M. François Fortassin. On vous rejoint !

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. … la création d’une Autorité de la concurrence dotée de pouvoirs importants pour contrôler efficacement les concentrations et les pratiques anticoncurrentielles qui pénalisent le pouvoir d’achat des Français ; un FISAC renforcé par des moyens financiers garantis et la création d’un conseil stratégique composé d’élus ainsi que de représentants du monde économique.

M. Jean Desessard. Oh là là !

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Le commerce n’est pas la seule activité de proximité à privilégier, même s’il peut être un vecteur majeur de la diffusion des bénéfices de la globalisation dans tout le pays, notamment au travers des avantages de prix. Les services à la personne, notamment à celles de grand âge, les prestations touristiques qui mettent en valeur le patrimoine local, la logistique agricole, si nécessaire dans nos territoires ruraux, les transports, collectifs ou individuels, doivent notamment être intégrés dans nos schémas de développement.

J’y ajouterai les activités de recherche. Le projet de loi les aborde de manière limitée. Mais elles sont « le carburant de notre croissance » : sans elles, le moteur de l’activité économique se grippera. C’est pourquoi je tiens à saluer le succès de l’ancrage de notre effort de recherche dans les territoires. Je veux parler des pôles de compétitivité mis en place il y a trois ans. Cette formule nouvelle et originale paraît fonctionner.

C’est ce que confirme l’évaluation rendue il y a quelques jours par un grand cabinet international. C’est ce que démontre également la décision que vient d’annoncer le Président de la République de reconduire, pour trois ans, les soutiens budgétaires qui leur sont apportés.

Il me semble, d’ailleurs, que la Haute Assemblée gagnerait à dresser le bilan de l’autre volet de cette politique d’enracinement territorial de la recherche, je veux parler des pôles d’excellence rurale.

L’objectif à atteindre est la construction d’une économie de services encore plus efficace, mais qui continue à s’appuyer sur une base industrielle forte. Ayons présent à l’esprit que le premier consommateur de services est le secteur industriel. Ne l’oublions pas dans nos réflexions d’aujourd’hui ni dans celles de demain ! (Applaudissements sur les travées de lUMP.)

Mme Nicole Bricq. Mais c’est absent du texte !

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Le grand chantier de la modernisation économique de la France ne sera pas achevé avec ce texte.

M. Daniel Raoul. C’est sûr !

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Il devra être remis sur l’ouvrage dans les prochaines années.

De fait, il ne s’agit pas seulement d’ajuster en permanence nos structures et nos règles économiques à leur nouvel environnement international. Il s’agit également d’aider nos concitoyens à accomplir une « mue culturelle » à travers le regard qu’ils portent sur l’entreprise et sur le monde qui les entoure. Dans notre vieux pays colbertiste, c’est une œuvre à multiples facettes et de longue haleine.

C’est pourquoi le débat sur la modernisation de nos relations sociales est si important pour accomplir ensemble cette mutation. Le concept de flexsécurité, qui n’en est qu’à ses débuts dans notre pays, doit devenir une réalité qui contribuera à réaliser cette mue afin que les perdants de la globalisation ne soient pas toujours les mêmes, ce qui est source d’incompréhension. C’est, me semble-t-il, un rendez-vous tout à fait essentiel, car on ne peut pas parler de modernisation de l’économie sans modernisation de nos relations sociales.

Notre assemblée peut dans le domaine du développement économique jouer un rôle important. Beaucoup d’initiatives très diversifiées ont déjà été prises en ce sens au cours des dernières années. Nous devons les amplifier et les coordonner avec les travaux législatifs de notre assemblée, pour mieux épauler l’implantation de petites et de moyennes entreprises françaises dans les régions, en Europe et hors de nos frontières.

Nous pourrions, par exemple, mettre à disposition des créateurs d’entreprise les dernières informations législatives pouvant leur être utiles, notamment sous forme de base de données ciblée.

