sur une analyse des commerces déjà implantés qui conduit à prendre en compte l’effet sur ces commerces de tout nouveau projet avant de l’autoriser.

C’est pourquoi la commission spéciale proposera de maintenir le relèvement du seuil légal d’autorisation de 300 à 1 000 mètres carrés, comme le propose le Gouvernement.

En revanche, à côté de cette réalité juridique incontestable, il y a une réalité géographique et sociale tout aussi incontestable : je veux parler de cette réalité qui nous marque tous et dont notre Haute Assemblée est l’expression politique et institutionnelle, à savoir la diversité de nos territoires.

Parce que nos territoires sont différents et sont riches de leurs particularités et de leurs spécificités, il m’a semblé, et votre commission a bien voulu partager cette analyse, qu’il était important de donner aux élus locaux la possibilité, dans certains cas, d’adapter le dispositif général aux exigences locales.

Comme il nous a semblé que l’élément politique important de ce dispositif reposait sur l’idée qu’en matière d’aménagement commercial l’ensemble de la décision ne devait pas reposer sur le seul maire mais qu’il fallait laisser une place à la construction d’un projet collégial pour le territoire, nous proposons de donner aux schémas de cohérence territoriale – SCOT – la possibilité de définir des zones d’aménagement commercial en fonction des trois critères autorisés par le droit européen, à savoir l’aménagement du territoire, la qualité de l’urbanisme et la protection de l’environnement.

Puis, dans un second temps, nous proposerons d’articuler ce dispositif avec celui qu’ont introduit les députés pour permettre, dans certains cas limités, le passage en commission départementale d’aménagement commercial – la CDAC – des projets compris entre 300 et 1 000 mètres carrés.

Il me reste enfin sur ce point à vous dire ma forte interrogation sur l’idée avancée à l’Assemblée nationale d’élaborer dans six mois un nouveau projet de loi pour intégrer l’urbanisme commercial à l’urbanisme de droit commun.

Il me semble qu’il y a dans cette formule une lourde ambiguïté et je me demande si tous nos collègues députés ont bien conscience qu’un tel projet consisterait en réalité à supprimer les CDAC.

Pour notre part, nous ne nous plaçons pas dans cette perspective et nous considérons assez largement, au sein de la commission spéciale, qu’il n’y a pas lieu de légiférer pour dire qu’on légiférera plus tard.

En conclusion sur cette question de l’équipement commercial, je voudrais vous dire ma conviction que le commerce de proximité, s’il ne peut représenter la majorité du commerce en chiffre d’affaires, a néanmoins un bel avenir devant lui.

Faisons un peu de prospective, mes chers collègues, et plaçons-nous dans vingt ans, c’est-à-dire dans un pays dont la population aura une moyenne d’âge plus élevée, dans lequel les transports se seront profondément transformés, dans lequel les zones rurales se seront redynamisées et auront vu leur population augmenter, dans lequel les services, de façon générale, et les services capables d’apporter des réponses individualisées aux consommateurs, en particulier, occuperont une part toujours croissante : dans cette société française de 2030, les activités de proximité auront un rôle important à jouer.

J’en viens enfin au titre III. Il me revient de rapporter les articles du chapitre Ier, qui m’apparaît viser un objectif essentiel pour la croissance de notre économie et pour la cohésion sociale. Il s’agit du développement de l’accès au très haut débit et, plus généralement, au numérique sur le territoire.

Les amendements que la commission proposera sur ces articles répondent à deux préoccupations principales. Ils visent, d’une part, à assurer la plus grande équité possible entre les opérateurs concurrents pour le déploiement de ce nouveau réseau que constitue la fibre optique. Ils visent, d’autre part, à permettre de ne jamais perdre de vue les Français qui habitent en zone rurale…

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme Élisabeth Lamure, rapporteur. … et qui souffrent d’une mauvaise couverture en téléphonie mobile de deuxième génération, ne sont pas couverts par les réseaux de troisième génération, ne captent pas la TNT, ne sont pas éligibles à l’ADSL, ou encore voient la fibre optique comme un privilège réservé aux citadins.

