Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Marc, nous sommes tous attachés aux collectivités territoriales ; c’est le cas du Sénat, indéniablement, mais aussi du Gouvernement.

Toutefois, il ne faut pas non plus en faire les martyres des finances publiques ! À vous entendre, on a l’impression qu’elles sont prises pour cible ou sacrifiées sur l’autel de je ne sais quelle régulation des finances publiques. Mais tel n’est pas du tout le cas !

Chacun doit tout simplement prendre sa part aux efforts qui visent au retour à l’équilibre des finances publiques. Certes, comme Christine Lagarde et moi-même l’avons souligné ce matin, cet objectif ne sera pas atteint en 2012 si la croissance d’ici là est telle que nous la prévoyons, mais nous n’en serons pas très éloignés.

Or cet équilibre financier concerne un certain nombre de structures publiques : l’État, tout d'abord, qui doit parcourir la plus grande partie du chemin, puisqu’il est, depuis toujours, à l’origine de 80 % du déficit public ; les organismes de sécurité sociale, ensuite, qui concourent relativement peu aux déficits publics, mais dont la contribution augmente à un rythme effréné, évolution à laquelle il faut donc mettre un terme ; les collectivités territoriales, enfin, qui ont des besoins de financement peu importants mais qui se développent beaucoup.

Notre volonté n’est donc nullement de stigmatiser les collectivités territoriales – je serais le dernier à le faire –, mais de les responsabiliser, dès lors que leurs déficits sont comptabilisés dans les finances publiques nationales et qu’il nous faut bien dissiper toutes les zones d’ombre de nos perspectives financières !

Nous nous bornons à considérer que les collectivités territoriales, qui connaissaient il y a peu de temps encore une situation d’équilibre financier, peuvent y revenir, car elles n’en sont pas très éloignées.

Dès lors qu’elles enregistrent un déficit de 0,3 ou 0,4 point de PIB, elles peuvent facilement retrouver l’équilibre budgétaire si elles accomplissent quelques efforts, si elles sont plus responsables et si nous ne chargeons pas la barque des dépenses de transfert. Aux autres organismes publics, c'est-à-dire l’État au premier chef et la sécurité sociale ensuite, de chercher les voies et moyens pour en faire de même de leur côté.

Cela dit, il est nécessaire d’aider les collectivités à faire des économies, car ce n’est pas si simple.

Tout d'abord, nous ne devons pas leur transférer de charges indues. La question des normes, que j’évoquais tout à l'heure, me semble cruciale. Vous êtes d'ailleurs nombreux, mesdames, messieurs les sénateurs, quelle que soit votre sensibilité politique, à dénoncer régulièrement ce problème. Il est vrai que nous en avons assez – permettez-moi de reprendre quelques instants ma casquette de maire ! (Sourires.) – que nous tombent dessus des décisions que nous n’avons pas prises et qui pèsent lourdement sur les finances des collectivités dont nous avons la responsabilité !

Nous devons contrôler ce processus, dans un esprit collectif. De là l’idée d’un filtrage des normes imposées aux collectivités locales.

Enfin, nous devons aider les collectivités à maîtriser leurs dépenses. Nous pouvons beaucoup progresser en la matière, me semble-t-il, si nous nous parlons, si nous réfléchissons à la façon de mieux organiser les services publics, si nous mettons en œuvre des échanges de bonnes pratiques, le tout, bien sûr, sans attenter à l’identité des collectivités ni à leur autonomie de décision.

Ainsi, il serait utile de diffuser un certain nombre d’informations, par exemple sur le coût d’une crèche, d’une école maternelle, d’une police municipale ou d’un transport public. L’État devrait, à mon sens, s’impliquer fortement dans ces processus. En effet, les bonnes pratiques gagneraient à être échangées aussi bien entre les collectivités qu’entre ces dernières et l’État.

En outre, nous devons aller plus loin en ce qui concerne les investissements, même si ces derniers constituent aussi des dépenses publiques, qu’il faut donc surveiller.

Dans le budget de l’État, certaines dépenses ne sont pas comptabilisées comme des investissements alors même qu’elles sont extraordinairement porteuses d’avenir.

C’est le cas des dépenses consacrées à l’enseignement supérieur, auxquelles nul ne peut être hostile. On peut discuter sur le volume des crédits et sur la façon dont ils sont affectés, mais les sommes affectées à l’enseignement supérieur ressemblent beaucoup à des investissements, et même au premier d’entre eux, celui-ci qui porte sur le capital humain, souvent bien plus important que l’investissement matériel !

