M. Michel Thiollière, rapporteur. Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 23.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de trois amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 74, présenté par M. Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :

dans les conditions définies à l'article L. 331-24

par les mots :

et assortie d'une lettre remise contre signature ou de tout autre moyen propre à établir la preuve de la date d'envoi de cette recommandation et celle de sa réception par l'abonné

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Cet amendement prévoit clairement de conditionner l’ultime étape, c’est-à-dire la sanction, à l’envoi d’une lettre recommandée.

Aujourd’hui, le texte est flou. La HADOPI pourrait donc s’exonérer de l’envoi d’une lettre recommandée avec accusé de réception.

Mme la présidente. L'amendement n° 151, présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :

définies à l'article L. 331-24

par les mots :

et formes définies successivement dans les deux premiers alinéas de l'article L. 331-24.

La parole est à M. Jack Ralite.

M. Jack Ralite. Cet amendement a pour objet de mieux garantir le caractère graduel de la riposte en rendant obligatoires ses deux premières phases.

Il s’agit donc non pas d’une réécriture pour la forme, mais d’une proposition de fond afin de s’assurer du respect de l’esprit de la loi qui consiste d’abord à prévenir.

La suppression de l’accès à internet a de telles conséquences qu’il est indispensable de s’assurer que l’ensemble des étapes de la riposte est intégralement respecté. Les trois étapes trouvent leur pertinence à condition qu’elles soient toutes maintenues. C’est ce que nous défendons par cet amendement et c’est d’ailleurs l’architecture même de la loi.

Nous avons déposé deux amendements. L’un d’eux a été déclaré irrecevable au titre de l’article 40, avec cet argument spécieux du président Jean Arthuis : « En effet, la transformation d’une compétence facultative en compétence obligatoire constitue une aggravation de charges publiques. » En revanche, le présent amendement a été accepté. Il y a là une contradiction !

Sans doute les délais évoqués par le président de la commission des affaires culturelles ont-ils été comprimés à un point tel que cela a entraîné des erreurs dans la lecture des amendements. Il faudra donc apporter des modifications en la matière

Mme la présidente. L'amendement n° 64, présenté par Mme Morin-Desailly et les membres du groupe Union centriste, est ainsi libellé :

Dans le premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :

à l'article L. 331-24

par les mots :

au deuxième aliéna de l'article L. 331-24

La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.

Mme Catherine Morin-Desailly. Cet amendement vise à garantir le caractère graduel du dispositif.

Tel que l'article L. 331-25 est rédigé, il n’est pas certain juridiquement qu’une sanction puisse être prise uniquement après l’envoi d’une recommandation avec accusé de réception, c’est-à-dire après la deuxième phase de la riposte.

Or il faut que la sanction intervienne impérativement après l’envoi d’une recommandation avec accusé de réception, elle seule faisant foi et garantissant que l’abonné a été préalablement informé de la procédure.

Ne pas affirmer le caractère graduel du dispositif, c’est, selon nous, aller à l’encontre de l’esprit même de ce texte, que nous approuvons.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Nous émettons un avis favorable sur l’amendement n °74.

L’amendement n °151 nous paraît contraire à la position de la commission, qui souhaite que la HADOPI bénéficie d’une certaine souplesse dans la mise en œuvre du dispositif d’avertissement et de sanction. C’est la raison pour laquelle nous émettons un avis défavorable.

Quant à l’amendement n °64, il nous paraît satisfait par l’amendement n °74. Je propose donc qu’il soit retiré.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Nous souhaitons également laisser à la HADOPI une marge de manœuvre concernant l’enchaînement des différentes phases du dispositif. Elle peut décider d’envoyer plusieurs courriels, surtout durant les premières étapes du processus.

Pour ces raisons, le Gouvernement s’en remet à la sagesse de la Haute Assemblée pour l’amendement n °74.

Il émet un avis défavorable sur l’amendement n °151 et un avis favorable sur l’amendement n °64.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 74.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. En conséquence, les amendements nos 151 et 64 n'ont plus d'objet.

L'amendement n° 24, présenté par M. Thiollière, au nom de la commission des affaires culturelles, est ainsi libellé :

À la fin du premier alinéa du texte proposé par cet article pour l'article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :

l'une des sanctions

par les mots :

la ou les sanctions

La parole est à M. le rapporteur.