C’est dans cet esprit que la commission proposera plusieurs amendements importants. Ceux-ci viseront, par exemple, à revenir au texte du Gouvernement qui assurait un déploiement équilibré du très haut débit dans les immeubles ou à donner aux collectivités territoriales le moyen de mettre en œuvre une utilisation partagée des infrastructures publiques de génie civil déployées pour les réseaux câblés.

J’espère que le Sénat soutiendra les propositions que je lui ferai, au nom de la commission spéciale sur l’ensemble des articles que je viens d’évoquer, afin d’aboutir à un texte équilibré, réaliste, mais également prospectif. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Marini, rapporteur.

M. Philippe Marini, rapporteur de la commission spéciale. Madame le ministre, messieurs les secrétaires d’état, mes chers collègues, nous examinons ce texte à un moment d’incertitude pour notre économie. En ce milieu de l’année 2008, les meilleurs observateurs ont de la peine à apprécier les indicateurs internationaux. Nous aurons l’occasion de revenir sur ces sujets dans peu de temps, notamment lors du débat d’orientation budgétaire, car les perspectives de nos finances publiques demeurent préoccupantes – comme chacun le sait – et la sensibilité de notre pays à la croissance internationale est grande.

Dans un tel contexte, le texte que vous nous présentez a beaucoup d’ambition. Je retiens surtout sa volonté d’accroître, sur une série de sujets concrets, la compétitivité de notre économie. Il est certain que, lorsqu’on veut donner libre cours aux forces de l’entreprise, on lèse forcément des intérêts établis et on crée des difficultés chez certains groupes, si respectables soient-ils.

Il est donc inévitable, madame le ministre, que la loi dite de modernisation de l’économie ait suscité bien des débats, voire bien des inquiétudes.

En ce qui me concerne, en tant que sénateur de base (exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste) et élu local, j’éprouve des inquiétudes, comme chacune et chacun d’entre vous. En écoutant « mon » excellente chambre de commerce, « mon » union commerciale – je mets des guillemets autour de ces pronoms trop possessifs – j’entends naturellement des inquiétudes s’exprimer. Il est nécessaire de les prendre en compte.

M. Thierry Repentin. Vous êtes inquiet comme nous !

M. Philippe Marini, rapporteur. La commission spéciale a su trouver le chemin ardu, délicat, parfois contradictoire,…

M. Jean Desessard. Que de précautions oratoires !

M. Philippe Marini, rapporteur. … entre les expressions de nos territoires et la nécessité de libérer et de libéraliser de nombreuses composantes de notre économie.

Chers collègues, prétendrez-vous que cette réalité soit simple ? Souhaitez-vous en rester à un statu quo intégral dans tous les domaines ? C’est la question que nous devons nous poser.

La commission spéciale entame donc un chemin délicat et je voudrais rendre un hommage particulier à mes collègues rapporteurs et, plus spécialement, au rapporteur en charge des structures commerciales. Je crois effectivement qu’Élisabeth Lamure a su trouver des dispositions qui permettent de rassembler l’urbanisme commercial dans l’urbanisme. Elle a ainsi pu répondre à de nombreuses questions que se posent nos collègues des différents départements et les élus locaux, dans leur généralité.

Je vais en venir, plus précisément et brièvement, aux trente et un articles que la commission spéciale m’a demandé de rapporter. Je suis heureux, au demeurant, de ne pas rapporter les dispositions sur les délais de paiement. Celles-ci me rappelleraient la première tâche que, jeune fonctionnaire, j’ai réalisée voilà trente ans. On m’avait demandé, alors que j’étais membre du Commissariat général du plan, de rapporter un groupe de travail interministériel sur le crédit interentreprises. J’ai le sentiment que, dans ce domaine et malgré bien des législations, la situation n’a pas véritablement évolué depuis lors !

J’en viens donc aux trente et un articles qu’il m’est demandé de rapporter. Ces articles font apparaître sept progrès essentiels en matière de compétitivité, en quelque sorte, sept marches supplémentaires sur le grand escalier de la compétitivité.