Je suis donc intimement persuadé que les collectivités doivent continuer à investir, mais qu’il leur faut, en même temps, mesurer la nature de leurs investissements, parce que ces derniers relèvent tout de même de la dépense publique.

Le Président de la République a proposé de modifier le régime de la taxe professionnelle afin d’en exonérer les nouveaux investissements, ce qui permettra peut-être aux entreprises qui le souhaitent de se développer plus facilement à l'échelle locale.

Je crois qu’une bonne relation entre le maire et les entreprises locales pourrait faciliter ces investissements, qui, certes, ne sont pas réalisés par les collectivités elles-mêmes mais qui profitent directement à ces dernières.

Enfin, en ce qui concerne le FCTVA, la mesure que nous avons prise peut certes être contestée, mais elle est très claire : nous affichons nos intentions pour les trois ans qui viennent et nous respecterons nos engagements.

Nous avons donc noué, me semble-t-il, un dialogue responsable et fructueux avec les collectivités locales.

Mme la présidente. Mes chers collègues, je rappelle que chaque orateur doit respecter un temps de parole de deux minutes trente.

La parole est à M. Yves Détraigne.

M. Yves Détraigne. Madame la présidente, rassurez-vous : je respecterai ce temps de parole, car la question que je voulais formuler est presque identique à celle qu’a posée notre collègue Dominique de Legge !

J’ai d'ailleurs apprécié que M. le ministre réponde en partie à cette question en prenant sa casquette de maire. (Sourires.) J’ai pu constater qu’il était conscient des interrogations que nous formulons, en tant qu’élus locaux, sur l’évolution de nos finances, comme il l’a prouvé également en répondant à François Marc.

Toutefois, un point n’a pas été abordé, celui de la hausse des charges subies par les collectivités locales en raison des décisions adoptées par l’État. Il s'agit de cette fâcheuse manie de toujours modifier au coup par coup la fiscalité des collectivités locales. Je pense, en particulier, à la déclaration faite voilà quelques semaines par le Président de la République, qui a annoncé que les nouveaux investissements seraient exonérés de la taxe professionnelle.

On peut penser ce qu’on veut de cette mesure, mais une telle décision fait tout de même un peu désordre au moment où s’engage une réflexion sur l’architecture et le fonctionnement des collectivités locales…

Il serait souhaitable que l’on décrète, en quelque sorte, une pause en matière de charges nouvelles et de limitations de recettes imposées aux collectivités territoriales.

Mme Nicole Bricq. Tout à fait !

M. Yves Détraigne. Il faut remettre à plat l’architecture de nos collectivités, en envisageant de façon globale leur fonctionnement et leurs moyens, ce qui implique de cesser d’y toucher au coup par coup.

Voilà, monsieur le ministre, la réflexion que je souhaitais formuler à la suite des questions et des réponses que j’ai entendues précédemment.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur Détraigne, j’apporterai une non-réponse à votre non-question, ce qui facilitera notre débat ! (Sourires.)

Je suis d'accord avec vous pour considérer qu’il ne faut pas changer sans cesse la législation. Christine Lagarde et moi-même avons d'ailleurs souhaité que le droit fiscal soit assez peu modifié cette année. De toute façon, le moment n’est pas le mieux choisi pour remanier les textes. La créativité consiste parfois à éviter d’être trop créatif (Sourires.) et à stabiliser le droit en vigueur !

Toutefois, certaines normes doivent être modifiées parce que leurs effets sur l’économie sont très puissants. C’est le cas, par exemple, de la taxe professionnelle.

Il est vrai que nous appelons à une réforme plus vaste de cette imposition. Toutefois, il s'agit là d’une question complexe, qui affecte non pas seulement les charges des entreprises, mais aussi les ressources des collectivités territoriales. Elle trouvera naturellement sa place dans le cadre de la réforme de l’architecture de nos collectivités territoriales, qui aura lieu en son temps, après les discussions et les concertations nécessaires.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Vera.

M. Bernard Vera. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, les engagements européens de la France constituent la clef de voûte du projet de loi de programmation des finances publiques.