M. Michel Thiollière, rapporteur. La rédaction actuelle prévoit que les sanctions ne peuvent pas être cumulatives. Elle ne permet donc pas, lorsque la première sanction s'applique, à savoir la suspension de l'accès, d'inciter éventuellement l'abonné à prendre des mesures préventives afin d'éviter le renouvellement du manquement à son obligation d'assurer un usage licite de son abonnement internet.

Cet amendement est destiné à renforcer le caractère pédagogique et préventif du dispositif.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Avis favorable.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 24.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement no 75 rectifié, présenté par M. Retailleau, au nom de la commission des affaires économiques, est ainsi libellé :

I. – Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle :

« 1° Une amende, dont le montant, fixé par décret en Conseil d’État, est majoré quand l’œuvre ou l’objet illicitement utilisé fait l’objet d’une offre autorisée par les titulaires de droits en format numérique, à un prix raisonnable et dans des conditions d’interopérabilité satisfaisantes, sur les réseaux de communications électroniques ;

II. – En conséquence,

1. Après le texte proposé par cet article pour l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, insérer un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – La Haute Autorité reverse aux titulaires des droits prévus aux livres Ier et II ayant subi un préjudice économique du fait d’un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3, sanctionné par l’amende visée au 1° de l’article L. 331-25, le montant des amendes qu’elle a collectées au titre de l’article L. 331-25. Elle répartit ce montant de manière équitable entre les titulaires de droits concernés, en veillant à une juste rémunération des artistes-interprètes et des auteurs, au sens du présent code.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de la répartition et les procédures du reversement visées à l’alinéa précédent.

2. Rédiger ainsi le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l’article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle :

« 1° Une amende, dont le montant ne peut dépasser la moitié de celui de l’amende visée au 1° de l’article L. 331-25 ;

La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Bruno Retailleau, rapporteur pour avis. Nous arrivons à une étape importante du projet de loi : la définition de la nature même de la sanction infligée.

Vous aurez compris que le cœur du dispositif de la riposte graduée est, en quelque sorte, une fusée à plusieurs étages : d’abord, une recommandation ; ensuite, grâce à un amendement que nous venons de voter, l’envoi par la HADOPI d’une lettre recommandée avec accusé de réception ; enfin, et c’est le point que nous abordons maintenant, la sanction.

L’amendement no 75 rectifié n’a rien de révolutionnaire et préserve le caractère gradué de la riposte : il vise simplement à substituer à la coupure de l’accès à internet une amende, c’est-à-dire à modifier la nature de la sanction.

Cette amende, une fois créée, doit être modulée. Il apparaît en effet qu’elle doit être plus forte quand elle sanctionne l’utilisation illicite d’une œuvre que son auteur a fait l’effort de rendre accessible sur une plate-forme de téléchargement légal que lorsque l’œuvre piratée n’a pas été rendue légalement accessible. Ainsi se trouve réarticulé ce que tous les orateurs ont déploré hier soir : l’absence d’équilibre entre l’encouragement à l’offre légale et la désincitation de l’offre illégale.

Enfin, le produit de l’amende doit être réparti. Nous proposons de le réaffecter aux créateurs, à la filière, afin de compenser le préjudice économique.

Je voudrais revenir un instant sur ce qui nous a poussés à écarter la coupure de l’accès à internet et à y substituer l’amende.

J’ai déjà exposé, au cours de la discussion générale, le premier avantage que nous voyons à cette solution. Les Français sont de plus en plus nombreux à souscrire des offres composites, c’est-à-dire à recevoir par le même tuyau la télévision, le téléphone fixe et internet. Or nous avons la conviction, la certitude même, que la coupure de l’accès à internet ne pourra pas frapper tout le monde de la même façon, et divers organismes, notamment l’ARCEP, nous l’ont confirmé : dans les zones dégroupées – le plus souvent en milieu urbain –, la distinction des flux pourra être réalisée ; parfois, elle sera impossible dans les autres zones. Sont concernées 1,150 million de lignes, ce qui signifie que la peine s’appliquerait différemment à au moins 3 millions de personnes. La coupure de l’accès à internet nous paraît donc discriminatoire, ce que n’est pas l’amende, laquelle n’a d’ailleurs rien à voir avec l’amende pénale autrefois créée par la loi DADVSI.

