Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Nous verrons cela la semaine prochaine !

M. Éric Woerth, ministre. Bien évidemment, elle n’aura aucun impact sur la protection des épargnants, dont les livrets, bien naturellement, restent garantis à 100 %.

Nous contrôlerons strictement l’utilisation de ces crédits ; Hervé Novelli s’y emploiera tout particulièrement. Nous avons demandé aux banques de s’engager à ce que l’intégrité de ces fonds, plus exactement leur intégralité,…

M. Guy Fischer. L’intégrité, c’est autre chose ! (Sourires.)

M. Éric Woerth, ministre. …soit consacrée au financement des PME. Des conventions précises seront, dans cet esprit, passées entre l’État et les banques. Nous surveillerons désormais sur un rythme mensuel leur activité de prêts aux PME.

M. Jacques Mahéas. Ce ne seront plus des banques de dépôt !

M. Éric Woerth, ministre. Il faut aider les Français à passer le cap. C’est nécessaire pour les PME, mais aussi pour le logement en général et le logement social en particulier.

Nous lançons un plan sans précédent d’acquisition de programmes immobiliers en vente en l’état futur d’achèvement, en mobilisant pour 30 000 logements les promoteurs et les organismes d’HLM, en premier lieu les grands opérateurs publics.

Nous allons augmenter le nombre de Pass-foncier en 2009 afin de porter le total des logements pouvant bénéficier de cette aide efficace à 30 000, au lieu des 20 000 qui sont actuellement prévus.

Quant au programme de mobilisation des terrains publics en vue de la construction de 70 000 logements, dont 40 % de logements sociaux, il sera accéléré.

Il est évident qu’il faut relancer le secteur du logement, qui connaît un certain ralentissement, et c’est ce à quoi nous nous employons.

Dans l’épreuve, certains sont tentés de renoncer, tandis que d’autres attendent tout de l’extérieur, ce qui revient au même. L’avenir est, en réalité, d’abord entre nos mains ; il dépend de notre courage, de notre imagination, de notre volonté de travailler plus, d’innover plus, mais aussi de dépenser moins.

Notre politique budgétaire est adaptée à la crise : ni laxiste ni récessive ! Comme pour l’ensemble de nos partenaires européens, elle consiste, dans un contexte économique difficile, à donner à notre budget un rôle de stabilisateur, en utilisant à plein les souplesses que nous permet le pacte de stabilité.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Dépenser moins…

M. Éric Woerth, ministre. Cela passe par deux choix stratégiques.

D’une part, nous ne cherchons pas à compenser les baisses de recettes dues au ralentissement par une hausse concomitante des prélèvements obligatoires. Mais, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, nous aurons ce débat au cours de l’examen du projet de loi de finances.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Très bien !

M. Éric Woerth, ministre. Le taux de prélèvements obligatoires n’augmentera pas et toute reprise de la croissance sera mise à profit pour le baisser d’ici à 2012.

M. Éric Woerth, ministre. D’autre part, nous tenons les dépenses. La crise ne nous donne aucune raison de relâcher la discipline que nous nous sommes imposée en matière de finances publiques.

M. Éric Woerth, ministre. Laisser filer nos dépenses, renoncer à réformer ne contribuerait pas au retour de la confiance des ménages, pas plus qu’au retour de la confiance des entrepreneurs ou de celle des investisseurs. J’ai même le sentiment que cela aurait l’effet contraire.

L’augmentation de la dépense de l’État sera donc égale à zéro en volume.

Nous respectons l’engagement que nous avons pris de ne pas remplacer la moitié des départs en retraite des fonctionnaires. Au cours de la période 2008-2009, nous aurons supprimé plus de 50 000 emplois dans la fonction publique. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Et vous vous en vantez !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Si vous avez des propositions, formulez-les !

M. Éric Woerth, ministre. Avec la révision générale des politiques publiques, nous supprimons toutes les structures redondantes, toutes les politiques improductives, et nous l’assumons ! (Nouvelles exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Guy Fischer. On en reparlera !