La question européenne est sous-jacente au débat sur nos finances publiques, car les récentes évolutions qui ont affecté ces dernières portaient la marque du respect de nos engagements européens.

On peut d'ailleurs s’interroger sur la pertinence de ces engagements, sur les critères qu’ils retiennent – niveau des taux d’intérêt de long terme, quotité des déficits publics, notamment – au moment où la crise économique et la récession frappent lourdement notre pays et où les règles qui avaient cours sont bousculées par la pratique.

Je ferai deux remarques, qui déboucheront sur autant de questions.

Premièrement, les choix budgétaires que nous avons opérés depuis plus de quinze ans dans le cadre des critères de convergence, puis de l’union économique et monétaire n’ont pas évité la croissance des déficits. Par conséquent, faut-il poursuivre dans la voie d’une simple réduction des déficits s’appuyant d'abord et avant tout sur le déclin des dépenses publiques pour respecter les règles européennes ?

Deuxièmement, dans le contexte de grave crise financière et économique que nous traversons, la récession est patente. La Commission européenne elle-même semble lâcher du lest sur le respect des critères de convergence et admettre que le caractère exceptionnel de la situation nécessite plus de souplesse. Dès lors, n’est-il pas temps, plutôt que de persévérer dans la voie de politiques monétaristes et libérales qui ont fait la démonstration de leur inadaptation, de mettre en question le rôle de la Banque centrale européenne, la BCE ?

Ne pensez-vous pas, madame la ministre, que la BCE, dans le cadre de la convergence des politiques des États membres de l’Union européenne, n’assume plus désormais sa fonction essentielle de financement du crédit aux entreprises, fondée sur l’efficacité sociale et économique et permettant la relance de l’activité ?

Ne croyez-vous pas que c’est dans l’emploi et dans la croissance, favorisés par la réforme du crédit, que nous trouverons les outils permettant d’améliorer les comptes publics, beaucoup plus sûrement que dans une politique d’austérité comme celle qui est aujourd'hui mise en place ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Monsieur Véra, j’apporterai trois éclaircissements en réponse à votre question.

Premièrement, en ce qui concerne les engagements européens que nous avons pris – le respect des critères de Maastricht notamment –, qui imposent le maintien du déficit dans certaines bornes et une prévision financière sur des périodes longues, d'ailleurs plus étendues que la présente loi de programmation triennale, je rappellerai que le pacte de stabilité et de croissance, qui est commun à l’ensemble des pays de la zone euro, comporte un certain nombre de mécanismes permettant aux États de s’adapter aux circonstances exceptionnelles.

Ce pacte définit d'ailleurs lui-même ces « circonstances exceptionnelles » et prévoit un certain nombre de réponses à cette situation.

Une première forme de réponse, à laquelle notre politique budgétaire se conforme parfaitement, consiste à laisser jouer les stabilisateurs automatiques : dans l’hypothèse où ils enregistrent de moindres recettes fiscales, les États ne sont pas tenus d’augmenter les impôts pour compenser le manque à gagner. Tous nos partenaires européens ont décidé de recourir à ces stabilisateurs lors de la réunion des ministres de l’économie et des finances du mois de septembre dernier.

En outre, compte tenu des circonstances exceptionnelles que nous connaissons actuellement, les États qui disposent de certaines marges de manœuvre – ceux qui, grâce à des politiques budgétaires rigoureuses, ont ramené leur déficit public en deçà du seuil des 3 % du PIB ou présentent même une situation d’excédent budgétaire – se trouvent autorisés, et même encouragés, tant par les autres pays européens que par la Commission et par le Fonds monétaire international, qui a révisé sa position à ce sujet, à engager des dépenses pour soutenir l’investissement, notamment public, en adoptant des mesures qui, est-il précisé, doivent être « ciblées, appropriées et si possible temporaires ».

Deuxièmement, monsieur Vera, vous avez évoqué le rôle de la Banque centrale européenne.

Je voudrais simplement souligner que cette institution, durant la période de crise financière exceptionnelle que nous avons traversée, a joué son rôle de manière extrêmement responsable et efficace.

La Banque centrale européenne a ouvert à intervalles réguliers des fenêtres de liquidités au début de la crise, puis de manière quasi permanente sans que les montants soient limités, pour faciliter la liquidité de court terme au bénéfice des banques et éviter ainsi une asphyxie totale du système, en attendant que les États, notamment les États européens, puissent réamorcer les mécanismes de refinancement sur le moyen terme et le long terme.

