M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. C’était le piège !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Un tel mécanisme serait, en outre, contraire à l’objectif de responsabilisation des élus locaux dans la gestion des politiques décentralisées et pénaliserait les départements qui, investis dans des politiques d’insertion actives, auraient déjà réduit leurs dépenses d’allocation du RMI : en raison des efforts consentis les années précédentes, ils bénéficieraient d’une compensation moindre pour le RSA.

La répartition des parts « compensation » et « péréquation » du FMDI procède justement des dépenses réelles exposées par les départements chaque année, au titre du RMI, et répond à l’objectif qui est visé dans cet amendement.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien répondu !

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Je tiens à remercier Mme David et M. Fischer d’être intervenus sur ce sujet important de la compensation.

Les départements s’intéressent à ce sujet depuis longtemps, d’autant qu’ils ont eu la surprise de constater que les transferts de compétences au titre de l’APA, du RMI, des problèmes liées au handicap ou encore des sapeurs-pompiers, par exemple, n’ont pas été compensés ou l’ont mal été. Ils sont donc très méfiants.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le RSA sera compensé !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Lorsque M. le haut-commissaire a présenté le RSA, l’Assemblée des départements de France l’a reçu à de très nombreuses reprises pour négocier pied à pied les compensations.

J’ai indiqué, dans un rapport d’information, que les départements n’avaient pas bénéficié de la compensation promise à l’euro près, au titre du transfert de compétences. Il est bien évident que nous serons particulièrement attentifs sur ce point.

À cet égard, je présenterai un certain nombre d’amendements visant à encadrer cette question et à faire en sorte que cette extension de compétences ne mette pas en difficulté les finances départementales. Toutefois, je pense très sincèrement que, depuis le début du débat, le Gouvernement nous a apporté toutes les garanties nécessaires, et il devrait encore le faire lors de l’examen de cet article pour nous donner toute satisfaction.

M. le haut-commissaire, qui est un fervent défenseur de notre cause, vient de nous faire une surprise en indiquant que le FMDI serait reconduit à hauteur de 500 millions d’euros pour les trois ans à venir. Ai-je bien entendu ? Avez-vous uniquement prévu cette reconduction dans le projet de loi de loi de finances pour 2009, monsieur le haut-commissaire, ou bien avez-vous déjà une vision triennale ? Je ne veux pas vous mettre en difficulté, mais je souhaiterais que vous m’apportiez une précision sur ce point.

Mme la présidente. La parole est à M. le haut-commissaire.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. La reconduction du FMDI est inscrite, à hauteur de 500 millions d’euros, dans le projet de loi de finances pour 2009.

M. Guy Fischer. C’est l’article 14 du projet de loi de finances !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Le Gouvernement a bien compris les motifs qui ont conduit à demander la reconduction de ce fonds et a décidé de prolonger l’année prochaine son effort financier de 500 millions d’euros. Si tout va bien, les mêmes avocats se retrouveront côte à côte pour continuer !

M. Éric Doligé, rapporteur pour avis. Il ne faut surtout pas changer de Gouvernement ! (Sourires.)

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Restez avec nous, monsieur le haut-commissaire ! (Nouveaux sourires.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 198.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements identiques.

L'amendement n° 119 est présenté par M. Krattinger, Mmes Bricq, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau et Le Menn, Mmes Printz et Chevé, MM. Lise, Gillot et Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés.

L'amendement n° 199 est présenté par Mme David, MM. Fischer et Autain, Mme Hoarau et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen.

L'amendement n° 264 est présenté par M. Sido.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

I. - Dans le premier alinéa du II de cet article, remplacer les mots :

l'extension

par les mots :

le transfert

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant pour l'État du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'État résultant des transferts de compétences opérés par la présente loi  est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq, pour présenter l’amendement n° 119.

Mme Nicole Bricq. Cet amendement aborde un point essentiel, puisqu’il s’agit de la qualification de la nature des compétences confiées aux départements – c’est le débat qui a déjà été engagé tout à l'heure par M. le rapporteur pour avis -, et, bien évidemment, des conséquences financières qui s’ensuivront.

Le Gouvernement a choisi de qualifier cette disposition d’« extension de compétence », là où nous pensons qu’il est peut-être plus opportun de parler de « transfert de compétence ». Cette question n’est pas anodine, car elle fait référence à des garanties constitutionnelles qui diffèrent selon l’une ou l’autre des expressions.