M. Éric Woerth, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs, nous sommes lucides sur la gravité de la situation. Mais soyons également lucides sur les signaux encourageants sur lesquels nous pouvons nous appuyer pour faire face : diminution de l’inflation,…

M. Éric Woerth, ministre. …baisse du cours de l’euro, faible endettement des Français – tel n’est pas le cas dans tous les pays –, baisse des taux.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Selon Mme Lagarde, tout va bien !

M. Éric Woerth, ministre. Ce débat est l’occasion non pas de croiser le fer, mais bien d’échanger nos vues et nos arguments. Dans cette crise, le Gouvernement et le Parlement doivent, plus que jamais, travailler de concert. Mesdames, messieurs les sénateurs, Christine Lagarde, Hervé Novelli et moi-même sommes à la disposition de la Haute Assemblée et de ses commissions pour vous informer le plus régulièrement possible.

La situation est au rassemblement de toutes les bonnes volontés ; elle n’est pas aux chicayas. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de lUMP.- Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.) Il nous faut agir ensemble, avec sang-froid, réactivité, responsabilité. C’est ce que les événements nous imposent et c’est ce que les Français attendent de nous. (Applaudissements sur les travées de lUMP et de lUnion centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le débat de ce soir revêt, chacun en est conscient, une solennité particulière au moment où notre pays affronte une crise sans précédent.

Les causes, que vous avez rappelées, monsieur le ministre, en sont malheureusement connues. Elles tiennent à la dérégulation apparue aux États-Unis, à un capitalisme exubérant et, sans doute, à l’effet de taux d’intérêt particulièrement bas depuis le 11 septembre 2001 qui ont déclenché une folle inflation des biens immobiliers comme des valeurs mobilières. Cette crise tient sans doute aussi à la cupidité d’un certain nombre d’opérateurs : c’était l’« overdose » de crédits.

On a cru un moment que cette crise, née aux États-Unis au cours de l’été 2007, resterait américaine.

Mme Nicole Borvo Cohen-Seat. Comme pour Tchernobyl !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Or, force est de le constater, le « tsunami » financier affecte aujourd’hui directement l’économie européenne.

On a cru aussi que les pays résisteraient. Les Européens, dont nous sommes, ont peut-être pensé que chacun pourrait, sur son territoire, régler ses propres problèmes. Or nous mesurons aujourd'hui à quel point nous avons besoin d’Europe pour maîtriser ces phénomènes et mettre en place les régulations appropriées.

Bien que les gouvernements se soient mobilisés, nous constatons que les marchés restent nerveux et les fluctuations des cours considérables : après un « lundi noir », ce mercredi a également une bien sombre allure !

Mes chers collègues, je crois pouvoir dire que le Gouvernement a été tout à fait à la hauteur de ses obligations. En cas d’incendie, on fait appel aux pompiers ; dans le cas qui nous préoccupe, il est bien sûr question du retour du politique et de l’État.

Le monde financier et les banques sont emblématiques du libéralisme et du capitalisme. Mais, lorsqu’un risque systémique apparaît, seul l’État peut se substituer aux opérateurs pour y faire face et pour rétablir la confiance, car c’est bien d’une perte de confiance entre les banquiers eux-mêmes qu’il s’agit.

En l’espèce, le Gouvernement a tout d’abord agi pour éviter toute faillite bancaire et a veillé à délivrer un message rassurant aux particuliers afin de les dissuader de retirer leur épargne des établissements dans lesquels elle était placée.

Monsieur le ministre, vous nous avez précisé qu’un établissement public venait d’être créé. Dans la mesure où il s’agit d’engagements de l’État, le Parlement, dans le cadre de la discussion du projet de loi de finances, aura à se prononcer.

Bien sûr, des actifs viendront en contrepartie des dettes que cet établissement souscrira pour le compte de l’État. À un moment où le marché n’existe plus, il faudra convenir d’une valeur réaliste, et demain - peut-être dans un an, peut-être dans trois ans -, l’État, par le biais de cet établissement public, pourra rendre ces actifs au marché.

Sans doute faudra-t-il veiller à édicter des règles claires. Nous sommes pour le capitalisme, mais nous voyons bien vers quels excès il peut tendre et combien il peut mettre en danger l’équilibre du monde en l’absence de toute régulation.