M. Jean Desessard. Vous êtes un poète !

M. Philippe Marini, rapporteur. Je vous remercie de votre appréciation, cher collègue. Les débuts d’après-midi dans notre assemblée peuvent parfois être délicats. Je vois que vous m’écoutez avec grande attention et je m’en réjouis.

Première marche vers la compétitivité : l’article 42, qui concerne l’habilitation donnée au Gouvernement pour moderniser, sur un grand nombre de sujets le droit financier et la place financière de Paris.

M. Daniel Raoul. C’est un comble pour un parlementaire !

M. Philippe Marini, rapporteur. J’allais justement vous dire qu’il peut paraître paradoxal d’émettre un tel jugement sur une habilitation très large. Néanmoins, ce point de vue doit être aussitôt nuancé, car nous avons les projets d’ordonnance sous la main et nous serons capables de préciser, sur le plan des principes, la portée des habilitations.

De la même manière, nous serons en mesure, d’ici peu de mois, de ratifier les ordonnances et, le cas échéant, de les amender. Comme vous le savez, madame le ministre, c’est possible. Le Sénat l’a déjà fait à plusieurs reprises. L’habilitation n’est pas synonyme de confiance aveugle. Il s’agit d’une méthode de travail qui permet de bien répartir les rôles entre le législateur qui oriente, le Gouvernement et ses services qui écrivent.

Concernant la seconde marche de la compétitivité, j’observe avec plaisir et grand intérêt, madame le ministre, que nous envisageons d’aller plus loin dans la définition d’un régime fiscal et social des compétences qui viennent s’installer dans notre pays.

Aurions-nous trop de compétences ? Aurions-nous trop de richesses pour que l’on ne s’intéresse pas à ceux qui viennent de l’extérieur pour investir dans notre économie ? Que ceux qui le pensent s’opposent effectivement au dispositif ! La commission spéciale, quant à elle, a bien voulu suggérer, sur ma proposition, que celui-ci soit élargi aux non-salariés et à l’impôt sur le patrimoine.

Au passage, je tiens à évoquer les réflexions communes auxquelles nous nous sommes livrés, madame le ministre. Je crois que, dans ce domaine, nous pouvons parler d’une certaine coproduction avant même que le terme ne soit appliqué, au cours des dernières semaines, à l’élaboration parlementaire.

À l’origine, une mission commune d’information du Sénat a travaillé. Notre collègue Christian Gaudin en était le rapporteur, Nicole Bricq la vice-présidente, Élisabeth Lamure un des membres éminents. J’avais le plaisir et l’honneur d’en assurer la présidence.

Nous avions mis l’accent sur ce sujet et il est heureux que le Gouvernement et vous-même tout particulièrement, madame le ministre, ayez bien voulu tenir compte de nos remarques.

J’observe, au sein du Haut comité de place que vous avez créé et que vous faites fonctionner régulièrement, que vous avancez opiniâtrement sur le chemin de la compétitivité de la place financière de Paris.

C’est ce qui me fait souhaiter que nous puissions emprunter une troisième marche de la compétitivité : je veux parler des adaptations nécessaires de notre système de régulation financière.

Nous ne sommes pas sortis de la crise. Les banques, les compagnies d’assurance, les différents fonds et organismes de marché savent que de nombreuses opérations sont encore bloquées et qu’il est techniquement impossible de valoriser de très nombreux actifs. Le marché qui le permettrait n’existe plus et les valeurs qu’il faut inscrire dans les bilans se réfèrent à des modèles, des raisonnements mathématiques, voire à quelques artifices intellectuels. Il ne peut pas en aller autrement.

Dans ce cadre, bien marqué par la « marchéisation » du risque, c’est-à-dire par son transfert des banques aux compagnies d’assurance et à tous les organismes de marché, il est clair que la régulation doit s’adapter. Notre vision verticale et corporative a son avenir derrière elle.