L’article 72-2 de la Constitution prévoit que tout transfert de compétences s’accompagne de « l’attribution de ressources équivalentes à celles qui étaient consacrées à leur exercice ». Ainsi, le montant de la compensation est connu par avance et assuré, bien que, l’expérience le prouve, cette garantie puisse se révéler insuffisante : on l’a vu avec le RMI.

À l’inverse, comme le précise le même article : « Toute création ou extension de compétences ayant pour conséquence d’augmenter les dépenses des collectivités territoriales est accompagnée de ressources déterminées par la loi. » Par conséquent, le législateur est libre d’apprécier le niveau de compensation, sans toutefois dénaturer le principe de la libre administration des collectivités territoriales. Dans ce cas, plus aucune garantie constitutionnelle n’encadre la compensation financière allouée aux départements.

Monsieur le haut-commissaire, depuis le début de l’examen de ce texte, vous nous avez promis qu’il y aurait des clauses de revoyure.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Oui !

Mme Nicole Bricq. Mais nous avons confronté cette intention affichée à la lettre du texte. Pourquoi le projet de loi fige-t-il le montant des compensations en prenant comme référence les dépenses réellement exposées par les départements en 2010, supprimant ainsi toute possibilité de réévaluer le montant de la compensation les années suivantes ? Votre argument selon lequel la notion d’extension permettrait de réviser la compensation financière après 2010 semble dès lors tomber.

Par ailleurs, en l’état actuel des finances publiques et de la contrainte qu’exerce l’État sur le budget des collectivités territoriales, il y a fort à parier que toute négociation future ne sera pas à l’avantage des départements.

L’allocation personnalisée d’autonomie est l’exemple type de l’échec financier d’une extension de compétence. Prévue au départ à hauteur de 50 %, la participation de l’État au financement de cette allocation a été peu à peu diminuée, au détriment des conseils généraux qui aujourd’hui assument les deux tiers de la charge financière de cette allocation.

M. Philippe Richert. Les socialistes ont refusé que cette disposition figure dans la loi !

Mme Nicole Bricq. La notion de transfert de compétences est plus favorable aux collectivités, car elle permet d’assurer un montant plancher de compensation financière égal au niveau des dépenses effectuées par l’État avant le transfert. L’État ne pourra pas descendre en dessous de ce montant.

Néanmoins, le Gouvernement nous oppose le fait qu’alors aucune clause de revoyure n’est possible, ce qui entraîne un risque de déficit financier pour les départements, comme c’est le cas actuellement avec le RMI.

Je prends bonne note de ce que vous avez indiqué concernant le fonds de mobilisation départementale pour l’insertion mis en place pour le RMI et reconduit en 2009. La notion de transfert ne s’oppose donc pas à la clause de revoyure !

Des avancées ont eu lieu lors de l’examen du texte à l’Assemblée nationale avec le vote de plusieurs amendements, en partie dus à l’initiative de nos collègues socialistes. Ces amendements précisent que l’extension de compétences doit être intégralement compensée. Il s’agit là d’une précision importante, mais de niveau législatif, c’est-à-dire inférieur au niveau constitutionnel : chacun sait que ce qu’une loi fait une autre peut le défaire.

Je pense donc que notre insistance n’est pas déplacée ; elle trouve son origine dans les désillusions financières liées au transfert du RMI, qui est aujourd’hui la cause d’un déficit cumulé sur cinq années de plus de 1,5 milliard d’euros à la charge des départements, non compensé par l’État.

Notre collègue M. Doligé, rapporteur pour avis, l’a souligné dans son rapport : la compensation financière versée aux départements ne couvre que 89,3 % des dépenses exposées par les collectivités territoriales au titre de l’année 2007.

Les craintes sont également dues à la nature de l’imposition transférée aux départements, c’est-à-dire la TIPP, dont la diminution est constante du fait même de son assiette ; j’y reviendrai lors de l’examen de l’amendement n° 118 rectifié.

Sur le fond, cette notion d’extension peut également être contestée, comme le souligne le rapport de M. Doligé.

L’objet de notre amendement, vous l’aurez bien compris, est avant tout d’assurer la meilleure compensation financière aux départements et de mettre un terme aux inquiétudes.