Le deuxième avantage que présente l’amende, à nos yeux, c’est qu’elle rend le fichier inutile. En effet, si l’on veut couper l’accès à internet, il faut pouvoir vérifier que l’abonné ne contourne pas la sanction en se réinscrivant auprès d’un autre opérateur : il devient donc nécessaire de constituer un fichier. Si l’on inflige une amende, le problème ne se pose plus, et les libertés publiques n’en sont que mieux respectées.

Le troisième avantage réside dans le caractère pédagogique de l’amende. D’abord, toucher au porte-monnaie, c’est toujours pédagogique. Surtout, comment influer sur les comportements et les rendre plus vertueux en les réorientant vers le téléchargement légal si l’accès à internet est coupé et, avec lui, l’accès aux œuvres qu’il est licite de télécharger ?

Enfin, un problème de cohérence se pose au sein même du Gouvernement. Éric Besson, parlant au nom du Président de la République à l’Élysée, a souligné, voilà quinze jours, que le haut débit internet devenait une « commodité essentielle ». Tous ici étions d’accord, en particulier lors de la discussion du projet de loi de modernisation de l’économie, pour estimer que demain le haut débit, donc internet, devait entrer dans le périmètre d’un nouveau service universel étendu et rénové. Il serait incohérent de vouloir intégrer le haut débit internet au service universel et, dans le même temps, d’envisager de couper le fil ! Internet permet de chercher un emploi, de se former, voire d’avoir une vie sociale : couper internet, c’est traumatiser toute une famille.

J’ai la conviction qu’une sanction prenant la forme d’une amende permettra de conserver l’efficacité de la riposte graduée et qu’elle sera beaucoup mieux ressentie qu’une coupure. J’ose espérer, madame le ministre, que mes arguments vous auront touchée.

Mme la présidente. L’amendement no 165 rectifié bis, présenté par MM. Houel et Darniche, est ainsi libellé :

I. – Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle :

« 1° Une amende, dont le montant est fixé par décret en Conseil d’État ;

II. – En conséquence,

1. Après le texte proposé par cet article pour l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, insérer un article ainsi rédigé :

« Art. L. … – La Haute Autorité reverse aux titulaires des droits prévus aux livres Ier et II ayant subi un préjudice économique du fait d’un manquement à l’obligation définie à l’article L. 336-3, sanctionné par l’amende visée au 1° de l’article L. 331-25, le montant des amendes qu’elle a collectées au titre de l’article L. 331-25. Elle répartit ce montant de manière équitable entre les titulaires de droits concernés, en veillant à une juste rémunération des artistes-interprètes et des auteurs, au sens du présent code.

« Un décret en Conseil d’État détermine les modalités de la répartition et les procédures du reversement visées à l’alinéa précédent.

2. Rédiger ainsi le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l’article L. 331-26 du code de la propriété intellectuelle:

« 1° Une amende, dont le montant ne peut dépasser la moitié de celui de l’amende visée au 1° de l’article L. 331-25 ;

La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Mon collègue Michel Houel et moi-même sommes convaincus que l’aspect discriminatoire que comporte le principe de la coupure de l’accès à internet est tout à fait choquant, et M. Retailleau l’a fort bien exposé.

Je comprends tout à fait qu’une sanction soit prise. Que celle-ci soit graduée me paraît nécessaire. Mais qu’elle prive du téléphone et de la télévision en même temps que d’internet une partie de nos concitoyens – M. Retailleau évoquait le chiffre considérable de trois millions, soit 5 % de la population – me paraît totalement discriminatoire. Au demeurant, le Conseil constitutionnel, s’il en était saisi, rejetterait probablement cette disposition.

L’amende nous paraît d’autant plus préférable à la coupure que, progressivement, l’extension du réseau haut débit permettra à tous nos concitoyens d’accéder à la dimension planétaire d’internet. Il importe que la sanction ne déborde pas le cadre strict d’internet.