Dans cet ordre d’idée, le Sénat aurait à être un observateur prospectif et un incubateur législatif, mais aussi un promoteur de l’innovation et des modèles de réussite entrepreneuriale. Il devrait également, bien sûr, être attentivement à l’écoute des acteurs économiques et des partenaires sociaux, pour s’appuyer sur les leçons de l’expérience et dégager des consensus.

Pour conclure, je tiens à remercier de leur contribution les trois rapporteurs de ce texte, Élisabeth Lamure, Laurent Béteille et Philippe Marini, et à leur exprimer ma gratitude pour le travail qu’ils ont conduit, dans des conditions qui n’étaient pas faciles ; nous allons maintenant passer avec eux quelques heures de débat sans doute nourries et passionnantes ; mes remerciements vont également à tous les membres de la commission spéciale, de quelque sensibilité politique soient-ils.

Les conditions de notre travail n’ont pas été si aisées car si, en effet, nous avons entamé notre réflexion il y a trois mois, le temps s’est précipité à la fin. Or, le temps se précipitant, l’examen serein d’un certain nombre d’articles s’en est trouvé compliqué, d’autant que, partis 44, ils arrivèrent 122 ! (Sourires.)

Nous espérons qu’au bout du compte nous arriverons à libérer des énergies : tel est l’intérêt de notre pays et de nos concitoyens ! (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUC-UDF, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Nathalie Goulet.

Mme Nathalie Goulet. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le texte qui nous est soumis aujourd’hui est important. Pour ma part, je ne vous parlerai que des points concernant l’attractivité du territoire. D’autres sujets seront évoqués dans la discussion des articles, mais j’ai préféré concentrer mon propos.

En ma qualité de membre de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées, ainsi que de vice-présidente du groupe France-Arabie saoudite-Pays du Golfe, présidé par Philippe Marini, j’ai une assez longue expérience de ces questions, ayant accompagné le sénateur Daniel Goulet en mission pendant près de huit ans.

Pour défendre ce dossier de l’attractivité, il faudrait à tout le moins que la moitié du Gouvernement soit sur ces bancs, car l’attractivité du territoire est une action transversale, interministérielle et, si possible, coordonnée.

L’attractivité de notre pays commence aux portes de nos ambassades. Nous devons veiller au recrutement de nos postes consulaires et de nos ambassades. Chaque année, lors du vote du budget du ministère des affaires étrangères, je fais le même constat, comme d’autres avant moi, et je pose les mêmes questions.

Pourquoi envoyer des ambassadeurs non arabisants dans les pays arabes et ceux qui parlent arabe en terre anglophone ?

Pourquoi de très brillants ambassadeurs qui parlent des langues rares sont-ils confinés dans des ministères comme conseillers diplomatiques alors que le terrain les appelle ?

Quels sont les critères de sélection pour nos postes d’expansion économique et surtout pour des postes d’attachés culturels ?

Nous savons à quel point les relations culturelles et universitaires sont essentielles au soutien des relations économiques. On ne dira jamais assez les effets majeurs de l’implantation de la Sorbonne, du Louvre à Abu Dhabi ou de Saint-Cyr en Arabie Saoudite.

Daniel Goulet avait coutume de dire à cette tribune que notre action extérieure n’était pas une agence de recyclage pour des personnels en mal d’exotisme, pour des parlementaires ayant perdu leur circonscription ou pour d’anciens ministres par ailleurs notoirement non anglophones propulsés au plus haut d’organisations internationales.

J’ai plaisir à le citer, car rien n’a changé dans ce domaine : la France d’après est bien celle d’hier et d’avant-hier sur ce point !

Compétences linguistiques et culturelles, obligations de résultats : voila qui devrait améliorer de beaucoup les chiffres de notre commerce extérieur.