Les décisions prises lors du conseil Écofin sont à mon avis les bonnes. Les Européens ont renoncé à agir chacun de leur côté, pour opposer un front commun. Le Gouvernement délivre des anticoagulants (Sourires.) en vue de permettre aux petites et moyennes entreprises, par le biais d’OSEO, de disposer des crédits dont elles ont besoin pour investir et pour maintenir un niveau d’activité satisfaisant. Les taux de centralisation du livret de développement durable et du livret d’épargne populaire seront sensiblement abaissés afin que les collecteurs puissent mettre ces fonds à la disposition des PME. La Caisse des dépôts et consignations sera également à l’œuvre. J’espère que ces actions coordonnées permettront d’éviter le pire pour l’économie réelle.

Mais les pouvoirs publics, au sens large, ce sont aussi les banques centrales. Ces dernières agissent avec une concertation sans précédent. La mise à la disposition des établissements financiers de 450 milliards de dollars d’ici à la fin de l’année par les principales banques centrales, dont la Banque centrale européenne, annoncée hier, constitue une heureuse initiative. Aujourd’hui, les banques centrales ont indiqué de manière conjointe que les taux de prise en pension seraient abaissés de cinquante points de base, c’est-à-dire de 0,5 %.

Nous espérons que ces mesures permettront, dans une semaine ou dans quelques mois, un retour de la sérénité. Faisons confiance au Gouvernement et aux autorités européennes pour œuvrer en ce sens.

À plus long terme, il faudra modifier les règles du jeu. Il serait trop simple de faire appel à l’État lorsque les pertes s’accumulent et d’en revenir ensuite à un système dans lequel les « super-bénéfices » vont exclusivement à quelques opérateurs.

Il conviendra certes d’éviter tout amalgame, mais les banquiers auront sans doute beaucoup à se faire pardonner.

Comme l’a indiqué hier Mme Christine Lagarde, à Luxembourg, les nécessaires réformes du système financier devront se faire sous le double sceau de la responsabilité et de la transparence.

Il faudra notamment revoir le statut des agences de notation qui, hier encore, délivraient des messages encourageants sur des produits tellement complexes que les investisseurs ignoraient souvent ce qu’ils achetaient. On achète un lapin dans un sac parce que la notation est bonne… Et celui qui délivre la notation est payé par ceux qui cherchent son appréciation !

M. Jacques Mahéas. Le coup du lapin, c’est terrible ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous devrons donc réguler le statut des agences de notation. Les subprimes, c’est-à-dire des prêts hypothécaires à risque consentis à des gens qui n’avaient pas d’argent, bénéficiaient d’appréciations flatteuses.

Ce système aurait pu être cantonné aux États-Unis, mais des établissements français ont considéré que de tels placements pouvaient être fructueux.

Quant aux dirigeants, ils ont bénéficié de super-primes : À la fin de l’année 2006, les cinq principales banques de Wall Street ont distribué 35 milliards de dollars de bonus à leurs collaborateurs, et la banque que dirigeait M. Paulson a déboursé une moyenne de 640 000 dollars par collaborateur.

Tout cela devra bien sûr être revu. Au-delà des lois, les dirigeants devront se doter d’une solide éthique et établir des règles de bonne gouvernance, d’une autre ampleur, sans doute, que les plans successifs proposés par le MEDEF au cours des dernières années. Il faut que ces règles imprègnent la conduite des entreprises.

Monsieur le ministre, vous devrez sans doute revoir le statut fiscal de certains opérateurs. Pourquoi a-t-on encouragé à ce point les super-bénéfices en allégeant les impôts ? L’un de vos prédécesseurs, par une circulaire du 28 mars 2002, donc en dehors de tout débat parlementaire, a dispensé de l’impôt progressif les acteurs de certaines opérations de type private equity ou leverage buy-out, les soumettant – il s’agit non pas d’un bouclier, mais d’une sorte de parapluie fiscal – à un taux forfaitaire de 16 % alors qu’ils perçoivent 20 % des plus-values réalisées, ce qui peut représenter des sommes significatives.

