Article 1er
Dossier législatif : projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2009 à 2012
Article 3

Article 2

La programmation des finances publiques s'inscrit dans le cadre des engagements européens de la France. Elle s'établit comme suit :

1° Évolution du solde des administrations publiques :

 

(En points de PIB)

 

 

2008

2009

2010

2011

2012

 

Solde des administrations publiques

-2,7 %

-2,7 %

-2,0 %

-1,2 %

-0,5 %

 

dont solde de l'État

-2,4 %

-2,4 %

-2,0 %

-1,6 %

-1,2 %

 

dont solde des organismes divers d'administrations centrales

0,0 %

0,2 %

0,2 %

0,2 %

0,3 %

 

dont solde des administrations de sécurité sociale

0,0 %

-0,1 %

0,0 %

0,2 %

0,3 %

 

dont solde des administrations publiques locales

-0,3 %

-0,3 %

-0,2 %

-0,1 %

0,0 %

;

2° Évolution de la dette publique :

 

(En points de PIB)

 

 

2008

2009

2010

2011

2012

 

Dette des administrations publiques

65,3 %

66,0 %

65,3 %

63,9 %

61,8 %

 

Mme la présidente. Je suis saisie de cinq amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 11, présenté par Mme Beaufils, MM. Foucaud, Vera et les membres du groupe Communiste Républicain et Citoyen, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

La parole est à M. Thierry Foucaud.

M. Thierry Foucaud. L’article 2 est, en quelque sorte, la « boussole » du projet de loi de programmation. Il fixe un cadre chiffré, mais ce cadre présente deux difficultés.

Premièrement, nous l’avons déjà souligné, il se fonde sur des hypothèses économiques irréalistes, que le Gouvernement vient d'ailleurs tout juste de modifier. Dans la foulée des conclusions des travaux européens, vous admettez que nous connaîtrons une faible croissance en 2009.

Cependant, cette faible croissance a un redoutable effet de ciseaux, comme l’a montré avec netteté la discussion du dernier collectif budgétaire. Elle induit, d’une part, une perte de recettes fiscales non négligeable et, d’autre part, une progression sensible des dépenses, notamment sur le poste critique du service de la dette.

Dans ce collectif, vous aviez masqué derrière l’appel à la solidarité nationale pour les banquiers et les opérateurs financiers – une quête subite de 360 milliards d’euros, rappelons-le – les 4 milliards d’euros perdus sur le front de la dette ou les 7 milliards d’euros perdus sur les recettes fiscales.

Deuxièmement, ainsi que la commission des finances s’est empressée de le souligner à juste titre,…

M. Philippe Marini, rapporteur général. Ah !

M. Thierry Foucaud. … votre objectif de programmation associe étroitement les collectivités territoriales et les organismes de protection sociale aux contraintes de réduction des déficits. Vous méconnaissez ainsi à la fois le principe constitutionnel de libre administration des collectivités locales et le caractère particulier des lois de financement de la sécurité sociale.

Pour ce qui est de la libre administration des collectivités locales, on peut évidemment se reporter à l’article 72-2 de la Constitution. À quoi cela a-t-il servi, dans ces conditions, de voter il n’y a pas si longtemps, une organisation décentralisée de la République ?

Pour ce qui est de la sécurité sociale, rien dans la lettre de l’article 34 ne nous paraît devoir justifier la forme de partenariat obligé que tend à mettre en place l’article 2.

À moins que certains partisans de la révision constitutionnelle de cet été n’aient oublié de penser que leur adhésion emportait la pratique récurrente de l’austérité budgétaire dans tous les domaines, qu’il s’agisse de l’État, de leur commune ou de leur département, ou encore des moyens de l’hôpital public dont ils président le conseil d’administration…

Nous refusons clairement cette forme de standardisation de la dépense publique.

Mme la présidente. L'amendement n° 1, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Compléter la seconde phrase du premier alinéa de cet article par les mots :

«, Sous réserve que les hypothèses économiques du rapport annexé à la présente loi soient confirmées »

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Il s’agit d’un amendement de précision, car les objectifs de cette trajectoire sont évidemment liés aux hypothèses économiques qui les sous-tendent.