De ce point de vue, la Banque centrale européenne a fait son travail de gestion de la liquidité.

Par ailleurs, elle joue évidemment un rôle en matière de politique monétaire. Si nous pouvons regretter, les uns et les autres, la rigueur de gestion monétaire qui fut la sienne au cours des douze derniers mois, j’observe que, depuis maintenant deux mois, elle s’est déclarée pour une baisse du taux de référence.

Ce taux a baissé aujourd’hui pour la seconde fois, puisque, suivant l’avis du Conseil des gouverneurs, elle a diminué de cinquante points de base le taux directeur.

La politique de contrôle de l’inflation ayant porté ses fruits, la Banque centrale européenne continuera – nous pouvons l’espérer – à soutenir le mouvement de croissance que nous appelons tous de nos vœux.

Troisièmement, un autre organisme, la Banque européenne d’investissement, est chargé de soutenir les grands et les petits investissements : profitant de la présidence française de l’Union européenne, le Gouvernement l’a prié de financer l’investissement des petites et moyennes entreprises.

Je lui ai ainsi demandé, avant-hier, de prévoir un certain nombre de lignes de financements, notamment dans le secteur automobile, pour soutenir la recherche et le développement dans le domaine des transports. En effet, la filière automobile subit le contrecoup à la fois de la baisse de la demande et d’une transition technologique importante.

Il est évident que les politiques visant à soutenir la croissance par l’emploi doivent être encouragées grâce à une aide apportée à l’activité économique : les moteurs que sont la consommation, l’exportation et la création de nouvelles valeurs par le biais de la recherche et du développement favorisent en effet l’activité, puis l’emploi. Le Gouvernement œuvre dans cette voie.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade.

M. Jean-Pierre Fourcade. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis que la taxe professionnelle a remplacé la patente, en 1975, et en dépit de tous les ajustements qui ont été faits depuis, tout le monde a mesuré la difficulté d’une réforme de l’assiette de cet impôt, compte tenu des conséquences en termes non seulement de transferts de charges entre secteurs économiques, mais aussi de financements des collectivités locales.

La taxe professionnelle est en effet une ressource essentielle des collectivités locales et, depuis 1992, elle constitue le socle financier de l’intercommunalité.

La réforme adoptée en 2005, en particulier le dispositif de plafonnement de la cotisation de taxe professionnelle globale à 3,5 % de la valeur ajoutée instauré à cette occasion, a montré ce qu’il était possible de faire pour répondre aux demandes des entreprises.

Le Président de la République a souhaité une nouvelle réforme de cette taxe, qui – nous le savons tous – est mal supportée par les entreprises, notamment depuis la suppression de la part salaires.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il eût mieux valu ne pas la supprimer, c’est clair !

M. Jean-Pierre Fourcade. Ne reposant que sur les valeurs foncières et les investissements, cette taxe professionnelle est très attaquée en période de basse conjoncture, mais chacun a constaté qu’en période de haute conjoncture, elle n’avait de conséquences ni sur l’emploi ni sur l’investissement.

Le groupe UMP du Sénat a, pour sa part, insisté sur la nécessité de ne pas procéder à une nouvelle réforme de cette taxe sans qu’ait eu lieu, au préalable, une évaluation chiffrée de la réforme adoptée en 2005 lors de la discussion de la loi de finances pour 2006.

Il se réjouit que, dans le projet de loi de finances pour 2009, ne soit pas prévue de modification de l’assiette de la taxe professionnelle, et il en remercie le Gouvernement.

Le dialogue doit maintenant s’engager sur la base du rapport d’évaluation de la réforme adoptée en 2005, rapport tout à fait intéressant que je vous remercie, madame la ministre, de nous avoir transmis avant-hier.

Quels enseignements en tirez-vous ? Les 3 milliards d’euros d’économie réalisés par les entreprises sur leurs cotisations ont-ils favorisé les investissements productifs ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Cela a été oublié tout de suite !

M. Jean-Pierre Fourcade. Le fait que l’État ait compensé à 95 % s’est traduit par une surcharge des compensations de l’État. Comment envisagez-vous de continuer à les assurer ?

Bref, madame le ministre, j’aimerais que vous me donniez un petit aperçu des conclusions que vous tirez de ce rapport d’évaluation, qui me paraît venir à un bon moment.