Mme la présidente. L’amendement no 113 rectifié, présenté par Mmes Procaccia, Bout, G. Gautier, B. Dupont, Papon, Desmarescaux, Des Esgaulx, Keller, Hermange, Rozier et Mélot, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle :

« 1° La suspension de l’accès au seul service internet pour une durée de trois mois à un an assortie de l’impossibilité, pour l’abonné, de souscrire pendant la même période un autre contrat portant sur le même objet ;

La parole est à Mme Catherine Procaccia.

Mme Catherine Procaccia. Il s’agit d’un amendement de repli. Comme M. Retailleau, je suis persuadée que l’amende serait une sanction bien plus intéressante que la coupure. D’abord, elle obligerait les parents, le cas échéant, à installer des filtres et à surveiller d’un peu plus près ce qui se passe chez eux. Ensuite, l’existence d’un fichier n’empêchera jamais un autre membre de la famille de souscrire un nouvel abonnement auprès d’un autre fournisseur d’accès : il suffira d’utiliser un autre prénom !

Je défends souvent les intérêts des consommateurs et, étant moi-même, comme la plupart d’entre vous, utilisatrice d’internet, du téléphone portable, etc., je connais leurs limites et je sais comment cela fonctionne : je suis persuadée qu’il sera impossible de couper uniquement la ligne internet et que la télévision et le téléphone seront interrompus en même temps. Il ne sera donc pas possible de faire appel à la hotline que voulait mettre en place Mme Tasca ! Certes, on peut vivre sans télévision ; mais, sans téléphone, la vie devient difficile.

L’objet de cet amendement est donc de faire en sorte que, si une sanction est prononcée, obligation soit faite de ne couper que la ligne internet. En d’autres termes, lorsque l’opérateur sera incapable de couper uniquement la ligne internet, il n’y aura pas de coupure. Cette approche de bon sens est fondée sur la réalité de la façon dont procèdent les opérateurs à l’heure actuelle.

Mme la présidente. Les amendements nos 133 et 142 sont identiques.

L’amendement no 133 est présenté par MM. Lagauche et Assouline, Mmes Blandin, Blondin et Bourzai, M. Domeizel, Mme Tasca, M. Yung et les membres du groupe socialiste, apparentés et rattachés.

L’amendement no 142 est présenté par MM. Renar, Ralite et Voguet, Mme Gonthier-Maurin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Dans le deuxième alinéa (1°) du texte proposé par cet article pour l’article L. 331-25 du code de la propriété intellectuelle, remplacer les mots :

de trois mois

par les mots :

d’un mois

La parole est à M. Richard Yung, pour présenter l’amendement n° 133.

M. Richard Yung. Cet amendement porte sur un autre aspect du même article L. 331-25.

Comme c’est déjà le cas pour la transaction, dans le cadre de l’article L. 331-26, nous proposons de ramener à un mois la durée minimale prévue au deuxième alinéa de cet article afin d’étendre la possibilité d’ordonner une suspension de courte durée – moins de trois mois – à la dernière phase de la riposte graduée. Ainsi, la commission de protection des droits pourra mieux tenir compte des situations réelles : on songe au cas d’un enfant qui aura téléchargé plusieurs fois une œuvre, toujours la même, par exemple un titre de musique, en trompant la vigilance de ses parents.

Nous pensons que de nombreux internautes seront sensibles au renforcement par le législateur de l’aspect pédagogique de la procédure et à une riposte encore plus graduée.

Mme la présidente. La parole est à M. Ivan Renar, pour présenter l’amendement no 142.

M. Ivan Renar. Avec cette mesure, nous abordons la « phase terminale » : après la prévention, la sanction.

J’ai déjà évoqué toutes les réserves et, disons-le, la réprobation que m’inspire cet aspect du dispositif. Les techniciens nous signalent d’ailleurs, cela vient d’être rappelé, qu’il serait très difficile de le mettre en œuvre et qu’il deviendrait rapidement inefficace. Des juristes nous alertent sur les dangers de rupture de l’égalité entre les citoyens, puisque dans les zones non dégroupées certains abonnés se trouveraient aussi privés de téléphone du fait de la coupure d’internet. D’autres, dont je partage les craintes, s’élèvent contre la création d’un fichier recensant uniquement les abonnés suspendus, et donc temporairement interdits d’abonnement. Enfin, nous avons pu mesurer au cours des débats précédents combien cette suppression temporaire, même graduée, reste une atteinte portée à la vie privée des internautes.