M. Guy Fischer. C’est scandaleux !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Il conviendra, monsieur le ministre, de revoir cette disposition. Enfin, il faudra examiner de près certaines normes comptables qui engendrent une grande instabilité. Il peut paraître judicieux d’actualiser les actifs financiers à leur valeur de marché, mais, dès lors qu’il n’y a plus de marché, il n’y a plus de valeur.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. On précipite alors la constatation des pertes. Cette tendance « court-termisme » est très préjudiciable au fonctionnement de notre système financier et ne traduit pas la réalité desdits actifs.

Monsieur le ministre, les lois qui seront votées et qui, je l’espère, s’inspireront de nos analyses seraient vaines si elles ne s’appliquaient que sur le territoire français. Les entreprises évoluent dans l’espace européen. Si notre pays est le seul à édicter des lois très rigoureuses, les faits nous échapperont.

Il y a, je crois, un besoin d’Europe sans précédent, comme le révèle d’ailleurs cette crise majeure. Dans une économie ouverte, quelle serait l’efficacité d’une législation, aussi remarquable soit-elle – et je ne doute pas que nous avancerons les meilleures propositions –, si ses principes ne s’appliquent pas aussi dans les pays voisins ? Nous n’obtiendrions pas les résultats escomptés. Ce serait une vertu illusoire, une gesticulation.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, sans doute faut-il aller plus loin et « communautariser » les règles et la police des marchés. Si la crise a éclaté aux États-Unis, c’est parce que les règles avaient été levées et que la police des marchés a été totalement défaillante. J’espère donc qu’il n’en ira pas de même en Europe. C’est l’heure de vérité pour cette dernière.

Enfin, il nous faudra résister à deux tentations. La première serait d’imaginer un plan de relance qui mettrait en péril nos finances publiques ; la seconde serait de suspendre les réformes. Il faut en effet aller jusqu’au bout de la démarche que nous avons entreprise – vous l’avez d’ailleurs indiqué, monsieur le ministre –, aller dans le sens des réformes qui nous permettront de retrouver une compétitivité économique sans laquelle nos ambitions de croissance et d’emploi seront vaines.

Monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, tel est l’un des éclairages que nous pouvons apporter sur cette crise. (Applaudissements sur les travées de lUC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général de la commission des finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la nation. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, j’évoquerai d’abord des éléments de nature technique quant aux réponses à la crise financière, puis, élargissant la perspective, je développerai quelques réflexions sur la nature et sur les conséquences de cette crise.

À la vérité, nous assistons à un enchaînement qui, en simplifiant, comporte quatre termes : premièrement, la crise des marchés, illustrée par M. Jean Arthuis dans son intervention ; deuxièmement, la crise de confiance et de liquidité, qui se caractérise par un quasi-blocage, au-delà d’un fonctionnement au jour le jour, du marché interbancaire ; troisièmement, la crise bancaire, qui peut être soit globale et concerner tout le système bancaire d’un État, comme c’est le cas de la petite Islande, soit ponctuelle et toucher tel établissement ou tel groupe ; quatrièmement, la menace d’une crise économique qui pourrait résulter de la transmission, par le système bancaire, de la crise financière à la sphère réelle de l’économie.

Au vu des événements de ces dernières semaines, quelles mesures ont-elles été prises par les États ? Qu’a fait le Gouvernement, sous l’impulsion énergique, volontaire, du Président de la République, Nicolas Sarkozy ?

Tout d’abord, à court terme, il a fallu parer au plus pressé tant pour le secteur financier que pour le financement des entreprises. Ensuite, à plus long terme, il a fallu esquisser des orientations, proposer des mesures structurelles pour l’avenir.

En ce qui concerne le secteur financier, si l’on observe ce qui s’est passé dans les différents États, on peut constater que tous les instruments existent : cantonnements et reprises d’actifs, prise de contrôle temporaire par l’État, filet de sécurité pour les déposants, consolidation sectorielle.

M. Jacques Mahéas. Mais cela ne marche pas !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Partout, néanmoins, un double dilemme apparaît.

Premier dilemme, soit ne pas intervenir, afin de ménager les finances publiques et de ne pas créer la peur du vide, soit procéder à un sauvetage massif qui accentue le doute sur l’ampleur réelle des pertes.