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Votre question est pertinente, monsieur le sénateur. Je remercie la Haute Assemblée d’avoir souhaité disposer de ce rapport et d’avoir largement contribué à ce qu’il constitue une étape déterminante dans le processus de réflexion engagé sur la taxe professionnelle.

J’ai donc, le 4 novembre dernier, remis un rapport dans lequel sont tirés les enseignements de la réforme engagée maintenant depuis plusieurs années et qui a commencé à produire ses effets.

En 2007, cette réforme a procuré aux entreprises un allégement de 3 milliards d’euros. En 2008, c’est probablement d’un allègement de 3,7 milliards d’euros qu’elles bénéficieront.

Le nombre des entreprises ayant profité du plafonnement de la taxe professionnelle a augmenté de 41 %, passant de 210 000 à près de 305 000. Par ailleurs, aucun secteur d’activité n’a vu sa charge de taxe professionnelle augmenter du fait de cette réforme, dont les principaux bénéficiaires sont les secteurs les plus contributifs en taxe professionnelle. De ce plafonnement n’est donc résultée aucune distorsion.

Cependant, il ressort également de ce rapport que l’État prend toujours à sa charge plus de 90 % des dégrèvements à raison du plafonnement en fonction de la valeur ajoutée tel qu’il a été mis en œuvre depuis la loi de finances pour 2006, soit près de 7,9 milliards d’euros sur les 8,5 milliards d’euros de coûts du plafonnement pour 2007.

La réforme adoptée en 2005 n’a pas empêché le poids de la taxe professionnelle de s’alourdir – elle a augmenté très sensiblement, de 18 %, entre 2003 et 2008 –, ce qui a évidemment suscité les récriminations d’un certain nombre d’entreprises ; vous y avez fait allusion.

Ce rapport paraît à point nommé, puisqu’il nous permet de tirer un certain nombre d’enseignements de la réforme initiée aux termes de la loi de finances pour 2006.

À la suite de l’annonce faite par le Président de la République, le Gouvernement met la dernière touche à une mesure législative qui permettra l’exonération permanente de taxe professionnelle sur tous les investissements réalisés par les entreprises du 23 octobre 2008 jusqu’au 31 décembre 2009.

J’estime que, outre ses conséquences en termes de fiscalité pure, cette mesure tombe à pic d’un point de vue économique, puisqu’elle porte sur un secteur qui doit être encouragé, l’investissement des entreprises.

On dit trop peu que l’investissement des entreprises a, au cours des trois dernières années, été le moteur de la croissance. Il ne faut surtout pas laisser ce moteur se gripper : nous avons redouté en effet que les incertitudes et les effets d’annonces quant au sort de la taxe professionnelle ne conduisent certaines entreprises à geler leurs programmes d’investissements. La mesure d’exonération qui a été annoncée et qui sera mise en œuvre par la voie législative permettra de dégeler ces programmes éventuels.

Cette exonération s’effectuera par voie de dégrèvement et s’appliquera sur la totalité des investissements, quel que soit le mode d’amortissement retenu.

Enfin, nous avions commencé à réfléchir à cette réforme dans le cadre de la révision générale des prélèvements obligatoires, mais nous en avons retardé la mise en œuvre pour tenir compte du calendrier souhaité – c’est-à-dire tirer les enseignements dans un rapport, puis mettre en œuvre une mesure d’urgence, enfin, mettre en place une réforme de long terme. Nous souhaitons, bien entendu, nourrir cette réflexion des conclusions de la commission Balladur sur les différents niveaux de collectivités locales et leurs rapports.

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Angels.

M. Bernard Angels. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, si le Gouvernement vient enfin de tirer les conséquences de la révision des hypothèses économiques quant aux perspectives trisannuelles des finances publiques, il n’en reste pas moins qu’il persiste à se focaliser sur la maîtrise des dépenses publiques.

Or il devra faire face à des besoins pressants de dépenses du fait de la crise économique, dépenses qu’il ne pourra pas financer essentiellement par des redéploiements.

Pourtant, il déclare ne pas vouloir creuser davantage le déficit public. Le seul moyen qu’il lui reste pour éviter une grave crise sociale serait de revoir la structure des recettes.

Or il reste accroché au bouclier fiscal. Je n’insisterai pas sur le caractère injuste de ce dernier. Vous connaissez notre position, madame, monsieur le ministre.