Si nous voulons, notamment dans le cadre européen, progresser et assurer la supervision des différents acteurs de manière cohérente, il paraît indispensable d’adapter cette architecture et de commencer par un rapprochement du contrôle prudentiel, que celui-ci soit exercé pour des compagnies d’assurance, d’un côté, ou pour des banques, de l’autre. Je me permets d’indiquer à M. le gouverneur de la Banque de France que cela ne limite en rien les responsabilités de cette dernière ni la proximité qu’elle doit entretenir avec les services en charge des investigations au sein des banques et des compagnies d’assurance.

La quatrième marche de la compétitivité vous est totalement due, madame le ministre. Il s’agit, en vérité, d’une grande réforme qui concerne les fonds de dotation. Ceux-ci offrent un vrai levier de compétitivité en permettant à des donateurs, à des entreprises, à des particuliers de créer, pour servir une finalité d’intérêt général, de nouvelles personnes morales au statut très souple et concentré sur le respect de la volonté du donateur. Nous disposons là de moyens qui peuvent être puissants.

Au cours de la réunion de la commission spéciale, j’ai évoqué le cas des équipements hospitaliers. Il est tout à fait concevable de donner une somme pour que celle-ci soit investie dans un équipement hospitalier, tout comme elle pourrait l’être dans un équipement culturel.

Le fonds de dotation peut être soit durable, c’est-à-dire constituer une institution qui vivra de ses revenus, soit au contraire limité à la réalisation d’un outil, d’un objet ou d’un équipement particulier.

La cinquième marche de la compétitivité, c’est l’amélioration de la fiducie. Dans la continuité des positions de la commission des lois, c’est notre excellent collègue Laurent Béteille qui nous permettra de la franchir.

C’est grâce à Dominique de Villepin que cet outil a vu le jour dans notre législation, parce qu’il était d’urgent d’attendre en matière d’action de groupe et que l’ordre du jour de l’Assemblée nationale s’est ouvert à bon escient. (Sourires.)

Aujourd’hui, avec ce texte, je le répète, dans la continuité de ce que souhaitait la commission des lois et son rapporteur de l’époque, Henri de Richemont, il doit être possible de consacrer par la loi que la qualité de constituant est reconnue à une personne physique, celle de fiduciaire, ouverte aux membres de professions judiciaires réglementées et la durée maximale de la fiducie allongée. Il s’agirait de progrès considérables dans le sens de la compétitivité.

La sixième marche de la compétitivité consiste à banaliser le livret A en abaissant les taux de commissionnement, c’est-à-dire les frais généraux imputés par la profession bancaire. Nous exercerons ainsi une pression sur le coût des ressources affectées au logement social et à la politique de la ville en particulier. Nous allons d’ailleurs sécuriser le fonds d’épargne de la Caisse des dépôts et consignations sans qu’il soit, loin de là, indispensable d’inscrire dans la loi le taux de centralisation de la ressource.

M. Thierry Repentin. La porte est ouverte !

M. Philippe Marini, rapporteur. Quant à la Caisse des dépôts et consignations elle-même, comme vous l’avez dit, madame le ministre, sa gouvernance sera légèrement adaptée. Elle va progressivement faire son chemin vers plus de clarté dans la définition de ses missions et dans l’exercice de ses responsabilités.

Enfin, la septième marche de la compétitivité, c’est en matière de statistiques publiques que je voudrais vous inciter à la franchir, mes chers collègues, car les méthodes en la matière sont essentielles. Le sujet peut paraître technique et rebutant.

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Point du tout ! (Sourires.)

M. Philippe Marini, rapporteur. Cependant, vous le savez, lorsque l’on évoque la cherté de la vie ou les structures du commerce, que fait-on ? On commente des statistiques !

Selon quelle méthode sont-elles établies, au terme de quel programme de travail, quelle est la signification des concepts en la matière ? Ces sujets absolument essentiels doivent pouvoir être traités en toute indépendance. C’est la raison pour laquelle vous nous avez proposé, madame le ministre, une autorité de la statistique publique. Il s’agissait même d’une Haute autorité. Toutefois au Sénat, nous défiant de l’inflation et de ses risques, il nous paraît suffisant de nommer cet organisme « Autorité » tout court, avec une majuscule. (Sourires.)