Les indications qui nous ont été données ce matin quant à la prise en compte d’hypothèses économiques mieux ajustées à la situation d’aujourd’hui viennent, me semble-t-il, appuyer le raisonnement de la commission.

M. le président. L'amendement n° 26, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du 1° de cet article :

           

 

(En points de PIB)

 

 

2008

2009

2010

2011

2012

 

Solde des administrations publiques

-2,9

-3,1

-2,7

-1,9

-1,2

 

dont solde de l'État

-2,5

-2,7

-2,4

-2,0

-1,6

 

dont solde des organismes divers d'administrations centrales

0,0

0,2

0,1

0,2

0,3

 

dont solde des administrations de sécurité sociale

0,0

-0,3

-0,2

0,0

0,1

 

dont solde des administrations publiques locales

-0,3

-0,3

-0,2

-0,1

0,0

;

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Il convient de tenir compte des modifications qui ont été apportées à nos prévisions. Par cet amendement, nous révisons la trajectoire de solde et nous l’inscrivons très concrètement dans le projet de loi. J’en ai exposé les motifs dans la discussion générale ; je n’y reviens pas.

Mme la présidente. L'amendement n° 2, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer les deuxième à dernière lignes du tableau constituant le second alinéa du 1° de cet article.

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour des raisons que j’ai développées dans la discussion générale, la commission considère qu’il convient de se focaliser sur les données globales, en particulier sur le solde global.

Demander au Parlement de s’engager par un vote sur les soldes ligne par ligne, s’agissant en particulier des collectivités territoriales, nous pose un problème, notamment au regard de l’article 72 de la Constitution, qui pose le principe d’autonomie des collectivités territoriales. Il me paraît préférable d’en rester à une expression globale de la trajectoire, ce qui n’empêcherait pas le Gouvernement, lorsqu’il donne des explications, par exemple à la commission, de faire état des distinctions qui lui semblent pertinentes ou de son analyse du solde global.

En tout état de cause, il nous paraît difficile de souscrire par un vote à la décomposition du solde.

Mme la présidente. L'amendement n° 27, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :

Rédiger comme suit le tableau constituant le second alinéa du 2° de cet article :

 

(En points de PIB)

 

2008

2009

2010

2011

2012

Dette des administrations publiques

66,2

67,9

68,1

67,2

65,6

La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Il s’agit encore de l’actualisation des prévisions, cette fois pour ce qui concerne la trajectoire de la dette publique.

Elle prend en compte, d’une part, les prévisions macroéconomiques rectifiées et, d’autre part, la création de la Société de prises de participation de l'État, sachant qu’il existe évidemment un actif correspondant aux achats de titres.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Sur l’amendement n° 11, la commission donne évidemment un avis défavorable puisque, si l’on renonce à faire apparaître une trajectoire dans une loi de programmation triennale, on voit mal ce qui peut rester de sa substance.

S’agissant de l’amendement nos 26, nous y sommes favorables, sous réserve d’une rectification qui rendrait sa rédaction compatible avec notre propre amendement n° 2.

Enfin, la commission émet un avis favorable sur l’amendement n° 27.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Sur l’amendement n° 11, le Gouvernement émet le même avis défavorable que la commission.

Pour ce qui est de l’amendement n° 1, on peut évidemment indiquer – pourquoi pas ? – que la programmation s’établit sous réserve que soient confirmées les hypothèses économiques qui sous-tendent la programmation. Cela étant, dès lors que les hypothèses économiques ont été révisées, je pensais qu’une telle précision n’était pas nécessaire. Autrement dit, je croyais que la révision valait satisfaction de l’amendement.

Mme Nicole Bricq. Non, car ce n’est pas fini !

M. Éric Woerth, ministre. Quoi qu’il en soit, cet amendement ne me choque pas et je m’en remets à la sagesse du Sénat.

En revanche, je ne suis pas du tout favorable à l’amendement n° 2.

Tout en comprenant bien l’argumentation que vous avez développée, monsieur le rapporteur général, je maintiens que la décomposition des soldes est très importante. En effet, à partir du moment où il existe un projet de loi de programmation des finances publiques et où nos finances publiques font l’objet d’un examen détaillé, notamment à Bruxelles, afin de déterminer qui concourt à quoi, nous sommes tenus à un affichage précis s’agissant de l'État, des organismes divers d’administration centrale, de la sécurité sociale et des collectivités locales.