Aussi, nous souhaiterions assouplir et atténuer cette mesure en ramenant la première suspension de trois mois à un mois.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Michel Thiollière, rapporteur. Le sujet mérite effectivement d’être approfondi.

Je rappellerai brièvement le processus qu’a engagé le Président de la République voilà maintenant plus d’un an en demandant à Denis Olivennes de former une commission réunissant les différentes parties prenantes afin de parvenir à une solution concertée pour mettre un terme au piratage, mais aussi pour mettre en place l’offre légale.

La commission Olivennes a abouti à des accords, signés par les parties prenantes, qui portent notamment sur l’établissement d’un processus. Ce processus est avant tout pédagogique : d’abord une recommandation, puis une lettre recommandée, enfin la possibilité de suspendre l’abonnement. C’est donc de cela qu’il est question aujourd’hui.

Revenir aujourd’hui sur les résultats de cette concertation, ce serait faire bien peu de cas de tous ceux qui, pendant un an, se sont engagés et ont travaillé pour parvenir à un texte qui soit applicable et satisfasse à la double nécessité de mettre en ligne des œuvres de plus en plus nombreuses et de pouvoir sanctionner, de façon très pédagogique et graduée, ceux qui ne respectent pas le droit d’auteur.

Il ne me semble pas possible d’instiller, en cours de procédure, une nouvelle démarche qui serait contraire à tout ce qui s’est produit depuis plus d’un an maintenant.

Je voudrais par ailleurs souligner que l’amende est, bien sûr, une solution facile à mettre en œuvre. Mais c’est une vieille recette et l’économie numérique n’a rien à voir avec les vieilles recettes !

Pour toutes ces raisons, je pense que nous devons en rester à ce qui était prévu dans le projet de loi, car c’est conforme à la fois à ce que souhaitent les parties prenantes et à la pédagogie du système.

On fait aujourd’hui le procès de la technologie. Mes chers collègues, qui est capable de dire maintenant ce qui se passera dans six mois ? On essaie d’effrayer ceux qui résident dans des zones non dégroupées. Or le texte du projet de loi est précis : en aucun cas il ne peut s’agir de priver les internautes de l’accès à la télévision ou à la téléphonie ; cela n’est pas possible !

Quand la suspension de l’accès à internet sera impossible pour des raisons techniques, la Haute autorité disposera d’autres voies, qui sont précisées dans le projet de loi. Elle aura d’abord la possibilité de proposer une transaction aux internautes afin qu’ils puissent, si vous me permettez l’expression, revenir « dans les clous » et respecter le droit d’auteur. La commission suggère également, par voie d’amendement, que la Haute autorité puisse décider de restreindre un certain nombre de services sans suspendre totalement l’accès internet, précisément pour prendre en compte l’évolution des technologies tout en obligeant au respect du droit d’auteur.

Nous ne pouvons aujourd’hui revenir sur ce qui a été voulu par les parties prenantes et que l’opinion publique admet de plus en plus. Je me permets de rappeler qu’un processus comparable a déjà été mis en place dans d’autres pays et que nulle part il n’a été question d’amende : seule a été retenue la suspension de l’abonnement, parce que c’est la solution la plus pédagogique, parce que c’est le meilleur moyen de faire comprendre aux internautes que cet outil magique qu’est internet ne doit pas être dévoyé et servir à sacrifier le droit d’auteur.

Parce qu’elle souhaite que soient respectés les accords de l’Élysée, que soit respectée la pédagogie du texte, que soit respecté le résultat de nos discussions d’hier, la commission émet un avis défavorable sur ces amendements.

Les fournisseurs d’accès coupent internet et cela ne semble gêner personne ! En effet, lorsqu’un abonné ne paie plus, internet est coupé. Des voix se sont-elles élevées contre la coupure d’abonnement en cas d’impayé ?

Il faut rester raisonnable, se montrer responsable, et se limiter au dispositif que nous évoquons depuis le début de la discussion de ce texte.

La commission émet donc un avis défavorable sur les amendements nos 75 rectifié et 165 rectifié bis.