Si nous continuons de faire comme nous avons toujours fait, nous aurons ce que nous avons toujours eu, soit un commerce extérieur qui enregistre 38 milliards d’euros de déficit !

Qu’en est-il maintenant de l’information sur notre politique d’attractivité ?

L’attractivité, c’est aussi, on l’a dit, une fiscalité attrayante. Mais comment répercuter l’information ?

Les exemples sont nombreux de pays à forte capacité contributive dont les ressortissants n’ont aucune information quant aux possibilités d’investissements en France et où le moindre conseil fiscal est simplement inexistant.

J’ai déposé un amendement par lequel je propose de créer, en partenariat avec les professionnels français – les barreaux, les experts-comptables et les commissaires aux comptes – un pool de consultants volants qui officierait dans les postes ciblés à forte capacité d’investissements ; je pense aux pays du golfe Persique, mais aussi à certains partenaires importants comme la Chine et l’Inde.

Il s’agit d’une mesure de simple bon sens, la chose du monde la moins bien partagée ! (Sourires.)

Le texte nous parle également de cartes de séjours. Mais, avant la carte de séjour, il faut s’occuper de la politique des visas.

Avec cette politique, nous jouons contre notre propre camp. La politique des visas va actuellement à contre sens de l’attractivité de notre pays ! (Oui ! sur diverses travées du groupe socialiste.)

J’en ai parlé au Président de la République lorsqu’il a reçu notre groupe politique. Je vous renvoie également à l’excellent rapport de M. Gouteyron sur les casse-têtes en matière de visa.

Vous savez, bien entendu, qu’à la suite de dispositions européennes, que nous sommes non seulement les premiers mais les plus sévères à appliquer, seuls les chefs d’État et les Premiers ministres sont dispensés de demandes de visa avec empreintes digitales.

Imaginez notre amie commune, monsieur Marini, Shekha Lubna Al Qasimi ou, tel Sheikh des Émirats ou tel membre de la famille royale du Qatar se rendre dans notre consulat pour déposer ses empreintes, puis attendre une dizaine de jours pour obtenir un visa ! (Murmures sur les travées du groupe socialiste.)

J’ai donc déposé quelques amendements pour essayer de dispenser les acteurs économiques majeurs de cette obligation qui engendre incompréhension et humiliation !

Mme Bariza Khiari. Et les autres !

Mme Nathalie Goulet. Il s’agit d’une disposition européenne qu’il faudra régler dans le cadre de la présidence française, qui est déjà bien chargée. Nos amis anglais ont résolu cette question : c’est leur ambassadeur qui se déplace muni d’une valise et recueille lui-même les empreintes digitales.

J’ai sollicité de Brice Hortefeux qu’une mesure similaire soit appliquée. Il m’a répondu, le 20 juin dernier, par la négative. Pourtant, cette question est absolument incontournable et il faudra trouver une solution.

Le quatrième point que je souhaite aborder a trait aux outils de notre action extérieure.

Notre boîte à outils du commerce extérieur est mal rangée. Elle contient trop d’outils et ils sont mal coordonnés.

Une réforme d’UBIFRANCE, que nous évoquerons au détour d’un article, sera sûrement l’occasion de débattre de cette question.

Par ailleurs, que faisons-nous de l’Agence française pour les investissements internationaux, l’AFII ?

J’ai souligné au début de mon intervention que la transversalité et la cohérence étaient nécessaires à l’action extérieure de l’État.

Or 0,2 % de nos élèves apprennent l’arabe, 0,5 % étudient le russe. Comment préparer une génération d’acteurs compétitifs dans ces conditions et pourquoi ne pas utiliser l’excellent Centre de formation interarmées, le CIFAR, situé à Strasbourg, comme centre de formation linguistique interministériel ? C’est une proposition que d’autres avant moi ont faite.