Votre vote sur le solde ainsi décomposé ne constitue pas un engagement. Cette décomposition permet au moins qu’on débatte des différents soldes indiqués, et vous pourriez, le cas échéant, contester la répartition même des soldes. Elle offre aussi au Gouvernement la possibilité de vous communiquer des informations plus détaillées.

Il serait surprenant d’envoyer à Bruxelles, même à titre d’information, des éléments détaillés sur lesquels le Parlement ne se serait pas prononcé. Ce serait presque une atteinte à l’intégrité du projet de loi en lui-même.

Qui peut le plus peut le moins, et nous devons absolument détailler cette trajectoire.

Certes, ce sont des prévisions et, en tant que telles, elles sont toujours soumises à des incertitudes. C’est le principe même de la prévision et de tout vote budgétaire. Mais la force du projet de loi réside aussi dans cette segmentation, qui permet d’expliquer la programmation des finances publiques.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 11.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 1.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste, qui a voté cet amendement en commission, confirmera son vote.

En effet, en dépit de l’objection formulée par M. le ministre, qui a conduit ce dernier à s’en remettre à la sagesse du Sénat, nous pensons que la révision opérée aujourd'hui par le Gouvernement en appellera d’autres. Par définition, une hypothèse peut toujours voir une nouvelle hypothèse se substituer à elle.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1.

(L'amendement est adopté.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote sur l'amendement n° 26.

Mme Nicole Bricq. Madame la présidente, mon explication de vote vaudra pour la quasi-totalité des amendements présentés par le Gouvernement.

Cet amendement tient compte de la révision qui a été indiquée ce matin, mais il ne change pas à nos yeux le fond du texte.

Nous voterons donc contre, comme nous le ferons pour les amendements suivants du Gouvernement.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Pour plus de clarté, je souhaite transformer l’amendement n° 2 de la commission en sous-amendement à l’amendement n° 26 du Gouvernement.

Mme la présidente. Je suis donc saisie d’un sous-amendement n° 2 rectifié, présenté par M. Marini, au nom de la commission des finances, et ainsi libellé :

Supprimer les deuxième à dernière lignes du tableau constituant le second alinéa de l'amendement n° 26 du Gouvernement.

Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Éric Woerth, ministre. Par principe, le Gouvernement ne peut pas être favorable à ce sous-amendement.

En effet, il faut afficher les choses telles qu’elles sont et le Parlement ne peut pas regretter d’avoir une information complète.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur général.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Monsieur le ministre, la question qui se pose ici, au fond, est celle du statut d’une loi de programmation.

C’est une information, dites-vous. Certes, mais c’est plus qu’une information puisqu’elle donne lieu à un vote de notre part. C’est donc une information qui traduit un accord politique, un engagement de volonté.

Or sommes-nous en mesure de nous engager sur les objectifs ? Si nous pouvons à l’évidence le faire au regard de l’objectif global, pouvons-nous nous engager au sujet de la répartition de l’effort entre les trois sous-ensembles que constituent l’État et les organismes divers d’administration centrale, la sécurité sociale et les collectivités locales, pour parvenir aux objectifs de soldes en fin de période ?

M. Philippe Marini, rapporteur général. Je ne m’étendrai pas trop longtemps sur ce point ; il suffit de se référer au passage du rapport écrit dans lequel je crois avoir montré que la part de trajectoire qui est considérée comme faisable par l’ensemble des collectivités territoriales, je le dis en toute simplicité, n’est pas réaliste. De ce fait, il est difficile pour le Sénat de donner son accord à une trajectoire qui attribue aux collectivités territoriales une part exagérée de l’effort total. (Mme Nicole Bricq acquiesce.)

Il nous est d’autant plus difficile d’y souscrire qu’il y a, d’un côté, des dépenses publiques centralisées et, de l’autre côté, des dépenses publiques décentralisées. S’agissant des premières, l’État peut poser une norme et s’engager à la faire respecter, comme pour ses propres comptes et ceux de ses démembrements directs, ainsi que pour les régimes obligatoires de base de la sécurité sociale. Mais il ne le peut pas dès lors qu’il s’agit de dépenses décentralisées. Et, à cet égard, les collectivités territoriales ne sont pas seules concernées : l’évolution du régime de l’assurance chômage résulte d’accords partenariaux, qui ne peuvent pas être « prescrits » comme les décisions portant sur des dépenses publiques centralisées.