À nos collègues députés, nous disons cependant qu’un système hybride dans lequel un groupe d’experts fonctionnerait au sein de l’INSEE ne répondrait pas véritablement aux critères de l’indépendance.

Mes chers collègues, avec ce texte et aux côtés de Mme le ministre de l’économie, de l’industrie et de l’emploi, nous allons pouvoir franchir ensemble – je l’espère et je m’en réjouis par avance – ces sept marches de la compétitivité. Je ne sais pas si le projet de loi permettra la modernisation de l’économie dans son ensemble, mais je crois qu’il y contribuera concrètement, dans l’intérêt général et dans l’intérêt des entreprises, des investissements et de l’emploi en France. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, les trois rapporteurs viennent de présenter de manière claire, complète et poétique – je pense à la référence biblique au chiffre sept, par exemple (sourires) – les analyses et les amendements de la commission spéciale sur le projet de loi qui est soumis au Sénat. Je ne reviendrai donc pas sur ces sujets, sauf en ce qui concerne quelques points.

Je tiens, moi aussi, à souligner l’important travail qui a été mené. À cet égard, je veux remercier nos collègues du groupe de travail, puis de la commission spéciale ainsi que les rapporteurs de l’engagement qui a été le leur tout au long des trois mois d’audition. Je souhaite également remercier le président Jean-Paul Emorine d’avoir suggéré la mise en place d’une telle commission spéciale.

Je veux maintenant vous faire part du regard que je porte sur ce texte et des réflexions qu’il m’inspire.

Au-delà des mesures qu’il propose, le projet de loi lance un appel à une adaptation accentuée de notre pays à la mondialisation.

M. Jean Desessard. Au moins, c’est clair !

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Ceux d’entre nous qui ont accompli des missions hors de nos frontières n’en reviennent-ils pas souvent avec le sentiment que le reste du monde bouge plus vite que nous ?

Il suffit d’entendre ceux qui ont vu les chantiers ouverts en Russie, au Brésil, en Inde, mais aussi dans le reste de l’Asie ou de l’Amérique du Sud, pour se rendre compte de ce décalage. Il suffit d’avoir perçu l’appétit au travail, à la création de richesses pour ressentir l’impression d’un certain assoupissement français.

Il y a quelques années, cet assoupissement paraissait participer d’un engourdissement européen. Aujourd’hui, une telle explication n’est plus pertinente. Les États providence d’Europe du Nord ont fait leur aggiornamento budgétaire ; l’Allemagne a rétabli sa productivité et a repris ses conquêtes exportatrices ; la Grande-Bretagne a reconstruit ses services publics et Londres est le pôle magnétique de la finance européenne ; les pays d’Europe de l’Est et du Centre avancent à bon pas dans la voie du rattrapage économique et social.

En comparaison, malgré des efforts conduits depuis quelques années, notre pays semble encore engoncé dans des problèmes que d’autres ont résolus.

Nos finances publiques portent le poids de la dette, notre déficit extérieur se réduit trop peu, nos grandes réussites industrielles – le nucléaire, le train à grande vitesse ou l’avionique – reposent sur des percées de notre appareil de recherche qui remontent à deux, trois, voire quatre décennies. Nos concitoyens perçoivent d’ailleurs davantage la constitution d’un marché mondial comme une menace dont il convient de se protéger que comme une opportunité à saisir. C’est une vraie différence avec nombre de nos partenaires de l’Union. Je le constate dans les pays que je visite dans le cadre de la mission sur la flexsécurité que je conduis actuellement, à la demande du conseil des ministres du travail des Vingt-sept, en observant la manière dont les partenaires sociaux abordent la globalisation.

Nous sommes encore trop frileux, alors même que la globalisation peut constituer un outil de sortie du sous-développement pour les trois quarts de la planète.