La réalité, c’est que, sans une vraie politique d’attractivité économique de notre territoire, certaines de nos Alliances françaises continueront d’utiliser le slogan « it’s so chic to speak french » pour leur campagne d’adhésion, mais uniquement pour faire du shopping dans les grandes avenues de Paris et chez les couturiers, et sûrement pas pour investir en France !

Parmi les outils de notre rayonnement, je n’oublie pas l’audiovisuel extérieur, mais j’y reviendrai lorsque nous discuterons de l’article 37 ter.

Comment faire comprendre et partager à l’étranger notre action politique et l’attractivité de notre territoire sans diffusions en langues étrangères ? Vous ne pouvez pas ignorer que RFI supprime aujourd’hui des postes de journalistes en farsi, en arabe et en bien d’autres langues. C’est un non-sens, c’est une fausse économie de plus qui nous coûtera cher !

Madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, pour que l’équipe « France » soit au complet, il faut aussi qu’elle puisse compter sur les Parlementaires.

Cette diplomatie parlementaire, dont le président Poncelet, est un acteur infatigable, s’exerce aussi dans le cadre des groupes d’amitié, qui constituent un relai et un atout important, mais elle est, hélas, négligée ! Ce n’est certes pas Philippe Marini qui me démentira.

Nous travaillons tous au rayonnement de la France, avec nos moyens et avec notre caractère. Nous souhaitons tous que l’équipe « France » gagne. Nous attendions avec beaucoup d’impatience ce débat qui débute aujourd’hui, même si l’urgence a été déclarée. J’aurais pour ma part souhaité que l’hémicycle soit un peu plus rempli alors que nous abordons un sujet important.

Monsieur Marini, lors du vote du projet de loi constitutionnelle de modernisation des institutions de la Ve République, vous vous êtes emporté à juste titre, faisant montre d’une ire légitime et cinglante contre ceux qui souhaitaient conserver quelques privilèges fiscaux et autres niches ! Notre action extérieure, fer de lance de l’attractivité des territoires, est engluée dans des mentalités, des habitudes et autres archaïsmes qui sont autant de « niches ».

Je pense que nous sommes nombreux sur ces travées à souhaiter que sur ce sujet, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, nous puissions unir nos efforts et réussir à rendre à la France la place qu’elle n’aurait jamais dû perdre ! (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de lUC-UDF, de lUMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.

M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, le projet de loi que nous examinons aujourd’hui a été – reconnaissons-le – considérablement modifié à l’Assemblée nationale.

Peut-être l’a-t-il été même un peu trop puisque le projet de loi initial comptait 44 articles et que le texte transmis au Sénat en comprend 122 !

Les députés avaient dénoncé le caractère hétéroclite des mesures qui sont proposées. Il y a eu inflation, mais c’est aussi cela la démocratie !

Reconnaissons que ce texte s’apparente désormais quelque peu à un inventaire à la Prévert pouvant prêter à sourire : des voitures de petite remise au câblage à très haut débit du territoire, même s’il s’agit de mesures très importantes, en passant par l’urbanisme commercial, le statut de l’auto-entrepreneur, sans oublier le livret A et la modernisation de la place de Paris, il est bien malaisé de s’y retrouver !

Je sais, madame le ministre, qu’il est facile de critiquer et plus difficile d’agir pour se rapprocher de l’idéal.

Vous nous proposez donc aujourd’hui de moderniser l’économie. C’est un objectif ambitieux. À vrai dire, nous l’avons déjà fait plusieurs fois au cours des dernières années, notamment si l’on en croit les intitulés des lois qui nous ont été soumises.

Nous assistons à une accélération et à une inflation législative sur le problème des relations commerciales et nous ne laissons pas aux mesures que nous avons adoptées le temps de faire leur effet. C’est un point important.

Je pense notamment à la loi Chatel, que nous avons discutée en décembre dernier et dont l’application a réellement débuté en mai. Cette situation crée un climat d’insécurité juridique dont les plus petits des acteurs économiques, ceux que justement nous essayons de protéger, sont les premiers à pâtir.