Quant aux collectivités territoriales, comme nous étions plusieurs à l’indiquer tout à l’heure, leurs dépenses résultent de la somme d’innombrables décisions décentralisées sur lesquelles le Gouvernement – pas plus que le Parlement, d'ailleurs – n’a pas la capacité d’imposer une toise.

Pour toutes ces raisons, sans contester ni le bien-fondé de la trajectoire ni l’objectif de solde global, il paraît difficile, en particulier au Sénat, d’entériner par un vote la répartition de l’effort.

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-France Beaufils, pour explication de vote.

Mme Marie-France Beaufils. En commission des finances, j’avais donné mon accord sur l’amendement n° 2, transformé en sous-amendement n° 2 rectifié.

En effet, je partage les propos que vient de tenir M. le rapporteur général. Les questions qui ont été posées précédemment montrent que l’on ne peut fixer une exigence ainsi cadrée aux collectivités territoriales, comme le propose le Gouvernement.

Alors qu’elles sont déjà confrontées à un certain nombre de dépenses obligatoires qu’elles ne peuvent absolument pas maîtriser, leur imposer un cadre aussi contraignant les mettrait dans une situation où elles ne seraient pas en capacité d’assumer les responsabilités qu’elles ont à l’égard de leurs électeurs ; or ce sont tout de même ces derniers, et non pas le Gouvernement, qui ont décidé de leur orientation.

Mme la présidente. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Le groupe socialiste ne reniera pas le vote qu’il a émis en commission des finances sur l’amendement du rapporteur général, transformé en sous-amendement n° 2 rectifié.

L’effort que le Gouvernement demande aux collectivités locales dans sa trajectoire est disproportionné, nous en sommes tous d’accord.

Je prendrai seulement l’exemple des passeports biométriques, dont le coût, tant en personnel qu’en matériel, est très lourd : il s’agit bien d’une décision prise par le Gouvernement et imposant une dépense obligatoire aux collectivités locales, qui n’avaient rien demandé.

Il faut donc que le Sénat vote ce sous-amendement avec la même unanimité que celle à laquelle il a donné lieu en commission des finances.

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Houel, pour explication de vote.

M. Michel Houel. Je reviens sur le problème des passeports que vient d’évoquer ma collègue Nicole Bricq.

Il est évident, monsieur le ministre, que les 3 200 euros proposés aux communes sont nettement insuffisants. Dans mon département, la Seine-et-Marne, vingt-neuf communes supporteront cette charge. Nous sommes prêts à assumer cette nouvelle responsabilité, mais elle entraîne malgré tout quelques difficultés financières.

Dans ma commune, qui compte 4 500 habitants, 213 passeports ont été réalisés à ce jour. Faites le calcul : à la fin de l’année, nous serons loin du compte !

Il faudra donc peut-être revoir les sommes attribuées à ce titre aux communes.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Fourcade, pour explication de vote.

M. Jean-Pierre Fourcade. Monsieur le ministre, je suis navré de vous dire que le groupe UMP votera en faveur du sous-amendement de la commission des finances, et ce pour deux raisons.

Premièrement, nous ne pouvons pas, dans le cadre d’un projet de loi de programmation des finances publiques, prendre un engagement collectif de cette nature sans avoir consulté l’ensemble des organisations représentatives et sans avoir passé en revue avec elles la totalité de leurs problèmes de financement.

Deuxièmement, une telle disposition est contradictoire avec la réforme de la Constitution que nous avons adoptée il y a quelques années et qui a nettement affirmé l’autonomie des collectivités territoriales.

Pour ce qui de Bruxelles – nous irons d’ailleurs vérifier par nous-mêmes comment les choses se passent avec les organismes qui y jugent nos comptes –, il est clair que ce qui intéresse la Commission, c’est le solde de l’État et des administrations qui lui sont rattachées. Pour le reste, monsieur le ministre, il vous sera facile de dire qu’un effort est réalisé au niveau des collectivités territoriales pour parvenir à une baisse.