Second dilemme, soit punir les banques par la faillite –  pensons à Lehman Brothers – et s’exposer à une crise systémique qui se répand de proche en proche, soit intervenir très largement au risque de déresponsabiliser les établissements les plus imprudents. On le voit, le chemin est étroit.

Les banques centrales, la Banque centrale européenne notamment, ont fait tout leur possible pour débloquer le marché monétaire même si, je le rappelle, les échanges entre banques restent encore artificiels, au jour le jour.

Les pouvoirs publics pour leur part, et ils doivent en être remerciés, ont mis en place un dispositif visant à neutraliser à ce stade les effets destructeurs sur les entreprises. Ils ont en particulier eu recours à l’intermédiation de la Caisse des dépôts et consignations, dont c’est d’ailleurs la vocation.

À plus long terme, les mesures structurelles sont naturellement essentielles. Elles portent notamment sur les normes comptables et sur la solvabilité des banques, mais d’autres chantiers devront être ouverts.

Monsieur le ministre, quels moyens, quelles décisions envisagez-vous afin que, le 31 décembre prochain, les règles d’évaluation des actifs à valeur de marché soient modifiées ? Comme nous l’avons constaté au cours des derniers mois, de trimestre en trimestre, lorsque des comptes doivent être publiés, des établissements craquent, et les pouvoirs publics, donc le contribuable, se trouvent alors de plus en plus en situation de risque. Il faut remédier à cette situation.

L’enregistrement et la régulation des agences de notation sont devenus une nécessité. Dès 2003, à l’occasion de la discussion du projet de loi de sécurité financière, je proposais des mesures allant dans ce sens. Le ministre de l’économie de l’époque, M. Francis Mer, me répondit en substance : « Circulez, il n’y a rien à voir ! » Je regrette toutes ces années d’aveuglement collectif.

M. Serge Lagauche. Alors là, c’est un peu fort !

M. Philippe Marini, rapporteur général. J’en viens à quelques considérations sur la crise, sur ses enchaînements, avant d’évoquer la sortie de crise.

La crise est un révélateur : un révélateur de puissance, de bonne ou de mauvaise gestion, un révélateur des rapports réciproques entre les États. Mais surtout, la crise remet en cause les certitudes de la période précédente.

De ce point de vue, dès lors que la crise est à l’œuvre, on peut d’une certaine manière affirmer, comme le faisait à sa façon le Président de la République, à Toulon, récemment, qu’une étape a été franchie, laquelle nous conduit en quelque sorte dans un nouveau monde, un monde où les certitudes intellectuelles du passé vacillent.

Certitudes de la Banque centrale européenne, qui refusait de baisser les taux et qui, aujourd’hui, le fait : peut-être la menace de l’inflation est-elle moins immédiate aujourd’hui qu’elle ne l’était hier ? (Mme Nicole Bricq s’exclame.)

Certitudes de gouvernance budgétaire, également : je comprends tout à fait le conseiller spécial Henri Guaino, qui déclarait la semaine dernière que la maîtrise des déficits n’était peut-être plus la plus grande priorité (Exclamations sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste.)

M. Jacques Mahéas. C’est le contraire de ce que disait Mme Lagarde !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Aussitôt, un chœur de vierges effarouchées s’est fait entendre… (Rires sur les travées de l’UMP.)

Pourtant, mes chers collègues, cela signifie simplement que la crise est une parenthèse, souvent dramatique, pendant laquelle les certitudes du passé n’ont plus cours. Au demeurant, on constate que la Commission européenne, qui met d’habitude des semaines et des mois pour agréer une aide d’État d’un petit montant, statue aujourd’hui en quelques heures : nous sommes dans l’urgence, et, par ailleurs, les traités le prévoient.

Mme Nicole Bricq. Il faudrait une crise permanente, alors ! Ça s’appelle un sophisme !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Naturellement, la crise, avec ce bouleversement des vérités acquises, marque une très grande discontinuité. C’est une révolution structurelle qui, dans un délai que, hélas ! nous ne connaissons pas, redistribuera la puissance, la richesse et les revenus.

Mme Nicole Bricq. Et la gloire !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous pouvons affirmer que, d’une certaine façon, c’en est fini de la course au libre-échange et à la globalisation telle que nous l’avons connue.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Très bien !