Le pouvoir d’achat est la première et légitime priorité des Français, mais nous ne sommes pas maîtres de tous les paramètres. Ce texte apporte un certain nombre de réponses, promeut des initiatives dont seule la mise en œuvre permettra de vérifier le bien-fondé. Je pense notamment à la négociabilité des conditions générales de vente, ainsi qu’à la libéralisation, poussée un peu loin à notre goût, de l’urbanisme commercial.

Nous regrettons que le Gouvernement ne nous ait pas laissé suffisamment le temps de mener nos travaux de législateur avant de commencer sa campagne de communication sur le thème du pouvoir d’achat, alors que cette thématique sous-tend le titre II de ce projet de loi.

Il est en de même des annonces sur le kit de l’auto-entrepreneur, ce nouveau statut qu’il est proposé de créer à travers ce projet de loi, mais qui n’est pas encore adopté. Il est indispensable, alors que la réforme des institutions nous promet un Parlement aux pouvoirs renforcés, de respecter la navette parlementaire et le bicamérisme.

Le Sénat a son mot à dire et le texte que nous examinons est encore grandement perfectible. Nous regrettons donc la déclaration d’urgence et l’examen précipité de ce projet de loi, qui plus est en session extraordinaire. Madame le ministre, ce texte aurait pour le moins mérité deux lectures, vu la variété des thématiques abordées.

Nous regrettons également le large recours aux ordonnances, d’autant plus qu’il s’agit de réformes d’ampleur. Certes, les domaines traités sont techniques, mais ce n’est pas ce critère qui doit être pris en compte. Ou nous sommes dans le domaine de la loi, ou nous n’y sommes pas. Le texte que nous examinons aujourd’hui est lui-même très technique, mais, nous, sénateurs, comme les députés, sommes prêts à en aborder les difficultés.

Au demeurant, ce texte apporte de réelles avancées, il faut le reconnaître.

Le titre Ier, consacré à la mobilisation des entrepreneurs, est crucial. L’auto-entrepreneur bénéficiera désormais d’un régime simplifié et libératoire de prélèvement.

La protection du patrimoine est renforcée. Les députés ont notamment adopté des amendements permettant l’insaisissabilité de l’immeuble à usage mixte pour les artisans et les professions libérales et prorogeant cette insaisissabilité jusqu’au décès du conjoint survivant. Nous proposons de compléter ce dispositif en l’étendant aux logements sociaux en accession à la propriété.

En matière de délais de paiement également, ce projet de loi représente des avancées importantes. Je me félicite du plafonnement prévu par le projet de loi, qui ramène la France dans la moyenne européenne.

L’article 6 du projet de loi préserve également, à titre transitoire, un minimum de souplesse, afin de laisser aux secteurs à rotation de stock lente le temps de s’adapter. Il est indispensable, madame le ministre, que l’État adopte également un comportement exemplaire en la matière, ce qui n’est pas acquis pour l’instant.

L’article 6 bis, adopté par les députés, complète utilement le dispositif. Les commissaires aux comptes auront désormais l’obligation de transmettre une information sur les pratiques des entreprises en matière de délais de paiement. Cette publicité autour des délais de paiement, notamment des grands groupes de distribution vis-à-vis de leurs petits fournisseurs, ne peut qu’avoir des effets incitatifs positifs et faire évoluer les comportements plus rapidement qu’un régime purement répressif.

J’attire cependant votre attention sur l’article 14, qui tend à supprimer le recours obligatoire aux commissaires aux comptes pour les petites sociétés par actions simplifiées, de même que l’obligation de disposer d’un capital minimum et celle de publier chaque année les droits de vote.