L’amendement n° 113 rectifié est satisfait par le dernier alinéa de l’article L. 331–28 aux termes duquel : « La suspension s’applique uniquement à l’accès à des services de communication au public en ligne. Lorsque ce service d’accès est acheté selon des offres commerciales composites incluant d’autres types de services – c’est ce qu’on appelle familièrement le triple play – tels que services de téléphonie ou de télévision, les décisions de suspension ne s’appliquent pas à ces services. »

En ce qui concerne les amendements identiques n°s 133 rectifié et 142, ils tendent à réduire à un mois au lieu de trois la durée minimale de la suspension de l’accès à internet. Cela rend la transaction moins attractive pour les internautes – une durée inférieure est déjà prévue dans le projet de loi en cas de transaction et la HADOPI peut, dans le cadre de la transaction, prévoir une durée inférieure – car, dans ce cas, la HADOPI peut suspendre l’accès pour une période de un à trois mois. La commission s’en remet à la sagesse du Sénat.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Christine Albanel, ministre. Comme l’a rappelé M. le rapporteur, les accords de l’Élysée ont mobilisé des professionnels très compétents, qui ont voulu tous ensemble – c’était vraiment notre volonté –, tenter une démarche différente visant à décriminaliser l’internaute. Nous avons donc souhaité mettre en place une procédure rompant totalement avec le système précédent, qui reposait forcément sur des sanctions très lourdes : la prison ou de fortes amendes.

Avec le principe d’une peine pécuniaire, on change véritablement de logique, car on passe d’une démarche pédagogique à une démarche répressive. Je ne suis pas sûre que les internautes seront ravis de cette évolution ; je pense au contraire qu’ils la vivront douloureusement.

Le rapport direct entre une utilisation inappropriée et la nature même de la sanction me paraît riche d’enseignement. Et puis, nous éviterons de créer une inégalité entre les internautes : pour certains, une amende n’est pas grand-chose ; pour d’autres, par exemple un étudiant peu fortuné, une amende représente beaucoup d’argent.

Par ailleurs, il ne faut pas être paralysé par l’idée que l’on porte atteinte à un élément indispensable. Internet est certainement une commodité importante, mais on peut toujours continuer à y avoir accès, même en cas de suspension de l’abonnement : un étudiant qui réside dans une cité universitaire peut utiliser l’ordinateur d’un ami, on peut aller dans un cybercafé. Il existe de nombreuses possibilités de continuer à communiquer par internet en cas de suspension de l’accès au service.

M. le rapporteur l’a rappelé : lorsque vous ne payez pas votre facture, on vous coupe internet, et personne ne considère qu’il s’agit d’une atteinte insupportable aux droits de l’homme.

Par ailleurs, on a évoqué la question de la faisabilité du dispositif, surtout dans le cadre du triple play. Le projet de loi prévoit expressément que le téléphone et la télévision ne peuvent être coupés : c’est une obligation absolue !

Tous les fournisseurs d’accès, notamment SFR, Free, Orange, Numericâble, nous ont dit, lors des très longues discussions que nous avons eues – et cela figure dans les accords de l’Élysée –, qu’il est tout à fait possible de couper l’accès internet au sein de l’offre triple play. Bien sûr, cela a un coût.

De toute façon, même dans les cas résiduels où cela ne serait pas possible – nous avons revu les fournisseurs d’accès internet ces derniers jours, notamment les représentants de Free avant-hier – la loi prévoit d’autres possibilités : on peut faire injonction à l’abonné fautif d’installer sur son ordinateur un pare-feu ou un logiciel qui empêche le piratage.

Le dispositif est équilibré, porteur de justice et essentiellement pédagogique.

Telles sont les raisons pour lesquelles le Gouvernement émet un avis défavorable sur les amendements nos 75 rectifié et 165 rectifié bis.

En ce qui concerne l’amendement n° 113 rectifié, l’article L. 131–28 prévoit expressément que les décisions de suspension ne s’appliquent ni au téléphone ni à la télévision. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.

J’émets également un avis défavorable sur les amendements identiques nos 133 et 142. En effet, il est intéressant, me semble-t-il, que la loi prévoie une phase transactionnelle. Normalement, la suspension est de trois mois à un an, mais on peut proposer une transaction à l’internaute : s’il l’accepte, la suspension sera de un à trois mois. Porter la durée de la suspension à un mois vide de son sens la transaction et va à l’encontre d’une démarche pédagogique.