Monsieur le haut-commissaire, seriez-vous prêt à accepter la notion de transfert de compétences tout en acceptant une clause de revoyure régulière ? Vous me direz que c’est vouloir bretelle et ceinture, si j’ose m’exprimer ainsi, mais, au regard des expériences malheureuses, il me semble que c’est indispensable.

Nous savons que cette décision ne relève pas uniquement de votre compétence et que le ministre du budget et des comptes publics, M. Woerth, est très attentif à la solution qui pourrait être apportée pour améliorer le sort des départements. Mais comprenez que nous soyons très attentifs à la réponse que fera le Gouvernement à notre amendement.

M. Jean Desessard. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Annie David, pour présenter l'amendement n° 199.

Mme Annie David. Nous allons poursuivre la discussion s’agissant de la différence entre l’extension et le transfert de compétences.

Le revenu de solidarité active, qui sera financé en grande partie par les départements, nous est présenté comme étant une extension aux transferts de compétences réalisés les années ultérieures, notamment s’agissant du RMI et, par la suite, plus spécifiquement, de son volet « insertion ».

Or, en y regardant de plus près, le RSA n’a pas strictement les mêmes contours que le RMI. Il s’agit donc plus d’un transfert de compétences nouvelles que d’une extension.

Mais il faut dire que, si l’extension d’une compétence n’appelle pas, dans l’esprit du Gouvernement, une compensation supplémentaire, celui-ci ne peut nier qu’avec un transfert de nouvelles compétences il doit y avoir également un transfert de nouvelles ressources.

Pour ce qui est du RSA, puisqu’il s’agit d’un transfert supplémentaire, nous devons accorder aux départements les moyens financiers d’assumer cette nouvelle charge, dans l’intérêt d’une fiscalité locale que la majorité se plaît à décrier, mais également dans l’intérêt des bénéficiaires du RSA eux-mêmes.

Mme la présidente. L’amendement n° 264 n’est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements identiques nos 119 et 199 ?

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Le débat a été très long en commission et il n’a pas permis de trancher la question. Je sollicite donc l’avis du Gouvernement.

Mme la présidente. Quel est donc l’avis du Gouvernement ?

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Comme l’a souligné M. Doligé, le Gouvernement a été particulièrement attentif, pendant toute cette année, à ce que nous puissions, en liaison avec l’Assemblée des départements de France, trouver le meilleur système possible.

Ainsi, le projet de loi prévoit les mesures suivantes : « En ce qui concerne l’extension de compétences réalisée par la présente loi, les charges supplémentaires qui en résultent pour les départements sont intégralement compensées par l’État […]. Si les recettes provenant des impositions attribuées en application de l’alinéa précédent diminuent, l’État compense cette perte dans des conditions fixées en loi de finances ».

M. Yves Daudigny et Mme Nicole Bricq. C’est très bien s’il en est ainsi !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Donc, le projet de loi, qui abroge juridiquement le RMI et l’API pour les fusionner dans une allocation unique, doit être regardé comme procédant, d’une part, au maintien de la compétence RMI et, d’autre part, à une extension de la compétence des départements.

L’expression « extension de compétences » figure dans l’article 72-2 de la Constitution !

Au regard de la jurisprudence du Conseil constitutionnel et selon l’analyse du Conseil d’État, l’extension de compétences est caractérisée dès lors que deux critères cumulatifs sont satisfaits : d’abord, les missions confiées aux départements par le projet de loi ont un caractère obligatoire ; ensuite, le projet de loi doit procéder à un accroissement du périmètre de la compétence des départements qui entraîne une augmentation de leurs charges.

Il ne saurait s’agir d’un simple transfert de l’API, puisque cette prestation, qui disparaîtra d’ailleurs sur le plan juridique si vous votez ce texte, changera de nature à la faveur de la création du RSA, en s’inscrivant dans une prestation légale d’aide sociale dont le bénéfice est assorti de droits et d’obligations.

J’ajoute que l’intéressement à la reprise d’activité de l’ensemble des bénéficiaires du RSA sera mis à la charge de l’État, y compris pour ceux des bénéficiaires qui rempliront les critères d’attribution du montant forfaitaire majoré.

Ainsi, de même que le RSA organise une simplification des dispositifs au profit des bénéficiaires, son mode de financement organise une vraie clarification des responsabilités.