Les sociétés par actions simplifiées étaient jusqu’à présent dans l’obligation de faire systématiquement certifier leurs comptes. Ce n’est plus vrai avec ce projet de loi. Structure juridique créée pour les entreprises à haut potentiel de développement, les sociétés par actions simplifiées bénéficient déjà d’une plus grande liberté de fonctionnement. Or, en les faisant sortir du champ d’application de la certification des comptes, vous les ferez échapper à la procédure d’alerte, qui favorise la prévention des difficultés des entreprises ainsi qu’à la procédure de révélation des faits délictueux.

C’est la raison pour laquelle nous proposons deux amendements visant à adapter le projet de loi en permettant aux entreprises artisanales de moins de dix salariés d’être exclues du champ de la certification, tout en maintenant l’obligation pour toutes les entreprises plus importantes et surtout toutes les filiales.

Ce projet de loi porte également les prémices d’un Small Business Act à la française, pour employer un terme américain qui qualifie les dispositions d’une loi votée en 1953. Les États-Unis étaient, à cette époque, des précurseurs en matière de défense des petites et moyennes entreprises. Les centristes avaient défendu une position volontariste sur cette problématique. Nous avons donc déposé un amendement reprenant nos propositions.

Nous savons qu’il ne répond pas aux contraintes européennes et internationales. Il s’agit d’un amendement d’appel visant à conforter le Gouvernement dans sa volonté de faire du Small Business Act européen un des points forts de la présidence française de l’Union européenne et, plus encore, lors des négociations internationales qu’il faudra mener sur cette question, à lui indiquer où nous souhaitons placer le curseur.

En ce qui concerne le déploiement du très haut débit en fibre optique, le texte est positif mais reste, malgré tout, un peu timide. Il s’agit de l’un des chantiers des années à venir, pour nos concitoyens et pour les entreprises. Le très haut débit s’appuie en effet sur des réseaux entièrement nouveaux.

La fibre optique constitue ainsi un enjeu économique et financier considérable, comparable au déploiement du téléphone dans les années soixante-dix. Nous devons être extrêmement vigilants pour que le déploiement du très haut débit ne soit pas limité aux seules zones urbaines et donc rentables. Il y aurait là un risque majeur de nouvelle fracture numérique et donc de concurrence accrue entre territoires. Les territoires ruraux, dont je suis un élu, ne demandent pas de privilèges particuliers mais ils souhaitent simplement une parité, y compris une parité technique.

Chacun doit avoir un droit d’accès au numérique, avec des réseaux bien dimensionnés et équitablement répartis. N’oublions pas que 3 % des foyers, répartis sur 20 % du territoire, demeurent non éligibles au haut débit.

En tant que représentants des collectivités locales, nous nous devons d’être extrêmement vigilants sur le déploiement du très haut débit. Les sommes qu’il faudra y consacrer sont colossales, et je ne vois pas comment, à l’heure actuelle, des opérateurs privés pourraient s’intéresser aux zones rurales qui ne sont pas rentables.

C’est pourquoi les amendements de mon collègue et ami Claude Biwer instituant un fonds dédié à l’équipement très haut débit sur le territoire constituent un apport très positif. On voit, là aussi, les hommes de bon sens.

Je me félicite également de l’amendement adopté par les députés permettant l’itinérance locale sur les zones grises, ce qui permettra de réduire les inégalités en matière de téléphonie mobile.

Enfin, je terminerai mon intervention en évoquant la réforme de l’urbanisme commercial proposée par ce texte.

Il est vital pour les zones rurales de préserver les petits commerces. Alors que la population vieillit et est de moins en moins mobile, que le coût du carburant incite à calculer chaque kilomètre parcouru, il est indispensable de garder des commerces de proximité.

Les amendements adoptés par les députés qui permettent au maire de saisir l’autorité de la concurrence ou de préempter des terrains pour empêcher le développement de nouvelles moyennes et grandes surfaces vont dans le bon sens.

Il en est de même de la disposition permettant aux maires des communes de moins de 15 000 habitants de saisir la commission départementale d’aménagement commercial pour les nouveaux projets d’implantation de magasins de 300 à 1 000 mètres carrés.