M. Philippe Marini, rapporteur général. La volonté politique a retrouvé sa place, et les fonctions des États régulateurs sont revenues au premier plan.

Tout cela, mes chers collègues – pardonnez-moi de le souligner –, est probablement aux antipodes du « politiquement correct » tel qu’on l’aurait énoncé à cette tribune voilà seulement quelques jours ou quelques semaines. (Vous l’avez fait ! sur les travées du groupe socialiste.)

Si vous avez des propositions à formuler, mes chers collègues, n’hésitez pas à m’interrompre et à les exprimer !

M. le président. Nous devons respecter les temps de parole, monsieur le rapporteur général ; aussi, je vous prie de poursuivre.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, il faut en finir avec la langue de bois. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. Jean-Pierre Sueur. Absolument ! Il est temps !

M. Guy Fischer. Venant de vous, monsieur le rapporteur général, c’est savoureux !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Dois-je conclure que vous approuvez une part de mes propos ? Ai-je mal compris ? (Sourires sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Nous devons éviter à la fois les propos de convenance ou de faux optimisme et les propos anxiogènes.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Oui !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Nous devons, ensemble, tenir un langage de responsabilité. De toute évidence, M. le ministre a raison quand il nous appelle à l’unité,…

M. Jean-Louis Carrère. C’est l’unité de l’UMP !

M. Philippe Marini, rapporteur général. … quand il nous appelle à la volonté partagée pour affronter cette crise et pour en sortir.

N’oublions pas que la crise, si elle se poursuit, risque de mettre à mal notre cohésion sociale. Monsieur le ministre du budget, dans quelques semaines, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2009,…

Mme Nicole Bricq. Justement, je voulais vous en parler…

M. Philippe Marini, rapporteur général. … il ne faudra pas nous en vouloir quand nous évoquerons les collectivités locales et leurs élus – nous sommes nombreux, ici, à en faire partie –, dont l’une des missions essentielles est de réduire les risques d’atteinte à cette cohésion sociale et qui joueront sur le terrain un rôle tout à fait crucial dans la période que nous allons vivre.

M. Jacques Blanc. Il a raison !

M. Philippe Marini, rapporteur général. Mes chers collègues, faisons preuve à la fois d’unité, d’union, de cohésion nationale, et préparons-nous à examiner dans le détail les mesures dont les orientations nous ont été présentées. Ne minimisons pas ce qui se passe, mais sachons expliquer, sachons faire œuvre de pédagogie. En effet, à nos concitoyens qui, dans ce contexte particulièrement difficile, subissent les risques, nous devons la vérité : nous devons leur expliquer les mécanismes et leur proposer, selon les voies démocratiques, les solutions adéquates. (Applaudissements sur les travées de l’UMP et de l’UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. J’indique au Sénat que la conférence des présidents a décidé d’attribuer un temps de parole de dix minutes à chaque groupe politique et de cinq minutes à la réunion des sénateurs ne figurant sur la liste d’aucun groupe.

Le Gouvernement répondra aux orateurs.

Puis nous aurons une série de questions avec la réponse immédiate du Gouvernement, aucune intervention ne pouvant dépasser deux minutes trente.

La conférence des présidents a décidé d’attribuer deux questions aux groupes UMP et socialiste, et une question aux groupes UC, CRC et RDSE.

Dans la suite du débat, la parole est à M. Roland du Luart.

M. Roland du Luart. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, l’ampleur de la crise financière appelle de notre part unité nationale et cohésion politique.

Cette crise est une crise de liquidité avant d’être une crise de solvabilité : c’est donc avant tout une crise de confiance entre les banques elles-mêmes, comme le montrent les niveaux très élevés qu’atteignent les taux interbancaires malgré les injections répétées de liquidités par les banques centrales.

Cette crise de confiance est telle que l’adoption du plan Paulson, aux États-Unis, et les dernières interventions des États européens pour sauver des banques en difficulté n’ont pas rassuré les marchés financiers, bien au contraire. Aujourd’hui, la Bourse de Paris a reculé de 6,31 % malgré la décision des principales banques centrales d’abaisser simultanément leurs taux de cinquante points de base.