Au reste, ce bouclier fiscal ne devait-il pas être, sinon l’arme absolue, du moins l’instrument indispensable destiné à éviter les évasions de capitaux et faire revenir les émigrés fiscaux ?

Qu’en est-il de l’évaluation qui devait être faite de son efficacité ? Pouvez-vous nous donner le volume de capitaux dont, depuis son instauration, il a permis le retour ?

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Christine Lagarde, ministre. Le bouclier fiscal devait constituer – nous l’espérons toujours – une mesure de partenariat raisonnable entre le contribuable et l’État – 50 % est une juste contribution – et se révéler une mesure incitative grâce à laquelle les contribuables largement imposés resteraient sur le territoire français ou y reviendraient.

Je ne dispose pas de chiffres précis concernant ces derniers et il ne m’appartient pas d’ailleurs de vous les communiquer. La commission des finances est, elle, en mesure de mener un tel travail d’investigation et de vérification.

S’agissant du bouclier fiscal, nous devons éviter l’anathème et les idées reçues : l’immense majorité de ses bénéficiaires sont des contribuables qui disposent de peu de revenus mais qui, en ayant réussi à acheter leur domicile et en ayant économisé, se sont constitué un patrimoine et se trouvent, du fait d’un certain nombre de valorisations, notamment de l’immobilier, soumis à une imposition excédant largement 50 % de leurs revenus.

Ne vilipendons pas les bénéficiaires du bouclier fiscal au nom d’une quelconque idéologie et souvenons-nous toujours que, dans leur immense majorité, ce sont de petits propriétaires, de petits retraités, qui ainsi peuvent obtenir la restitution d’une partie de l’imposition qu’ils ont payée au-delà de 50 % de leurs revenus !

Certes, il est possible de s’appesantir, comme l’a fait la presse, sur le sort de tel ou tel contribuable à très hauts revenus, qui a obtenu une restitution d’impôt, mais il faut noter que, s’il y a une forte restitution d’impôt, c’est qu’il y a eu une grosse contribution !

Enfin, puisque, derrière le bouclier fiscal, c’est souvent l’ISF qui est visé, je rappelle que ce dernier a fortement contribué au financement de l’économie française : en effet, son fléchage vers les petites et moyennes entreprises a permis d’orienter vers elles plus d’un milliard d’euros.

Mme la présidente. La parole est à Mme Anne-Marie Payet.

Mme Anne-Marie Payet. Le projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012 vise à assainir les comptes publics dans leur ensemble, ce qui suppose, en particulier, d’assainir les comptes sociaux. C’est sur ces derniers que portera ma question.

Dans son premier rapport d’information du 10 mai 2006, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale du Sénat soulignait à quel point les contours de la dette sociale étaient mal définis.

Ce rapport révélait que la dette sociale réelle comprenait quatre composantes qu’il fallait prendre en compte : une dette « identifiée », assumée par la Caisse d’amortissement de la dette sociale, ou CADES, une dette « reniée », celle du Fonds de solidarité vieillesse, le FSV, et du Fonds de financement des prestations sociales des non-salariés agricoles, le FFIPSA, une dette « cachée », celle de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale, et enfin une dette « virtuelle », correspondant au déficit tendanciel des régimes de base.

Un tel éclatement était naturellement peu propice à un apurement efficace de la dette sociale. Depuis, il faut bien constater qu’un énorme effort a été accompli pour rendre plus lisible la répartition de cette dette.

La dette « virtuelle » est contrecarrée par les mesures adoptées dans les derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale. Grâce aux mesures prises, les déficits des régimes de base ont cessé de déraper. Le PLFSS pour 2009 élimine la dette dite « reniée » en transférant respectivement celle du FSV à la CADES et celle du FFIPSA à l’État. Enfin, le Gouvernement a apuré la dette « cachée » que l’État avait accumulée vis-à-vis de la sécurité sociale jusqu’en 2006.

Cependant, cette dernière dette est en train de se reconstituer pour les exercices 2007 et 2008. Elle est aujourd’hui évaluée à 3,5 milliards pour le régime général et 1,3 milliard pour les autres régimes.

Ma question est donc la suivante : la dette de l’État vis-à-vis des organismes de sécurité sociale est-elle prise en compte par la présente loi de programmation et, si oui, comment comptez-vous en venir à bout ?