Dans le dispositif actuel, je le rappelle, les départements financent un minimum pour des personnes d’âge actif sans activité, le RMI, ainsi que l’intéressement proportionnel et forfaitaire associé à ce dispositif, mais hors prime de retour à l’emploi. L’État, de son côté, finance un autre minimum pour d’autres adultes d’âge actif, l’API, ainsi que l’intéressement à l’API, mais également la prime de retour à l’emploi, servie aussi bien aux bénéficiaires de l’API que du RMI, au quatrième mois de leur reprise d’activité. C’est assez compliqué, j’en conviens.

Demain, le partage des financements obéira à une logique de bloc de compétences très claire : aux départements le financement de la prestation offrant un montant forfaitaire à l’ensemble des bénéficiaires sans activité ni revenu ; à l’État celui de la prestation complétant les revenus professionnels pour lutter contre la pauvreté au travail.

Cette clarification indubitable entraîne un double mouvement pour les finances des départements, dont les dépenses d’insertion vont se trouver, dans le même temps, à la fois diminuées des anciens postes d’intéressement au RMI et alourdies par celui de la charge des anciens allocataires de l’AP

L’article 3 a précisément pour objet de décrire cette évolution, ainsi que les modalités de la compensation y afférente.

Je voudrais dire, une nouvelle fois, que la qualification de l’extension de compétences, qui nous est sans doute moins familière que celle du transfert, est pourtant parfaitement protectrice pour les finances des départements, sans doute plus que celle du transfert : vous avez ainsi les garanties de la Constitution, celles de la loi, plus notre parole. Voilà qui fait trois garanties ! (Rires.)

Mme Nicole Bricq. En ce qui concerne la dernière, nous attendons de voir !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. En effet, non seulement elle impose au Gouvernement de compenser intégralement la charge nouvelle résultant de l’extension, mais, au surplus, l’évaluation de la compensation de la charge nouvelle étant prévisionnelle, elle ouvre droit à son réexamen au titre d’une clause de revoyure – que vous allez d’ailleurs préciser grâce à M. le rapporteur pour avis – pour vérifier qu’elle s’ajuste bien aux dépenses effectivement constatées dans les comptes même des départements.

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Cette clause de revoyure garantit aux départements une juste compensation des charges transférées au titre de l’extension de compétences, sur la base des dépenses 2010, soit un an et demi après l’entrée en vigueur du RSA, alors que la qualification de transfert de compétences aurait conduit à retenir l’année 2008 comme seule année de référence et pour solde de tout compte.

Mme Nicole Bricq. Chantage !

M. Martin Hirsch, haut-commissaire. Aussi, et sans faire de chantage, car ce n’est pas mon style, je demande le retrait de cet amendement ; à défaut j’émettrai un avis défavorable.

Si vous optiez pour le transfert, je serais obligé d’enlever les clauses de revoyure, ce qui serait moins agréable pour les départements. Je préfère les renforcer, à l’invitation du rapporteur pour avis de la commission des finances. (M. Robert del Picchia applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Daudigny, pour explication de vote.

M. Yves Daudigny. J’ai écouté avec beaucoup d’intérêt vos explications, monsieur le haut-commissaire. Je prends acte de ce qui figure dans le texte voté par l’Assemblée nationale.

Je voudrais que nous ayons tous conscience, ici, de l’incapacité des départements, à partir de l’année prochaine, à assumer de nouvelles charges en matière sociale.

Leur situation économique et financière pâtira d’une diminution des dotations de l’État, de dispositions qui touchent la taxe professionnelle, d’une baisse sensible des droits de mutation, sans oublier le fait que l’argent sera plus cher pour les investissements. En outre, le recours à une augmentation de la fiscalité sera nécessairement limité.

Avec ce dispositif, le risque pour les départements existe dans les deux cas.

Dans l’hypothèse où il s’agirait d’un transfert de compétences, je prendrai l’exemple du RMI : la référence et la date du changement sont fixées une fois pour toutes ; pour un département représentant un centième de la France, l’écart entre les dotations de l’État et les allocations réellement versées est d’environ 25 millions d’euros du 1er janvier 2004 à aujourd’hui. On est donc passés de la solidarité nationale à la solidarité territoriale. Ce n’est pas acceptable, car cela veut dire que l’on fait porter l’effort de solidarité sur les secteurs qui sont les plus en difficulté. C’est l’application de la Constitution !