Je rappelle que, pendant plusieurs années, nous sommes arrivés aux 3 % grâce à l’effet positif qu’ont eu sur l’ensemble des comptes publics ceux des collectivités territoriales, qui s’en sont tenues à une augmentation de 0,3 %. Tant mieux ! Nous essaierons d’en faire autant, mais nous ne pouvons prendre un tel engagement dans un texte de cette nature.

M. Philippe Marini, rapporteur général. Évidemment !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, il me semble que l’on touche là une des limites de l’exercice auquel vous nous conviez.

Nous avons souscrit à cet exercice et la plupart d’entre nous sommes conscients de la nécessité de réduire nos déficits publics, de maîtriser les dépenses publiques.

L’État a engagé une révision générale des politiques publiques. Les élus territoriaux vont devoir, eux aussi, s’atteler à une révision générale des politiques publiques locales.

Ce qui nous met dans l’embarras, à propos de ce tableau, c’est qu’il tend à ne donner qu’une force légale toute relative à la trajectoire qu’il dessine. Le seul exercice normatif ayant une portée juridique est le vote des lois de finances, initiales ou rectificatives. Ici, il s’agit d’indications.

En écartant les deuxième, troisième, quatrième et cinquième lignes de ce tableau, nous sommes suspects, à n’en point douter, d’être approximatifs, car accepter la première ligne, c’est prendre un engagement pour l’ensemble des gestionnaires publics.

Quand on commence à analyser – première ligne pour l’État, deuxième ligne pour les organismes divers d’administrations centrales, troisième ligne pour la protection sociale, quatrième ligne pour les collectivités locales –, on se rend compte objectivement qu’on ne peut pas aller beaucoup plus loin.

Il ne faudrait pas, monsieur le ministre, que vous vous mépreniez sur l’intention qui nous a conduits à rédiger ce sous-amendement approuvé par tous les membres de la commission des finances. Nous sommes très conscients de l’ampleur de la tâche qui reste à accomplir. C’est vrai au niveau de l’État ; c’est vrai au niveau des collectivités territoriales.

Il faudrait que le Gouvernement cesse de procéder ainsi par voie législative. Mais, me direz-vous, c’est le Parlement qui vote et il n’est jamais obligé d’adopter les normes proposées dans un projet de loi.

Mes chers collègues, ces dernières années, nous avons voté quelques-unes de ces normes dont nous avons certainement sous-estimé la faisabilité financière. Soyons désormais résolus de ne légiférer que d’une main tremblante.

Il y a des normes qui sont réglementaires. Là encore, le Gouvernement devrait être attentif au fait que nombre de ces normes risquent de nous conduire à être tentés d’adopter une loi de type « Grenelle », au niveau des intentions ! Quand il faudra en tirer les conséquences sur le plan budgétaire, nous serons pris dans une sorte de schizophrénie.

L’exercice auquel nous procédons aujourd'hui avec ce projet de loi de programmation des finances publiques est une première. C’est un engagement collectif.

Conscients du caractère très relatif de la faisabilité de certains de ces engagements, nous préférons nous en tenir à la première ligne du tableau proposé.

Quoi qu’il en soit, monsieur le ministre, ne vous méprenez ni sur notre intention fondamentale ni sur la volonté qui nous anime.

M. Alain Gournac. Sur le fond, nous sommes d’accord !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Nous serons à vos côtés pour tendre vers l’équilibre des finances publiques.

M. Alain Gournac. Tout à fait !

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Éric Woerth, ministre. Monsieur le président de la commission des finances, permettez-moi en toute amitié de vous dire que je me « méprends » tout de même un peu ! (Sourires.)

Vous avez beaucoup poussé pour qu’il y ait une loi de programmation. Il aurait pu ne pas y en avoir, nous aurions pu continuer à tenir de simples débats d’orientation budgétaire, de les étendre sur plusieurs années, d’envoyer des documents à Bruxelles, etc.

Mme Nicole Bricq. C’est dans la Constitution !

M. Éric Woerth, ministre. Certes, mais c’est parce qu’on a souhaité l’y inscrire !

Cet outil est donc extrêmement important. C’est un outil de gestion des finances publiques, et les finances publiques forment un tout : ce n’est pas uniquement celles de l’État, ce sont aussi celles des collectivités locales.