Le groupe UC-UDF propose d’autres amendements visant à sécuriser le dispositif mis en place à travers ce projet de loi. Notre législation en matière d’urbanisme commercial repose sur des équilibres qui sont remis en cause par ce projet de loi. Si le renforcement de la concurrence entre enseignes de la grande distribution est une mesure de bon sens, il ne faut pas qu’elle se fasse au détriment du petit commerce et des petits fournisseurs des centrales d’achat. (Applaudissements sur les travées de lUC-UDF et de lUMP.)

M. le président. La parole est à M. Bruno Retailleau.

M. Bruno Retailleau. Monsieur le président, madame la ministre, messieurs les secrétaires d’État, mes chers collègues, depuis plusieurs mois, le débat qui, en France, domine toutes les discussions économiques et sociales, est celui du pouvoir d’achat.

Malheureusement, ce débat a souvent été profondément faussé. Il l’a été non pas sur la réalité de ce qu’éprouvent de très nombreuses familles françaises face à ce qu’on appelle « la vie chère », mais sur l’analyse, sur les liens de causalité et donc sur les remèdes à apporter aux problèmes.

Bien sûr, la cause immédiate des difficultés, c’est l’augmentation du prix de l’énergie, des matières premières, des produits alimentaires. Mais la cause la plus profonde, la plus lointaine aussi, c’est - ainsi que vous l’avez sous-entendu tout à l’heure dans votre exposé, madame la ministre - le décrochage de la France depuis vingt ans.

M. Gérard Larcher, président de la commission spéciale. Bien sûr !

M. Bruno Retailleau. Vous avez souligné que nous sommes désormais pratiquement en queue de peloton. Lorsqu’on rapporte la richesse nationale de la zone euro par habitant, on constate que la France est 20 % en dessous du chiffre irlandais. Il est clair que le blocage que ressentent les Français sur le pouvoir d’achat vient de la croissance molle.

Un autre chiffre est encore plus évocateur que celui que vous avez cité : le niveau de vie. Au rythme actuel de cette croissance molle enregistré depuis 2000, il faudra pratiquement trois générations pour doubler en France le niveau de vie. Dans les années soixante-dix, c’était trois fois moins ; en Irlande, il faudra treize ou quatorze années.

M. Philippe Marini, rapporteur. Visiblement, cela ne leur suffit pas !

M. Bruno Retailleau. Effectivement !

La croissance molle est liée non pas à une insuffisance de la demande, mais au problème de l’offre, qui est un sujet spécifiquement français. Nos entreprises supportent trop de charges, subissent trop de réglementations, qui changent trop fréquemment ; elles sont confrontées à une véritable pénurie de main-d’œuvre due, notamment, aux trente-cinq heures. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Madame la ministre, votre tâche est lourde et difficile. Au moment où il faut à tout prix réformer la France sans se décourager – la critique est facile ! -, nous devons affronter trois chocs extérieurs difficiles à surmonter : le choc financier – le risque est de plus en plus général et son coût de plus en plus important ; le choc monétaire, avec un euro trop cher ; le choc économique, avec l’augmentation du prix de l’énergie et celui des matières premières.

Comme l’a souligné M. Marini tout à l’heure, la seule voie qui permette au pays de se redresser et au niveau de vie d’augmenter rapidement et durablement est celle de la productivité.

Sur ce point, votre texte contient de nombreuses dispositions qui sont de nature à conforter la productivité pour libérer les énergies des entreprises. Outre, bien sûr, la mesure concernant les délais de paiement, qui est importante, je citerai deux dispositions qui me semblent fondamentales.

La première concerne l’atténuation des effets de seuil. C’est une mesure qui est très positive, à tel point d’ailleurs que je me demande pourquoi, sur la lancée, on n’a pas été jusqu’au seuil de cinquante salariés.