Dans l’hypothèse d’une extension de compétences, nous bénéficions bien évidemment d’une plus grande liberté, résultant des lois de finances, mais sans véritable garantie. Pourquoi ne pas inscrire simplement dans la loi qu’il y aura un ajustement annuel des compensations, calculé au vu des comptes administratifs de l’année précédente ? Quand les dépenses augmentent, les compensations augmentent ; quand les dépenses diminuent, les compensations diminuent. Pourquoi ne pas l’inscrire dans la loi ? C’est vrai, la gauche ne l’a pas fait en son temps, notamment pour l’APA. Mais est-ce une raison valable pour s’interdire de faire mieux aujourd’hui ?

Cela pose une autre question, qui déborde le cadre de ce projet de loi, et que j’ai déjà évoquée dans un autre propos : les allocations versées aux personnes. Nous devrons un jour débattre du périmètre de la solidarité nationale et de ce qui peut être payé par les collectivités territoriales. Il paraît assez simple de penser que les allocations versées aux personnes, notamment l’ancien RMI, le RSA, la PCH ou l’APA, relèvent de la solidarité nationale. En revanche, peuvent être à la charge des départements dans le cadre des lois de décentralisation, la prise en charge des frais d’instruction et des frais liés à la mise en œuvre de ces dispositifs.

Il aurait été très facile d’inscrire dans la loi que les compensations seront ajustées chaque année en fonction des dépenses réelles enregistrées l’année précédente dans les comptes administratifs des départements. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Philippe Richert, pour explication de vote.

M. Philippe Richert. Je rejoins très largement certains propos de mon collègue Yves Daudigny.

Il est évident que, durant les dernières années de la décentralisation, au travers des transferts de compétences ou des extensions de compétences, terme que nous n’avions pas utilisé jusqu’à présent, les collectivités, et plus particulièrement les départements, ont eu beaucoup à souffrir ; je pense notamment à l’APA.

La création de cette allocation a constitué pour les départements un moment très difficile, en termes non pas de responsabilité, mais de financement. Comme Yves Daudigny vient de le faire pour le RMI, je prendrai, pour l’APA, l’exemple du département du Bas-Rhin, où les dépenses non compensées par l’État représentent 70 millions d’euros par an, soit l’équivalent de 25 points de fiscalité !

À l’époque, le Sénat avait demandé que le Gouvernement mette en place un remboursement représentant au moins 50 % des dépenses ; l’État a refusé de s’engager sur sa participation, ne serait-ce qu’à hauteur de 50 %. Aujourd’hui, je le reconnais, les engagements pris par le Gouvernement vont bien au-delà des décisions prises à l’époque et la définition de l’extension de compétences me semble beaucoup plus juste que celle du transfert de compétences.

M. Nicolas About, président de la commission des affaires sociales. Bien sûr !

M. Philippe Richert. Il n’en reste pas moins, comme le disait M. Yves Daudigny à la fin de son exposé, qu’il sera sans doute nécessaire, à un moment donné, de faire le point sur l’ensemble des engagements pris en matière de solidarité. Nous devrons avoir un débat global sur les dépenses prises en charge par les départements, pour réfléchir à la façon dont la solidarité nationale pourrait reprendre le flambeau.

Aujourd’hui, j’avoue que l’exposé de M. le haut-commissaire m’a convaincu. C’est donc en toute sérénité que je voterai le texte proposé par le Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à Mme le rapporteur.

Mme Bernadette Dupont, rapporteur. Après avoir entendu les interventions de M. le haut-commissaire et de nos collègues, la commission préfère la notion d’extension à celle de transfert.

Elle émet donc un avis défavorable sur les amendements identiques nos 119 et 199.

Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 119 et 199.

(Les amendements ne sont pas adoptés.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 118 rectifié, présenté par M. Krattinger, Mmes Bricq, Le Texier et Jarraud-Vergnolle, MM. Godefroy, Daudigny, Desessard, Cazeau et Le Menn, Mmes Printz et Chevé, MM. Lise, Gillot et Marc, Mme M. André, MM. Angels, Auban, Demerliat, Frécon, Haut, Hervé, Masseret, Massion, Miquel, Rebsamen, Sergent, Todeschini et les membres du groupe Socialiste, apparentés et rattachés, est ainsi libellé :

I. – À la fin du premier alinéa du II de cet article, après les mots :

par l'État

insérer les mots :

par l'attribution de ressources constituées d'une partie de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance maladie mentionnée aux 2° bis et 6 ° de l'article 1001 du code général des impôts,