Nous avons besoin de services publics efficaces, expression de la solidarité collective et ciment de la cohésion territoriale et nationale. C’est indéniable ! Mais, dans le tourbillon concurrentiel qui balaye le globe, nous avons aussi besoin d’entrepreneurs et d’entreprises à même d’assurer le maintien et le développement non seulement de notre niveau de vie, mais également de notre influence. Ayons-le à l’esprit !

De ce point de vue, le projet de loi dessine les conditions d’un réveil de la vitalité économique nationale.

Face à la menace d’assoupissement économique, il nous faut organiser la levée en masse d’entrepreneurs ; depuis cinq ans, le nombre de créations d’entreprises est un signe positif. Nous avons donc besoin de plus de liberté.

Un tel objectif suppose une pédagogie, une valorisation de l’esprit d’entreprise et de ses réussites afin de favoriser l’évolution des mentalités.

Un tel objectif impose une facilitation de la vie de l’entrepreneur, une politique plus favorable à l’éclosion des petites et moyennes entreprises et à leur croissance afin d’encourager également le « rebond », c’est-à-dire l’acceptation d’un éventuel échec, qui n’est pas la condamnation définitive de l’entrepreneur.

Il exige une plus grande ouverture des marchés publics et privés aux petites entreprises. Celles-ci en sont souvent écartées pour cause de taille et, du coup, elles ne peuvent pas grandir. Il commande aussi des stratégies de développement de nos entreprises de taille médiane, à l’instar, comme le disait Laurent Béteille, du modèle allemand d’entreprises moyennes fortes, innovantes et exportatrices. Ces Mittelstand, dont le tissu serré fait la force industrielle de notre grand voisin, ne sont pas directement « avalées » par les multinationales et, grâce à leur identité, elles peuvent répondre au combat de la globalisation.

Cette orientation structure l’un des volets du projet de loi. Néanmoins, je ne crois pas que le dispositif proposé épuise le sujet. Il constitue un pas dans la bonne direction. D’autres devront suivre.

Aujourd’hui, pour assurer notre avenir, il nous est nécessaire d’opposer au choc de la mondialisation des bataillons d’entreprises inventives et libérées de certains carcans. Pour cela, il nous faut alléger les feuilles de marche des entreprises conquérantes à l’export.

Ayons aussi conscience que, pour mieux se projeter dans le lointain, notre économie doit davantage s’enraciner dans les activités de proximité. Cette économie de proximité est en effet un concept qu’il nous paraît essentiel de prendre en compte.

Le territoire national est le socle à partir duquel nos entreprises peuvent se déployer hors de nos frontières. C’est ma conviction. C’est aussi une conviction largement partagée par la commission spéciale. Il importe donc, avec un double souci d’équilibre, comme le soulignait Élisabeth Lamure, et de spécialisation optimale, de valoriser nos territoires urbains tout comme nos territoires ruraux.

La plus large diffusion de l’Internet à haut débit et une meilleure couverture des régions par les technologies de l’information et de la communication sont des moyens qu’il s’agit de promouvoir en priorité. L’irrigation financière en est une autre. De ce point de vue, la volonté de faire figurer Paris parmi les places financières mondiales les plus attractives est essentielle. L’objectif poursuivi par ce texte de lui donner les moyens de concurrencer directement Londres me semble particulièrement bienvenu. Il n’y a pas de grand pays sans grande capitale économique, et comment avoir l’ambition d’une capitale économique de rayonnement international sans place financière de premier plan ?

L’irrigation commerciale des territoires est, elle aussi, un facteur de leur développement et de maîtrise des prix. Cependant, quand il s’agit de grandes surfaces, c’est un flux qu’il convient de canaliser avec doigté, car il ne faudrait pas qu’il fasse plus de ravage que d’usage ! C’est pourquoi la commission spéciale proposera en la matière un triptyque équilibré de mesures qui se complètent : la prise en compte de la diversité de nos territoires dans le cadre des schémas de cohérence territoriale, pour donner aux élus locaux les moyens d’exercer leurs responsabilités en matière d’aménagement ;…