Évidemment, il existe des degrés de pilotage très différents. Le degré de pilotage de l’État est total puisque la responsabilité des décisions de gestion lui incombe entièrement et à lui uniquement ; ça fonctionne ou ça ne fonctionne pas, mais on sait qui est responsable. En ce qui concerne les collectivités, la responsabilité est « fractionnée ». Néanmoins, il existe une vision collective des finances locales. Certes, personne ne prend de décisions sur le plan collectif, mais chacun participe à une microdécision. Il reste qu’il en ressort un solde global, faisant apparaître un besoin de financement de l’ensemble des collectivités territoriales.

La gestion des finances locales est donc également « pilotable ». Le Parlement, tout particulièrement le Sénat, peut émettre des souhaits et décider de définir des orientations à l’égard des collectivités, lesquelles orientations porteront peut-être, au fil du temps, des fruits.

Pourquoi vouloir presque dénaturer ou affaiblir l’exercice de programmation des finances publiques ? Je sais parfaitement que la dernière ligne, qui concerne les collectivités, figure à titre indicatif dans le tableau, car nous n’avons pas les moyens d’imposer une gestion aux collectivités. Mais tout budget est par principe indicatif puisqu’il doit encore être exécuté après avoir été décidé !

Dans cette ventilation, l’essentiel de l’effort est réalisé par l’État : 0,9 point de PIB entre 2008 et 2012, contre 0,3 point pour les collectivités. Pourtant, le budget de l’État n’est pas trois fois plus important que celui de l’ensemble des collectivités ! La participation de l’État est donc marquée, ce qui est d’ailleurs normal dans la mesure où il porte la plus grande part du déficit.

Par ailleurs, historiquement, les collectivités ont souvent été en excédent. À une époque, elles n’avaient même pas besoin de financement. Les objectifs affichés aujourd'hui me semblent par conséquent réalistes.

Vouloir mettre tout le monde « dans le même sac » est aussi un peu déresponsabilisant parce que, affichant seulement une projection globale, vous supprimez des objectifs qui sont « pilotables », soit ceux de l’État et de la sécurité sociale, tout simplement parce que vous souhaitez annuler ceux qui sont afférents aux collectivités locales. Laissez au moins ceux qui relèvent de l’État ! Simplement, la ligne n’apparaîtra pas ; mais on pourra toujours la déduire du reste ! Ou alors, si vous ne voulez ne pas avoir l’impression de donner des instructions aux collectivités, de manière à manifester leur indépendance, indiquez que cette cinquième ligne figure à titre indicatif.

Quoi qu’il en soit, les finances publiques sont un tout et nous sommes jugés, comme les autres États, sur ce tout.

Le fait de pouvoir voter sur des objectifs segmentés ne remet en cause l’indépendance de personne. Certes, le pilotage n’est pas le même pour tous, mais l’objectif doit être au moins transparent pour les uns et pour les autres. N’empêchez pas l’État et la sécurité sociale d’avoir leurs objectifs !

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des finances.

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Monsieur le ministre, dans ce cas, il faudrait supprimer les première et cinquième lignes et ne garder que l’État, les organismes divers d’administrations centrales et les administrations de sécurité sociale.

Si l’on a des doutes sur la dernière ligne et si l’on fait l’hypothèse que les deuxième, troisième et quatrième lignes sont sincères, cela signifie que la première ligne est erronée !

Monsieur le ministre, Bruxelles n’a jamais dû se faire beaucoup d’illusions sur les programmes de stabilité que la France lui a régulièrement transmis. (Sourires.)

Mme Nathalie Goulet. Et qu’elle a violés !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. Tous faisaient apparaître à échéance de trois ans le retour à l’équilibre...

M. Philippe Marini, rapporteur général. La différence est que nous ne les avons jamais votés !

M. Jean Arthuis, président de la commission des finances. C’est vrai !

Pour atteindre cet objectif, il faudra que, tous ensemble, nous manifestions encore plus de courage et de détermination dans l’engagement d’un certain nombre de réformes structurelles. Il me semble que nous ne sommes pas encore parvenus à ce stade.

Ce sont des objectifs généraux. Il est déjà bien que nous nous engagions sur la première ligne. Nous ne dissimulons pas notre doute sur la faisabilité des objectifs apparaissant sur la cinquième ligne.