II. - Pour compenser la perte de recettes résultant du I ci-dessus, compléter cet article par un paragraphe ainsi rédigé :

... - La perte de recettes pour l'État résultant de la compensation de l'extension des compétences des départements réalisée par la présente loi par l'attribution d'une partie du produit de la taxe spéciale sur les contrats d'assurance maladie est compensée à due concurrence par l'institution d'une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. Avec cet amendement, nous continuons de nous interroger sur les modalités de la compensation financière, le projet de loi initial du Gouvernement s’étant révélé plus que lacunaire sur ce point. Toutefois, l’examen du texte à l’Assemblée nationale a permis d’apporter quelques précisions.

L’article 3 prévoit dorénavant que la compensation « s’opère, à titre principal, par l’attribution d’impositions de toute nature », respectant ainsi le principe d’autonomie financière des collectivités territoriales.

Néanmoins, si on lit les lois dans leur ensemble et que l’on s’en réfère à l’article 18 du projet de loi de finances pour 2009, cette compensation financière se fera par affectation aux départements d’une part de la TIPP, sur le modèle de la compensation versée aux départements au titre du RMI.

Nous avons déjà soulevé à plusieurs reprises les problèmes que posent les compensations financières fondées sur le transfert aux collectivités territoriales de ressources absolument pas dynamiques, bien au contraire, comme c’est le cas pour la TIPP.

Ces dernières années, les recettes liées à la TIPP sont en constante diminution ; elles sont toujours plus faibles que les prévisions initiales figurant en loi de finances. En effet, cette taxe est assise sur les volumes, qui sont en diminution constante, notamment depuis l’enchérissement du prix du pétrole. Au demeurant, il semble que ce soit une évolution durable, quels que soient les aléas du prix du brut et du prix à la pompe.

Les estimations de recettes pour 2009 sont de 15,6 milliards d’euros, soit environ 1,7 milliard d’euros de moins qu’en 2007, ce qui représente une baisse d’environ 10 %.

Par ailleurs, sera transférée aux départements non pas une quote-part du produit de la TIPP, mais une fraction du tarif appliqué aux quantités de carburant vendues sur le territoire.

Par conséquent – c’est peut-être un peu technique, mais cela traduit la réalité des chiffres –, si les fractions de tarifs n’évoluent pas et que la quantité de carburant vendue diminue, comme c’est le cas actuellement, le montant de la compensation financière baissera inévitablement.

Cette situation est aggravée par l’impossibilité pour les départements de moduler la fraction du tarif de TIPP qui leur sera affectée.

Confrontés par ailleurs à la dégradation des bases de la TIPP, les départements n’auront par conséquent aucun pouvoir sur la fixation de cet impôt, ce qui relativise fortement leur autonomie fiscale et rapproche cette compensation financière d’une simple dotation accordée par l’État, comme le souligne du reste M. le rapporteur pour avis.

Si la tendance actuelle se confirme, cette recette ne permettra plus – c’est assuré d’avance ! – de financer intégralement les nouvelles compétences des départements.

C’est la raison pour laquelle nous vous proposons, par cet amendement, de substituer à la TIPP une fraction de la taxe spéciale sur les conventions d’assurance, la TSCA, portant à la fois sur les contrats d’assurance maladie et sur les autres assurances.

Le Gouvernement a déjà eu recours, dans le cadre de la loi de finances de 2008, à la mobilisation d’une plus large part de l’assiette de la TSCA, avec l’ajout de la TSCA contre les incendies et de la TSCA en matière de navigation maritime ou fluviale. Il est donc possible de prendre une telle mesure !

Néanmoins, il reste encore des parts de TSCA dont le produit est important et qui permettraient de financer, de manière plus sûre pour les collectivités, le coût des charges qui leur sont transférées au titre de l’API. C’est le cas de la TSCA portant sur les contrats d’assurance maladie et sur les autres assurances, que cet amendement vise à substituer à la TIPP. En effet, cet impôt se révèle dynamique : en 2009, une évolution de 3,2 % est prévue, pour un produit total de 2,9 milliards d’euros pour l’État.

Si l’on se réfère à la baisse ou à la stagnation de la TIPP, ce qui est plutôt favorable à l’environnement, mais pas aux finances des collectivités territoriales, notamment des départements, cette ressource serait plus sûre pour ces derniers.